N° 213

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 septembre 2017

RAPPORT  DINFORMATION

DÉPOSÉ

en application de larticle 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur la couverture numérique du territoire

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Laure de la RAUDIЀRE et M. Éric BOTHOREL,

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

Synthèse du rapport

100 % des français doivent avoir accÈs au rÉseau en fibre optique

Combler définitivement le fossé entre le déploiement mobile et les attentes des citoyens

Synthèse des propositions

introduction

PREMIÈRE PARTIE : État des lieux

I. La couverture numérique fixe

A. De quoi parle-t-on ?

1. Les technologies et les terminologies

a. La mesure du débit internet

b. Les technologies filaires

c. Les technologies hertziennes et satellitaires

i. Le réseau satellitaire HD et THD

ii. La boucle locale radio et le développement du THD radio

iii. La 4G fixe

2. Les acteurs

a. Les acteurs publics

b. Les opérateurs de télécommunications

i. Les opérateurs commerciaux denvergure nationale (OCEN)

ii. Les opérateurs commerciaux denvergure régionale (OCER)

3. La situation en septembre 2017

B. Le Plan France Très Haut Débit et son ambition initiale

1. Les trois zones de déploiement du très haut débit et leur financement

2. 100 % de très haut débit en 2022, mais quel très haut débit ?

a. Le très haut débit nest pas équivalent à la fibre jusquà labonné

b. Plusieurs risques menacent la tenue de léchéance de 2022

3. Les réseaux dinitiative publique face au spectre de la balkanisation

II. La couverture numérique mobile

A. De quoi parle-t-on ?

1. Les technologies et les terminologies

2. Les acteurs

a. Les acteurs publics

b. Les opérateurs de télécommunications

3. La situation en septembre 2017

B. Les engagements des opérateurs face à la réalité des déploiements

1. Les déploiements actuels satisfont les échéances contractuelles des opérateurs

2. La couverture mobile nest toutefois pas encore satisfaisante partout en France

Seconde PARTIE : Réaffirmer une ambition d’Égalité d’accès pour 100 % des français

I. Déployer la fibre optique sur 100 % du territoire français

A. Les usages domestiques et professionnels d’internet continuent de s’accentuer

1. Le besoin de débit augmente chaque année

2. Des activités professionnelles en pleine transition numérique

B. De nouvelles stratÉgies de dÉploiement potentiellement conflictuelles

1. La nouvelle stratégie de lÉtat

a. Une nouvelle bouée de passage : le « bon débit pour tous » en 2020

b. Lexigence dune couverture intégrale en très haut débit est réaffirmée

2. La nouvelle stratégie des collectivités territoriales

3. Les nouvelles stratégies des opérateurs

C. Lobjectif de 100 % du territoire français couvert par la fibre optique ne doit pas être perdu de vue

1. Garantir la transition technologique vers la fibre optique

2. Ajuster les équilibres du plan FTHD

3. Préserver les réseaux publics de la concurrence par les infrastructures

4. Assurer la transparence des déploiements

II. Combler définitivement le fossé entre le déploiement mobile et les attentes des citoyens

A. Les USAGES mobiles sont en forte expansion

B. la couverture mesurÉe et la couverture ressentie

1. Les indicateurs de mesure sont insuffisants

2. Le développement des cartes de couverture doit être encouragé

C. la nécessaire mise à niveau des engagements contractuels des opérateurs

1. Muscler les engagements des opérateurs

a. Sur les échéances de déploiement

b. Sur la qualité de service

2. … en échange de contreparties équilibrées

a. La contrepartie financière : la révision du prix des licences dutilisation de certaines bandes de fréquences

b. La contrepartie fiscale : le plafonnement de limposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux

c. La contrepartie réglementaire : la simplification

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs


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   Synthèse du rapport

L’accès au très haut débit fixe et mobile est devenu une des toutes premières préoccupations des Français, témoignant ainsi combien l’usage du numérique est devenu essentiel dans chaque foyer. Ce rapport rappelle l’impératif d’une égalité d’accès aux réseaux qu’ils soient fixes ou mobiles. Il a d’abord l’ambition d’être un guide pédagogique, puis d’exprimer la position des parlementaires de la commission des affaires économiques, dans un contexte de fortes turbulences des relations entre tous les acteurs, publics comme privés, responsables de réseaux de communications électroniques.

Lorsque les réseaux fixes et mobiles n’offrent pas le même niveau de service partout, la fracture numérique devient une fracture d’accès aux services et se transforme en une inégalité incompréhensible et insupportable pour les citoyens.

100 % des français doivent avoir accÈs au rÉseau en fibre optique

À mesure que les performances de connexion augmentent, les besoins des particuliers augmentent également. Cette dynamique se confirme ces dernières années : l’arrivée du très haut débit a amplifié les usages liés à la vidéo sur internet, à la consommation de musique en streaming ou encore à l’utilisation de services en ligne (banques et assurances, achats en ligne, accès aux services publics). En outre, la transition numérique de nombreuses très petites, petites et moyennes entreprises dépend d’infrastructures efficaces et d’offres professionnelles de connectivité à coût abordable. Les rapporteurs souhaitent, sur ce dernier point, qu’une mission complémentaire à celle qu’ils ont menée puisse approfondir les mesures à mettre en œuvre pour que les entreprises traditionnelles puissent tirer bénéfice de la révolution numérique en cours.

Dans ce contexte d’augmentation des besoins numériques, le plan France Très Haut Débit (FTHD), lancé en 2013, se situe aujourd’hui à un moment charnière. Tandis que la nouvelle stratégie de l’État comporte désormais l’objectif d’apporter à l’intégralité de la population française un débit au moins égal à 8 Mbit/s fin 2020, la question de l’achèvement du réseau en fibre optique à l’horizon de 2025 continue de se poser.

En effet, si la fibre optique doit être disponible dans l’ensemble des foyers situés en zone dense à l’horizon 2020, objectif qu’il conviendra de confirmer étant donné les efforts qu’il reste à accomplir par les acteurs privés dans la zone conventionnée, de nombreux foyers situés en zones rurales, insulaires et de montagne n’auront, à court terme, accès qu’à des améliorations de débit sur le réseau cuivre ou à un « mix technologique » incluant des technologies d’accès au très haut débit bien moins performantes que la fibre optique : montée en débit sur le cuivre, satellite, boucle locale radio, 4G fixe. L’accès au très haut débit pour l’ensemble des Français, prévu pour 2022, n’est donc pas synonyme d’accès à la fibre optique pour tous.

Dans ce rapport, Mme Laure de La Raudière et M. Éric Bothorel mettent en avant le risque que ces solutions technologiques transitoires ne finissent par devenir une réalité pérenne pour une partie des citoyens, pour lesquels l’arrivée de la fibre optique deviendrait illusoire. Cette situation ne serait pas acceptable dès lors que les besoins en très haut débit – à qualité de service identique – sont les mêmes quels que soient les territoires. Il faut désormais que l’État garantisse que la fibre optique sera bien accessible à 100 % des Français à l’horizon de 2025.

En parallèle de la stratégie de l’État, les collectivités territoriales et les opérateurs de télécommunications redéfinissent également leurs priorités de déploiement du réseau de fibre optique jusqu’à l’abonné. Tandis que les collectivités, dans le cadre du plan FTHD, déploient des réseaux publics dans les zones peu denses, en mobilisant un effort d’investissement public important, les opérateurs, qui ont jusqu’alors concentré leurs déploiements dans les zones très denses, manifestent désormais un intérêt pour investir en dehors des grandes villes. Cela s’explique par un coût de déploiement de la fibre optique en forte baisse sur les derniers mois, ce qui augmente sa rentabilité, mais aussi par des considérations plus stratégiques : la propriété d’un réseau fixe de long terme.

Dans la zone conventionnée, ou AMII (appel à manifestation d’intention d’investissement), qui regroupe les villes moyennes et les zones périurbaines, la situation des déploiements privés est préoccupante. Les retards s’accumulent, les déploiements réalisés omettent de couvrir les zones les moins rentables et, en dehors de situations de carence manifestes, les collectivités territoriales n’ont aucune prise pour réagir. Le rapport appelle donc à la prise de plusieurs mesures afin de renforcer le contrôle de l’avancée des travaux par les personnes publiques.

Dans les zones rurales et de montagne, où les déploiements de fibre optique relèvent de l’initiative publique, les collectivités territoriales ont défini le modèle économique de leur réseau sur l’hypothèse fondatrice – et acceptée par tous les opérateurs d’envergure nationale en 2011 lors du lancement du programme très haut débit – que ce serait le seul déployé sur le territoire. Elles prennent ainsi des risques financiers et commerciaux importants pour réaliser et exploiter un réseau qui, par définition, couvre des zones peu denses et moins rentables.

La redéfinition brutale de la stratégie affichée ouvertement par l’opérateur SFR – fibrer 100 % du territoire apparaît, à ce titre, particulièrement agressive et déstabilisatrice vis-à-vis des collectivités territoriales engagées depuis plusieurs années dans des déploiements, du fait de la carence de l’initiative privée.

Les rapporteurs sont attachés à ce que les accords initiaux des intentions de couverture entre les opérateurs et l’État soient respectés, car ils sont garants de la complétude de la couverture numérique de tous les foyers. Une concurrence par les infrastructures, valable dans les zones très denses et très rentables, ne saurait être applicable dans les zones de faible densité de population. Les rapporteurs estiment qu’une étude juridique approfondie est nécessaire afin d’apporter aux collectivités les moyens de sécuriser les modèles économiques de leur réseau public.

Combler définitivement le fossé entre le déploiement mobile et les attentes des citoyens

L’évolution des usages pose de nombreuses questions en termes de couverture efficace du territoire en réseaux mobiles. Par exemple, le développement de la téléphonie mobile dans les domiciles et les lieux de travail exige une bonne couverture à l’intérieur des bâtiments, aussi appelée couverture in-doors. De même, la couverture efficace des axes de transport se fait urgente : encore trop peu de voies ferrées sont équipées d’antennes-relais suffisamment nombreuses pour passer un appel téléphonique qui ne soit pas trop fréquemment interrompu ou travailler connecté pendant son déplacement.

Sur le papier, et au sens des obligations souscrites dans le cadre de leurs relations contractuelles avec l’État et le régulateur, les opérateurs nationaux respectent leurs engagements de couverture du territoire français. En pratique, si une grande majorité de Français vivent avec un réseau de bonne qualité et donnant accès à l’internet mobile, la partie faiblement peuplée du territoire n’a pas toujours accès aux services de base : la possibilité de passer un appel sans coupure dans sa voiture ou chez soi.

Par exemple, si l’État et les opérateurs ont fourni un effort pour couvrir les zones blanches, le périmètre du programme « zones blanches » ne concerne que les centres-bourgs des villages. Certains habitants doivent donc toujours sortir de chez eux et se déplacer jusqu’au perron de la mairie pour disposer d’un signal correct pour téléphoner. Dans beaucoup de zones « grises », non éligibles à ce programme, les habitants n’ont pas réellement le choix de leur opérateur et connaissent de réels problèmes pour obtenir un signal dans de nombreuses situations du quotidien, ce qui est d’autant plus intolérable que les besoins en connectivité mobile s’amplifient avec le temps et que la grande majorité de la population dispose, pour le même prix, d’une qualité de service incomparablement meilleure.

Les indicateurs de mesure, trop sédentaires et réalisées en extérieur, peinent à mesurer une couverture ressentie bien moins performante que ce que les cartes actuelles de couverture établissent. Le 18 septembre 2017, l’ARCEP a rendu publique une cartographie complète de la couverture voix et SMS du territoire métropolitain, avec des indicateurs de qualité de couverture plus précis et une ventilation par opérateurs. Ce travail de transparence des informations, fort attendu, doit être approfondi, par exemple en mobilisant les acteurs permettant de récolter et de traiter des données directement émises par les utilisateurs (crowdsourcing).

Les rapporteurs font un constat d’urgence : il faut parvenir à une couverture irréprochable de l’ensemble du territoire en 2G, le plus rapidement possible, c’est-à-dire garantir  la possibilité de passer un appel téléphonique de qualité convenable sur l’ensemble du territoire, chez soi et en situation de mobilité. Cette urgence-là doit être traitée en parallèle, et non en complément, des efforts de déploiement du réseau 4G, qui retient principalement l’attention des opérateurs de télécommunications.

Les rapporteurs appellent donc à renforcer fortement les obligations contractuelles des opérateurs à l’occasion de la renégociation des contrats de licences d’utilisation des blocs de fréquences, qui devrait avoir cours en 2018 ou 2019. Ils suggèrent aussi que, pour densifier les zones de faible densité de population, la mutualisation d’antennes soit imposée. En contrepartie, l’État dispose de plusieurs leviers incitatifs, comme la stabilisation du prix de ces licences ou leur allongement dans la durée. L’État pourrait également choisir de plafonner l’IFER mobile, qui est une taxe qui augmente aujourd’hui à mesure des déploiements de nouvelles antennes-relais. Enfin, plusieurs mesures de simplification administrative, notamment dans le droit de l’urbanisme, seraient de nature à accélérer les déploiements sur l’ensemble du territoire.

 


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   Synthèse des propositions

NB : dans la suite du rapport, les propositions ne sont pas classées dans l’ordre retenu ci-dessous.

Couverture fixe

Grands axes du plan France Très Haut Débit

Proposition n° 1 : Afficher l’objectif de la fibre pour tous en 2025 comme nouveau jalon du plan France Très Haut Débit.

Proposition n° 2 : Confirmer, dès le projet de loi de finances pour 2018, l’engagement de crédits supplémentaires de l’État pour aider les collectivités à achever les déploiements de fibre optique en 2025.

Proposition n° 3 : Revoir les mécanismes de péréquation territoriale qui pourraient être mis en place pour répartir équitablement les subventions de l’État et le coût de l’achèvement du réseau en fibre optique pour tous, notamment dans les zones rurales, insulaires et de montagne.

Proposition n° 4 : Lancer une étude complémentaire pour identifier les leviers législatifs pouvant être utilisés pour sécuriser les modèles économiques des réseaux déployés par les collectivités dans la zone d’initiative publique.

Proposition n° 5 : Renforcer l’ambition du plan France Très Haut Débit en fixant des objectifs de couverture en 2022 autorisant des débits ascendants performants et compatibles avec la transition numérique des TPE et PME.

Le calendrier des déploiements

Proposition n° 6 : Lancer un outil cartographique public permettant aux citoyens de s’informer sur les déploiements de fibre optique réalisés ou des technologies alternatives en cours de réalisation ou planifiés.

Proposition n° 7 : Améliorer la transparence des déploiements des réseaux fixes :

– Rendre publique, d’ici fin 2017, une cartographie départementale des zones qui n’auront, en 2022, fait l’objet ni d’un déploiement de fibre jusqu’à l’abonné (FttH), ni d’une opération de montée en débit permettant d’atteindre le très haut débit (plus de 30 Mbit/s) ;

– Préciser, pour chacune de ces zones et en fonction de leurs spécificités, quelle solution technologique précise sera mise en œuvre pour garantir un bon débit en 2020 et l’accès au très haut débit en 2022 ;

– Publier, annuellement et par département, le pourcentage d’habitations raccordées au très haut débit, et ventiler ce pourcentage par type de solution technologique (les solutions hertziennes devant être identifiées de façon distincte dans cette ventilation) ;

– Indiquer, pour chacune de ces zones, un calendrier indicatif de déploiement de la fibre optique jusqu’à l’abonné, afin de rappeler que ce déploiement reste l’objectif principal.

Proposition n° 8 : Prévenir les risques de ralentissement ou de blocage des travaux de déploiement :

– Évaluer l’opportunité d’ouvrir la base nationale d’adressage du groupe La Poste, en échange d’une juste compensation de service public ;

– Lancer une nouvelle campagne de communication sur les besoins en emplois et en compétences de la filière fibre : BTP, techniciens réseaux, techniciens FttH, etc. 

Zones très denses

Proposition n° 9 : Garantir la non-discrimination des opérateurs investissant dans les zones très denses, pour ne pas rompre la dynamique concurrentielle qui s’y est engagée, quitte à encourager l’ARCEP à mettre en place une régulation asymétrique dans l’accès aux immeubles.

Zone conventionnée

Proposition n° 10 : Demander à Orange et à SFR de prendre des engagements de déploiement annuels, fermes et chiffrés, dans chaque convention déjà signée, d’ici fin 2017. Ces engagements doivent garantir en priorité la complétude de couverture des zones déjà équipées d’un point de mutualisation (zone arrière). La non-tenue de ces engagements entraînerait la constatation automatique de la carence de l’opérateur pour les zones n’ayant fait l’objet d’aucun déploiement.

Proposition n° 11 : Sur le fondement de l’article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques, les opérateurs de télécommunications doivent prendre des engagements juridiquement contraignants sur leurs intentions d’investissement dans la zone AMII, a minima dans les territoires où le déploiement du FttH ne fait pas encore l’objet d’une contractualisation avec l’État et les collectivités territoriales.

Zone d’initiative publique (RIP)

Proposition n° 12 : Favoriser les échanges de bons procédés entre les collectivités pour que l’expérience du déploiement des RIP déjà engagés profite aux projets en cours de lancement (modèles de contrat, types de clauses négociées, relations avec les assistants à maîtrise d’ouvrage, planification des déploiements, etc.).

Proposition n° 13 : Améliorer l’accès à une offre professionnelle de fibre optique abordable pour les TPE-PME en favorisant le développement d’un marché de gros d’offres FttH activées, au bénéfice des opérateurs régionaux spécialisés dans le marché entreprises.

Couverture mobile

Indicateurs de couverture

Proposition n° 14 : Redéfinir les protocoles de mesure de la couverture mobile à partir de l’expérience des usagers : couverture en mobilité et couverture chez soi.

Proposition n° 15 : Encourager, par l’intermédiaire d’appels à projets, les initiatives visant à recueillir, via une application mobile de crowdsourcing, les données de couverture directement depuis les terminaux des utilisateurs, afin d’enrichir les cartes de couverture et d’améliorer les indicateurs de qualité de service.

