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N° 880

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 avril 2018.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE

sur le programme de stabilité pour les années 2018 à 2022

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Joël GIRAUD

Rapporteur général,

Député

——

 



—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

Introduction

I. un scénario macroéconomique qui prend acte de l’amélioration de la conjoncture pour 2018 et 2019, tout en restant prudent pour 2020 et 2021

A. Des prévisions de croissance revues à la hausse pour 2018 et 2019, mais inchangées pour 2020 et 2021 par rapport à la loi de programmation

1. Une amélioration de la conjoncture pour 2018 et 2019

2. Des hypothèses stables pour 2020 et 2021

a. La prise en compte des observations du Haut Conseil des finances publiques

b. La tendance de long terme au ralentissement de la croissance

B. Un Écart de production qui se referme dÈs 2019 au lieu de 2020 dans la loi de programmation

1. Rappel sur la notion d’écart de production

2. Des hypothèses de calcul qui ne sont plus critiquées par le Haut Conseil des finances publiques

C. Une inflation qui accélère plus vite que prévu dans la loi de programmation

II. Une programmation qui poursuit l’objectif de rétablissement des comptes publics avant la fin du quinquennat

A. les engagements européens de la France

1. La norme relative au déficit excessif

2. La norme relative à léquilibre des comptes publics

3. La norme relative à lajustement structurel minimal

B. Les objectifs sur le solde public et l’ajustement structurel du programme de stabilité

1. Un retour inédit à l’équilibre budgétaire avant la fin du quinquennat

a. Une accélération de la réduction du déficit public en 2017

b. Vers une clôture de la procédure de déficit excessif dès 2018

c. Un léger ressaut en 2019 dû à la transformation du CICE en baisse de cotisations

d. Une trajectoire de baisse à partir de 2020 jusqu’au retour à l’équilibre voire un excédent à l’horizon 2022

2. Un objectif de solde public réparti entre les sous-secteurs d’administration publique

3. Un maintien de l’ajustement structurel prévu par la loi de programmation

III. Un maintien de l’objectif de baisse des prélèvements obligatoires

A. Un record de prélèvements obligatoires pour 2017 qui s’explique par les méthodes de comptabilisation et par une évolution spontanée plus forte que prévu

B. Une baisse d’un point de PIB sur le quinquennat comme prévu par la loi de programmation des finances publiques

IV. un maintien de l’objectif de rÉduction du ratio de dépenses publiques sur le quinquennat

A. un niveau de ratio de dÉpenses publiques plus ÉlevÉ que prÉvu en 2017

1. Un résultat en 2017 supérieur aux prévisions, malgré une diminution progressive du ratio de dépenses publiques

2. Un ralentissement sur moyenne période du taux d’évolution en valeur des dépenses publiques, malgré une remontée en 2017

3. Un ralentissement confirmé sur moyenne période du taux d’évolution en volume des dépenses publiques, malgré une accélération en 2017

B. une rÉduction du ratio de dÉpenses publiques conforme aux engagements de la loi de programmation

1. Une évolution du ratio de dépenses publiques, hors crédits d’impôts, en ligne avec la trajectoire de la loi de programmation à compter de l’exercice 2019

2. Une maîtrise plus forte qu’anticipé des dépenses publiques, hors crédits d’impôts, à compter de l’exercice 2019

V. une rÉduction du ratio de dette publique plus forte qu’anticipÉ, au-delÀ des objectifs de la loi de programmation

A. un niveau de ratio de dette publique plus ÉlevÉ que prÉvu en 2017

1. Le ralentissement de l’endettement public

2. Un niveau d’endettement public en 2017 plus élevé que prévu, en raison de changements comptables et de flux de créances

a. Les effets du changement de base

b. L’impact des flux de créances sur le niveau de dette publique

B. un inflÉchissement du ratio de dette publique dÈs 2018, et plus significatif qu’anticipÉ sur le reste de la période

1. L’infléchissement plus prompt et plus prononcé du ratio de dette publique, respectant la règle européenne de la dette

2. Les déterminants principaux de la baisse plus rapide du ratio de dette publique

Travaux de la commission

Audition de M. Didier MIGAUD, président du Haut Conseil des finances publiques

EXAMEN EN COMMISSION

annexe


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   Introduction

Le programme de stabilité est un document de programmation pluriannuelle des finances publiques que le Gouvernement doit transmettre à la Commission européenne avant le 30 avril, en application des règles du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance.

Le présent programme de stabilité intervient donc peu de temps après l’adoption de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 ([1]). Il comporte dès lors peu de changements, le principal résidant dans la prise en compte de l’amélioration de la conjoncture.

La programmation pluriannuelle des finances publiques

Deux types de documents juridiques fixent un cadre pluriannuel pour les finances publiques.

En droit interne, les lois de programmation des finances publiques sont prévues par l’article 34 de la Constitution et « sinscrivent dans lobjectif déquilibre des comptes des administrations publiques ». À ce titre, elles déterminent les trajectoires des soldes structurels et effectifs annuels. Leur contenu est précisé par la loi organique n° 2012‑1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

En droit européen, les programmes de stabilité ont été institués par le pacte de stabilité et de croissance du 7 juillet 1997 comme outil de la surveillance multilatérale des politiques économiques. Ils sont transmis chaque année au mois d’avril à la Commission européenne.

La trajectoire de solde public fait également l’objet d’une actualisation, l’accélération de la croissance en 2017 et 2018 ayant un impact positif sur cette trajectoire.

Comparaison des hypothèses de solde public

(en % du produit intérieur brut - PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Loi de programmation des finances publiques 2018-2022

– 2,9

– 2,8

– 2,9

– 1,5

– 0,9

– 0,3

Programme de stabilité avril 2018

– 2,6

– 2,3

– 2,4

– 0,9

– 0,3

+ 0,3

Source : présent programme de stabilité.

Cette amélioration plus rapide que prévu de la conjoncture conduit également le Gouvernement à anticiper un solde conjoncturel excédentaire dès 2019, au lieu de 2020.

Comparaison des hypothèses de solde conjoncturel

(en % du PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Loi de programmation des finances publiques 2018-2022

– 0,6

– 0,4

– 0,1

+ 0,1

+ 0,3

+ 0,6

Programme de stabilité avril 2018

– 0,5

– 0,1

+ 0,2

+ 0,5

+ 0,7

+ 0,9

Source : présent programme de stabilité.

Nonobstant ces actualisations dues à la conjoncture, le Gouvernement n’a pas procédé à des changements dans ses objectifs de finances publiques.

Ainsi, le présent programme de stabilité contient la même trajectoire d’ajustement structurel que celle prévue par la LPFP.

Trajectoire de solde et d’ajustement structurels

(en % du PIB potentiel)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Solde structurel

– 2,0

– 1,9

– 1,6

– 1,4

– 1,0

– 0,6

Ajustement structurel

0,5

0,1

0,3

0,3

0,4

0,4

Source : présent programme de stabilité.

Il maintient également l’objectif de baisse des prélèvements obligatoires d’un point de produit intérieur brut (PIB) sur le quinquennat, indépendamment du fait que le point de départ s’est avéré plus haut que prévu du fait d’une évolution spontanée plus importante que prévu et de certains changements de comptabilisation de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

Comparaison des trajectoires de prélèvements obligatoires

(en % du PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Loi de programmation des finances publiques 2018-2022

44,7

44,3

43,4

43,7

43,7

43,7

Programme de stabilité avril 2018

45,4

45,0

44,0

44,3

44,3

44,3

Source : présent programme de stabilité.


—  1  —

I.   un scénario macroéconomique qui prend acte de l’amélioration de la conjoncture pour 2018 et 2019, tout en restant prudent pour 2020 et 2021

A.   Des prévisions de croissance revues à la hausse pour 2018 et 2019, mais inchangées pour 2020 et 2021 par rapport à la loi de programmation

Le programme de stabilité actualise le scénario macroéconomique de la LPFP en tenant compte des informations disponibles sur l’amélioration de la conjoncture. De manière prudente, il n’en tire aucune conséquence à la hausse sur la prévision de croissance pour la fin de la programmation.

Comparaison des hypothèses de croissance entre la loi de programmation des finances publiques et le programme de stabilité

(en % d’évolution annuelle, sauf précision contraire)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Loi de programmation des finances publiques

1,7

1,7

1,7

1,7

1,7

1,8

Programme de stabilité

2,0*

2,0

1,9

1,7

1,7

1,7

Écart (en point)

+ 0,3

+ 0,3

+ 0,2

0,0

0,0

 0,1

* croissance au sens des comptes trimestriels corrigée des jours ouvrables.

Source : présent programme de stabilité.

La LPFP a été bâtie sur une hypothèse de croissance annuelle de 1,7 % du PIB pour les années 2018 à 2021, puis 1,8 % pour 2022.

Le programme de stabilité prend acte d’une accélération de la croissance pour 2018 et 2019, tout en conservant les mêmes hypothèses que celle de la loi de programmation des finances pour les années 2020 et 2021. Prudemment, il retient même une hypothèse de croissance légèrement inférieure pour 2022 (1,7 % au lieu de 1,8 %).

1.   Une amélioration de la conjoncture pour 2018 et 2019

La croissance a nettement accéléré en 2017 et devrait se maintenir à un niveau proche de 2 % en 2018 et 2019 selon la plupart des prévisionnistes.

prévisions de croissance du PIB pour 2018-2019

(en %)

Organisme de prévision

France

Zone euro

2018

2019

2018

2019

Commission européenne (fév. 2018)

2,0

1,8

2,3

2,0

Banque de France / BCE (mars 2018)

1,9

1,7

2,4

1,9

FMI (janv. 2018)

1,9

1,9

2,2

2,0

OCDE (mars 2018)

2,2

1,9

2,3

2,1

Consensus (avril 2018)

2,1

1,8

2,4

1,9

min du Consensus

1,8

1,5

2,1

1,3

max du Consensus

2,4

2,3

2,8

2,3

COE-Rexecode (avr. 2018)

1,9

1,5

2,2

1,7

OFCE (avr. 2018)

2,0

2,1

2,2

1,8

Gouvernement (PSTAB 2018-2022 ; avr. 2018)

2,0

1,9

2,5

2,3

Prévision la plus basse (hors min consensus)

1,9

1,5

2,2

1,7

Prévision la plus élevée (hors max consensus)

2,2

2,1

2,5

2,3

Source : Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2018-1 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité pour les années 2018 à 2022.

Le Gouvernement anticipe désormais une croissance de 2 % en 2018 et 1,9 % en 2019. Le Haut Conseil des finances publiques, qui a rendu un avis sur le présent programme de stabilité en application de l’article 17 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, a estimé que la prévision de croissance du Gouvernement était « réaliste » pour 2018 et « atteignable » pour 2019 ([2]).

2.   Des hypothèses stables pour 2020 et 2021

Le Gouvernement n’a pas pris argument de l’amélioration de la conjoncture pour revoir à la hausse les hypothèses annuelles de croissance sur la période 2020-2022.

Ce choix prudent se justifie à un double titre.

a.   La prise en compte des observations du Haut Conseil des finances publiques

En premier lieu, une révision à la hausse des hypothèses de croissance pour la période 2020 à 2022 n’aurait pas été conforme aux observations du Haut Conseil des finances publiques.

Dans son précédent avis, le Haut Conseil avait considéré qu’« un écart de production positif et croissant » sur la période 2020-2022 est une hypothèse qui « peut paraître optimiste puisque à moyen terme, la croissance effective moyenne est déterminée par la croissance potentielle » ([3]). En d’autres termes, il soulignait un risque que la croissance soit légèrement inférieure à celle prévue par le Gouvernement pour les années 2020 à 2022 à raison des effets du cycle économique.

Le Haut Conseil formule d’ailleurs la même observation dans son avis relatif au présent programme de stabilité puisqu’il juge « optimiste » le scénario macroéconomique du Gouvernement sur la période 2020 à 2022.

b.   La tendance de long terme au ralentissement de la croissance

En second lieu, la prudence du Gouvernement se justifie par une tendance de long terme de ralentissement de la croissance.

Alors que celle-ci a été en moyenne de 2,4 % durant la décennie des années 1980, la croissance annuelle a baissé à 2 % durant les années 1990 puis 1,4 % durant les années 2000. Depuis 2010, elle n’est en moyenne que de 1,3 %.

La croissance en france depuis 1974

(en % d’évolution annuelle du PIB en volume)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Croissance

4,3

– 1,0

4,3

3,5

4,0

3,6

1,6

1,1

2,5

1,3

1,5

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Croissance

1,6

2,4

2,6

4,7

4,4

2,9

1,0

1,6

– 0,6

2,3

2,1

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Croissance

1,4

2,3

3,6

3,4

3,9

2,0

1,1

0,8

2,8

1,6

2,4

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Croissance

2,4

0,2

– 2,9

2,0

2,1

0,2

0,6

0,9

1,1

1,2

2,0

Source : INSEE.

Devant notre commission ([4]), la directrice générale du Trésor, Mme Odile Renaud-Basso, a souligné l’existence d’une « tendance à la diminution de la croissance potentielle dans l’ensemble des pays développés ». Elle a expliqué cette situation « par plusieurs facteurs : non seulement l’héritage de la crise, avec des sujets dans un certain nombre de pays sur le fonctionnement du secteur bancaire et l’apurement de la situation de certains acteurs économiques, mais aussi, probablement, des facteurs plus structurants en lien avec le niveau de l’innovation et l’évolution de la productivité ». Selon cette dernière, « le ralentissement de la croissance potentielle, lié à celui de la productivité, pourrait s’expliquer par l’absence de révolutions industrielles  ou concernant les organisations de production  aussi importantes que dans le passé ».

Croissance depuis 2002

Source : d’après les données de l’INSEE et du présent programme de stabilité.

B.   Un Écart de production qui se referme dÈs 2019 au lieu de 2020 dans la loi de programmation

1.   Rappel sur la notion d’écart de production

L’écart de production est égal à la différence entre le PIB effectif – qui est mesuré en comptabilité nationale – et le PIB potentiel.

Le PIB potentiel est une notion non observable en finances publiques ni en comptabilité nationale. Il s’agit d’une notion macroéconomique sujette à diverses mesures et interprétations. Il peut être défini « comme le niveau maximum de production que peut atteindre une économie sans quapparaissent de tensions sur les facteurs de production qui se traduisent par des poussées inflationnistes » ([5]).

 

Les hypothèses d’écart de production permettent de calculer précisément la composante conjoncturelle et la composante structurelle du déficit selon des modalités complexes définies dans l’encadré 10 du présent programme de stabilité.

Une méthode simplifiée de calcul − appelée « règle du pouce » − consiste à considérer qu’en pratique, le solde conjoncturel est proche de la moitié de lécart de production. Ceci s’explique par le fait que les postes sensibles à la conjoncture représentent, dans notre pays, près de la moitié du PIB et que l’élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB est, en moyenne, de l’ordre de 1.

Le déficit structurel est ensuite calculé comme la différence entre le déficit effectif et le déficit conjoncturel corrigé des mesures ponctuelles et temporaires.

Concrètement, plus l’écart de production est creusé, plus la composante conjoncturelle du déficit est importante. Un écart de production négatif surestimé conduit à surestimer la composante conjoncturelle du déficit et à sous-estimer sa composante structurelle.

L’écart de production évolue chaque année à hauteur de la différence entre la croissance effective et l’hypothèse de croissance potentielle définie, au même titre que le PIB potentiel, comme la croissance maximale au-delà de laquelle apparaissent des tensions inflationnistes.

Par voie de conséquence, une surestimation de la croissance potentielle aboutit à creuser lécart de production et à minorer le déficit structurel, et donc à minorer l’effort à accomplir pour respecter la règle d’équilibre des comptes du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG).

2.   Des hypothèses de calcul qui ne sont plus critiquées par le Haut Conseil des finances publiques

Au cours de la précédente législature, les hypothèses de croissance potentielle et d’écart de production se sont progressivement éloignées de celles de la plupart des organismes internationaux, dont la Commission européenne. Il en a résulté une sous-estimation du déficit structurel qui a été dénoncée à plusieurs reprises par le Haut Conseil.

Les hypothèses de croissance potentielle ont été revues à la baisse dans la LPFP. Elles sont maintenues par le présent programme de stabilité.

 

hypothèses de croissance potentielle

(en % du PIB potentiel)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Programme de stabilité avril 2017

1,5

1,4

1,3

1,4

LPFP 2018-2022

Programme de stabilité avril 2018

1,25

1,25

1,25

1,25

1,30

1,35

Écart

– 0,25

– 0,15

– 0,05

– 0,15

Source : programme de stabilité.

