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N° 1172

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 juillet 2018

RAPPORT DINFORMATION

DÉPOSÉ

en application de larticle 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE LÉCONOMIE GÉNÉRALE
ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
 

sur lapplication des mesures fiscales

ET PRÉSENTÉ

Par M. Joël GIRAUD

Rapporteur général

Député

ET par Mme Cendra MOTIN

Députée

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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

Partie I : Du bilan de lapplication des mesures fiscales à lévaluation des prélèvements obligatoires

I. LAPPLICATION DES DISPOSITIONS FISCALES FIGURANT DANS LES LOIS DE FINANCES INITIALES ET RECTIFICATIVES DEPUIS LA LOI DE FINANCES POUR 2015

II. LES DISPOSITIONS FISCALES ADOPTÉES DANS DES TEXTES AUTRES QUE DES LOIS DE FINANCES en 2017

III. Les verrous à lever en vue dune amélioration du travail dévaluation du parlement

A. les efforts de ladministration fiscale pour mieux répondre aux demandes des parlementaires

B. la culture de lÉvaluation doit aussi être dÉveloppÉe du côtÉ de lexÉcutif

Partie II : Les dépenses fiscales en faveur de la culture  et de laudiovisuel

I. les crédits dimpôt cinéma et audiovisuel national et international

A. Les précédentes évaluations

1. Une évaluation encourageante du comité dévaluation des dépenses fiscales et des niches sociales de 2011

2. Un jugement plus mesuré de la Cour des comptes en 2014

B. Les crédits dimpôts en faveur du cinéma et de laudiovisuel ne représentent quune part limitée des soutiens publics à ces secteurs

C. Un impact significatif de lensemble de ces dispositifs sur la compétitivité du secteur

1. Les indicateurs relatifs aux œuvres cinématographiques

2. Les indicateurs relatifs à la production audiovisuelle

3. Les indicateurs relatifs à lemploi

D. Lévaluation de limpact sectoriel des crédits dimpôt

1. Lintervention publique reste déterminante pour assurer le préfinancement des œuvres cinématographiques et audiovisuelles

2. La part du soutien public est dégressive en fonction du budget de production

E. Les comparaisons avec les crédits dimpôts étrangers prennent rarement en compte lensemble des soutiens français aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles

1. Une concurrence fiscale internationale entre dispositifs similaires

2. Les crédits dimpôts ont permis une forte relocalisation de la production

II. La réduction dimpôt sur le revenu « SOFICA »

A. Rappel des évolutions juridiques

B. Les évaluations précédentes

C. Lévaluation de limpact de la dépense fiscale

1. Un avantage fiscal réservé à un nombre restreint de bénéficiaires

2. Les montants collectés par le biais des SOFICA et leur rentabilité

III. le crédit dimpôt « phonographique »

A. Un crédit dimpôt jugé sévèrement par le comité dévaluation des dépenses fiscales en 2011

B. Une utilité rappelée par les professionnels du secteur en 2017

C. Des perspectives économiques en amélioration

1. Une crise profonde entre le début des années 2000 et lannée 2015

2. Une amélioration des perspectives économiques pressentie dès 2014

3. Un décollage récent des recettes provenant de la consommation numérique

D. Limpact sectoriel du crédit dimpôt

1. Une augmentation tendancielle du nombre dentreprises bénéficiaires

2. Une part importante de la dépense fiscale bénéficie aux TPE et aux PME

3. Des évolutions divergentes des catégories de dépenses imputables

IV. Le crédit dimpôt « jeux vidéo »

A. Lévaluation du crédit dimpôt en 2011

B. Une évaluation par le CNC en 2014

C. Le contexte économique actuel

D. Limpact sectoriel du crédit dimpôt

V. le crédit dimpôt en faveur du spectacle vivant

A. Lorigine du dispositif et son impact budgétaire

B. Limpact sectoriel

1. La seule évaluation disponible à ce jour provient des cabinets privés

2. Un suivi très lacunaire de cette dépense par ladministration

Partie III : Évaluations thématiques

I. Le crédit dimpôt pour la transition énergétique (CITE)

A. Un avantage fiscal pour faciliter la transition écologique

1. Un dispositif fiscal aux contours mouvants

a. Un dispositif au service de « l’excellence environnementale »

b. Un maintien du principe et de l’économie générale du dispositif

c. Un champ des dépenses éligibles et des taux applicables qui ont souvent varié

2. Les modifications intervenues en loi de finances pour 2018

a. La prorogation du dispositif

b. La modification du champ des dépenses éligibles

c. L’impact budgétaire des modifications intervenues en loi de finances pour 2018

d. Les dispositions nécessitant des mesures d’application

B. Un dispositif qui a vocation à disparaître

1. Une évaluation contrastée du dispositif

a. Une évolution globalement dynamique quoiqu’irrégulière de la dépense fiscale

b. Une efficacité contrastée de la dépense fiscale

c. Des difficultés à apprécier les effets induits par le crédit d’impôt

2. Vers un système de prime ?

II. La réduction dimpôt en faveur de linvestissement locatif intermédiaire « PINEL »

A. Un dispositif héritier de trente ans de soutien à linvestissement locatif privé

1. Un avantage fiscal bien assis dans le paysage fiscal français

a. Un objectif affiché de soutien au secteur immobilier

b. Des avantages fiscaux dont les conditions ont évolué

2. Des modifications en loi de finances pour 2018

a. Une prorogation de l’avantage fiscal pour quatre années supplémentaires

b. Un recentrage du dispositif sur les zones les plus tendues

c. Des dispositions nécessitant des mesures d’application

B. Un dispositif coûteux dont lefficacité nest pas certaine

1. Une dépense fiscale dynamique et pluriannuelle

a. Un coût « générationnel » du dispositif significatif et des modifications apportées en loi de finances pour 2018

b. Un dispositif dont les bénéfices sont concentrés sur les ménages les plus aisés

2. Un dispositif in fine peu maîtrisé

a. Une efficacité difficile à apprécier

i. Des effets incertains sur la construction de logements neufs

ii. Des effets contradictoires avec les objectifs poursuivis

b. Un contrôle insuffisant

III. Le Prêt à taux zéro

A. LÉtat du droit

B. Les Mesures dapplication

C. Lévaluation du dispositif

1. Le nombre de bénéficiaires de PTZ devrait diminuer en 2018 par rapport à 2017

2. Les premiers éléments statistiques indiquent un recentrage des PTZ émis sur les zones les plus tendues

3. Les chiffres du premier trimestre 2018 indiquent une augmentation des PTZ accordés pour réfaction de lancien

4. Le PTZ est un dispositif qui vise toujours les ménages aux revenus intermédiaires

IV. Le Dégrèvement de la taxe dhabitation sur la résidence principale

A. un dégrèvement qui vient sajouter aux dispositifs et mécanismes existants

1. La taxe dhabitation, un impôt assorti de plusieurs exonérations et mécanismes de dégrèvement

a. Les exonérations de certains locaux et les abattements sur la valeur locative des habitations

i. Les locaux soumis à la TH

ii. Les abattements sur la valeur locative des habitations et de leurs dépendances sur laquelle est assise la TH

b. Les exonérations de droit commun des contribuables et le mécanisme de plafonnement de la TH

i. Les contribuables exonérés de TH

ii. La réduction du montant dû au titre de la TH

c. La situation des ménages vis-à-vis de la TH

i. Le nombre de redevables

ii. Les montants moyens acquittés

2. Un nouveau dégrèvement au champ dapplication large

a. 80 % de ménages bénéficiaires de la mesure

b. Une mise en œuvre progressive en plusieurs étapes successives

B. une mesure à mettre en regard des rÉformes concernant les mÉnages

1. Une hausse du taux de CSG pour financer la baisse des cotisations salariales non compensée pour certains ménages

2. Le dégrèvement progressif de la TH, une compensation partielle des « pertes » de pouvoir dachat résultant de la hausse non compensée du taux de CSG pour les retraités