Proposition n° 16 : S’appuyer sur ces données réelles de couverture désormais disponibles pour identifier les zones non couvertes, mal couvertes et bien couvertes et redéfinir la stratégie de l’État en fonction de cette nouvelle typologie.

Négociations avec les opérateurs

Proposition n° 17 : À la prochaine négociation de licences d’utilisation de bandes de fréquences, imposer aux opérateurs de télécommunications un paquet ambitieux d’engagements contractuels :

– Atteindre l’objectif d’une couverture de 100 % de la population en 2G et en 4G d’ici fin 2020 ;

– Asseoir les objectifs de couverture et de qualité de service sur les nouveaux indicateurs de couverture réelle du territoire ;

– Fixer des délais ambitieux de rétablissement des antennes et du réseau ;

– Permettre à tous les utilisateurs de passer, automatiquement et sans application tierce, des appels via Wifi lorsque le réseau mobile est défaillant et lorsque leur terminal mobile est compatible d’ici mi-2018 ;

– Garantir une couverture complète des infrastructures et axes de transports prioritaires (aéroports, gares, ports, réseaux métropolitains, autoroutes, routes nationales, principales routes départementales, lignes TGV et lignes régionales) en 2G et en 4G d’ici 2020.

Proposition n° 18 : Prévoir la mise en œuvre réglementaire fin 2020 d’une obligation d’itinérance nationale lorsque le réseau d’un opérateur ne permet pas d’obtenir un signal 2G, 3G ou 4G suffisant, à moins que le paquet d’engagements précédent ne soit atteint à cette date. Le cas échéant, le tarif d’accès aux réseaux des opérateurs concurrents devra être fixé par le régulateur à un niveau tel qu'il encourage tous les opérateurs à la poursuite de leurs propres déploiements. En tout état de cause, pour la densification en zone de très faible densité de population, la mutualisation des équipements actifs (antennes) et passifs (pylônes) devrait être imposée dès le renouvellement des licences.

Proposition n° 19 : Prévoir une contrepartie financière à ces nouveaux engagements par le plafonnement de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux à laquelle sont assujettis les opérateurs de télécommunications et par une négociation de gré à gré des prix des blocs de fréquences.

Proposition n° 20 : Organiser une contrepartie réglementaire à ces nouveaux engagements en simplifiant plusieurs dispositions du droit de l’urbanisme susceptibles d’accélérer le rythme de déploiement de nouveaux sites radioélectriques.

 


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   introduction

Mme Laure de La Raudière et M. Éric Bothorel, co-rapporteurs, associent à ce rapport une pensée pour leur collègue et amie Mme Corinne Erhel, qui a beaucoup œuvré, au sein de la commission des affaires économiques, au développement des travaux parlementaires sur le numérique.

L’accès au très haut débit fixe et mobile est devenu une des toutes premières préoccupations des Français qui n’en bénéficient pas, témoignant ainsi combien l’usage du numérique est devenu essentiel dans chaque foyer. L’attente et le manque de visibilité et de transparence sur les projets de déploiement en cours rendent insupportables cette inégalité d’accès au réseau et fragilisent encore plus certains territoires, où la population hésite à s’installer faute d’une bonne qualité de service internet.

Ce rapport rappelle les enjeux d’égalité d’accès aux réseaux téléphonique et internet, qu’ils soient fixes ou mobiles. Il a d’abord l’ambition d’être un guide pédagogique, rassemblant, pour les membres du Parlement comme pour les citoyens, toutes les informations pertinentes à la compréhension des grands enjeux de la couverture fixe et mobile du territoire. Le rapport vise ensuite à exprimer la position des parlementaires de la commission des affaires économiques, dans un contexte de fortes turbulences des relations entre tous les acteurs, publics comme privés, responsables de réseaux de communications électroniques.

Ce rapport a, en outre, été conçu dans une volonté de réactivité du Parlement face aux évolutions rapides du secteur des télécommunications. La mission a rendu ses travaux en deux mois, durée particulièrement courte, pendant laquelle elle a mené plus d’une quinzaine d’auditions. De nombreux membres de la commission des affaires économiques ont souhaité participer aux auditions et ont concouru à éclairer les propositions des rapporteurs.

La transformation numérique de notre société et de notre économie repose en effet sur notre capacité à communiquer, entre nous et par internet, à tout moment et sur l’ensemble du territoire, à l’aide d’infrastructures de réseau efficaces. Ces infrastructures sont encore aujourd’hui en plein déploiement, car nous courrons chaque jour après de nouveaux besoins, de nouveaux usages en connectivité. C’est le rôle d’évaluation du Parlement que d’expliquer sur quels fondements ces déploiements ont cours et quelle qualité de service les citoyens sont en droit d’attendre, aujourd’hui et dans un avenir proche.

Bien que le déploiement de la fibre optique sur l’ensemble du territoire constitue le plus important chantier d’infrastructure de la décennie et que le déploiement massif de la 4G apporte le très haut débit mobile aux usagers, la fracture numérique s’aggrave. Selon l’Agence du numérique, six millions de Français n’ont pas aujourd’hui accès à un débit internet de qualité et subissent généralement la double peine de ne pas pouvoir disposer d’une couverture mobile leur permettant, à défaut de recevoir l’internet mobile, de passer des appels chez eux ou dans leur voiture.

Or, lorsque les réseaux fixes et mobiles n’offrent pas le même niveau de service partout, la fracture numérique devient une fracture d’accès aux services – toujours plus dématérialisés – et se transforme en une inégalité incompréhensible et insupportable pour les citoyens. Les deux France, l’une métropolisée, l’autre rurale, ne sont pas si opposées qu’on l’assène souvent. L’ambition première des réseaux de communication doit être de les rapprocher davantage – certainement pas de les éloigner.

 

 


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   PREMIÈRE PARTIE : État des lieux

I.   La couverture numérique fixe

A.   De quoi parle-t-on ?

La couverture numérique fixe du territoire repose essentiellement sur les réseaux filaires. L’accès à internet s’est d’abord fait via le réseau national en cuivre de France Télécom, aujourd’hui détenu par Orange et historiquement utilisé pour la téléphonie fixe. Un réseau câblé privé, détenu par le groupe Altice (SFR‑Numericable), concourt également à la couverture numérique d’une partie du territoire. Tandis que ces deux réseaux utilisent en partie de la fibre optique pour améliorer leur performance, un nouveau réseau entièrement conçu en fibre optique doit, à terme, apporter à l’ensemble des foyers français une connexion internet à très haut débit.

1.   Les technologies et les terminologies

a.   La mesure du débit internet

Le débit internet se mesure par la quantité d’informations, mesurée en bits, qu’une ligne internet peut apporter dans un intervalle de temps donné (généralement, par seconde). Les premières connexions internet des particuliers offraient un débit de 56 kilobits par seconde (Kbit/s), grâce à un modem, avant l’arrivée de l’ADSL.

Si le seuil du haut débit a pu être fixé à 512 Kbit/s lorsque les usages numériques de la population étaient encore peu développés, on considère aujourd’hui qu’un bon débit est atteint avec au moins 8 mégabits par seconde (8 Mbit/s). Le très haut débit est atteint avec au moins 30 Mbit/s, selon la norme fixée au niveau européen. Une connexion entièrement en fibre optique permet aux particuliers d’atteindre un débit théorique de 1 gigabit par seconde (1Gbit/s). La NASA utilise une connexion internet lui permettant d’atteindre le débit de 91 Gbit/s.

Il ne faut pas confondre bit et octet : un octet représente 8 bits. La méprise provient du fait qu’à la différence du débit, la mesure du poids des fichiers informatiques est effectuée en octets. Par exemple, un fichier de traitement de texte se mesure en kilooctets (Ko) ; un morceau de musique se mesure en mégaoctets (Mo) et un film de bonne qualité en gigaoctets (Go). Ainsi, un débit de 32 Mbit/s permet de télécharger 4 Mo de données par seconde.

Pour être plus précis, ces vitesses de connexion portent sur le débit dit descendant, c’est-à-dire depuis internet vers un terminal informatique. C’est donc la vitesse de téléchargement des données. Il faut également considérer le débit ascendant, c’est-à-dire la vitesse de transmission de données depuis un poste informatique vers internet – le téléversement de données, par exemple. Avec l’usage de services et le stockage de données, photos et vidéos dans le cloud, la qualité de service du débit ascendant devient de plus en plus critique pour bon nombre de personnes. Tandis qu’une connexion en fibre optique de bout en bout garantit un débit symétrique (même vitesse de téléchargement et de téléversement), une connexion en ADSL propose toujours une vitesse de téléchargement supérieure à celle de téléversement.

Enfin, les débits présentés par les offres de connexion à internet sont des « débits crêtes », c’est-à-dire des débits maximaux théoriques. Pour plusieurs raisons techniques, le débit effectif d’une connexion individuelle peut être inférieur au débit crête : qualité du poste informatique, du réseau local (Wifi, le plus souvent) et enfin qualité de service du fournisseur d’accès à internet (la connexion peut être surchargée). En outre, sur le réseau en cuivre, plus la distance entre le terminal informatique et le dernier point de mutualisation du réseau (généralement, une petite armoire de sous-répartition) est importante, plus le débit effectif baisse. Une telle déperdition de signal n’existe pas avec la fibre optique, ce qui constitue une véritable plus-value technologique.

b.   Les technologies filaires

Ces technologies permettent d’apporter une connexion internet à partir de signaux transmis sur des infrastructures matérielles : des lignes enterrées dans des fourreaux ou des lignes aériennes, utilisant les poteaux du réseau téléphonique détenus par Orange ou les poteaux de transport d’électricité détenus par Enedis (ex ERDF). Tandis que l’utilisation des réseaux en cuivre et câblés demeure centrale pour les usagers, le recours à la fibre optique à grande échelle est en train de changer la donne.

Sur le réseau en cuivre, l’accès à internet se fait essentiellement par ADSL, et, depuis 2013, par le VDSL2, une technologie qui permet l’accès au très haut débit. Les débits proposés varient énormément selon les zones considérées. Depuis plusieurs années, le réseau en cuivre a été modernisé : des portions entières du réseau sont reliées en fibre optique, tandis que les terminaisons de réseau demeurent en cuivre (on parle de technologie FttN, pour Fiber to the Node, fibre jusqu’au nœud de sous-répartition). Plus le réseau en cuivre est « opticalisé », plus les débits sont importants. Une excellente connexion VDSL2 individuelle peut atteindre 80 Mbit/s pour l’habitation située à proximité immédiate du nœud de sous-répartition, mais l’affaiblissement du débit est très rapide à mesure que l’on s’en éloigne. Selon la configuration géographique, à plus d’un ou deux kilomètres de distance, une connexion VDSL2 ne permet plus d’atteindre les 30 Mbit/s du très haut débit.

Sur le réseau câblé, essentiellement déployé dans les métropoles, une opération de modernisation équivalente à celle du cuivre est effectuée par le câblo-opérateur, SFR-Numericable (groupe Altice). La fibre optique est déployée jusqu’au dernier amplificateur du réseau câblé (d’où son nom de FttLA, Fiber to the Last Amplifier), puis les derniers mètres de réseau, jusqu’à l’abonné, sont déployés en câble coaxial, ce qui permet également d’atteindre le très haut débit mais guère de dépasser un débit de 100 Mbit/s. On parle parfois de FttB pour désigner la même technologie, le B signifiant building (bâtiment).

Par ailleurs, dans les grandes villes et dans certains territoires, opérateurs ou collectivités déploient la fibre optique de bout en bout, jusqu’à l’abonné (FttH, Fiber to the Home). Rappelons que les débits proposés sont incomparables, en plus d’être symétriques : au moins 100 Mbit/s et jusqu’à plusieurs Gbit/s selon la qualité de la connexion ([1]) et les offres de services des opérateurs. Dans le cadre du plan France Très Haut Débit (FTHD), le réseau en fibre optique a donc vocation à remplacer les réseaux existants, et devrait combler les besoins en connectivité des particuliers pendant plusieurs décennies.

c.   Les technologies hertziennes et satellitaires 

Dans les grandes villes, le déploiement d’un réseau FttH ne pose pas de problème de rentabilité économique. Il est toutefois différent de connecter un immeuble de 50 logements proche des nœuds de réseau et une habitation isolée, située à plusieurs kilomètres du nœud de répartition optique, sur un terrain difficile d’accès…

Plusieurs technologies permettent d’accéder à internet sans solliciter de réseau filaire. Ces technologies existent déjà pour améliorer la connexion des usagers qui ne disposent pas de débit suffisant sur le réseau en cuivre, voire ne sont pas couverts en ADSL. Si elles offrent du haut débit, les évolutions technologiques en cours pourraient permettre d’accéder au très haut débit.

i.   Le réseau satellitaire HD et THD

Le recours au satellite est une solution de connectivité utilisée pour les habitations isolées ne bénéficiant pas d’accès internet filaire, puisque les signaux satellitaires couvrent également l’ensemble du territoire, que ce soit en haute montagne, en forêt ou en ville. Toutefois, un abonnement à une offre internet par satellite présente des contraintes : en raison de la distance entre le terminal et le satellite, les délais de latence (le ping) sont plus importants que pour une connexion filaire ou hertzienne, ce qui empêche certains usages (jeux en ligne) et rend la consultation de sites internet ou l’achat en ligne nettement moins confortable qu’avec une liaison filaire. De plus, la qualité de la connexion dépend des conditions météorologiques et, étant donné les faibles disponibilités de ressources satellitaires, les offres proposent des débits internet variables (de 5 Mbit/s à 22 Mbit/s) et un volume de données d’utilisation d’internet limité. Selon le prix de l’abonnement, qui peut varier fortement, les usagers pourront utiliser internet dans une limite allant de quelques Go à une centaine de Go, ce qui, par exemple, limite les usages de vidéos en streaming, très consommateurs de débit. De telles limites de débit n’existent pas pour les connexions filaires.

Enfin, les satellites lancés pour proposer un accès haut débit au grand public se sont rapidement trouvés saturés : c’est le cas du satellite Ka-Sat, lancé en 2010 par Eutelsat, qui ne peut desservir de nouvelles habitations dans au moins trente départements où les abonnements sont déjà nombreux. Le lancement d’un satellite THD d’Eutelsat est prévu pour 2019, avec une mise en service pour 2020 : avec une capacité cinquante fois supérieure au satellite actuel, il devrait à la fois permettre de remédier aux difficultés de saturation du réseau satellitaire et offrir des débits supérieurs à 30 Mbit/s. De même, le principal concurrent d’Eutelsat en Europe, le groupe SES, dispose des capacités techniques de lancer un satellite dédié au très haut débit. Toutefois, le coût conjugué de la construction et du lancement de tels satellites devrait entraîner des offres de connexion très onéreuses pour les particuliers.

ii.   La boucle locale radio et le développement du THD radio

D’autres solutions de connectivité en haut débit sont apportées par des réseaux locaux qui utilisent des technologies hertziennes. Le transit des données internet par ondes radio permet de pallier les difficultés physiques ou techniques de raccordement en cuivre ou en fibre d’une partie de la population. Ces solutions s’exposent toutefois aux problèmes classiques de circulation des ondes : zones d’ombre (une habitation à flanc de colline), débit qui dépend de la distance avec l’émetteur, qualité des antennes et disponibilité des points hauts pour les installer.

La première solution est l’extension du réseau filaire par la constitution d’une boucle locale radio (BLR). Il s’agit de relier le dernier nœud de raccordement du réseau filaire aux abonnés par l’intermédiaire d’antennes qui véhiculent le signal. Recourant traditionnellement à la technologie du Wimax (d’où la confusion régulière entre BLR et Wimax), qui est un standard de communication, à l’instar du Wifi ([2]), la boucle locale radio permet d’apporter des débits allant de 2 Mbit/s à plusieurs dizaines de Mbit/s. Le développement de nouveaux standards technologiquement plus avancés, notamment la LTE (Long Terme Evolution, qui est utilisée pour la 4G mobile, mais sur d’autres bandes de fréquences), va permettre aux boucles locales radio de desservir les foyers en très haut débit. Une expérimentation de THD radio utilisant la LTE a ainsi cours dans plusieurs territoires, notamment dans le Pas-de-Calais.

Les réseaux de boucle locale radio ont connu un premier essor dans les années 2000 : ils ont essentiellement été déployés par des réseaux d’initiative publique (voir ci-dessous) pour couvrir des zones non desservies par le haut débit fixe. Toutefois, les déploiements ont été assez modestes à l’échelle du territoire (environ 20 000 foyers raccordés en 2011, dans une cinquantaine de départements) et proposaient des débits relativement faibles (de 2 Mbit/s à 10 Mbit/s) pour un prix d’abonnement proche de celui d’une offre ADSL classique ([3]). Devant l’accroissement des besoins et la possibilité de moderniser les réseaux BLR existants pour apporter du très haut débit, l’ARCEP est actuellement en phase de consultation pour consacrer une portion du spectre hertzien (la bande 3,5 GHz) aux réseaux BLR fixes. Généralement, ces offres apportent une bonne réponse technique pour fournir du « bon » haut débit, mais certains citoyens sont réticents à les utiliser parce qu’aucun des quatre opérateurs nationaux (Orange, Free, SFR ou Bouygues Telecom) ne propose d’abonnement sur les BLR déployés par les collectivités ou leurs syndicats et que, bien souvent, les offres des opérateurs régionaux ne proposent pas d’offre de services équivalents (notamment la télévision en triple-play).

iii.   La 4G fixe

Enfin, une autre solution palliative de l’insuffisante capillarité des réseaux filaires est la « 4G fixe ». Il s’agit d’installer dans les foyers une box permettant de capter le signal émis par les antennes 4G qui desservent les terminaux mobiles. Cette solution permet l’obtention de bons débits mais s’expose aux limites des réseaux mobiles : si trop d’utilisateurs se connectent en même temps, le débit sera restreint. En outre, les usages intensifs d’internet pourraient être limités par les opérateurs, comme pour le satellite, afin d’éviter une saturation de leur réseau. Ainsi, l’offre de Bouygues Telecom, pour le moment seul opérateur national à proposer cette technologie, ne comporte pas de service de télévision par internet.