Dans son avis, le Haut Conseil des finances publiques a indiqué que ces hypothèses de croissance potentielle « constituent une base raisonnable ». Il confirme en cela l’avis qu’il a rendu sur le projet de loi de programmation selon lequel les nouvelles hypothèses du Gouvernement vont « dans le sens des observations formulées à plusieurs reprises » et sont « plus réalistes » que celles retenues au cours de la précédente législature.

De même, l’hypothèse d’écart de production initial – c’est-à-dire celui de 2017, année du début de période de la programmation – est jugée « acceptable » par le Haut Conseil.

Il a été légèrement révisé à – 0,9 % pour 2017 au lieu de – 1,1 % prévu par la LPFP. Cette révision s’explique par le fait que la croissance effective pour 2017 a été meilleure que prévu, ce qui a réduit de 0,2 point l’écart de production.

Par ailleurs, la révision à la hausse des hypothèses de croissance effective pour 2018 et 2019 conduit logiquement le Gouvernement a prévoir une réduction de l’écart de production plus rapide que prévu dans la loi de programmation.

Il s’ensuit que celui-ci redeviendrait positif à compter de 2019 au lieu de 2020.

Comparaison des hypothèses d’écart de production

(en % du PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Loi de programmation des finances publiques 2018-2022

– 1,1

– 0,7

– 0,2

+ 0,2

+ 0,6

+ 1,1

Programme de stabilité avril 2018

– 0,9

– 0,2

+ 0,4

+ 0,9

+ 1,3

+ 1,6

Source : présent programme de stabilité.

Concrètement cela signifie que le Gouvernement prévoit un solde conjoncturel en excédent dès 2019. Autrement dit, les effets du cycle économique cesseraient de contribuer au déficit public à compter de 2019, lequel aurait alors une origine exclusivement structurelle.

Hypothèses d’écart de production et de solde conjoncturel

(en % du PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Écart de production

– 0,9

– 0,2

+ 0,4

+ 0,9

+ 1,3

+ 1,6

Solde conjoncturel*

– 0,5

– 0,1

+ 0,2

+ 0,5

+ 0,7

+ 0,9

* le solde conjoncturel est environ égal à la moitié de l’écart de production.

Source : présent programme de stabilité.

C.   Une inflation qui accélère plus vite que prévu dans la loi de programmation

Le programme de stabilité repose sur une hypothèse d’inflation cumulée sur la période 2017-2022 de 8,9 % ([6]).

hypothèses d’inflation

(en % d’évolution annuelle)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Programme de stabilité avril 2018

1,0

1,4

1,2

1,5

1,75

1,75

Source : présent programme de stabilité.

Cela s’explique par une accélération de l’inflation anticipée sur la période 2018-2020 et plus particulièrement sur l’année 2018.

L’inflation est toujours prévue à un niveau nettement plus élevé que celui constaté au cours de la période récente.

Sur longue période, comme pour la croissance, on observe pourtant un tassement de l’inflation.

Alors que celle-ci a été en moyenne de 7,4 % durant la décennie des années 1980, l’inflation annuelle a baissé à 1,9 % durant les années 1990 puis 1,7 % durant les années 2000. Depuis 2010, elle n’est en moyenne que de 0,9 %.

L’inflation en france depuis 1974

(en % d’évolution annuelle)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Inflation

13,7

11,8

9,6

9,4

9,1

10,8

13,6

13,4

11,8

9,6

7,4

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Inflation

5,8

2,7

3,1

2,7

3,6

3,4

3,3

2,3

2,1

1,7

1,9

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Inflation

2,0

1,2

0,6

0,5

1,7

1,6

2,0

2,1

2,1

1,9

1,6

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Inflation

1,5

2,8

0,1

1,5

2,1

2,0

0,9

0,5

0,0

0,2

1,0

Source : INSEE.


—  1  —

II.   Une programmation qui poursuit l’objectif de rétablissement des comptes publics avant la fin du quinquennat

A.   les engagements européens de la France

Trois grandes catégories de normes chiffrées s’imposent à la France en matière de finances publiques.

1.   La norme relative au déficit excessif

En premier lieu, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) prohibe les déficits excessifs évalués suivant deux critères : le déficit public et la dette publique. Le déficit public est excessif lorsqu’il dépasse 3 % du PIB. La dette publique est excessive lorsqu’elle dépasse 60 % du PIB. À défaut, l’État membre s’expose à l’ouverture d’une procédure de déficit excessif (PDE).

Le pacte de stabilité et de croissance

Le pacte de stabilité et de croissance (PSC) a été adopté en 1997 et est entré en vigueur le 1er janvier 1999, jour de la création de l’euro. Il vise notamment à instaurer une surveillance des finances publiques nationales par l’Union européenne. Le but est d’éviter que des déficits excessifs d’un pays ne mettent en péril l’ensemble de l’économie européenne.

Le PSC est régi par deux règlements qui ont fait l’objet de plusieurs modifications :

– le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, dit « volet préventif » ;

– et le règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, dit « volet correctif ».

Le PSC a été réformé par le « six-pack », un ensemble de cinq règlements et une directive de novembre 2011 qui ont renforcé la coordination des politiques économiques et budgétaires des États membres.

Le critère de dette est considéré comme respecté si celle-ci diminue suffisamment ([7]), c’est-à-dire d’au moins un vingtième par an – en moyenne sur les trois dernières années – de la fraction qui excède 60 % du PIB ([8]). Le « six-pack » de novembre 2011 prévoit une règle transitoire pour les PDE qui étaient en cours à la date de son adoption, ce qui est le cas de la France ; en vertu de cette règle transitoire, durant les trois années suivant le retour sous les 3 %, le respect du critère de dette est apprécié jusqu’en 2020 selon la progression du solde structurel, lequel doit évoluer de façon positive.

2.   La norme relative à l’équilibre des comptes publics

En deuxième lieu, l’article 3 du TSCG pose le principe de l’équilibre ou de l’excédent des budgets des administrations publiques. L’équilibre est réputé atteint lorsque le déficit structurel est inférieur à 0,5 point de PIB pour les États membres dont la dette dépasse 60 % du PIB, et à un point de PIB pour les autres États membres.

3.   La norme relative à l’ajustement structurel minimal

En troisième lieu, et pour respecter les règles précitées, les États membres doivent déterminer un objectif à moyen terme (OMT), défini en termes de solde structurel, compris entre – 0,5 point de PIB et l’excédent ([9]). Ils doivent également définir une trajectoire dajustement en vue d’atteindre l’OMT, étant précisé que le solde structurel doit converger vers l’OMT retenu d’au moins 0,5 point de PIB par an (et de plus de 0,5 point par an lorsque l’État membre possède une dette publique supérieure à 60 % du PIB).

La Commission européenne et le Conseil de l’Union européenne peuvent cependant estimer que l’effort d’ajustement peut être plus limité en période de conjoncture économique défavorable ([10]).

Cette règle d’ajustement structurel est également encadrée par une règle en dépenses et en recettes. Ainsi, l’évolution des dépenses publiques est définie en fonction de la croissance potentielle estimée par la Commission européenne. Enfin, les États n’ayant pas encore atteint leur OMT doivent compenser les réductions de recettes discrétionnaires par des réductions de dépenses équivalentes ([11]).

Normes de finances publiques applicables aux États membres
dont la dette publique excède 60 % du PIB

Normes

Modalités de surveillance et de sanction

Traité source

Limite du déficit structurel

à 0,5 % du PIB

Volet préventif
du PSC

TSCG

Trajectoire d’ajustement structurel supérieure

à 0,5 point de PIB par an

TSCG

+

TFUE

Limitation de l’augmentation annuelle des dépenses au taux de croissance potentielle sauf compensation par des mesures discrétionnaires en matière de recettes

Compensation des réductions de recettes par des réductions de dépenses (règle applicable aux États n’ayant pas encore atteint leur objectif budgétaire de moyen terme)

Réduction de la dette publique qui excède 60 % du PIB d’au moins un vingtième par an en moyenne sur trois ans

Volet correctif

du PSC

« Procédure pour déficit excessif »

Limite du déficit nominal

à 3 % du PIB

TFUE

Source : commission des finances.

B.   Les objectifs sur le solde public et l’ajustement structurel du programme de stabilité

1.   Un retour inédit à l’équilibre budgétaire avant la fin du quinquennat

Le déficit public continuerait de se réduire en 2018 à 2,3 % du PIB. Il remonterait provisoirement à 2,4 % du PIB en 2019 sous l’effet des mesures ponctuelles et temporaires qui le dégraderait d’un point de PIB en raison principalement de la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allégements de cotisations sociales patronales. Puis, il baisserait rapidement à compter de 2020 jusqu’à disparaître en 2022.

Comparaison des hypothèses de solde public

(en % du PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Loi de programmation des finances publiques 2018-2022

– 2,9

– 2,8

– 2,9

– 1,5

– 0,9

– 0,3

Programme de stabilité avril 2018

– 2,6

– 2,3

– 2,4

– 0,9

– 0,3

+ 0,3

Source : présent programme de stabilité.

a.   Une accélération de la réduction du déficit public en 2017

Le déficit public pour 2017 s’est élevé à 2,6 % du PIB au lieu de 3,4 % en 2016, soit une baisse de 0,8 point de PIB.

La France met ainsi un terme à une série inédite de neuf années consécutives de déficit supérieur à 3 % du PIB. Le déficit revient au niveau qui était le sien avant la crise financière de 2008.

Le dÉficit public depuis 1974

(en % du PIB)

(en grisé, les déficits supérieurs à 3 % du PIB)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Solde

0,1

– 2,8

– 1,6

– 1,1

– 1,8

– 0,5

– 0,4

– 2,4

– 2,8

– 2,8

– 2,7

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Solde

– 2,9

– 3,2

– 2,0

– 2,5

– 1,8

– 2,4

– 2,8

– 4,6

– 6,3

– 5,4

– 5,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Solde

– 3,9

– 3,6

– 2,4

– 1,6

– 1,3

– 1,4

– 3,1

– 3,9

– 3,5

– 3,2

– 2,3

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde

– 2,5

– 3,2

– 7,2

– 6,8

– 5,1

– 4,8

– 4,0

– 3,9 

– 3,6

– 3,4

– 2,6

Source : INSEE.

b.   Vers une clôture de la procédure de déficit excessif dès 2018

Le retour du déficit public sous la barre des 3 % du PIB est durable puisqu’il est désormais prévu à 2,3 % du PIB pour 2018 au lieu de 2,8 %.

Il s’ensuit que le Conseil de l’Union européenne devrait décider avant la fin du semestre une clôture de la procédure de déficit excessif ouverte à l’encontre de la France depuis 2009.

La procédure de déficit excessif ouverte à lencontre de la France

La France fait l’objet d’une procédure de déficit excessif depuis le 27 avril 2009. Le Conseil de l’Union européenne avait alors accordé un délai à la France jusqu’en 2012 pour corriger son déficit. Le 2 décembre 2009, le Conseil a accordé un nouveau délai à la France jusqu’en 2013. Le 21 juin 2013, ce délai a été reporté à 2015. Enfin, le 10 mars 2015, ce délai a été porté à 2017.

La France est le dernier État de la zone euro avec lEspagne à faire lobjet dune procédure de déficit excessif.

c.   Un léger ressaut en 2019 dû à la transformation du CICE en baisse de cotisations

Il est prévu un léger ressaut du déficit public en 2019, lequel serait de 2,4 % du PIB au lieu de 2,3 % en 2018. Mais le déficit public de l’année 2019 serait dû à hauteur d’un point de PIB à une mesure ponctuelle et temporaire, à savoir la transformation du CICE en allégements de cotisations sociales patronales.

d.   Une trajectoire de baisse à partir de 2020 jusqu’au retour à l’équilibre voire un excédent à l’horizon 2022

Le déficit public baisserait ensuite fortement en 2020 à 0,9 % du PIB, bénéficiant du contrecoup de la mesure ponctuelle relative à la transformation du CICE en allégements de cotisations sociales patronales.

Le solde public continuerait par la suite de s’améliorer de 0,6 point de PIB par an en 2021 et en 2022, jusqu’à devenir excédentaire à 0,3 % du PIB en 2022.

Solde public depuis 2002

(en % du PIB)

Source : d’après les données de l’INSEE et du présent programme de stabilité.

2.   Un objectif de solde public réparti entre les sous-secteurs d’administration publique

Le présent programme de stabilité décompose la trajectoire de solde public par sous-secteur d’administrations publiques. En 2017, trois sous-secteurs d’administrations présentent déjà un équilibre, les organismes divers d’administrations centrales (ODAC), les administrations publiques locales (APUL) et les administrations de sécurité sociale (ASSO).

Durant la période 2017-2022, le solde des ODAC serait maintenu à un niveau proche de l’équilibre, tandis que la trajectoire de solde des APUL et des ASSO s’améliorerait, avec un excédent respectif de 0,7 et 0,8 point de PIB en fin de période.

capacité (+) ou besoin (–) de financement des administrations publiques

(en points de PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Écart 2022/2017

Solde public au sens de Maastricht

– 2,6

– 2,3

– 2,4

– 0,9

– 0,3

0,3

2,9

État

– 2,8

– 3,0

– 3,2

– 1,9

– 1,6

– 1,2

1,6

Organismes divers d’administrations centrales

0,0

– 0,1

– 0,1

– 0,1

– 0,1

0,0

0,0

Administrations publiques locales

0,0

0,1

0,1

0,3

0,5

0,7

0,7

Administrations de sécurité sociales

0,2

0,7

0,8

0,8

0,8

0,8

0,6

Source : présent programme de stabilité.

À l’inverse, l’État présente un solde négatif en 2017, qui se réduirait toutefois de 1,6 point de PIB sur la durée du quinquennat, soit une amélioration du solde supérieure aux autres sous-secteurs d’administrations publiques.

Ces trajectoires sont globalement conformes à l’évolution du solde public effectif, décliné par sous-secteur des administrations publiques, prévue en LPFP. Toutefois, le Gouvernement précise que cette répartition de l’effort par sous-secteurs est conventionnelle à partir de 2019. Ainsi, elle devrait faire l’objet d’ajustements, en particulier à la suite de la remise du rapport sur la rénovation des relations financières entre l’État et la sécurité sociale, prévu à l’article 27 de la LPFP.

3.   Un maintien de l’ajustement structurel prévu par la loi de programmation

Le présent programme de stabilité ne prévoit pas d’accroître l’ajustement structurel par rapport à celui qui a été adopté dans le cadre de la LPFP.

Comparaison des hypothèses d’ajustement structurel

(en % du PIB potentiel)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Loi de programmation des finances publiques 2018-2022

0,3

0,1

0,3

0,3

0,4

0,4

Programme de stabilité avril 2018

0,5

0,1

0,3

0,3

0,4

0,4

Écart

+ 0,2

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Source : présent programme de stabilité.

Ces hypothèses sont inférieures à celles exigées par le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance. Elles permettent néanmoins de ramener le déficit structurel en 2022 à un niveau très proche de celui à partir duquel les comptes publics sont réputés en équilibre au sens du TSCG.

Trajectoire de solde et d’ajustement structurels

(en % du PIB potentiel)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Solde structurel

– 2,0

– 1,9

– 1,6

– 1,4

– 1,0

– 0,6

Ajustement structurel

0,5

0,1

0,3

0,3

0,4

0,4

Source : présent programme de stabilité.


—  1  —

III.   Un maintien de l’objectif de baisse des prélèvements obligatoires

Comparaison des trajectoires de prélèvements obligatoires

(en % du PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Loi de programmation des finances publiques 2018-2022

44,7

44,3

43,4

43,7

43,7

43,7

Programme de stabilité avril 2018

45,4

45,0

44,0

44,3

44,3

44,3

Source : présent programme de stabilité.

A.   Un record de prélèvements obligatoires pour 2017 qui s’explique par les méthodes de comptabilisation et par une évolution spontanée plus forte que prévu

Les prélèvements obligatoires sont, en tendance longue, orientés à la hausse.

Ils ont fortement augmenté entre 1974 et 1982 essentiellement en raison du développement de la protection sociale : les cotisations sociales ont augmenté de 4 points de PIB sur cette période, passant de 13,1 à 17,1 % du PIB. La barre des 40 % du PIB a été franchie en 1982.

Ils ont ensuite progressé par pallier selon trois périodes que l’on peut ainsi définir :

– tout d’abord, entre 1982 et 1995, les prélèvements obligatoires ont évolué dans une fourchette comprise entre 40 et 42 % du PIB, avec une moyenne de 41 % du PIB ;

– ensuite, de 1996 à 2012, ils ont oscillé entre 41 et 44 % du PIB, avec une moyenne de 42,4 % du PIB ;

– enfin, depuis 2013, ils ont franchi la barre des 44 % du PIB, avec une moyenne de 44,6 % du PIB.

