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N° 610

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 janvier 2018.

 

 

RAPPORT  DINFORMATION

 

 

 

DÉPOSÉ

 

 

en application de larticle 145 du Règlement

 

 

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE LÉDUCATION

 

 

en conclusion de
la mission effectuée à la Guadeloupe et à la Martinique
pour la rentrée scolaire (3-8 septembre 2017),

 

 

PAR

 

 

MM. Bruno STUDER et Maxime MINOT,

 

Députés.

 

——

 

 


 


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SOMMAIRE

___

Pages

introduction

I. Guadeloupe et MArtinique : des territoires sous contrainte

A. le poids des spécificités territoriales

1. Un environnement plus caribéen queuropéen

2. Des territoires contraints par leur géographie

B. des caractéristiques communes

1. Démographiques

2. Économiques et sociales

3. Éducatives et culturelles

II. une rentrée 2017 plutôt réussie

A. la Rentrée en musique : unE innovation naturelle

B. le Dédoublement des classes de CP en REP+ : un bilan satisfaisant

C. Une situation des emplois contrastée

1. Des effectifs statutaires relativement préservés de la logique comptable

2. La baisse des emplois aidés

III. des défis structurels qui appellent des solutions Éducatives spécifiques

A. des territoires hors normes

1. Un climat éprouvant et parfois redoutable

2. Des territoires considérés comme urbains qui ont toutes les caractéristiques de la ruralité

3. Une difficulté à se former et à travailler au pays

4. Revoir la carte des établissements et le zonage de léducation prioritaire ?

B. qui nÉcessitent Des solutions éducatives adaptées et innovantes

1. Favoriser la réussite éducative

2. Adapter lorientation et loffre de formations aux spécificités des territoires

3. « Réussir autrement » : le Service militaire adapté (SMA)

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexe  1 : programme de la mission

Annexe  2 : Carte de la Guadeloupe

Annexe  3 : Carte de la MARTINIQUE

Annexe  4 : les conséquences du cyclone irma  sur léducation nationale à Saint Martin


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   introduction

Ce déplacement du 3 au 8 septembre à la Guadeloupe et à la Martinique
– le premier effectué par des membres de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation sous la XVe législature –, a été décidé par le bureau de la Commission le 20 juillet 2017, sur proposition de son président. Dans un souci d’efficacité et de sobriété budgétaire, il a été limité à deux députés, l’un de la majorité et l’autre de l’opposition.

L’objectif de ce déplacement était triple :

– marquer l’attention de la représentation nationale aux territoires ultra‑marins ;

– contrôler l’action du gouvernement et l’application de ses réformes concernant la rentrée scolaire ;

– s’imprégner de la réalité des territoires d’outre-mer par une expérience sensible de façon à ne pas oublier la dimension ultra-marine dans les activités de la commission.

Organisé initialement de façon équilibrée entre la Guadeloupe et la Martinique, le programme a été bouleversé dans l’urgence en raison de l’arrivée de l’ouragan Irma, qui a malheureusement conduit la mission à écourter sa présence en Guadeloupe, après une journée de rentrée scolaire particulièrement dense le 4 septembre. Témoins de la violence du phénomène climatique, même à 500 kilomètres de l’œil du cyclone, les rapporteurs saluent l’engagement total des autorités pour réagir à la catastrophe et organiser au plus vite les secours nécessaires, malgré la difficulté à communiquer, en temps réel, avec Saint Martin et Saint Barthélémy.

L’alternance de visites et d’entretiens et les nombreux moments d’échanges ménagés avec tous les acteurs de l’école dans les deux îles ont permis aux rapporteurs de rassembler de très nombreuses informations et, au‑delà de la seule rentrée scolaire, de revenir à Paris avec de véritables points de repère sur les caractéristiques bien particulières du secteur éducatif à la Guadeloupe et à la Martinique. Ce déplacement a ainsi confirmé que rien n’est mieux, pour comprendre une problématique sur un territoire, que de se rendre sur place et d’échanger avec les différentes parties prenantes.

Le présent compte rendu restitue de façon synthétique les principaux enseignements de ce déplacement et met en valeur les difficultés, mais aussi les initiatives innovantes de ces deux territoires en matière éducative ; les rapporteurs ont eu à cœur de rendre hommage à la volonté et à l’engagement formidables de tous les acteurs de l’école qu’ils ont pu rencontrer à la Guadeloupe et à la Martinique.

En ce début d’année 2018, ce rapport pourra également constituer une modeste contribution de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation à la réflexion en cours dans le cadre des Assises des outre-mer, lancées en octobre 2017 par le Gouvernement.

Assises des Outre-Mer

Lancé le 4 octobre 2017, ce grand rendez-vous citoyen va permettre, jusqu’au printemps 2018, de redonner la parole à nos compatriotes ultra-marins à travers des ateliers locaux et nationaux, des consultations citoyennes et un concours d’innovation.

Une première phase de consultation a permis à l’automne de faire émerger les sujets identifiés comme prioritaire par les territoires : en Martinique comme en Guadeloupe, l’enseignement a ainsi été reconnu comme le levier prioritaire pour développer la jeunesse, alors que l’apprentissage et la formation professionnelle sont partout considérés comme essentiel pour le développement de l’emploi.

Intitulée « Et demain, que pourrons-nous faire ? », une seconde consultation citoyenne a démarré le 18 janvier pour déterminer les projets qui tiennent le plus à cœur à nos concitoyens doutre-mer. La synthèse finale des Assises des Outre-mer prévue au printemps reposera en grande partie sur les résultats obtenus lors de cette consultation et un livre Bleu Outremer regroupera tous les projets concrets à réaliser sur les territoires dOutre-mer. Il constituera la feuille de route du gouvernement pour la suite du quinquennat.

https://www.assisesdesoutremer.fr/

 

Remerciements

Les rapporteurs adressent leurs sincères remerciements aux préfets et recteurs de Guadeloupe et de Martinique, ainsi qu’à tous leurs collaborateurs qui ont contribué à l’organisation – dans des délais très courts – et au bon déroulement – dans un contexte difficile en raison du passage du cyclone Irma – de cette mission.

Leurs remerciements vont également aux personnels de l’éducation nationale – chefs d’établissement, enseignants et administratifs –, ainsi qu’aux élèves et parents d’élèves qui ont pris de leur temps pour les accueillir et les rencontrer.

Ils adressent enfin des remerciements particuliers au chef de corps et aux officiers supérieurs du RSMA de Guadeloupe, aux responsables du Mémorial ACTe, à Pointe‑à‑Pitre en Guadeloupe, et de la Fondation Clément, au François en Martinique, pour leur accueil chaleureux et leur disponibilité.

 


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I.   Guadeloupe et MArtinique : des territoires sous contrainte

A.   le poids des spécificités territoriales

1.   Un environnement plus caribéen qu’européen

La Guadeloupe et la Martinique sont situées au cœur de l’archipel des Antilles, à respectivement 6 700 et 6 850 kilomètres de l’Hexagone et 8 heures d’avion de Paris. Le décalage horaire est de 5 heures en hiver et 6 heures en été (cf. page suivante la carte des Petites Antilles).

À la fois département et région d’outre-mer, la Guadeloupe est un archipel de 1 702 km², constitué par la Guadeloupe continentale, d’une superficie de 1 438 km², l’archipel des Saintes (14 km², 3 000 habitants), La Désirade (21 km², 1 500 habitants) et Marie‑Galante (158 km², 11 000 habitants). Elle a pour chef‑lieu la ville de Basse-Terre. L’État y est représenté par un préfet à Basse‑Terre et un sous-préfet à Pointe-à-Pitre. Le territoire compte au total 399 000 habitants résidant dans 32 communes. La principale aire urbaine est celle de Pointe-à-Pitre, qui regroupe 16 communes et compte 315 000 habitants (cf. annexe 2 pour la carte détaillée).

Collectivité unique, la Martinique s’étend sur 1 128 km², ce qui en fait un des plus petits territoires français d’outre-mer. Elle a pour chef-lieu la ville de Fort‑de-France où se trouvent la préfecture et le siège de la collectivité territoriale de Martinique. Le territoire compte environ 400 000 habitants répartis sur 34 communes. La principale aire urbaine est celle de Fort-de-France qui rassemble 4 communes et 125 000 habitants (cf. annexe 3 pour la carte détaillée).

L’environnement de la Martinique et de la Guadeloupe est avant tout Caribéen : les voisins immédiats sont le Venezuela, Porto Rico, la République Dominicaine, Haïti, et un peu plus loin Cuba. Miami est à moins de 3 heures d’avion, les pays d’Amérique centrale à moins de 4 heures, New York et Montréal à moins de 5 heures, avec peu de décalage horaire.

Nos compatriotes vivent ainsi dans un contexte géographique, climatique, économique et culturel profondément différent de celui de l’Europe de l’ouest dans lequel nous évoluons. L’éloignement de lHexagone et de lUnion européenne constitue donc, pour ces territoires, une donnée fondamentale de la vie économique, culturelle et sociale, qu’il faut constamment conserver à l’esprit lors de l’élaboration de politiques publiques.

 

http://www.larousse.fr/encyclopedie/data/cartes/1306012-Les_Petites_Antilles.HD.jpg

Source :http://www.larousse.fr/encyclopedie/cartes/Les_Petites_Antilles/1306012

2.   Des territoires contraints par leur géographie

L’île principale de la Guadeloupe, en forme de papillon, est composée de Basse-Terre à l’ouest (848 km²) et Grande-Terre à l’est (590 km²), séparées par un étroit canal appelé la Rivière Salée. Basse-Terre, dominée par le volcan de la Soufrière qui culmine à 1 467 mètres, est recouverte d’une forêt très dense. Grande-Terre est, au contraire, un plateau de faible altitude. Cette division complique les échanges entre les deux parties de l’île, l’agglomération de Pointe‑à-Pitre, qui regroupe près de 65 % de la population, constituant un nœud de circulation souvent saturé.

Mais la Guadeloupe, ce sont également plusieurs îles, accessibles par bateau ou par avion : les îles des Saintes, de la Désirade et de Marie‑Galante sont à 45 minutes de bateau de l’île principale et les collectivités de Saint Martin et de Saint Barthélemy – qui, sur le plan administratif et éducatif, dépendent de la préfecture et du rectorat de la Guadeloupe – sont essentiellement accessibles par avion (à 50 minutes de vol).

Ce morcellement du territoire complique bien évidemment la circulation des personnes et l’accès aux équipements, ainsi que, plus spécifiquement dans le domaine éducatif, les conditions de scolarisation ainsi que les affectations et remplacements des personnels.

La Martinique se trouve dans une zone volcanique au croisement de plusieurs plaques tectoniques. Le volcan de la Montagne Pelée, qui s’élève à 1 397 mètres d’altitude, est toujours en activité et figure parmi les volcans les plus étroitement surveillé du monde. Le reste de l’île se compose d’une succession de reliefs moyens appelés les mornes, dont le plus haut, la montagne du Vauclin, atteint 505 mètres. L’île est recouverte d’une forêt tropicale dense et compte de nombreuses mangroves, des marais à la végétation très riche.