3. La perspective des mesures complémentaires pour 100 000 ménages

C. Une compensation intégrale du dégrèvement de la taxe dhabitation pour les collectivités territoriales

V. La taxe de séjour

A. La taxe de séjour vise à faire contribuer les touristes hébergés aux dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique de la commune

1. Collectivités pouvant instituer une taxe de séjour

2. Période de perception de la taxe de séjour

3. Modalités dassujettissement à la taxe de séjour

4. Assiette, tarifs et exonérations de la taxe de séjour

B. Les lois de finances ont modernisÉ À plusieurs reprises la taxe dejour, afin de tenir compte des Évolutions du secteur de lbergement touristique

1. Les modifications issues de la mission dévaluation et de contrôle de 2015

2. La seconde loi de finances rectificative pour 2017

C. Les dispositions introduites en loi de finances pour 2018 doivent faire lobjet de prÉcisions avant leur entrÉe en vigueur À compter du 1er janvier 2019

1. La mise en place de la tarification proportionnelle pour les hébergements non classés

2. La modification des règles de collecte de la taxe de séjour au réel pour les plateformes en ligne

a. La détermination des tarifs et des exonérations appliqués par les plateformes

b. La disponibilité et la fiabilité des données communales utilisées par les plateformes

c. Les modalités de publicité et de recouvrements imposables aux plateformes

VI. La transformation de limpôt de solidarité sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière

A. les données concernant lISF 2017

1. Un produit en augmentation

2. Les données relatives aux dons déductibles de lISF

3. Le plafonnement de lISF 2017

B. la mise en œuvre de lIFI

1. Les mesures dapplication réglementaires

2. Le commentaire de la réforme dans le BOFiP

a. Les règles de déductibilité des dettes afférentes à l’habitation principale

b. L’exclusion de l’assiette de l’IFI des parts d’entreprises solidaires d’utilité sociale

3. La mise en œuvre de laugmentation transitoire du taux de la réduction dimpôt « Madelin »

a. Une adaptation du dispositif « Madelin » en loi de finances pour 2018

b. L’augmentation du taux de la réduction d’impôt « Madelin » suspendue à la validation du dispositif par la Commission européenne

c. Ces délais créent un attentisme des investisseurs contraire à la volonté du législateur

d. Une articulation complexe entre l’augmentation du taux de la réduction d’impôt « Madelin » et l’entrée en vigueur du prélèvement à la source

VII. La réforme du prélèvement forfaitaire unique

VIII. Le droit de partage et de licitation applicable en cas de divorce ou de séparation

A. Le droit en vigueur

1. Le partage ou la licitation, modalités de sortie dune indivision

2. Le cadre fiscal applicable

a. Les partages

b. Les licitations

3. Un alourdissement de la fiscalité difficilement soutenable

a. Une augmentation du taux à compter du 1er janvier 2012

b. Les effets de cet accroissement de la fiscalité

B. Les solutions envisagées dans le cadre de la loi de finances pour 2018

1. Un retour au taux applicable avant 2011

2. Les chiffrages reçus dans le cadre du présent rapport dapplication

IX. La Fiscalité des entreprises

A. Des mesures pour renforcer la compétitivité des entreprises françaises

1. La baisse du taux normal dIS : présentation de la mesure et panorama des entreprises au regard de lIS

a. Le droit antérieur

b. La nouvelle trajectoire : une baisse du taux normal de l’IS à 25 % à compter de 2022

c. Les entreprises et l’IS : panorama

2. La transformation du CICE en allégements de cotisations sociales à compter de 2019

a. Le droit antérieur

b. Les allégements de charges sociales prévus à la place du CICE et du CITS

c. Les avantages de la mesure pour les entreprises et organismes sans but lucratif

d. La consécration du bénéfice du CICE en 2018 pour les établissements publics, les collectivités territoriales et les organismes sans but lucratif au titre des seules activités lucratives

e. Des mesures d’application limitée compte tenu de l’entrée en vigueur différée de la mesure

3. Les allégements portant sur la taxe sur les salaires

a. La suppression du troisième taux majoré de taxe sur les salaires

i. Lallégement du barème par la suppression du taux de 20 %

ii. Une mesure renforçant lattractivité financière de la France

iii. Un impact budgétaire relativement modeste au regard du produit de la taxe sur les salaires

b. Les avantages prévus pour certains regroupements

i. Lexonération des établissements publics de coopération culturelle

ii. Léligibilité des groupements de coopération sociale et sanitaire à labattement de taxe sur les salaires

c. Des mesures dapplications limitées mais parfois trop tardives

B. Les mesures de simplification touchant les petites entreprises

1. Le relèvement des plafonds des régimes micro-fiscaux des travailleurs indépendants à 170 000 euros et 70 000 euros

a. Les plafonds antérieurement applicables

b. Les nouveaux plafonds

i. Un relèvement de plus du double des plafonds déligibilité

ii. Une simplification accrue pour plus de 5 800 travailleurs indépendants

iii. Une entrée en vigueur adaptée et souple

c. Les précisions réglementaires et doctrinales apportées à la suite du relèvement des plafonds

2. Lexonération de la cotisation minimum de cotisation foncière des entreprises pour les petites exploitations à compter de 2019

a. Le droit antérieur

b. L’exonération à compter de 2019 des entreprises dont le chiffre d’affaires n’excède pas 5 000 euros

C. les dispositifs de soutien À certains territoires

1. La création des bassins urbains à dynamiser (BUD)

a. Les bassins urbains à dynamiser : un ambitieux dispositif pour dynamiser le bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais

b. Les mesures d’application

2. Les dispositions en faveur des bassins demplois à redynamiser (BER) : la reconduction triennale du dispositif et la simplification des démarches administratives pour les employeurs

a. Le droit antérieur : un dispositif censé s’éteindre après 2017

b. La prorogation pour trois ans du dispositif d’exonérations dans les BER

c. La méconnaissance de l’intention du législateur par le décret d’application de la mesure de simplification administrative prévue dans les BER