2.   Les acteurs

En matière de déploiement de réseaux fixes, infrastructures de long cours, très coûteuses mais essentielles à l’ensemble de la population, les acteurs publics et privés nouent des partenariats particulièrement approfondis.

Ainsi, si le réseau en cuivre est privé, il appartient à l’opérateur historique, Orange, qui est un ancien monopole d’État, de couvrir certaines charges de service public universel (raccordement au service téléphonique, entretien des lignes fixes sur l’ensemble du territoire). De la même façon, un déploiement entièrement privé du nouveau réseau très haut débit aurait pu conduire à des abandons ou à des raccordements tardifs des zones les moins rentables (zones de montagne, territoires isolés), tandis qu’un déploiement entièrement public aurait été excessivement coûteux et aurait pu être source d’inefficacités – comme l’a illustré le plan câble dans les années 1980.

a.   Les acteurs publics

L’État a d’abord joué un rôle de stratège et de planificateur, en lançant dès 2010 le programme très haut débit, devenu le plan France Très Haut Débit (FTHD). Il s’agit, d’une part, d’organiser les déploiements du réseau de façon à couvrir l’ensemble du territoire sous des échéances précises (le plan s’achevant en 2022) et, d’autre part, d’optimiser la répartition des déploiements entre l’initiative privée et l’initiative publique. En outre, l’État se positionne comme financeur du plan, en subventionnant les réseaux publics à l’aide des crédits du Fonds de solidarité numérique (FSN), puis du programme budgétaire « France Très Haut Débit ».

Dans le cadre du plan national, les collectivités territoriales, à l’échelle départementale ou supradépartementale ([4]), doivent s’entendre pour construire un réseau très haut débit sur l’ensemble de leur territoire, à l’exception des grandes villes et des villes moyennes, relevant de déploiements privés. Dans la plupart des cas, les régions, les départements et les communautés de communes confient leur compétence d’aménagement numérique du territoire à un syndicat mixte en charge de l’élaboration d’un programme de déploiement de ce réseau d’initiative publique (RIP). Dans d’autres territoires, le déploiement est organisé par les services départementaux, voire régionaux, lorsque l’envergure du réseau public couvre l’ensemble d’une région ([5]).

Le déploiement opérationnel des RIP est effectué soit en main-d’œuvre directe (marché de travaux, par exemple), soit par délégation à un acteur privé qui construit le réseau. Les modalités de délégation ou de partenariat entre public et privé sont nombreuses, et peuvent inclure la conception, la construction, l’exploitation, la commercialisation ou la maintenance du réseau, selon les choix politiques et techniques arrêtés par chaque collectivité en charge d’un RIP. Les modèles les plus répandus sont les délégations de service public en affermage et en concession (voir l’annexe n° 2).

Enfin, les régions et l’Union européenne interviennent généralement au titre de co-financeurs des réseaux publics.

b.   Les opérateurs de télécommunications

i.   Les opérateurs commerciaux d’envergure nationale (OCEN)

Les quatre « grands opérateurs » sont Orange, Free (groupe Iliad), SFR‑Numéricable (groupe Altice) et Bouygues Telecom.

Ils commercialisent des offres d’accès à internet sur l’ensemble du territoire, en utilisant le réseau en cuivre existant ([6]) ou en déployant leur propre réseau très haut débit, en propre ou en co-investissant avec d’autres opérateurs. Lorsque les opérateurs ne détiennent pas leur propre réseau très haut débit, par exemple dans les RIP détenus par les collectivités territoriales, ils doivent acheter leur accès pour commercialiser des offres auprès des logements raccordés à ces réseaux.

Certains de ces opérateurs sont « verticalement intégrés » : outre leurs services de fourniture d’accès à internet aux particuliers, ils peuvent également proposer aux collectivités de participer au déploiement du réseau public, en qualité de délégataire ou de partenaire privé. C’est le cas d’Orange et de SFR, au travers de sa filiale SFR-Collectivités : ils sont donc également « opérateurs de RIP ». Bouygues Telecom n’est techniquement pas verticalement intégré, mais l’aménageur de réseaux numériques Axione appartient également au groupe Bouygues.

ii.   Les opérateurs commerciaux d’envergure régionale (OCER)

Ces opérateurs « alternatifs », comme Adenis, K-Net ou Wibox, n’ont pas la surface des grands opérateurs et couvrent une partie seulement du territoire, ou se spécialisent dans une gamme de services – par exemple, les services aux entreprises ou les services 100 % fibre optique. Si certains opérateurs disposent d’infrastructures en propre, la plupart achètent des accès aux réseaux existants, lorsque ces derniers sont ouverts, et proposent des offres activées. Un réseau est activé lorsqu’il est possible d’acheter un accès clé en main au réseau, jusqu’au client final, sans avoir à l’équiper de son propre matériel de connexion (serveurs, routeurs, etc.).

L’émergence des RIP a permis aux OCER de prendre des parts de marché aux opérateurs nationaux en étant les premiers à proposer des offres d’accès à la fibre optique aux particuliers dans les territoires peu denses. En effet, les opérateurs nationaux se concentraient sur les zones denses, où la concurrence est importante et les déploiements de fibre optique plus rentables, plutôt que de commercialiser des offres dans des RIP FttH.

Enfin, les opérateurs alternatifs sont les seuls présents sur le marché de la boucle locale radio : Numéo, Nomotech ou Vivéole ont, par exemple, mis en place des partenariats, parfois anciens, avec les collectivités territoriales pour équiper leur RIP en infrastructures radio, lorsque le réseau en cuivre – et désormais le réseau en fibre optique – ne pouvait atteindre les parties les plus reculées du territoire. Les investissements déjà réalisés ne sont pas marginaux : par exemple, Nomotech a déjà déployé plus de 3 000 antennes radio et couvre une partie du territoire de 5 000 communes de 55 départements.

En outre, certains opérateurs régionaux, comme Adenis, Fullsave ou Netalis, proposent des solutions de connectivité en très haut débit à destination des entreprises, et investissent parfois de façon conséquente dans des infrastructures en propre (boucles locales optiques mutualisées, centres d’hébergements de données de proximité, par exemple). Il faut relever que ces opérateurs, pourtant encore assez méconnus dans le paysage français des télécommunications, sont aujourd’hui une réponse particulièrement pertinente à la transition numérique des TPE et des PME. Ces dernières disposent, grâce à eux, d’une nouvelle gamme de services leur permettant, d’une part, d’obtenir des solutions de connectivité en très haut débit plus abordables que les offres des grands opérateurs et plus adaptées que les offres aux particuliers ; d’autre part, de développer des outils numériques à même d’augmenter sensiblement leur productivité et leur compétitivité (voir la partie II. A. 2.).

Proposition n° 13 : Améliorer l’accès à une offre professionnelle de fibre optique abordable pour les TPE-PME en favorisant le développement d’un marché de gros d’offres FttH activées, au bénéfice des opérateurs régionaux spécialisés dans le marché entreprises.

3.   La situation en septembre 2017

La couverture numérique fixe du territoire est aujourd’hui très hétérogène, alors que les besoins de débit des citoyens ne divergent pas structurellement d’un territoire à l’autre. Aujourd’hui, selon les projections de l’Agence du numérique, 6,4 millions de personnes vivent encore avec moins de 8 Mbit/s de débit, dont 3,5 millions avec moins de 3 Mbit/s. L’absence d’une connexion internet de qualité est un frein massif à la revitalisation de nombreux villages : souvent, avant la présence de commerces de proximité, c’est l’accès à internet qui détermine le choix d’installation de jeunes familles. Cette fracture numérique territoriale est devenue insupportable pour les habitants de ces territoires.

Dans les zones denses où les déploiements proviennent uniquement de l’initiative privée, 36,7 % des foyers sont déjà éligibles à la fibre optique et 100 % devraient l’être fin 2020, à condition que les opérateurs accélèrent leurs déploiements en cours et tiennent leurs engagements. Dans la plupart des zones urbaines, l’accès à un bon débit voire à du très haut débit est également généralisé (88 % des foyers disposent d’un débit supérieur à 8 Mbit/s).

En revanche, dans de nombreuses zones rurales ou de montagne, ainsi que dans certaines zones périurbaines, si les foyers sont effectivement raccordés au réseau en cuivre, leur débit internet est largement insuffisant (moins de 8 Mbit/s), voire indigent (moins de 2 Mbit/s). En outre, les défauts d’entretien du réseau en cuivre, qui se traduisent par des coupures durant souvent plusieurs semaines, portent principalement sur ces zones ([7]), là où le réseau cuivre est aérien, donc plus sensible aux intempéries.

Le taux de migration des foyers vers la fibre optique, qui peut se définir comme le ratio du nombre de souscriptions à un abonnement FttH sur le nombre des raccordements effectifs, dépend donc naturellement de l’état de leur connexion antérieure : les RIP qui ont ouvert des lignes FttH dans des territoires mal desservis et qui disposent de clients opérateurs pour commercialiser des offres en fibre optique le constatent. En revanche, lorsque le besoin de débit n’est pas immédiatement concret pour les citoyens, par exemple lorsqu’ils disposent déjà du très haut débit grâce au VDSL2 sur cuivre ou du câble ([8]), la migration vers la fibre optique est plus lente.

Une vision d’ensemble en septembre 2017 montre que le très haut débit, en particulier apporté par la fibre optique, suscite un intérêt croissant, et répond donc à une vraie attente des citoyens.

En effet, selon l’ARCEP, au 30 juin 2017, sur 28,1 millions d’abonnements à une connexion internet fixe, le nombre d’abonnements à très haut débit atteint 6,2 millions (+ 1,4 million en un an), dont près de 2,6 millions sont des abonnements internet à très haut débit en FttH ; leur nombre a augmenté de 215 000 au cours du deuxième trimestre 2017. Dans le même temps, les abonnements au haut débit sont en régression, le croisement des courbes ayant eu lieu début 2015, comme l’indique le graphique ci-dessous.

Source : ARCEP

En outre, le taux de migration des foyers raccordés à la fibre optique est de 30 % en 2017. Ce taux est déjà satisfaisant – pour le réseau câblé, il n’a jamais dépassé 20 % – et a vocation à s’accroître à mesure que les déploiements du réseau FttH toucheront des zones où le très haut débit n’est pas déjà disponible.

B.   Le Plan France Très Haut Débit et son ambition initiale

Le plan FTHD, lancé en 2013, vise à couvrir l’ensemble du territoire en très haut débit d’ici 2022. Parmi les technologies qui permettent aux citoyens d’accéder au très haut débit, la fibre optique est privilégiée : elle devrait être raccordée à environ 80 % des foyers français, dont 100 % des foyers situés dans des zones denses et 50 % des foyers situés dans des zones peu denses.

1.   Les trois zones de déploiement du très haut débit et leur financement

Le plan FTHD distingue deux principales zones : la zone d’initiative privée (18,8 millions de foyers, 55 % de la population), où les personnes publiques n’interviennent que marginalement, et la zone d’initiative publique (14,7 millions de foyers, 45 % de la population), où les RIP appartenant aux collectivités territoriales sont déployés.

Toutefois, il est d’usage plus courant de distinguer trois zones :

– les zones très denses, qui couvrent les grandes villes et les métropoles (106 communes et 6,1 millions de prises). Dans ces zones, les quatre opérateurs nationaux déploient leurs propres réseaux en parallèle et se font concurrence sans intervention de l’État. Une mutualisation de l’infrastructure est toutefois organisée au pied de chaque immeuble, les opérateurs ayant ensuite à leur charge le raccordement final à l’abonné ;

– la zone conventionnée, dite « AMII » (appel à manifestation d’intentions d’investissement). Dans cette zone moyennement dense (agglomérations, aires périurbaines, soit 3 600 communes et 12,7 millions de lignes), le réseau est privé mais unique. Deux opérateurs, Orange et SFR, ont manifesté en 2011 leur intention d’investir dans cette zone, dans une répartition correspondant à 80 % pour Orange et 20 % pour SFR – ajustée en 2015 à 90 % pour Orange et 10 % pour SFR. Cette répartition a fait l’objet d’une contractualisation et d’un pacte de non-concurrence. Les autres opérateurs co-investissent avec l’opérateur constructeur pour disposer de l’accès aux prises déployées. L’État, les collectivités concernées et les opérateurs organisent les déploiements par le biais de conventions tripartites, qui prévoient notamment les modalités d’intervention publique en cas de carence du déploiement privé ;

– la zone d’initiative publique. Dans les zones peu denses, rurales et de montagne, les plus importantes en surface, les collectivités territoriales déploient les RIP pour couvrir 14.7 millions de lignes réparties dans 32 000 communes.

Selon les estimations des concepteurs du plan, le déploiement du très haut débit entre 2013 et 2022 devrait coûter 20 milliards d’euros, dont 13 à 14 milliards sont investis par les opérateurs privés (opérateurs de télécommunications et opérateurs de RIP) et 6 à 7 milliards par les acteurs publics – dont 3,3 milliards de subventions de l’État.

2.   100 % de très haut débit en 2022, mais quel très haut débit ?

a.   Le très haut débit n’est pas équivalent à la fibre jusqu’à l’abonné

Léchéance de 2022, fixée par le plan FTHD en 2013, porte bien sur le déploiement du très haut débit (plus de 30 Mbit/s), et non sur le déploiement du seul réseau FttH. Ainsi, si dans les zones dinitiative privée (zones très denses et zones conventionnées), 100 % du réseau FttH devrait théoriquement être déployé dès 2020, ce nest pas le cas de la zone dinitiative publique.

Selon les projections de lAgence du numérique, qui a la charge de la gouvernance opérationnelle du plan FTHD, seuls la moitié des foyers qui relèvent de linitiative publique seraient raccordables aux RIP FttH en 2022. Au total, à léchéance du plan, ce seront donc environ 80 % des foyers qui pourront migrer vers la fibre optique.

Les 20 % restants, tous situés dans les zones peu denses, devraient bénéficier du très haut débit grâce à des technologies différentes. Selon les estimations du plan, les deux tiers auront bénéficié des opérations de montée en débit sur le réseau en cuivre, grâce à larrivée de la fibre optique jusquà de nouvelles armoires de sous-répartition, au plus près des zones habitées. Grâce à une connexion VDSL2, ces foyers devraient, à condition de nêtre pas trop éloignés de cette armoire ([9]), bénéficier dau moins 30 Mbit/s de débit. Pour le tiers restant (soit 6,6 %), les foyers difficiles daccès ou isolés, le plan FTHD mise sur la couverture hertzienne (THD radio, satellite THD ou 4G fixe). Ces technologies sont à la fois rapides à mettre en œuvre et beaucoup moins coûteuses que le déploiement de la fibre optique, parfois sur plusieurs centaines de mètres et parfois en terrain accidenté.

Toutefois, aucune technologie alternative nest aussi efficace que la fibre optique. Par exemple, les abonnés au satellite THD, à la différence des offres satellitaires actuelles, disposeront dun meilleur débit et de moindres risques de saturation du réseau mais auront toujours les contraintes de délais de latence liés aux caractéristiques satellitaires. De plus, aucune information sur le prix des abonnements n’est encore disponible, et il est concevable que, comme aujourd’hui, il soit coûteux, entrainant chez nos concitoyens un sentiment d’injustice : moindre confort d’utilisation et prix plus élevé. Les difficultés techniques – comme les pertes de signal en cas de météo mouvementée – ne seront pas résolues.

Les solutions THD radio ou 4G fixe sont, elles, tributaires du nombre dabonnés qui dépendent de la même antenne : aux heures où beaucoup dusagers se connectent en même temps (y compris les connexions mobiles pour les antennes 4G), le débit sera nécessairement bridé. Enfin, les solutions radio supposent, pour être pleinement efficaces, de déployer plusieurs points hauts, surtout en territoire montagneux où les zones dombre qui atténuent les ondes hertziennes sont importantes.

Selon le plan FTHD, la solution permettant d’apporter le plus de très haut débit sans recourir à la fibre optique est la montée en débit sur le réseau en cuivre, avec l’objectif de 35 % des foyers situés en zones peu denses couverts en 2022, contre 50 % en FttH. Cette solution est toutefois contestée, car elle met les collectivités territoriales face à un choix difficile :

– apporter très rapidement un meilleur débit aux foyers qui n’ont pas encore accès à une connexion d’au moins 8 Mbit/s, grâce à l’utilisation d’un réseau préexistant ;

– mais supporter des coûts de modernisation du réseau en cuivre coûteux et à fonds perdus, puisque cette infrastructure a vocation à disparaître une fois que le réseau FttH sera déployé. L’encadré ci-dessous détaille cette difficulté.

La montée en débit, un résultat efficace mais nécessairement provisoire

La montée en débit consiste à remplacer des tronçons de réseau en cuivre par de la fibre optique, notamment jusquau dernier nœud de réseau, le nœud de raccordement dabonnés (NRA), qui est alors « opticalisé ». Ensuite, ce NRA est relié aux derniers points de mutualisation du réseau, les armoires de sousrépartition qui sont souvent situées au sein des quartiers dhabitation, également en fibre optique. Toutefois, il nest pas possible dutiliser les armoires déjà en place et équipées en cuivre. Il faut construire une nouvelle armoire permettant daccueillir une infrastructure en fibre optique, souvent juste à côté de lancienne. La terminaison du réseau, de cette armoire jusquaux habitations, reste en cuivre. Comme la fibre optique ne subit pas de déperdition de signal avec la distance, le débit reçu au NRA puis à larmoire est au maximum, ce qui permet aux abonnés en bout de chaîne, après une petite opération technique, de bénéficier dune augmentation sensible de débit – généralement entre 8 et 10 Mbit/s, parfois jusquà 30 avec du VDSL2.