Ces caractéristiques rendent la circulation difficile sur l’ensemble de l’île et allonge considérablement les temps de parcours d’un point à un autre, tout particulièrement pour les habitants du nord-est de l’île (dit « Nord Atlantique »), qui connaissent de grandes difficultés d’accès aux équipements et infrastructures, concentrées au centre de l’île, dans l’agglomération autour de Fort‑de-France.

B.   des caractéristiques communes

Les données statistiques citées ci-après sont issues, sauf exception mentionnée, des travaux de l’INSEE et de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’Éducation nationale.

1.   Démographiques

Ces deux territoires se caractérisent par un déclin démographique global et une faiblesse de la population d’âge actif.

Si la part des jeunes de zéro à 17 ans dans la population totale demeure dans la moyenne (soit, en 2015, 22,4 % à la Martinique et 25,3 % à la Guadeloupe, contre 22,4 % en moyenne nationale), celle-ci connaît cependant une nette baisse sur 10 ans (– 19 % à la Martinique et – 11,5 % à la Guadeloupe, contre + 3,7 % au niveau national).

Au niveau global, les populations sont en baisse depuis 2009, principalement en raison non seulement d’une diminution progressive du nombre de naissance mais également d’un solde migratoire déficitaire. Ainsi, la population globale de la Martinique a baissé de 0,7 % en moyenne annuelle entre 2009 et 2016 (377 000 habitants environ au 1er janvier 2016), cette baisse étant de 0,2 % par an pour la Guadeloupe (396 000 habitants au 1er janvier 2016) mais allant en s’accélérant.

Les départs de très nombreux jeunes de 18 à 29 ans, souvent les plus diplômés, pour poursuivre les études ou trouver un emploi, entraine de facto un vieillissement de la population (moins de naissances) et un moindre dynamisme économique (moins d’actifs). Mais cette tendance entraine également un déséquilibre entre les hommes et les femmes au sein de la population : en 2013, on dénombrait en Guadeloupe 121 femmes pour 100 hommes, et 116 femmes pour 100 hommes en Martinique (contre 106 dans l’Hexagone), ce déficit démographique masculin n’aidant pas à améliorer la natalité, dont le taux a désormais rejoint la moyenne nationale (10,5 % en Martinique et 11,9 % en Guadeloupe, pour 11,8 % dans l’Hexagone).

Les pyramides des âges ci-après ([1]) traduisent bien ces déséquilibres au sein de la population :

 

2.   Économiques et sociales

Les deux territoires supportent aujourd’hui de fortes difficultés économiques et sociales qui tendent à faire de l’école un élément essentiel du développement de la population.

En 2015, le PIB par habitant s’élevait à 23 200 euros à la Martinique et 21 101 euros à la Guadeloupe, contre 32 736 euros dans l’Hexagone ; au 30 mars 2016, entre 10 et 11 % de la population était allocataire au RSA, contre 2,6 % dans l’Hexagone.

Toujours en 2015, le taux de chômage au sein de la population active s’élevait à 18,9 % à la Martinique et 23,7 % à la Guadeloupe (contre 10 % dans l’Hexagone) et, pour le chômage des 15-24 ans, ce taux atteignait 47,4 % à la Martinique et 55,2 % à la Guadeloupe (contre 24 % dans l’Hexagone).

Par ailleurs, la Guadeloupe et la Martinique se caractérisent par un fort taux de familles monoparentales (soit, en 2011, 53,6 % des familles en Martinique, 50,6 % en Guadeloupe, contre 25,4 % dans l’Hexagone), très majoritairement portées par des femmes, ainsi que par l’importance des maternités précoces (le taux des femmes nées entre 1980 et 1990 ayant eu au moins un enfant à 20 ans étant de 10 % en Guadeloupe, 11 % en Martinique, contre 4 % en Hexagone ([2]).

Les conséquences en terme de précarité et de pauvreté sont redoutables : « la majorité de ces familles [monoparentales] connaît des conditions de vie très difficiles : plus dune fois sur deux, le parent qui a la charge de lenfant nexerce aucune activité. En Martinique, en 2010, 83 % des enfants dont les parents navaient pas demploi vivaient dans une famille monoparentale » ([3]).

Le tableau ci-après résume les conditions familiales particulièrement difficiles pour les enfants en âge scolaire à la Guadeloupe et à la Martinique :

L’environnement familial des 0 à 17 ans

 

Part des enfants de 0 à 17 ans en 2013… (en %)

 

Région académique

en famille monoparentale

vivant dans un logement surpeuplé

dont le parent de référence est au chômage

dont le parent de référence est au chômage de longue durée (un an ou plus)

Évolution de la part denfants dont le parent de référence est au chômage entre 2006 et 2013

Guadeloupe

45,8

25,6

26,9

20,0

+ 1,8

Martinique

47,7

28,9

24,5

17,9

+ 2,9

France métropolitaine + DOM

19,5

12,8

10,7

5,1

+ 1,9

Source : calculs Ministère de l’Éducation nationale (DEPP) d’après Insee, recensement de la population 2013

3.   Éducatives et culturelles

Une situation éducative contrastée

Contrairement à Mayotte et à la Guyane, le secteur éducatif en Guadeloupe et en Martinique n’est pas en tension, en raison de la baisse constante des effectifs des élèves depuis plus de 15 ans, liée à la décrue démographique des deux territoires.

À la Martinique, 75 400 élèves sont scolarisés à la rentrée 2017 (36 600 dans le premier degré et 38 800 dans le second degré), soit une baisse de 2 % par rapport à la rentrée 2016, après une baisse de 2,8 % l’année précédente. Entre 2003 et 2013, la baisse des effectifs scolarisés a été significative et davantage marquée dans le second degré (– 21 %) que dans le premier degré
(– 12,4 %).

À la Guadeloupe, 98 000 élèves sont scolarisés à la rentrée 2017 (48 100 dans le premier degré et 49 900 dans le second degré), soit une baisse de 1,3 % environ par rapport à 2016, après une baisse de 3 % entre 2015 et 2016. Entre 2006 et 2016, les effectifs de l’enseignement public sont passés de 104 700 à 89 100 élèves, soit une chute de près de 15 %.

Concernant les réseaux d’éducation prioritaire, les tableaux ci‑après détaillent le nombre d’élèves concernés dans chacune des académies (pour le secteur public) à la rentrée 2016, avec un rappel des données nationales :

 

Nombre et proportion d’élèves en REP à la rentrée 2016

Académies et régions académiques

1er degré

2e degré

Effectifs délèves

%

Effectifs délèves

%

Guadeloupe

6 659

23,4

5 907

23,7

Martinique

6 793

31,3

5 338

29,6

France métropolitaine + DOM

434 668

11,9

361 873

14,0

Source : Ministère de l’Éducation nationale (DEPP)

Nombre et proportion d’élèves en REP+ à la rentrée 2016

Académies et régions académiques

1er degré

2e degré

Effectifs délèves

%

Effectifs délèves

%

Guadeloupe

1 531

5,4

1 154

4,6

Martinique

3 632

16,7

2 940

16,3

France métropolitaine + DOM

276 487

7,6

177 787

6,9

Source : Ministère de l’Éducation nationale (DEPP)

Les taux de réussite aux examens (brevet et baccalauréat) sont équivalents à ceux de l’Hexagone. En revanche, selon la FSU Guadeloupe, les résultats en première année de licence à l’Université des Antilles sont, quelle que soit la filière du baccalauréat général, inférieurs de 10 % à la moyenne nationale. Ce phénomène est également souligné à la Martinique par les syndicats CSTM et UGTM. La FSU Guadeloupe explique ce décalage par le fait que les élèves des Antilles et de la Guyane passent les épreuves du bac sur des sujets différents de ceux de l’Hexagone, ainsi que par « les pressions exercées sur les correcteurs par leurs hiérarchies pour noter de façon plus bienveillante »…

Toutefois, comme dans tous les territoires ultramarins, l’éloignement géographique et l’insularité aggravent, en Guadeloupe et en Martinique, certaines problématiques connues en métropole :

 La lutte contre lillettrisme

« Lillettrisme désigne la situation dune personne qui a bénéficié dapprentissages mais qui na pas acquis – ou qui a perdu – la maîtrise de la lecture et de lécriture, en raison dapprentissages trop fragiles. Dès lors, cette personne ne possède pas les compétences de base pour être autonome dans les situations simples de la vie courante et se trouve particulièrement exposée au risque dexclusion sociale » ([4]).

La situation de l’illettrisme est préoccupante dans l’ensemble des outre‑mer. En dépit des nombreuses actions conduites et formalisées dans des plans locaux, elle ne semble pas s’améliorer sensiblement.

En 2012, l’illettrisme concernait 7 % des Hexagonaux, soit près de deux millions et demi d’hommes et de femmes. En revanche, dans les départements d’outre-mer, malgré les moyens mis en œuvre et la multitude d’intervenants qui participent à la prévention et à la lutte contre l’illettrisme, cette proportion est beaucoup plus élevée. Ainsi, en 2016, 36,2 % des jeunes ultramarins étaient considérés en situation d’illettrisme, dont 30,4 % en Guadeloupe et 35 % en Martinique, contre 10,8 % à l’échelle nationale (évaluations menées dans le cadre de la Journée Défense et Citoyenneté ([5])).

– La lutte contre le décrochage scolaire

Le décrochage est un processus qui conduit chaque année un grand nombre de jeunes à quitter le système de formation initiale sans avoir obtenu une qualification équivalente au baccalauréat ou un diplôme à finalité professionnelle, de type certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou brevet d’études professionnelles (BEP).

Au niveau national, les chiffres des jeunes en situation de décrochage connaissent une tendance à la baisse depuis le début des années 2010. Le nombre de jeunes sortants chaque année sans qualification du système éducatif est ainsi passé de 140 000 en 2010 à 110 000 en 2014 et 98 000 en 2016. Le taux de jeunes en-dehors de tout système de formation et sans diplôme du second cycle du secondaire était de 8,8 % en 2017, contre 9,7 % en 2013.

Comme l’illettrisme, le décrochage scolaire touche aux Antilles des populations fragilisées par les difficultés socio-économiques, d’autant plus sévèrement ressenties que les familles se trouvent dans des milieux isolés et souvent cloisonnés.

Élèves en situation de décrochage en Guadeloupe et MArtinique

 

Guadeloupe

Martinique

 

Oct. 2015

Oct. 2016

Oct. 2015

Oct. 2016

Nombre de jeunes présumés décrocheurs*

1 692

1 484

1 200

1 255

Dont élèves lycées pro.