3. Les aménagements apportés aux zones de revitalisation rurale (ZRR)

a. Le droit antérieur

b. Les aménagements adoptés

c. Les mesures d’application prises

4. Les aménagements apportés au régime dimposition à taux réduit des plus-values de cessions de locaux transformés en logements

a. Le droit antérieur

b. La prorogation et l’amélioration du dispositif par la loi de finances pour 2018

c. Les mesures d’application prises

D. Les assouplissements apportés aux exploitations agricoles

1. Lassouplissement de loption pour la moyenne triennale

a. Le droit antérieur : une option d’une durée de cinq ans

b. Le raccourcissement à trois ans des délais pour l’option de la moyenne triennale

2. Lassouplissement de limposition agricole dactivités accessoires

a. Le droit antérieur

b. L’augmentation des plafonds de revenus accessoires inclus dans la détermination du bénéfice agricole

E. Les contributions exceptionnelles et ponctuelles liées au contentieux de la taxe de 3 % sur les dividendes

1. Létat des réclamations au titre de la contribution de 3 % sur les montants distribués

2. Les contributions exceptionnelles mises en place

a. Deux contributions exceptionnelles pesant sur les plus grandes entreprises

b. Un surcroît de près de 5 milliards d’euros de recettes fiscales en 2017

3. Le cantonnement du chiffre daffaires aux seules activités réalisées en France : une interprétation contestable de ladministration fiscale

a. Le chiffre d’affaires pris en compte est celui réalisé en France

b. Un cantonnement contestable au regard des précédentes contributions à l’IS

c. Un cantonnement à rebours des travaux parlementaires

d. Des justifications peu convaincantes de l’administration

F. focus sur une dépense fiscale stratégique mais coûteuse : le crédit dimpôt recherche

1. Présentation générale du CIR

a. Les dépenses éligibles au CIR et leur prise en compte

i. Les dépenses éligibles au CIR

ii. Les dépenses éligibles au CII

iii. Les majorations de certaines dépenses : rémunérations des jeunes docteurs et sous-traitance

iv. Lexclusion de certaines sommes de lassiette du CIR

b. L’enrichissement de l’obligation déclarative des plus grandes entreprises par la loi de finances pour 2018

2. Le coût du CIR : une dépense fiscale très dynamique

3. Renforcer lefficience du CIR : les axes damélioration envisageables

a. Le classement mitigé du CIR par la Commission européenne

b. Les pistes susceptibles de renforcer l’efficience du CIR : mieux cibler les dépenses éligibles et limiter les majorations d’assiette ?

X. La contribution Économique territoriale (CET)

A. La cotisation sur la valeur ajoutÉe (CVAE)

1. La modification des règles de calcul du taux effectif dimposition pour les sociétés membres dun groupe

2. La modification des règles de répartition territoriale de la cotisation sur la valeur ajoutée

a. La suppression de la règle de la territorialisation de la CVAE issue des entreprises membres d’un groupe fiscal intégré à l’impôt sur les sociétés

b. La modification du coefficient de pondération des valeurs locatives des établissements industriels dans la répartition de la CVAE

c. La modification des règles de répartition des dispositifs de péréquation horizontale de la CVAE

B. La cotisation foncière des entreprises (CFE)

1. La suppression du dispositif de participation des collectivités territoriales au coût du dégrèvement afférent au plafonnement de la CET

2. Ladoption de nouvelles exonérations compensées par lÉtat aux collectivités territoriales

a. L’exonération de cotisation minimum de CFE pour les redevables réalisant un montant de chiffre d’affaires ou de recettes inférieur ou égal à 5 000 euros

b. L’extension aux activités accessoires de l’exonération de CFE des exploitants agricoles

3. Les mesures spécifiques aux valeurs locatives servant de base imposable à la CFE

a. Le report de la mise à jour permanente des tarifs

b. La sécurisation des nouveaux paramètres d’évaluation

c. La révision des valeurs locatives cadastrales des établissements industriels

XI. La taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

A. Lextension du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée pour les parcs zoologiques

1. Létat du droit

2. Une évaluation prématurée

B. LUTILISATION OBLIGATOIRE DUN LOGICIEL DE CAISSE  NON FRAUDULEUX

1. Létat du droit

2. Les mesures dapplication

3. Une évaluation actuellement malaisée

XII. La fiscalité particulière à certains véhicules

A. LES taxeS additionnelleS à la taxe sur les certificats dimmatriculation des véhicules

1. Létat du droit

2. Une évaluation impossible

B. Le droit annuel de francisation et de navigation

1. Létat du droit

2. Lévaluation du dispositif

a. Un rendement à ce jour décevant

b. Le décret répartissant le produit de la taxe est en cours de préparation

XIII. La fiscalité Énergétique et écologique

A. Le bonus-malus automobile

1. Létat du droit

a. Le malus automobile

b. Le bonus automobile

2. Les mesures dapplication

3. Lévaluation du dispositif

a. L’abaissement du seuil d’entrée dans le barème du malus automobile aboutit à une baisse des ventes des automobiles concernées

b. Le malus automobile demeure un dispositif budgétaire populaire

c. En lien avec le bonus-malus automobile, la prime à la conversion permet le renouvellement du parc automobile

B. La fiscalité relative à lexploitation des hydrocarbures

1. Létat du droit

2. Un rendement qui na pas atteint sa prévision

C. La fiscalité relative à lexploitation des sites gÉothermiques

1. Létat du droit

2. Un rendement décevant et marginal

Partie IV : Le Prélèvement à la source (PAS)

Fiche  1 : le prélèvement à la source en dates

1. 2016 : Une réforme de modernisation du recouvrement de limpôt sur le revenu initiée sous le précédent quinquennat

2. Une entrée en vigueur décalée dun an pour permettre une mise en place dans de meilleures conditions

3. Des aménagements apportés au dispositif depuis lautomne 2017

a. Des phases d’expérimentation permettant de tester le dispositif du PAS

b. La préfiguration du PAS : une période « test » particulièrement utile pour sensibiliser les entreprises et les contribuables

4. Une modalité de perception de limpôt codifiée

a. Les dispositions législatives introduites dans le CGI

b. Les dispositions codifiées dans le livre des procédures fiscales

c. Les dispositions codifiées dans le code de la sécurité sociale

5. Des textes réglementaires dapplication

Fiche  2 : Une communication institutionnelle au service de la bonne mise en œuvre du prélèvement à la source

1. Un point dentrée unique : le site internet prélèvement à la source

2. Une communication affinée pour accompagner au mieux les collecteurs

3. Un plan de communication diversifié et organisé autour de plusieurs temps forts

4. La communication des acteurs de la sphère sociale

5. Les enseignements du sondage réalisé par Harris interactive à six mois de la mise en œuvre du prélèvement à la source

Fiche n°3 : Lannée de transition. Focus sur le crédit dimpôt de modernisation du recouvrement (CIMR)

1. Le CIMR, un mécanisme exceptionnel pour éviter la double imposition des contribuables

2. Lidentification du caractère exceptionnel ou pas des revenus est un enjeu majeur de la mise en place du prélèvement à la source

a. Des précisions attendues de l’administration fiscale sur la notion de « revenus exceptionnels »

b. Une procédure spécifique permettant d’interroger l’administration fiscale

Fiche  4 : Le prélèvement à la source et les crédits dimpôt : Focus services à la personne