Seul Orange, qui agit alors en qualité de prestataire des collectivités territoriales, peut mener ces opérations de montée en débit. Vue comme un « pansement » en attendant le FttH dans les zones où le raccordement à la fibre optique sera long, cette solution demeure assez coûteuse – la collectivité prend à sa charge le coût de larmoire, les opérations de génie civil entre le NRA et larmoire et le coût de la fibre optique – et vouée à disparaître une fois que le RIP aura couvert ces zones en fibre optique, car le déploiement du réseau en fibre optique ne suit pas forcément le tracé du réseau en cuivre et les infrastructures ne sont pas les mêmes : la montée en débit nest donc pas solvable dans le RIP FttH.

Ce déploiement à coûts perdus demeure une solution pour les  collectivités territoriales qui nont pas les moyens financiers de fibrer rapidement tout leur territoire, quitte à perdre en efficacité de la dépense publique. En outre, une bonne connexion au réseau en cuivre modernisé est un argument de moins pour migrer vers la fibre optique lorsquelle desservira ces habitations, ce qui pourrait nuire au modèle économique des RIP.

Au final, au sein des équipes chargées de déployer un RIP, les avis sur la montée en débit divergent : dun côté, il existe un risque de mauvaise allocation des ressources si trop dopérations de montée en débit sont menées sur le territoire mais, dun autre côté, les populations très mal desservies aujourdhui voient leur connexion durablement améliorée grâce à cette solution – et ce sont généralement ces mêmes populations qui ne seront pas équipées en fibre optique avant 2022 au moins.

b.   Plusieurs risques menacent la tenue de l’échéance de 2022

Comme il a été remarqué, l’échéance de déploiement dans les zones très denses, soit 100 % de FttH en 2020, devrait normalement être tenue.

Dans la zone conventionnée, lobjectif fixé à Orange et à SFR est le même : 100 % de FttH fin 2020. Toutefois, à la mi-2017, seuls 2,3 millions de lignes FttH ont été déployées sur les 12,7 millions prévues. Les retards accumulés laissent plusieurs acteurs, dont lARCEP, perplexes quant aux capacités industrielles des deux opérateurs à combler ce retard. Cest pourquoi lAutorité plaide pour une redistribution des cartes entre lensemble des opérateurs, par le moyen dun nouvel appel à manifestation dintentions dinvestissement, sur lensemble de la zone déjà conventionnée ou sur la partie dense du territoire qui nest ni conventionnée, ni située sur la zone de déploiement dun RIP (par exemple, les territoires métropolitains de Nantes ou de Toulouse). Les éventuelles carences des opérateurs pourront, en tout état de cause, être comblées entre 2020 et 2022.

Cest sur la zone dinitiative publique que pèsent la plupart des facteurs de risques sur la tenue de léchéance de 2022 pour le très haut débit pour tous. Cette zone rassemble la majorité du territoire mais près de la moitié des foyers français. Début 2017, 800 000 raccordements en FttH ont été réalisés. C’est encore peu, mais les projets de déploiement atteignent en majeure partie la fin de leur phase de conception : le nombre de raccordements devrait s’accroître exponentiellement à partir de 2018. Toutefois, la mission identifie deux risques principaux pour les RIP :

– le goulot d’étranglement des travaux. Si les marchés ont été attribués et si les travaux vont démarrer en masse, la filière industrielle va être particulièrement sollicitée dans un même intervalle de temps. L’engorgement des marchés de travaux et les inévitables carences de main-d’œuvre qualifiée à disposition pour élaborer les réseaux, constituent des signes de veiller au bon fonctionnement et à l’adaptation de l’aval de la filière, notamment en matière de formation professionnelle ;

– l’adressage. En France, aujourd’hui, 30 % des foyers n’ont pas de numéro de voie formellement identifié. Il est difficile pour les opérateurs de « trouver » certains foyers lorsqu’aucune base nationale d’adresse à jour n’existe, mis à part le référentiel (payant) de La Poste, qui n’est pas une solution pertinente à moyen terme. L’article 31 de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne prévoit bien qu’une « base normalisée des adresses au niveau national est créée par l’autorité compétente de l’État en vue de référencer l’intégralité des adresses du territoire français », mais l’échéance de juillet 2017 pour la mise à disposition de cette base n’a pas été respectée par le Gouvernement. Au niveau local, plusieurs syndicats mixtes prennent cet effort à leur charge ou missionnent leur délégataire chargé de l’établissement du RIP, mais cette solution n’est pas satisfaisante à l’échelle nationale.

Proposition n° 8 : Prévenir les risques de ralentissement ou de blocage des travaux de déploiement :

– Évaluer l’opportunité d’ouvrir la base nationale d’adressage du groupe La Poste, en échange d’une juste compensation de service public ;

– Lancer une nouvelle campagne de communication sur les besoins en emplois et en compétences de la filière fibre : BTP, techniciens réseaux, techniciens FttH, etc.

3.   Les réseaux d’initiative publique face au spectre de la balkanisation

Le choix le plus audacieux du plan FTHD est le recours à l’initiative publique pour compléter le réseau en fibre optique dans les zones peu denses, représentant tout de même 45 % des foyers.

Plusieurs options se présentaient à l’État au moment de la planification de la couverture du territoire en très haut débit. Un plan d’envergure nationale aurait mal pris en compte les spécificités territoriales et aurait méconnu l’initiative des collectivités territoriales en matière d’établissement de réseaux de communications électroniques  sur leur territoire (sur le fondement de l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales). Ce sont donc ces dernières qui ont la tâche de construire, d’exploiter et de commercialiser les RIP, soit directement, soit par délégation. L’État organise une gouvernance souple au niveau national, avec l’Agence du numérique, et incite financièrement les territoires à établir les réseaux les plus grands possibles afin d’engendrer des économies d’échelle. En tout état de cause, la maille départementale est la plus petite tolérée pour les déployer ([10]).

Le modèle des RIP présente de nombreux avantages : chaque département, plaque supra départementale ou région trouve plus facilement les conditions politiques et techniques pour identifier les zones à raccorder en priorité et optimiser le calendrier de déploiement ; la propriété des réseaux est publique ; les conditions de contractualisation avec des opérateurs aménageurs de réseaux sont définies par les collectivités et les engagements de ces derniers sont opposables contractuellement ([11]) ; les collectivités ont également la main sur le choix et la localisation des bouquets (ou mix) technologiques à déployer en parallèle du réseau en fibre optique.

Toutefois, ce choix stratégique de lÉtat présente une faiblesse potentielle, dont il est délicat à cette date dévaluer lampleur : 84 projets sont aujourdhui lancés en parallèle, avec des modalités de déploiement, des opérateurs partenaires, des nombres de prises à construire, des calendriers et des budgets très hétérogènes. Cela est illustré par la présentation de deux RIP dont la mission a pu saisir les contours.

Deux exemples de RIP, deux méthodes de construction et de gestion du réseau

Le RIP d’Eure-et-Loir

Le projet de RIP de ce département est porté par un syndicat mixte, Eure-et-Loir Numérique, composé entièrement des communautés de communes du département, à l’exception de Chartres Métropole. Dès 2012, le schéma départemental d’aménagement du territoire a prévu que les deux tiers du territoire du RIP ferait l’objet d’un déploiement de fibre optique jusqu’à l’abonné, et que le tiers restant bénéficierait, pour les premières années, d’opérations de montée en débit. En outre, Eure-et-Loir Numérique détient un réseau en boucle locale radio, modernisé et pérennisé, qui couvre environ 1 200 foyers et apporte un débit descendant d’environ 10 Mbit/s.

Tandis que les opérations de montée en débit s’achèvent, le RIP FttH a déjà déployé 30 000 prises sur les 100 000 prévues à l’horizon 2020, avec un taux de pénétration du réseau assez satisfaisant, autour de 30 %. Le taux de migration des foyers de l’ADSL vers la fibre optique peut atteindre les 50 % lorsque le débit précédant le déploiement était faible.

Eure-et-Loir Numérique a fait le choix de déployer directement son réseau, en contractant des marchés de conception et de réalisation. Le réseau a ensuite été placé en affermage auprès d’un délégataire de service public, SFR-Collectivités, qui co-investit sur le réseau. Dans ce modèle, le risque commercial est supporté par le délégataire, qui perçoit les recettes d’exploitation du réseau et verse un loyer fixe au syndicat mixte délégant.

Le RIP du Gers

Le projet de RIP du Gers est porté par le syndicat mixte Gers numérique, rattaché directement au département du Gers, réputé pour être un des plus ruraux de France. Seuls 15 % du territoire (la ville d’Auch) relèvent de l’initiative privée pour le déploiement de la fibre optique et seulement 17 % des communes ont plus de 1 500 habitants.

L’objectif prioritaire du Gers a été d’apporter au moins 8 Mb/s de débit à tous ses habitants d’ici 2018, puis de migrer progressivement l’ensemble du territoire vers la fibre optique. Le projet actuel vise ainsi la construction de 57 000 prises en FttH d’ici 2021, tandis que 17 000 prises relèvent de la zone conventionnée et que 26 000 prises resteront à couvrir dans les années ultérieures.

Pour la construction de son réseau, le Gers a eu recours  à un marché public de travaux de type « CREM » (conception, réalisation, exploitation et maintenance), qui a été passé avec Orange. La commercialisation effective n’est pas comprise dans ce marché, à la différence du modèle concessif : ce sera bien le syndicat mixte Gers numérique qui supportera le risque commercial et percevra directement les recettes. Le CREM est signé pour une durée de 8 ans, et l’opération devrait devenir rentable après quelques années, le temps que le taux de pénétration du réseau dépasse les 50 %. À ce jour, seul l’opérateur Orange est présent sur le réseau pour y commercialiser des offres.

Plusieurs acteurs évoquent ce risque de « balkanisation » comme le talon d’Achille du plan FTHD, l’État faisant face à des projets territoriaux de niveaux d’avancée et de réussite très différents.

Ainsi, l’État n’a pas vraiment la main sur le calendrier du plan qu’il a lancé : si les retards de déploiement s’accumulent dans quelques RIP, les échéances de 2020, 2022, voire 2025 pourraient ne pas être tenues. En outre, un important effet de bord se fait déjà jour : l’interconnexion de très nombreux réseaux, pour garantir l’unité du réseau nationale, ne sera pas aisée, tant ils sont établis selon des standards technologiques, des matériaux, des techniques de construction et des systèmes d’informations différents les uns des autres.

Enfin, les projets territoriaux sont conçus, négociés et suivis par des équipes d’agents publics souvent très efficaces, mais disposant de ressources humaines et techniques nécessairement limitées, en particulier au regard de la puissance d’opérateurs nationaux rompus aux négociations et techniquement très bien dotés – opérateurs télécoms comme aménageurs.

Proposition n° 12 : Favoriser les échanges de bons procédés entre les collectivités pour que l’expérience du déploiement des RIP déjà engagés profite aux projets en cours de lancement (modèles de contrat, types de clauses négociées, relations avec les assistants à maîtrise d’ouvrage, planification des déploiements, etc.).

II.   La couverture numérique mobile 

Tandis que les besoins des usagers sont de plus en plus pressants, le réseau de téléphonie mobile (ou réseau cellulaire), qui recourt au spectre hertzien, met du temps à être déployé sur l’ensemble du territoire.

A.   De quoi parle-t-on ?

1.   Les technologies et les terminologies

Les échanges entre mobiles et entre internet et les mobiles sollicitent le spectre hertzien, qui appartient au domaine public de l’État. Pour qu’un opérateur de téléphonie mobile puisse utiliser des fréquences hertziennes pour proposer un service aux usagers, il doit disposer d’une autorisation individuelle de l’ARCEP et doit s’acquitter de redevances à l’État ([12]).

Certaines bandes de fréquences sont particulièrement favorables au transit des données mobiles. Par exemple, la bande 700 MHz, auparavant réservée à la TNT et libérée progressivement entre 2016 et 2019, est optimale pour les antennes 4G des opérateurs. L’État, avec le concours de l’ARCEP, a donc lancé des enchères pour l’attribution de 6 blocs de fréquences dans cette bande. La concurrence entre les quatre opérateurs nationaux a conduit à l’attribution de ces blocs ([13]) au prix total de 2,8 milliards d’euros. D’autres bandes de fréquences sont disponibles exclusivement pour la 4G, tandis que certaines bandes sont historiquement celles utilisées pour la 2G et la 3G.

La plupart des terminaux mobiles récents proposent en effet une connectivité allant de la 2G à la 4G, ces sigles renvoyant aux générations de téléphonie mobile. 2G, 3G et 4G ne correspondent donc pas à des technologies ou à des normes, mais plutôt aux vagues technologiques qui ont progressivement vu le débit internet accessible depuis un mobile augmenter sensiblement.

La 2G correspond à la possibilité de passer des appels et d’envoyer des messages (texte ou images – SMS et MMS). Les téléphones équipés de la 2G disposaient de la technologie GSM – dans le langage courant, téléphone portable et GSM ont pu être synonymes. La 2G a ensuite permis d’échanger des données internet, de façon très limitée (jusqu’à 150 Kbit/s), grâce à la technologie GPRS puis à la technologie EDGE.   

La 3G, s’appuyant d’abord sur la technologie UMTS, a permis d’apporter un accès à internet beaucoup plus fluide, grâce à un débit d’environ 1 Mb/s. Les technologies successives de cette génération (on a pu parler de 3G+) ont permis d’augmenter le débit disponible jusqu’à 10 Mbit/s.

Enfin, la 4G, qui utilise la technologie LTE (également utilisée pour le THD radio, sur les connexions fixes) puis LTE-Advanced (4G+), est apparue en France début 2014. Elle permet d’accéder au très haut débit mobile, avec plus de 100 Mbit/s de débit. En pratique, la 4G autorise une connexion beaucoup plus fluide à internet et un meilleur accès aux services multimédias, notamment la télévision sur mobile.

Les infrastructures numériques mobiles sont composées d’un réseau étendu d’antennes-relais, communiquant avec les téléphones portables, puis entre elles (pour les appels ou les SMS) ou avec des serveurs fixes (pour les connexions à internet). Les antennes-relais sont installées sur des points hauts pour optimiser la circulation des ondes : toit d’immeuble, château d’eau ou pylône construit pour cet usage. Toutefois, une antenne ne couvre qu’une zone géographique limitée, et peut être saturée si trop d’usagers la sollicitent (ce qui est par exemple le cas lors de fortes concentrations de population, par exemple dans un stade). En outre, selon l’équipement de chaque antenne, le service rendu peut être limité à la 2G ou à la 3G, même si le déploiement d’antennes 4G est en forte accélération ces derniers mois (voir ci-dessous).

Une zone qui n’est couverte par aucune antenne-relais est une zone blanche : il est impossible d’y téléphoner au moins une minute sans interruption, quel que soit l’opérateur (voir dans la seconde partie, le point II. B. 1.). Le terme de zone grise est également utilisé, lorsque seul un opérateur est présent pour la couvrir ou lorsque la connexion est médiocre en situation de mobilité ou à l’intérieur des bâtiments. 

2.   Les acteurs

a.   Les acteurs publics

L’État, ainsi que l’ARCEP et l’Agence nationale des fréquences (ANFR), suivent l’état des déploiements des réseaux mobiles. Toutefois, ces déploiements sont entièrement privés.

À la différence de la couverture téléphonique fixe, la couverture mobile ne revêt pas le caractère d’un service public universel. Cependant, l’État dispose de plusieurs moyens pour orienter le déploiement des réseaux mobiles au service de l’intérêt général.

En premier lieu, les opérateurs ont des obligations contractuelles, établies au moment stratégique de l’attribution des licences d’utilisation de blocs de fréquences. Il a été rappelé que ces blocs de fréquences, qui appartiennent à l’État, sont vendus pour une durée limitée et pour un prix fixé par enchères (cas récent de la bande 700 MHz). Ainsi, les opérateurs titulaires de blocs de fréquences sur la bande 800 MHz (Bouygues Telecom, Orange et SFR) étaient tenus de couvrir en 4G, d’ici le 17 janvier 2017, 40 % de la population des zones peu denses. Free, titulaire d’une licence sur la bande 700 MHz uniquement (attribuée plus tardivement que la bande 800 MHz), est tenu de couvrir en 4G, d’ici le 17 janvier 2022, 50 % de la population de ces mêmes zones.

 

Description : https://www.arcep.fr/fileadmin/reprise/observatoire/qsmobile/Observatoire_ZPD/RecapOblig4G.png

Source : ARCEP

Mais l’État impose également aux opérateurs de prendre des engagements de couverture en 2G et en 3G des zones peu denses (22 500 communes rurales, représentant 18 % de la population mais 63 % du territoire) pour que leurs déploiements soient le plus complets possibles, indépendamment de leur rentabilité.

En second lieu, des obligations réglementaires, proportionnées et co‑financées par des personnes publiques, sont imposées aux opérateurs. C’est notamment le cas de la couverture des communes situés en zone blanche, imposée par la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, puis par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Les opérateurs ont été tenus de couvrir les centres-bourgs d’un ensemble de 4 000 communes dans lesquelles il était impossible de téléphoner, tandis que les collectivités territoriales, avec le soutien financier de l’État ([14]), avaient à leur charge la construction d’un pylône pour accueillir les antennes-relais des opérateurs. Un service voix/SMS sur ces centres-bourgs devait être apporté avant le 31 décembre 2016, et un service haut débit (3G) d’ici le 30 juin 2017, et dans tous les cas au plus tard six mois après la mise à disposition du pylône. Pour chacun des sites concernés, un opérateur est chargé d’installer les antennes mobiles et d’exploiter le réseau pour le compte des quatre opérateurs.

Les collectivités territoriales jouent également un rôle dans le déploiement des réseaux mobiles. Comme il a été vu, elles doivent notamment mettre à la disposition des opérateurs un pylône lorsqu’elles sont situées en zone blanche. En outre, la plateforme France Mobile, lancée début 2017, doit permettre aux élus à la tête des collectivités territoriales ou de syndicats mixtes chargés de l’aménagement numérique de faire remonter l’ensemble des difficultés de couverture mobile constatées sur leur territoire. Les services préfectoraux régionaux doivent ensuite établir les demandes prioritaires à transmettre aux opérateurs. Ces derniers se sont engagés à résoudre les problèmes identifiés mais ne sont contraints par aucun mécanisme juridique.

b.   Les opérateurs de télécommunications

Le marché de la téléphonie mobile a connu une évolution structurelle lors de l’arrivée d’un quatrième opérateur national en 2012, Free Mobile, qui a fortement concurrencé les offres des trois opérateurs nationaux présents, SFR, Bouygues Telecom et Orange.

