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N° 532

 

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 décembre 2017

 

RAPPORT  D’INFORMATION

déposé

en application de l’article 145 du Règlement

 

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,

 

En conclusion des travaux d’une mission d’information ([1])  

 

sur les moyens de lutter contre la surtransposition des directives européennes
dans le droit français

et présenté par

Mme Alice Thourot et M. Jean-Luc Warsmann,

Députés

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La mission d’information sur les moyens de lutter contre la surtransposition des directives européennes dans le droit français est composée de Mme Alice Thourot et M. Jean-Luc Warsmann, rapporteurs.

 


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SOMMAIRE

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Pages

SynthÈse du rapport

I. La surtransposition, un concept complexe regroupant des situations diverses

A. La surtransposition rÉsulte des marges de manœuvre offertes aux États membres pour atteindre le rÉsultat dÉfini par une directive

1. La nature juridique des directives et l’obligation de transposition

2. Des marges de manœuvre nationales qui dépendent de l’intensité normative de la directive

3. Différentes formes de surtransposition

4. Une problématique plus générale dans le cadre de l’application nationale du droit de l’Union européenne

5. Surtransposition et surréglementation

B. Une distinction à opÉrer entre les surtranspositions conscientes et assumÉes et les surtranspositions injustifiÉes

1. Les causes de la surtransposition

2. Des effets négatifs pour la compétitivité des entreprises françaises

II. Mieux prÉvenir les surtranspositions injustifiÉes dans le flux des textes rÉglementaires et lÉgislatifs

A. En amont, à l’Échelle de l’Union europÉenne

1. Soutenir les efforts d’encadrement de l’activité normative de l’Union européenne (« Mieux légiférer »)

2. Mieux anticiper les enjeux de transposition au stade des négociations

B. Lors du processus de transposition

1. Malgré un objectif ancien de lutte contre les surtranspositions injustifiées...

2. ...Un décalage très net entre la perception de l’administration et celle des organisations professionnelles

3. Développer la coopération avec les autres États membres

4. Renforcer l’évaluation de l’impact des mesures de transposition

5. Mieux associer les acteurs économiques

III. Identifier et rÉsorber les surtranspositions injustifiÉes dans le stock de textes rÉglementaires et législatifs

A. DÉfinir une mÉthode innovante

1. Les initiatives récentes du Gouvernement témoignent d’une prise de conscience mais restent partielles

2. La nécessité de mettre en œuvre une approche partenariale avec les acteurs économiques

B. Donner aux citoyens et aux acteurs économiques un nouveau droit d’interpellation des pouvoirs publics sur les surtranspositions

SynthÈse des propositions

Annexe n°1 : personnes entendues par les rapporteurs

Annexe n°2 : dÉplacement effectuÉ par les rapporteurs


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   SynthÈse du rapport

  I. La surtransposition, un concept complexe regroupant des situations diverses

  A. La surtransposition résulte des marges de manœuvre offertes aux États membres pour atteindre le résultat défini par une directive

  Contrairement aux règlements de l’Union européenne, les directives lient les États membres quant au résultat à atteindre mais les laissent compétents pour adopter des mesures nationales de mise en œuvre. Les marges de manœuvre dont ils disposent dépendent de l’intensité normative des directives, qui peuvent procéder à une harmonisation maximale ou minimale.

  La surtransposition, c’est-à-dire l’adoption ou le maintien de mesures législatives ou réglementaires allant au-delà des exigences minimales d’une directive, correspond à des situations diverses :

  – elle peut concerner des dispositions nationales allant au-delà des dispositions d’harmonisation minimale de la directive : fixation d’un seuil plus bas ou plus élevé, d’un délai inférieur ou supérieur, d’obligations plus strictes, de sanctions non prévues par la directive...etc ;

  – elle peut ensuite prendre la forme d’une extension du champ d’application, personnel ou matériel, au-delà de celui prévu par la directive ;

  – le fait d’exercer un choix entre plusieurs options ouvertes par la directive ou de décider d’utiliser ou non les possibilités de dérogation qu’elle autorise peut également conduire à une surtransposition, dans la mesure où ces choix peuvent créer des obligations plus strictes pour les destinataires de la norme.

  De plus, des problématiques proches de la surtransposition peuvent se poser dans le cadre de certains règlements, pour l’application desquels les États membres disposent de marges de manœuvre.

  Des écarts réglementaires par rapport aux autres États membres peuvent aussi résulter de surréglementations, intervenant dans des domaines non régis par le droit de l’Union européenne ou se superposant à des réglementations européennes dans des domaines connexes.

  B. Une distinction à opérer entre les surtranspositions conscientes et assumées et les surtranspositions injustifiées

  La surtransposition peut s’expliquer par un choix conscient du législateur ou du pouvoir réglementaire en faveur d’une réglementation plus ambitieuse que celle adoptée au niveau de l’Union européenne. Il s’agit souvent de situations dans lesquelles la France n’a pas réussi à faire prévaloir sa position lors des négociations. Pour les rapporteurs, de tels choix peuvent être justifiés dans des cas limités en permettant d’anticiper les enjeux d’une évolution ultérieure de la norme européenne.

  Elle peut également être la conséquence de certaines insuffisances du processus normatif :

  – un manque d’anticipation de la transposition lors des négociations, se manifestant par la déconnexion entre les équipes chargées de la négociation d’une directive et celles chargées de sa transposition et par l’utilisation insuffisante des documents permettant de préparer la transposition (fiches d’impact stratégiques et tableaux de concordance) ;

  – les lacunes de l’évaluation de l’impact des textes législatifs et réglementaires : les surtranspositions ne sont pas systématiquement identifiées ni justifiées et leurs conséquences économiques sont mal évaluées ;

  – de manière plus générale, l’inflation normative, dont la surtransposition et la surréglementation sont deux des manifestations.

  Les surtranspositions, comme les surréglementations, sont à l’origine d’écarts réglementaires avec les autres États membres, lesquels aboutissent, dans de très nombreux secteurs soumis à une concurrence européenne, à une perte de compétitivité pour les entreprises françaises. Il est donc essentiel que les surtranspositions soient décidées en toute conscience, transparentes et que leurs conséquences économiques soient pleinement évaluées.

  II. Mieux prévenir les surtranspositions injustifiées dans le flux de textes réglementaires et législatifs

  A. En amont, à l’échelle de l’Union européenne

  La poursuite et le soutien des efforts déployés par la Commission européenne et les autres institutions de l’Union depuis 2014 pour améliorer le processus normatif européen (programme « Mieux légiférer ») sont susceptibles de limiter les risques de surtranspositions nationales. La réduction du nombre d’initiatives nouvelles de la Commission laisse penser que les exercices de transposition seront moins fréquents à l’avenir. L’amélioration des analyses d’impact et la généralisation des consultations publiques peuvent favoriser une meilleure anticipation des difficultés de transposition par les États membres ainsi qu’une évaluation plus approfondie des conséquences économiques des réglementations.

  Au-delà, seule une meilleure anticipation de la transposition au stade des négociations permettra de prévenir les surtranspositions. Cette anticipation exige de rapprocher davantage les équipes de négociation et de transposition au sein des ministères, de renforcer la coordination interministérielle pour que les documents permettant de préparer la transposition soient mieux utilisés et enrichis. Au sein du Parlement, la désignation, dans la mesure du possible, des parlementaires ayant suivi les négociations des propositions de directive au sein de la commission des Affaires européennes comme rapporteurs des projets de loi de transposition au sein des commissions permanentes permettrait de renforcer la continuité des travaux parlementaires sur une même directive.

  B. Lors du processus de transposition

  Malgré l’affirmation d’un objectif de lutte contre les surtranspositions injustifiées par les gouvernements successifs depuis 2011, les rapporteurs ont constaté un décalage très net entre la perception de l’administration et celle des organisations professionnelles qu’ils ont rencontrées.

  Afin de prévenir les surtranspositions inutiles, les rapporteurs considèrent que la coopération entre États membres au stade de la transposition devrait être développée, à l’initiative de la Commission européenne pour les directives les plus importantes et, de manière plus générale, au plan bilatéral avec nos grands partenaires, selon le secteur visé par la directive.

  L’évaluation de l’impact des mesures de transposition devrait être complétée afin que les études d’impact des projets de loi et les fiches d’impact des projets d’actes réglementaires fassent clairement apparaître les surtranspositions et leurs justifications, qu’elles incluent une description du droit existant dans les autres États membres.

  Afin de permettre une véritable consultation des acteurs économiques sur les normes les concernant, les rapporteurs proposent la création d’un organisme consultatif réunissant des élus nationaux, des magistrats du Conseil d’État, de la Cour de Cassation et de la Cour des Comptes et des personnalités qualifiées choisies en fonction de leur expérience ou de leur connaissance dans le domaine économique. Ce conseil serait obligatoirement consulté par le Gouvernement sur les projets de loi, d’ordonnance, de décret ou d’arrêté comportant des mesures ayant un impact sur les entreprises. Il pourrait ainsi contrôler, dans ses avis, d’éventuelles surtranspositions et examiner leur impact.

  III. Identifier et résorber les surtranspositions injustifiées dans le stock de textes réglementaires et législatifs

  A. Définir une méthode innovante

  Si les rapporteurs approuvent l’objectif des initiatives récentes du Gouvernement visant à examiner le droit en vigueur pour détecter les surtanspositions passées et les évaluer (création d’une mission d’inspection, consultation publique sur le droit des marchés financiers, dispositions du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance visant à supprimer des surtranspositions), ils estiment néanmoins nécessaire de concevoir une méthode innovante, associant les acteurs économiques et couvrant l’ensemble du droit qui leur est applicable.

  Cette méthode pourrait s’inspirer des travaux du Conseil national de l’industrie, qui a procédé depuis 2013 à un examen des normes existantes filière par filière, en s’appuyant sur les demandes des professionnels, mais dont l’ensemble des propositions n’a pu aboutir, faute d’une visibilité politique suffisante.

  B. Donner aux citoyens et aux acteurs économiques un nouveau droit d’interpellation des pouvoir publics sur les surtranspositions

  Le conseil auquel les rapporteurs proposent de confier des compétences s’agissant du flux pourrait également intervenir sur le stock, sur saisine du Gouvernement, des assemblées ou par autosaisine, éventuellement après un signalement des organisations professionnelles, ce qui lui permettrait d’établir un programme d’évaluation sectoriel.

  Afin que puissent être prises en compte les demandes des citoyens et des acteurs économiques, le conseil pourrait en outre être saisi par toute personne physique ou morale, de manière individuelle ou collective, d’une demande d’évaluation d’une norme en vigueur. Cette procédure ne viserait, au moins dans un premier temps, que d’éventuelles surtranspositions, définies comme les dispositions allant au-delà des exigences minimales d’une directive.

  Par cette procédure novatrice, les citoyens et les entreprises se verraient reconnaître une place centrale dans le débat sur l’application des normes européennes dans notre pays. Les avis publics rendus par le conseil permettraient également de rendre plus transparente la distinction entre les contraintes issues du droit de l’Union européenne et celles résultant des normes nationales.


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  Mesdames, Messieurs,

 

La surtransposition, que l’on peut définir comme l’adoption ou le maintien de mesures législatives ou réglementaires allant au-delà des exigences minimales d’une directive de l’Union européenne, est régulièrement identifiée comme l’un des symptômes de l’inflation normative. Alors que le débat public sur la transposition des directives s’était principalement concentré, jusqu’à une période récente, sur le respect des délais de transposition, l’amélioration des performances de notre pays dans ce domaine tend à déplacer l’attention sur la manière dont sont transposées les directives, lorsque celles-ci laissent des marges de manœuvre aux États membres.

D’un point de vue théorique, les secteurs concernés par la surtransposition sont très nombreux mais, en pratique, la production normative de l’Union européenne est concentrée dans quelques secteurs, en particulier l’agriculture et le marché intérieur ([2]). L’enjeu est donc avant tout d’ordre économique : en imposant aux acteurs économiques des normes plus contraignantes que celles en vigueur dans les autres États membres, la surtransposition peut menacer la compétitivité de notre pays.

Le Président de la République et le Gouvernement ont fait de cette question une priorité, dans le cadre d’un objectif plus large d’encadrement de la production normative et de simplification des normes.

C’est dans ce contexte que la commission des Lois a décidé le 13 septembre 2017 la création d’une mission d’information sur les moyens de lutter contre la surtransposition des directives européennes dans le droit français.

La mission d’information a procédé à une quinzaine d’auditions d’acteurs institutionnels, de personnalités qualifiées et de représentants d’organisations professionnelles des secteurs de l’agriculture et de la construction, choisis par vos rapporteurs en raison du nombre élevé de normes européennes les concernant. Elle s’est également rendue à Bruxelles afin de rencontrer des représentants de la Commission européenne, du Conseil et de la représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne.

Ces travaux ont tout d’abord permis d’analyser le phénomène de la surtransposition et d’en comprendre les causes. La surtransposition est en effet une notion complexe et transversale, à laquelle sont parfois assimilées à tort d’autres problématiques comme la transposition non conforme, la surréglementation d’ordre purement national ou encore la prolifération des normes techniques européennes.

La mission a souhaité ensuite formuler des recommandations d’ordre méthodologique, pour mieux identifier et évaluer les conséquences des surtranspositions dans les projets de textes réglementaires et législatifs et dans l’ensemble des normes en vigueur.

Son objectif n’a pas été de condamner de manière générale la surtransposition, ni a fortiori de l’interdire. Le choix d’aller au-delà des exigences du droit de l’Union européenne, lorsque celui-ci l’autorise, relève en effet de la souveraineté des États membres. La mission a, en revanche, cherché les moyens d’assurer une véritable transparence de la décision publique, permettant d’éviter les surtranspositions inconscientes ou injustifiées, qui pèsent de façon disproportionnée sur les acteurs économiques.

 


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I.   La surtransposition, un concept complexe regroupant des situations diverses

La mission d’information s’est attachée à définir le concept de surtransposition, souvent évoqué dans le débat public, mais qui correspond à une réalité juridique complexe et à des hypothèses de transposition diverses.

A.   La surtransposition rÉsulte des marges de manœuvre offertes aux États membres pour atteindre le rÉsultat dÉfini par une directive

1.   La nature juridique des directives et l’obligation de transposition

Parmi les différents actes juridiques de l’Union – règlements, directives, décisions, recommandations et avis – seuls les règlements, les directives et les décisions ont une portée obligatoire, en application de l’article 288 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Contrairement au règlement, qui « est obligatoire dans tous ses éléments » et « directement applicable dans tout État membre », la directive est définie comme liant « tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. »

Catégorie d’acte juridique originale en ce qu’elle requiert une intervention des autorités nationales, la directive correspond « à un processus normatif " à deux étages ", ou " à double détente "  » ([3]). La transposition se définit comme « l'opération par laquelle l'État membre destinataire d'une directive communautaire procède à l'adoption des mesures nécessaires à sa mise en œuvre » ([4]).