66,1 %

64,8 %

67 %

69,1 %

Source : Système interministériel d’échange d’information (SIEI)- Ministère de l’éducation nationale

* Jeune de plus de 16 ans, scolarisé l’année N-1, qui n’est plus retrouvé scolarisé en année N

Jeunes âgés de 16 à 25 ans sans diplôme et ne poursuivant pas d’études

 

Part en 2013
(en %)

Évolution entre 2006 et 2013 (en points)

Guadeloupe

13,8 %

– 3,6

Martinique

14 %

– 0,3

France entière

10,1 %

– 1,0

Source : INSEE – recensement 2013

Si la part des jeunes sans aucun diplôme (pas même le brevet) est donc un peu plus élevée en Guadeloupe et en Martinique qu’au niveau national, la tendance à la baisse de ce phénomène y est aussi plus accentuée.

Limportance de la langue et de la culture Créole

Langue maternelle dominante, souvent apprise dans la famille avant le français, le créole compte 800 000 locuteurs répartis dans les deux îles ([6]). Comme toutes les langues de France, ce bilinguisme maternel ne fait absolument pas obstacle à la réussite éducative et peut, tout au contraire, faciliter l’acquisition des compétences en lecture et écriture. Il doit donc être pleinement intégré à la pédagogie et à la vie scolaire, car il contribue également à faciliter les relations avec les familles.

Le projet académique de la Guadeloupe fait ainsi figurer parmi ses priorités la nécessité de permettre aux élèves de mieux maîtriser la langue créole en optimisant la formation des enseignants et en renforçant son enseignement au premier degré.

Il en est de même des pratiques culturelles qui, comme le chant ou la danse (Bèlè martiniquais, par exemple), jouent un rôle de lien social important pour faciliter le vivre ensemble, y compris entre générations.


—  1  —

 

II.   une rentrée 2017 plutôt réussie

L’un des objectifs de la mission était de pouvoir constater, en situation, la mise en œuvre effective des réformes engagées pour la rentrée scolaire 2017 et les conditions de déroulement de cette rentrée, tant pour les élèves que pour les personnels.

A.   la Rentrée en musique : unE innovation naturelle

Présents à Pointe-à-Pitre le lundi 4 septembre, jour de la rentrée, les rapporteurs se sont rendus, avec le recteur de l’académie de Guadeloupe, dans plusieurs établissements scolaires de différents niveaux et ont eu le plaisir de constater que cette innovation, souhaitée par le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer, avait rencontré un franc succès. La rentrée en chansons (pour les plus petits) et en musique (avec chanteurs et musiciens) pour les plus grands s’est manifestement faite spontanément et dans la joie pour les élèves, à la satisfaction visible des enseignants et des parents présents.

À lécole maternelle et élémentaire Raymonde Bambuck, située en REP+, les enfants ont repris en cœur des comptines et chansons apprises l’année précédente, au son de percussions jouées par les plus grands.

Aux collèges Carnot (REP) et Nestor de Kermadec (REP+), réunis cette année dans un même ensemble de bâtiments en raison de travaux, après un accueil en chanson accompagné par le professeur de musique, les élèves de la classe à horaires aménagés « musique » (CHAM) du collègue Nestor de Kermadec ont proposé un véritable récital pour présenter, avec enthousiasme, les acquis de l’année précédente.

Enfin, la grande cour du lycée Carnot était animée par le jazz et les musiques actuelles de la classe CHAM, pour le plaisir manifeste des élèves, de leurs professeurs et des parents présents.

À la Martinique, c’est également en chanson que les deux rapporteurs ont été accueillis à lécole primaire Bertaud Marie-Rose (située en zone REP+, au Lorrain, dans le Nord Atlantique de l’île) et, là aussi, ils ont pu constater la joie des enfants et des enseignants à chanter ensemble.

Les chefs d’établissement ont confirmé que cette innovation, si elle avait été parfois compliquée à organiser en raison de délais relativement courts, avait en tout cas rencontré naturellement l’adhésion des élèves et des enseignants, qui ont également fait leur rentrée en musique dans certains établissements. Elle a de plus permis de prendre le temps d’accueillir les élèves et leurs parents, ce qui a contribué à créer une ambiance positive et apaisée dès le premier jour de classe. Le bilan est donc positif et ce sera mieux l’an prochain, ils l’ont assuré !

B.   le Dédoublement des classes de CP en REP+ : un bilan satisfaisant

La mise en place de cette seconde grande innovation de la rentrée 2017, avec la limitation à 12 élèves des classes de cours préparatoire en REP+, a été facilitée à la Guadeloupe et à la Martinique par la baisse des effectifs constatés depuis plusieurs années maintenant (cf. supra). Celle-ci a en effet libéré pas mal d’espace dans les établissements et d’ores et déjà entrainé de nombreuses fermetures de classes. Plusieurs cours préparatoires (CP) à effectifs réduits ont toutefois été intégrés dans des classes multi-niveaux afin de préserver l’accueil des élèves dans des établissements isolés et des zones difficiles d’accès, comme dans lécole primaire Bertaud Marie-Rose visitée par les rapporteurs à la Martinique.

Si la réforme est globalement accueillie comme une avancée en faveur de la réussite des élèves les plus défavorisés, elle a néanmoins suscité des inquiétudes chez les personnels comme chez les parents d’élèves, conscients de la nécessité de faire évoluer les méthodes d’enseignement pour s’adapter à des groupes-classes beaucoup plus réduits. Les rapporteurs ont ainsi ressenti une forte attente de formation de la part des enseignants, mais également une réelle satisfaction en raison de la plus grande disponibilité pour chacun des élèves que permet la réforme.

Pour lAcadémie de Guadeloupe, en raison de la baisse démographique, quasiment toutes les classes de CP en REP+ ont pu être dédoublées : sur les 19 classes accueillant 255 élèves, 16 ont été dédoublées et 2 (à Saint Martin, pour des raisons de locaux) ont bénéficié de la présence à plein temps de deux maîtres dans la classe, la dernière classe étant multi-niveaux. 16 postes d’enseignants ont donc été créés dans le cadre du dédoublement.

À la Martinique, sur les 63 classes accueillant les 648 élèves de CP en REP+, 47 ont été dédoublées, les 16 autres étant des classes multi-niveaux. Les entrées à l’école primaire sont en baisse de 1 700 élèves par rapport à la rentrée 2016, ce qui a conduit à fermer 54 classes. 28 postes ont donc été créés dans le cadre du dédoublement (27 postes de « maîtres plus » redéployés et un poste de la brigade de remplacement).

Dès le mois de juin 2017, après l’annonce du dédoublement, des formations ont été proposées aux enseignants pour adapter leur pédagogie au nouveau contexte d’enseignement en effectifs réduits ; ces formations devaient se poursuivre tous les mercredis pendant le 1er semestre de l’année scolaire 2017‑2018.

C.   Une situation des emplois contrastée

1.   Des effectifs statutaires relativement préservés de la logique comptable

La baisse démographique constatée depuis plusieurs années a nécessairement eu des conséquences sur les plafonds d’emplois statutaires alloués aux académies de Guadeloupe et de Martinique. Les rapporteurs veulent toutefois témoigner des efforts des recteurs pour limiter le plus possible l’application d’une simple logique comptable et mettre à profit cette contraction des effectifs pour améliorer le taux d’encadrement et mieux accompagner les élèves.

Ainsi, en Martinique, pour la rentrée 2017, le schéma d’emplois dans le second degré prévoyait une baisse de 37 emplois, qui a été réduite à 17 après négociations.

À la Guadeloupe, toujours pour le second degré, la perte d’emplois s’est élevée à 44 postes d’enseignants, alors que, au vu de la baisse démographique et de la perte d’élèves, la réduction aurait dû atteindre 64 postes.

Ces efforts correspondent à une demande forte et récurrente exprimée tant par les syndicats de personnels et de chefs d’établissements que par les représentants des parents d’élèves. Ceux-ci estiment en effet que la contraction des effectifs doit constituer une opportunité pour le système éducatif guadeloupéen et martiniquais car elle pourrait permettre aux établissements, à moyens constants, de développer les expérimentations et innovations pédagogiques et d’adapter les méthodes d’enseignements aux spécificités et aux besoins des élèves et des territoires.

Les critiques concernant les réductions d’effectifs entraînant, selon plusieurs syndicats de personnels, un nombre trop élevé d’heures supplémentaires et un recours trop important aux emplois contractuels, sont toutefois passées au second plan en raison de l’inquiétude et de la colère suscitées, au moment de la rentrée scolaire, par la baisse annoncée des contrats aidés dont bénéficiait l’éducation nationale.

2.   La baisse des emplois aidés

Fin juillet 2017, dans le cadre de l’annonce d’une baisse massive du nombre de bénéficiaires de contrats aidés ([7]) sur l’ensemble du territoire, les rectorats ont été informés d’une forte réduction des contingents alloués par le ministère pour leurs établissements d’enseignement, baisse très partiellement compensée par la transformation d’un certain nombre d’emplois aidés d’auxiliaire de vie scolaire (AVS) en accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), recrutés sous contrat de droit public.

Ainsi :

– pour la Guadeloupe, le plafond était fixé à 562 contrats aidés (contre 938 au 1er mars 2017), 107 contrats d’AVS ayant été transformés en 61 équivalents temps plein (ETP) d’AESH ;

– pour la Martinique, le plafond de contrats aidés devait s’établir à 380 (contre 920 en mars 2017), 37 contrats d’AVS ayant été transformés en 22 ETP d’AESH.

Les rectorats ont eu pour consigne d’affecter prioritairement les contrats restant sur des postes dédiés à l’accompagnement des élèves en situation de handicap et à l’assistance aux directeurs d’école ne bénéficiant pas de décharge hebdomadaire.

Au moment de la rentrée scolaire, ces annonces ont suscité de vives réactions, non seulement pour l’accompagnement des élèves en situation de handicap, mais également pour de nombreuses activités relevant de la vie scolaire (sécurité au sein et aux abords des établissements, surveillance des cantines, des internats, appui aux directeurs d’école et aux CDI).

Suite aux mouvements sociaux et à la fronde des élus, le gouvernement s’est rapidement engagé à ce que les Outre-mer soient préservés de la baisse des emplois aidés et des négociations ont été engagées par le préfet de la Martinique avec les syndicats et les élus. Dès la fin septembre, un accord a été conclu pour maintenir globalement le nombre de contrats aidés au niveau de 2016, jusqu’à la mise en place d’un dispositif plus satisfaisant pour l’emploi durable des personnes concernées.

Afin de respecter le principe d’équité entre territoires, une décision similaire a ensuite été prise pour la Guadeloupe.

Si la situation s’est en conséquence apaisée, le recours à des personnes peu qualifiées – et souvent elles-mêmes en difficulté – pour assumer des emplois permanents en lien avec des activités scolaires et péri‑scolaires est néanmoins problématique, tout particulièrement quand il s’agit d’accompagner et de surveiller des jeunes en situation difficile.