Les prélèvements obligatoires depuis 1974

(en % du PIB)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Solde

33,5

35,1

37,1

37,1

37,0

38,7

39,4

39,6

40,1

40,8

41,6

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Solde

41,6

41,1

41,8

40,9

40,6

40,6

40,9

40,3

40,9

41,5

41,7

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Solde

42,8

43,0

42,9

43,6

42,8

42,5

41,9

41,8

41,9

42,5

42,8

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde

42,1

41,9

41,0

41,3

42,6

43,8

44,8

44,6

44,4

44,4

45,4*

* base 2014

Source : INSEE, base 2010.

L’année 2017 marque le franchissement d’un nouveau seuil, celui des 45 %. Ceci s’explique principalement par trois causes.

D’abord, la création de contributions exceptionnelles à l’impôt sur les sociétés pour faire face à l’annulation de la taxe à 3 % sur les dividendes a accru le niveau de prélèvements obligatoires d’environ 0,25 point de PIB. Les remboursements liés à la taxe sur les dividendes ont été traités en dépenses par le comptable national, et non comme une baisse de prélèvements obligatoires.

Ensuite, un changement de méthode de comptabilisation a conduit le comptable national a intégré la contribution à l’audiovisuel public dans les prélèvements obligatoires. Cela explique environ à hauteur de 0,15 point de PIB l’écart entre le niveau prévu dans la LPFP et le niveau mesuré par l’INSEE.

Enfin, la croissance et l’évolution spontanée des prélèvements obligatoires ont été plus élevées que prévu. L’élasticité des prélèvements à la croissance a été de 1,5 au lieu de 1,3 anticipé.

Notion délasticité

L’élasticité du rendement d’un prélèvement obligatoire est égale au rapport entre le taux d’évolution spontanée et le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) en valeur. Lorsque le rendement d’un prélèvement obligatoire évolue dans les mêmes proportions que le PIB en valeur, son élasticité est égale à l’unité.

Par exemple, si la croissance du PIB est de 1 % et que l’élasticité est de 1, alors l’évolution spontanée du prélèvement est de 1 %. En revanche, si l’élasticité est de – 0,5, l’évolution spontanée est de – 0,5 % bien que le PIB ait crû en valeur de 1 %.

La structure de notre législation fiscale fait qu’en période de faible croissance, l’élasticité a tendance à être faible voire négative, tandis qu’en période de reprise l’élasticité est supérieure à l’unité. En effet, l’impôt sur le revenu est progressif et l’impôt sur les sociétés a pour assiette le bénéfice fiscal. Il s’ensuit que le rendement de ces impôts diminue ou progresse proportionnellement davantage que l’évolution des revenus et de l’activité économique.

B.   Une baisse d’un point de PIB sur le quinquennat comme prévu par la loi de programmation des finances publiques

Le présent programme de stabilité prend acte du niveau plus élevé que prévu du taux de prélèvements obligatoires pour 2017. Il maintient cependant l’objectif d’une baisse d’un point de PIB sur le quinquennat. Celui-ci passerait ainsi de 45,4 % en 2017 à 44,3 % en 2022.

La baisse doit intervenir intégralement en 2018 et 2019, conformément aux différentes mesures adoptées dans la loi de finances pour 2018 ([12]) : mise en place d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU) et d’un impôt sur la fortune immobilière (IFI), baisse du taux de l’impôt sur les sociétés (IS) et suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des foyers.

Les prélèvements obligatoires seront ensuite stabilisés sur la période 2020-2022 conformément à l’engagement pris de stabilité fiscale.

 


—  1  —

IV.   un maintien de l’objectif de rÉduction du ratio de dépenses publiques sur le quinquennat

A.   un niveau de ratio de dÉpenses publiques plus ÉlevÉ que prÉvu en 2017

1.   Un résultat en 2017 supérieur aux prévisions, malgré une diminution progressive du ratio de dépenses publiques

En 2013, le ratio de dépenses publiques par rapport au PIB a atteint un point haut historique. Il s’établissait à 57,2 % du PIB y compris crédits d’impôts et 56,5 % du PIB, hors crédits d’impôts.

Le traitement des crédits d’impôts en dépenses publiques

Depuis septembre 2014, un nouveau système européen des comptes nationaux (SEC 2010) s’applique à l’ensemble des États membres. Traditionnellement traités en moindres recettes publiques, les crédits d’impôts dits « restituables » sont désormais enregistrés comme un surplus de dépenses.

Le montant enregistré en dépenses est le montant intégral de la créance reconnue par l’administration fiscale et non pas seulement le montant budgétaire imputé ou restitué.

Depuis 2013, le ratio de dépenses publiques diminue progressivement, s’établissant en 2017 à 56,5 %, y compris crédits d’impôts, et 55,1 %, hors crédits d’impôts, soit des baisses respectives de 0,7 point et de 1,4 point de PIB en quatre exercices. Le niveau de dépenses publiques rapporté au PIB redescend à un niveau atteint avant 2009.

Évolution du ratio de dÉpenses publiques

(en % du PIB)

Source : INSEE, comptes nationaux, base 2014.

La diminution du ratio de dépenses publiques résulte, d’une part, d’une accélération de la croissance et, d’autre part, d’une modération du rythme de progression des dépenses publiques.

Toutefois, le ratio de dépenses publiques en 2017 est supérieur de 0,4 point de PIB aux prévisions contenues dans la dernière LPFP, en dépit d’un taux de croissance du PIB de 2 % supérieur aux estimations à 1,7 %. En valeur absolue, ce différentiel représente plus de 9 milliards d’euros.

PRÉVISION ET EXÉCUTION DU RATIO De DÉPENSES publiqueS

(en points de PIB)

Textes

2017

LPFP

2017

Programme de stabilité

Dépenses publiques, hors crédits d’impôts

54,7

55,1

Dépenses publiques, y compris crédits d’impôts

56,1

56,5

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et présent programme de stabilité.

Selon les éléments transmis au Rapporteur général, l’augmentation de 0,4 point de PIB du ratio de dépenses publiques en 2017 est principalement imputable à des retraitements comptables opérés par l’INSEE et sans impact sur le solde public :

– la consolidation de France Télévisions, qui entraîne une augmentation du ratio de dépenses (et des recettes) de 3,3 milliards d’euros ;

– et le traitement des remboursements du contentieux relatif à la taxe à 3 % sur les dividendes en dépenses et non en moindres recettes, qui augmente le ratio de dépenses de 5,3 milliards d’euros (dont environ 550 millions d’euros d’intérêt moratoires) ([13]).

Le Gouvernement précise que la part des dépenses publiques s’établirait à 56,3 % du PIB en 2017, hors dépenses liées aux remboursements exceptionnels de la taxe à 3 % sur les dividendes.

2.   Un ralentissement sur moyenne période du taux d’évolution en valeur des dépenses publiques, malgré une remontée en 2017

Hors crédits d’impôts, le taux d’évolution en valeur des dépenses publiques s’est fortement ralenti sur moyenne période, passant de 3,9 % entre 2002 et 2007 à 3,1 % entre 2007 et 2012 et 1,4 % entre 2012 et 2017.

Évolution des dÉpenses publiques

(en milliards d’euros)

Année

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Total des dépenses publiques

838,3

868,7

902,9

941,1

977,2

1 020,5

1 061,9

1 106,7

dont crédits d'impôts enregistrés en dépenses *

2,6

3,0

3,3

4,3

6,7

10,2

15,2

17,1

Dépenses publiques, hors crédits d'impôts

835,7

865,6

899,6

936,8

970,5

1 010,3

1 046,7

1 089,6

Taux d'évolution en valeur

3,6 %

3,9 %

4,2 %

3,8 %

4,4 %

4,1 %

4,2 %

Taux d'évolution en valeur, hors crédits d'impôts

3,6 %

3,9 %

4,1 %

3,6 %

4,1 %

3,6 %

4,1 %

 

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Total des dépenses publiques

1 135,0

1 158,7

1 192,9

1 211,6

1 230,0

1 248,7

1 260,8

1 291,9

dont crédits d'impôts enregistrés en dépenses *

17,6

17,0

16,6

15,9

25,4

32,4

31,3

31,8 **

Dépenses publiques, hors crédits d'impôts

1 117,3

1 141,6

1 176,3

1 195,7

1 204,6

1 216,2

1 229,5

1 260,2 **

Taux d'évolution en valeur

2,6 %

2,1 %

3,0 %

1,6 %

1,5 %

1,5 %

1,0 %

2,5 %

Taux d'évolution en valeur, hors crédits d'impôts

2,5 %

2,2 %

3,0 %

1,6 %

0,7 %

1,0 %

1,1 %

2,5 %

* INSEE, comptes nationaux, base 2010.

** déduction, compte tenu du taux d’évolution en valeur des dépenses publiques, hors crédits d’impôts, indiqué par l’INSEE dans le complément à l’information rapide n° 79 du 26 mars 2018.

Source : INSEE, comptes nationaux, base 2014.

Entre 2013 et 2016, l’évolution en valeur des dépenses publiques a été fortement maîtrisée à 0,4 %, en lien avec la faible inflation. Toutefois, l’exercice 2017 illustre un nouveau dynamisme des dépenses publiques en valeur à 2,5 %, du fait d’une reprise de l’inflation (+ 1 %) et d’une accélération de la croissance des dépenses publiques en volume. Le Gouvernement indique que la croissance des dépenses publiques serait de 2,2 % en valeur, hors mesures exceptionnelles en dépenses telles que celles liées au contentieux de la taxe à 3 % sur les dividendes.

3.   Un ralentissement confirmé sur moyenne période du taux d’évolution en volume des dépenses publiques, malgré une accélération en 2017

Le taux d’évolution en volume des dépenses publiques, hors crédits d’impôts, a également diminué sur moyenne période, passant d’une moyenne annuelle de 2,2 % entre 2002 et 2007, à 1,4 % entre 2007 et 2012 et 0,9 % entre 2012 et 2017 ([14]).

Taux d’ÉVOLUTION EN VOLUME des dÉpenses publiques, hors crÉdits d’impÔts

(en %)

Source : INSEE, comptes nationaux, base 2014, et calculs commission des finances, à partir des données d’inflation hors tabac exécutées, inscrites dans les rapports économique, social et financier annexés aux projets de lois de finances.

L’exercice 2017 illustre clairement une accélération de la croissance des dépenses publiques en volume à 1,5 %, dont l’ampleur n’était pas prévue en LPFP. Celle-ci anticipait une croissance en volume des dépenses publiques, hors crédits d’impôts, de 0,9 % pour l’année 2017. Cet écart représente plus de 7 milliards d’euros, imputable essentiellement aux retraitements comptables liés notamment aux remboursements du contentieux relatif à la taxe à 3 % sur les dividendes.

B.   une rÉduction du ratio de dÉpenses publiques conforme aux engagements de la loi de programmation

1.   Une évolution du ratio de dépenses publiques, hors crédits d’impôts, en ligne avec la trajectoire de la loi de programmation à compter de l’exercice 2019

En 2018, le ratio de dépenses publiques, hors crédits d’impôts, resterait supérieur de 0,4 point de PIB aux prévisions de la LPFP. Cela résulterait essentiellement de retraitements comptables opérés par l’INSEE :

– la contribution à l’audiovisuel public, représentant environ 3 milliards d’euros ;

– les remboursements liés au contentieux relatif à la taxe à 3 % sur les dividendes, représentant 5 milliards d’euros en 2018 ;

– et le changement d’enregistrement des cessions de licences hertziennes, représentant un milliard d’euros ; celles-ci étaient enregistrées, en base 2010, en moindre dépense l’année de la cession (cession d’actifs non produits), elles sont désormais enregistrées en loyers perçus par l’État sur la durée d’utilisation des fréquences soit vingt ans.

Au total, le ratio de dépenses publiques, hors crédits d’impôts, ressortirait à 54,4 % du PIB en 2018.

COMPARAISON deS RATIOS DE DÉPENSES publiqueS, hors crÉDITS D’IMPÔTS

(en points de PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Ratio de dépenses publiques – LPFP

54,7

54

53,4

52,6

51,9

51,1

Ratio de dépenses publiques – programme de stabilité

55,1

54,4

53,5

52,6

51,9

51,1

Écart LPFP / programme de stabilité

0,4

0,4

0,1

0

0

0

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et présent programme de stabilité.

Toutefois, le différentiel par rapport à la LPFP s’estomperait dès 2019, avec un ratio de dépenses publiques, hors crédits d’impôts, de 53,5 % du PIB. Sur la période 2020-2022, la trajectoire de baisse du ratio de dépenses publiques serait parfaitement en ligne avec les prévisions de la LPFP, soit un niveau cible de 51,1 % du PIB en 2022.

Compte tenu du maintien de l’objectif cible en 2022, le ratio de dépenses publiques, hors crédits d’impôts, baisserait de quatre points de PIB sur la durée du quinquennat. Cela traduit un effort plus prononcé de baisse du ratio de dépenses publiques en 2019 et 2020 par rapport à la trajectoire de la LPFP, qui prévoit « une baisse de plus de 3 points de la dépense publique à horizon 2022 ».

ÉVOLUTION DU RATIO DE DÉPENSES publiqueS, HORS CRÉDITS D’IMPÔTS

(en points de PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Évolution du ratio de dépenses publiques - LPFP

– 0,7

– 0,6

– 0,8

– 0,7

– 0,8

Évolution du ratio de dépenses publiques - programme de stabilité

– 0,7

– 0,9

– 0,9

– 0,7

– 0,8

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et présent programme de stabilité.

En 2019 et 2020, la diminution du ratio de dépenses publiques, hors crédits d’impôts, s’établirait à 0,9 %, au lieu de 0,6 % et 0,8 % prévus en LPFP.

2.   Une maîtrise plus forte qu’anticipé des dépenses publiques, hors crédits d’impôts, à compter de l’exercice 2019

En 2018, l’évolution en volume des dépenses publiques, hors crédits d’impôts, serait légèrement supérieure à celle prévue en LPFP. Ainsi, le taux de croissance en volume des dépenses publiques, hors crédits d’impôts, s’élèverait à 0,7 %, au lieu de 0,6 % prévu en LPFP. Cet écart, représentant un peu plus d’un milliard d’euros, n’est pas explicité par le Gouvernement.

La mise en œuvre de la règle européenne de dépenses

La règle européenne de dépenses a été introduite en 2011 dans le cadre du paquet législatif dit « six-pack », modifiant l’article 5 du règlement n° 1466/97 du 7 juillet 1997 (1). Celle-ci prévoit que les dépenses publiques primaires, nettes des mesures nouvelles en recettes, ne peuvent excéder un taux de référence fixé à un niveau cohérent avec la trajectoire d’ajustement structurel.

Le respect de cette règle de dépense est évalué sur un an (l’écart à l’évolution de référence doit être inférieur à l’équivalent de 0,5 point de PIB) ou sur deux ans (l’écart cumulé ne doit pas dépasser l’équivalent de 0,5 point de PIB).

La recommandation adressée à la France en juillet 2017 mentionnait une cible de croissance en valeur de cet agrégat de 1,2 % (2).

En 2018, l’agrégat de dépenses augmenterait de 2 %, soit « une déviation non significative » de 0,4 point de PIB par rapport à la recommandation, selon le Gouvernement.

(1)    Règlement (UE) n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 modifiant le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

(2)    Recommandation du Conseil du 11 juillet 2017 concernant le programme national de réforme de la France pour 2017 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de la France pour 2017 (2017/C 261/09).

comparaison de l’ÉVOLUTION en volume DEs DÉPENSEs publiques,
HORS CRÉDITS D’IMPÔTS

(en %)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Taux de croissance en volume - LPFP

0,9

0,6

0,7

0,3

0,2

0,1

Évolution moyenne de 0,325

Taux de croissance en volume - programme de stabilité

1,5

0,7

0,4

0,1

Évolution moyenne de 0,25

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, présent programme de stabilité et programme national de réforme pour l’exercice 2022.

Toutefois, la trajectoire d’évolution des dépenses publiques, hors crédits d’impôts, prévue dans le programme de stabilité apparaît plus ambitieuse que celle de la LPFP en 2019. Ainsi, le taux d’évolution en volume s’élèverait à 0,4 % l’année prochaine, soit un niveau presque deux fois inférieur à celui prévu en LPFP et à celui de 2018. Selon les éléments transmis au Rapporteur général, cela résulterait d’un effet mécanique en 2019 lié à la fin des remboursements du contentieux relatif à la taxe à 3 % sur les dividendes, réduisant ainsi le taux d’évolution entre 2018 et 2019.