1. Le traitement des réductions et crédits dimpôt dans le cadre du prélèvement à la source

a. Pas d’intégration dans le taux de retenue à la source mais un acompte versé en début d’année

b. Un dispositif bienvenu mais perfectible

2. La mise en œuvre du prélèvement à la source par les particuliers employeurs

a. Un système optionnel de « délégation » de la retenue à la source au profit de PAJEMPLOI et du centre national CESU

b. Compléter le dispositif pour assurer une mise en œuvre satisfaisante du prélèvement à la source

fiche  5 : Le prélèvement à la source et la confidentialité. Une préservation assurée

1. Lemployeur ne peut déduire du seul taux la composition ou la situation financière du foyer fiscal de son salarié

2. La loi prévoit plusieurs garanties pour assurer le respect de la vie privée des salariés

a. L’option pour le taux individualisé au sein des couples

b. L’option pour le taux non personnalisé

c. La sanction de la violation du secret professionnel

Fiche  6 : Le prélèvement à la source et les entreprises : Relativiser les charges supportées

I. Une charge financière à nuancer

1. De nombreuses études ont avancé des coûts manifestement excessifs

2. Lévaluation la plus récente conclut à un coût très inférieur qui devrait encore diminuer

3. Le PAS offrira un avantage de trésorerie non négligeable aux entreprises, surtout aux plus petites

4. En 2019, le cumul du CICE et des allégements de charges sociales fournira des avantages de lordre de 40 milliards deuros

II. Des charges administratives raisonnables

1. Leffort de communication du Gouvernement et la phase de préfiguration vont permettre de familiariser les entreprises et les salariés avec le PAS

2. Une complexité à relativiser

3. Des sanctions proportionnées qui ont été fortement allégées

4. Des solutions alternatives sous-optimales

fiche  7 : la déclaration des travailleurs indépendants

1. Si lassiette du PAS pour les indépendants est ancienne, la modulation permettra un ajustement de limpôt en temps réel

a. L’assiette de l’acompte n’est pas constituée des revenus de l’année en cours

b. La modulation du prélèvement permettra de prendre en compte la réalité des revenus perçus

2. Les indépendants pourront verser leur acompte chaque mois ou chaque trimestre et reporter certaines échéances de paiement

a. L’option pour le paiement trimestriel

b. L’échelonnement infra-annuel des paiements

3. Un dispositif spécial est prévu en cas de démarrage ou de cessation dactivité

Examen en Commission

Annexes


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   Introduction

Le début de cette XVe législature se caractérise par une attention accrue des députés – mais également des citoyens et des médias – aux fonctions d’évaluation du Parlement.

Certes, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, l’article 24 de notre Constitution prévoit que le Parlement vote la loi, contrôle l’action du Gouvernement et « évalue les politiques publiques ».

Pourtant, dans le cadre de l’examen de la réforme institutionnelle en cours, nombreux sont ceux qui soulignent le fait que ce volet de la révision de 2008 mérite d’être mieux traduit dans les faits.

Ainsi, lors de son audition à l’Assemblée nationale par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République le 6 juin dernier sur cette réforme, la garde des sceaux, affirmait : « Par ce projet de révision, nous proposons de développer des moyens de tenir les promesses de 2008, en particulier en trouvant de meilleurs équilibres entre la fonction de légiférer et celle d’évaluer. Cela consisterait, selon nous, à faire prospérer une articulation efficace, à instituer en quelque sorte un cercle vertueux entre ces deux fonctions de légiférer et de contrôler. Il s’agit de mieux légiférer en répondant plus directement aux attentes de réforme. Il s’agit ensuite de mesurer l’effet de ces réformes sur le réel. »

Ce besoin de mieux évaluer les réformes votées se fait particulièrement sentir au sein de la commission des finances, de l’économie et du contrôle budgétaire.

En effet, les mesures fiscales votées à l’automne ont nécessairement un impact sur certaines catégories de population ou certains secteurs économiques qui méritent d’être évaluées ex post. Les crédits budgétaires mobilisés en début d’année poursuivent par ailleurs une finalité politique dont la mise en œuvre doit être suivie dans le temps.

Dans cette perspective, l’année 2018 sera probablement charnière au moins à un double titre :

– les mois de mai et juin de cette année ont été assez largement consacrés à la mise en œuvre d’un « printemps de l’évaluation » succédant à « l’automne de l’autorisation », visant, dans le cadre de l’examen de la loi de règlement, à mieux évaluer l’utilisation des crédits de l’année 2017 ;

– la session budgétaire de l’automne prochain verra peut-être la commission des finances s’appuyer sur de nouveaux moyens d’évaluation permettant à l’Assemblée nationale de peser d’avantage dans les choix fiscaux et budgétaires préparés par le Gouvernement.

C’est dans ce cadre que le Rapporteur général a souhaité poursuivre, pour la rénover, la pratique du rapport dapplication de la loi fiscale RALF »).

Selon une tradition constante depuis 1990, le rapporteur général de la commission des finances s’attache à examiner l’application des dispositions fiscales contenues dans les lois de finances, preuve s’il en était de l’attachement ancien de notre commission à ce que la loi fiscale soit bien appliquée et évaluée ([1]).

Délaissant le rythme annuel, en 2006, le rapporteur général, notre collègue Gilles Carrez, publiait un rapport volumineux sur l’application de la loi fiscale depuis 2002, dont l’objectif était de mettre en lumière la cohérence d’ensemble de la politique fiscale menée sous la XIIe législature ([2]). Puis, à partir de 2008, le rythme annuel s’imposa de nouveau. En 2016, pour la première fois, étaient prises en compte les dispositions de nature fiscale contenues dans les lois autres que les lois de finances et dans les ordonnances.

La résolution n° 292 du 27 mai 2009 modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale a systématisé la démarche inaugurée par notre commission des finances pour l’ensemble des lois. Ainsi, depuis lors, l’article 145-7 du Règlement de l’Assemblée nationale prévoit qu’à l’issue d’un délai de six mois suivant l’entrée en vigueur d’une loi dont la mise en œuvre nécessite la publication de textes de nature réglementaire, deux députés, dont l’un appartient à un groupe d’opposition et parmi lesquels figure de droit le député qui en a été le rapporteur, présentent à la commission compétente un rapport sur la mise en application de cette loi.

Cette disposition s’applique sans préjudice de la mission permanente confiée, par l’article 57 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([3]) au rapporteur général de suivre et contrôler l’exécution des lois de finances et de procéder à l’évaluation de toute question relative aux finances publiques.

Sauf réforme d’ampleur, les mesures fiscales nécessitent assez peu de mesures réglementaires d’application directe comme les décrets ou les arrêtés. Un rapport d’application en juin se bornant à lister ces mesures d’application de la loi de finances de l’année serait, pour cette raison, probablement à la fois aride et peu intéressant – tant pour les parlementaires que pour le public – d’autant plus que le Gouvernement réalise désormais lui-même un tel bilan.