Plus que la question du recours à tel ou tel type de contrat, c’est donc avant tout la question de la qualité de lencadrement des élèves qui a été posée à plusieurs reprises aux rapporteurs, les personnels devant être capables de gérer des situations de grande détresse sociale et parfois de violence. Compte tenu des structures familiales fragiles et de la proportion de foyers en grande difficulté que connaissent les deux îles, l’école et ses personnels jouent en effet quotidiennement un rôle essentiel auprès des élèves, tant en matière d’éducation et d’insertion dans la vie sociale que sur le plan physique et nutritionnel, le déjeuner à la cantine étant pour nombres d’enfants le seul véritable repas de la journée.

Lors de sa rencontre avec les rapporteurs, un représentant du SNES de Martinique a ainsi évoqué la possibilité de recruter plutôt des « Maîtres d’internat surveillants d’externat » (MISE), qui sont des étudiants et possèdent en conséquence un niveau de formation et d’implication mieux adapté à l’accompagnement des élèves.

Le recours à des jeunes en Service civique, qui contribuent aujourd’hui de façon très positive à l’opération « Devoirs faits », a également été cité comme une possibilité à explorer.


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III.   des défis structurels qui appellent des solutions Éducatives spécifiques

L’importance de l’école et des enseignants fait aujourd’hui consensus, tant à la Guadeloupe qu’à la Martinique : ils sont des acteurs essentiels de la réussite sociale et l’éducation constitue le meilleur moyen pour les jeunes de « s’en sortir ».

Toutefois, de nombreux interlocuteurs des rapporteurs ont insisté sur la nécessité de partir d’une vision globale des difficultés de chaque territoire pour adapter le rôle et le fonctionnement de l’école, car l’éducation se situe au croisement des problématiques démographiques, économiques, sociales et environnementales lourdes que supportent les deux îles.

Les visites des établissements et les échanges avec les acteurs de l’école ont effectivement montré, tant à la Guadeloupe qu’à la Martinique, que les contraintes des territoires pèsent fortement sur l’application – et l’applicabilité – des politiques nationales et justifient le recours à des solutions innovantes et adaptées. C’est pourquoi les personnels enseignants et de direction demandent plus de soutien dans les expérimentations pédagogiques qu’ils souhaitent conduire. Tous sont conscients de la nécessité d’évaluer les expérimentations sur la base d’indicateurs objectifs, mais ils demandent à bénéficier, eux aussi, de l’esprit de confiance que le ministre de l’éducation nationale souhaite installer au sein de l’école.

A.   des territoires hors normes…

1.   Un climat éprouvant et parfois redoutable

● La chaleur, l’humidité, les tempêtes tropicales et les cyclones, les risques volcaniques, sismiques et de submersion génèrent des conditions d’enseignement difficiles tant pour les adultes que pour les enfants. Outre les difficultés à se concentrer dans des salles de classe surchauffées, le plus souvent sans climatisation et à se détendre dans des cours de récréation en plein soleil ou noyées sous les averses tropicales, ces conditions climatiques extrêmes dégradent les équipements de façon accélérée. Les pannes électriques et informatiques (notamment sur les photocopieurs), les problèmes de réseaux téléphonique et internet sont réguliers et complique le fonctionnement quotidien des établissements et des administrations. Sans parler des gaz émis par les algues sargasse qui s’amassent sur les côtes et ont aussi un effet néfaste sur les matériels informatiques…

En outre, de très nombreux établissements ont aujourd’hui 40 ou 50 ans et sont, pour la plupart, vulnérables aux risques alors qu’ils sont supposés jouer le rôle d’abri sûr en cas de catastrophe naturelle. Pour les collectivités territoriales responsables, les charges d’entretien et de rénovation excèdent de beaucoup leurs capacités financières et, en l’absence de diagnostic amiante, le choix est souvent fait de reporter les travaux pour ne pas prendre de risque.

L’état du bâtiment abritant le rectorat de Martinique sur le site de Terreville constitue l’illustration paradoxale du problème immobilier de l’éducation nationale aux Antilles, surtout lorsqu’on le compare au rectorat flambant neuf de la Guadeloupe, construit aux dernières normes de résistance aux risques et conçu pour s’adapter au climat antillais… Le bâtiment de Terreville a quant à lui été construit en 1993 – ce qui n’est pas très vieux – mais avait été conçu pour le Mexique, au climat beaucoup plus sec, et pour fonctionner en ventilation naturelle. L’immeuble s’est rapidement transformé en étuve à courants d’air et a été ravagé par les infiltrations. Les températures très élevées qui règnent dans les bureaux et les dégradations périlleuses du bâti rendent aujourd’hui sa rénovation extrêmement coûteuse, d’autant qu’il n’est plus conforme aux normes parasismiques et met en péril la sécurité des personnels qui y travaillent.

● Présents à la Martinique lors du passage du cyclone Irma, les rapporteurs ont été témoins de la violence du phénomène climatique, même à 500 kilomètres de l’œil du cyclone. Ils veulent ici témoigner de l’engagement absolu des autorités de l’État pour réagir à la catastrophe et organiser au plus vite les secours nécessaires, mais aussi de la terrible difficulté à prendre la mesure en temps réel de la situation dans des îles éloignés et isolées.

Les conséquences du cyclone IRMA pour le secteur éducatif

Le passage de l’ouragan IRMA dans la nuit du 5 au 6 septembre 2017 à Saint-Martin et Saint-Barthélemy a très fortement endommagé les infrastructures scolaires, dont certaines sont totalement détruites. La rentrée des classes n’a pas pu se réaliser à la date prévue pour les écoliers, collégiens et lycéens de ces territoires.

À la Guadeloupe et dans les îles du Sud (Marie-Galante, La Désirade, Les Saintes), où les dégâts ont été peu importants, les établissements scolaires des 1er et 2nd degrés publics et privés ont tous réouvert à compter du lundi 25 septembre.

À Saint-Martin et Saint-Barthélemy, des mesures d’urgence relatives à la scolarisation ont été prises immédiatement, l’objectif étant de proposer une scolarisation sur place au plus tard au retour des congés de Toussaint, le 6 novembre 2017.

Pour les locaux, des solutions ont été recherchées, notamment par l’installation de structures provisoires. Des solutions d’accueil temporaire ont été mises en place au sein des académies voisines de Guadeloupe et de la Martinique.

Pour la prise en charge pédagogique, en liaison avec le CNED, des ressources pédagogiques ont été répertoriées et un ensemble de supports pédagogiques a été acheminé (ou numérisé pour impression) auprès du rectorat de l’académie de Guadeloupe. Un accompagnement des enseignants locaux a été proposé pour utiliser pleinement les supports mis à disposition.

Des mesures d’accompagnement des personnels ont été mises en place au regard des pertes et traumatismes subis. Un numéro vert a été créé et une cellule d’écoute installée au rectorat de la Guadeloupe. Les équipes éducatives et administratives restées sur place ont été renforcées par des personnels remplaçants de l’académie ou par des agents bénévoles (en exercice ou retraités).

À Saint-Barthélemy, la reprise des cours a pu se réaliser le lundi 25 septembre pour l’enseignement public (deux écoles et un collège) et le jeudi 28 septembre pour l’enseignement privé (2 écoles). 100 % des élèves étaient pris en charge sur ce territoire dès la mi-octobre.

À Saint-Martin (16 écoles, 4 collèges, un lycée d’enseignement général et technologique, un lycée professionnel), où les conséquences du cyclone ont été nettement plus lourdes, la reprise s’est faite progressivement selon l’état de sécurisation des bâtiments et la mise à disposition de structures provisoires.

Des établissements ont rouvert trois semaines après les événements, pour environ 40 % des élèves. Début novembre, au retour des congés de Toussaint, même si taux de fréquentation d’une école à l’autre était très variable au regard des effectifs attendus (de 30 à 80 %), l’ensemble des élèves présents sur l’île était pris en charge.

La priorité a été immédiatement donnée aux élèves des classes à examen (brevet des collèges, baccalauréat, CAP et BTS). Des dispositifs spécifiques ont été proposés aux élèves concernés (cours de rattrapage, notamment pendant les congés scolaires, inscription au CNED, cours de soutien...).

Le ministère de l’Éducation nationale a veillé en outre à l’accompagnement des personnels, durement éprouvés pour certains, et pourtant présents auprès des élèves. Les personnels des écoles et établissements scolaires de Saint-Martin ont été invités par le recteur de la région académique de Guadeloupe à regagner leur affectation à compter du 16 octobre. Compte tenu des difficiles conditions de logement sur place pour certains personnels, des crédits ont été mobilisés par le ministère de l’Éducation nationale afin d’aider à résoudre, même de façon temporaire, les problèmes d’hébergement. Une cellule d’écoute a été mise en place pour leur indiquer les différentes aides proposées.

La reconstruction des îles du Nord nécessite des moyens de grande ampleur. Un comité interministériel pour la reconstruction des îles de Saint‑Barthélemy et Saint-Martin, placé sous l’autorité du Premier ministre, a été créé dès le 12 septembre 2017. Pour guider son action, le délégué interministériel placé auprès du ministre chargé des outre‑mer s’appuie sur les référents désignés au sein des ministères concernés. L’éducation nationale y prend bien entendu toute sa part.

(Source : site du ministère de lÉducation nationale)

Une note de propositions pour un plan de reconstruction des établissements scolaires de Saint-Martin, préparée par les services de léducation nationale de SaintBarthélemy et de Saint Martin, est jointe en annexe au présent rapport.

2.   Des territoires considérés comme urbains qui ont toutes les caractéristiques de la ruralité

Sur le plan statistique, l’immense majorité des jeunes Antillais de 0 à 17 ans vivent dans un grand pôle urbain ou dans une commune périurbaine (93,2 % à la Guadeloupe et 83,9 % à la Martinique). De fait, d’un point de vue strictement kilométrique le constat est exact compte tenu de la faible étendue des deux territoires. Pourtant, au quotidien, le ressenti des habitants est bien différent.

La géographie et la topographie des deux îles entrainent en effet des difficultés de circulation importantes (cf. supra I. B.) ainsi qu’un morcellement du territoire (tout particulièrement à la Guadeloupe avec son caractère archipélagique) et des situations d’enclavement pour de nombreux villages et hameaux peu peuplés, comme c’est le cas pour les territoires ruraux ou de montagne. Aux Antilles, ce n’est pas la distance à vol d’oiseau qui est significative, mais le temps nécessaire pour rejoindre sa destination. Pour les habitants de Basse Terre en Guadeloupe, ou du Nord de la Martinique, accéder aux équipements publics et aux centres économiques et commerciaux nécessite ainsi de longs parcours sur des routes souvent encombrées et parfois peu praticables.

Il en est bien évidemment de même pour l’accès des élèves et des personnels aux établissements scolaires, parfois très isolés. Les fermetures de classes voire d’établissements liées à la baisse démographique et le nombre insuffisant de places d’internat entraînent des temps de transport importants, et en conséquence des journées très longues pour beaucoup d’enfants,. Ceci explique la difficulté à mettre en place le dispositif « Devoirs faits » qui retarderait encore plus le retour des enfants à la maison.