En droit de l’Union européenne, l’obligation de transposition des directives résulte de l’article 288 du TFUE. La portée de cette obligation a été précisée par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), qui a cependant admis que les États membres pouvaient être dispensés de transposition si leur ordre juridique interne assurait déjà la mise en œuvre de la directive ([5]).

Les directives prévoient toujours dans leurs clauses finales un délai de transposition s’imposant aux États membres, variable selon l’étendue et la complexité des dispositions de la directive – en général entre six mois et deux ans.

En cas de défaut de communication des mesures de transposition, assimilé à une absence de transposition, ou de transposition incomplète ou erronée, la Commission européenne peut, après avis motivé, saisir la CJUE d’un recours en manquement, en application de l’article 258 du TFUE. Les autres États membres peuvent également introduire un recours en application de l’article 259.

En cas de manquement constaté par la Cour de justice, et si la Commission estime que l’État membre concerné n’a pas pris les mesures requises pour exécuter l’arrêt, celle-ci peut à nouveau saisir la Cour, afin d’obtenir le paiement d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte (article 260, paragraphe 2). Si le manquement concerne le défaut de communication des mesures nationales de transposition, la Cour peut condamner directement l’État membre au paiement d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte, dans la limite du montant indiqué par la Commission dans son recours (article 260, paragraphe 3).

En droit interne, le Conseil constitutionnel a déduit de l’article 88-1 de la Constitution, relatif à la participation de la France à l’Union européenne, que l’obligation de transposition des directives résultait d’une exigence constitutionnelle ([6]). Le contrôle qu’il exerce sur les mesures législatives de transposition dans le cadre de l’article 61 de la Constitution est soumis à une double limite ([7]) :

– il s’assure que les dispositions législatives qui lui sont soumises ne sont pas manifestement incompatibles avec la directive qu’elles ont pour objet de transposer, le contrôle de compatibilité de la loi au regard des engagements européens de la France relevant des juridictions administratives et judiciaires, pouvant saisir la CJUE à titre préjudiciel ;

– il exerce un contrôle de constitutionnalité restreint, en veillant à ce que la transposition d’une directive n’aille pas à l’encontre d’une règle ou d’un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France, sauf à ce que le constituant y ait consenti.

Conformément au principe de primauté du droit de l’Union européenne, le juge administratif contrôle la compatibilité des actes réglementaires avec les directives. Il fait également prévaloir les directives, comme l’ensemble du droit de l’Union européenne, sur la loi nationale ([8]). Comme l’a jugé la CJCE ([9]), il reconnaît, à l’expiration du délai de transposition, un effet direct « vertical ascendant » des dispositions précises et inconditionnelles des directives, pouvant être invoqué par les particuliers à l’encontre de l’État, lorsque celui-ci n’a pas pris les mesures de transposition nécessaires ([10]).

2.   Des marges de manœuvre nationales qui dépendent de l’intensité normative de la directive

La définition de la directive réserve aux États membres une marge d’appréciation sur la forme et les moyens permettant d’atteindre son résultat, comme le confirme la jurisprudence de la Cour de justice, selon laquelle les États membres peuvent « choisir, dans le cadre de la liberté qui leur est laissée par l'article 189, les formes et les moyens les plus appropriés en vue d'assurer l'effet utile des directives, compte tenu de l'objet de celles-ci » ([11]).

La compétence des États membres s’agissant de la forme signifie qu’il leur revient de déterminer l’instrument de transposition, compte tenu de l’objet de la directive. En France, le Guide de légistique élaboré par le Secrétariat général du Gouvernement rappelle à cet égard que « l’obligation de transposition ne dispense en aucune façon du respect de la hiérarchie des normes et de la répartition des matières entre loi et règlement. La transposition d’une même directive peut ainsi être opérée pour partie par la loi et pour partie par la voie réglementaire ». Dans la pratique, la transposition par des mesures réglementaires est largement prédominante : selon les statistiques communiquées à vos rapporteurs par le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE), 30 % des mesures de transposition notifiées à la Commission européenne en 2016 relevaient du domaine de la loi et 70 % du domaine réglementaire ([12]).

S’agissant des moyens, la marge d’appréciation est subordonnée au résultat à atteindre et dépend donc du contenu même des directives, dont « l’intensité normative » est variable.

On peut en effet distinguer des directives, ou des dispositions au sein de directives, dites « d’harmonisation maximale », précises et inconditionnelles, ne laissant pas de marge d’appréciation nationale et d’autres dites « d’harmonisation minimale » (par exemple, pour définir un seuil minimum ou un niveau de protection minimum), permettant aux États membres de fixer un niveau d’exigence plus élevé. Les dispositions d’harmonisation minimale peuvent résulter du constat opéré par la Commission européenne que les divergences des réglementations nationales sont telles qu’une harmonisation maximale ne serait pas envisageable.

La CJUE comme le juge administratif sont amenés à apprécier l’intensité normative des dispositions d’une directive lorsqu’ils doivent déterminer lesquelles sont susceptibles d’avoir un effet direct en cas de défaut de transposition dans les délais requis. En effet, ces juridictions ne reconnaissent d’effet direct qu’aux dispositions précises et inconditionnelles des directives ([13]).

Dans d’autres cas, la directive peut ouvrir différentes options aux États membres. Dans cette hypothèse, la transposition impliquera nécessairement un choix de la part du législateur ou du pouvoir réglementaire qui devra retenir l’une des solutions mentionnées dans la directive.

La directive peut également autoriser les États membres à déroger à certaines de ses dispositions, parfois dans un sens déterminé. Par exemple, la directive 2011/7/UE du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales prévoit que « les États membres peuvent maintenir ou adopter des dispositions plus favorables au créancier que celles nécessaires pour se conformer à la présente directive. »

La directive peut enfin prévoir une liste d’exceptions facultatives pour les États membres. Par exemple, la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 relative aux droits d’auteur et aux droits voisins prévoit une liste précise d’exceptions au droit de reproduction que les États membres ont la « faculté de prévoir ». Il arrive également qu’une directive autorise des exceptions définies de manière plus générale si celles-ci sont déjà prévues par le droit interne des États membres.

3.   Différentes formes de surtransposition

Selon la définition adoptée par la commission générale de terminologie et de néologie, la surtransposition est la « transposition d'une directive qui en étend les dispositions au-delà de ce qui est expressément prévu », et son équivalent en langue anglaise est l’expression gold plating (enluminure)  ([14]).

Cette définition peut paraître trop restrictive, « l’extension » des dispositions ne semblant viser que le cas dans lequel les autorités de transposition retiennent un champ d’application plus large que celui défini par la directive.

Vos rapporteurs préfèrent donc retenir la définition suivante : la surtransposition est l’adoption ou le maintien de mesures législatives ou réglementaires allant au-delà des exigences minimales d’une directive.

La référence aux « exigences minimales » exclut du concept de surtransposition les mesures transposant des dispositions d’harmonisation maximale. Dans cette hypothèse, le fait d’aller au-delà des exigences de la directive serait en effet contraire au droit de l’Union européenne, ainsi que l’a rappelé le Conseil d’État dans l’étude qu’il a consacrée à la transposition des directives en 2015, établie par un groupe de travail dont vos rapporteurs ont entendu le président, M. Fabien Raynaud, conseiller d’État ([15]).

En revanche, lorsque les États membres disposent d’une marge de manœuvre pour transposer, la surtransposition est autorisée.

La surtransposition peut être « active », lorsqu’elle résulte de l’adoption de nouvelles mesures, dans le cadre d’une transposition ou d’autres textes intervenant dans des matières régies par le droit de l’Union européenne. Elle peut également être une surtransposition « par omission », consistant à maintenir le droit existant alors que le standard européen a évolué. Dans ce cas, vos rapporteurs ont observé que le maintien de la norme en vigueur est souvent privilégié, sans que les conséquences de ce choix ne soient évaluées.

Au-delà de cette définition théorique, vos rapporteurs se sont attachés à identifier les différentes hypothèses de surtransposition. Ils ont en effet constaté au cours de leurs travaux que cette notion était parfois ambiguë, dès lors que les personnes entendues et les différents documents abordant la question de la surtransposition (études, circulaires) retenaient des définitions plus ou moins larges.

● La surtransposition peut tout d’abord consister à adopter ou maintenir des normes législatives ou réglementaires allant au-delà des dispositions d’harmonisation minimale de la directive : fixation d’un seuil plus bas ou plus élevé, d’un délai inférieur ou supérieur, d’obligations plus strictes, de sanctions non prévues par la directive...etc.

Par exemple, la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit de porter la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie en France à 23 % en 2020 et 32 % en 2030, alors que la directive 2009/28/CE du 23 avril 2009 ([16]) ne fixe qu’un objectif minimal de 20 % en 2020 ([17]).

● Elle peut ensuite prendre la forme d’une extension du champ d’application, personnel ou matériel, au-delà de celui prévu par la directive.

Par exemple, l’article 14 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics n’excluait pas de son champ d’application les marchés de services juridiques, qui étaient en revanche en grande partie exclus de celui de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics. Le Conseil d’État a rejeté un recours en annulation de cet article en jugeant que les États membres disposaient d’une marge de manœuvre pour étendre le champ d’application de la directive : « si les États membres ne peuvent, dans le cadre de la transposition de [la directive], instituer des obligations de publicité et de mise en concurrence moins contraignantes que celles qu’elle prévoit, hors les cas où elle ouvrirait elle-même une telle faculté, il leur est loisible de décider de soumettre aux dispositions prises pour sa transposition des marchés qu’elle exclut de son champ d’application ou de prévoir, pour des marchés qui entrent dans son champ d’application, des règles plus contraignantes que celles qu’elle définit, dès lors que la soumission à ces règles est compatible avec le respect du droit de l’Union européenne. » ([18])

● Si ces deux hypothèses sont, de manière générale, reconnues comme des surtranspositions, il n’en va pas de même lorsqu’un État membre exerce un choix entre plusieurs options ouvertes par la directive ou décide d’utiliser ou non des possibilités de dérogations.

Ainsi le Conseil d’État a-t-il estimé, dans son étude précitée, que, dans ces hypothèses, « [le] choix est consubstantiel à l’exercice de transposition et ne peut être regardé, en lui-même, comme relevant de la “ sur-transposition ”. » Cette interprétation stricte avait également été retenue par le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, en réponse à une question écrite sur les surtranspositions dans le domaine agricole ([19]).

À l’inverse, dans la lettre de mission qu’ils avaient adressée en 2015 à l’Inspection générale des finances et au Conseil général de l’économie, chargés d’établir un rapport sur les écarts réglementaires entre la France et les pays comparables ([20]), le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique et la secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification avaient considéré que  « l’absence d’exercice des dérogations et options qui seraient susceptibles d’alléger les charges sur les entreprises, en particulier les PME »  entraient dans le champ de la surtransposition, qu’ils avaient préalablement définie comme le fait d’ « imposer des obligations à la charge des citoyens ou des entreprises au-delà des textes de l’Union européenne ou des conventions internationales ».

Plus récemment, le Premier ministre a considéré, dans la lettre de mission qu’il a adressée aux différentes inspections chargées de recenser les surtranspositions des directives relatives au marché unique ([21]) , qu’entrait dans le champ de la surtransposition le fait de « ne pas mettre en œuvre des possibilités de dérogation ou d’exonération prévues par la directive ». Le choix entre plusieurs options n’a en revanche pas été évoqué.

Vos rapporteurs souhaitent retenir une définition large de la surtransposition, qui prenne en compte les conséquences des normes adoptées pour leurs destinataires (particuliers, entreprises, collectivités territoriales...). Le choix parmi les options de transposition ouvertes par la directive, ainsi que l’utilisation ou non des possibilités de dérogation ou d’exceptions prévues par la directive, devraient donc être inclus dans cette définition.

● Une dernière hypothèse est celle dans laquelle « le Gouvernement peut souhaiter tirer parti de la transposition d’une directive appelant des mesures législatives, qui suit souvent un calendrier accéléré, pour mener une réforme plus large d’un secteur donné ou modifier certains aspects du droit existant sans lien direct avec le texte à transposer » ([22]). La transposition d’une directive européenne peut en effet être l’occasion pour les autorités de profiter du texte de transposition pour mettre en œuvre une politique strictement nationale. L’existence d’une directive dans un secteur donné ne s’oppose pas à ce que les États membres mettent en œuvre une politique nationale, si celle-ci est compatible avec le droit de l’Union.

Dans la mesure où les dispositions concernées n’ont pas de lien direct avec la transposition de la directive, elles ne doivent pas, pour vos rapporteurs, être considérées comme des surtranspositions.

4.   Une problématique plus générale dans le cadre de l’application nationale du droit de l’Union européenne

D’un point de vue strictement juridique, on ne peut évoquer la surtransposition qu’à l’égard des directives de l’Union européenne, seule catégorie d’acte pour laquelle une action normative des autorités nationales est requise.

Cependant, des problématiques proches de la surtransposition peuvent se poser dans le cadre de l’application de certains règlements. C’est le cas dans le secteur de l’agriculture, régi par de nombreux règlements pour l’application desquels les États membres disposent de marges de manœuvre. L’application du règlement (CE) n°1107/2009 sur les produits phytosanitaires, qui poursuit un objectif d’harmonisation des règles de mise sur le marché de ces produits mais laisse aux États membres la compétence pour délivrer les autorisations, est devenue un exemple célèbre des divergences d’interprétation du principe de précaution entre la France et l’Union européenne, conduisant à des réglementations nationales plus strictes de ces produits.

La réglementation nationale des produits phytopharmaceutiques à travers l’application du règlement (CE) n°1107/2009

L’un des objectifs poursuivis par le règlement est « d’établir des règles harmonisées pour l’approbation des substances actives et la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques » (considérant 9). Ainsi, un même niveau de protection dans tous les États membres devra être garanti dans la mesure où « la décision concernant l’acceptabilité ou la non-acceptabilité de telles substances devrait être prise au niveau communautaire sur la base de critère harmonisés » (considérant 10), après qu’une étude scientifique aura été menée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).

Le processus d’autorisation des substances actives suit plusieurs étapes. Avant l’autorisation, l’EFSA rend un avis scientifique sur les risques pour la santé humaine et pour l’environnement. Un projet de rapport d’évaluation est également établi par l’État membre nommé rapporteur. La Commission européenne présente alors un rapport d’examen et un règlement  d’exécution est adopté par les États membres compte tenu de ce rapport mais également « d’autres facteurs légitimes et du principe de précaution ». Chaque substance doit ensuite faire l’objet d’une autorisation de mise sur le marché délivrée par chaque État membre.