 

Le programme de stabilité indique que le taux moyen de croissance en volume de la dépense publique serait de 0,25 % entre 2019 et 2022, tandis que la LPFP anticipait un taux moyen de 0,325 % sur la même période. Cela représenterait un effort historique de modération des dépenses publiques, renouvelé sur quatre exercices successifs.

Au total, la réduction de la part des dépenses publiques, hors crédits d’impôts, dans la richesse nationale représenterait un effort de maîtrise des dépenses de plus de 100 milliards d’euros d’ici la fin du quinquennat ([15]). La Cour des comptes avait déjà évalué l’ordre de grandeur de l’effort en dépenses nécessaire à la réduction de la part des dépenses publiques rapportées au PIB sur la durée du quinquennat ([16]). Elle avait estimé celui-ci à 105 milliards d’euros pour un scenario de diminution de la part des dépenses publiques de 4 points de PIB, qui est celui retenu par le présent programme de stabilité.

Cet effort est à rapprocher du plan d’économies du précédent Gouvernement, initialement fixé à 50 milliards d’euros entre 2015 et 2017, puis ramené à 40,5 milliards d’euros. En juin 2017, la Cour des comptes relevait que les économies effectives s’élèveraient finalement à 26,9 milliards d’euros ([17]).

La mise en œuvre de ces mesures de maîtrise des dépenses publiques s’inscrit dans un contexte de transformation structurelle de l’action publique, via la démarche Action publique 2022, et de l’économie française, dont le programme national de réforme 2018 présente un panorama exhaustif.

Le programme national de réforme 2018

Le programme national de réforme 2018 dresse le constat d’un triple déficit structurel de l’économie française :

– un déficit d’emplois (taux de chômage élevé et un taux de chômage des jeunes qui n’a jamais été inférieur à 15 %) ;

– un déficit d’innovation (croissance potentielle annuelle estimée à 1,25 %) ;

– et un déficit public (avec un ratio de dépenses publiques et un taux de prélèvements obligatoires très élevés).

 

Le programme national de réforme 2018 présente quatre défis visant à transformer notre modèle économique et social :

– libérer le plein potentiel de l’économie française ;

– faire émerger le modèle de croissance de demain ;

– refonder notre modèle social pour construire une société de mobilité et de justice ;

– transformer l’État et restaurer l’équilibre de nos finances publiques.

 

1. Libérer le plein potentiel de l’économie française

– Marché du travail : ordonnances relatives au renforcement du dialogue social, réforme de l’assurance chômage ;

– Réforme fiscale : bascule contribution sociale généralisée (CSG) / cotisations sociales salariales (CSS), exonération de la taxe d’habitation, baisse de l’impôt sur les sociétés, transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse de cotisations sociales, mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU) et transformation de l’impôt sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI)  au total, l’ensemble des mesures fiscales pourraient rehausser l’activité de 3,3 points de PIB à long terme, pour 440 000 emplois créés, avec une montée en puissance progressive et des effets attendus à + 1,6 point de PIB et 260 000 emplois à l’horizon 2025 ;

– Environnement des entreprises et compétitivité : plan d’action en faveur de la croissance des entreprises (PACTE), simplification et soutien pour les indépendants, agenda d’attractivité et soutien aux exportateurs et renforcement de la compétitivité.

 

2. Faire émerger le modèle de croissance de demain

– Transformation de notre appareil productif : transformation du modèle de transport ferroviaire, stratégie logement, États généraux de l’alimentation (EGA), Ambition pour l’industrie ;

– Effort d’investissement : Grand plan d’investissement de 57 milliards d’euros, fonds pour l’industrie et l’innovation ;

– Renforcement du système de formation : école de la confiance et dédoublement des CP/CE1 en REP/REP+ (sur ce seul volet de dédoublement des classes, les effets macroéconomiques attendus sur le long terme sont très importants et estimés à + 2 points de PIB et + 120 000 emplois), réforme du baccalauréat, réforme de l’accès à l’université, réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage ;

– Croissance durable : plan climat.

 

3. Refonder notre modèle social pour construire une société de mobilité et de justice

– Accompagner les personnes quelque soit leur situation : mesures fiscales de soutien au pouvoir d’achat, stratégie nationale de santé, égalité femmes-hommes, réforme systémique des retraites ;

– Renforcer la cohésion des territoires : plan très haut débit, plan de lutte contre les déserts médicaux ;

– Protéger les personnes vulnérables : revalorisation des minima sociaux, mesures d’accompagnement de la transition écologique.

 

4. Transformer l’État et restaurer l’équilibre de nos finances publiques

– Simplification : droit à l’erreur, lutter contre l’inflation normative ;

– Efficacité de la dépense publique : Action publique 2022, contractualisation avec les collectivités territoriales.

 

Par ailleurs, le programme national de réforme 2018 fait le suivi de la mise en œuvre des objectifs de la stratégie Europe 2020 (1), qui vise à mieux coordonner les politiques économiques des États membres (cf. annexe).

 (1) Conseil européen, conclusions du Conseil européen du 17 juin 2010, EUCO 13/10. Commission européenne, COM(2010) 2020, Communication de la Commission Europe 2020 – Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive, 3 mars 2010.

Ainsi, le programme de stabilité prévoit un effort inédit de maîtrise des dépenses publiques, qui aura un effet mécanique de réduction significative du ratio de dette publique sur le quinquennat.


—  1  —

V.   une rÉduction du ratio de dette publique plus forte qu’anticipÉ, au-delÀ des objectifs de la loi de programmation

A.   un niveau de ratio de dette publique plus ÉlevÉ que prÉvu en 2017

1.   Le ralentissement de l’endettement public

Après une augmentation sensible entre 2007 et 2012, l’endettement public a ralenti sa progression au cours de la période entre 2012 et 2017. En moyenne, le ratio de dette publique par rapport au PIB n’a augmenté annuellement que de 1,3 point entre 2012 et 2017, au lieu de 5,2 points entre 2007 et 2012. Ce rythme de progression se rapproche du niveau d’augmentation constaté entre 2002 et 2007, avec un rythme annuel moyen d’augmentation de 0,9 point.

En 2017, la dette publique s’établit à 97 % du PIB, soit un niveau en légère augmentation de 0,4 % par rapport à 2016.

Évolution du ratio de dette publique

(en % du PIB)

Source : INSEE, comptes nationaux, base 2014.

Toutefois, cette faible augmentation du ratio de dette publique résulte essentiellement du dénominateur, soit le dynamisme du PIB. En effet, l’augmentation de la dette publique en valeur absolue a été supérieure en 2017 aux années 2014, 2015 et 2016.

Évolution de la dette publique

(en milliards d’euros)

Année

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Dette des administrations publiques

956,8

1 050,4

1 123,6

1 189,9

1 194,1

1 252,9

1 370,3

1 607,9

Évolution annuelle

93,6

73,2

66,3

4,2

58,8

117,4

237,6

 

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Dette des administrations publiques

1 701,1

1 807,9

1 892,5

1 977,7

2 039,9

2 101,3

2 152,5

2 218,4

Évolution annuelle

93,2

106,8

84,6

85,2

62,2

61,4

51,2

65,9

Source : INSEE, comptes nationaux, base 2014.

Le stock de dette publique s’est accru de 65,9 milliards d’euros en 2017, soit un niveau en ligne avec la moyenne de la période 2012-2017 établie à 65,2 milliards d’euros.

2.   Un niveau d’endettement public en 2017 plus élevé que prévu, en raison de changements comptables et de flux de créances

Le niveau d’endettement public à 97 % du PIB en 2017 est supérieur aux prévisions contenues en LPFP, qui anticipaient un taux de dette publique de 96,7 % du PIB.

a.   Les effets du changement de base

Cela résulte essentiellement d’un « changement de base » en comptabilité nationale, ayant un impact sur le solde des administrations publiques et la dette de « Maastricht ».

Le passage en base 2014 des comptes nationaux

En janvier dernier, l’INSEE a annoncé le passage des comptes nationaux en nouvelle base 2014, en remplacement de la base 2010. Le 30 mai 2018, l’ensemble des données sur la période couverte par les comptes nationaux (1949-2017) sera disponible en base 2014.

Les changements de base visent à tenir compte de l’évolution du fonctionnement de l’économie et des sources statistiques (enquêtes ou données administratives notamment) qui permettent de les décrire. Les séries des comptes nationaux sont alors révisées dans leur intégralité.

Source : INSEE, communiqué de presse, 30 janvier 2018.

Le passage de la base 2010 à la base 2014 a un effet à la hausse sur le niveau de dette publique, comme l’illustre le tableau suivant.

dette publique

(en milliards d’euros)

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Base 2010

1 357

1 531

1 632

1 754

1 868

1 953

2 038

2 098

2 147

Base 2014

1 370

1 608

1 701

1 808

1 893

1 978

2 040

2 102

2 152

Écart

13,0

77,2

69,4

54,2

24,2

25,3

2,4

3,5

4,9

Source : présent programme de stabilité.

L’INSEE a présenté les principaux éléments, liés au changement de base, ayant un impact sur la dette publique :

– la modification du mode de calcul des intérêts versés par les collectivités locales aux banques pour mieux comptabiliser les flux liés aux emprunts dits « structurés » ;

– la prise en compte dans la dette de Maastricht des coûts de construction de la ligne à grande vitesse (LGV) Tours-Bordeaux, représentant 3,4 milliards d’euros en 2016 ;

– le reclassement en administration publique de la Société de financement de l’économie française (SFEF), créée en 2008 et jusqu’à présent classée dans le secteur des banques ;

– et des modifications des données sources, augmentant à hauteur de 1,4 milliard d’euros l’endettement public en 2016 ([18]).

En base 2010, le ratio de dette publique pour l’année 2016 s’établissait à 96,3 % du PIB ([19]), au lieu de 96,6 % du PIB en base 2014, soit un écart de 0,3 points de PIB. Ainsi, le programme de stabilité indique que « les révisions portant sur la dette de Maastricht à fin 2016 (+ 4,6 milliards d’euros, principalement liés à la consolidation de la LGV Tours-Bordeaux) rehaussent de fait le niveau de dette d’un montant similaire à fin 2017 ». Le ratio de dette publique s’établit effectivement à 97,0 % du PIB à la fin d’année 2017, soit un écart identique de 0,3 points de PIB par rapport aux prévisions fixées à 96,7 %.

Le Gouvernement ne présente pas d’élément spécifique concernant l’impact du changement de base pour l’année 2017. Il précise seulement que ces révisions seront détaillées lors de la publication des comptes nationaux par l’INSEE le 30 mai 2018. Le Rapporteur général ne peut que regretter l’absence de concordance temporelle entre l’examen du programme de stabilité à la mi-avril et la publication des comptes nationaux à la fin mai. Il serait indispensable que le Parlement dispose a minima des séries de données comptables des grands agrégats de finances publiques, qui constituent le fondement du programme de stabilité tel que transmis aux institutions européennes. Ceci est d’autant plus essentiel lors d’un changement de base ou de méthodologie.

b.   L’impact des flux de créances sur le niveau de dette publique

Les flux de créances sont des opérations neutres sur le déficit en comptabilité nationale, mais qui ont des effets sur le niveau de la dette publique. Ils permettent de réconcilier les chiffres de dette avec le cumul des besoins de financement en comptabilité nationale.

Le Rapport économique, social et financier, annexé au projet de loi de finances pour 2018, identifiait les principaux postes affectant les flux de créances :

– les décalages entre le déficit budgétaire et le déficit de l’État en comptabilité nationale (comptabilisation des crédits d’impôts reportables et restituables, tels que le crédit d’impôt recherche, ou le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, les opérations financières, les corrections en droits constatés sur les dépenses et les recettes) ;

– la variation du niveau de trésorerie de l’État ;

– et la prise en compte des titres à leur valeur faciale dans la dette au sens de Maastricht ou enfin l’amortissement de la dette de la Caisse nationale des autoroutes (CNA).

En 2017, la LPFP anticipait un flux de créances négatif de 0,2 point de PIB, c’est-à-dire ayant un effet limitatif sur l’endettement public. Or, le programme de stabilité constate un flux de créances positif de 0,3 point de PIB en 2017, soit un écart de 0,5 point de PIB par rapport à la LPFP représentant plus de 11 milliards d’euros.

comparaison des flux de crÉances

(en points de PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Flux de créances - LPFP

– 0,2

0,1

0,1

0,5

0,4

0,2

Flux de créances - programme de stabilité

0,3

0,1

0,3

0,6

0,5

0,2

Écart LPFP / programme de stabilité

+ 0,5

0

+ 0,2

+ 0,1

+ 0,1

0

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et présent programme de stabilité.

Le Gouvernement ne détaille pas les éléments explicatifs de cet écart de flux de créances entre la prévision et l’exécution pour l’exercice 2017. Sur le reste de la période de programmation, les écarts de flux de créances prévisionnels sont minimes entre la LPFP et le programme de stabilité. Toutefois, cet écart justifie également une augmentation du ratio de dette publique par rapport aux prévisions, en dépit d’un contexte favorable de réduction du déficit public et d’accélération de la croissance nominale.

B.   un inflÉchissement du ratio de dette publique dÈs 2018, et plus significatif qu’anticipÉ sur le reste de la période

1.   L’infléchissement plus prompt et plus prononcé du ratio de dette publique, respectant la règle européenne de la dette

Compte tenu du relèvement des prévisions de croissance en début de période et des projections de déficit public plus faible qu’anticipé, le ratio de dette publique présenterait une trajectoire plus favorable que celle retenue en LPFP. Ainsi, le ratio de dette publique par rapport au PIB commencerait à refluer dès 2018, à hauteur de 0,6 point de PIB.

comparaison des prÉvisions de ratio de dette publique

(en points de PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Ratio de dette publique - LPFP

96,7

96,9

97,1

96,1

94,2

91,4

Ratio de dette publique - programme de stabilité

97

96,4

96,2

94,7

92,3

89,2

Écart LPFP / programme de stabilité

0,3

– 0,5

– 0,9

– 1,4

– 1,9

– 2,2

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et présent programme de stabilité.

À la fin de l’année 2018, le ratio de dette publique serait inférieur de 0,5 point de PIB aux prévisions de la LPFP. L’écart de prévision est croissant sur l’ensemble de la période de programmation, avec une différence de plus de 2 points de PIB à la fin de l’année 2022. Au total, le ratio de dette publique diminuerait de 7,8 points de PIB sur la durée du quinquennat, soit un niveau supérieur aux engagements initiaux du Gouvernement de réduire ce ratio de 5 points de PIB.

La LPFP prévoyait une réduction annuelle moyenne de 1,06 point de PIB du ratio de dette publique sur la période.

prÉvisions du ratio de dette publique LPFP

(en points de PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Dette publique - LPFP

96,7

96,9

97,1

96,1

94,2

91,4

Variation du ratio de dette publique

0,2

0,2

– 1

– 1,9

– 2,8

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Le programme de stabilité anticipe une baisse annuelle moyenne du ratio de dette publique de 1,56 point de PIB. À la fin de la période de programmation, l’endettement public serait en-deçà de 90 % du PIB, soit un niveau atteint antérieurement à l’exercice 2012.

prÉvisions du ratio de dette publique programme de stabilitÉ

(en points de PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Dette publique - programme de stabilité

97

96,4

96,2

94,7

92,3

89,2

Variation du ratio de dette publique

– 0,6

– 0,2

– 1,5

– 2,4

– 3,1

Source : présent programme de stabilité.

Cette trajectoire respecterait la règle européenne transitoire applicable à la France entre 2018 et 2020 relative à la réduction du ratio de dette publique. Cette règle s’applique aux États membres, durant les trois exercices suivant leur sortie de la procédure de déficit excessif. Elle prévoit que la dette publique est excessive, lorsqu’elle dépasse 60 % du PIB sauf si elle diminue suffisamment, c’est-à-dire si la part de la dette qui excède 60 % du PIB diminue d’au moins un vingtième par an en moyenne sur les trois dernières années ([20]). Le programme de stabilité indique que cette règle imposerait un ajustement structurel minimal de 0,1 point de PIB, celle-ci serait donc respectée à l’horizon du programme.

2.   Les déterminants principaux de la baisse plus rapide du ratio de dette publique

La diminution plus rapide de l’endettement public résulte de nouvelles perspectives de solde public dit « stabilisant » et de nouveaux écarts à ce solde stabilisant.

Les notions de solde stabilisant et d’écart au solde stabilisant

Le solde stabilisant désigne le niveau de solde public à atteindre pour stabiliser la dette en points de PIB. Il est égal à l’opposé du produit de la croissance du PIB en valeur par le taux de dette publique en points de PIB.

À titre d’exemple, pour une croissance du PIB en valeur de 5 % et une dette de 60 % du PIB, le déficit stabilisant s’établit à 3 %.