Pour les plus grands, la difficulté est la même, notamment pour accéder à des formations spécifiques en filière technologique ou professionnelle. En outre, de nombreuses familles ne peuvent pas assumer le coût des transports scolaires et n’ont donc pas d’autre choix que de scolariser leurs enfants au plus près.

Les rapporteurs ont ainsi visité à Saint Pierre, dans le nord-ouest de la Martinique, le lycée Victor Anicet, seul lycée de l’île disposant d’une filière complète en arts appliqués et numérique (bac Pro MAVI, bac techno STDAA, BTS avec classe de mise à niveau). Pour rejoindre leur établissement situé dans une petite commune difficilement accessible, les élèves qui ont eu la chance d’y être admis ont parfois une heure et demie de transport matin et soir... On comprend que, pour cet établissement, la création d’un internat soit une priorité !

Le problème est identique pour les équipements culturels : la difficulté d’accès vient aggraver leur rareté et leur concentration dans les agglomérations centrales (Pointe-à-Pitre à la Guadeloupe, Fort‑de‑France à la Martinique), discriminant à nouveau les populations habitants dans les zones les plus isolées. Les actions d’éducation artistique et culturelle s’en ressentent nécessairement, même si les rectorats, très engagés sur ce sujet, multiplient les initiatives et les partenariats pour développer des activités sur tout le territoire de l’académie. Outre l’éloignement, le coût des transports est souvent, ici aussi, un obstacle majeur, ni les familles ni les collectivités territoriales n’étant en mesure de le prendre en charge.

Territoires isolés et enclavés, difficultés d’accès et de circulation, chute démographique de la population en âge scolaire, existence de classes multi‑niveaux : tous ces marqueurs sont caractéristiques des territoires ruraux ou de montagne et pourtant, ni la Guadeloupe ni la Martinique ne sont considérés ainsi par l’Éducation nationale. Ces territoires ne peuvent donc pas prétendre au bénéfice des « conventions ruralité », signées par l’Éducation nationale avec de nombreux départements depuis 2014 ([8]), qui pourraient pourtant leur apporter des aides et avantages (notamment en dotation d’emplois) particulièrement précieux.

Si le présent rapport n’a pas vocation à conduire une analyse approfondie de ce sujet, les rapporteurs souhaitent toutefois poser la question de l’opportunité d’adapter ce dispositif contractuel aux Outre-mer – et notamment à la Guadeloupe et à la Martinique – car leur actuelle exclusion est peu compréhensible au vu des caractéristiques du système éducatif sur ces territoires, et est ressentie comme une discrimination inacceptable par les parents d’élèves et les acteurs de l’éducation.

3.   Une difficulté à se former et à travailler au pays

● De nombreux interlocuteurs des rapporteurs leur ont décrit le cercle vicieux à l’œuvre depuis de nombreuses années dans les deux îles : la crise de l’activité économique se traduit par une insuffisance de créations d’emplois qualifiés (et notamment de cadres supérieurs) qui pousse les jeunes les mieux formés à quitter les territoires pour aller étudier ([9]) et travailler dans l’Hexagone ou à l’étranger. Ne restent sur place que les personnes âgées et les plus défavorisées, qui ne peuvent ni s’expatrier, ni créer de l’activité sur place.

La baisse de la natalité qui en résulte entraîne à son tour une chute de la population en âge scolaire et une attrition de l’offre de formation, tout particulièrement pour les spécialités rares, au lycée ou en post-bac, qui ne peuvent plus être satisfaites – ou de façon très segmentée, ce qui renvoie à la problématique de l’accès aux établissements évoquée ci-dessus – parce que la demande est numériquement trop faible.

La contraction de l’offre de formation post-bac est particulièrement problématique pour les places en BTS, qui sont insuffisantes pour accueillir les bacheliers des filières professionnelles (à la Martinique, 50 % des demandes d’affectation ne sont pas satisfaites), alors même que de nombreuses familles n’ont pas les moyens d’envoyer les enfants dans l’Hexagone pour poursuivre leurs études et que les territoires manquent de professionnels qualifiés de niveau bac+2. Ces jeunes se retrouvent donc, comme dans l’Hexagone, à l’université, où ils échouent à obtenir leur licence.

Pour autant, le départ vers l’Hexagone n’est pas toujours bien vécu car, outre le coût important que cela représente pour les familles, de nombreux jeunes ont beaucoup de mal à s’y épanouir en raison du déracinement, de l’éloignement familial, de l’isolement, de la différence de climat et de culture.

● Des difficultés du même ordre touchent les enseignants d’origine antillaise, pour lesquels une carrière « au pays » est quasiment impossible, alors même que la nécessaire adaptation du système éducatif aux spécificités des territoires serait facilitée par le recrutement d’enseignants formés sur place.

En effet, la Guadeloupe et la Martinique sont toutes deux dotées d’une École supérieure du professorat et de l’éducation (ESPÉ) rattachée à l’université des Antilles, qui permet de former les futurs enseignants du premier et du second degrés.

Malheureusement, une fois le concours réussi, en raison de la baisse démographique touchant la population en âge scolaire, la plupart des nouveaux enseignants doivent quitter le territoire pour prendre leur premier poste dans l’Hexagone. À titre d’illustration, le SNETAA-FO Martinique a ainsi indiqué aux rapporteurs qu’en 2014, sur 37 stagiaires de l’académie de Martinique ayant réussi le concours de professeur de lycée professionnel, seuls 4 ont été affectés sur place.

Outre les problèmes humains que ces départs forcés provoquent – et qui sont encore plus aigus pour les contractuels qui réussissent le concours après avoir enseigné sur place pendant des années et donc souvent fondé une famille –, les conséquences sur le système éducatif sont loin d’être neutres :

– moindre capacité d’innovation et de compréhension des spécificités locales puisque les néo-titulaires formés sur place sont obligés de partir, alors que les ESPÉ pourraient constituer un outil puissant d’évolution pédagogique et de meilleure prise en compte des spécificités locales ;

– moindre renouvellement des enseignants susceptibles d’intervenir dans les ESPÉ de Guadeloupe et de Martinique ;

– forte insatisfaction des enseignants concernant la gestion des demandes de mutation, notamment pour le retour au pays ;

– difficultés de calibrage des effectifs nécessaires, qui compliquent notamment la gestion des remplacements, souvent assurés par des contractuels.

4.   Revoir la carte des établissements et le zonage de l’éducation prioritaire ?

La question est revenue à plusieurs reprises dans les échanges entre les rapporteurs et les représentants des personnels : pourquoi ces deux territoires d’outre-mer, et plus particulièrement la Guadeloupe, ne bénéficient-ils pas d’un plus grand nombre d’établissements classés en zone d’éducation prioritaire, et notamment en REP+ ?

Pour la FSU Guadeloupe, alors que les données socio-économiques ([10]) de la Guadeloupe et de la Martinique sont 2 à 3 fois plus mauvaises que celles de la Seine-Saint-Denis, le taux de collégiens en Éducation prioritaire est de 28,14 % à la Guadeloupe, 45,54 % à la Martinique et de 83,2 % en Seine-Saint-Denis…

Plus globalement, on peut effectivement s’étonner que le taux d’élèves en REP+ à la Guadeloupe (5,4 % en primaire et 4,6 % en secondaire) soit inférieur à la moyenne nationale (7,6 % en primaire et 6,9 % en secondaire) ([11]), alors que les difficultés économiques et sociales sont beaucoup plus accusées, comme montré dans la première partie de ce rapport.

Pour les acteurs de l’éducation, la révision du zonage des établissements pourrait constituer un atout essentiel pour redonner au système éducatif Antillais les moyens de s’adapter aux besoins des territoires, d’agir de façon ciblée sur les causes de l’échec scolaire et de soutenir efficacement la réussite de tous les élèves.

B.   …qui nÉcessitent Des solutions éducatives adaptées et innovantes

1.   Favoriser la réussite éducative

Aux Antilles comme dans l’Hexagone, les diplômes sont la meilleure assurance des jeunes contre le chômage et l’exclusion. C’est pourquoi les personnels et chefs d’établissements rencontrés par les rapporteurs ont eu à cœur de leur présenter, au-delà des dispositifs existant au niveau national (comme les Groupes de prévention du décrochage scolaire, les parcours aménagés de formation initiale, les réseaux FOQUALE, etc), la diversité des initiatives prises localement pour lutter contre le décrochage, mais aussi pour valoriser les capacités et les performances des jeunes, améliorer le vivre ensemble et le caractère inclusif de l’école, et mieux associer les familles au parcours scolaire de leurs enfants.

Les rapporteurs ont souhaité évoquer ici quelques-unes des expériences qui leur ont été présentées.

 

Le LYORIN, expérience de « Micro-Lycée »
au Lycée polyvalent La Jetée du François en Martinique

Créé en septembre 2014, le LYORIN – lycée orientation et insertion – est destiné à des jeunes de 16 à 20 ans sortis du système scolaire depuis plus d’un an sans qualification. L’objectif est de leur permettre de préparer une formation et d’obtenir une qualification conduisant à l’emploi en travaillant sur le retour de la confiance et de l’estime de soi, ainsi que sur la construction d’un projet personnel.

Le jeune signe un engagement envers l’institution (assiduité, participation aux ateliers, engagement de respect). En contrepartie, il bénéficie d’un dispositif sur mesure, ajusté à ses difficultés et à ses besoins.

Chaque année scolaire, les jeunes sélectionnés sont intégrés pendant 20 semaines dans un dispositif organisé en ateliers qui comprennent des modules de remotivation, de coaching et de développement des compétences psycho‑sociales, des modules d’enseignements disciplinaires, des ateliers autour de l’utilisation des outils numériques, un module spécifique lié à un projet de groupe et des sessions d’orientation avec des partenaires extérieurs. Les jeunes sont inscrits aux examens (CAP, BEP, bac pro) en fonction de leur situation personnelle. Cette formation dans les locaux du lycée est complétée par des stages qui peuvent être de longue durée pour permettre au jeune de confirmer son choix de poursuite d’études ou de réorientation.

Pour l’année 2016-2017, sur les 12 élèves accueillis, 5 élèves sont revenus en formation (CAP et bac pro), 3 sont en accompagnement sur un projet professionnel, 2 ont été réorientés et 2 ont trouvé du travail.

Les activités sportives de haut niveau et pré-professionnelles proposées à la Cité scolaire d’excellence des Abymes, à la Guadeloupe, couplée au CREPS Antilles-Guyane, ou par les pôles sportifs tels que les pôles football et handball visités au François, à la Martinique, offre aux jeunes un cadre exigeant mais motivant pour prouver leur engagement et leur détermination à atteindre le meilleur d’eux-mêmes, aussi bien dans leur discipline sportive que dans leur réussite scolaire.