Néanmoins, un État membre peut toujours refuser d’accorder une autorisation de mise sur le marché (article 36), « si en raison de ses caractéristiques environnementales ou agricoles particulières, il est fondé à considérer que le produit en question présente toujours un risque inacceptable pour la santé humaine ou animale ou l’environnement ». Il doit fournir à la Commission les éléments techniques ou scientifiques à l’appui de cette décision.

Un État membre peut également demander le réexamen par la Commission européenne de l’approbation d’une substance active compte tenu des « nouvelles connaissances scientifiques et techniques et des données de contrôle ». Si la substance ne répond plus aux conditions formulées par le règlement, elle peut être interdite ou son utilisation restreinte (article 21). Un État membre peut enfin retirer ou modifier l’autorisation de mise sur le marché compte tenu de l’évolution des connaissances scientifiques et techniques.

Récemment, la France a utilisé à plusieurs reprises la possibilité d’interdire ou de réglementer plus strictement certaines substances :

– le diméthoate : alors que la date d’expiration de l’approbation du diméthoate, insecticide utilisé notamment pour la production de cerises, a été repoussée par un règlement d’exécution de la Commission au 31 juillet 2018, la France a décidé le 1er février 2016, son retrait du marché, sur décision de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Le Gouvernement a alors saisi la Commission européenne, afin qu’elle prenne des mesures d’interdiction immédiate de l’utilisation du diméthoate dans toute l’Union européenne sur les fruits et légumes et des mesures d’interdiction d’importation de cerises provenant de pays dans lesquels la substance serait autorisée.

La Commission européenne, après avis de l’EFSA, a considéré qu’il n’y avait pas de risque grave en matière sanitaire et que des mesures d'urgence ne se justifiaient pas. Lors de la réunion du comité permanent du 15 avril 2016, une majorité d’États membres s’est prononcée en faveur d’un réexamen prioritaire de ces substances ([23]).

Afin de protéger le marché français, le Gouvernement a activé la clause de sauvegarde nationale permettant d’interdire les importations de fruits traités au diméthoate dans les autres pays européens. Des mesures similaires ont également été adoptées par l'Espagne et par l'Italie.

– les néonicotinoïdes : l’article 125 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a interdit, à compter du 1er septembre 2018, l’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes et de semences traitées avec ces produits, en raison de leur toxicité pour les abeilles. Le législateur a néanmoins aménagé une période transitoire, jusqu’en 2020, au cours de laquelle des dérogations peuvent être accordées par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et de la santé après un bilan effectué par l’ANSES. Au niveau de l’Union européenne, trois de ces substances font l’objet de restrictions d’usage depuis 2013.

– le glyphosate : une procédure de réautorisation du glyphosate, substance utilisée dans de très nombreux produits herbicides, a été lancée par la Commission européenne en 2013. Alors que celle-ci avait initialement proposé une réautorisation pour une durée de 15 ans, sous réserve que soient pris en compte d’éventuels développements scientifiques, un vif débat s’est engagé sur la toxicité de cette substance. Ce débat est d’ordre scientifique, le caractère cancérigène du glyphosate faisant l’objet d’évaluations divergentes par le centre international de recherche sur le cancer (CIRC), l’agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et par l’EFSA, mais aussi d’ordre politique, les méthodes d’expertise employées par l’agence européenne étant critiquées. Une majorité de 18 États membres a finalement approuvé la réautorisation du glyphosate pour une durée de cinq ans, le 27 novembre dernier. Le Gouvernement français, qui s’était opposé à cette décision, a annoncé qu’il interdirait le glyphosate « dès que des alternatives auront été trouvées et au plus tard dans trois ans ».

De manière générale, la distinction établie par le TFUE entre règlements et directives a tendance à s’atténuer en raison des choix normatifs de la Commission européenne. S’agissant du marché intérieur, celle-ci privilégie désormais l’adoption de règlements et de nombreuses directives en vigueur ont été remplacées par des règlements : selon les données communiquées par le SGAE, en novembre 2016, 3 619 règlements étaient en vigueur dans le domaine du marché intérieur, contre 377 en avril 2003 ; en sens inverse – mais pas dans la même proportion – le nombre de directives régissant le marché unique est passé de 1509 à 1019 pendant la même période.

Ces règlements, en principe directement applicables, sont le fruit de compromis complexes, qui aboutissent souvent à l’ouverture d’options pour les États membres ou à de multiples possibilités de dérogation. Leur application nationale, qui devrait se limiter à l’abrogation des normes incompatibles, peut laisser dans les faits d’importantes marges de manœuvre aux États membres. C’est le cas, par exemple, du règlement 2016/679/UE du 27 avril 2016 relatif à la protection des données personnelles, dont l’application, prévue au plus tard le 25 mai 2018, nécessite l’adoption de mesures législatives, qui seront discutées prochainement dans notre assemblée.

À l’inverse, les directives proposées par la Commission contiennent de plus en plus de dispositions d’harmonisation maximale, ainsi que l’a souligné M. Philippe Léglise-Costa, secrétaire général des affaires européennes, lors de son audition. Le recours très fréquent aux actes délégués, pris pour compléter ou modifier un texte législatif (article 290 du TFUE), et aux actes d’exécution, lorsque des conditions uniformes d’exécution des actes de l’Union sont nécessaires (article 291), contribue également à limiter les marges de manœuvre des États membres lors de la transposition et donc les risques de surtransposition des directives ([24]).

Il est par conséquent difficile de déduire de ces évolutions des conséquences univoques sur les marges dont disposent les États membres pour aller au-delà des exigences du droit de l’Union.

Vos rapporteurs soulignent que le brouillage de la distinction entre règlements et directives peut être une source de complexité, la rédaction des règlements rendant difficile leur application directe et les directives trop détaillées figeant l’état du droit dans des domaines techniques souvent très évolutifs. Ils rappellent à cet égard que l’accord interinstitutionnel « Mieux légiférer » du 13 avril 2016 ([25])  prévoit que « la Commission devrait tenir dûment compte de la différence de nature qui existe entre les règlements et les directives et des effets différents qu'ils produisent. »

5.   Surtransposition et surréglementation

Si les surtranspositions peuvent être à l’origine d’écarts réglementaires par rapport aux autres États membres, de tels écarts peuvent également trouver leur origine dans des surréglementations.

Dans le cadre du rapport de l’Inspection générale des finances et du Conseil général de l’économie sur les écarts réglementaires entre la France et les pays comparables, la surréglementation avait été définie comme « l’existence d’obligations à la charge des citoyens ou des entreprises plus contraignantes que celles qu’impose la législation de la plupart de nos partenaires de l’Union européenne [...]. À la différence de la surtransposition, la surréglementation provient de contraintes réglementaires nationales applicables en l’absence de cadre européen harmonisé, ou préexistantes à la mise en place d’un tel cadre » ([26]). Cette notion, dont le champ est potentiellement très large, est plus difficile à cerner que la surtransposition, définie par rapport aux normes européennes. Les auteurs, entendus par vos rapporteurs, ont néanmoins souligné la porosité entre les notions de surtransposition et de surréglementation, toutes deux sources potentielles de désavantages compétitifs par rapport à nos partenaires européens. Le cas de la valeur limite d’exposition professionnelle au chrome hexavalent est l’un des exemples de réglementations nationales autonomes mais interagissant avec le droit de l’Union qu’ils ont relevés.

Un exemple de surréglementation identifié dans le rapport sur les écarts réglementaires entre la France et les pays comparables  : la valeur limite d’exposition professionnelle au chrome hexavalent

Alors que Comité scientifique en matière de limites d'exposition professionnelle (CSLEP) créé en 1995 par la Commission européenne a estimé que la valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) en matière de chrome hexavalent pouvait être fixée à 50 μg / m³ ou de 10 à 25μg / m³ selon les formes de chrome hexavalent concernées, l’article R. 4412-149 du code du travail fixe cette limite à 0,001 mg/m³ (soit 1 μg / m³) ([27]).

Cette mesure n’est pas une surtransposition car la Commission européenne n’a pas fixé de valeur limite d’exposition professionnelle, ni même de valeur indicative.

La modification du droit national a fait suite à un avis rendu par l’ANSES qui a estimé que « pour le chrome hexavalent et ses composés, cancérogènes avérés chez l’homme, […] la VLEP actuelle fixée à 50 μg.m3 fait courir aux travailleurs un risque de  cancer de poumon très important » ([28]) .

De ces études scientifiques tirant des conclusions divergentes découlent des écarts réglementaires importants, puisque le seuil français est « le plus bas existant dans les pays industrialisés » selon le rapport sur les écarts réglementaires entre la France et les pays comparables, qui souligne également que la règlementation ne peut que « très difficilement » être respectée, dans la mesure « il n’est le plus souvent pas techniquement possible de séparer les activités de fabrication de  pièces métalliques de leur chromage ».

Les organisations professionnelles entendues par vos rapporteurs ont également regretté que les dispositions de transposition se superposent fréquemment avec des dispositifs nationaux connexes, dont la justification n’est pas systématiquement réexaminée.

B.   Une distinction à opÉrer entre les surtranspositions conscientes et assumÉes et les surtranspositions injustifiÉes

1.   Les causes de la surtransposition

Les causes de la surtransposition sont de deux ordres : certaines sont liées à l’objet même des négociations ayant abouti à l’adoption de la directive et d’autres à l’organisation du processus normatif.

a.   Un reflet des positions défendues par la France lors des négociations

Il arrive souvent que la France défende, lors des négociations sur les propositions de directives, des positions plus ambitieuses que celles qui sont finalement retenues par la majorité des États membres au Conseil. L’impossibilité de parvenir à un compromis conduit en effet souvent les États membres à demander des marges de transposition, grâce à l’ouverture d’options ou de dérogations. Les autorités françaises peuvent ainsi utiliser ces marges pour maintenir le droit existant qu’elles n’ont pas réussi à imposer comme standard européen dans la négociation, ou pour adopter de nouvelles règles plus ambitieuses.

Si cette origine des surtranspositions a été évoquée par la quasi-totalité des personnes entendues par vos rapporteurs, sa légitimité fait l’objet d’appréciations divergentes. Pour M. Alain Lambert, président du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), il est anormal que, parce que les autorités françaises n’ont pas réussi à faire prévaloir leur point de vue, les entreprises se trouvent finalement pénalisées par rapport à leurs concurrents européens. M. Thierry Mandon, ancien secrétaire d’État à la simplification et à la réforme de l’État, a pour sa part estimé qu’il s’agissait d’une habitude ancienne des gouvernements successifs et regretté, qu’en agissant ainsi, la France ne tienne pas compte des décisions prises au niveau de l’Union européenne.

À l’inverse, dans ses réponses écrites à vos rapporteurs, le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) a estimé que les surtranspositions concernées étaient légitimes car elles résultaient d’un arbitrage politique en faveur d’objectifs jugés supérieurs par le législateur ou par le pouvoir réglementaire et que « l’intérêt général qui s’attache à des règles ambitieuses ou strictes peut être apprécié de manière différente en France et au niveau européen ».

Pour vos rapporteurs, de tels choix peuvent être justifiés dans des cas limités, en permettant d’anticiper les enjeux d’une évolution ultérieure de la norme européenne. Il convient cependant d’éviter de recourir systématiquement à la surtransposition, lorsque le niveau d’ambition de la réglementation européenne ne correspond pas à celui qui était souhaité par la France. Afin de garantir une analyse au cas par cas, ce choix devrait s’appuyer sur une évaluation d’impact complète incluant une analyse de droit comparé ([29]).

En revanche, lorsqu’elles ne résultent pas d’un choix politique conscient, assumé et évalué, les surtranspositions sont injustifiées.

b.   Un processus normatif ne permettant pas d’anticiper suffisamment la transposition

L’exigence d’anticipation des travaux de transposition est affirmée par la circulaire du 27 septembre 2004 ([30]), selon laquelle « les effets sur le droit interne des dispositions envisagées et les contraintes ou difficultés qui pourront en résulter doivent être mesurés et pris en compte dès le stade de l'élaboration et de la négociation des actes des institutions européennes. »

L’objectif principal de cette anticipation a été jusqu’à présent le respect des délais de transposition. Les différents efforts entrepris ont effectivement permis d’améliorer nettement les performances de la France à cet égard : s’agissant des directives applicables au marché unique, celle-ci est passée d’un déficit de transposition de 7,4 % en novembre 1997 à un minimum de 0,3 % en novembre 2012. En novembre 2016, ce déficit s’élevait à 1,1 %, en dessous de la moyenne européenne de 1,5 %.

Évolution du dÉficit de transposition des directives du marchÉ unique en France, 1997-2016

En bleu : France

En rouge : moyenne de l’UE

Source : Commission européenne, tableau d’affichage du marché unique, édition 2017

Cependant, certaines difficultés d’anticipation, mises en évidence en 2015 par l’étude déjà citée du Conseil d’État, n’ont pas encore été dépassées.

● La déconnexion entre les équipes chargées de la négociation d’un texte et celles chargées de sa transposition

Le guide de bonnes pratiques concernant la transposition des directives européennes, publié en 2011 par le SGAE, prévoit que « dès la publication d’une proposition de directive, une " équipe projet " est mise en place au sein du (des) ministère(s) concerné(s), afin d’en évaluer l’impact, y compris du point de vue de sa transposition. Cette équipe projet est opérationnelle jusqu’à la transposition définitive du texte. » Cette équipe, qui peut être interministérielle, est notamment chargée de « la constitution d’un fonds de dossier sur la directive, qui pourra être utile à la conservation de la mémoire de la négociation et de la transposition du texte en cas de mobilité des personnes constituant l’équipe initialement constituée. »

Cependant, lors de son audition, M. Philippe Léglise-Costa a indiqué que ce n’était que pour les textes les plus complexes que le SGAE s’efforçait d’identifier, avant la fin de la négociation, l’ « équipe projet » chargée de la transposition. Dans le cas général, le SGAE demande aux ministères concernés de lui transmettre la composition de l’ « équipe projet » au moment de la publication de la directive. Même si la pratique des ministères a évolué positivement, ces équipes n’incluent pas systématiquement les personnes ayant participé à la négociation, ce qui s’explique notamment par le fait qu’elles peuvent avoir changé de poste entre temps.

Cette coupure entre les phases de négociation et de transposition nuit à la qualité de la transposition et peut conduire à l’adoption de surtranspositions injustifiées. Ainsi que l’a souligné l’étude du Conseil d’État, elle ne permet pas une bonne anticipation des enjeux de transposition lors de la négociation afin d’ajuster, le cas échéant, la position de négociation. Enfin, au stade de la transposition, elle conduit à une perte de la mémoire des négociations et des principaux arbitrages rendus.