L’écart au solde stabilisant est la différence entre le solde stabilisant et le solde public effectif ou prévisionnel. Si l’écart est positif, cela signifie que la dette publique s’accroît, à l’inverse, si l’écart est négatif, cela signifie que l’endettement public diminue.

Compte tenu de prévisions de croissance nominale réévaluées de 2017 à 2019, les prévisions de solde stabilisant sont légèrement revues en début de période. Cela signifie que le déficit public stabilisant est légèrement supérieur à celui prévu en LPFP.

comparaison des prÉvisions de solde stabilisant

(en points de PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Solde stabilisant la dette - LPFP

– 2,3

– 2,7

– 2,8

– 3

– 3,2

– 3,3

Solde stabilisant la dette - programme de stabilité

– 2,5

– 2,9

– 2,9

– 3

– 3,2

– 3,1

Écart LPFP / programme de stabilité

– 0,2

– 0,2

– 0,1

0

0

0,2

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et présent programme de stabilité.

Eu égard aux nouvelles prévisions de solde public, l’écart au solde stabilisant est accru par rapport à la LPFP. Dès l’exercice 2018, l’écart devient négatif, en d’autres termes le ratio d’endettement public devrait entamer sa décrue, indépendamment des mouvements en flux de créances.

comparaison des prÉvisions d’Écarts au solde stabilisant

(en points de PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Écart au solde stabilisant - LPFP

0,6

0,1

0,1

– 1,6

– 2,3

– 3

Écart au solde stabilisant - programme de stabilité

0,1

– 0,7

– 0,6

– 2,1

– 2,9

– 3,4

Écart LPFP / programme de stabilité

– 0,5

– 0,8

– 0,7

– 0,5

– 0,6

– 0,4

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et présent programme de stabilité.

Ces prévisions d’évolution de la dette publique se fondent sur les prévisions macroéconomiques du programme de stabilité. En revanche, elles ne prennent pas en compte d’autres éléments qui présentent un risque pour la trajectoire d’endettement public, tel que l’éventuelle reprise de la dette de SNCF Réseau. Le Rapporteur général considère indispensable d’évaluer précisément et sérieusement les enjeux financiers liés à l’éventualité d’une reprise de la dette de SNCF Réseau.

L’éventualité de la reprise par l’État de la dette de SNCF Réseau

1. Une progression dynamique de la dette de SNCF Réseau

Selon un rapport du Gouvernement d’août 2016, la dette financière nette de SNCF Réseau, gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire, a doublé depuis les années 1990, passant de 20,5 milliards d’euros en 1997 à 39,3 milliards d’euros en 2015 (42,2 milliards d’euros en normes IFRS – International Financial Reporting Standards(1).

Au 31 décembre 2017, la dette financière nette en valeur de remboursement de SNCF Réseau (hors intérêts courus non échus) s’élève à 45,2 milliards d’euros, en augmentation de 3,2 milliards d’euros sur un an (2).

Selon la Cour des comptes, le contrat pluriannuel 2017-2026 entre l’État et SNCF Réseau, conclu le 20 avril 2017, prévoit une progression du montant de la dette nette IFRS de SNCF Réseau à 62,6 milliards d’euros en 2026 (3).

2. Le classement comptable de SNCF Réseau et de sa dette

Actuellement, SNCF Réseau est classé en comptabilité nationale dans le secteur des sociétés non financières et non dans celui des administrations publiques. Ce traitement comptable suppose que la part des coûts de SNCF Réseau couverte par des recettes marchandes soit supérieure à 50 % du total. Or, la Cour des comptes relève que celle-ci est décroissante et est désormais très proche de ce seuil de 50 %, elle est passée de 58 % en 2013 à 54 % en 2016.

Toutefois, l’INSEE a déjà reclassé une partie de la dette de SNCF Réseau en dette publique à compter de 2014, au motif que le gestionnaire d’infrastructure dépendait structurellement de l’État pour couvrir ses charges. Le montant de dette de SNCF Réseau reclassé en dette publique est calculé en comparant la part des concours publics dans les produits d’exploitation de SNCF Réseau à la part subventionnée par l’État des investissements de SNCF Réseau. Fin 2013, le montant reclassé en dette publique s’élevait à 10,8 milliards d’euros (4).

Ce reclassement en dette publique est un traitement comptable, qui accroît le stock de dette publique. En revanche, il n’entraîne aucune conséquence juridique pour l’État, qui n’a pas l’obligation d’assurer le service de cette dette.

En outre, ce traitement comptable n’a eu aucun impact sur le déficit public, l’État disposant d’une créance sur SNCF Réseau équivalente au montant de la dette reclassée. Si l’État décidait juridiquement de reprendre cette dette, alors il perdrait le bénéfice de cette créance. Cela correspondrait à un appauvrissement financier net de ce dernier, ayant un impact sur le déficit public à la hauteur du montant de la dette reprise.

3. L’impact d’un reclassement ou d’une reprise de la dette de SNCF Réseau

La reprise d’une dette par l’État correspond à un acte juridique positif, qui se traduit en comptabilité nationale par une dépense publique, ayant un impact négatif sur le déficit et la dette publics.

En juin 2017, la Cour des comptes évaluait l’impact du reclassement de SNCF Réseau en administration publique en une dégradation immédiate de 0,1 point de PIB du déficit public et d’un accroissement de près de 2 points de PIB de la dette publique. Compte tenu du niveau de PIB, la reprise intégrale de la dette financière nette 2017 en valeur de remboursement de SNCF Réseau aurait eu pour effet d’accroître le déficit de 1,98 point de PIB.

Par ailleurs, l’opération de reprise de dette aurait un impact immédiat sur le déficit et la dette publics, indépendamment du calendrier de reprise de dette. En effet, l’acte de reprise de dette serait assimilé à une reconnaissance de dette, comptabilisée en une seule fois au sens de la comptabilité nationale.

En définitive, la dette de SNCF Réseau peut avoir un impact sur le déficit et la dette publics dans trois hypothèses :

– le reclassement de SNCF Réseau dans le secteur des administrations publiques (impact déficit et dette publics) ;

– le reclassement d’une nouvelle partie de la dette de SNCF Réseau en dette publique (impact dette publique) ;

– ou la reprise par l’État de la dette de SNCF Réseau (impact déficit et dette publics).

(1)    Rapport du Gouvernement relatif à la trajectoire de la dette de SNCF Réseau et aux solutions qui pourraient être mises en œuvre afin de traiter l’évolution de la dette historique du système ferroviaire, août 2016.

(2)    Rapport financier SNCF Réseau 2017, février 2018, page 12.

(3)    Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juin 2017, page 95.

(4)    INSEE, Fiche méthodologique de la base 2010 des comptes nationaux, mai 2014, page 62.


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   Travaux de la commission

Audition de M. Didier MIGAUD, président du Haut Conseil des finances publiques

Lors de sa séance du 17 avril 2018 à 17 heures, la commission a entendu M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques, sur l’avis du Haut Conseil relatif aux prévisions macroéconomiques associées au projet de programme de stabilité pour les années 2018 à 2022.

M. le président Éric Woerth. La transmission au Parlement du programme de stabilité que le Gouvernement doit communiquer avant la fin du mois d’avril à la Commission européenne présente cette année un caractère particulier. D’habitude, le programme de stabilité est inscrit à l’ordre du jour d’un Conseil des ministres à l’issue duquel les ministres viennent le présenter à notre commission. Cette année, il a simplement fait l’objet d’une « communication » lors du Conseil des ministres de mercredi dernier et n’a été officiellement transmis au Parlement que le surlendemain, vendredi 13 avril, jour où a également été publié l’avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Ces documents vous ont été communiqués le jour même.

Le Rapporteur général a donc dû travailler en urgence afin de présenter un rapport avant le débat qui aura lieu demain après-midi en séance publique. Ce débat sera suivi d’un vote ; c’est une bonne chose, car cela n’a pas toujours été le cas. Nous examinerons ce rapport immédiatement après avoir entendu M. Didier Migaud, que nous recevons en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques, comme nous le faisons toujours avant de débuter nos travaux sur la loi de programmation, la loi de finances de l’année et le programme de stabilité. M. Didier Migaud est accompagné de MM. François Monier, Vianney Bourquard, Paul Bérard et Vladimir Borgy, membres du secrétariat permanent du Haut Conseil.

En vertu de l’article 17 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le Haut Conseil est saisi par le Gouvernement des prévisions macroéconomiques sur lesquelles repose le programme de stabilité ; son avis est joint au programme de stabilité lorsqu’il est transmis au Parlement.

M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques. Je vous remercie de m’avoir invité à vous présenter les principales conclusions de notre avis sur les prévisions macroéconomiques associées au projet de programme de stabilité pour les années 2018 à 2022.

C’est un Haut Conseil renouvelé qui vient d’adopter cet avis. Comme vous le savez, la loi organique de 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques fixe les conditions de nomination des dix membres de notre institution, auxquels s’ajoute son président. Ces membres sont désignés pour cinq ans et de façon paritaire. Cette année, nous avons accueilli quatre nouveaux membres : Mme Maya Bacache-Beauvallet, qui a été nommée par le président de l’Assemblée nationale en remplacement de M. François Bourguignon, et que vous avez auditionnée ; M. Éric Heyer, nommé par le président de la commission des finances du Sénat, en remplacement de Mme Mathilde Lemoine ; le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE) a désigné Mme Isabelle Job‑Bazille pour remplacer M. Philippe Dessertine ; enfin, Mme Françoise Bouygard a été désignée en tant que membre de la Cour des comptes en remplacement de Mme Catherine Démier. Je salue l’implication de chacun des membres du Haut Conseil ; nous devons en effet rendre nos avis dans des délais très contraints.

C’est la sixième fois que le Haut Conseil est appelé à se prononcer sur le programme de stabilité mais la première fois sous cette législature. Aussi, j’appelle votre attention sur deux spécificités de cet avis.

La première, que vous avez soulignée, monsieur le président, a trait au calendrier. Nous avons publié notre avis vendredi 13 avril, une semaine après avoir été saisis par le Gouvernement ; toutefois, le programme de stabilité a été présenté en conseil des ministres mercredi 11 avril. Il en résulte, pour la première fois dans les avis du Haut Conseil, un léger décalage. S’agissant des avis portant sur les lois de finances initiales, rectificatives ou de règlement, ce léger décalage ne peut exister, la loi organique prévoyant que le Haut Conseil est saisi suffisamment tôt pour pouvoir rendre ses avis en même temps que la présentation des textes en Conseil des ministres.

La seconde spécificité porte sur le mandat du Haut Conseil. Contrairement à ce qui vaut pour l’appréciation des autres textes financiers, notre examen du programme de stabilité ne porte que sur les prévisions macroéconomiques sous-jacentes à la trajectoire de finances publiques, non sur la trajectoire de finances publiques elle-même – même si, bien entendu, nous devons tenir compte des éléments relatifs aux finances publiques qui ont un impact sur la macroéconomie.

Le Haut Conseil ne formule pas lui-même de prévisions ; il s’appuie sur des prévisions issues d’un ensemble d’organismes comprenant la Commission européenne, le Fonds monétaire international (FMI), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de nombreuses institutions ou instituts de prévision nationaux – l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), la Banque de France, COE-Rexecode, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)...

Je décrirai rapidement le contexte macroéconomique dans le monde, en zone euro et en France, puis je vous présenterai les observations du Haut Conseil en trois temps, pour vous dire séparément notre appréciation sur les années 2018, 2019 et 2020 à 2022.

S’agissant du contexte international, le Haut Conseil constate le dynamisme de l’environnement mondial et européen. La croissance mondiale s’est en effet renforcée en 2017, au-delà de ce qui était attendu il y a encore un an, et l’accélération constatée concerne aussi bien les économies avancées que les économies émergentes. En particulier, après avoir été en retrait en 2016, l’activité des États-Unis s’est accélérée en 2017. Quant au commerce mondial, il est en nette reprise depuis la fin de l’année 2016 et sa progression se poursuit en ce début d’année 2018.

La croissance s’est également intensifiée dans la zone euro en 2017, s’élevant à 2,5 % en moyenne annuelle, contre 1,8 % en 2016. Ce dynamisme devrait se poursuivre en 2018, sous le double effet d’une demande mondiale et d’une demande intérieure soutenues, cette dernière bénéficiant de la confiance toujours élevée des agents économiques, de conditions monétaires encore favorables et de politiques budgétaires légèrement expansives.

En France, on observe un net redressement de la croissance économique en 2017, à 2 % contre 1,1 % en 2016. La demande intérieure a fortement contribué à la croissance en 2016 et 2017, mais avec une composition différente : en 2017, elle a davantage reposé sur l’investissement des entreprises et l’investissement en logement, et moins sur la consommation des ménages. La contribution du commerce extérieur à la croissance a continué de peser sur l’activité en 2017, mais moins qu’en 2016. La croissance française est toutefois restée inférieure à la moyenne de la zone euro au cours de ces deux années.

Le Haut Conseil estime toutefois que les reprises mondiale, européenne et française sont soumises à des facteurs d’incertitude importants. Le scénario du Gouvernement s’inscrit dans une phase de reprise et, dans ce contexte, il n’est pas rare que les prévisions sous‑estiment la croissance. Cela a notamment été le cas en 2017, et cela pourrait l’être à nouveau en 2018 ; la croissance américaine pourrait continuer d’être forte et de soutenir une certaine dynamique.

Cependant, certains aléas pourraient avoir un effet inverse. La politique budgétaire américaine très expansive, dans une économie proche du plein emploi, pourrait alimenter l’inflation plus fortement que prévu et accélérer le resserrement de la politique monétaire. L’application de mesures protectionnistes et les tensions géopolitiques à l’œuvre font aussi peser des incertitudes fortes sur la croissance mondiale.

D’autre part, quatre facteurs de risque pèsent sur la croissance de la zone euro. D’abord, la poursuite de la hausse des cours du pétrole : le prix du baril se situe aujourd’hui dans une fourchette de 65 à 70 dollars, contre 52 dollars dans le projet de loi de finances pour 2018. Ensuite, l’appréciation de l’euro vis-à-vis du dollar : il s’est échangé à 1,23 dollar en mars contre 1,18 dollar dans le projet de loi de finances pour 2018. La situation politique de certains pays est également facteur d’incertitudes, de même que les conditions du Brexit, même si nous avons eu connaissance aujourd’hui de quelques éléments plutôt positifs au sujet de la croissance britannique.

J’en viens aux observations du Haut Conseil pour l’année 2018. S’agissant de la croissance, la prévision du Gouvernement est de 2 % dans le programme de stabilité ; elle est supérieure à celle retenue dans la loi de finances pour 2018, qui était de 1,7 %. Le Haut Conseil considère cette nouvelle prévision réaliste. Elle s’appuie en effet sur un acquis de croissance de 0,9 % au quatrième trimestre 2017, ce qui correspond à un niveau sensiblement plus élevé que l’année précédente. Par ailleurs, la prévision moyenne du Consensus Forecasts pour la France, qui synthétise les estimations de vingt-trois prévisionnistes, s’établit en avril à 2,1 % pour 2018.

Le Haut Conseil estime en outre que les enchaînements décrits dans le scénario du Gouvernement pour la France sont plausibles : poursuite d’une forte croissance de l’investissement des entreprises en réponse à des taux élevés d’utilisation des capacités, consommation en légère accélération soutenue par la dynamique des revenus, ralentissement de l’investissement des ménages.

Le Haut Conseil considère également plausibles les prévisions d’emploi et de masse salariale du Gouvernement pour 2018 : le Gouvernement prévoit une augmentation de l’emploi salarié marchand du même ordre qu’en 2017, soit 250 000 en moyenne annuelle. Cette prévision est cohérente avec les dernières enquêtes de conjoncture de l’INSEE. Quant à la masse salariale du secteur privé en valeur, elle progresserait de 3,9 % en 2018, ce qui constitue une hausse sensible par rapport à la prévision du projet de loi de finances pour 2018, qui était de 3,1 %. Cette hausse est cohérente avec les prévisions de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

Enfin, la prévision d’inflation des prix à la consommation pour 2018 est de 1,4 % dans le programme de stabilité contre 1,1 % dans les hypothèses associées au projet de loi de finances. Au regard de l’estimation du Consensus Forecasts, établie en avril à 1,5 %, le Haut Conseil estime cette nouvelle prévision raisonnable.