Chaque opérateur déploie son propre réseau mobile, en dehors des accords de mutualisation des infrastructures ou d’itinérance sur les réseaux existants. La mutualisation porte soit sur les infrastructures passives – co-financement d’un pylône ou du bâti qui compose une station de base – soit sur les infrastructures actives, qui concernent les équipements radioélectriques proprement dits. De tels accords existent pour les zones blanches entre les quatre opérateurs et, dans les zones peu denses de l’ensemble du territoire, entre SFR et Bouygues Telecom depuis 2014.

Les accords d’itinérance permettent d’utiliser, contre rémunération, une partie du réseau d’un autre opérateur : c’est le cas de Free sur le réseau 2G-3G d’Orange ou de SFR sur le réseau 4G de Bouygues Telecom. L’accord entre Free et Orange a été conclu, sous la surveillance de l’ARCEP, en 2012, pour garantir un accès concurrentiel à Free Mobile sur l’ensemble du territoire national, pour une somme allant de 500 à 700 millions d’euros. Ce contrat d’itinérance devrait s’éteindre en 2020.

L’arrivée d’un quatrième opérateur a donc entraîné une guerre des prix assez féroce, qui s’est traduite par l’effondrement du prix des forfaits téléphoniques au bénéfice des usagers. Dans le même temps, la concurrence par les infrastructures s’est renforcée avec l’arrivée de la 4G. Selon l’ARCEP, comme le montre le graphique ci-dessous, cette situation se traduit par un effort d’investissement particulièrement développé dans ce secteur d’activité. Les années 2012 et 2015 ont été marquées par un niveau d’investissement dans le mobile presque égal au niveau constaté dans le fixe, du fait de l’achat des licences d’utilisation des bandes 800 MHz et 700 MHz pour le déploiement du très haut débit mobile.

Description : https://www.arcep.fr/fileadmin/reprise/observatoire/investissements-op/investissements-repartition-2004-2016p.jpg

Source : ARCEP (2016)

Il faut également mentionner l’existence de plusieurs opérateurs téléphoniques alternatifs (Virgin Mobile – aujourd’hui RED par SFR, La Poste Mobile, NRJ Mobile, etc.), appelés opérateurs de réseau mobile virtuel (MVNO en anglais) : ces opérateurs proposent des offres aux particuliers mais ne disposent pas d’infrastructures réseaux en propre. Ils contractent des accords d’itinérance avec les opérateurs nationaux. Avant de déployer son réseau, Free Mobile était donc un MVNO parmi d’autres. Ces opérateurs disposent d’une part assez stable (d’environ 10 %) du marché de la téléphonie mobile.

3.   La situation en septembre 2017

Sur le papier, et au sens des obligations souscrites dans le cadre de leurs relations contractuelles avec l’État et le régulateur, les opérateurs nationaux respectent leurs engagements de couverture du territoire français.

En pratique, si une grande majorité de Français vivent avec un réseau de bonne qualité et donnant accès à l’internet mobile, la partie faiblement peuplée du territoire n’a pas toujours accès aux services de base : la possibilité de passer un appel sans coupure dans sa voiture ou chez soi.

Par exemple, si l’État et les opérateurs ont fourni un effort pour couvrir les zones blanches, le périmètre du programme « zones blanches » ne concerne que les centres-bourgs des villages. Certains habitants doivent donc toujours sortir de chez eux et se déplacer jusqu’au perron de la mairie pour disposer d’un signal correct pour téléphoner. Dans beaucoup de zones « grises », non éligibles à ce programme, les habitants n’ont pas réellement le choix de leur opérateur et connaissent de réels problèmes pour obtenir un signal dans de nombreuses situations du quotidien, ce qui est d’autant plus intolérable que les besoins en connectivité mobile s’amplifient avec le temps et que la grande majorité de la population dispose, pour le même prix, d’une qualité de service incomparablement meilleure.

En ce qui concerne le très haut débit mobile, au 1er septembre 2017, selon lANFR, 36 750 supports, sur lesquels peuvent se trouver les antennes-relais de plusieurs opérateurs, sont en service en France pour déployer la 4G. La hausse des mises en service de supports 4G est flagrante sur les derniers mois – plus de 1 point de hausse par mois. En revanche, la progression des supports 2G (55 000 en service) et 3G (40 000 en service) est limitée : leffort de déploiement porte désormais très majoritairement sur la 4G et la mise à niveau des sites 2G/3G en 4G.

Source : ANFR (*données communiquées par les opérateurs)

B.   Les engagements des opérateurs face à la réalité des déploiements

1.   Les déploiements actuels satisfont les échéances contractuelles des opérateurs

Les opérateurs sont soumis à des engagements de déploiements, échelonnés sur plusieurs années et différents pour chaque génération technologique de réseau mobile.

En ce qui concerne la 2G, les objectifs de couverture sont largement remplis, puisque la population couverte est supérieure à 99 %. Dans le cadre du programme « zones blanches », qui représente le dernier 1 % de la population, les engagements sont également tenus à date : les centres-bourgs sont couverts à 92 %. L’objectif était de 100 % sauf pour les centres-bourgs pour lesquels le pylône devant être construit par les pouvoirs publics n’était pas encore à disposition des opérateurs, ce qui est le cas des 8 % de communes restantes.

En ce qui concerne la 3G, le programme zones blanches s’applique également, avec une échéance fixée au 30 juin 2017 pour les premiers centres‑bourgs identifiés par le programme. Cette échéance a également été respectée par les opérateurs, qui couvrent ces 3 500 communes en 3G à quelques exceptions près.

En ce qui concerne la 4G, les déploiements des trois opérateurs soumis à l’obligation d’une couverture de 40 % des zones peu denses ont largement excédé leurs engagements contractuels, comme le montre le tableau de bord suivant.

Source : ARCEP (juillet 2017)

Note : Free ne dispose pas de bloc de fréquence sur la bande 800 MHz

2.   La couverture mobile n’est toutefois pas encore satisfaisante partout en France

Dans les zones peu denses, le temps de déploiement des réseaux ne correspond pas aux attentes de la population, ce qui peut s’expliquer par la concentration des efforts de déploiement des opérateurs dans les zones denses, où les supports sont plus rapidement saturés du fait du nombre important de clients. Le graphique ci-dessous atteste du hiatus qui existe entre la couverture d’une grande partie de la population – concentrée dans les zones urbaines – et la faible couverture du territoire.

Description : https://www.arcep.fr/fileadmin/reprise/communiques/communiques/2017/cp-zpd-190517-02.jpg

Source : ARCEP

Si le déploiement d’une vague technologique plutôt récente, comme la 4G, demande effectivement du temps, il faut garder à l’esprit que les besoins de ces populations en internet mobile ne sont pas moins développés qu’en zones denses.

L’argument du temps de déploiement n’est toutefois pas toujours pertinent. Il est ainsi de plus en plus insupportable aux citoyens situés dans les zones peu denses de ne pas disposer d’une couverture de base en 2G de qualité, notamment pour recevoir les appels téléphoniques et les SMS chez soi ou en mobilité. En outre, l’augmentation de la consommation, la saturation du réseau du fait de la hausse du nombre de personnes équipées, ou encore le défaut d’entretien des vieilles antennes font que le réseau mobile de base tend paradoxalement à perdre en qualité. Certes, le nombre de Français concernés par ces problèmes de couverture est peu élevé, ce qui permet aux opérateurs de mettre en avant des chiffres de couverture avantageux, les populations des zones denses biaisant nécessairement toute statistique d’ensemble. Mais cette population, qui ne se limite pas au périmètre du programme « zones blanches », n’a pas à être laissée pour compte au nom des priorités de déploiement d’une 4G très rentable ailleurs sur le territoire.

 


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   Seconde PARTIE : Réaffirmer une ambition d’Égalité d’accès pour 100 % des français

I.   Déployer la fibre optique sur 100 % du territoire français

A.   Les usages domestiques et professionnels d’internet continuent de s’accentuer

1.   Le besoin de débit augmente chaque année

À mesure que les performances de connexion augmentent, les besoins des particuliers augmentent également. Cette dynamique se confirme ces dernières années : l’arrivée du très haut débit a amplifié les usages liés à la vidéo sur internet, à la consommation de musique en streaming ou encore à l’utilisation de services en ligne (banques et assurances, achats en ligne, accès aux services publics) ([15]).

La valeur d’usage des services gratuits sur internet, les économies de temps, la plus grande variété de produits et de services disponibles concourent ainsi à l’amélioration du quotidien des usagers. Plusieurs études économétriques confirment que la hausse du taux de pénétration du haut et du très haut débit dans les foyers se traduit par des gains de croissance et par des gains de pouvoir d’achat ([16]). Selon une évaluation socioéconomique menée par France Stratégie ([17]), le passage de l’absence de haut débit (entre 512 Kbit/s et 3 Mbit/s) au haut débit (au moins 8 Mbit/s) se traduit par des gains des usagers, monétisés à hauteur de 5 euros par mois, et de 7,4 euros par mois pour le très haut débit (plus de 30 Mbit/s).

Enfin, dans un contexte où le télétravail est en pleine expansion, le Commissariat général à l’égalité des territoires a estimé, dans une étude récente, que les gains du télétravail à l’horizon 2025 seraient de 1h10 de temps de trajet économisé, de 124 euros de pouvoir d’achat mensuel supplémentaire et 33 % de baisse de l’absentéisme au travail ([18]). L’actuelle réforme du code de travail par ordonnances prévoit, d’ailleurs, de faciliter l’accès au télétravail : ce sera désormais à l’employeur de motiver son refus d’autoriser un salarié à télétravail.

Ces différents exemples montrent que l’arrivée du très haut débit sur l’ensemble du territoire français n’est pas superflue : l’évolution des habitudes de vie, de consommation et de travail des individus se traduit par un réel besoin de débit.

2.   Des activités professionnelles en pleine transition numérique

La mission a reçu des représentants d’entreprises ou d’agences publiques travaillant au développement de l’agriculture connectée, de la e-santé ou du tourisme connecté. Ces activités ont comme point commun de concerner des territoires où les problèmes de couverture numérique sont saillants, et sont alors un obstacle direct à leur développement économique et à la transition numérique des entreprises qui s’y trouvent.

En outre, en matière de e-santé, l’enjeu est d’intérêt général : il s’agit de lutter contre les déserts médicaux en développant des outils qui permettent d’améliorer les relations de soins et de mieux connecter les différents établissements de santé. Des infrastructures de télécommunications de bonne qualité sont le prérequis d’une réponse efficace aux défis de santé qui se posent aujourd’hui dans les territoires. Par exemple, les professionnels de santé en mobilité (médecins de campagne, infirmiers libéraux, spécialistes) s’informatisent et effectuent leur travail avec des terminaux connectés ; les maisons de santé pluridisciplinaires, s’appuyant sur les dossiers médicaux partagés (DMP) des patients, doivent pouvoir reposer sur une connexion efficace ; enfin, le développement de la télémédecine doit permettre de gérer l’urgence d’une situation médicale grâce à la connexion entre un établissement de santé de proximité et un hôpital disposant de meilleures ressources – mais situé à plusieurs dizaines de kilomètres. 

La mission a également reçu un représentant de Brest+, métropole labellisée French Tech, et dirigeant d’une entreprise spécialisée dans l’agriculture connectée. Le recours à des outils informatiques, à des capteurs et à des systèmes d’information (notamment la collecte et le traitement de données dans le cloud), pour équiper les entreprises agricoles, se révèle source de réels gains de productivité.

Ainsi, les outils développés par cette entreprise permettent de mieux contrôler les quantités produites, d’optimiser l’adéquation entre l’offre et la demande et de mieux sécuriser la traçabilité de la production. La génération de nombreuses données de production a non seulement un intérêt direct pour l’agriculteur, qui peut ainsi améliorer la performance de sa culture ou de son élevage, mais aussi pour l’ensemble de la filière : le partage des données entre partenaires (coopératives, groupements d’éleveurs, organisations de producteurs) permet également d’améliorer l’efficacité des échanges, d’améliorer les techniques et de renforcer la sûreté des contrôles sanitaires.

Lors des échanges avec la mission, le représentant de Brest+ a confirmé que les difficultés de couverture numérique étaient un frein réel à la transition numérique de plusieurs entreprises agricoles, qui ne peuvent accéder aux outils et services proposés par son entreprise. Les agriculteurs ont pourtant conscience que ces nouveaux outils sont aujourd’hui nécessaires à la sauvegarde de leur compétitivité, en France et à l’international.

Proposition n° 5 : Renforcer l’ambition du plan France Très Haut Débit en fixant des objectifs de couverture en 2022 autorisant des débits ascendants performants et compatibles avec la transition numérique des TPE et PME.

Vos rapporteurs appellent à ce qu’une mission complémentaire soit lancée sur le thème plus précis de la transition numérique des TPE et des PME. Une telle mission devrait, en outre, permettre de préparer utilement le futur projet de loi relatif aux très petites, petites et moyennes entreprises qui devrait être discuté courant 2018.

B.   De nouvelles stratÉgies de dÉploiement potentiellement conflictuelles

1.   La nouvelle stratégie de l’État 

a.   Une nouvelle bouée de passage : le « bon débit pour tous » en 2020

Lors de la Conférence nationale des territoires de juillet 2017, le Président de la République a annoncé vouloir accélérer le déploiement du haut et du très haut débit sur l’ensemble du territoire français.

À cette fin, le plan FTHD se dote désormais d’une nouvelle échéance : apporter à l’intégralité des foyers français un débit au moins égal à 8 Mbit/s fin 2020.

Extraits du discours du Président de la République –
Conférence nationale des territoires, Sénat, juillet 2017

« C’est avec le même état d’esprit enfin que je me suis engagé à la couverture intégrale pour tous les Français en très haut débit. Je souhaite encore accélérer ce calendrier afin de parvenir à une couverture en haut et très haut débit d’ici la fin de l’année 2020. Sur ce sujet avec nombre d’entre vous durant la mandature précédente nous avons construit des solutions pour essayer de couvrir les manques, de rattraper les retards, de pousser les opérateurs, c’est la première chose qui nourrit les extrêmes, la première chose. Je dis fin 2020, je vous confirme et plus 2022, vous avez bien entendu, parce que si je vous dis 2022 je ne suis pas sûr que je serai en situation parfaite de pouvoir en répondre. Si je vous dis fin 2020 je sais que j’aurai encore l’année 2021 pour pouvoir rattraper les retards.

(…)

« Ensuite, regarder également la nature du plan qui a été pensé par l’État pour envisager les complémentarités technologiques. Il est impossible de tenir la promesse de tirer de la fibre dans tous les logements de la République, ça n’est pas vrai, cette promesse est intenable technologiquement et financièrement. Par contre, nous devons et nous pouvons jouer sur les complémentarités entre la fibre et le mobile et en particulier l’internet mobile. Nous pouvons déployer des cellules dites cellules Femto et nous pouvons jouer sur la complémentarité avec le déploiement satellite qui est au cœur d’ailleurs de la stratégie de l’État en la matière. C’est donc aussi cette reconfiguration technologique qui doit être portée. Enfin, l’État affectera une part du grand plan d’investissement à cette priorité pour là où c’est nécessaire, là où des carences seront constatées se substituer aux opérateurs défaillants. »

Cette annonce a deux répercussions sur la stratégie de l’État :

– la reconnaissance de l’urgence de la situation : le déploiement du très haut débit dans certaines parties du territoire sera trop tardif pour que des solutions transitoires d’amélioration du débit ne soient pas mises en œuvre partout où cela est nécessaire ;

– la reconnaissance explicite du « mix technologique » comme solution de connectivité en complément, voire en substitution du déploiement du réseau FttH sur l’ensemble du territoire.

Le cap d’un bon débit pour tous en 2020 paraît tenable et pragmatique. De nombreuses collectivités territoriales qui mènent des opérations de montée en débit ou déploient des infrastructures réseaux complémentaires (wifi public, boucle locale radio) s’étaient déjà fixé une échéance de cet ordre.

En revanche, vos rapporteurs mettent en avant le risque que cette nouvelle étape transitoire, apportant des solutions technologiques transitoires, ne finisse par devenir une réalité pérenne pour une partie des citoyens, pour lesquels l’arrivée de la fibre optique deviendrait illusoire. Cette situation ne serait pas acceptable dès lors que les besoins en très haut débit – à qualité de service identique – sont les mêmes quels que soient les territoires.

Proposition n° 7 : Améliorer la transparence des déploiements des réseaux fixes :

– Rendre publique, d’ici fin 2017, une cartographie départementale des zones qui n’auront, en 2022, fait l’objet ni d’un déploiement de fibre jusqu’à l’abonné (FttH), ni d’une opération de montée en débit permettant d’atteindre le très haut débit (plus de 30 Mbit/s) ;

– Préciser, pour chacune de ces zones et en fonction de leurs spécificités, quelle solution technologique précise sera mise en œuvre pour garantir un bon débit en 2020 et l’accès au très haut débit en 2022 ;

– Publier, annuellement et par département, le pourcentage d’habitations raccordées au très haut débit, et ventiler ce pourcentage par type de solution technologique (les solutions hertziennes devant être identifiées de façon distincte dans cette ventilation) ;

– Indiquer, pour chacune de ces zones, un calendrier indicatif de déploiement de la fibre optique jusqu’à l’abonné, afin de rappeler que ce déploiement reste l’objectif principal.

b.   L’exigence d’une couverture intégrale en très haut débit est réaffirmée

L’État, par la voix du Président de la République, réaffirme l’ambition de tenir les objectifs du plan pour 2022, à savoir apporter le très haut débit à 100 % de la population en 2022. Le réseau FttH sera déployé le plus loin possible, les bouquets de technologies alternatives permettant de combler les poches les moins accessibles ou les plus coûteuses à couvrir, mais n’apportant pas la même qualité de service et la potentialité en matière de débit symétrique.