● L’utilisation insuffisante des documents permettant d’anticiper la transposition

La circulaire du 27 septembre 2004 et le guide de bonnes pratiques en matière de transposition prévoient que le ministère chef de file rédige, à la demande du SGAE, lorsqu’une proposition de directive est publiée, une « fiche d’impact simplifiée » (FIS 1) qui contient « une description succincte de la proposition de directive et de son insertion dans l’environnement juridique national, ainsi qu’un avis sur le principe du texte ». Celle-ci doit être transmise aux assemblées dans les trois semaines suivant la transmission du texte par le Gouvernement, dans le cadre de la procédure prévue par l’article 88-4 de la Constitution. La « fiche d’impact stratégique » (FIS 2) qui doit être élaborée dans un second temps est une analyse plus approfondie de l’impact du texte en droit interne, incluant un « tableau de correspondance précoce » ; elle est également transmise aux assemblées. Alors que les FIS 2 devaient, selon le guide de bonnes pratiques en matière de transposition, être élaborées dans les trois mois suivant la transmission de la proposition de texte européen aux assemblées, il a été décidé de reporter leur rédaction au stade de l’accord politique, afin que le texte soit stabilisé, conformément aux recommandations formulées par le Conseil d’État dans son étude de 2015. Cette évolution visait notamment à permettre une mobilisation plus forte des administrations concernées.

Cependant, si la pratique des FIS 1 est respectée, M. Philippe Léglise-Costa a indiqué que le SGAE rencontrait des difficultés pour obtenir de tous les ministères des FIS 2 complètes. Le guide de bonnes pratiques en matière de transposition ne fixe d’ailleurs aucune exigence à cet égard, puisqu’il se limite à indiquer que « le niveau de détail de [l’]analyse d’impact est laissé à l’appréciation des service compte tenu du degré de complexité du texte de la directive ». En particulier, aucune disposition ne prévoit que les FIS 2 fassent état du droit existant dans les autres États membres ni des options de transposition envisagées par nos partenaires. Elles ne comportent pas non plus obligatoirement l’identification et la justification des éventuelles surtranspositions envisagées en droit interne.

Parallèlement, les tableaux de concordance indispensables à la préparation de la transposition et à l’identification d’éventuelles surtranspositions, sont insuffisamment utilisés et mis à jour. Le guide de bonnes pratiques concernant la transposition des directives européennes prévoit que ces documents doivent « permettre d’identifier clairement les dispositions à adopter en droit interne afin de transposer la directive concernée, mais également les consultations à mener dans ce cadre ». Le Guide de légistique précise que les tableaux de concordance doivent s’appuyer sur une analyse juridique précise et rigoureuse de la portée de la directive et de sa compatibilité avec le droit en vigueur : identification des objectifs, des dispositions « précises et inconditionnelles », des options ouvertes aux États membres, recensement du droit interne applicable, examen de sa compatibilité avec la directive, choix du texte de transposition. L’établissement d’un tableau complémentaire « faisant apparaître, pour chaque article du projet de texte, les dispositions du droit de l'Union européenne que ce projet a pour objet de transposer, de manière à bien distinguer, au sein du projet, ce qui relève des obligations de transposition et ce qui est étranger à ces obligations ou va au-delà » est également prévu.

Ces tableaux doivent être joints au dossier lors des travaux interministériels et des consultations préalables, en particulier celle du Conseil d’État. En revanche, ils ne doivent pas systématiquement être communiqués à la Commission européenne lors de la notification des mesures nationales d’exécution : ce n’est que si la directive le prévoit expressément et si la Commission a démontré la nécessité et la proportionnalité de cette demande que les États membres doivent fournir des documents expliquant le lien entre les dispositions de la directive et les dispositions de transposition ([31]).

ModÈles de tableau de concordance et de tableau complémentaire

Source : Guide de légistique, Secrétariat général du Gouvernement.

Les tableaux de concordance et les tableaux complémentaires devraient permettre de distinguer les dispositions relevant de la transposition stricte et celles qui constituent des surtranspositions mais cette distinction n’est pas prévue dans la présentation-type reproduite ci-dessus. De plus, en pratique, ces documents ne sont pas correctement utilisés par les ministères. En réponse aux questions de vos rapporteurs, le SGAE a en effet indiqué que les tableaux de concordance n’étaient pas systématiquement réalisés et parfois pas suffisamment précis, ce qui ne permet pas d’identifier les arbitrages à réaliser ni les éventuelles surtranspositions. Lorsque le Conseil d’État, consulté sur un projet de décret, de loi ou d’ordonnance visant à transposer une directive, ne dispose pas du tableau de concordance ou lorsque celui-ci est trop imprécis, cela limite sa capacité à vérifier la conformité de la transposition et à identifier les surtranspositions.

c.   Les lacunes de l’évaluation de l’impact des textes législatifs et réglementaires

L’élaboration d’une étude d’impact est obligatoire pour la plupart des projets de loi, en application du troisième alinéa de l’article 39 de la Constitution et de la loi organique du 15 avril 2009. L’étude d’impact doit être jointe aux projets de loi transmis au Conseil d’État et déposée sur le bureau de la première assemblée saisie. En revanche, ni les propositions de loi, ni les amendements, qu’ils soient d’origine parlementaire ou gouvernementale, ne sont soumis à cette obligation.

L’article 8 de la loi organique détaille les informations devant obligatoirement figurer dans l’étude d’impact. Sont notamment citées « l'articulation du projet de loi avec le droit européen en vigueur ou en cours d'élaboration, et son impact sur l'ordre juridique interne » et « l'évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d'administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue ».

S’agissant des textes réglementaires, il n’existe aucune obligation générale d’établir une évaluation de leur impact. Cependant, plusieurs catégories de projets doivent faire l’objet d’une fiche d’impact :

– les projets de textes réglementaires  « créant ou modifiant des normes à caractère obligatoire concernant les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics », soumis pour avis au Conseil national de l’évaluation des normes ([32]) ;

– les projets de textes réglementaires ayant un impact significatif sur les entreprises et sur le public ; s’agissant des entreprises, les textes susceptibles d’entraîner une économie ou des coûts annuels de plus de 500 000 euros pour l’ensemble des entreprises ou de plus de 10 000 euros pour au moins une entreprise doivent être considérés comme ayant un impact significatif ([33]) ;

– les projets de textes ayant des conséquences sur les missions ou l’organisation des services déconcentrés de l’État ([34]).

Les modalités de l’évaluation de l’impact des projets de textes assurant la transposition de directives européennes ne sont abordées ni par la loi organique ni par les différents textes relatifs aux fiches d’impact des actes réglementaires mais font uniquement l’objet de développements spécifiques du Guide de légistique.

Extraits du Guide de légistique relatifs aux études d’impact des mesures de transposition

– Extrait de la fiche 1.1.2 relative aux études d’impact

« Une fois la directive européenne publiée, l’étude d’impact des mesures de transposition doit avant tout fournir une démonstration précise de la nécessité et de la pertinence juridique de ces dispositions, en fonction des termes de la norme européenne en cause. À cet effet, on s’emploiera à opérer le partage entre les objectifs de la directive et ses dispositions précises et inconditionnelles. L’étude d’impact s’attachera à analyser si, et dans quelle mesure, le droit en vigueur est incompatible avec ces objectifs ou contraire à ces dispositions inconditionnelles. Réciproquement, elle veillera à faire apparaître les marges de manœuvre qui sont laissées aux États membres pour satisfaire ces objectifs. L’étude doit, par conséquent, comporter un ou plusieurs tableau(x) de concordance, établi(s) suivant le modèle figurant en annexe 2 de la fiche 4.1.3, afin d’identifier avec précision les dispositions de droit interne contraires à la directive, cerner les marges de manœuvre juridiquement ouvertes pour la transposition et déterminer l'ensemble des mesures, y compris en matière d'organisation administrative, nécessaires pour en tirer toutes les conséquences. »

– Extrait de la fiche 4.1.3 relative à la rédaction des textes de transposition des directives de l'Union européenne

« L’étude d’impact d’un projet de loi comprenant des mesures de transposition d’une directive doit ainsi comporter :

– le délai de transposition et la présentation du contenu de la directive ;

– un renvoi à l’étude d’impact simplifiée réalisée par la Commission européenne ou un résumé des négociations ;

– un commentaire du tableau de transposition, annexé à l’étude d’impact ;

– pour les projets de loi transposant des directives (article 76 du TFUE, notamment en matière de coopération judiciaire ou pénale), les raisons ou les lacunes dans le dispositif en vigueur qui ont conduit les États membres à proposer à l’Union européenne de légiférer en la matière. 

S’agissant de la présentation des options, lorsque les États membres disposent d’une marge de manœuvre dans la transposition, l’étude d’impact doit préciser les choix opérés quant au mode de transposition le plus efficace pour atteindre l’objectif fixé par la directive. La marge de manœuvre doit être clairement exposée, et la pertinence des options retenues justifiée. 

Il peut être opportun de s’interroger, à ce stade, sur les modalités de transposition qui ont été envisagées dans les autres États membres. Le SGAE peut être sollicité à cette fin pour coordonner une recherche avec la Représentation permanente auprès des autres États membres. »

On peut observer que les surtranspositions ne sont pas expressément visées dans ces recommandations et que les fiches d’impact ne comportent pas de rubrique spécifique destinée à démontrer l’absence de surtranspositions ou à les justifier. La présentation des options de transposition et la justification de la pertinence des choix opérés ne semblent pas remplir ce rôle. M. Marc Guillaume, secrétaire général du Gouvernement, a ainsi estimé, lors de son audition, qu’il était souhaitable de mieux expliquer dans les études et fiches d’impact les arbitrages justifiant les surtranspositions. En outre, l’absence de tableaux de concordance ou leur manque de précision, déjà mentionnés, limite fortement l’utilité des études d’impact sur les projets de textes de transposition.

 Les insuffisances de l’évaluation des conséquences économiques

Au-delà de la question de l’identification et de la justification des surtranspositions se pose celle, plus complexe, de l’évaluation de leurs conséquences, en particulier économiques. Sans entrer dans un débat qui dépasse l’objet de la mission d’information, vos rapporteurs se limiteront à rappeler les critiques récurrentes portant sur la qualité des études d’impact. Le Conseil d’État observe régulièrement dans ses avis leur caractère incomplet ou insuffisant ([35]). Sous la précédente législature, la mission d’information relative à la simplification législative avait souligné que la qualité inégale et le manque d’objectivité des études d’impact s’expliquaient par le fait que l’évaluation de l’impact était un processus interne aux ministères porteurs d’un projet de loi, intervenant alors que les choix ont déjà été faits ([36]).

S’agissant des projets de loi, l’obligation d’établir une étude d’impact ne fait, en pratique, l’objet d’aucune sanction. La procédure de contrôle prévue par l’article 39, alinéa 4, de la Constitution ([37]) n’a été utilisée qu’une fois, en juin 2014, après que la conférence des présidents du Sénat eut estimé que l’étude d’impact du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral ne répondait pas aux exigences de la loi organique, mais le Conseil constitutionnel a jugé que celles-ci avaient bien été respectées.

Certains efforts ont été entrepris par le Gouvernement pour améliorer la qualité de l’évaluation des textes applicables aux entreprises. En matière réglementaire, le Secrétariat général du Gouvernement s’appuie depuis 2012 sur la mission d’expertise « simplification et évaluation » du Contrôle général économique et financier (CGEFI) pour analyser la qualité des évaluations des textes réglementaires concernant les entreprises et les collectivités territoriales ([38]). En 2016, 168 projets de décrets ou d’arrêtés ont été examinés. Entendue par vos rapporteurs, Mme Marie-Christine Armaignac, responsable de la mission, a indiqué que, lorsque celle-ci contrôle que les critères de proportionnalité et d’adéquation à l’objectif poursuivi sont bien respectés, elle peut identifier, le cas échéant, une surtransposition. Cependant, elle a indiqué que, sur les sujets les plus techniques, la mission ne disposait pas d’une capacité de contre-expertise sur les choix effectués par les ministères. Elle a estimé que, sur de tels sujets, les surtranspositions et les surréglementations pourraient être prévenues en amont, en incitant les ministères concernés à recueillir des informations sur le droit en vigueur dans les autres États membres.

Par ailleurs, les nombreuses consultations obligatoires ou facultatives ([39]) qui devraient permettre d’éclairer l’étude d’impact, ne sont pas suffisamment utilisées. Les études d’impact se limitent à indiquer que la consultation a été menée, sans joindre l’avis rendu. Néanmoins, la plupart des représentants d’organismes professionnels entendus par vos rapporteurs ont jugé utiles les instances consultatives compétentes dans leurs secteurs d’activité –  le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique et le Comité de rénovation des normes en agriculture –  mais certains ont relevé le caractère trop tardif de la concertation ou l’application d’une « logique de silos » inefficace sur les sujets interministériels.

On peut également regretter que des outils innovants comme les « tests PME », créés en 2012 afin de pouvoir consulter directement un échantillon de petites entreprises et d’évaluer les conséquences d’un projet de réglementation, par l’intermédiaire des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), n’aient pas été davantage utilisés. Quatre tests seulement ont été conduits depuis la création du dispositif, ce que la direction générale des entreprises (DGE) explique par « la réticence des ministères : le test n'est pas obligatoire et n’est donc pas encore ancré dans les pratiques administratives ; beaucoup de services font preuve de réserve vis-à-vis des exercices de consultation et d’évaluation préalable ; la plupart des services craignent un rallongement des délais. » ([40])

d.   L’inflation normative

Les surtranspositions et les surréglementations s’inscrivent dans le contexte de l’inflation normative, phénomène largement analysé et critiqué depuis de nombreuses années. L’obligation de transposition est elle-même à l’origine d’une partie de la production normative. Ainsi, le SGAE estime que le rapport entre les mesures législatives de transposition notifiées et l’ensemble des mesures législatives effectivement adoptées s’est élevé à 35 % en 2011, 17 % en 2012 et 15 % en 2013, soit 22 % en moyenne ([41]).

Le recours massif aux amendements, parlementaires ou gouvernementaux, peut aussi favoriser l’adoption de surtranspositions inconscientes. Les conditions d’urgence dans lesquels les amendements sont examinés et l’absence d’étude de leur impact ([42]) ne permettent en effet pas toujours d’identifier une éventuelle surtransposition. C’est pour cette raison que, sous la précédente législature, la mission d’information sur la simplification législative ([43]) avait préconisé de développer la transposition des directives européennes par ordonnances, à la condition que, lors de l’examen du projet de loi de ratification, le Parlement dispose d’une étude d’impact indiquant clairement les éventuelles surtranspositions et de l’avis du Conseil d’État portant sur la qualité de l’étude d’impact. En effet, ainsi que le soulignait le Conseil d’État dans son étude de 2015 sur la transposition, les articles d’habilitation à transposer une directive ne mentionnent que les finalités et les domaines dans lesquels l’ordonnance interviendra, sans préciser les choix qu’impliquera la transposition.