Mais le sport permet aussi de créer du lien avec les familles, comme dans l’expérience conduite au François, en Martinique, avec la fédération d’athlétisme du sport scolaire, qui a organisé, le samedi matin, des ateliers de pratique sportive pour les enfants de CM2 et leurs parents, animés par les professeurs de sport du collège, les collégiens bénévoles de la section athlétisme et un psychologue nutritionniste : une belle occasion de développer le goût de l’effort autour de la pratique sportive en famille, d’échanger sur le « métier de parent d’élèves » et de faire passer des messages d’hygiène de vie et d’alimentation, dans des territoires où la prévalence du surpoids est particulièrement élevé.

Il en est de même pour les enseignements artistiques, comme la classe à horaires aménagés musique (CHAM) visitée par les rapporteurs à Pointe-à-Pitre au collège Nestor de Kermadec, classé en REP+ : la joie des élèves à exprimer leurs talents, comme la fierté des professeurs devant la qualité du travail accompli ont confirmé, s’il en était besoin, les effets très positifs des formations artistiques et culturelles pour permettre une autre relation à l’école et aux apprentissages. À la Martinique, la pratique du Bèlè – art traditionnel mêlant chant, danse, et tambour – est enseignée de la maternelle au lycée et 400 jeunes prennent l’option EPS-Bèlè au bac. Véritable fondement de l’identité culturelle Martiniquaise, le Bèlè permet de tisser des liens intergénérationnels forts tout en véhiculant les valeurs éducatives et citoyennes de la République.

 – Un Conseil académique de l’éducation artistique et culturelle a même été mis en place à la Guadeloupe pour faciliter les échanges et le développement de projets en coopération entre l’éducation nationale et les acteurs artistiques et culturels locaux. Comme l’a expliqué une cheffe d’établissement à la Guadeloupe, la culture est un élément d’apaisement dans les établissements difficiles, qui renforce l’identité du collège ou du lycée et offre des espaces d’expression différents aux élèves en difficulté. La pratique artistique permet de redonner confiance aux jeunes et de contribuer au bien-être dans l’établissement.

Enfin, les dispositifs d’engagement civique des jeunes au service de la collectivité (comme les « cadets » de la République, de la sécurité civile ou de la défense) ou de jeunes en difficulté (les « élèves pairs » formés en Martinique par la gendarmerie et la police pour jouer un rôle de médiateur) permettent aussi de valoriser les élèves et de leur donner confiance à travers un rôle social utile et reconnu.

2.   Adapter l’orientation et l’offre de formations aux spécificités des territoires

Comme dans l’ensemble des académies, l’accompagnement de l’orientation des élèves est essentiel pour leur permettre de s’épanouir dans leurs études et de trouver un emploi qui correspondent à leurs aspirations et à leurs qualifications. Toutefois, aux Antilles, le système éducatif doit, plus qu’ailleurs compte tenu du contexte économique et social difficile, accompagner l’ambition des familles contre les déterminismes sociaux en développant des actions d’information des parents, et aider les élèves à choisir leur parcours scolaire et de formation sans peur et sans préjugés.

Ainsi, le projet académique de Guadeloupe prévoit l’organisation d’ateliers thématiques d’orientation dans les établissements, en renforçant le lien avec les CIO, l’université et le monde professionnel. À la Martinique, 4 sessions de formation sont organisées régulièrement au lycée pour permettre aux élèves de choisir la bonne orientation post bac.

Comme l’a souligné le chef du service de l’orientation au rectorat de la Martinique, il faut parfois développer des stratégies différenciées selon le sexe car les garçons ont besoin de plus de soutien et d’accompagnement pédagogiques pour réussir dans le secondaire, alors que les filles sont plus performantes jusqu’au bac mais doivent être stimulées dans leur ambition à poursuivre des études supérieures.

Comme dans l’Hexagone, les bacheliers professionnels ont besoin d’un soutien particulier – à la fois pédagogique et social – pour passer le cap de l’enseignement supérieur et réussir en BTS. C’est dans cet esprit que le lycée Carnot de Pointe-à-Pitre, à la Guadeloupe, a mis en place pour la première fois à la rentrée 2017 une classe « prépa-pro », destinée à accompagner les élèves dans leur orientation et leurs choix de formation supérieure. À la Martinique, le rectorat propose de soutenir, par l’octroi d’heures supplémentaires (HSE), les lycées qui mettent en place des programmes d’accompagnement et de soutien pour les élèves des filières professionnelles souhaitant intégrer des BTS après le bac.

Dans le contexte, évoqué supra, de difficulté à se former et à travailler au pays, il est essentiel de réfléchir globalement à la planification des formations proposées – aussi bien avant qu’après le bac, dans les filières générales et technologiques mais également professionnelles – afin de les adapter aux capacités et perspectives d’emplois dans les territoires.

Un travail a ainsi été engagé par la rectrice de la Martinique avec le MEDEF et Pôle emploi et un projet de campus des métiers est en cours d’élaboration. À la Guadeloupe, le rectorat s’efforce de rééquilibrer l’offre de formation sur les territoires en s’appuyant sur les orientations arrêtées par le Comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle, avec pour objectif de favoriser l’élévation des niveaux de qualification et la préparation aux métiers d’avenir.

L’UNSA Martinique propose de son côté de créer un observatoire de la réussite de l’éducation et des formations, afin d’identifier les filières les plus porteuses, ainsi que les impasses et les manques.

Mais il faut également motiver au quotidien les entreprises, notamment par le biais de conventions de partenariat avec les acteurs locaux, afin qu’elles offrent aux jeunes de meilleures possibilités de stages et de formation en alternance.

De nombreux interlocuteurs l’ont répété aux rapporteurs : la Guadeloupe et la Martinique ont besoin de formations spécialisées de haut niveau disposant de moyens adaptés aux contraintes des territoires (comme notamment des internats), des « pôles d’excellence professionnelle » correspondants aux bassins d’emplois et aux évolutions technologiques.

Chacun dans leur domaine, le lycée des métiers de l’hôtellerie et du Tourisme du Gosier à la Guadeloupe ou le lycée des arts appliqués et du numérique Victor Anicet de Saint Pierre, à la Martinique, illustrent la capacité de ces territoires à mettre en place des établissements d’enseignement performants et ambitieux, ancrés dans les enjeux économiques et professionnels du XXIe siècle et susceptibles de former des jeunes professionnels compétents et utiles au développement économique de leur île.

La motivation et l’ambition des professionnels de l’éducation doit donc désormais rencontrer l’engagement des acteurs locaux, publics et privés, pour développer des formations innovantes, performantes et adaptées aux besoins des territoires et à l’appétence des jeunes Antillais.

Bien que vivant dans un contexte multilingue (français et créole) et un environnement caribéen d’une grande diversité linguistique (anglais, espagnol, portuguais), les jeunes Antillais ont aujourd’hui une maîtrise insuffisante de la pratique des langues étrangères. Or, compte tenu du contexte économique difficile de ces deux territoires, la mobilité – qu’elle soit physique ou virtuelle – constitue désormais une clé indispensable pour la réussite éducative et professionnelle.

C’est pourquoi le développement de l’enseignement des langues dès le primaire – en faisant par exemple intervenir en classe des parents anglophones ou hispanophones – et la diversification de l’offre de langues vivantes au second degré, notamment dans la filière professionnelle, apparait comme une priorité pour de nombreux acteurs éducatifs en Martinique et Guadeloupe. Ainsi, le lycée de la Jetée, au François à la Martinique, a le projet de mettre en place une classe européenne (français/anglais) pour son bac professionnel « restauration », développé en partenariat avec l’école Ferrandi, et de poursuivre avec la création d’un BTS.

Au-delà, l’idée d’impulser, sur le modèle de l’Erasmus européen, un « Erasmus caribéen » qui permettrait aux étudiants de toutes les filières d’effectuer une partie de leurs études dans les pays voisins de la Caraïbe, mais aussi de l’Amérique latine toute proche, voire en Floride, a plusieurs fois été évoquée lors des échanges avec les rapporteurs. C’est effectivement une idée séduisante par son bon sens et son ambition, qui mérite l’intérêt et le soutien du gouvernement français.

3.   « Réussir autrement » : le Service militaire adapté (SMA)

Créé en 1961 et rattaché au ministère des Outre‑mer, le SMA est un dispositif militaire d’insertion socioprofessionnelle destiné aux jeunes ultramarins, âgés de 18 à 25 ans. Il a pour mission principale de faciliter l’insertion dans la vie active de jeunes adultes volontaires, parmi les plus éloignés de la qualification et du marché de l’emploi.

Ce dispositif permet d’apporter une réponse ciblée à l’exclusion, au chômage, à la désocialisation et à l’illettrisme des jeunes et de fournir aux entrepreneurs du territoire des collaborateurs qui auront su développer le goût de l’action et de l’effort, le sens du travail bien fait, de la hiérarchie, de la discipline et de la solidarité.

Chaque stagiaire doit ainsi acquérir une « compétence sociale », c’est‑à‑dire une certaine aisance à évoluer dans le monde du travail. C’est pourquoi, outre une formation militaire de base, chaque stagiaire reçoit :

– une instruction de conduite avec présentation au permis,

– une formation aux gestes de premiers secours,

– une remise à niveau scolaire.

Il reçoit également une formation professionnelle pour développer ses savoir-faire afin d’acquérir une compétence professionnelle dans des domaines présentant localement de forts débouchés.

Les unités du SMA constituent par ailleurs une capacité permanente d’intervention dans le cadre de plans d’urgence et de secours, en renfort des forces armées (comme par exemple pour le plan Cyclone). Elles sont alors placées sous les ordres des Commandants supérieurs de zone. Elles peuvent également contribuer à la mise en valeur des collectivités d’Outre-mer par des chantiers pratiques externes au profit de l’État, des collectivités ou des associations reconnues d’intérêt public.

Déployé en Martinique, Guadeloupe, Guyane, à la Réunion, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie et Polynésie française, ainsi qu’à Périgueux en Dordogne, avec un détachement dédié à la mobilité et à la formation, le SMA a accueilli environ 6 000 jeunes en 2017.

Lors de leur court séjour en Guadeloupe, les rapporteurs ont eu la chance de visiter le régiment du SMA déployé au camp de la Jaille à Baie Mahault, près de Pointe‑à‑Pitre.

En 2016, le régiment a accueilli 828 volontaires stagiaires ([12]), dont 29 % de jeunes femmes, et employé 190 volontaires techniciens pour une première expérience professionnelle. Globalement, un jeune guadeloupéen sur huit passe par le RSMA.

Les volontaires stagiaires sont recrutés tous les mois pour des formations de 6 mois à un an ; ils sont logés sur place et vivent comme dans un régiment. Ils reçoivent 344 € et les volontaires techniciens entre 700 et 1 100 € par mois.