En outre, l’État pourra se substituer aux opérateurs si des défaillances ou des carences se font jour : cette nouvelle annonce confirme que l’État sera donc le garant de l’achèvement de la couverture du territoire en très haut débit.

2.   La nouvelle stratégie des collectivités territoriales

Les projets de RIP des collectivités territoriales sont à des stades de développement très disparates. Tandis que certains départements ont déjà plusieurs milliers de prises raccordées en FttH, d’autres se sont concentrés sur les opérations de montée en débit, et d’autres commencent à peine les travaux d’enfouissement des lignes en fibre optique.

Toutefois, le paysage des RIP a beaucoup évolué ces derniers mois, sous l’influence de plusieurs facteurs :

– les procédures d’attribution des marchés publics pour établir les réseaux sont presque toutes terminées et les phases d’instruction des dossiers de candidature des RIP aux subventions de l’État, de l’Union européenne et, le cas échéant, des régions, sont en phase terminale. La montée en charge des déploiements est donc enclenchée ;

– devant l’engouement plus affirmé des opérateurs, verticalement intégrés ou aménageurs, et des fonds d’infrastructures pour les réseaux en fibre optique, le coût public des déploiements est en train de baisser. Plus précisément, les collectivités qui ont choisi le modèle de la concession pour l’établissement de leur réseau ont vu la part d’investissements privés augmenter sensiblement ([19]). Cela est notamment dû à un jeu concurrentiel affermi pour l’obtention des marchés de RIP ;

– le succès des RIP déjà bien engagés : une des principales craintes des collectivités territoriales il y a quelques mois encore était la difficulté de commercialiser efficacement leur réseau, c’est-à-dire d’attirer des opérateurs nationaux pour qu’ils achètent des prises et proposent des offres FttH aux foyers raccordés par le RIP, faute de quoi le modèle économique de ces RIP s’effondrerait. Dans beaucoup de RIP en partie déployés, le taux de pénétration des réseaux est satisfaisant ([20]).

Une des principales préoccupations des collectivités est bien de s’assurer que les opérateurs nationaux commercialiseront des offres dans leur RIP, en échange de redevances d’accès au réseau. Pour les RIP qui ont choisi un opérateur verticalement intégré (Orange ou SFR) pour établir leur réseau, comme pour les collectivités qui ont déjà obtenu l’engagement d’un opérateur de commercialiser une offre FttH, l’objectif est désormais d’attirer des concurrents.

3.   Les nouvelles stratégies des opérateurs

En 2011, au lancement du programme très haut débit, précédant le plan FTHD, le déploiement à grande échelle de la fibre optique ne figurait pas parmi les priorités d’investissement des opérateurs, qui préféraient consacrer leurs investissements à leurs réseaux mobiles ou à l’étranger. L’appel à manifestation d’intentions d’investissement (AMII) lancé par l’État à cette date pour couvrir les zones denses (hors grandes villes) n’a ainsi reçu d’écho que chez deux opérateurs, en particulier Orange pour la plus grande partie des déploiements.

Aujourd’hui, l’ensemble des opérateurs souhaitent, au contraire, accélérer leurs investissements, quitte à bousculer les équilibres du plan FTHD. Cela s’explique par un coût de déploiement de la fibre optique en forte baisse sur les derniers mois, ce qui augmente sa rentabilité, mais aussi par des considérations plus stratégiques : la propriété d’un réseau fixe de long terme comme le réseau FttH est un avantage concurrentiel indéniable.

Orange est l’opérateur qui a investi le plus tôt, et le plus massivement. Fin juin 2017, le groupe a raccordé près de 6 millions de foyers, toutes zones confondues, soit 73 % du réseau en fibre déployé à cette date. Entre 2016 et 2019, Orange compte investir 7 milliards d’euros dans la fibre optique, et fournir 2 millions de prises supplémentaires par an. Cet effort d’investissement devrait porter sur la zone conventionnée, où le groupe n’a réalisé que 22 % de couverture FttH en six ans, alors même qu’il doit l’avoir achevée fin 2020.

Bouygues Telecom et Free déploient en propre ou par accord de co‑investissement dans les zones très denses (accord de 2010 entre Bouygues Telecom et SFR) et, dans la zone conventionnée, les deux opérateurs co‑investissent avec Orange. En théorie, l’accès au réseau de l’opérateur constructeur par l’opérateur co-investisseur est transparent à la fois techniquement et commercialement.

Mais les deux opérateurs souhaiteraient désormais pouvoir déployer en propre dans la zone conventionnée. La propriété du réseau permet l’indépendance de l’opérateur, tandis qu’un simple accès à un réseau tiers, détenu par un concurrent, suscite toujours la crainte de discriminations techniques. En outre, les co-investisseurs subissent aujourd’hui les retards de déploiement d’Orange et de SFR en zone conventionnée, puisqu’ils ne peuvent commercialiser des lignes qu’à mesure qu’elles sont effectivement mises en service. Enfin, l’expérience du réseau en cuivre, dont l’accès coûte cher chaque année aux opérateurs autres qu’Orange, incite les opérateurs nationaux à ne pas laisser cet opérateur en situation de nouveau monopole de fait sur le réseau en fibre – ce qui s’observe aujourd’hui dans la zone conventionnée.

Dans les RIP, Free a une stratégie d’anticipation. Si cet opérateur n’est pas verticalement intégré et ne contractualise pas avec les collectivités pour déployer directement leurs réseaux, il a récemment signé un accord de commercialisation avec Axione pour pouvoir proposer son offre FttH dans tous les RIP déployés par l’aménageur du groupe Bouygues, à mesure que les raccordements sont effectués. Free envisage de signer des accords similaires avec les autres opérateurs aménageurs de RIP.

Enfin, SFR est l’opérateur qui a le plus réorienté sa stratégie en direction des réseaux en fibre optique. Lors de la reprise de l’opérateur par le groupe Altice, qui possédait déjà Numericable, les investissements dans la fibre optique n’était pas la priorité du groupe. Ainsi, les importants retards de déploiement dans la zone conventionnée (14 % de sa zone a été couverte en six ans, et une carence de déploiement a été constatée dans la métropole lilloise) peuvent s’expliquer par le choix de SFR-Numericable de moderniser d’abord son réseau câblé en zones très denses. Il faut toutefois noter que la filiale SFR-Collectivités opère l’établissement de plusieurs RIP.

Aujourd’hui, le groupe affirme sa volonté d’accélérer les déploiements en zone conventionnée, en demandant un meilleur partage des zones à déployer avec Orange, allant jusqu’à lancer une procédure judiciaire à l’encontre de ce dernier en mai 2017. En outre, le groupe a annoncé, en juillet 2017, souhaiter déployer son propre réseau FttH sur l’ensemble du territoire, sans égard pour le découpage des zones du plan FTHD. En particulier, dans la région Grand Est où un RIP régional a été attribué en juin 2017 à un consortium organisé autour du groupe Altitude, SFR – qui était candidat à l’appel d’offres – a déclaré publiquement ne pas souhaiter être client de ce RIP et déployer un réseau parallèle qui lui ferait directement concurrence, au point de menacer son équilibre économique.

L’objectif annoncé de SFR est de parvenir à une couverture de 80 % du territoire français en très haut débit (FttH et réseau câblé) en 2022 et 100 % du territoire en 2025. Toutes les nouvelles prises construites seront en FttH, au rythme annoncé de 2 millions par an. Le réseau serait ouvert et activé, pour que l’ensemble des opérateurs puisse y accéder afin de proposer des offres commerciales. De nombreuses communes ont été démarchées par le groupe pour connaître leur intention au regard de l’autorisation à accorder à SFR pour déployer son réseau sur leur territoire – un réseau gratuit pour elles, puisque le groupe déploiera sans subventions publiques.

Ainsi, à la différence de la situation au lancement du plan FTHD, les zones qui étaient considérées comme en carence d’initiative privée font désormais explicitement partie des nouvelles stratégies des opérateurs. Outre SFR, le groupe Orange a également fait part de son intention de déployer son propre réseau dans les zones peu denses où les collectivités territoriales préfèrent cette solution à l’élaboration d’un RIP. Cela est le cas dans le Territoire de Belfort, à la suite d’un conventionnement ad hoc en février 2017, et plus récemment dans les Hautes‑Pyrénées, département pourtant rural et de montagne, où Orange déploiera également son réseau sans subventions publiques, composé en grande partie de FttH puis, pour les habitations isolées, des extensions en cuivre modernisé ou en boucle locale radio.

C.   L’objectif de 100 % du territoire français couvert par la fibre optique ne doit pas être perdu de vue

1.   Garantir la transition technologique vers la fibre optique

Les objectifs du plan FTHD sont pragmatiques : en 2022, 50 % des habitants de zones peu denses ne bénéficieront pas du réseau en fibre optique, et 15 % d’entre eux ne seront toujours pas connectés à un réseau filaire, même si, en théorie, ils auront tous accès à une forme de très haut débit. Nous avons vu que ces technologies alternatives présentaient des inconvénients et n’apportaient pas entière satisfaction à l’usager. Et c’est cette même année que l’ensemble des crédits nationaux du plan FTHD, soit 3,3 milliards d’euros, auront été consommés.

Pourtant, dans la ligne des préconisations de la Commission européenne et aussi dans celle de la stratégie de long terme de l’État, le réseau en fibre optique devra être déployé aussi loin que possible, pour approcher l’objectif d’une couverture complète en FttH de la France. Vos rapporteurs demandent à l’État non pas de se rapprocher mais d’atteindre l’objectif d’une couverture de 100 % des locaux d’habitation et d’entreprises connectés à l’électricité. L’échéance du plan FTHD, en 2022, n’est finalement qu’un jalon intermédiaire, et il faut dès aujourd’hui penser les années 2022-2025. Dans le cas contraire, il faudrait acter que le plan FTHD était dès le départ un plan à deux vitesses, entre les « heureux » de la fibre optique et les « malgré-eux » du mix technologique, ce à quoi vos rapporteurs ne peuvent se résoudre.

Plusieurs projets de RIP prévoient déjà la complétude de leur réseau FttH, à des dates plus avancées : 2025 ou 2030 selon les situations. D’autres projets n’ont pas encore évalué comment engager cette « phase 2 » qui suivra la fin du plan FTHD. La principale difficulté des collectivités territoriales concernées est le financement de ces prises FttH, beaucoup plus coûteuses que les lignes déployées en centre-bourg ou en centre-ville. Les communautés de communes qui se situent en zone de montagne ou qui comptent beaucoup de très petites communes et lieux‑dits isolés sont souvent celles qui n’ont pas les moyens financiers de compléter leur plaque FttH.

Si la solidarité territoriale au sein d’un même RIP joue beaucoup pendant la phase actuelle, l’intervention de l’État pour assurer la péréquation nécessaire à la complétude du réseau en fibre optique doit être précisée. C’est une attente forte des collectivités gestionnaires de RIP.

Une première annonce gouvernementale a permis de donner quelques réponses. En audition au Sénat ([21]), M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires, a déclaré que pour tenir l’objectif de 100 Mbit/s pour l’ensemble des foyers français en 2025, « il manque entre 1,3 et 1,8 milliard d’euros, que [le Gouvernement prévoit] d’inscrire dans le volet numérique du grand plan d’investissement ». Cette annonce doit encore être confirmée et rencontrer sa réalité budgétaire dans les projets de loi de finances à venir.

Pour vos rapporteurs, plus la précision du calendrier et des modalités de la phase 2, entre 2022 et 2025, sera connue rapidement, plus les populations à qui sont apportées des solutions transitoires, comme le THD radio ou le réseau satellitaire, pourront être rassurées sur le fait que l’arrivée de la fibre optique n’est pas qu’un mirage. Elles accepteront ainsi mieux de bénéficier d’une solution d’attente imparfaite mais transitoire.

 

Proposition n° 1 : Afficher l’objectif de la fibre pour tous en 2025 comme nouveau jalon du plan France Très Haut Débit.

 

Proposition n° 2 : Confirmer, dès le projet de loi de finances pour 2018, l’engagement de crédits supplémentaires de l’État pour aider les collectivités à achever les déploiements de fibre optique en 2025.

 

Proposition n° 3 : Revoir les mécanismes de péréquation territoriale qui pourraient être mis en place pour répartir équitablement les subventions de l’État et le coût de l’achèvement du réseau en fibre optique pour tous, notamment dans les zones rurales, insulaires et de montagne.

2.   Ajuster les équilibres du plan FTHD

Au vu des déploiements réalisés, des stratégies respectives des acteurs publics et privés, il apparaît à vos rapporteurs que les grands équilibres du plan FTHD devraient aujourd’hui être confirmés. Toutefois, des ajustements doivent sans doute être réalisés à mi-parcours pour garantir la tenue des objectifs initiaux.

En zones très denses, les déploiements sont conformes au calendrier fixé. Il faudrait néanmoins veiller à ce que la situation concurrentielle dans ces zones soit respectée. En particulier, l’ARCEP, dans sa dernière analyse des marchés fixes haut et très haut débit, signale que l’avance d’Orange dans les déploiements de zones très denses n’est pas sans poser de difficultés. En vertu du cadre de régulation en vigueur, lorsqu’un opérateur apporte la fibre au pied d’un immeuble, il doit en ouvrir l’accès aux autres opérateurs par un point de mutualisation – chaque opérateur ayant à sa charge le raccordement final de ses clients dans l’immeuble. Or, il arrive que ces concurrents rencontrent des difficultés d’accès à ce point de jonction des réseaux, ce qui entrave le processus de libre concurrence. Sans mesures correctrices adaptées de la part d’Orange, l’ARCEP pourrait, à terme, lui imposer des contraintes spécifiques ([22]).

Proposition n° 9 : Garantir la non-discrimination des opérateurs investissant dans les zones très denses, pour ne pas rompre la dynamique concurrentielle qui s’y est engagée, quitte à encourager l’ARCEP à mettre en place une régulation asymétrique dans l’accès aux immeubles.

En zone conventionnée, ou AMII, la situation des déploiements est, comme il a été vu, plus préoccupante. Les retards accumulés par les opérateurs, en dehors de carences manifestes, ne laissent aucune prise aux collectivités pour réagir. Vos rapporteurs appellent à la prise de plusieurs mesures afin de renforcer le contrôle de l’avancée des travaux par les personnes publiques, État comme collectivités territoriales.

– Les conventions tripartites réalisées aujourd’hui entre un opérateur (Orange ou SFR), l’État et les collectivités territoriales concernées ne sont pas contraignantes juridiquement. Elles permettent aux personnes publiques d’avoir un regard sur la façon dont l’opérateur entend déployer son réseau et de se concerter sur les priorités à donner. Les échéances de déploiement fixées par ces conventions ne sont donc pas opposables. Il serait utile de renforcer le caractère contraignant du suivi de ces conventions et, notamment, de l’obligation de complétude qui s’impose aux opérateurs, qui ont davantage intérêt à déployer leur réseau FttH sur les zones les plus rentables avant de combler les poches moins denses de la zone conventionnée ([23]).

– Parmi les pistes à l’étude figure celle de la simplification et de la plus rapide exécution des constats de carence, qui permettent aux personnes publiques, en cas de défaillance de l’opérateur, d’intervenir en étendant le périmètre du RIP mitoyen de la zone conventionnée concernée. Face à un outil de rétorsion plus facile à utiliser, les opérateurs seraient incités à faire montre de davantage de transparence et à manifester des efforts supplémentaires en cas de mise en demeure.

Proposition n° 10 : Demander à Orange et à SFR de prendre des engagements de déploiement annuels, fermes et chiffrés, dans chaque convention déjà signée, d’ici fin 2017. Ces engagements doivent garantir en priorité la complétude de couverture des zones déjà équipées d’un point de mutualisation (zone arrière). La non-tenue de ces engagements entraînerait la constatation automatique de la carence de l’opérateur pour les zones n’ayant fait l’objet d’aucun déploiement.

– En outre, dans les zones qui ne font pas encore l’objet d’un conventionnement, et pour lesquels les opérateurs n’ont donc pas encore contractualisé avec l’État et les collectivités territoriales, il reste possible à l’État de demander aux opérateurs de prendre de nouveaux engagements juridiquement contraignants sur le fondement de l’article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques. L’appétit d’investissement des opérateurs non conventionnés, Bouygues et Free, pourrait se traduire par une concurrence par le haut profitable aux collectivités. Pourraient ainsi faire l’objet de nouveaux conventionnements contraignants les « poches de basse densité », qui sont les zones dans lesquelles aucun appel de co-investissement ni aucune obligation de complétude ne sont prévus. Cette partie de la zone très dense n’est, en effet, pas prioritaire pour les opérateurs qui concentrent leurs investissements dans les poches de haute densité, où la situation concurrentielle est proportionnelle à la rentabilité du déploiement des prises FttH. Un accroissement de la zone AMII en direction de ces poches de basse densité apparaît opportun.

Proposition n° 11 : Sur le fondement de l’article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques, les opérateurs de télécommunications doivent prendre des engagements juridiquement contraignants sur leurs intentions d’investissement dans la zone AMII, a minima dans les territoires où le déploiement du FttH ne fait pas encore l’objet d’une contractualisation avec l’État et les collectivités territoriales.

La situation des RIP appelle un examen plus approfondi.

3.   Préserver les réseaux publics de la concurrence par les infrastructures

L’équilibre entre l’initiative publique et l’initiative privée a été défini avec soin par le plan FTHD, et confirmé par la Commission européenne, dont la jurisprudence en matière d’aides d’État et de prévalence de l’initiative privée est pourtant stricte.

Chaque groupement de collectivités a défini le modèle économique de son RIP sur l’hypothèse fondatrice que ce serait le seul réseau déployé sur le territoire. Les collectivités concernées prennent ainsi des risques financiers et commerciaux importants ([24]) en engageant des investissements publics lourds dans un réseau qui, par définition, couvre des zones peu denses et moins rentables.