Notons toutefois que, dans le domaine fiscal, une particularité réside dans la publication d’un commentaire des mesures adoptées dans des instructions fiscales qui ont été, à compter de 2012, rassemblées au sein du Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP), qui fait l’objet d’une actualisation régulière et continue. Il en a été ainsi, par exemple, le 8 juin dernier, avec la mise en ligne d’un document de plus de 300 pages portant sur la réforme de l’impôt sur la fortune.

Ce commentaire des mesures fiscales dans le BOFiP explicite les dispositions, souvent plus difficiles d’accès, intégrées dans le code général des impôts (CGI) et le livre des procédures fiscales (LPF).

Mais il contient souvent également des mesures de précision complémentaires par rapport aux dispositions de la loi, qui méritent toute l’attention des parlementaires.

Si le temps où les instructions fiscales ont pu contenir des mesures expressément contraires à la volonté du législateur semble heureusement s’éloigner, il appartient toutefois toujours à ce dernier de veiller à ce que les interstices de la loi soient comblés par l’administration fiscale en cohérence avec la logique d’ensemble qui a prévalu lors de l’adoption du dispositif.

Enfin, comme l’année passée, le Rapporteur général aura à cœur de ne pas voir son travail limité aux seules lois de finances ; de trop nombreuses mesures fiscales peuvent encore figurer dans des lois ordinaires, voire dans des ordonnances, nuit nécessairement à la vision d’ensemble exclusivement portée, du côté du Parlement, par la commission des finances.

Par ailleurs, à l’heure où le rapprochement de l’examen des premières parties des projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale est préconisé par certains, il n’est pas inutile de rappeler que le contrôle de l’application des mesures fiscales nécessite, à l’évidence, de prendre en compte les prélèvements sociaux dont le vote intervient dans le cadre des projets de lois de financement de la sécurité sociale.

Outre ce strict contrôle de lapplication des lois fiscales, le Rapporteur général estime fondamental que le présent rapport devienne également un rapport dévaluation des réformes dampleur initiées par le Gouvernement.

Cette évaluation, parfaitement cohérente avec les débats actuels sur le nécessaire renforcement de ce volet de la mission du Parlement, implique cependant une approche fort différente de celle qui prévaut pour un simple contrôle d’application réglementaire :

– elle nécessite un certain recul temporel par rapport au moment où la réforme a été votée. Cet aspect est particulièrement important lorsque la réforme n’entre véritablement en vigueur qu’à compter de l’imposition des revenus en année N + 1. À titre d’exemple, la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU) dans le cadre de la loi de finances pour 2018 ne peut pas faire l’objet d’une évaluation fine dans le cadre du présent rapport. En effet, applicable pour l’essentiel aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2018, cette réforme ne produira ses effets qu’en 2019 ;

– elle nécessite une approche sélective permettant d’apporter des « coups de projecteur » sur certaines réformes emblématiques ou problématiques qui pourraient nécessiter des adaptations dans la loi de finances suivante. Sans préconiser explicitement la transformation du rapport d’application en rapport d’évaluation, les précédents rapporteurs généraux avaient de fait mis en œuvre cette approche sélective, notamment en 2015 et 2016 ;

– elle implique, à ce stade, que ladministration fiscale collabore à ce travail dévaluation dans la mesure où elle est la seule, la plupart du temps, à disposer des données fiscales et économiques permettant réellement de mesurer l’impact d’une réforme.

Dans cette perspective, le Rapporteur général a transmis un ensemble de 169 questions à l’administration le 27 avril 2018 ainsi qu’un courrier aux ministres de l’économie et des finances, d’une part, et au ministre de l’action et des comptes publics, d’autre part, précisant que ce rapport serait présenté la première semaine de juillet.

À la date du 4 juillet 2018, le Rapporteur général n’avait reçu qu’environ 40 % des réponses, dont seulement 25 % à des questions que l’on pourrait juger comme « prioritaires » compte tenu de l’actualité politique. Cette circonstance lui interdisait de présenter son rapport à la commission lors de la première semaine de juillet.

Afin de pallier cette difficulté et encourager l’administration à une meilleure coopération, le Rapporteur général a donc entrepris le 5 juillet 2018 un contrôle sur place en application de l’article 57 de la loi organique relative aux lois de finances.

Cet article prévoit que « les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances suivent et contrôlent l’exécution des lois de finances et procèdent à l’évaluation de toute question relative aux finances publiques. Cette mission est confiée à leur président, à leur rapporteur général ainsi que, dans leurs domaines d’attributions, à leurs rapporteurs spéciaux et chaque année, pour un objet et une durée déterminée, à un ou plusieurs membres d’une de ces commissions obligatoirement désignés par elle à cet effet. À cet effet, ils procèdent à toutes investigations sur pièce et sur place, et à toutes auditions qu’ils jugent utiles ».

Le Rapporteur général ne peut que regretter le fait qu’en dépit de la clarté de ces dispositions, il ait été bloqué pendant une trentaine de minutes avant de pouvoir pénétrer physiquement dans l’enceinte du ministère.

Cette entrave aux missions du Rapporteur général est d’autant plus inacceptable que l’ensemble des personnes concernées par ce contrôle en étaient prévenues avec toute précision utile pour éviter une telle situation.

Il a été nécessaire de rappeler aux services de sécurité de Bercy que ce blocage pouvait être considéré comme relevant d’une infraction pénale pour que le contrôle reprenne son cours normal ([4]).

Ce contrôle sur place a été l’occasion de passer en revue l’ensemble des questions en instance.

Il ressort de cet entretien plusieurs éléments structurants pour le travail dévaluation que le Parlement souhaite renforcer, sur lesquels le Rapporteur général reviendra en détail dans le présent rapport.

À la suite de ce contrôle sur place, le Rapporteur général a reçu, dans la journée, un envoi complémentaire, faisant passer les statistiques à :

– 85,8 % de réponses reçues ;

– 92,4 % de réponses satisfaisantes parmi les réponses reçues ;

– 78,9 % de réponses aux questions identifiées par le Rapporteur général comme « prioritaires ».

Si certains avaient des doutes, ce contrôle met clairement en évidence lutilité et lefficacité de cette procédure, qui donne au Parlement de la visibilité, notamment dans les couloirs de Bercy où il n’est parfois qu’un objet politique lointain aux arcanes complexes, appréhendé uniquement à l’automne par le biais des avalanches d’amendements à traiter en urgence. Elle permet également un échange plus direct avec l’administration.

De ce contrôle sur place, il est également ressorti que de nombreuses réponses centralisées par la direction de la législation fiscale n’avaient pas été envoyées par d’autres directions pourtant sollicitées par elle.

En particulier, les questions relatives à l’évaluation du crédit d’impôt « transition énergétique », au prêt à taux zéro (PTZ) et au dispositif « Pinel » ont été envoyées à la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) du ministère de la transition écologique et solidaire, sans retour de leur part dans les temps requis.

Le Rapporteur général avait donc prévu un second contrôle sur place le lundi 9 juillet destiné à récupérer les onze questions relatives à ces mesures.