Quelques mots des observations du Haut Conseil sur le scénario pour les années 2019 à 2022. J’insiste à titre liminaire sur un point essentiel : les hypothèses retenues par le Gouvernement ne peuvent être analysées sans prendre en compte la position de l’économie française dans le cycle. Cette position s’apprécie à partir de l’écart de production ou output gap, c’est-à-dire l’écart entre le produit intérieur brut (PIB) observé et le PIB potentiel. Le PIB potentiel est la production nationale dite soutenable, celle qui peut être réalisée sans tension de l’appareil productif, et notamment sans création d’effets inflationnistes ou désinflationnistes. L’écart de production constitue en principe un indicateur de la capacité de rebond du pays quand il est négatif, et d’une perspective de ralentissement quand il est positif. Cela signifie que les perspectives de croissance à moyen terme diffèrent selon que l’écart de production en début de période – en 2017 et en 2018 – est négatif ou proche de zéro.

L’estimation d’écart négatif de production avancée par le Gouvernement s’établit à 0,9 point de PIB, un niveau proche de l’estimation de la Commission européenne mais inférieur à celles de l’OCDE et du FMI. Pour le Gouvernement, l’écart de production redeviendrait positif à partir de 2019. Le Haut Conseil considère que les estimations de l’écart de production retenues pour 2017 et 2018 sont acceptables mais soumises à de fortes incertitudes. Comme le Haut Conseil le rappelle dans ses avis et comme nous l’avons évoqué plusieurs fois dans cette enceinte, les estimations de l’écart de production sont en effet fragiles.

Les indicateurs de conjoncture et de prix qui sont en relation avec le cycle économique adressent actuellement des messages contrastés. D’une part, les taux d’utilisation des capacités de production et les difficultés de recrutement s’établissent, début 2018, nettement au-dessus de leur moyenne de long terme ; cela suggère que l’économie française pourrait être plus avancée dans le cycle que ne l’indiquent les estimations de l’écart de production. Mais l’évolution des prix donne un signal inverse : l’inflation sous-jacente reste très basse, indiquant que les tensions demeurent limitées, l’ajustement par une augmentation des prix n’étant pas à l’œuvre.

L’analyse de l’écart de production en début de période doit être complétée par l’examen des hypothèses de croissance potentielle présentées dans le programme de stabilité pour les années à venir. Le Gouvernement n’a pas modifié ses hypothèses par rapport à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. La croissance potentielle de l’économie française est ainsi estimée à 1,25 % pour chacune des années comprises entre 2017 et 2020. Elle augmenterait très légèrement en fin de période pour tenir compte de l’impact de réformes structurelles et s’établirait à 1,35 % en 2022.

Le Haut Conseil renouvelle son appréciation de septembre dernier sur la croissance potentielle. Il considère que les hypothèses retenues par le Gouvernement pour la période 2018-2022, qui se situent dans la moyenne des estimations disponibles, constituent une base raisonnable pour asseoir une programmation des finances publiques à moyen terme.

Comme il l’a fait pour 2018, le Gouvernement a rehaussé sa prévision de croissance pour 2019 par rapport à la loi de programmation, la faisant passer de 1,7 % à 1,9 %. Il retient donc pour 2019 une croissance en légère décélération mais proche de 2 % pour la troisième année consécutive. Les prévisions des instituts de conjoncture diffèrent à partir de 2019, traduisant des appréciations distinctes quant au scénario de croissance pour la France et dans la zone euro. Dans la plupart des prévisions disponibles, la croissance atteindrait son niveau le plus élevé en 2017 ou 2018 et connaîtrait en 2019 un infléchissement légèrement plus prononcé que dans la prévision du Gouvernement. Le Haut Conseil estime toutefois que la prévision de croissance du Gouvernement, proche du consensus, est atteignable.

Pour ce qui est enfin des années 2020 à 2022, la prévision du Gouvernement, pratiquement inchangée par rapport à la loi de programmation, est de 1,7 % de croissance par an. Nous l’avons vu, le nouveau scénario présenté par le Gouvernement dans le programme de stabilité relève les taux de croissance des premières années de la période de programmation pour prendre en compte la reprise constatée en 2017, mais le Gouvernement ne va pas au terme de la logique d’un scénario cyclique, qui conduirait à un ralentissement plus marqué au‑delà de 2020. Le scénario retenu actuellement prévoit que l’écart de production, redevenu positif en 2019, augmente chaque année jusqu’en 2022 ; cela signifie que la croissance effective serait durablement supérieure à son potentiel. C’est possible, mais cela suppose un environnement macroéconomique particulièrement porteur, en raison de l’environnement international ou du policy mix. Par ailleurs, les hypothèses retenues en matière de hausse des taux d’intérêt et de consolidation des finances publiques devraient plutôt freiner la demande globale à horizon 2022. Dans ce contexte, le Haut Conseil considère que le scénario retenu pour les années 2020 à 2022, qui prévoit une croissance effective continûment supérieure à la croissance potentielle, est optimiste.

J’évoquerai pour conclure l’impact du scénario macroéconomique du Gouvernement sur les finances publiques. Ce scénario conduirait à un solde des administrations publiques positif en 2022 et à une trajectoire de dette publique favorable. Comme je viens de l’indiquer, le scénario de finances publiques est construit sur une trajectoire de croissance optimiste. L’excédent affiché en 2022 suppose un effet favorable de la conjoncture économique sur le solde public : du fait des hypothèses de croissance, le solde effectif serait supérieur au solde structurel de 0,9 point en 2022. Le solde structurel, qui n’est pas affecté par les hypothèses de croissance effective, s’améliorerait sensiblement mais demeurerait toutefois négatif pendant toute la période. Je l’ai dit, cette perspective repose sur une trajectoire de croissance optimiste. En tout état de cause, le Haut Conseil a souhaité rappeler que l’atteinte des objectifs de finances publiques demandera le strict respect des engagements de maîtrise de la dépense contenus dans la loi de programmation.

M. Joël Giraud, Rapporteur général. Je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir présenté cet avis, qui n’excède pas le périmètre défini par la loi organique du 17 décembre 2012. Il est particulièrement positif : qu’il s’agisse de la prévision de la croissance pour 2018 et 2019, des hypothèses de croissance potentielle ou de l’estimation de l’écart de production initiale pour 2017 qui sert de base au calcul du déficit structurel et conjoncturel, vous indiquez que ces hypothèses sont « réalistes, acceptables, atteignables et raisonnables ». Ces qualificatifs sont remarquables étant donné le champ lexical habituel du Haut Conseil des finances publiques qui, dans son avis relatif au projet de loi de finances pour 2017, avait estimé « incertain » le retour du déficit sous la barre des 3 % du PIB et « improbable » la réduction du déficit public à 2,7 % du PIB – un déficit qui s’établit finalement à 2,6 %.

M. le président du Haut Conseil des finances publiques. Cet avis avait été formulé au regard du scénario proposé à l’époque par le Gouvernement, avec une hypothèse de croissance à 1,5 %. Ne faisons pas dire au Haut Conseil ce qu’il n’a pas dit. Le terme « improbable » était d’ailleurs très modéré.

M. le Rapporteur général. Mon observation taquine tendait à souligner que l’analyse sémantique des avis du Haut Conseil ne manque pas d’intérêt. Avez-vous pour principe la prudence, ce qui expliquerait un biais lexical quelque peu pessimiste ? Si tel était le cas, les hypothèses émises étant raisonnablement acceptables, ne pourrions-nous constater d’autres bonnes surprises ? Le Haut Conseil indique d’autre part que « la croissance française est restée inférieure à la moyenne de la zone euro dans son ensemble au cours de ces deux années » et que l’écart « provient essentiellement de la contribution négative des échanges extérieurs ». Quel est l’impact sur les finances publiques du solde négatif de la balance commerciale pendant la période couverte par le programme de stabilité ?

M. le président du Haut Conseil des finances publiques. Je ne sais si le Haut Conseil peut être dit pessimiste. Il convient de toujours se situer dans le contexte de l’époque à laquelle un avis a été rendu. La prévision est un art difficile, pour le Gouvernement comme pour les prévisionnistes. Je le redis, le Haut Conseil avait exprimé un avis à partir du scénario présenté par le Gouvernement, fondé sur une hypothèse de croissance de 1,5 %, avec toutes les conséquences que l’on pouvait en tirer sur les autres hypothèses macroéconomiques et sur le scénario des finances publiques ; il paraissait improbable de parvenir à un déficit de 2,6 % du PIB avec une croissance de 1,5 %. J’aurai l’occasion d’y revenir lorsque je présenterai, au nom de la Cour des comptes, le rapport sur l’exécution du budget de l’État et le rapport sur la situation et perspectives des finances publiques. Si nous parvenons aujourd’hui à un déficit de 2,6 % du PIB avec une croissance de 2 %, comment y serait-on parvenu avec une croissance de 1,5 % ?

Quand le Gouvernement avait révisé son hypothèse de croissance pour la porter à 1,5 % au moment de définir le programme de stabilité, nous avions considéré que c’était tout à fait possible, alors même que le Consensus Forecasts était encore beaucoup plus bas. Il faut reconnaître que les prévisions des instituts de conjoncture ou des organismes internationaux ne prennent pas toujours en compte certains éléments d’enquête dont on peut avoir connaissance. C’est pourquoi il convient de relativiser ou de replacer ces prévisions en perspective. Mais je reconnais qu’il s’agit là d’une science difficile. Pour les années 2018 et 2019, nous utilisons les adjectifs que vous avez rappelés, mais nous sommes plus sceptiques pour la période commençant en 2020 car l’extrême difficulté de dire quel sera le contexte macroéconomique exact à ce moment fragilise les scénarios construits à partir de prévisions que l’on peut qualifier d’optimistes.

Pour ce qui est de l’incidence de la performance à l’exportation dans le programme de stabilité, les exportations ont nettement progressé en 2017 après le ralentissement de 2016, augmentant de 3,3 % après avoir augmenté de 1,9 %. Ce dynamisme est dû à la progression de la demande étrangère et à des facteurs exceptionnels, en particulier le rebond du tourisme depuis le quatrième trimestre 2016 : il a augmenté de 6,9 % en 2016 et de 4,6 % en 2017, après dix trimestres consécutifs d’une baisse due pour partie aux attentats. La contribution du commerce extérieur à la croissance avait cependant été négative en 2016 mais, cette année-là, des facteurs exceptionnels avaient pénalisé et nos exportations agricoles et le tourisme. Une forte différence marque les résultats observés en 2016 et en 2017 et il convient de prendre en compte les circonstances particulières qui ont tiré les résultats de l’année 2016 vers le bas.

Dans le scénario du programme de stabilité, les exportations, soutenues par une demande mondiale croissante, devraient rester dynamiques en 2018 et en 2019. De plus, les livraisons de grands contrats devraient contribuer davantage que par le passé au dynamisme des exportations. Enfin, les exportations de produits agricoles pourraient rebondir après avoir été pénalisées par des conditions météorologiques adverses en 2016 et en 2017.

Cela étant, il convient de rappeler que la France a perdu des parts de marché tout au long de la décennie 2000-2010, la part de ses exportations de biens dans les exportations mondiales passant de 5 % au début des années 2000 à 3 % environ en 2012. Cette dégradation s’est ralentie depuis quelques années, avec une quasi-stabilisation depuis 2012.

Dans son avis sur le programme de stabilité de l’année dernière, le Haut Conseil s’était interrogé sur la capacité de l’appareil productif français à tirer avantage de l’augmentation de la demande nationale et étrangère. Cette évolution défavorable reflète, ou a reflété, le manque de compétitivité coûts et hors coûts de notre économie au cours de cette décennie. La compétitivité coûts a commencé à se redresser depuis cinq ans – ainsi, les coûts salariaux horaires dans l’ensemble des secteurs marchands progressent moins vite en France qu’en Allemagne, en grande partie grâce aux allégements de cotisations et notamment au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). C’est un indicateur intéressant pour mesurer la compétitivité de notre économie.

M. le président Éric Woerth. L’art de la prévision est effectivement difficile et l’on peut comme d’habitude s’opposer longuement sur ces questions. On notera la qualité des travaux du Haut Conseil sur un périmètre restreint de compétences en ce qui concerne l’avis sur ce type de textes, et notamment sur la croissance. Mais le sujet prête évidemment à bien des discussions, notamment sur la répartition entre ce qui relève de phénomènes conjoncturels et ce qui relève de phénomènes structurels.

M. Xavier Roseren. Au sujet de la trajectoire des finances publiques, l’avis laisse penser que le Gouvernement n’entreprend aucune mesure d’économie et se repose principalement sur la conjoncture. Pourtant, le programme de stabilité prévoit un effort historique de diminution des dépenses publiques de plus de 100 milliards d’euros d’ici la fin du quinquennat. Cela permettra un excédent budgétaire en 2022 et mettra fin à la tradition française de la dette publique, qui a débuté en 1974. L’avis du Haut Conseil ne s’attardant pas sur les objectifs de réduction des dépenses publiques, je voudrais connaître votre avis à ce sujet. Les précédents programmes de stabilité annonçaient le retour à l’équilibre des finances publiques, et les avis rendus par le Haut Conseil étaient critiques à ce sujet ; celui que vous nous avez présenté ne l’est pas. Est-ce, précisément, parce que le Haut Conseil a pris en compte le réalisme des objectifs de réduction de la dépense ? Cet effort, engagé dès 2018, se poursuivra tout au long du quinquennat, notamment par le biais des travaux menés par le Comité Action publique 2022 (CAP22) qui rendra prochainement ses conclusions. Le Haut Conseil prévoit-il d’analyser les mesures qui seront annoncées et d’en évaluer l’impact ?

Mme Véronique Louwagie. L’avis que vous nous avez présenté m’inquiète, car je sais que vous en avez pesé chaque mot. En 2017, la croissance a été de 2 % et l’inflation de 1 % ; qu’en aurait-il été sans cela, vous demandez-vous en réalité ? De fait, cette conjonction a conduit à des recettes fiscales et sociales supplémentaires de 40 milliards d’euros, un montant énorme. On se réjouit de ce résultat favorable, mais la nécessité d’analyser ce qui a permis d’y parvenir demeure.

En ce qui concerne les recettes, je regrette le taux annoncé des prélèvements obligatoires. En juillet 2017, le taux projeté pour 2022 était fixé à 43,5 % du PIB. Revu à la hausse, le taux s’établit désormais à 44,3 %, soit 0,8 point de PIB en plus, ce qui est considérable ; on en revient finalement au niveau de prélèvements constaté en 2016, soit 44,6 %. Un tel niveau, très supérieur à ce qui existe au niveau européen, n’est-il pas un handicap pour notre économie ?

Pour ce qui est du niveau de la dépense publique, je suis en désaccord avec l’analyse de M. Roseren : on ne peut parler de maîtrise de la dépense quand la nouvelle trajectoire fixée en 2018 anticipe une hausse de 0,7 % de la dépense par rapport à ce qui était envisagé il y a quelques mois. Le Haut Conseil a-t-il pris en compte le fait que la contractualisation prévue avec les collectivités territoriales n’est pas très bien engagée ?

M. Mohamed Laqhila. Vous dites « plausibles » les enchaînements décrits dans le scénario macroéconomique du programme de stabilité, et « réalistes » les prévisions de croissance du Gouvernement pour 2018 et pour 2019. Que le Haut Conseil use de termes aussi positifs pour décrire la situation de la France est devenu suffisamment rare ces dernières années pour qu’on le souligne. Mais que l’on se réjouisse légitimement de cette trajectoire positive ne doit pas anesthésier l’action du Gouvernement et de notre majorité. En effet, si l’augmentation de l’activité économique et de la croissance réduit mécaniquement le déficit, la réalisation de ce scénario de finances publiques demande, vous le rappelez à juste titre, le strict respect des engagements de maîtrise de la dépense publique. Il faut donc savoir si les mesures prises et les mesures à venir – notamment la réduction des contrats aidés, la réforme de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), la future réforme dite Action publique 2022 – suffiront selon vous à donner un véritable coup de frein à la dépense publique pour aboutir à une baisse significative du déficit public. La réforme territoriale si souvent préconisée ne permettrait-elle pas un progrès ?

Vous formulez une réserve et vous en appelez à la prudence sur les deux points critiques que sont le commerce extérieur et la compétitivité. Étant donné la politique économique et budgétaire très expansive menée par M. Donald Trump, et pour faire face à l’instauration de mesures protectionnistes par les États-Unis ou d’autres pays tiers, quelles solutions sont envisageables aux niveaux national et européen, les pays membres de l’Union peinant déjà à harmoniser leurs fiscalités respectives ?

Enfin, les tensions géopolitiques mondiales sont très fortes. En ce qui concerne l’Europe, l’activité au sein de l’union monétaire pourrait également ralentir en raison des incertitudes qui pèsent sur la situation politique de certains pays. La récente attaque décidée par le Gouvernement en Syrie et le risque de représailles peuvent-ils dissuader certains investisseurs d’envisager leur installation en France ? Plus largement, la montée des populistes et des eurosceptiques peuvent-ils dissuader les entreprises d’investir en Europe ? L’enjeu pour la France, en matière de développement économique, n’est-il pas finalement de politique étrangère ?