Pour cette raison, le modèle de concurrence par les infrastructures valable dans les zones très denses et très rentables, ne peut être applicable dans les zones moins denses. Dans le même temps, il ne faut pas décourager les nouvelles ambitions de déploiements privés, qui ne recourent pas aux subventions publiques et pourraient permettre d’augmenter le taux de foyers couverts en fibre optique à l’horizon 2022.

Vos rapporteurs sont donc ouverts à ce que certaines parties de la zone d’initiative publique qui seront tardivement couvertes par les RIP basculent dans la zone d’initiative privée, sous couvert d’un conventionnement strict avec un opérateur privé ayant manifesté son intention d’investir. Ce redécoupage à la marge devrait permettre de maintenir un partenariat public-privé optimal. En échange, les zones RIP dont le déploiement est déjà engagé devraient être préservées de toute concurrence par les infrastructures, au moins pendant une période initiale.

En effet, vos rapporteurs s’opposent à l’idée que deux réseaux, un public et un privé, se fassent concurrence au sein de la zone d’initiative publique. La stratégie affichée ouvertement d’un opérateur, SFR, de se substituer de facto à des RIP apparaît, à ce titre, particulièrement agressive et très risquée pour les collectivités. Dans les différentes auditions menées par la mission, ces annonces d’une couverture à 100 % du territoire français ont généralement provoqué de la circonspection, sinon des critiques ouvertes, notamment à cause du changement brutal de stratégie de cet opérateur.

Parmi les risques manifestes d’une telle stratégie figure celui d’un réseau privé déployé à la carte dans la zone d’initiative publique. Ce réseau pourrait ainsi se déployer rapidement dans les centres-bourgs mais ignorer les raccordements dans les zones isolées, voire facturer aux particuliers les raccordements finaux à des prix importants. Dans ces conditions, il est clair que la stratégie des RIP, qui vise, au contraire, à déployer des plaques FttH dans toutes les communautés de communes et à desservir rapidement les zones mal dotées, serait mise à terre.

Plusieurs options restent cependant à la disposition des collectivités territoriales et de l’État :

– l’opérateur souhaitant déployer un réseau en propre sur la zone d’initiative publique pourrait, en meilleure intelligence avec les collectivités territoriales, prendre des engagements de déploiement et de complétude opposables juridiquement, sur le fondement de l’article L. 33-13 du code des communications électroniques et des postes, qui prévoit une telle voie contractuelle sous le contrôle et le pouvoir de sanction de l’ARCEP ;

– dans les projets de RIP où la solidarité territoriale est forte ([25]), les collectivités participantes au projet n’ont aucun intérêt à favoriser l’établissement d’un réseau concurrent sur leur territoire. Toutefois, en application de l’article L. 47 du code des communications électroniques et des postes, elles ne peuvent refuser de droit de passage à l’opérateur concurrent sur leur domaine public que dans des situations restreintes ([26]). Elles peuvent toutefois retarder la délivrance de permissions de voirie ;

– dans le cadre d’un potentiel contentieux, la qualification par l’Autorité de la concurrence du réseau en fibre optique comme « infrastructure essentielle », ce qui en fait un monopole naturel, pourrait être de nature à protéger les réseaux publics de toute concurrence par les infrastructures.

Proposition n° 4 : Lancer une étude complémentaire pour identifier les leviers législatifs pouvant être utilisés pour sécuriser les modèles économiques des réseaux déployés par les collectivités dans la zone d’initiative publique.

4.   Assurer la transparence des déploiements

Les déploiements du réseau en fibre optique avancent : toutefois, il est souvent difficile pour les citoyens de connaître leurs perspectives en matière d’arrivée du très haut débit. Dans la zone AMII, les informations disponibles sont ainsi très lacunaires, tant pour eux que pour les collectivités qui ont signé une convention avec Orange ou avec SFR. Dans la zone RIP, les citoyens doivent pouvoir savoir avec précision quelles solutions, FttH ou bouquet technologique, les collectivités ont prévu pour eux dans chaque territoire, et à quelle échéance les améliorations de débit vont avoir lieu. Les syndicats mixtes en charge de l’établissement du RIP savent que les besoins de compréhension et d’explications des citoyens sont importants, mais ils sont souvent débordés de sollicitations et ne sont pas équipés pour assurer un service d’information citoyenne.

Si les collectivités organisent d’ores et déjà des réunions publiques, et si le maire est souvent un relais efficace de l’information transmise par le conseil départemental ou le syndicat mixte, cela reste insuffisant : il faut pouvoir connaître la programmation des travaux, les délais de mise en service, les dates estimées de déploiement dans les différentes communes, etc. Les efforts de communication, de pédagogie et de transparence de l’information dans les RIP doivent être approfondis, afin que les citoyens puissent à la fois se tenir informés et mesurer la façon dont leurs contributions fiscales aux projets de leurs collectivités sont effectivement utiles.

De la même façon, les collectivités qui ne disposent pas des moyens de connaître les calendriers précis de déploiements des opérateurs privés sont en droit d’espérer davantage de transparence, pour à leur tour informer leurs usagers. En zone conventionnée, en particulier, où les déploiements tardent mais sont supposés accélérer, les opérateurs devraient être soumis à des exigences renforcées de transparence des déploiements.

L’ARCEP plaide, avec raison, pour qu’un outil national de cartographie des déploiements, de type monreseaumobile.fr, puisse être mis en œuvre pour les réseaux fixes.

Proposition n° 6 : Lancer un outil cartographique public permettant aux citoyens de s’informer sur les déploiements de fibre optique réalisés ou des technologies alternatives en cours de réalisation ou planifiés.

II.   Combler définitivement le fossé entre le déploiement mobile et les attentes des citoyens

A.   Les USAGES mobiles sont en forte expansion

Le besoin d’une bonne couverture numérique mobile a été démultiplié ces dernières années pour les usagers. Tandis que, lors de l’émergence des téléphones portables pour le grand public, on visait la possibilité de téléphoner et d’échanger des SMS en situation de mobilité, l’arrivée de la donnée sur mobile et la généralisation de l’équipement de l’ensemble de la population ont changé la donne.

Aujourd’hui, non seulement les téléphones portables tendent à se substituer aux téléphones fixes au sein des domiciles, mais les connexions à internet via un terminal mobile sont désormais, au niveau mondial, plus nombreuses que les connexions fixes.

En France, selon l’ARCEP, la quantité de données échangées sur les réseaux mobiles a doublé entre début 2016 et début 2017, en passant à 400 000 téraoctets (To, soit 1 000 Go). Les terminaux équipés en 4G effectuent 91 % de cette consommation, ce qui traduit à quel point les usages dépendent des technologies à la disposition des consommateurs.

Source : ARCEP

L’évolution des usages pose de nombreuses questions en termes de couverture efficace du territoire en réseaux mobiles. Par exemple, le développement de la téléphonie mobile dans les domiciles et les lieux de travail exige une bonne couverture à l’intérieur des bâtiments, aussi appelée couverture in-doors. De même, la couverture efficace des axes de transport se fait urgente : encore trop peu de voies ferrées sont équipées d’antennes-relais suffisamment nombreuses pour obtenir un signal 2G ou haut débit qui ne soit pas trop fréquemment interrompu ([27]).

En outre, sur les axes routiers, notamment dans les territoires ruraux, la couverture mobile reste insuffisante, alors que la mobilité au travail se développe et que les technologies s’adaptent – par exemple, la plupart des nouveaux modèles de voiture sont connectés : il est possible, par une connexion Bluetooth, de téléphoner à l’intérieur de l’habitacle sans manipuler son téléphone.

Les indicateurs de mesure, trop sédentaires et réalisées en extérieur, peinent à mesurer une couverture ressentie bien moins performante que ce que les cartes actuelles de couverture établissent.

B.   la couverture mesurÉe et la couverture ressentie

Cette sous-partie se concentre sur une situation urgente : la possibilité de passer un appel téléphonique de qualité convenable sur l’ensemble du territoire. Cette urgence-là doit être traitée en parallèle, et non en complément, des efforts de déploiement du réseau 4G.

1.   Les indicateurs de mesure sont insuffisants

Outre les données et les cartes de couverture fournies par les opérateurs, l’ARCEP contrôle la qualité de la couverture de façon indépendante. Les protocoles de mesures présentés ci-dessous, portant uniquement sur le service de base (2G), montrent une méthodologie précise, mais qui ne correspond plus aux attentes légitimes des populations concernées.

Le protocole de l’ARCEP pour qualifier une zone blanche est le suivant : cinq à sept mesures sont réalisées dans le centre-bourg (uniquement) de la commune signalée. Concrètement, il s’agit de prendre différentes mesures dans un cercle d’un rayon de 500 mètres dont le centre est la place de la mairie. La mesure consiste en quatre appels téléphoniques, un par opérateur, réalisés en extérieur, d’une durée d’une minute. Une commune est considérée comme située en zone blanche si aucun opérateur ne la couvre correctement (plus de 50 % des appels étant de qualité médiocre ou mauvaise pour les quatre opérateurs). Il suffit, réciproquement, que 50 % des appels passés au travers du réseau d’un seul opérateur soient de qualité parfaite ou acceptable pour que la commune soit déclarée couverte ([28]).

Ce protocole souffre de plusieurs défauts :

– il ne prétend pas mesurer la couverture de l’ensemble du territoire habité de la commune, dont l’habitat peut pourtant être dispersé et éloigné du centre‑bourg ;

– la présence d’un seul opérateur permettant de réussir un nombre restreint d’appels (50 % de taux de réussite) suffit à déclarer la commune couverte : si le nombre de zones blanches « officielles » est ainsi relativement réduit, le nombre de zones grises effectives est vraisemblablement bien plus élevé, sans que les citoyens ou les collectivités ne disposent de moyens de les qualifier avec précision, faute d’indicateurs et d’enquêtes adaptées ;

– il porte sur des mesures réalisées en extérieur. Un appel de qualité acceptable sur le centre de la mairie a des risques de devenir de mauvaise qualité une fois passé le seuil d’une habitation.

Le protocole « zones blanches » est moins strict que celui utilisé pour qualifier la couverture mobile des opérateurs sur le reste du territoire. L’ARCEP a développé une méthodologie précise à destination des opérateurs, à respecter dans le cadre des autorisations individuelles d’utilisation de fréquences dont ces opérateurs disposent. Selon cette méthodologie, une portion de territoire est considérée couverte par un service mobile s’il est possible d’y passer, avec un taux de réussite d’au moins 95 %, un appel téléphonique et de le maintenir une minute, à l’extérieur des bâtiments et en position statique. C’est sur cette base que sont fixés les objectifs de couverture des opérateurs et sur cette base qu’ils réalisent leurs cartes de couverture, disponibles pour le grand public sur internet. Des critiques du même ordre que celles avancées pour les zones blanches s’imposent : avec des critères un peu plus exigeants, les données de couverture mises à la disposition du citoyen refléteraient certainement mieux son quotidien.

Ainsi, pour assurer la fiabilité des cartes des opérateurs, l’ARCEP mène annuellement une enquête indépendante ([29]) qui mesure notamment la qualité du service voix et SMS (correspondant à la 2G). Ces mesures sont testées à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des bâtiments d’habitation et sur les axes de transport ferroviaire et routier (autoroutes et nationales). Pour la qualité d’un appel téléphonique, la mesure porte sur un appel de deux minutes, avec des critères d’évaluation identiques à ceux du protocole « zones blanches ». L’enquête de 2017 porte sur un échantillon de 97 220 appels, dont seulement 2 100 sont passés dans les zones habitées peu denses (communes de moins de 10 000 habitants). Il n’est pas possible de savoir combien d’appels ont été passés sur les axes routiers des zones peu denses, mais il est utile de noter que les routes départementales ou communales n’ont pas été testées.

Selon l’enquête publiée en juin 2017, les quatre opérateurs ont des résultats similaires en zones peu denses (« rurales » selon les termes de l’enquête) : de 90 à 91 % des appels sont réussis et maintenus pendant deux minutes. Si ces taux semblent d’apparence satisfaisants, ils sont éloignés des 98 % de taux de réussite des zones denses. En outre, chaque point manquant correspond à une zone géographique bien plus vaste que les points manquants dans les zones denses.

Au vu de ces résultats, vos rapporteurs appellent à une remise à plat des méthodologies de mesure de la couverture, pour que la couverture mesurée et la couverture ressentie soient plus concordantes. Une discussion entre l’ARCEP, l’État et les opérateurs s’impose, en particulier dans le cadre des négociations sur les autorisations de licence, puisque c’est dans le cadre de ces dernières que l’État fixe à la fois la nature des engagements des opérateurs et les indicateurs permettant d’évaluer la tenue de ces engagements.

Proposition n° 14 : Redéfinir les protocoles de mesure de la couverture mobile à partir de l’expérience des usagers : couverture en mobilité et couverture chez soi.

2.   Le développement des cartes de couverture doit être encouragé

Le développement de l’ouverture des données, qui a été largement généralisée par la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, offre aux citoyens, aux associations de consommateurs, aux collectivités et aux entreprises un large panel de données à partir duquel ils peuvent créer des services innovants.

En matière de couverture numérique, le législateur a également donné à ces acteurs toutes les clés pour améliorer la connaissance de la couverture effective des réseaux mobiles. Ces outils vont permettre aux citoyens et aux collectivités de réaliser une régulation « par le bas » des déploiements et de l’état de la couverture mobile sur le territoire :

– la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite loi « Macron », prévoit notamment que des mesures de qualité des services et de couverture des réseaux mobiles sont réalisées par des organismes indépendants, sous le contrôle de l’ARCEP, et aux frais des opérateurs ;

– la loi pour une République numérique, précitée, permet à l’ARCEP de mettre à la disposition du public les cartes numériques de couverture du territoire issues des données fournies par les opérateurs. Le site en open data monreseaumobile.fr, contrôlé par l’ARCEP et mis en service en septembre 2017, permet désormais de connaître de façon beaucoup plus fine l’état de la couverture mobile, dans les territoires et sur les axes de transport et selon les opérateurs.

Vos rapporteurs se félicitent de ces évolutions, apportées par le législateur qui a su saisir le grand niveau d’attente citoyenne sur les questions de couverture. Il faut désormais que les obligations de couverture des opérateurs s’enrichissent de ces nouvelles données, plus fines et plus proches de la réalité : la modernisation de la méthodologie des mesures terrain devient d’autant plus urgente que les outils pour y parvenir sont disponibles.

Proposition n° 15 : Encourager, par l’intermédiaire d’appels à projets, les initiatives visant à recueillir, via une application mobile de crowdsourcing, les données de couverture directement depuis les terminaux des utilisateurs, afin d’enrichir les cartes de couverture et d’améliorer les indicateurs de qualité de service.

Proposition n° 16 : S’appuyer sur les données réelles de couverture désormais disponibles pour identifier les zones non couvertes, mal couvertes et bien couvertes et redéfinir la stratégie de l’État en fonction de cette nouvelle typologie.

C.   la nécessaire mise à niveau des engagements contractuels des opérateurs

1.   Muscler les engagements des opérateurs…

L’État et le législateur peuvent contraindre légalement les opérateurs, dans le sens de l’intérêt général. Toutefois, l’arme législative et réglementaire doit rester proportionnée à l’objectif poursuivi et doit respecter plusieurs principes constitutionnels, comme la liberté d’entreprendre.

En revanche, l’État et les opérateurs peuvent toujours négocier des engagements de couverture et des engagements de qualité de service en échange de contreparties de plusieurs ordres. Le cadre contractuel pertinent est le plus souvent la négociation des autorisations d’utilisation de bandes de fréquences.

a.   Sur les échéances de déploiement

Précisément, plusieurs licences d’utilisation de bandes de fréquences arrivent à terme en 2020-2021 ([30]), ce qui ouvre un horizon de négociation situé entre 2018 et 2019. Ces rares fenêtres dans lesquelles l’État peut obliger juridiquement les opérateurs à prendre des engagements, dont le non-respect entraîne des sanctions financières, doivent être utilisées le plus opportunément possible. Il faudra également envisager comment la situation de Free, opérateur plus récent, qui détient moins de licences et n’est pas soumis au renouvellement prochain, peut être intégrée dans le paysage d’ensemble.

Vos rapporteurs appellent à une couverture irréprochable de l’ensemble du territoire en 2G, le plus rapidement possible : à l’aide d’indicateurs de couverture plus pertinents, le chantier de la couverture des zones blanches et grises est vraisemblablement à rouvrir. Dans ces zones très peu denses, les accords de mutualisation des infrastructures, actives et passives, qui existent déjà, sont à encourager, dans la mesure où ils respecteront les équilibres concurrentiels du marché. À terme, si l’amélioration de la couverture mobile n’est pas suffisante, une obligation de mutualisation de ces infrastructures pourrait être mise en place.

En outre, vos rapporteurs souhaitent encourager le développement de la voix sur Wifi pour résoudre le problème de la couverture mobile à l’intérieur des bâtiments. Les terminaux mobiles sont de plus en plus compatibles avec cette technologie qui permet de recourir à son réseau local Wifi pour téléphoner lorsque le signal hertzien est insuffisant ([31]).

En ce qui concerne le très haut débit mobile, l’État songerait à augmenter drastiquement les objectifs de couverture en 4G du territoire : les opérateurs pourraient être incités, ou contraints, à déployer 10 000 ou 15 000 antennes de plus d’ici 2020. Vos rapporteurs s’associent à cette démarche.

Ils rappellent que l’objectif est d’avoir une vision d’ensemble de la couverture numérique du territoire : une bonne couverture mobile en 4G réduit l’urgence du bon débit fixe, voire la pallie dans le cas des offres de 4G fixe.

b.   Sur la qualité de service

Les nouveaux indicateurs de couverture qui pourraient être mis en place en prévision des négociations avec les opérateurs devraient servir de base au renforcement des obligations de couverture des opérateurs.

Selon vos rapporteurs, la qualité de service devrait être améliorée sensiblement dans les configurations suivantes :

– en 2G pour toutes les situations statiques ou mobiles, à l’intérieur ([32]) comme à l’extérieur des bâtiments ;

– en 3G/4G avec un contrôle du débit effectif, sur l’ensemble du territoire en extérieur et en statique, en partant du principe que le haut débit fixe sera effectivement disponible à l’intérieur des habitations d’ici 2020.