Certaines personnes entendues par vos rapporteurs se sont prononcées en faveur d’un processus de transposition en deux étapes, s’inspirant du système allemand de la « double corbeille », dans lequel un premier projet de loi a pour objet de transposer strictement la directive, puis un deuxième de procéder à une réforme plus large du droit national dans le domaine de la directive ([44]). Cependant, pour vos rapporteurs, un tel système, outre le fait qu’il semble complexe à mettre en œuvre dans notre système institutionnel, ne permettrait pas de couvrir toutes les hypothèses de surtransposition, en particulier lorsque la directive procède à une harmonisation minimale.

Des surtranspositions peuvent également être introduites par des textes indépendants des mesures de transposition, projets ou propositions de loi, les différents outils mis en place pour encadrer le travail de transposition étant alors inopérants.

S’agissant des projets de textes réglementaires, des dispositifs de contrôle du flux ont été mis en œuvre :

– en juillet 2013 a été posé un principe de « gel de la réglementation », selon lequel « un projet de texte réglementaire nouveau créant des charges pour les collectivités territoriales, les entreprises ou le public ne pourra être adopté que s’il s’accompagne, à titre de “ gage “, d’une simplification équivalente » ([45]) ;

– en juillet 2017, il a été décidé que « toute nouvelle norme réglementaire doit être compensée par la suppression ou, en cas d’impossibilité avérée, la simplification d’au moins deux normes existantes »  ([46]).

Ces principes ne s’appliquent pas aux mesures de transposition, dont l’adoption est obligatoire pour les États membres. Cependant, les surtranspositions peuvent être confondues avec des mesures de transposition stricte car leur identification est complexe. Les ministères porteurs d’un projet de texte peuvent même avoir intérêt à opter pour une appréciation large de la transposition, afin d’échapper aux contraintes imposant la suppression ou la simplification de normes existantes pour compenser l’adoption d’une norme nouvelle.

La multiplicité des acteurs intervenant dans le processus normatif explique également le manque de transparence des décisions ayant abouti à des surtranspositions. Ainsi que l’a remarqué M. Alain Lambert, président du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), lors de son audition, il est difficile de retrouver l’origine et la justification des surtranspositions, à moins de consulter l’application SOLON ([47]), qui permet de suivre le cheminement interministériel des projets de textes législatifs et réglementaires.

Enfin, s’agissant du stock de textes en vigueur, l’accumulation de normes rend plus complexe le travail de comparaison entre le droit interne et les exigences du droit de l’Union européenne et, par conséquent, l’identification des surtranspositions.

2.   Des effets négatifs pour la compétitivité des entreprises françaises

Les surtranspositions comme les surréglementations sont à l’origine d’écarts réglementaires avec les autres États membres, lesquels aboutissent, dans de très nombreux secteurs soumis à une concurrence européenne, à une perte de compétitivité pour les entreprises françaises, tenues de respecter des normes plus coûteuses que leurs concurrents. Compte tenu du principe de la libre circulation, l’efficacité de normes nationales plus strictes peut être limitée : les biens produits dans d’autres États membres sont également accessibles aux consommateurs français, même s’ils sont soumis à des normes moins protectrices, ce qui relativise l’impact réel de la réglementation française.

Dans le domaine agricole, la question de la réglementation nationale des produits phytosanitaires, déjà évoquée par vos rapporteurs, conduit à s’interroger sur la balance entre les coûts pour les filières concernées et les avantages en matière sanitaire et environnementale. L’interdiction nationale d’une substance crée en effet des distorsions de concurrence. Concernant le diméthoate ([48]), le ministère de l’agriculture a mis en place un dispositif d’indemnisation exceptionnel ([49]) doté d’une enveloppe de 5 millions d’euros alors que, selon la fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), les dossiers d’indemnisation correspondaient à une demande de 12 millions d’euros en avril 2017. S’agissant des néonicotinoïdes, la loi sur la biodiversité prévoit que les dérogations à l’interdiction sont décidées après un bilan établi par l’ANSES des « impacts sur l'environnement, notamment sur les pollinisateurs, sur la santé publique et sur l'activité agricole ». Dans le cas du glyphosate, vos rapporteurs estiment que la mesure de l’impact de la décision de la France devrait prendre en considération le fait que celle-ci permettra à la filière d’anticiper l’évolution souhaitable de la réglementation européenne.

Dans certains cas, les exigences nationales peuvent être inapplicables et même compromettre le respect des exigences européennes : la réglementation des poussières de bois, évoquée par plusieurs personnes entendues par la mission en est un exemple.

Un exemple de surtransposition inefficace : les valeurs limites d’exposition professionnelle aux poussières de bois

Alors que la directive 1999/38/CE fixe la valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) aux poussières de bois à 5mg/m3, l’article R. 4412-149 du code du travail la limite à 1 mg /m3. Cette règlementation ne constitue pas un manquement au droit européen car les directives relatives à la protection des travailleurs imposent seulement une harmonisation minimale.

Cependant, ainsi que le souligne le rapport sur les écarts réglementaires entre la France et les pays comparables, les entreprises soumises à cette norme sont en pratique incapables de la respecter, les machines utilisées étant produites principalement en Allemagne en fonction des normes européennes et non françaises. La norme française qui se veut plus protectrice de la santé des travailleurs conduit en pratique à ce qu’un nombre important d’entreprises n’applique pas la réglementation.

Dans le domaine de la construction, moins directement soumis à la concurrence européenne que l’agriculture ou l’industrie, les exemples de surtranspositions ou de surréglementations évoqués par les organisations professionnelles entendues ont également des conséquences économiques car elles engendrent des charges supplémentaires se répercutant sur le coût du logement.

II.   Mieux prÉvenir les surtranspositions injustifiÉes dans le flux des textes rÉglementaires et lÉgislatifs

Les actions visant à prévenir l’adoption de surtranspositions injustifiées doivent intervenir aux différents stades d’élaboration de la norme européenne puis des mesures de transposition.

A.   En amont, à l’Échelle de l’Union europÉenne

1.   Soutenir les efforts d’encadrement de l’activité normative de l’Union européenne (« Mieux légiférer »)

Depuis son entrée en fonctions en 2014, la Commission européenne présidée par M. Jean-Claude Juncker a lancé un programme d’amélioration de la réglementation baptisé « Mieux légiférer », dont la conduite a été confiée à M. Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission. Cette initiative a fait l’objet d’une communication de la Commission le 19 mai 2015 ([50]) puis d’un accord interinstitutionnel entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission le 13 avril 2016 ([51]).

Le programme « Mieux légiférer » s’est d’abord traduit par une réduction importante du nombre d’initiatives nouvelles de la Commission car celle-ci souhaite désormais se concentrer sur quelques priorités politiques : 23 initiatives ont été proposées par an en moyenne depuis 2015, contre une centaine les années auparavant.

Un deuxième axe porte sur l’amélioration des analyses d’impact des propositions. L’accord interinstitutionnel du 13 avril 2016 prévoit que la Commission procède à une « analyse d’impact de ses initiatives législatives et non législatives, de ses actes délégués et de ses mesures d’exécution qui sont susceptibles d’avoir une incidence économique, environnementale ou sociale importante » ([52]) .

La Commission a élaboré deux documents méthodologiques détaillés sur l’élaboration des analyses d’impact ([53]). Un organisme chargé de contrôler la qualité des analyses d’impact, le comité d’examen de la réglementation, a été institué en juillet 2015. Celui-ci se compose d’un président et de six membres, dont trois issus de l’administration de la Commission européenne et trois experts indépendants. Le comité doit donner un avis positif pour qu’une initiative, accompagnée de l’analyse d’impact, puisse être adoptée par le collège des commissaires. Ses avis sont publiés lorsque la proposition a été adoptée.

En outre, la Commission a très fréquemment recours aux consultations publiques, ouvertes aux citoyens et aux parties intéressées. Des consultations publiques sont organisées sur les feuilles de route et les analyses d’impact initiales (portant sur les projets de réformes envisagées), sur certains aspects des analyses d’impact, sur les projets d’actes législatifs, ainsi que sur les projets d’actes délégués et d’actes d’exécution ([54]).

Enfin, un effort particulier porte sur l’évaluation de la législation existante. Dans le cadre du programme REFIT, lancé en 2012, une plateforme associant des représentants des États membres et des parties intéressées (entreprises, partenaires sociaux, société civile) a été créée en 2015 afin d’adresser des recommandations à la Commission, sur la base des suggestions formulées par les citoyens et les parties intéressées. Sur les 26 recommandations adoptées par la plateforme, 25 ont été suivies par la Commission.

Dans le cadre de ce programme, des évaluations de législations sectorielles sont menées afin de déterminer si des révisions sont nécessaires. Cette approche a vocation à être généralisée, les institutions étant maintenant particulièrement attentives à l’insertion de clauses de révision dans les directives qu’elles adoptent.

Bien que la problématique de la surtransposition relève des États membres, vos rapporteurs estiment que la poursuite et le soutien des efforts déployés par la Commission et les autres institutions de l’Union pour améliorer le processus normatif européen sont susceptibles de réduire les risques de surtranspositions nationales.

La limitation du nombre d’initiatives de la Commission laisse penser que les exercices de transposition seront moins fréquents à l’avenir et que les risques de surtransposition vont se réduire. Néanmoins, d’autres évolutions, déjà évoquées, peuvent entrer en jeu, comme l’évolution de la rédaction des règlements ([55]).

L’amélioration des analyses d’impact et la généralisation des consultations publiques peuvent favoriser une meilleure anticipation des difficultés de transposition par les États membres ainsi qu’une évaluation plus approfondie des conséquences économiques des réglementations.

En revanche, les négociations relatives à l’accord interinstitutionnel ont mis en évidence la forte réticence des États membres à communiquer les surtranspositions qu’ils ont adoptées à la Commission. Alors que la proposition initiale de la Commission invitait les États membres à distinguer, dans la notification des mesures de transposition et dans le texte de ces mesures « les éléments rendus nécessaires par la législation de l'Union ou des dispositions d'exécution du budget » et « tout élément supplémentaire, de nature matérielle ou procédurale, qu'ils décident d'ajouter au niveau national, régional ou local » ([56]), le texte final a retenu un champ beaucoup plus restreint, puisque sont seulement visés les « éléments qui ne sont aucunement liés à cette législation de l’Union. » ([57])

D’un point de vue juridique, la Commission n’a en effet aucune compétence pour contrôler les éventuelles surtranspositions, dès lors que son rôle institutionnel se limite au contrôle du respect de l’application du droit de l’Union. Lors de leur déplacement à Bruxelles, il a été indiqué à vos rapporteurs que la base de données relatives aux mesures nationales d’exécution avait été adaptée afin d’inclure une rubrique dans laquelle les États membres pourraient communiquer les mesures de surtransposition visées par l’accord interinstitutionnel. Cette communication n’a cependant aucun caractère obligatoire. L’accord prévoit également que la Commission pourra faire état des mesures communiquées dans son rapport annuel sur l’application du droit de l’Union ([58]) mais le dernier rapport publié en juillet 2017 ne comporte aucune information à ce sujet ([59]).

La volonté d’inciter les États membres à être plus transparents sur les surtranspositions s’explique par un enjeu de communication : la Commission, appuyée par le Parlement européen, souhaite ainsi éviter que l’Union ne soit rendue responsable de mesures purement nationales. Les États membres, dont la France, ont au contraire mis en avant le principe de subsidiarité pour s’opposer à cette disposition. L’Assemblée nationale et le Sénat, dans des résolutions adoptées en application de l’article 88-4 de la Constitution, s’étaient également appuyés sur ce principe pour exprimer leur opposition à la communication des surtranspositions à la Commission ([60]).

2.   Mieux anticiper les enjeux de transposition au stade des négociations

Ces dernières années, les gouvernements successifs ont mis en œuvre différents efforts visant à réduire les délais de transposition. Cependant, vos rapporteurs ont déjà souligné que certaines difficultés d’anticipation de la transposition, mises en évidence dans l’étude du Conseil d’État de 2015, n’avaient pas été dépassées.

Leurs propositions sont donc cohérentes avec celles déjà formulées par le Conseil d’État, car une anticipation complète des enjeux de la transposition peut permettre de transposer de manière fidèle et complète, dans les délais impartis, mais peut également prévenir d’éventuelles surtranspositions inutiles.

Il apparaît tout d’abord que, malgré des évolutions positives, permettant un rapprochement entre les équipes de négociation et les équipes de transposition, la désignation trop tardive de ces dernières, à l’exception des directives les plus importantes, est un obstacle à la préparation de la transposition et à la prise en compte de ses enjeux dans les négociations. Il conviendrait que le SGAE demande systématiquement aux ministères de désigner les équipes responsables de la transposition dès le début des négociations.

Proposition n° 1 : Désigner les équipes responsables de la transposition dès le début des négociations sur le projet de directive.

S’agissant des directives dont l’insertion dans notre ordre juridique est susceptible d’être complexe, la possibilité pour le Gouvernement de saisir pour avis du Conseil d’État, dès le stade des négociations, prévue par la circulaire du 30 janvier 2003 ([61]), n’a quasiment jamais été utilisée. Une telle saisine pourrait pourtant permettre de mieux anticiper les enjeux juridiques de la transposition. Afin que cette possibilité soit mieux utilisée, vos rapporteurs proposent d’ouvrir la faculté de saisine aux présidents des assemblées, à l’instar de la possibilité de saisine pour avis du Conseil d’État sur les propositions de loi, prévue par le dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution. Cette faculté pourrait être prévue par l’article 88-4 de la Constitution relatif au contrôle exercé par les assemblées sur les projets d’actes de l’Union européenne.

Proposition 2 : Étendre aux assemblées la possibilité de saisir pour avis le Conseil d’État s’il apparaît que la transposition d’une proposition de directive en cours de négociation est susceptible de soulever des problèmes juridiques délicats.

L’utilisation insuffisante des instruments permettant de préparer et d’accompagner la transposition (fiches d’impact stratégiques, tableaux de concordance) est l’une des causes des surtranspositions injustifiées. Dès lors, vos rapporteurs jugent urgente une évolution des pratiques des ministères et un renforcement de la coordination interministérielle exercée par le SGAE à ce sujet.

Proposition 3 : Renforcer la coordination interministérielle afin que les fiches d’impact stratégiques et les tableaux de concordance soient systématiquement établis et complets.

De plus, le contenu des fiches d’impact stratégiques devrait être enrichi afin d’inclure l’état du droit chez nos principaux partenaires et leurs choix de transposition s’ils ont déjà été arrêtés.