M. Charles de Courson. Il n’y a plus de cycles économiques dans les prévisions : les taux sont de 2 %, 1,9 %, 1,7 % et l’on ne parle pas de ralentissement économique, dont de nombreux économistes pensent pourtant qu’il a été amorcé avec la remontée des taux d’intérêt. Quelle est l’opinion du Haut Conseil à ce sujet ? On lit, à la page 16 de l’avis, que les écarts de production s’inverseront à partir de 2019, et l’on est continûment dans une tension croissante culminant à 1,6 point de PIB en 2022. Est-il réaliste de penser qu’il n’y aura pas une inversion de cycle à partir de 2019-2020 et un affaissement de la croissance de la zone euro et du monde ?

D’autre part, alors que notre perte de compétitivité nous a coûté 0,5 point de croissance chaque année pendant dix ans et encore 0,3 point en 2017, subitement notre commerce extérieur aurait une contribution positive en 2018, et encore en 2020, 2021 et 2022. Quels facteurs de compétitivité peuvent expliquer cette tendance ? Quel est le sérieux de prévisions qui supposent que la France regagne en compétitivité relative par rapport aux pays avec lesquels nous commerçons ?

M. Jean-Louis Bricout. On peut se réjouir de perspectives plutôt positives, tout en sachant qu’elles sont davantage liées à la conjoncture qu’à des efforts structurels. La prévision est effectivement un art difficile reposant sur l’analyse d’un constat, notamment celui de la croissance effective, laquelle, comme le souligne le Haut Conseil dans son avis, était liée en 2017 à l’investissement des entreprises et aux investissements dans le logement et, dans une moindre mesure, à l’amélioration de la consommation. Selon vous, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) fait-il partie des dispositifs qui ont encouragé l’investissement dans les entreprises ? Quel effet pourrait avoir sa transformation ? L’évolution de la consommation intérieure reste timide : l’heure n’est-elle pas venue de la redistribution, d’une politique plus visible de la demande pour dynamiser l’artisanat et le commerce, et avec eux la croissance ?

Vous avez évoqué les aléas, tel le prix du baril de pétrole ou l’effondrement de l’euro. Pouvez-vous revenir sur les incertitudes liées aux conditions du Brexit ? Comment estimer leur influence sur notre économie ? Quel impact attendre des mesures protectionnistes prises par les autorités américaines ? À l’échelle européenne, l’avis du Haut Conseil dit la bonne santé économique de l’Italie, mais son instabilité politique actuelle assombrit les perspectives.

Le Haut Conseil juge plausibles les enchaînements décrits dans le scénario du Gouvernement, notamment du point de vue de la consommation et donc du pouvoir d’achat, mais cette reprise ne se confirme pas sur tous les territoires, singulièrement là où l’absence de richesse privée se fait cruellement sentir sous l’effet, notamment, de la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG). Pouvez-vous préciser le point de vue du Haut Conseil sur la consommation des ménages, alors que le programme de stabilité prévoit une hausse de l’inflation de 1,4 % ?

M. Éric Coquerel. Dans le droit fil du rôle du Haut Conseil, qui est d’apprécier le réalisme des prévisions macroéconomiques du Gouvernement et de vérifier la cohérence de la trajectoire de retour à l’équilibre des finances publiques avec les engagements européens de la France, l’avis relaye la doctrine de l’orthodoxie budgétaire issue des traités européens. On constate que les chiffres de « bonne santé » de l’économie française sont surtout dus à une croissance mondiale qui est à peu près deux fois supérieure à celle de la France. Le contexte est donc fragile, en raison des questions conjoncturelles que vous avez soulignées mais surtout parce que le problème structurel du système financier international n’ayant pas été résolu, l’écart entre l’économie réelle et l’économie financière est tel que, chacun le sait, l’éclatement des bulles spéculatives est encore devant nous. Cela fragilise considérablement les prévisions à long terme, la politique proposée ne faisant qu’accroître ce risque.

L’avis est sous-tendu par la logique de l’application des politiques du Gouvernement : la réduction du rôle de l’État par la baisse des dépenses publiques et par celle des recettes – principalement celles qui sont prélevées sur les plus riches – d’une part, une politique de l’offre qui vise les revenus salariés d’autre part ; n’est-il pas écrit en toutes lettres dans le programme de stabilité que « la maîtrise des revalorisations salariales permettra notamment une nette décélération de la masse salariale publique » ? Tel est l’objectif visé, et je vous fais grâce des autres extraits qui donnent crédit à mes propos.

Ma grande inquiétude tient à ce cap politique, celui de la baisse des déficits publics présentée comme l’alpha et l’oméga, alors que le déficit public est l’un des moteurs possibles de l’économie. Faut-il rappeler que l’État est un acteur économique dont les dépenses – ses commandes – produisent des recettes ? La politique de l’offre comprime les salaires et je crains fort que l’économie française, quand viendra le retournement de conjoncture, ne se trouve en grande difficulté.

Enfin, le Haut Conseil a auditionné des organismes extérieurs à l’administration des finances, au nombre desquels Natixis. Je suis surpris qu’une banque d’investissement privée soit amenée à donner son avis sur la pertinence des prévisions macroéconomiques gouvernementales.

M. Jean-Paul Dufrègne. En 2019 se cumuleront le CICE et la baisse de cotisations sociales proposée par la majorité. Pourriez-vous préciser comment se traduira ce cumul, et en points de PIB et en montant, et définir ainsi, en creux, quel serait le niveau du déficit sans ce cumul ? Ces données ont cela d’intéressant qu’elles permettent d’illustrer la politique du « deux poids deux mesures » en matière de dette : on peut la laisser filer lorsqu’il s’agit d’alléger la fiscalité des grosses entreprises ou des hauts revenus du patrimoine, mais la dépense publique est sacrilège lorsqu’il s’agit d’investir pour aider et accompagner nos concitoyens, notamment les plus fragiles.

M. le président du Haut Conseil des finances publiques. Je ne peux pas répondre à beaucoup de vos questions : la plupart portent sur le scénario de finances publiques et le Haut Conseil ne s’est pas exprimé à ce sujet, sinon par une incidente dans le dernier développement, sans porter d’appréciation particulière. Peut-être serai-je en mesure, cette fois en ma qualité de Premier président de la Cour des comptes, de répondre à quelques‑unes de vos questions lorsque je vous présenterai le rapport sur l’exécution du budget de l’État et sur l’explication que nous avons du résultat de 2,6 % de déficit, qui résulte bien davantage d’une augmentation de la croissance que d’un effort structurel important. Cela se traduit d’ailleurs dans les chiffres, pour 2017 comme pour 2018, et c’est assumé, me semble-t-il, dans les documents du Gouvernement.

L’effort structurel étant quasi nul, l’ajustement structurel de 0,5 point de PIB en 2017 résulte de l’élasticité des recettes fiscales. Il est toujours intéressant de rechercher les raisons d’un résultat ; c’est aussi pourquoi j’ai souligné précédemment que le taux de 2,6 % de déficit auquel la France est parvenue a une explication complètement différente du déficit prévu dans la loi de finances initiale. Il faut en tout temps reconstituer précisément les facteurs pour avoir une appréciation exacte de ce qui est advenu. D’ailleurs, dans le projet de loi de programmation comme dans le programme de stabilité, l’effort structurel est plus important en 2020, 2021 et 2022. Nous ne portons d’appréciation ni ne contestons : nous disons seulement que des prévisions sont formulées, qu’elles devront se concrétiser et que le respect de ce scénario repose à la fois sur une croissance optimiste, plutôt à partir de 2020, et sur le strict respect des engagements pris. Nous n’avons aucune raison d’avoir des doutes, mais le Haut Conseil des finances publiques raisonne à partir de ce qu’il constate, et nous constatons qu’en 2017, il n’y a pas eu de maîtrise plus importante des dépenses publiques. Ces éléments sont à la fois documentés et à concrétiser. C’est l’objet des lois de finances, et l’on peut supposer que les lois de finances pour 2019, 2020 et 2021 apporteront les éléments expliquant comment la dépense publique peut diminuer en proportion du PIB. Je rappelle à M. Coquerel que la dépense publique continue d’augmenter en volume, et qu’en 2017 elle a augmenté plus sensiblement que prévu à l’origine.

En résumé, je ne suis pas en mesure de répondre à vos questions sur les finances publiques. Le Haut Conseil dit seulement que le scénario de finances publiques proposé par le Gouvernement dans le programme de stabilité repose sur des hypothèses réalistes et plausibles pour 2018 et 2019 et plus optimistes à partir de 2020, et aussi sur le strict respect d’une maîtrise de la dépense publique plus importante que par le passé. Or, l’effort de maîtrise de la dépense publique proposé dans le programme de stabilité comme dans la loi de programmation étant presque sans précédent dans l’histoire de nos finances publiques, on peut avoir quelques interrogations : l’effort structurel attendu est plus important en 2020, 2021 et 2022, avec un cycle économique qui peut justement toucher à sa fin, ce que le Gouvernement prend peut-être insuffisamment en considération puisqu’il prévoit un ralentissement de la croissance moins prononcé que ne le font beaucoup de prévisionnistes ou d’institutions internationales.

Je pense qu’il y a toujours des cycles économiques, monsieur de Courson. Ils peuvent être plus longs que dans le passé. Le Gouvernement pense en termes de cycle économique pour les plus proches années à venir mais il ne porte pas le raisonnement à son terme car quand on est parvenu en haut d’un cycle, un ralentissement suit – qui ne signifie pas une récession. Dans le scénario proposé par le Gouvernement, ce ralentissement est peu prononcé. En 2020 et 2021, tous les pays de la zone euro seront-ils exactement au même point du cycle ? Le niveau de l’économie européenne sera-t-il le même que celui de l’économie américaine sur le cycle ? À ces questions, les économistes apportent des réponses très différentes, ou nuancées. C’est pourquoi on a toujours beaucoup plus de certitudes sur l’année en cours ou sur l’année à venir, sans même parler de l’année écoulée – encore que, là encore, la prudence commande d’attendre les résultats définitifs. Voyez ce qu’il en a été pour le premier trimestre 2017 : l’INSEE estime aujourd’hui que la croissance, ce trimestre-là, n’a pas augmenté de 0,4 point, mais de 0,7 point. Quand on pense combien les esprits s’agitent parfois pour une variation de 0,1 point !

M. Jean-Louis Bourlanges. Ce pourquoi Turgot disait que la tâche du Gouvernement est de prévoir le présent…

M. le président du Haut Conseil des finances publiques. Monsieur Coquerel, la contribution du commerce extérieur à la croissance a été négative ; la croissance a été tirée par la demande intérieure. Ce sont des éléments objectifs : ces chiffres sont désormais confirmés.

Au sujet de la compétitivité et du fait que les résultats du commerce extérieur pourraient être meilleurs en 2018, nous avons eu de longs débats avec les services du Trésor et en interne. Les éléments qui nous ont été apportés confortent plutôt les estimations contenues dans le programme de stabilité, en tout cas pour les années 2018 et 2019.

Le Haut Conseil n’a pas mesuré l’impact du CICE, car ce n’est pas sa mission ; je ne peux donc vous dire, monsieur Dufrègne, le bilan que l’on peut tirer. Je pourrai vous apporter quelques éléments complémentaires lors de la présentation des rapports à venir de la Cour des comptes, quand cette évaluation aura été faite, ce qui n’est pas encore le cas, non plus que pour la transformation du CICE en allégement de charges.

Il ne m’appartient pas de dire quel est le bon niveau de prélèvements obligatoires. Le Haut Conseil raisonne en fonction des objectifs que vous arrêtez et des prévisions macroéconomiques qui permettent ensuite la construction des scénarios macroéconomiques et de finances publiques préparés par le Gouvernement et qui vous sont soumis.

M. Jean-René Cazeneuve. Monsieur le président Migaud, vous nous dites que nous ne pouvons pas vous interroger, dans ce cadre, sur les engagements de maîtrise des dépenses publiques... C’est le supplice de Tantale !

Je tente quand même de vous poser deux questions sur la trajectoire des finances des collectivités territoriales.

D’abord, leurs dépenses d’investissement devraient augmenter de 5,7 % en 2018. C’est un niveau extrêmement élevé pour la deuxième année consécutive. On peut s’en féliciter. Mais pensez-vous que cela entraînera une forte hausse de leurs dépenses de fonctionnement dans les années suivantes ?

Ensuite, dans le programme de stabilité, pour la période 2017-2019, l’État prévoit de diminuer ses dépenses en valeur de 3,4 points de PIB. En revanche, la dépense locale diminuerait de 1,1 point en 2018 mais augmenterait de 0,8 point en 2019. Peut-on y voir une rupture de tendance ? Ce serait en effet la première fois que l’État consentirait un effort supérieur à celui des collectivités territoriales.

M. Patrick Hetzel. Parmi les facteurs d’incertitude importants, vous mentionnez la situation budgétaire des États-Unis. Le niveau de leur dette pourrait entraîner une crise des dettes souveraines. Selon vous, le risque qu’un tel phénomène se concrétise dans les prochains mois est-il faible ou réel ? Cela aurait, bien entendu, des conséquences sur la trajectoire des finances publiques de notre pays.

Mme Stella Dupont. Pour 2018, le Haut Conseil des finances publiques estime que les scénarios décrit dans le programme de stabilité sont plausibles, tout comme les prévisions d’emploi, de masse salariale et d’inflation. Mais il mentionne aussi, comme d’ordinaire, des incertitudes, notamment en ce qui concerne les écarts de production et constate qu’au début de 2018, le taux d’utilisation des capacités de production et les difficultés de recrutement s’établissent nettement au-dessus de leur moyenne de long terme. Selon une récente étude de Pôle emploi, les entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises (PME), anticiperaient encore plus de difficultés de recrutement qu’en 2017. Dans la région des Pays de la Loire, où le taux de chômage est le plus faible de France, je rencontre constamment des chefs d’entreprise qui se heurtent à cette difficulté – récemment, le groupe Brangeon par exemple. Estimez-vous que ce risque de ce manque de main-d’œuvre risque d’entraver la reprise économique ? Quelles conséquences pourrait-il avoir sur les estimations du taux d’utilisation des capacités de production ?

Mme Sarah El Haïry. Dans la partie macroéconomique du programme de stabilité, il est indiqué que le pouvoir d’achat des ménages augmenterait nettement, de 1,9 %, en 2019, dans un contexte de création d’emplois toujours plus dynamique. Peut-on décomposer cette hausse selon les déciles de population pour mieux appréhender qui en profite le plus et qui en profite le moins ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Merci, monsieur le président du Haut Conseil des finances publiques, pour ce document toujours aussi intéressant. C’est notre référence pour étudier le programme de stabilité et lors de la discussion du budget.

En premier lieu, vous constatez que la croissance réelle sera plus élevée que la croissance potentielle. Mais l’effort structurel a été nul en 2017, sera quasi nul en 2018. Le Gouvernement reporte, semble-t-il, tous les efforts en fin de quinquennat – aux calendes grecques ! Or, dans votre rapport, vous estimez aussi qu’un scénario de maintien d’une croissance réelle supérieure à la croissance potentielle jusqu’en 2022 est optimiste. N’y a-t-il pas là une sorte d’incohérence ?

En second lieu, dans la part de nos exportations de biens dans les exportations mondiales, qui figure à la page 22 du rapport, intègre-t-on les gros contrats, ceux que le Président de la République annonce à coups de milliards d’euros lors de ses voyages à l’étranger ?

Mme Perrine Goulet. Depuis le « rapport Pébereau » de 2005, on sait combien la dette incontrôlée est dangereuse. Les gouvernements précédents n’ont pourtant pas jugé utile d’agir sur cette situation, et la dette publique approche les 100 % du PIB – 97 % exactement en 2017, à 2 218 milliards d’euros. En 2018, ce taux devrait diminuer, à 96,4 %, grâce à la réduction du déficit et à la reprise de l’activité. Selon les prévisions, cette tendance se poursuivrait jusqu’en 2022. Jugez-vous cela possible ?

D’autre part, quel impact une hausse des taux d’intérêt aurait-elle sur cette dette ? Je ne l’ai pas vu dans le programme de stabilité. De même, le Président de la République a annoncé, dimanche, que l’État reprendra une part substantielle de la dette de la SNCF, qui s’élève à 50 milliards d’euros. Quel impact cette reprise aurait-elle sur la trajectoire des finances publiques ? Enfin le prélèvement à la source en 2019, qui est certes un outil de modernisation fiscale, aura-t-il des conséquences sur les recettes publiques d’ici 2022 ?