Ce déplacement a toutefois été reporté compte tenu des réponses reçues à l’annonce de ce contrôle.

Le contrôle sur place est donc un moyen daction efficace ; il convient à cet égard de rappeler que l’article 57 de la LOLF ne le réserve pas aux président et rapporteur général de la commission des finances, mais désigne également explicitement également les rapporteurs spéciaux « dans leurs domaines d’attributions » et à l’un de ses membres pour un objet donné et un temps limité.

L’usage de cet outil mérite donc certainement d’être diffusé parmi les membres de notre commission.

Selon les informations rassemblées par le Rapporteur général, les contrôles sur places se sont limités, depuis le début de cette législature, à :

– un contrôle sur place de notre collègue Philippe Vigier, rapporteur spécial des crédits consacrés aux pouvoirs publics, réalisé le 17 janvier dernier dans les services de l’Assemblée nationale, au sujet de certaines de ses dépenses ;

– un contrôle sur place du président de la commission, à la direction générale de l’aviation civile, afin de faire le point sur les conséquences budgétaires de l’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, le 23 janvier dernier ;

– un contrôle sur place de notre collègue Cendra Motin, rapporteure spéciale des crédits de la fonction publique, opéré le 5 juillet 2018 à l’École nationale d’administration.

On objectera que le contrôle sur place n’intervient en principe qu’après une procédure classique d’audition, au cours de laquelle la plupart des membres de la commission des finances obtiennent les informations escomptées.

Cette objection, compréhensible dans son principe, risque toutefois de cantonner le contrôle sur place à un ultime rapport de force, un bras de fer entre le pouvoir législatif et l’exécutif, dont il conviendrait de sortir.

En réalité, il devrait également permettre un échange direct, la rencontre avec des interlocuteurs qui ne sont pas habituellement présents lors des auditions à l’Assemblée nationale, il pourrait donner de la visibilité au travail du Parlement et permettre d’établir un lien de confiance entre l’administration et le Parlement.

Cette vision du contrôle sur place méritera d’ailleurs certainement d’être développée dans la perspective de la création d’un outil d’évaluation parlementaire.

Le contrôle de lapplication – ou plutôt de l’évaluation – de la loi fiscale est donc un travail qui mérite de dépasser le cadre du « RALF » et dimpliquer tous les membres de la commission.

À cet égard, le présent rapport est déjà porteur d’une innovation inédite, dans la mesure où l’un de ses volets, relatif à la mise en œuvre du prélèvement à la source, a fait l’objet dun travail dévaluation plus particulièrement porté par notre collègue Cendra Motin.

Comme l’a rappelé le ministre de l’action et des comptes publics dernièrement, cette réforme fiscale est probablement la plus importante depuis la création de l’impôt sur le revenu. Il était donc cohérent que sa mise en œuvre fasse l’objet d’une attention particulière, supposant de nombreuses rencontres avec les acteurs concernés par la réforme.

Le Rapporteur général tient à saluer le travail réalisé par notre collègue Cendra Motin, retracé dans la seconde partie du présent rapport et ayant fait l’objet d’une communication distincte devant les membres de notre commission le 27 juin dernier ([5]).

 


—  1  —

   Partie I :
Du bilan de l’application des mesures fiscales à l’évaluation des prélèvements obligatoires

Les quatre précédents RALF (2013 à 2016) avaient pour point commun de commencer par un recensement des mesures d’application des mesures fiscales figurant dans les lois de finances, les lois dites « ordinaires » ([6]) ou les ordonnances.

Le Rapporteur général se prêtera cette année à cette figure imposée, non sans mettre en lumière ensuite certains axes structurants permettant à l’avenir de développer le travail d’évaluation des prélèvements obligatoires, dégagés au cours du contrôle sur place opéré le 5 juillet dernier.

I.   LAPPLICATION DES DISPOSITIONS FISCALES FIGURANT DANS LES LOIS DE FINANCES INITIALES ET RECTIFICATIVES DEPUIS LA LOI DE FINANCES POUR 2015

Le tableau ci-après synthétise l’état de l’application des dispositions fiscales à la date du 30 juin 2018.

Il prend en compte toutes les dispositions fiscales adoptées dans le cadre des lois de finances initiales et rectificatives depuis la loi de finances pour 2015 ([7]) et dont le dispositif renvoie à un texte réglementaire ou qui doivent faire l’objet d’un commentaire de la part de l’administration.

D’un point de vue méthodologique, il convient de rappeler que chaque disposition fiscale correspond à une unité cohérente et ne recouvre pas nécessairement la notion d’article de loi de finances ni celle d’article codifié. Une même disposition peut inclure plusieurs articles de loi de finances, de même que, plus souvent, un même article de loi de finances comprend plusieurs dispositions fiscales exigeant chacune un texte d’application spécifique. Le décompte des dispositions est réalisé sur la base de la classification retenue par l’administration fiscale dans les tableaux retraçant l’état d’application de chacune des lois de finances adoptées depuis la loi de finances pour 2015. Ces tableaux sont présentés à l’annexe 1.

Les dispositions listées comme « en attente d’un texte d’application » sont celles pour lesquelles le texte réglementaire n’a pas été publié, ainsi que celles pour lesquelles l’administration a indiqué que leur application nécessitait une instruction, lorsque celle-ci n’a pas été publiée. Les dispositions listées comme « ayant fait l’objet d’un texte d’application » correspondent à celles qui sont pleinement applicables.

Sur les 463 dispositions prises en compte par le présent rapport, correspondant à lensemble des lois de finances initiales ou rectificatives adoptées depuis la loi de finances pour 2015, 146 dentre elles, soit une proportion de 31 %, demeuraient en attente dun texte dapplication au 30 juin 2018.

Ce chiffre traduit une certaine dégradation par rapport au ratio retenu dans le dernier RALF. Cette dégradation résulte de deux éléments dinégale importance :

 le Rapporteur général a décidé, à compter de cette année, dexclure de ce ratio les textes adoptés entre 2012 et la fin de lannée 2014, dont la mise en application avait atteint 100 % ;

 la loi de finances pour 2018, particulièrement importante et volumineuse, riche en réformes de grande ampleur, pèse sur le ratio de mise en œuvre. Il convient toutefois de souligner que les informations transmises par l’administration fiscale ne permettent pas d’identifier, pour cette seule loi de finances 2018, les dispositions nécessitant véritablement une mesure d’application, ce qui peut, en partie, expliquer ce faible ratio.

État de l’application des dispositions fiscales devant faire l’objet d’un texte d’application et/ou d’un commentaire au 30 juin 2018

Textes

Nombre darticles ou de dispositions pris en compte

Ayant fait lobjet dun texte dapplication (A)

En attente dun texte dapplication (B)

Part des dispositions pleinement applicables au 30 juin 2018

LFI 2015

45 dispositions

44

1

98 %

LFR 2014-2

53 dispositions

52

1

98 %

LFI 2016

61 dispositions

57

4

93 %

LFR 2015

54 dispositions

47

7

87 %

LFI 2017

68 dispositions

62

6

91 %

LFR 2016

68 dispositions

46

22

68 %

LFI 2018

97 dispositions

6

91

6 %

LFR 2017

17 dispositions

3

14

18 %

TOTAL

463 dispositions

317

146

68 %

Source : commission des finances.