Ce travail de droit comparé devrait s’appuyer sur les analyses d’impact réalisées par la Commission européenne pour toutes ses initiatives législatives et non législatives. Dans le cadre de l’analyse des différentes options, la Commission doit en effet prendre en considération les réglementations en vigueur dans les États membres. Elle s’appuie fréquemment sur des études de droit comparé, réalisées par des consultants ou des experts externes. Conformément au principe de transparence posé par l’article 15 du TFUE, l’ensemble de ces documents est public. Il est regrettable que cette source importante d’informations ne soit pas mieux utilisée dans le cadre du processus de négociation puis de transposition. La mise à disposition de traductions favoriserait sans doute une meilleure appropriation de ces documents, les études n’étant disponibles qu’en anglais et seul le résumé des analyses d’impact étant traduit.

Les fiches d’impact stratégiques devraient également inclure systématiquement des tableaux de concordance précis faisant apparaître les éventuelles surtranspositions.

Proposition 4 : Enrichir les fiches d’impact stratégiques établies avant l’adoption d’une directive :

– en incluant l’état du droit chez nos principaux partenaires, notamment grâce à une meilleure utilisation des analyses d’impact et des études de la Commission européenne, qui devraient être traduites en français ;

– en analysant et en justifiant les choix de transposition envisagés et en intégrant un tableau de concordance précis faisant apparaître les éventuelles surtranspositions.

Enfin, ainsi que l’a souligné M. Jean-Luc Sauron, délégué au droit européen du Conseil d’État, lors de son audition, les fiches d’impact simplifiées et stratégiques devraient être systématiquement transmises au Conseil d’État, lorsqu’il est consulté sur des projets de textes de transposition, afin de faciliter l’identification des éventuelles surtranspositions grâce à une meilleure information sur l’historique des négociations.

Proposition 5 :   Transmettre les fiches d’impact simplifiées et stratégiques au Conseil d’État lorsqu’il est consulté sur un projet de loi, de décret ou d’ordonnance visant à transposer une directive.

Vos rapporteurs souhaitent également que l’anticipation de la transposition soit renforcée au sein du Parlement. La désignation du parlementaire ayant suivi la négociation de la proposition de directive au sein de la commission des Affaires européennes, dans le cadre de la procédure prévue par l’article 88-4 de la Constitution, comme rapporteur du projet de loi de transposition au sein de la commission permanente permettrait de renforcer la continuité des travaux parlementaires sur une même directive. Le système des référents des commissions permanentes, mis en œuvre par la commission des Affaires européennes de notre assemblée depuis le début de l’actuelle législature, procède de la même volonté de mieux coordonner les travaux de la commission des Affaires européennes avec ceux des commissions permanentes.

Proposition  6 : Désigner, lorsque c’est possible, les parlementaires ayant suivi les négociations des propositions de directive au sein de la commission des Affaires européennes comme rapporteurs des projets de loi de transposition de ces directives au sein des commissions permanentes.

 

B.   Lors du processus de transposition

1.   Malgré un objectif ancien de lutte contre les surtranspositions injustifiées...

L’objectif de lutte contre la surtransposition des directives européennes a été affirmé par les gouvernements successifs depuis 2011.

La circulaire du Premier ministre du 17 février 2011 relative à la simplification des normes concernant les entreprises et les collectivités territoriales impose « de rechercher les solutions induisant la moindre charge pour les entreprises et les collectivités territoriales et d'écarter, dans la conception des mesures de transposition des directives européennes ou d'application des lois, toute mesure allant au-delà de ce qu'implique strictement la mise en œuvre de la norme de rang supérieur. »

Parallèlement, le guide de bonnes pratiques concernant la transposition des directives européennes publié la même année par le SGAE affirme que « sous réserve de l’appréciation d’opportunité appartenant au Gouvernement et au Parlement, toute mesure allant au-delà de ce qu’implique strictement la mise en œuvre de la directive est écartée. La transposition d’une directive ne devrait pas être l’occasion d’une remise en chantier du droit national, en dehors de ce qui est nécessaire pour la transposition. »

La circulaire du Premier ministre du 27 juillet 2013 relative à la mise en œuvre du gel de la réglementation a posé le principe selon lequel toute règle plus exigeante imposée par la France dans le cadre de la transposition d’une directive devra être expressément justifiée et validée dans l’évaluation préalable des textes réglementaires.

Enfin, dans la circulaire du 26 juillet 2017 relative à la maîtrise du flux des textes réglementaires et de leur impact, le Premier ministre indique qu’une vigilance particulière sera portée à la transposition des directives européennes : « toute mesure allant au-delà des exigences minimales de la directive est en principe proscrite. Les dérogations à ce principe, qui peuvent résulter de choix politiques, supposent la présentation d'un dossier explicitant et justifiant la mesure qui sera soumise à l'arbitrage de mon cabinet. »

Dans ses réponses écrites à vos rapporteurs, le SGAE a indiqué que cette procédure avait déjà conduit le Gouvernement à modifier, avant sa transmission au Conseil d’État, le projet d’ordonnance transposant la directive 2014/95/UE du 22 octobre 2014, dite « directive RSE » ([62]). Ce projet comportait initialement des dispositions étendant le champ d’application de la directive. Il a finalement été décidé de ne pas étendre l’obligation de produire une déclaration de performance extra-financière aux sociétés par actions simplifiées (SAS) et aux sociétés à responsabilité limitée (SARL) qui ne sont pas des entités d’intérêt public ([63]), ni aux établissements publics industriels et commerciaux (EPIC).

2.   ...Un décalage très net entre la perception de l’administration et celle des organisations professionnelles

Les auditions menées par vos rapporteurs ont fait apparaître un décalage important entre la perception de la surtransposition par l’administration et par les fédérations professionnelles. M. Marc Guillaume, secrétaire général du Gouvernement, a ainsi estimé, lors de son audition, que les surtranspositions n’étaient jamais le fruit du hasard mais qu’elles résultaient toujours d’un arbitrage politique entre des intérêts divergents. Citant plusieurs exemples de surtranspositions décidées en fonction d’objectifs tels que la santé, le développement durable, la protection des travailleurs ou des consommateurs, il a indiqué que les surtranspositions faisaient toujours l’objet d’une analyse au cas par cas. Il a également indiqué que l’examen des projets de textes de transposition était l’occasion pour le Secrétariat général du Gouvernement d’identifier les surtranspositions passées et de réexaminer leur pertinence.

Les organisations professionnelles entendues ont au contraire estimé, citant différents exemples, que les surtranspositions révélaient des lacunes dans le processus d’élaboration des normes. Au stade de la négociation, l’absence de consultation des acteurs économiques lors de la définition de la position de négociation ainsi que le manque d’efficience des autorités françaises dans les négociations ont été soulignés. Lors de la transposition, le caractère insuffisant des évaluations d’impact et de la consultation des acteurs économiques sont identifiés comme des facteurs de surtransposition. Plus largement, les représentants entendus ont déploré la complexité et l’incohérence de certaines réglementations et l’absence de prise en compte du droit en vigueur dans les autres États membres.

Un exemple récent de surtransposition contestée par les professionnels illustre ce décalage : la directive (UE) 2015/2302 du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait autorise les États membres à maintenir ou introduire dans leur droit national un régime de responsabilité de plein droit des agences de voyages et des tours opérateurs. Le Gouvernement souhaite faire usage de cette faculté pour maintenir ce régime dans le projet d’ordonnance transposant la directive. Les professionnels font valoir que cette surtransposition crée une distorsion de concurrence par rapport aux entreprises implantées dans les autres États membres. Interrogé à ce sujet lors des questions au Gouvernement du 25 octobre dernier, le ministre de l’économie et des finances, M. Bruno Le Maire, a indiqué avoir « fait le choix de la protection du consommateur, […] un choix juste et équitable ».

3.   Développer la coopération avec les autres États membres

Afin de prévenir les surtranspositions inutiles, vos rapporteurs considèrent que la coopération entre États membres au stade de la transposition devrait être développée.

La Commission européenne mène déjà certaines actions pour assister les États membres dans leur travail de transposition et d’application du droit de l’Union. Son implication reste cependant limitée car elle n’entend pas s’immiscer dans les processus nationaux de transposition. En effet, si l’article 17, alinéa premier, du traité sur l’Union européenne, lui confie une mission de surveillance de l’application du droit de l’Union, ce contrôle s’exerce a posteriori, lorsque les États membres lui ont communiqué leurs mesures nationales d’exécution, ainsi que, le cas échéant, les dispositions de droit interne adoptées dans le domaine de la directive.

La Commission s’est engagée, dans le cadre du programme « Mieux légiférer », à élaborer des « plans de mise en œuvre » pour certaines directives et certains règlements, afin d’aider les États membres à appliquer le droit de l’Union. Ces plans « relèvent les difficultés auxquelles les États membres seront confrontés et qu'ils doivent prendre en compte quand ils se préparent à transposer et à mettre en œuvre la législation »  et prévoient différents outils « comme des documents d’orientation, des groupes d’experts et des sites web spécialisés » ([64]). Ils interviennent à un stade précoce puisqu’ils sont publiés en même temps que les propositions de directives concernées. Pour vos rapporteurs, une telle coordination des travaux de transposition va dans le bon sens. Elle peut permettre l’anticipation des difficultés d’application mais aussi constituer un cadre favorable pour les échanges d’information entre États membres sur les options de transposition. Il est cependant regrettable que cette méthode n’ait pas été davantage utilisée : selon les rapports annuels sur le contrôle de l’application du droit de l’Union, des plans de mise en œuvre n’ont été adoptés que pour cinq propositions de directive en 2015 (une sur l’accès des consommateurs handicapés aux biens et services et quatre sur la gestion des déchets) et trois en 2016 (toutes relatives à la sécurité des navires de passagers).

Au-delà de ces initiatives, qui n’ont vocation à s’appliquer que pour les directives les plus importantes, vos rapporteurs jugent nécessaire de développer les échanges bilatéraux avec nos grands partenaires, afin de coordonner les travaux de transposition et de favoriser une plus grande convergence des réglementations, en particulier dans le domaine économique. Ces échanges seraient organisés avec des États membres différents selon les secteur visés par les directives. Cette coopération pourrait s’appuyer sur notre réseau diplomatique, ainsi que sur le SGAE. Lorsque la transposition appelle des mesures législatives, des contacts pourraient également être noués entre les parlementaires nationaux. Si cette démarche était suffisamment anticipée, elle pourrait avoir un effet d’entraînement sur les autres États membres n’ayant pas encore adopté de mesures de transposition.

Proposition  7 : Développer, aux plans gouvernemental et parlementaire, la coopération bilatérale avec nos principaux partenaires européens au moment de la transposition, selon les secteurs visés par les directives.

4.   Renforcer l’évaluation de l’impact des mesures de transposition

Comme vos rapporteurs l’ont déjà souligné, les surtranspositions ne sont pas systématiquement identifiées ni justifiées dans les évaluations d’impact des projets de textes de transposition.

S’agissant des études d’impact des projets de loi, cette exigence pourrait être inscrite dans la loi organique du 15 avril 2009, qui prévoit déjà que l’étude d’impact doit indiquer « l'articulation du projet de loi avec le droit européen en vigueur ou en cours d'élaboration ». S’agissant des fiches d’impact des projets d’actes réglementaires, elle devrait être inscrite dans une circulaire et le modèle de fiche d’impact adapté pour inclure une rubrique spécifique relative aux éventuelles surtranspositions. Cela pourrait être l’occasion de regrouper dans un texte unique toutes les dispositions relatives à l’évaluation de l’impact des textes réglementaires, qui relèvent actuellement de quatre circulaires différentes.

Proposition 8 : Identifier clairement et justifier les surtranspositions dans les études d’impact des projets de loi ainsi que dans les fiches d’impact des projets d’actes réglementaires.

Le contenu des évaluations d’impact des projets de textes de transposition devrait également être complété par une description de la réglementation équivalente dans les autres États membres, en particulier s’ils ont déjà procédé à la transposition. Ces informations pourraient être recueillies dans le cadre des coopérations proposées par vos rapporteurs (cf. proposition n° 7) mais aussi grâce à l’utilisation des informations qu’ils préconisent de recueillir dès le stade de la négociation, dans le cadre des fiches d’impact simplifiées et stratégiques (cf. proposition n° 4).

Proposition n° 9 : Compléter les études d’impact des projets de loi ainsi que les fiches d’impact des projets d’actes réglementaires par une description du droit existant dans les autres États membres.

 

5.   Mieux associer les acteurs économiques

Afin de prévenir les surtranspositions et les surréglementations inutiles, vos rapporteurs jugent nécessaire de mieux associer les acteurs économiques à l’élaboration des normes les concernant. Actuellement, l’avis des entreprises et des organisations professionnelles sur les projets de texte est inégalement pris en compte selon les sujets et les ministères concernés. Il n’existe pas d’équivalent pour les entreprises du CNEN, obligatoirement consulté par le Gouvernement sur l'impact technique et financier, pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics, des projets de texte réglementaire et des projets de loi créant ou modifiant des normes qui leur sont applicables ([65]).

Le conseil de la simplification pour les entreprises, créé en 2014 ([66]) pour trois ans et qui aurait pu être la préfiguration d’un tel organisme, n’a pas été reconduit. Placé auprès du Premier ministre et co-présidé par un parlementaire et un chef d’entreprise, le conseil était composé de personnalités indépendantes issues des entreprises et des administrations, de parlementaires et d'élus locaux ainsi que d'experts, désignés par arrêté du Premier ministre. Il était chargé de proposer au Gouvernement les orientations stratégiques de la politique de simplification à l'égard des entreprises.

S’agissant du flux, le conseil de la simplification pour les entreprises avait mis en place, à partir de novembre 2015, un « atelier impact entreprises », composé d’une partie de ses membres, afin de participer au contrôle des études d’impact des projets de texte s’appliquant aux entreprises. Le conseil pouvait s’autosaisir des projets de texte qu’il souhaitait examiner. Quatre avis adoptés en 2015 et 2016 ont été publiés ([67]).

Entendu par vos rapporteurs, M. Thierry Mandon, qui a co-présidé le conseil de la simplification avant de devenir secrétaire d’État à la réforme de l’État et à la simplification, a estimé que cet organisme avait disparu car il n’avait pas été intégré, de manière obligatoire, aux processus de décision.

Afin de permettre une véritable consultation des acteurs économiques sur les normes les concernant, vos rapporteurs proposent la création d’un organisme consultatif s’inspirant du conseil de la simplification pour les entreprises, dont la composition et les missions seraient renouvelées. Son champ de compétences ne se limiterait pas à la surtransposition. En effet, comme l’ont montré les auditions des représentants d’organisations professionnelles, la question de la surtransposition se rattache à celle, plus large, de l’amélioration du droit applicable aux entreprises.

La création d’un conseil chargé de cette amélioration rejoindrait partiellement la proposition récente du Conseil d’État de créer « un conseil unique d’évaluation des normes doté de trois collèges représentant les usagers, les collectivités territoriales et les entreprises » ([68]). Elle se rapproche également d’une proposition de loi sénatoriale déposée dans le prolongement d’un rapport d’information de la délégation du Sénat aux entreprises ([69]).