M. le président Éric Woerth. Je rappelle que la commission auditionne demain les responsables de la SNCF et de l’État sur la dette ferroviaire.

M. Daniel Labaronne. Les prévisions en matière de finances publiques seraient réalistes pour 2018, atteignables en 2019, et « optimistes » pour 2020-2022. Sur le taux de croissance de 1,7 % durant cette dernière période, vous êtes réservé, on le comprend, en raison du risque de retournement de la conjoncture internationale et de l’évolution des taux d’intérêt, c’est-à-dire de facteurs exogènes. Mais peut-être cette prévision de croissance de 1,7 % du Gouvernement est-elle au contraire sous-évaluée, faute de tenir compte de facteurs endogènes que sont les réformes structurelles qui ont été engagées – concernant le facteur capital, la libéralisation du marché du travail, la formation, la qualification, qui sont de nature à améliorer la productivité, la libéralisation de l’épargne pour l’investissement productif, la stratégie gouvernementale en faveur de l’innovation. Au total, n’accordez-vous pas plus de poids à des facteurs exogènes, par nature incertains, qu’à des facteurs endogènes qui tiennent à la politique économique que nous mettons en œuvre, aux réformes structurelles que nous avons engagées, qui vont porter leurs fruits dans les années à venir et nous permettre d’atteindre un taux de croissance peut-être supérieur au 1,7 % annoncé ? Je ne crois pas à l’effet de cycle, mais plutôt au volontarisme politique.

M. Michel Lauzzana. Je rejoins l’interrogation de M. Hetzel sur le risque que fait courir la progression constante de la dette mondiale. Elle serait, fin 2017, de 237 000 milliards de dollars selon certaines estimations, de 164 000 milliards de dollars selon celle, plus modeste, du FMI. De plus, la politique de M. Trump menace la soutenabilité de la dette américaine. Tient-on suffisamment compte de ce risque dans le scénario macroéconomique du programme de stabilité ? Quel serait l’impact d’une telle crise de la dette, serait-il brutal ou pourrait-on l’amortir ?

M. Éric Alauzet. Il apparaît que la trajectoire de la baisse des déficits se consolide et est même plus favorable que prévu, et permet de faire face à des charges ponctuelles comme la suppression de la taxe sur les dividendes ou la prise en charge en même temps du CICE et de la baisse des cotisations sociales. Avant les bonnes nouvelles économiques qui viennent de nous parvenir, on était à 2,9 % pour les deux exercices suivants. On est désormais plus à l’aise. Mais comment appréciez-vous l’impact sur cette trajectoire de la reprise partielle ou totale de la dette de la SNCF ?

J’insiste à mon tour sur la dette mondiale. Les dernières crises sont quand même celle des subprimes en 2007-2008 et celle des dettes souveraines en 2010-2011, et la dette est de nouveau supérieure, en volume du moins, à ce qu’elle était avant 2007. Parmi les écueils qui sont devant nous, vous évoquez l’inflation. Elle peut justement être liée à une crise de la dette. Pourtant, vous n’évoquez pas ce dernier facteur de fragilité. Pourquoi ?

M. Xavier Paluszkiewicz. Je souhaite vous interroger sur le financement de la dépendance. Le Président de la République l’évoquait justement lors du débat – du combat ? – télévisé de dimanche dernier. On sait qu’il est nécessaire de conforter la démarche de sortie de la procédure pour déficit excessif à l’été 2018. Le scénario de réduction des dépenses publiques annoncé par le Gouvernement nécessite un strict respect des engagements de maîtrise des dépenses publiques. Il importe donc de tenir compte de la démographie dans les prévisions macroéconomiques. Après le baby-boom, voici venu le temps du « papy-crash ». La création, envisagée, d’une cinquième branche de la sécurité sociale consacrée à la dépendance est-elle de nature à modifier substantiellement les dépenses au titre de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) et donc le scénario des dépenses publiques ?

M. Jacques Marilossian. Selon vous, l’hypothèse de croissance pour 2020-2022 est optimiste. Vous dites même que la croissance de la zone euro pourrait également pâtir d’incertitudes qui caractérisent la situation politique de certains pays et les conditions du Brexit. Dans la mission d’information parlementaire sur le Brexit, dont je suis membre, on nous a indiqué que le départ du Royaume-Uni va augmenter mécaniquement notre contribution annuelle de 3 à 6 milliards d’euros à partir de 2021. Au-delà de cet aspect, vos services ont-ils mené des études sur différents scénarios de Brexit et sur les conséquences, notamment sur les échanges commerciaux, d’un Brexit dur ? Si oui, l’impact sur nos finances publiques peut-il être très significatif à partir de 2021-2022 ?

M. Olivier Gaillard. D’autres collègues l’ont dit, la trajectoire des finances publiques dépend trop des soubresauts de la conjoncture. Celle-ci s’améliore, mais sans nous rendre des marges d’autonomie financière dignes de ce nom ni permettre le retour à une pression fiscale plus acceptable et une réduction significative du déficit. Dans une interview au Point le 21 mars dernier, Jean Arthuis, président de la commission des budgets du Parlement européen, appelait de ses vœux une véritable gouvernance économique, financière et budgétaire au niveau européen, en ces termes : « Le Mécanisme européen de stabilité financière devrait devenir un Fonds monétaire européen et la zone euro doit se doter d’un budget spécifique pour faire face aux chocs éventuels, soutenir la mise en convergence des législations nationales et accompagner les réformes structurelles. » Cette recommandation forte traduit les insuffisances du pacte de stabilité. J’aimerais connaître votre point de vue sur cette position.

M. le président du Haut Conseil des finances publiques. Je vais continuer à vous décevoir, car je ne veux pas répondre à vos questions concernant le scénario des finances publiques. Ce n’est pas dans le mandat du Haut Conseil, et il n’a pas débattu de l’ensemble des questions que vous posez. Peut-être aurai-je la possibilité de répondre avec plus de précision à l’occasion de la présentation des rapports de la Cour des comptes sur 2018, encore que, sur un certain nombre d’engagements pris par les autorités politiques, nous n’avons pas de commentaire à faire. Lorsqu’ils se concrétiseront, nous en examinerons l’impact sur les finances publiques. Mais nous le ferons a posteriori. Les seuls éléments de commentaire que nous pouvons livrer, c’est à propos de la situation et des perspectives des finances publiques, en nous plaçant dans les scénarios proposés, en examinant ce qui se passe dans d’autres pays voisins et comment se situe la France dans la zone euro et le reste du monde.

Effectivement, un certain nombre de réformes structurelles sont engagées. Quel en sera l’impact, il est difficile de le dire. Nous constatons que le Gouvernement a décidé en conséquence de porter le taux de croissance potentielle de 1,25 % à 1,35 %, ce qui n’est pas un changement significatif. Nous pourrions porter une appréciation différente, y compris sur l’ensemble du scénario de la croissance, si l’on avait procédé à une hausse plus importante pour la croissance potentielle.

S’agissant des échanges extérieurs, le programme de stabilité retient que leur contribution redeviendra neutre ou légèrement positive, avec plusieurs arguments à l’appui, telles les livraisons à court terme pour de gros contrats comme des paquebots et des avions Rafale. Puisqu’on a posé la question, les gros contrats sont pris en compte au moment de la livraison, non de la commande. Entre les deux, il peut se passer du temps. Ce mode de prise en compte explique certaines variations des résultats du commerce extérieur d’une année sur l’autre. Il y a aussi à effectuer la correction en fonction des facteurs exceptionnels de 2016‑2017 comme les crises agricoles, celle du tourisme à la suite des attentats.

Mme Marie-Christine Dalloz. Et les frégates russes !

M. le président du Haut Conseil des finances publiques. Du fait d’une petite amélioration de notre compétitivité, nos parts de marché ont baissé mais se sont stabilisées à hauteur de 3 % des échanges mondiaux. Ces éléments nous ont permis de dire que, s’agissant du commerce extérieur, ce qu’avançait le Gouvernement était plausible, réaliste...

Bien entendu, à côté des facteurs exogènes comme la politique monétaire et l’environnement international, jouent des facteurs endogènes, et la politique budgétaire en est un. Le programme de stabilité prévoit un effort structurel plus important en fin de période, donc une politique budgétaire plus restrictive qu’aujourd’hui, qui peut avoir des conséquences sur la croissance. Cet aspect est‑il suffisamment pris en compte dans le scénario macroéconomique du Gouvernement, qui table sur un ralentissement plus modéré en fin de cycle que ne le font beaucoup d’autres ? On peut en débattre, on verra ce qui se passe.

On constate en effet que les freins aux capacités de production, les goulots de production, les difficultés de recrutement ont beaucoup augmenté en 2017 et sont à des niveaux nettement supérieurs à la moyenne de long terme. Certains économistes prévoient que ces contraintes d’offre peuvent rapidement entraver la croissance. Mais est-ce certain ? Dans le passé, on a pu constater que ces indicateurs pouvaient atteindre un niveau élevé pendant une période plus longue sans vraiment freiner la croissance. C’est un peu ce qui se passe aux États-Unis et en Allemagne. Il est difficile d’avoir des certitudes. Cela peut entraîner des tensions et un ralentissement, mais à quel moment ? Parallèlement, des efforts de formation et quelques réformes structurelles peuvent améliorer, à terme, les capacités d’utilisation de la main-d’œuvre. L’enchaînement de ces facteurs est incertain, et on peut dire la même chose en ce qui concerne les tensions sur l’emploi.

La réforme fiscale aux États-Unis peut-elle dégénérer en crise de la dette souveraine ? Elle soutient l’activité à court terme, mais va accroître le déficit budgétaire et peut contribuer à augmenter l’inflation au-delà des prévisions actuelles. Cela pourrait conduire la Fed à resserrer plus vite sa politique monétaire et l’augmentation de ses taux d’intérêt aurait des conséquences pour la croissance des autres pays, développés comme émergents. Mais les banques centrales manifestent une certaine prudence et si elles augmentent les taux d’intérêt, le font de façon modérée. Nous surveillons de près cette situation, mais pour l’heure ni la Banque centrale européenne (BCE), ni la Réserve fédérale des États-Unis ne se dirigent vers un resserrement budgétaire. Le programme de stabilité indique, en page 28, qu’une augmentation de 1 % des taux d’intérêt a un impact de plus de 2 milliards d’euros l’année suivante et de 19 milliards au bout de dix ans. Une telle hausse peut donc avoir des conséquences sur les marges de manœuvre budgétaires de l’État.

Je ne peux répondre à propos de l’investissement des collectivités locales. La question n’entre pas dans notre champ.

Certains pays, en situation plus fragile, peuvent présenter des risques. Mais, s’agissant du Brexit, pour le moment, toutes les mauvaises nouvelles ne sont pas confirmées, même pour le Royaume‑Uni. Les scénarios catastrophe mettent du temps, pour le moins, à se concrétiser, même s’il y aura, s’il y a déjà, des conséquences : la croissance est faible au Royaume‑Uni. D’autres pays sont plus fragilisés par le niveau d’endettement, public ou privé. Autant d’aléas qui peuvent affecter la poursuite de la reprise économique et qu’il faut prendre en compte comme il faut prendre en compte des éléments plus positifs. Après tout, on a sous-estimé la croissance de 2017 – dont le taux peut encore être révisé à la hausse par l’INSEE. Les optimistes penseront de même pour 2018.

M. le président Éric Woerth. Je vous remercie pour cette contribution, très complète comme toujours.

 


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EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa séance du mardi 17 avril 2018 à 17 heures, la Commission a examiné le présent rapport d’information sur le programme de stabilité pour les années 2018 à 2022 et en a autorisé la publication.

 


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   annexe

tableau de suivi des objectifs 2020

Objectifs

(source : Eurostat et sources nationales)

Dernière observation disponible

(France)

Dernière observation disponible

(UE 28)

Objectif national de la France

Objectif européen

Taux d’emploi de la population âgée de
20 à 64 ans

71,1 % en 2017(*)

71,1 % en 2016(**)

75 %

75 %

Part du PIB consacrée à la R&D

2,27 % en 2015

2,03 % en 2016

3 %

3 %

Réduction des émissions de gaz à effet de serre (1)

7,1 % en 2015 (/2005 hors SCEQE)

23,7 % en 2015 (/1990 avec SCEQE)

14 % (/2005, hors SCEQE en 2020)

20 % (/1990, avec SCEQE en 2020)

Part des énergies renouvelables dans la consommation finale

16 % en 2016

17 % en 2015

23 %

20 %

Efficacité énergétique

En 2016 :

140,1 Mtep en énergie finale (hors usages non énergétiques, hors aérien international)

232,5 Mtep en énergie primaire (hors usages non énergétiques, hors aérien international)

En 2016 :

Conso finale hors aviation internationale, hors usages énergétiques : 1 060,2 Mtep

Conso primaire hors aviation internationale, hors usages non énergétiques : 1 495,3 Mtep

131,4 Mtep (énergie finale) et 219,9 Mtep (énergie primaire), hors aérien international et usages non énergétiques

1 086 Mtep en énergie

finale (1 483 Mtep en énergie primaire)

Taux de décrochage scolaire

8,8 % en 2016

10,7 % en 2016

9,5 %

Moins de 10 %

Proportion des personnes âgées de 30 à 34 ans diplômées de l’enseignement supérieur

43,6 % en 2016

39,1 % en 2016

50 %

40 % au moins

Réduction du nombre de personnes risquant de tomber dans la pauvreté ou l’exclusion

18,2 % de la population en 2016 (11,5M de personnes)

23,5 % de la population en 2016

Réduction de 1,9 M de personnes (comparé au chiffre estimé pour 2007)

Réduction de 20 M de personnes (comparé au chiffre estimé pour 2007)

 (*) : Donnée INSEE

(**) : Donnée Eurostat.

(1)     L'objectif européen couvre l'ensemble des sources d’émissions. L’objectif de réduction des émissions des secteurs soumis à la directive SCEQE n’a pas été décliné en objectifs nationaux.

Source : programme national de réforme 2018.


([1]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (lien). M. Joël Giraud, Rapport sur le projet de loi programmation des finances publiques, Assemblée nationale, XVe législature, n° 268, 11 octobre 2017 (lien).

([2]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2018-1 du 13 avril 2018 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité pour les années 2018 à 2022 (lien).

([3]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2017-3 du 24 septembre 2017 relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (lien).

([4]) Assemblée nationale, commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, réunion du 26 juillet 2017 (lien).

([5]) Banque de France (lien).

([6])  Le cumul se calcule ainsi : (100 × inflation 2017 × inflation 2018 × inflation 2019 × inflation 2020 × inflation 2021 × inflation 2022) – 100.

([7]) Ces règles sont aujourd’hui codifiées à l’article 126 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et précisées par le protocole n° 12 sur la procédure concernant les déficits excessifs.

([8]) Article 2 § 1 bis du règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, dans sa version modifiée par le b) du paragraphe 2 de l’article 1er du règlement (UE) n° 1177/2011 du Conseil du 8 novembre 2011.

([9]) Le seuil de – 0,5 point de PIB défini par l’article 3 du TSCG prime sur le seuil de – 1 point de PIB défini par l’article 2 bis du règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, dans sa version modifiée par le paragraphe 8 de l’article 1er du règlement (UE) n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011.

([10]) Article 5, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, dans sa version modifiée par le paragraphe 8 de l’article 1er du règlement (UE) n° 1175/2011 précité.

([11]) Idem.

([12]) Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018. M. Joël Giraud, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2018, Assemblée nationale, XVe législature, n° 273, 12 octobre 2017 (lien).

([13]) INSEE, compléments à l’information rapide n° 79 du 26 mars 2018, page 8.

([14]) Par convention, le taux d’évolution en volume des dépenses publiques est obtenu en neutralisant le taux d’inflation hors tabac du taux d’évolution en valeur des dépenses publiques.

([15]) Compte tenu du niveau de PIB nominal 2017 et de son évolution annuelle sur la durée du quinquennat, tel qu’indiqué en annexe du programme de stabilité 2018-2022, en retenant l’hypothèse d’une croissance tendancielle des dépenses publiques estimée à 3,3 % en valeur par an (cf. Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juin 2017, page 124).

([16]) Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juin 2017, page 120 et suivantes.

([17]) Cour des comptes, rapport précité, page 42.

([18]) INSEE, compléments à l’information rapide n° 79 du 26 mars 2018.

([19]) Projet de loi de finances pour 2018, Rapport économique, social et financier, page 116.

([20]) Article 2 § 1 bis du règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, dans sa version modifiée par le b) du paragraphe 2 de l’article 1er du règlement (UE) n° 1177/2011 du Conseil du 8 novembre 2011.