II.   LES DISPOSITIONS FISCALES ADOPTÉES DANS DES TEXTES AUTRES QUE DES LOIS DE FINANCES en 2017

Pour la première fois, dans le cadre du RALF de l’année 2016, il a été réalisé un bilan de l’ensemble des mesures fiscales adoptées non seulement dans les lois de finances mais également dans le cadre de lois « ordinaires » ou par voie d’ordonnance, sur la dernière année complète connue (soit l’année 2015).

D’après ce rapport, 23 dispositions de nature fiscale avaient été adoptées au cours de lannée 2015 dans différents projets de loi n’étant pas des lois de finances.

L’année 2015 était certainement exceptionnelle du fait de l’adoption de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ([8]), qui comportait à elle seule 10 mesures fiscales soit près de 43 % des mesures fiscales prises hors loi de finances.

Plusieurs de ces mesures (relatives, par exemple, à la fiscalité des actions gratuites ou des bons de souscriptions de parts de créateurs d’entreprises, aux ajustements des dispositifs « Madelin » ou « ISF-PME ») avaient d’ailleurs fait l’objet d’un travail particulier de notre commission qui avait suivi de près l’élaboration de ce projet de loi.

Outre ces mesures législatives, 10 ordonnances promulguées en 2015 incluaient des dispositions fiscales.

Par comparaison avec la seule année 2016, lannée 2017 se caractérise, par une inflation préoccupante des mesures fiscales prises en dehors des lois de finances :

– 45 mesures fiscales ont été adoptées dans des lois dites « ordinaires » ;

– 6 mesures fiscales ont été adoptées par voie d’ordonnances.

Au total, c’est donc l’équivalent dune loi de finances rectificative – du moins en nombre de mesures  qui a été adopté en dehors de la supervision de la commission des finances, ce dont le Rapporteur général ne saurait se réjouir pour une année dont le nombre de mois de session parlementaire était réduit par rapport à une année sans scrutins nationaux. La liste de ces mesures figure à l’annexe 2.

S’agissant des mesures prises en loi « ordinaire », on notera plus particulièrement :

– les lois organiques et ordinaires pour la confiance dans la vie politique ([9]) contenant 11 mesures fiscales relatives, pour l’essentiel, au renforcement de la transparence concernant la situation fiscale des élus. L’examen de ces dispositions en cohérence avec les autres dispositions du texte peut paraître logique ;

– la loi du 6 mars 2017 visant à favoriser l’assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété ([10]) prévoyant des exonérations de droits de transmission en Corse (3 mesures) par ailleurs déjà partiellement censurées par le Conseil constitutionnel. L’examen de ces dispositions en loi ordinaire est d’autant moins justifié que les dispositifs prorogés par cette loi sont, pour l’essentiel, issus d’amendements de la commission des finances ;

– la loi du 1er mars 2017 ([11]) contenant une mesure relative aux modalités de calcul du potentiel fiscal et du potentiel fiscal agrégé des communautés d’agglomération. Issue d’une proposition de loi de notre collègue Dominique Lefebvre, cette loi visait à corriger les effets d’une mesure de la loi de finances rectificative pour 2016 sur les finances des communautés d’agglomération issues d’un syndicat d’agglomération nouvelle. Il y avait donc une certaine urgence à corriger ces effets avant le changement de législature ;

– la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain ([12]) (4 mesures), qui auraient toutes pu être examinées dans le cadre d’une loi de finances ;

– la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique ([13]) (23 mesures) concentrant certainement lessentiel de limpact budgétaire des mesures fiscales prises hors loi de finances en 2017, puisque la loi comporte des mesures comme la minoration de 60 % de la valeur locative des biens situés à Mayotte ou le relèvement du seuil de chiffre d’affaires des micro-entreprises ;

– la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté ([14]), dont les deux mesures fiscales auraient également pu être examinées à l’automne précédent compte tenu de l’imbrication des calendriers d’examen de ce projet de loi et du projet de loi de finances pour 2017.

III.   Les verrous à lever en vue d’une amélioration du travail d’évaluation du parlement

La préparation du présent RALF ainsi que le contrôle sur place opéré le 5 juillet dernier ont été l’occasion d’identifier certains verrous à lever en vue d’approfondir le travail d’évaluation des prélèvements obligatoires de notre commission des finances.

A.   les efforts de l’administration fiscale pour mieux répondre aux demandes des parlementaires

Lors de ce contrôle sur place, l’administration fiscale a mis en avant le nombre très important et croissant des questions parlementaires à traiter, auquel les 169 questions préparées en vue du présent RALF se sont évidemment ajoutées.

Une recherche simple dans la base des questions posées par les députés depuis le début de la présente législature, à partir du mot « impôts » donne un résultat de 1 055 questions dont :

– 18 questions posées oralement. Certaines de ces questions se rattachent clairement au travail d’évaluation porté par le présent rapport : à titre d’exemple, notre collègue Denis Masséglia a posé le 16 janvier 2018 une question concernant l’optimisation des grands groupes étrangers en Europe ([15]), tandis que notre collègue Jean Terlier posait le 5 juin dernier une question sur les conditions d’attribution de la demi-part fiscale aux veuves d’anciens combattants ;

– 957 questions écrites couvrant de nombreux aspects de notre fiscalité.

Par comparaison, une requête similaire dans le moteur de recherche du Sénat fait état de 272 questions, dont 173 ayant reçu une réponse.

Ces recherches dans les bases de l’Assemblée nationale et du Sénat ne retracent pas les questions qui peuvent être posées directement par les parlementaires.

Il semblerait donc opportun de rationaliser le circuit des questions envoyées à l’administration fiscale, en particulier lorsqu’elles sont liées à des sujets qui entrent dans le champ du RALF.

Cette rationalisation est d’autant plus importante que, au cours du contrôle sur place, une possible réforme du circuit de traitement des questions parlementaire au sein de Bercy a été évoquée par le cabinet du ministre de l’économie et des finances.

Alors que ces questions sont traitées, pour l’instant, par le service qui en a été saisi, le projet serait de les centraliser à un service spécifique. Cette centralisation, à condition de ne pas se traduire par un allongement excessif des délais de réponse, permettrait de mieux gérer les priorités qui doivent être établies entre les différents questionnaires.

Cette centralisation permettra d’alléger la charge de travail pesant sur le cabinet du ministre de l’économie et des finances.

À cet égard, le Rapporteur général tient à souligner les difficultés qui résultent, pour les ministères rattachés à Bercy, dun plafonnement uniforme du nombre de conseillers de cabinet ministériel.