Les formations proposées concernent 33 métiers relevant de dix domaines de formation : bâtiment ; mécanique ; métiers de la terre ; mobilité ; restauration ; sécurité ; tertiaire ; tourisme ; transport et logistique ; travaux publics. Ces formations ne débouchent pas directement sur des diplômes mais sur des qualifications consacrées par l’obtention d’un Certificat d’aptitude personnelle à l’insertion (CAPI) reconnu et apprécié par les employeurs locaux. En 2016, le taux de réussite au CAPI s’est élevé à 89 %.

Le taux d’insertion est quant à lui de 82 %, dont 49 % en emploi durable, 25 % en emploi de transition (CDD de moins de 6 mois) et 25 % en sortie « positive » (qui comprennent les reprises de formation qualifiante). L’insertion se fait à 84 % sur le territoire local.

Le coûts des formations dispensées par le RSMA de Guadeloupe s’est élevé à près de 700 000 euros en 2016 et est financé à 85 % par des fonds européens.

Véritable « carrefour de la réussite » pour les jeunes de Guadeloupe, le RSMA est très apprécié par les familles et les socio-professionnels et joue un rôle historique et reconnu dans le développement du territoire, en bonne concertation avec les partenaires institutionnels et privés locaux. Les rapporteurs ont été très favorablement impressionnés par leur visite et leurs échanges avec les jeunes stagiaires et saluent ici l’engagement des militaires et des civils parties-prenantes à la réussite de cette belle mission.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des Affaires culturelles et de lÉducation a examiné le présent rapport lors de sa réunion du mercredi 31 janvier 2018 et a donné, à lunanimité, un avis favorable à sa publication.

 

Cette réunion n’a pas fait l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée à l’adresse suivante :

http://www.assemblee-nationale.tv/video.5481474_5a717cede4b96.commission-des-affaires-culturelles--relations-entre-l-ecole-et-les-parents--rentree-scolaire-a-la-31-janvier-2018

 

 


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   annexe n° 1 :
programme de la mission

 

Dimanche 3 septembre 2017

17h55 Atterrissage de la délégation à l’aéroport de Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe

18h Accueil par le Sous-préfet de Pointe-à-Pitre, Monsieur Jean-Michel JUMEZ

18h20 Départ vers l’hôtel

 

Lundi 4 septembre 2017 : jour de la rentrée

7h30  Petit-déjeuner au rectorat Avec M. Camille GALAP, recteur de l’Académie de Guadeloupe et Mme Nicole DUPUY, directrice de cabinet

9h Visite de l’École maternelle et élémentaire Raymonde Bambuck

09h30 Visite des Collèges Carnot et Nestor de Kermadec

11h Visite du Lycée Carnot

 (retour au rectorat)

12h30  Rencontre avec les représentants des parents d’élèves

 MM. Jean-Claude MACCES et Michel GEDEON (FAPEG) ; M. Raymond ARTIS et Mme Gilberte FRENAY (FCPE) ; Mme Catherine ROMUALD, M. Willy FRANCILLETTE et Mme Sandra ROCH (APEL)

14h Rencontre avec les syndicats des enseignants et personnels

 MM. Joël JACOBSON, Teddy BEHARY, Gustave BYRAM et Georges LAUMUNO (UNSA-éducation) ; MM. Steew ANAIS et Marie-Émîle MIRVAL, Mme Marie-Laure ERAMBERT, M. Frédéric GIRARDIN (SPEG) ; MM. Guillaume MARSAULT, Emmanuel ROUBLOT et Eddy SEGUR (FSU) ; Mme Marie-Christine CHALAT, MM. Robert AMEDIEN et Claude EDMOND, Mmes Laure FORDANT, Véronique THENARD et Elen KARRAMKAN (FNEC-FO)

15h15 Rencontre avec les représentants des chefs d’établissement

 Mmes Odîle DERUSSY, Firmine GUAYROSO et Annick SOLVAR-DESIRÉE (ID-FO) ; Mme Dinah CESARUS, M. Jean DARTRON et Mme Suzy SAMÉ (SNPDEM-UNSA)

 

17h  Visite du Mémorial ACTe

 En présence de MM. Jacques MARTIAL, Président du MACTe et Thierry LÉtang, directeur scientifique et cutlurel, et de M. Pierre-Gil FLORY, directeur adjoint de la Direction des affaires culturelles de la Guadeloupe

Mardi 5 septembre 2017 :

Programme raccourci et départ anticipé de 24 heures en raison du passage du cyclone Irma

9h Visite du RSMA Guadeloupe

 Accueil par le Chef de corps Sébastien PELISSIER et le directeur des opérations, le chef de bataillon Guillaume LARABI

 Présentation de plusieurs espaces de formation et ateliers ; échanges avec les formateurs et les jeunes recrues ; déjeuner au self-service du régiment

13h15 Départ pour la Martinique

14h Arrivée à l’aéroport Martinique-Aimé Césaire

 Transfert à la résidence préfectorale

15h Entretien avec M. Denis PRECARD, directeur-adjoint de cabinet du Préfet et M. David URSULET, directeur de cabinet de Mme la rectrice – finalisation du programme

 

mercredi 6 septembre 2017

7h30   Petit déjeuner à la résidence avec M. Franck ROBINE, préfet de la Martinique

8h30  Départ pour le Rectorat

9h Rencontre avec Mme Béatrice CORMIER, Rectrice de l’académie de Martinique

9h30 Rencontre avec Mme la députée Josette MANIN

10h15 Entretien avec le directeur de la pédagogie, Benoît M. THIERRY

11h30 Entretien avec le chef du service d’information et d’orientation, M. Louis-Georges LEDOUX

13h Déjeuner

15h00 Entretien avec le Délégué académique aux arts et à la culture M. Manuel CESAIRE

16h30 Rencontre avec les représentants des parents d’élèves

 Mme Dinia BOBI, MM. Emmanuel MARIE-REINE, Bruno DANIEL et Raymond ARTIS (FCPE) ; MM. Gérard LAGUERRE et Claude NICOLE (UPEM)

18h Point de situation à la préfecture sur le passage du Cyclone Irma

20h Dîner de travail à la résidence avec M. le Préfet, Mme la Rectrice et M. Guillaume DESLANDES, adjoint au directeur des affaires culturelles

 

Jeudi 7 septembre 2017

8h15  Départ vers Saint-Pierre

9h15 Visite du LPO Victor Anicet, spécialisé en arts appliqués et numérique

 Visite des ateliers (MAVI, STD2A, MANAA, BTS design graphique, arts plastiques), échange avec les étudiants et les équipes

12h30 Déjeuner de travail avec Mme la Rectrice et son directeur de cabinet

14h Visite de l’école maternelle et primaire Berteau Marie-Rose, au Lorrain (école isolée en zone rurale)

 Rentrée en musique ; CP dédoublé ; classe multi-niveaux

15h30 Départ vers le François

16h30 Visite du LPO La Jetée

 Hall des sports : pôles sportifs Handball et Football

 Visite de létablissement et échange avec les équipes

18h Rencontre avec les représentants des chefs d’établissements

 Mme Pascale MAITRE, M. Marc SEFIL, Mmes Marie-Line FAMEL, MarieClothilde HARDY-DESSOURCES, Line CAPGRAS-LABRUN et RoseMarie MELAN (SNPDEN-UNSA) ; Mme Tania CARMINET-CUANDU, MM. Raymond ALGER et Alain THEODORE, Mme Patricia RENE-CORAIL, M. Marc-Philippe MONGIS (ID-FO)

19h30 Fondation Clément : vernissage de deux expositions consacrées à deux artistes martiniquais décédés : Alexandre Bertrand et Joseph René Corail dit Khokho.

 

Vendredi 8 septembre 2017

8h30  Entretien avec M. Antoine KAKOUSKY, secrétaire général d’académie

09h Rencontres avec les syndicats des enseignants et personnels

 UNSA-éducation : Mmes Mireille JACQUES, Marie-Michelle TOUSSAINT, Sandra SYMPHOR, Marie-Clothilde HARDY-DESSOURCES et Marie-Hélène TELLE, M. Charles-Christophe JEAN-LOUIS, Mmes Marie-Lyne BAZILIE et Magali CAROTINE

9h45 FSU : M. Serge BLACLET, Mme Régine BELLAY, M. Gilles GAUDION, Mmes Valérie VERTALE-LORIOT et Christelle RETORY, MM. Manuel GHUNAIM et Roger NTLIMA

10h30 SNETAA-FO : MM. Frantz CABRERA, René RICHER et Jocelyn PRESENT

11h MM. Jocelyn JAUBERT (CSTM) et Patrick JEAN-BAPTISTE (UGTM)

12h Interview à Radio Caraïbes

12h45 Visite de la bibliothèque Schœlcher à Fort de France

 Entretien avec Mme Lyne-Rose BEUZE, directrice des musées de la Collectivité territoriale de Martinique, directrice par intérim des bibliothèques

18h30  Départ pour Paris

 


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   Annexe n° 2 :
Carte de la Guadeloupe

 

http://www.larousse.fr/encyclopedie/data/cartes/1300213-Guadeloupe.HD.jpg

Source : http://www.larousse.fr/encyclopedie/cartes/Guadeloupe/1300213


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   Annexe n° 3 :
Carte de la MARTINIQUE

 

http://www.larousse.fr/encyclopedie/data/cartes/1300260-Martinique.HD.jpg

Source : http://www.larousse.fr/encyclopedie/cartes/Martinique/1300260


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   Annexe n° 4 :
les conséquences du cyclone irma
sur l’éducation nationale à Saint Martin

La présente annexe reproduit une note rédigée par les services de l’éducation nationale de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

 

Propositions pour un plan de reconstruction
des établissements scolaires de Saint-Martin ([13])

 

I - La situation avant IRMA

  1. Les établissements

21 établissements scolaires à Saint-Martin :

Les établissments scolaires de Saint-Martin

[Consulter la carte interactive]

- 1 lycée professionnel,

- 1 lycée général et technologique intégré dans la cité scolaire Robert Weinum avec le collège,

- 4 collèges dont 1collège intégré dans la cité scolaire Robert Weinum avec le LGT,

- 16 écoles dont 6 écoles maternelles, 7 écoles élémentaires et 3 écoles primaires (maternelle + élémentaire).

 

  1. Les effectifs

     Les constats depuis 2010

 

Ce graphique montre que les effectifs des collèges publics à Saint-Martin sont très stables entre 2010 et 2016, alors que dans le même temps les effectifs des lycées publics ont augmenté de 19,7%, faisant passer le nombre de lycéens de 1 320 à 1 580 en 6 années. Cependant cette augmentation ne compense pas la baisse importante dans le premier degré, où les effectifs sont passés de 5 287 à 4 581 entre 2010 et 2016, soit une baisse de 706 élèves (-13,3%). 

     Les prévisions pour 2017

On peut estimer que, sans le passage du cyclone IRMA, il y aurait eu :

- 4 500 élèves dans le 1er degré,

- 4 160 élèves dans le 2nd degré avec le post-bac,

soit un total de 8 660 élèves  attendus à la rentrée 2017.