Cette création répondrait, en outre, à l’objectif de simplification poursuivi par ailleurs par le Gouvernement ([70]), la consultation du nouveau conseil ayant vocation à se substituer à certaines consultations préalables obligatoires.

Le conseil, placé auprès du Premier ministre, serait obligatoirement consulté par le Gouvernement sur les projets de loi, d’ordonnance, de décret ou d’arrêté comportant des mesures ayant un impact sur les entreprises. Il pourrait également être consulté sur les propositions de loi intervenant dans le même champ, selon des modalités identiques à celles prévues pour la consultation du Conseil d’État, c’est-à-dire sur saisine du président de l’assemblée concernée, sauf si l’auteur de la proposition s’y oppose. Il pourrait ainsi contrôler dans ses avis d’éventuelles surtranspositions et examiner leur impact.

Vos rapporteurs notent à cet égard que différents organismes mis en place par nos partenaires européens pour exercer un contrôle a priori de l’impact des normes, le Regulatory Policy Committee (RPC) au Royaume-Uni, le Normenkontrollrat (NKR) en Allemagne ([71]) et l’Adviescollege toetsing regeldruck, (ACTAL) aux Pays-Bas sont chargés d’opérer un contrôle des surtranspositions.

La composition du conseil devrait permettre de réunir des élus nationaux, des magistrats du Conseil d’État, de la Cour de Cassation et de la Cour des Comptes et des personnalités qualifiées choisies en fonction de leur expérience ou de leur connaissance dans le domaine économique.

Les règles générales de fonctionnement du conseil seraient celles fixées par les articles R. 133-3 à R. 133-15 du code des relations entre le public et l’administration, applicables à toutes les commissions ayant vocation à rendre des avis sur des projets de texte.

Afin d’instruire les demandes d’avis, le conseil devrait être assisté d’une équipe permanente et devrait pouvoir faire appel, selon les sujets abordés, aux administrations (ministères, ambassades, INSEE, corps d’inspection...) et à des experts.

Le Conseil serait créé pour une durée de quatre ans, à l’issue de laquelle serait établi un bilan de son activité, conduisant le cas échéant à le reconduire. Il pourrait être évalué à mi-parcours dans le cadre du contrôle parlementaire de l’application de la loi qui l’aura créé.

III.   Identifier et rÉsorber les surtranspositions injustifiÉes dans le stock de textes rÉglementaires et législatifs

L’autre volet de la lutte contre les surtranspositions injustifiées concerne le stock de textes législatifs et réglementaires en vigueur. L’identification de l’ensemble des surtranspositions passées suppose la définition d’une méthode nouvelle, associant les acteurs économiques et permettant de placer les citoyens et les entreprises au cœur du droit de l’Union européenne et de son application dans notre pays.

A.   DÉfinir une mÉthode innovante

1.   Les initiatives récentes du Gouvernement témoignent d’une prise de conscience mais restent partielles

Plusieurs initiatives récentes du Gouvernement illustrent la volonté de procéder à un examen du droit en vigueur pour détecter les surtanspositions passées et les réexaminer. Dans la circulaire du 26 juillet 2017 déjà citée, le Premier ministre annonce ainsi que « [l]e travail ne doit pas porter sur le seul flux de transpositions mais également sur le stock. Une mission d’inspection aura prochainement en charge un travail inédit d’inventaire. Toutes les surtranspositions identifiées dans vos champs ministériels et qui n’auront pu être justifiées feront l’objet d’un réalignement sur le niveau de contrainte exigé par l’Union européenne. »

Dans la lettre de mission qu’il leur a adressée le 10 octobre, le Premier ministre demande aux inspections et conseils concernés ([72]) « à partir, notamment, de la liste des directives intervenues dans le champ du marché unique et considérées comme en vigueur, d’identifier parmi les transpositions réalisées en droit national celles qui peuvent s’avérer pénalisantes pour la compétitivité des entreprises, l’emploi, le pouvoir d’achat ou l’efficacité des services publics . » Ce travail devra permettre de « définir conjointement une méthode permettant d’effectuer un inventaire aussi exhaustif que possible et qui facilite l’établissement d’une hiérarchie entre les différentes surtranspositions au regard de leurs effets ». La mission devra remettre ses conclusions le 1er mars 2018, après un rapport d’étape en décembre 2017.

Si vos rapporteurs approuvent sans réserve l’objectif de cette démarche, ils observent néanmoins que, compte tenu du champ extrêmement vaste de la mission, plus de mille directives étant actuellement en vigueur dans le champ du marché unique, et de ses délais restreints, il paraît particulièrement difficile de parvenir à un inventaire exhaustif, l’identification des surtranspositions supposant un travail comparatif complexe.

Dans un champ plus limité, le ministère de l’économie et des finances a ouvert le 9 octobre dernier une consultation publique sur le thème de la simplification et de la « dé-surtransposition » en droit des marchés financiers. La consultation vise à identifier des modifications législatives et réglementaires permettant d’appliquer aux entreprises financières implantées en France des règles similaires à celles applicables à leurs concurrentes dans d’autres États membres, mais aussi à faciliter l’accès aux différentes sources de financement pour l’ensemble des entreprises. ([73])

Enfin, le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance, qui sera prochainement examiné par notre assemblée, inclut des dispositions visant à supprimer des surtranspositions en vigueur dans le domaine financier et dans le domaine de l’environnement.

Les dispositions du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance visant à supprimer des surtranspositions

L’article 32 du projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour modifier des dispositions du code monétaire et financier relatives au taux effectif global (TEG). Selon l’étude d’impact du projet de loi, cette habilitation vise notamment à supprimer la mention obligatoire du TEG dans les contrats de crédit aux entreprises, lorsque cette mention est inappropriée à ces contrats, celle-ci n’étant pas requise par les directives 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et 2014/17/UE du 4 février 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel, qui ne s’appliquent qu’aux consommateurs. L’étude d’impact précise que « cette mesure vise à réformer un outil aujourd’hui inadapté aux finalités qu’il poursuit, à savoir refléter l’intégralité des coûts du crédit octroyé et donc à alléger le formalisme contractuel, facilitant ainsi le financement des entreprises. »

L’habilitation vise également à simplifier le régime de responsabilité des agences de notation de crédit, actuellement plus contraignant que celui prévu par le règlement (UE) n° 462/2013 du 21 mai 2013, qui impose des exigences minimales en ce domaine. L’étude d’impact justifie cette mesure par le fait que les dispositions actuelles « n’apportent pas de garanties supplémentaires au profit des entreprises notées ou des investisseurs mais font porter un risque potentiel aux agences de notation de crédit » qui choisissent de s’implanter dans d’autres États membres, ce qui « fait obstacle à la relocalisation des agences de notation à Paris » dans le contexte du Brexit.

Le même article prévoit d’utiliser plus largement les possibilités d’exempter les petites entreprises de l’établissement d’un rapport de gestion, prévues par la directive 2013/34/UE dite « directive comptable ». Cette mesure devrait permettre, selon l’étude d’impact, une économie de 270 millions d’euros pour 1,3 million de petites entreprises concernées.

Dans le domaine de l’environnement, l’article 33 du projet de loi prévoit, à titre expérimental, qu'une consultation du public par voie électronique se substitue à l'enquête publique pour certains projets ayant fait l'objet d'une concertation préalable, la directive 2014/52/UE du 16 avril 2014 sur les études d’impact imposant l’organisation d’une consultation publique mais laissant aux États membres la responsabilité d’en déterminer les modalités.

Enfin, l’article 35 vise à simplifier les modalités de la participation du public en cas de demande de dérogations aux niveaux d’émissions industrielles relatifs aux meilleures techniques disponibles. La directive 2010/75/UE relative aux émissions industrielles (IED) impose la participation du public mais pas la forme de l’enquête publique, qui selon l’article L. 515-29 du code de l’environnement, devra s’appliquer à partir de 2019.

2.   La nécessité de mettre en œuvre une approche partenariale avec les acteurs économiques

S’ils saluent les différentes initiatives du Gouvernement, vos rapporteurs estiment néanmoins que, compte tenu de l’ampleur des surtranspositions dans le stock de textes réglementaires et législatifs, il est peu probable que celles-ci permettent un inventaire complet.

Ils estiment nécessaire de concevoir une méthode innovante, associant les acteurs économiques et couvrant l’ensemble du droit qui leur est applicable.

La section « réglementation et simplification » du Conseil national de l’industrie (CNI) ([74]) a identifié depuis 2013 de nombreux cas de surtransposition à partir des propositions des différentes filières industrielles. Ce travail porte principalement sur des législations ou des réglementations d’ordre technique ([75]). Cependant, ainsi que l’a indiqué son président, M. Alain Devic, lors de son audition, la section rencontre des difficultés pour que ses propositions soient effectivement prises en compte : seules cinq propositions concernant des surtranspositions ont abouti, onze sont encore en cours d’examen ou n’ont pas reçu de réponse de l’administration et trois ont été rejetées à l’issue d’un arbitrage du cabinet du Premier ministre.

Vos rapporteurs soulignent le grand intérêt de la méthode employée : un examen des normes existantes filière par filière, en s’appuyant sur les demandes des professionnels. Ils regrettent, en revanche, le manque de visibilité politique des travaux du CNI, qui explique certainement les difficultés rencontrées pour que les propositions formulées aboutissent.

Le conseil de la simplification pour les entreprises était un modèle intéressant, car il associait des représentants du monde économique, il était compétent en matière de flux comme de stock et il bénéficiait d’une bonne visibilité politique et médiatique. S’agissant du stock, le conseil a annoncé au total 292 mesures de simplification, en plusieurs vagues, élaborées à partir de propositions d’ateliers associant les administrations et des acteurs des entreprises. Ces mesures ont cependant été très hétérogènes. Les auteurs du rapport sur les écarts réglementaires entre la France et les pays comparables observaient ainsi qu’ « environ les deux tiers des mesures consistent à faire évoluer le processus sur lequel la réglementation s’appuie (remplacer des autorisations par des déclarations dans les cas de figure où les autorisations étaient systématiquement accordées, dématérialiser les procédures, clarifier la doctrine, …), d’autres, tout en paraissant s’imposer d’évidence, sont très focalisées sur des cibles limitées. »

Vos rapporteurs proposent de confier au conseil de l’amélioration du droit applicable aux entreprises ([76]) des missions relatives au stock, outre les compétences déjà évoquées s’agissant du flux.

B.   Donner aux citoyens et aux acteurs économiques un nouveau droit d’interpellation des pouvoirs publics sur les surtranspositions

Le conseil pour l’amélioration du droit applicable aux entreprises pourrait être saisi par le Gouvernement ou par les présidents des commissions permanentes des assemblées d’une demande d’évaluation des normes législatives ou réglementaires en vigueur applicables aux entreprises. Il pourrait également s’autosaisir, ce qui lui permettrait d’établir un programme d’évaluation sectoriel. Cette autosaisine pourrait faire suite au signalement de surréglementations par les organisations professionnelles.

Afin que puissent être prises en compte les demandes des citoyens et des acteurs économiques, le conseil pourrait en outre être saisi par toute personne physique ou morale, de manière individuelle ou collective, d’une demande d’évaluation d’une norme en vigueur. Cette condition large pourrait être compensée par des conditions strictes de recevabilité des saisines : cette procédure ne viserait, au moins dans un premier temps, que d’éventuelles surtranspositions, définies comme les dispositions allant au-delà des exigences minimales d’une directive. Les conditions de recevabilité (saisine motivée, visant une norme interne et une norme de l’Union européenne précises) pourraient relever d’un décret.

Par cette procédure novatrice, les citoyens et les entreprises se verraient reconnaître une place centrale dans le débat sur l’application des normes européennes dans notre pays. Les avis rendus par le conseil permettraient également de rendre plus transparente la distinction entre les contraintes issues du droit de l’Union européenne et celles résultant des normes nationales.

Le conseil serait amené à établir une véritable doctrine de la surtransposition : l’avis rendu indiquerait si la norme visée constitue une surtransposition, si celle-ci a été identifiée et justifiée préalablement à son adoption et si elle entraîne des conséquences économiques, techniques ou financières importantes et pouvant apparaître comme disproportionnées par rapport aux objectifs poursuivis.

Compte tenu des délais d’instruction nécessaires, le conseil se prononcerait dans un délai deux mois. Un droit de réponse du Gouvernement pourrait être prévu, dans un délai d’un mois, ce qui l’inciterait à réexaminer la pertinence des surtranspositions identifiées. Les avis et les réponses du Gouvernement seraient publics. Néanmoins, les personnes physiques ou morales auteurs d’une saisine pourraient s’y opposer, pour des raisons de confidentialité.

Proposition n°10 : Donner à chaque citoyen et chaque entreprise le droit d’interpeller les pouvoirs publics sur les surtranspositions en vigueur dans les textes réglementaires et législatifs.

Confier à un conseil chargé de l’amélioration du droit applicable aux entreprises, associant des élus nationaux, des magistrats et des personnalités qualifiées issues du monde économique, l’examen de ces demandes et rendre publics ses avis ainsi que les réponses du Gouvernement.

Prévoir que ce conseil pourra également s’autosaisir, afin d’évaluer le stock de normes législatives ou réglementaires en vigueur applicables aux entreprises et qu’il sera obligatoirement consulté par le Gouvernement sur les projets de loi, d’ordonnance, de décret ou d’arrêté comportant des mesures ayant un impact sur les entreprises.

 

 

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*     *

 

Lors de sa réunion du mercredi 20 décembre 2017, la commission des Lois a examiné ce rapport d’information et en a autorisé la publication. ([77])

    

 


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   SynthÈse des propositions

Proposition n° 1 : Désigner les équipes responsables de la transposition dès le début des négociations sur le projet de directive.

Proposition n° 2 : Étendre aux assemblées la possibilité de saisir pour avis le Conseil d’État s’il apparaît que la transposition d’une proposition de directive en cours de négociation est susceptible de soulever des problèmes juridiques délicats.

Proposition n° 3 : Renforcer la coordination interministérielle afin que les fiches d’impact stratégiques et les tableaux de concordance soient systématiquement établis et complets.

Proposition n° 4 : Enrichir les fiches d’impact stratégiques établies avant l’adoption d’une directive :

– en incluant l’état du droit chez nos principaux partenaires, notamment grâce à une meilleure utilisation des analyses d’impact et des études de la Commission européenne, qui devraient être traduites en français ;

– en analysant et en justifiant les choix de transposition envisagés et en intégrant un tableau de concordance précis faisant apparaître les éventuelles surtranspositions.

Proposition n° 5 :   Transmettre les fiches d’impact simplifiées et stratégiques au Conseil d’État lorsqu’il est consulté sur un projet de loi, de décret ou d’ordonnance visant à transposer une directive.