Proposition n° 17 : À la prochaine négociation de licences d’utilisation de bandes de fréquences, imposer aux opérateurs de télécommunications un paquet ambitieux d’engagements contractuels :

– Atteindre l’objectif d’une couverture de 100 % de la population en 2G et en 4G d’ici fin 2020 ;

– Asseoir les objectifs de couverture et de qualité de service sur les nouveaux indicateurs de couverture réelle du territoire ;

– Fixer des délais ambitieux de rétablissement des antennes et du réseau ;

– Permettre à tous les utilisateurs de passer, automatiquement et sans application tierce, des appels via Wifi lorsque le réseau mobile est défaillant et lorsque leur terminal mobile est compatible d’ici mi-2018 ;

– Garantir une couverture complète des infrastructures et axes de transports prioritaires (aéroports, gares, ports, réseaux métropolitains, autoroutes, routes nationales, principales routes départementales, lignes TGV et lignes régionales) en 2G et en 4G d’ici 2020.

 

Proposition n° 18 : Prévoir la mise en œuvre réglementaire fin 2020 d’une obligation d’itinérance nationale lorsque le réseau d’un opérateur ne permet pas d’obtenir un signal 2G, 3G ou 4G suffisant, à moins que le paquet d’engagements précédent ne soit atteint à cette date. Le cas échéant, le tarif d’accès aux réseaux des opérateurs concurrents devra être fixé par le régulateur à un niveau tel qu'il encourage tous les opérateurs à la poursuite de leurs propres déploiements. En tout état de cause, pour la densification en zone de très faible densité de population, la mutualisation des équipements actifs (antennes) et passifs (pylônes) devrait être imposée dès le renouvellement des licences.

2.   … en échange de contreparties équilibrées

a.   La contrepartie financière : la révision du prix des licences d’utilisation de certaines bandes de fréquences

Dans une logique de négociation équilibrée, le renforcement des obligations de couverture des opérateurs dans les zones peu denses devrait être compensé par une réduction du prix de départ des enchères pour l’accès aux blocs de fréquences – l’appel d’offres devant être univoque sur les engagements à tenir. Rappelons que pour l’usage d’un seul bloc de fréquences dans la bande 700 MHz, un opérateur devait verser à l’État la somme de 466 millions d’euros.

Non seulement cet effort financier de l’État lui confèrerait un avantage de négociation manifeste, mais la plus-value financière des opérateurs pourrait, il faut le souhaiter, être investie dans le déploiement des réseaux.

Vos rapporteurs appellent donc l’État à trouver le bon curseur de prix pour la mise aux enchères des licences à venir, afin de ne pas avoir à transiger sur des obligations de couverture plus modiques. Une meilleure couverture numérique du territoire assure un développement économique qui compenserait largement le manque à gagner de l’État – directement, via de nouvelles recettes fiscales et, indirectement, par un surcroît de croissance.

b.   La contrepartie fiscale : le plafonnement de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux

Les opérateurs de télécommunications sont redevables de deux composantes de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) : au titre du réseau en cuivre, l’opérateur historique s’acquitte d’un IFER « fixe ». Au titre des réseaux mobiles, les opérateurs sont soumis à un IFER « mobile » portant sur le nombre de stations radioélectriques – les antennes-relais – qu’ils déploient. Selon les informations transmises par un opérateur, la taxe s’élève à environ 1 600 euros par an et par dispositif technologique (si un même point haut est équipé d’une antenne 2G et d’une antenne 4G, la taxe est donc due deux fois).

Lors des débats du projet de loi de finances pour 2017, la rapporteure pour avis du budget des communications électroniques, Mme Corinne Erhel, avait souhaité mettre en place un mécanisme de plafonnement de l’IFER « mobile », en mettant en avant l’injonction contradictoire face à laquelle se situent les opérateurs : d’une part, l’ambition de l’État et des collectivités territoriales dans la couverture du territoire en haut et très débit mobile se traduit par une forte pression légitime pour qu’ils accélèrent leur effort d’investissement dans les infrastructures ; d’autre part, l’imposition des stations radioélectriques est calculée de façon proportionnelle : plus un opérateur fait l’effort d’investir, plus son taux de pression fiscale augmente, à rebours d’une logique d’incitation vertueuse pour la couverture du territoire. Selon la Fédération française des télécoms, 74 000 nouvelles stations radioélectriques devraient être déployées sur le territoire pour la couverture en 3G et en 4G entre 2016 et 2024. Avec le maintien du système actuel, les charges d’IFER augmentent de près de 10 % chaque année, sachant que les opérateurs se sont acquittés, en 2016, d’un montant d’environ 200 millions d’euros d’IFER « mobile ».

Vos rapporteurs estiment qu’un tel mécanisme de plafonnement serait de nature à compenser le renforcement des obligations de déploiement des réseaux mobiles des opérateurs.

Proposition n° 19 : Prévoir une contrepartie financière à ces nouveaux engagements par le plafonnement de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux à laquelle sont assujettis les opérateurs de télécommunications et par une négociation de gré à gré des prix des blocs de fréquences.

c.   La contrepartie réglementaire : la simplification

Le déploiement de sites radio pour améliorer la couverture mobile du territoire évolue actuellement dans un environnement réglementaire très dense. Les démarches, autorisations et délais administratifs imposés se justifient dans la mesure où ils ont vocation à maîtriser l’exposition de la population aux ondes électromagnétiques et à contrôler l’évolution du bâti.

Toutefois, l’accumulation de l’ensemble des normes à respecter dans le code de l’urbanisme et dans le code des communications électroniques et des postes se traduit par un temps « administratif » de déploiement bien plus important que dans d’autres pays européens : plus d’une année, quand le Royaume-Uni ou l’Allemagne peuvent déployer une antenne en moins de trois mois.

Vos rapporteurs estiment donc pertinent d’ouvrir la discussion sur l’encadrement réglementaire des déploiements pour simplifier et rationaliser les normes en vigueur, tout en restant inflexible sur les préoccupations de santé publique.

Proposition n° 20 : Organiser une contrepartie réglementaire à ces nouveaux engagements en simplifiant plusieurs dispositions du droit de l’urbanisme susceptibles d’accélérer le rythme de déploiement de nouveaux sites radioélectriques.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

 

La commission a émis un avis favorable à la publication du présent rapport.

Ce point de l’ordre du jour ne fait pas l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale  ([33]).

 

 

 


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   Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs

 

Mardi 25 juillet 2017

Direction générale des entreprises

M. Olivier Corolleur, sous-directeur des communications électroniques et des postes

Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (AVICCA)

M. Patrick Chaize, sénateur de l’Ain, président

M. Ariel Turpin, délégué général adjoint

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP)

Mme Cécile Dubarry, directrice générale

M. Guillaume Mellier, directeur fibre, infrastructures et territoires

Iliad Free

M. Maxime Lombardini, directeur général

Mme Ombeline Bartin, responsable des relations institutionnelles

 

Jeudi 27 juillet 2017

Fédération française des télécoms (FFT)

M. Michel Combot, directeur général

M. Olivier Riffard, directeur des affaires publiques

SFR

M. Michel Paulin, directeur général

M. Régis Turrini, secrétaire général

M. Thomas Puijalon, responsable des affaires publiques

Orange

M. Laurentino Lavezzi, directeur des affaires publiques

Mme Claire Chalvidant, directrice des relations institutionnelles

Bouygues Telecom

M. Anthony Colombani, directeur des affaires publiques

M. Hervé de Tournadre, directeur stratégie

Direction générale des entreprises - Agence française du numérique

M. Antoine Darodes, directeur

M. Mathieu Weill, chef de service de l’économie numérique

 

Mardi 5 septembre 2017

Cabinets ministériels

M. Marc Chappuis, directeur de cabinet de M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires

FIRIP

M. Etienne Dugas, président

M. Julien Delmouly, délégué général

Eutelsat

M. Rodolphe Belmer, directeur général

M. Jean-François Bureau, directeur des affaires institutionnelles et internationales

Association des opérateurs de télécommunications alternatifs

M. David Marciano, président

M. Nicolas Guillaume, secrétaire

M. Jérôme Benbihi, président de la société Adenis

Gers Numérique

M. Romain Gabrielli, directeur

Mercredi 6 septembre 2017

Société Kerhis, spécialisée dans l’agriculture connectée (par visioconférence)

M. Jo Dréau, président-directeur général

Agence française de la santé numérique

M. Michel Gagneux, directeur par intérim

Welcome City Lab

M. Laurent Queige, délégué général

Microsoft

M. Jean-Renaud Roy, directeur des affaires publiques

SES Astra

M. Philippe Sage, directeur du développement

M. Alexandre de Montesquiou, consultant

 

Mardi 12 septembre 2017

Association nationale des élus de la montagne (ANEM)

Mme Annie Genevard, députée et secrétaire générale

M. Pierre Bretel, délégué général

Région Grand Est – Association des Régions de France

M. Philippe Richert, président

M. Christophe Kieffer, directeur de cabinet

M. Jean-Philippe Berton, conseiller numérique (ARF)

Mme Marie-Reine du Bourg, conseillère parlementaire (ARF)

 

 


([1]) Lors du lancement des offres FttH grand public, de nombreuses box étaient bridées par les opérateurs, qui imposaient volontairement une restriction de débit, par exemple à 100 Mbit/s. Les débits maxima peuvent encore dépendre de la qualité de l’abonnement choisi, mais plusieurs débridages ont eu lieu depuis.

([2]) Wifi, Wimax ou encore Wifimax fonctionnent sur le même principe technique d’utilisation des ondes pour véhiculer les données. Du fait de sa faible portée, le réseau Wifi n’a cependant qu’un usage restreint, limité le plus souvent au cadre domestique.

([3]) Dans le rapport de lancement de la consultation publique de janvier 2017, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) indique ainsi : « les fréquences [BLR] ont été beaucoup moins utilisées qu’envisagé initialement, en raison notamment du développement rapide des technologies de communications sur le réseau de cuivre, du manque d’écosystème industriel pour la technologie Wimax et de l’engouement limité du public pour les services d’accès fixe à internet pour voie hertzienne » (p. 10).

([4]) Les projets supradépartementaux créent des économies d’échelle et rationalisent l’intervention publique. L’État, par un mécanisme de prime financière, encourage donc les projets de cette envergure.

([5]) Ces RIP très haut débit sont aussi appelés des RIP de deuxième génération. En effet, dans certaines collectivités, des RIP de première génération ont été construits à la fin des années 2010 pour effectuer des opérations de montée en débit. La plupart des RIP 1G sont désormais abandonnés ou repris dans les nouveaux RIP.

([6]) Les opérateurs qui ne sont pas propriétaires du réseau en cuivre y ont accès sans discrimination tarifaire ou technique, en l’échange du paiement d’un prix de dégroupage, qu’ils versent à Orange.

([7]) Dans son rapport de synthèse relatif à la qualité des prestations de service universel des communications électroniques du 25 avril 2016, l’ARCEP appelle l’État à renforcer le cahier des charges du prestataire du service universel – qui demeure Orange – à partir de 2017 : « à l’heure de l’accélération des déploiements des réseaux à très haut débit, le service universel demeure un filet de sécurité essentiel pour les utilisateurs qui ne pourront pas bénéficier immédiatement des progrès technologiques, notamment dans les zones les moins denses du territoire. Il est indispensable d’assurer un niveau élevé d’exigence quant à la qualité du service universel et a fortiori d’éviter que ne se produise un nouvel épisode de dégradation » (communiqué de presse).

([8]) Selon l’ARCEP, il existe 3,3 millions d’abonnements à un internet très haut débit en câble ou en VDSL2. Parmi eux, les abonnements en câble coaxial offrant un débit égal ou supérieur à 100 Mbit/s sont au nombre de 1,3 million.

([9]) Rappelons que plus la distance parcourue par le cuivre entre l’armoire et l’abonné est importante, plus le débit effectif  diminue.

([10]) Rappelons que certains RIP de première génération n’ont été déployés qu’à l’échelle communale ou intercommunale (comme Morcenx, dans les Landes).

([11]) L’annexe n°1 énumère les différents modèles de délégation ou de partenariat avec des opérateurs privés pour déployer les réseaux. Selon les choix des collectivités, notamment en termes d’exposition à des risques techniques, des risques financiers, ou à des risques de commercialisation, un éventail de contrats est à leur disposition, du « tout- concessif » aux marchés de travaux avec exploitation en régie directe. Tous les contrats publics prévoient des clauses de transparence des déploiements, de calendrier ou de maîtrise des coûts, qui permettent aux collectivités de garder la main sur leur projet.

([12]) L’utilisation du spectre hertzien n’est pas systématiquement payant : des bandes de fréquences « libres » sont disponibles sous un régime d’autorisation générale. C’est par exemple le cas des ondes wifi, qui utilisent la bande 2400-2483,5 MHz ou d’autres équipements apportant une connectivité de faible portée (Bluetooth).

([13]) Au terme de onze tours d’enchères, Free et Orange ont remporté chacun deux blocs, Bouygues Telecom et SFR chacun un bloc. Le prix de départ d’un bloc était de 416 millions d’euros ; les enchères ont conduit à l’augmentation de leur prix de 50 millions d’euros. Cela s’explique par le fait que les fréquences basses (inférieures à 1 GHz) ont des propriétés de propagation bien meilleures (portée, pénétration dans les bâtiments) que les fréquences plus hautes dans le spectre.

([14]) Une enveloppe de 30 millions d’euros a été engagée à cette fin, chaque pylone pouvant être financé à hauteur de 100 000 euros (130 000 euros en zone de montagne).

([15]) On pourra notamment se référer à l’enquête de l’ARCEP, de l’Agence du numérique et du Conseil général de l’économie, « Baromètre du numérique », édition 2016.

([16]) Voir notamment Ericsson, Arthur D. Little, Chalmers University of Technology (2013), qui évalue que le doublement du débit permet un accroissement de la valeur ajoutée de 0,3 point.

([17]) France Stratégie, « Projets de déploiement du très haut débit : méthode d’évaluation socioéconomique », juillet 2017.

([18]) CGET, « Le télétravail : des avantages pour les entreprises, les travailleurs et les territoires », décembre 2015.

([19]) C’est par exemple le cas du RIP de la région Grand Est. Le coût public du réseau (tickets des collectivités territoriales, subventions des autres acteurs publics) était initialement évalué à 60 % du coût total. Après attribution de la concession, les contributions publiques devraient finalement être inférieures à 15 % du coût total.

([20]) Le taux de pénétration peut se définir comme le ratio entre le nombre de foyers abonnés à la fibre et le nombre de foyers raccordés. Dans les RIP, la migration vers la fibre optique dépend de l’existence d’offres FttH proposées par les fournisseurs d’accès à internet (FAI). Si les opérateurs alternatifs se sont rapidement positionnés sur ce tronçon du marché, les FAI nationaux commencent à « arriver » sur les RIP.

([21]) Audition devant la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, mardi 25 juillet 2017.

([22]) Également appelées régulation asymétrique, à la différence des contraintes symétriques s’imposant à tous les opérateurs.

([23]) Les opérateurs sont tenus réglementairement de couvrir l’ensemble de la zone qui peut être desservie par un point de mutualisation du réseau en fibre optique (aussi appelée zone arrière), dans les 5 ans suivant la mise en service de ce point.

([24]) Dont le degré est très variable selon le modèle de partenariat ou de délégation choisi avec l’opérateur chargé de l’établissement et de la gestion du réseau : voir l’annexe 2.

([25]) Lorsque le projet de RIP ne suscite pas une telle unanimité politique, la situation peut être plus délicate. En effet, une commune qui n’adhère pas à l’idée d’être desservie en fibre optique tardivement et de payer un réseau qui va d’abord bénéficier aux communes voisines pourrait être tentée par l’offre d’une fibre privée, mais déployée plus rapidement et gratuite. 

([26]) L’article L. 47 précité dispose : « [L’autorité compétente] ne peut faire obstacle au droit de passage des exploitants de réseaux ouverts au public qu'en vue d'assurer, dans les limites de ses compétences, le respect des exigences essentielles, la protection de l'environnement et le respect des règles d'urbanisme ».

([27]) Cette problématique illustre la complémentarité des couvertures fixe et mobile du territoire : faut-il en priorité déployer des infrastructures radio pour obtenir internet dans les trains ou encourager la SNCF à accélerer drastiquement l’équipement des trains en wifi ?

([28]) Selon ce protocole public, les critères sont qualifiés de la façon suivante. Parfait : communication sans aucune perturbation susceptible d’altérer la compréhension des deux interlocuteurs ; acceptable : existence de perturbations ponctuelles, gênantes, mais non bloquantes, ne nécessitant pas de faire répéter l’interlocuteur ; médiocre : perturbations gênantes et fréquentes, fortes dégradations pendant plus de 10 secondes cumulées ou jusqu’à 5 secondes continues, l’interlocuteur doit répéter pour être compris ; mauvais : communication très perturbée, totale inintelligibilité supérieure à 5 secondes ou forte altération (impossibilité d’identifier son interlocuteur) pendant toute la communication.

([29]) Réalisé par l’ARCEP dans le cadre d’une enquête sur la qualité des services voix et SMS en zones d’habitation et sur les axes de transport en France métropolitaine. La dernière enquête est parue en juin 2017. Il est important de noter que, durant l’enquête, les opérateurs ne connaissaient ni les dates, ni les lieux des mesures, effectuées dans des villes et sur des lignes de transport tirées au sort.

([30]) Bandes 900, 1 900 et 2 100 MHz.

([31]) La fédération française des télécoms a rendu public, courant septembre 2017, un guide des solutions techniques disponibles pour améliorer la couverture mobile à l’intérieur des bâtiments.

([32]) Certes, les opérateurs n’ont pas la main sur certaines données, comme la qualité ou la densité du bâti, qui peut réduire fortement la bonne propagation des ondes. Ces objectifs sont donc annoncés de façon générale, mais des aménagements pragmatiques devront être considérés.

([33]) http://assnat.fr/P56eOC