II - La situation après IRMA

  1. Les établissements

Les 21 établissements scolaires ont tous été impactés par le cyclone IRMA, certains très fortement.

Le 6 novembre 2017, deux mois après IRMA nous pouvons faire le constat suivant :

Quinze établissements scolaires sur 21 ont pu rouvrir dans leurs locaux. Ces 15 établissements nécessitent des travaux – pour certains importants et urgents  afin de pouvoir utiliser la totalité de leurs locaux et en toute sécurité. Il sagit :

Pour les EPLE :

  1. Le lycée professionnel des îles du Nord
  2. Le collège de Quartier d’Orléans
  3. La cité scolaire Robert Weinum (travaux + installation d’au moins 4 structures de type Algeco)
  4. Le collège Mont-des Accords

Pour les écoles :

  1. L’école élémentaire Elie Gibs
  2. L’école élémentaire Aline Hanson
  3. L’école élémentaire Omer Arrondel
  4. L’école élémentaire Clair sain-Maximin
  5. L’école élémentaire Marie-Amélie Leydet
  6. L’école maternelle Jean Anselme
  7. L’école maternelle Eliane Clarke
  8. L’école maternelle Evelina Halley
  9. L’école élémentaire Hervé Williams
  10. L’école élémentaire Émile Choisy
  11. L’école primaire  Marie Antoinette Richards

 Six établissements scolaires sont hébergés dans un des 15 établissements scolaires ouverts :

  1. L’école maternelle Siméonne Trott (Concordia) est hébergée à l’école maternelle Evelyne Halley (Concordia),
  2. L’école maternelle Jérôme Beaupère (Sandy Ground) est hébergée à l’école élémentaire Aline Hanson (Sandy Ground),
  3. L’école maternelle Ghislaine Rogers (Grand-Case)  est hébergée par l’école élémentaire (Elie Grand Case),
  4. L’école élémentaire Nina Duverly (Marigot/Concordia) est hébergée à l’école élémentaire Hervé Williams (Concordia),
  5. L’école primaire (maternelle et élémentaire) Emile Larmonie (Cul-de-Sac) est en partie hébergée à l’école maternelle Eliane Clark (Quartier d’Orléans) et en partie à l’école primaire Marie-Antoinette  Richards (Rambaud),
  6. Le collège Soualiga (Cul-de-Sac) est hébergé à la cité scolaire Robert Weinum (La Savane).

Pour ces établissements scolaires, des rotations matin/après-midi ont été mises en place, ce qui ne va pas sans poser plusieurs problèmes, mais il n’y avait pas d’autres solutions si on voulait répondre à la demande du Président de la République et du ministre de l’éducation nationale.

 Trois autres établissements scolaires ne pourront pas rouvrir :

- l’école Nina Duverly à Marigot qui ne serait pas aux normes parasismiques et pour laquelle la COM ne souhaite pas engager des travaux,

- l’école Émile Larmonie et le collège Soualiga, à Cul-de-Sac, qui ont été en grande partie détruits et de toute façon sont construits sur des zones à risques.

Le 22 janvier 2018, la situation aura un peu évolué puisque l’école maternelle Simeonne Trott rouvrira en partie. Par ailleurs, les élèves de l’école élémentaire Niva Duverly seront répartis, après accord des parents, dans les autres écoles de Concordia ce qui permettra de supprimer les rotations dans ce secteur à la satisfaction de tous.

 

  1. Les effectifs

     Les constats en novembre-décembre 2017

Les constats effectués les 6 et 7 novembre 2017, deux mois IRMA, ont montré une perte sensible des effectifs. Mais trois semaines après le comptage effectué lors de la rentrée des vacances de Toussaint, on notait une évolution très sensible avec, au 30 novembre, 75% des élèves présents dans le 2nd degré (collèges et lycées) par rapport au nombre d’élèves attendus et 73% dans le 1er degré.

En janvier 2018, le pourcentage de présence a continué de progresser puisque les effectifs ont augmenté de 5% en moyenne depuis fin novembre 2017 :

- de 72,9% à 77,6%, dans le premier degré,

- de 74,8% à 79,6% dans le second degré.

Au total, dans les établissements scolaires publics de Saint-Martin, 6 693 élèves sont actuellement présents sur 8 519 initialement attendus soit 78,6 %.

 

     Les prévisions pour 2018 et après

Les prévisions pour la rentrée 2018 faites à ce jour avec les responsables d’établissement donnent 3 600 élèves attendus dans le 1er degré et 3 800 dans le 2nd degré, soit une baisse sensible dans le 1er degré – qui correspond en partie à l’évolution démographique observée avant Irma – et une diminution plus faible dans le 2nd degré compte tenu de l’augmentation des poursuites d’études.

Si on essaie de faire des projections sur plusieurs années, indispensables pour calibrer le réseau scolaire, et malgré les incertitudes, on peut considérer que les établissements de Saint Martin doivent être en capacité d’accueillir à terme environ 4 000 élèves dans le 1er degré et 4 000 élèves dans le 2nd degré.

 

III – Des propositions pour un plan de reconstruction

Partant de ces constats et de ces hypothèses, un plan d’action peut-être proposé :

Pour le 2nd degré :

- La cité scolaire Robert Weinum deviendrait seulement un lycée général et technologique denviron 900 élèves et pourrait accueillir tous ses élèves, ce qui n’était pas possible avant IRMA.

- Un collège 900 serait construit pour accueillir à la fois les élèves du collège Soualiga (estimation entre 500 et 600 élèves) et les élèves du collège Robert Weinum (estimation 300 élèves). Ce collège pourrait être construit à côté du LGT Robert Weinum à La Savane, quartier central entre le Quartier d’Orléans et Marigot/Concordia. La construction de ce collège est urgente ([14]) car la cité scolaire peine déjà à accueillir, par manque de place, les élèves du LGT + post-bac et les élèves de deux collèges.

Il y aurait donc à Saint-Martin :

1 LGT pour environ 850 élèves dont ceux en BTS et 1 LP avec environ 800 élèves

3 collèges denviron 850 élèves à Mont-Des-Accords, denviron 850 élèves à la Savane (si ce lieu est retenu) et denviron 600 élèves à Quartier dOrléans

 

 

Pour le 1er degré :

- Les élèves de lécole élémentaire Nina Duverly (300 élèves attendus) seront répartis dans les autres écoles de Concordia, ce qui éviterait une reconstruction de cette école.

- Pour les autres écoles, si les 3 écoles maternelles Siméonne Trott (280 élèves attendus avec les TPS), Jérôme Beaupère (240 élèves attendus avec les TPS) et Ghislaine Rogers (210 élèves attendus avec les TPS) sont réhabilitées dans leur intégralité avant la rentrée 2018, il resterait à étudier lavenir de lécole primaire Émile Larmonie (250 élèves attendus dont 80 élèves de maternelle).

- Si lon considère que lécole primaire Émile Larmonie ne récupèrera quenviron 80 % de ses élèves, soit environ 200 élèves, on ne peut pas envisager de les répartir dans les écoles maternelle G. Rogers et E. Gibs de Grand-Case, les plus proches. Dès lors, la construction dune nouvelle école primaire (maternelle + élémentaire) simpose. La question du lieu se pose également. Hope State ou La Savane pourraient être des lieux intéressants.

Il y aurait donc à Saint-Martin 15 écoles dont :

- 6 écoles maternelles pour environ 1 300 élèves,

- 6 écoles élémentaires pour environ 2 200 élèves,

- 3 écoles primaires (maternelle + élémentaire) pour environ 700 élèves.

*

En conclusion, nous passerions ainsi de 21 établissements scolaires à 20, dont 2 seraient à reconstruire entièrement sur un autre lieu. Ces 20 établissements pourraient accueillir un peu plus de 8 000 élèves. Mais ce plan de reconstruction ne peut être envisagé que si les autres établissements scolaires sont réhabilités dans leur intégralité, ce que la COM ne pourra pas faire seule vu l’importance des travaux à réaliser.

Le plan de reconstruction devrait donc intégrer la construction de deux nouveaux établissements scolaires ET la réhabilitation des autres établissements scolaires avec une organisation et des financements qui dépasseraient largement la seule responsabilité de la COM.

Un premier chiffrage a été fait avec l’appui des services ministériels. Il est encore très approximatif, faute d’évaluation précise du coût des réparations en cours d’expertise par la COM. Il donnerait une enveloppe globale de l’ordre de 50 millions d’euros sur la base de 30 millions d’euros pour un collège 900, de 3 à 5 millions d’euros pour une école (en fonction du nombre de classes) et 15 millions d’euros pour les réparations, soit un forfait de 1 million d’euros par établissement.

Il conviendra de définir assez vite ce que peut être l’apport de l’État au plan de reconstruction des établissements scolaires de St Martin.

 

 

À Saint-Martin, le 12 novembre 2017

Réactualisé le 4 décembre 2017

Réactualisé le 19 janvier 2018

 

Michel SANZ

IA-DAASEN de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin


([1]) Source : PopulationPyramid.net

([2]) Les modèles familiaux dans les Dom : entre bouleversement et permanences, de Claude-Valentin Marie et Didier breton – in Politiques familiales et sociales, n° 119, mars 2015.

([3]) Ibid.

([4]) http://eduscol.education.fr/cid52346/agir-contre-illettrisme.html

([5]) http://www.education.gouv.fr/cid58761/journee-defense-et-citoyennete-2016-environ-un-jeune-francais-sur-dix-en-difficulte-de-lecture.html

([6]) Selon Jean Bernabé, décédé en 2017, ancien doyen de la Faculté des lettres et sciences humaines de l’université des Antilles et de la Guyane et créateur du Groupe d’Études et de Recherches en Espace Créolophone et Francophone.

([7]) Contrats uniques d’insertion (CUI) et contrats d’accès à l’emploi (CAE).

([8]) Plus de 40 conventions signées à la rentrée 2017 : cf. http://www.education.gouv.fr/cid115905/l-education-nationale-engagee-en-faveur-d-une-ecole-rurale-de-qualite.html

([9]) À la Martinique, 1/3 des bacheliers va poursuivre ses études en métropole.

([10]) Taux de chômage, notamment chômage des jeunes, part des familles monoparentales, revenu de référence, taux de RSA, taux d’illettrisme à 17 ans.

([11]) Chiffres DEEP – Ministère de l’Éducation nationale.

([12]) 20 ans de moyenne d’âge ; dont 51 % sans diplôme professionnel ou technologique et 41 % sans aucun diplôme ; dont 35 % illettrés de niveau 1 ou 2.

([13]) Concernant Saint-Barthélemy, nous devons considérer que les établissements scolaires ont été réhabilités dans leur intégralité.

([14]) S’il paraît difficile d’envisager un nouveau collège à la rentrée 2018, il faudra dès lors envisager sérieusement des aménagements à la cité scolaire avec de nouvelles structures de type Algeco, en plus de celles qui devraient être installées cette année.