Proposition  6 : Désigner, lorsque c’est possible, les parlementaires ayant suivi les négociations des propositions de directive au sein de la commission des Affaires européennes comme rapporteurs des projets de loi de transposition de ces directives au sein des commissions permanentes.

Proposition  7 : Développer, aux plans gouvernemental et parlementaire, la coopération bilatérale avec nos principaux partenaires européens au moment de la transposition, selon les secteurs visés par les directives.

Proposition 8 : Identifier clairement et justifier les surtranspositions dans les études d’impact des projets de loi ainsi que dans les fiches d’impact des projets d’actes réglementaires.

Proposition n° 9 : Compléter les études d’impact des projets de loi ainsi que les fiches d’impact des projets d’actes réglementaires par une description du droit existant dans les autres États membres.

Proposition n°10 : Donner à chaque citoyen et chaque entreprise le droit d’interpeller les pouvoirs publics sur les surtranspositions en vigueur dans les textes réglementaires et législatifs.

Confier à un conseil chargé de l’amélioration du droit applicable aux entreprises, associant des élus nationaux, des magistrats et des personnalités qualifiées issues du monde économique, l’examen de ces demandes et rendre publics ses avis ainsi que les réponses du Gouvernement.

Prévoir que ce conseil pourra également s’autosaisir, afin d’évaluer le stock de normes législatives ou réglementaires en vigueur applicables aux entreprises et qu’il sera obligatoirement consulté par le Gouvernement sur les projets de loi, d’ordonnance, de décret ou d’arrêté comportant des mesures ayant un impact sur les entreprises.

 

 


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   Annexe n°1 : personnes entendues par les rapporteurs

Mercredi 11 octobre 2017

    M. Philippe Léglise-Costa, secrétaire général des Affaires européennes (SGAE), Mme Clémence Olsina, conseillère juridique du SGAE, et Mme Audrey Saunion, adjointe au chef de secteur Relations avec le Parlement national

    M. Julien Dubertret, inspecteur général des Finances, M. Serge Catoire, ingénieur général des Mines et M. Philippe Schil, ingénieur général des Mines, co-auteurs du rapport sur les écarts réglementaires entre la France et les pays comparables

    M. Alain Devic, président de la section thématique « réglementation et simplification », et M. Pierre Jandet, secrétaire général du Conseil national de l’industrie

Jeudi 12 octobre 2017

    M. Fabien Raynaud, conseiller d’État, ancien président du groupe de travail du Conseil d’État sur la transposition des directives européennes

    M. Jean-Luc Sauron, conseiller d’État, délégué au droit européen

Mardi 17 octobre 2017

     M. Marc Guillaume, secrétaire général du Gouvernement et M. David Sarthou, chef du service de la législation et de la qualité du droit au Secrétariat général du Gouvernement

    Mme Marie-Christine Armaignac, chef de la mission « simplification et évaluation » du Contrôle général économique et financier (CGEFI)

Mardi 31 octobre 2017

    M. Alexis Rouque, délégué général de la Fédération des promoteurs immobiliers de France ([78])

    M. Bertrand Hannedouche, chef du service « développement durable et efficacité énergétique » à la direction des affaires techniques, M. Valéry Laurent, chef du département normalisation, et M. Benoit Vanstavel, directeur des relations parlementaires de la Fédération française du bâtiment ([79])

 

Jeudi 9 novembre 2017

    M. Laurent Ghekiere, directeur des Affaires européennes, représentant auprès de l’Union européenne, M. Pascal Gareau, directeur juridique et fiscal et Mme Francine Albert, conseillère pour les relations avec le Parlement de l’Union sociale pour l’habitat (USH) ([80])

    M. François Lucas, président d’honneur de la Coordination rurale ([81])  

Mercredi 15 novembre 2017

    M. Alain Lambert, président du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN)

    Mme Cécile Muret, secrétaire nationale de la Confédération paysanne, et M. Jacques Bonati, juriste

    M. Thierry Mandon, ancien secrétaire d’État à la réforme de l’État et à la simplification

Mardi 21 novembre 2017

    M. Jérôme Volle, président de la commission nationale emploi agricole, et Mme Nelly Le Corre Gabens, chef du service environnement de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA)

 

 


   Annexe n°2 : dÉplacement effectuÉ par les rapporteurs
 

Déplacement à Bruxelles, le 18 octobre 2017

 

     M.  Florian Blazy, conseiller juridique

     Mme Anne Bucher, directrice générale du comité d'examen de la réglementation

     M. John Watson, directeur chargé de la réglementation intelligente et du programme de travail, Secrétariat général

     M. René Slootjes, chef d’unité chargé de l’application du droit européen, Secrétariat général

     M. Antoine Colombani, membre du cabinet de M. Frans Timmermans, Premier vice-président, chargé de l’amélioration de la réglementation, des relations interinstitutionnelles, de l’état de droit et de la Charte des droits fondamentaux

     M. Hubert Legal, directeur général, jurisconsulte

 


([1]) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

([2]) Yves Bertoncini, L’Union européenne et ses normes : prison des peuples ou cages à poules ? , Policy paper 112, Notre Europe-Institut Jacques Delors, 19 mai 2014.

([3]) Denys SIMON, Directive, Répertoire Dalloz.

([4]) Denys SIMON, op.cit.

([5]) CJCE, 27 avril 1988, Commission c. France, aff. 252/85.

([6]) Conseil constitutionnel, décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004.

([7]) Conseil constitutionnel, décision n°2010-605 DC du 12 mai 2010.

([8]) Conseil d’État, 28 février 1992, S.A. Rothmans International France et S.A. Philip Morris France, n° 56 776.

([9]) CJCE, Van Duyn, 4 décembre 1974.

([10]) Conseil d’État, Mme C., 30 octobre 2009, n° 298 348.

([11]) CJCE, 8 avr. 1976, Royer, aff. 48/75

([12]) Il s’agit des mesures notifiées et non des mesures adoptées au cours de l’année.

([13]) Cf. supra.

([14]) Journal officiel du 5 décembre 2013.

([15]) Étude du Conseil d’État, Directives européennes : anticiper pour mieux transposer, 2015.

([16]) Directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE.

([17]) La proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables du 23 février 2017 fixe un objectif minimal de 27 % pour 2030.

([18]) Conseil d’État : Conseil national des barreaux, 9 mars 2016, n°393589.

([19]) Question écrite de M. François Baroin, n°20280, réponse au JO Sénat du 21 avril 2016.

([20]) Inspection générale des finances, Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies, Rapport sur les écarts réglementaires entre la France et les pays comparables; établi par MM. Julien Dubertret,, Philippe Schil, et Serge Catoire, mars 2016.

([21]) Cf. infra.

([22]) Étude du Conseil d’État, op.cit.

([23]) Réponse de la Commission européenne à une question écrite du député européen M. Andriukaitis, 25 mars 2016.

([24]) En 2014, 1563 actes d’exécution ont été adoptés et 1506 en 2015.

([25]) Accord interinstitutionnel entre le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne du 13 avril 2016 « Mieux légiférer ».

([26]) Op. cit., lettre de mission, annexe 2.

([27]) Décret n° 2012-746 du 9 mai 2012 fixant des valeurs limites d'exposition professionnelle contraignantes pour certains agents chimiques.

([28]) Avis de l’ANSES (Mission permanente « VLEP ») relatif aux valeurs limites d’exposition en milieu professionnel (les composés du chrome hexavalent),  octobre 2010.

([29]) Cf. supra.

([30]) Circulaire du 27 septembre 2004 relative à la procédure de transposition en droit interne des directives et décisions-cadres négociées dans le cadre des institutions européennes, NOR: PRMX0407654C.

 

([31]) Déclaration politique commune du 28 septembre 2011 des États membres et de la Commission sur les documents explicatifs et déclaration politique commune du 27 octobre 2011 du Parlement européen, du Conseil et de la Commission sur les documents explicatifs.

([32]) Articles L. 1211-4-2 et R. 1213-3 du code général des collectivités territoriales.

([33]) Circulaires du 17 février 2011 et du 12 octobre 2015.

([34]) Décret n° 2015-510 du 7 mai 2015.

([35]) Cf. rapport public 2017 du Conseil d’État, p. 221 et suivantes.

([36]) Rapport d’information n°2268 de M. Régis Juanico au nom de la mission d’information sur la simplification législative, 9 octobre 2014.

([37]) L’article 39, alinéa 4, de la Constitution prévoit la possibilité pour la Conférence des présidents de la première assemblée saisie de s’opposer à l’inscription à l’ordre du jour d’un projet de loi si elle estime que les obligations fixées par la loi organique n’ont pas été respectées. En cas de désaccord avec le Gouvernement, le président de l’assemblée concernée ou le Premier ministre peut saisir le Conseil constitutionnel.

([38]) Dans le cadre d’une convention renouvelée en 2015.

([39]) Sous la précédente législateur, M. Olivier Dussopt, rapporteur de la proposition de loi organique, tendant à joindre les avis rendus par le conseil national d’évaluation des normes aux projets de loi relatifs aux collectivités territoriales et à leurs groupements avait identifié au moins 65 instances devant être consultées par le Gouvernement sur les projets de loi avant leur transmission au Conseil d’État (rapport n°1579 fait au nom de la commission des Lois).

([40]) Inspection générale des finances, Conseil général de l’économie, op. cit. , annexe 4.

([41]) Données citées par l’étude annuelle 2016 du Conseil d’État sur la simplification et la qualité du droit.

([42]) Les articles 98-1 et 146-1 du Règlement de l’Assemblée nationale prévoient que le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques  peut être saisi d’une demande d’évaluation préalable d’un amendement mais cette faculté n’a jamais été exercée.

([43]) Rapport d’information de M. Régis Juanico au nom de la mission d’information sur la simplification législative, 9 octobre 2014, n°2268.

([44]) Ce système a fait l’objet d’une analyse dans la thèse de Mme Célia Zolynski, Méthode de transposition des directives communautaires : étude à partir de l’exemple du droit d’auteur et des droits voisins, 2007, éd. Dalloz, coll. Nouvelle bibliothèque de thèses.

([45]) Circulaire du 17 juillet 2013 relative à la mise en œuvre du gel de la réglementation.

([46]) Circulaire du 26 juillet 2017 relative à la maîtrise du flux des textes réglementaires et de leur impact.

([47]) Système d'organisation en ligne des opérations normatives.

([48]) Cf. encadré p.18.

([49]) Compte tenu des pertes pour les producteurs de cerises dues à la Drosophila suzukii en 2016.

([50]) Communication de la Commission du 19 mai 2015 Améliorer la réglementation pour obtenir de meilleurs résultats - un enjeu prioritaire pour l’UE, COM (2015) 215 final.

([51]) Accord interinstitutionnel entre le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne Mieux légiférer du 13 avril 2016.

([52]) Point 13 de l’accord.

([53]) Guidelines on impact assessment, https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/better-regulation-guidelines-impact-assessment.pdfBetter regulation toolbox, https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/better-regulation-toolbox_1.pdf.

([54]) La liste des consultations en cours est publiée sur le site internet de la Commission européenne à l’adresse suivante : http://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say_fr.

([55]) Cf. supra.

([56]) Communication de la Commission européenne du 19 mais 2015, Proposition d’accord interistitutionnel relatif à l’amélioration de la réglementation, COM (2015) 216 final, point 31.

([57]) Point 43 de l’accord.

([58]) Point 45 de l’accord.

([59]) Commission européenne, rapport sur le contrôle de l’application  du droit de l’Union européenne, rapport annuel 2016, COM (2017)370 final.

([60]) Résolution de l’Assemblée nationale sur l’accord interinstitutionnel « Mieux légiférer », 3 janvier 2016, n°655 et résolution du Sénat sur la proposition d'accord interinstitutionnel relatif à l'amélioration de la réglementation, n°41, 20 novembre 2015.

 

([61]) Circulaire n°4-904/SG du 30 janvier 2003 relative à la saisine pour avis du Conseil d’État lors de la négociation d’actes de l’Union européenne.

([62]) Directive 2014/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d'informations non financières et d'informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes.

([63]) C’est-à-dire les sociétés non cotées qui ne relèvent pas du secteur financier ou du secteur des assurances.

([64]) Commission européenne, rapport sur le contrôle de l’application  du droit de l’Union européenne, rapport annuel 2016, COM (2017)370 final.

([65]) Article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales, créé par la loi n° 2013-921 du 17 octobre 2013 portant création d'un Conseil national d'évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics.

([66]) Décret n° 2014-11 du 8 janvier 2014.

([67]) Avis disponibles sur http://www.vie-publique.fr/actualite/panorama/avis/.

([68]) Étude annuelle du Conseil d’État de 2016 sur la qualité et la simplification du droit. Le Conseil d’État proposait que le CNEN et le conseil de la simplification pour les entreprises constituent les deux derniers collèges.

([69]) Proposition de loi relative à la simplification des normes entravant la vie économique de Mme Elisabeth Lamure et plusieurs de ses collègues n°723, 28 septembre 2017.

([70]) Circulaire du Premier ministre du 24 octobre 2017 relative à la modernisation des procédures de consultation préalable et à la réduction du nombre des commissions consultatives.

([71]) Sénat, Étude de législation comparée n° 277, février 2017, La surtransposition des directives européennes.

([72]) Inspections générales des finances, de l’administration des affaires sociales, conseil général de l’environnement et du développement durable, conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies.

([73]) https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2017/10/02/consultation-publique-sur-la-simplification-et-la-de-surtransposition-en-matiere-financiere

([74]) Créé par le décret n°2010-596 du 3 juin 2010 et présidé par le Premier ministre, le Conseil national de l’industrie est chargé de faire des propositions pour favoriser le développement de l’activité et de l’emploi dans l’industrie. Organisé en comités stratégiques de filières et en sections thématiques, il réunit notamment des représentants des entreprises industrielles et des salariés de l’industrie.

([75]) Plusieurs de ces cas ont fait l’objet de développements dans le rapport sur les écarts réglementaires entre la France et les pays comparables.

([76]) Cf. supra.

([77]) Ces débats ne font pas l’objet d’un compte-rendu écrit et sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée à l’adresse suivante :http://www.assemblee-nationale.tv/video.5363797_5a3a1d57aa5dc.commission-des-lois--securite-interieure-et-lutte-contre-le-terrorisme--surtransposition-des-direc-20-decembre-2017

([78]) Cette entité a procédé à son enregistrement au répertoire des représentants d’intérêts géré par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

([79]) Cette entité a procédé à son enregistrement au répertoire des représentants d’intérêts géré par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

([80]) Cette entité a procédé à son enregistrement au répertoire des représentants d’intérêts géré par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

([81]) Cette entité a procédé à son enregistrement au répertoire des représentants d’intérêts géré par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.