En effet, le décret  2017-1063 du 18 mai 2017 relatif aux cabinets ministériels prévoit un plafonnement uniforme à :

 10 membres pour le cabinet dun ministre ;

 8 membres pour un ministre délégué ;

 5 membres pour un secrétaire dÉtat

Si lon ne peut que souscrire à lobjectif de rationalisation de la dépense publique visé par ce plafonnement, il semble évident que lampleur des réformes menées (et à mener) dans les domaines budgétaires et des prélèvements obligatoires nécessite certainement une application plus souple de ce principe.

En l’état, ce plafonnement ne s’applique pas au Premier ministre (62 membres) ni au ministre d’État en charge de la transition écologique et solidaire (20 membres) ([16]).

Compte tenu de lampleur des réformes à mener dans les domaines budgétaires et fiscaux et du travail dévaluation que supposent ces réformes, il ne serait pas totalement incompréhensible que le cabinet du ministre de léconomie et des finances soit aussi étoffé que celui du ministre dÉtat en charge de la transition écologique et solidaire.

À défaut, il existe un risque réel de voir les services administratifs de Bercy se substituer au pouvoir politique et prendre le contrôle des décisions politiques prises dans les domaines budgétaires et fiscaux.

B.   la culture de l’Évaluation doit aussi être dÉveloppÉe du côtÉ de l’exÉcutif

Lors du contrôle sur place, il est apparu que de nombreuses questions n’ont pas pu obtenir les réponses escomptées, faute de données disponibles sur l’impact réel des réformes votées.

Si cette lacune provient, dans de nombreux cas, du fait que les réformes ont été adoptées depuis trop peu de temps pour pouvoir être matériellement évaluées, il apparaît également qu’elle résulte dans de nombreux cas de l’absence totale de données disponibles.

Il serait possible d’en déduire que l’administration fiscale ne s’est pas donné les moyens d’évaluer les retombées réelles de certaines réformes récentes : si le Parlement et sa commission des finances s’engagent résolument dans une amélioration de l’évaluation ex post des réformes, il est également important que l’administration fiscale opère un tel basculement.

À titre d’exemple, l’absence de données disponibles a constitué la réponse aux questions suivantes :

– mesure de l’impact des allégements de charges sur la réserve de participation ;

– évaluation du nombre d’entreprises créées au sein des bassins urbains à dynamiser (BUD) ;

– évaluation de l’emploi créé au sein des bassins d’emploi à redynamiser (BER) ;

– nombre d’établissements publics de coopération culturelle concernés par l’article 88 de la loi de finances pour 2018, c’est-à-dire par une exonération de taxe sur les salaires ;

– nombre de groupements de coopération sanitaire et de coopération sociale et médico-sociale concernés par la même mesure ;

– impact du taux réduit de TVA pour les parcs zoologiques ;

– ventilation de la dépense fiscale par catégorie de dépense imputable pour certains crédits d’impôt en faveur du cinéma et de l’audiovisuel ;

– assiette et produit du droit de partage et de licitation, et part de cette assiette et de ce produit provenant des biens immobiliers.

Le Rapporteur général appelle, par conséquent, l’administration fiscale à développer ses outils d’évaluation ex post des mesures votées.

 


—  1  —

   Partie II :
Les dépenses fiscales en faveur de la culture
et de l’audiovisuel

L’article 19 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 ([17]) a prévu la prorogation pour une année (du 31 décembre 2018 au 31 décembre 2019) du crédit d’impôt sur les sociétés, encadré par l’article 220 octies du CGI, destiné à soutenir en France la production dœuvres phonographiques de jeunes talents musicaux.

Issu de l’adoption de deux amendements identiques ([18]) à l’Assemblée nationale en première lecture – prévoyant initialement une prorogation jusqu’au 31 décembre 2021 –, le dispositif initial a été rectifié afin de limiter cette prorogation à une année.

En effet, plusieurs membres de la commission des finances, sans remettre en cause l’opportunité de proroger ce dispositif en particulier, ont regretté que celui-ci, de même que l’ensemble des dépenses fiscales en faveur de la culture et de l’audiovisuel, ne fasse pas l’objet d’une évaluation d’ensemble préalablement à toute prorogation ou à tout élargissement.

Ce besoin d’évaluation, qui constitue l’axe de travail principal du présent rapport, n’a pas nécessairement été bien compris à l’automne dernier par les professionnels du secteur intéressés, pour qui cette prorogation était considérée comme acquise.

La présente partie du RALF a donc pour objet de procéder à cette évaluation, en vue de laquelle le Rapporteur général a procédé à une vingtaine dauditions.

Cette évaluation ne saurait être entamée sans un constat préalable lucide, un discours de la méthode, sur l’une des raisons principales ayant conduit à ce manque d’évaluation par le Parlement : dans la très grande majorité des cas, les sept dépenses fiscales entrant dans le champ de la présente étude ont été créées ou élargies par amendements n’ayant pas fait l’objet d’une véritable étude d’impact ni évaluation préalable :

– depuis 2004, date de la création du premier crédit d’impôt dit « cinéma », ces dépenses fiscales ont fait l’objet de 35 articles différents, soit en moyenne 2,5 articles par an ; ces mesures ont toutes été prises en loi de finances, à l’exception notable des articles créant les crédits d’impôt dits « phonographique » et « jeux vidéo » ;

– sur ces 35 articles, 31 résultent de l’adoption d’amendements : à près de 90 %, ces mesures ont donc été adoptées sans évaluation préalable. Ce ratio pourrait faire honneur à l’initiative parlementaire mais il convient de souligner que cinq de ces amendements sont d’origine gouvernementale (près de 15 % de l’ensemble), sachant que certains amendements parlementaires ont parfois été actés en amont par le Gouvernement avec les professionnels concernés ou préparés par ce premier ;

– il convient, enfin ; de souligner que ces dispositifs ont été adoptés, dans cinq cas, avec un avis défavorable de la commission des finances ;

– l’un de ces dispositifs, relatif à la dernière augmentation du taux de la réduction d’impôt pour la souscription au capital des sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (SOFICA), a été adopté en première partie de la loi de finances pour 2017 ([19]) ; ce placement le rendant automatiquement applicable à l’impôt sur le revenu de cette année 2017 – ce qui constitue en pratique une « petite rétroactivité » que le législateur tend généralement à éviter –, le dispositif a mécaniquement créé un pur effet d’aubaine pour les souscripteurs qui avaient, à la date de promulgation de cette loi, déjà opéré leurs investissements.

Cette absence d’évaluation d’ensemble de ces dépenses fiscales est corrélée avec une augmentation importante de leur montant total, retracé dans le graphique ci-dessous.

LES DÉPENSES FISCALES EN FAVEUR DU CINÉMA, DE L’AUDIOVISUEL,
DE LA MUSIQUE, DES JEUX VIDÉO ET DU SPECTACLE VIVANT

(en millions d’euros)

Source : tomes 2 des fascicules Évaluations des voies et moyens associés aux projets de loi de finances de 2009 à 2018. Les chiffres de l’année 2018 constituent donc une prévision, ce qui explique la différence avec les montants parfois évoqués dans la suite du rapport résultant d’évaluations plus récentes.

L’augmentation est particulièrement importante entre 2016 et 2018 (+ 107 %) ; il convient de souligner qu’elle résulte de mesures votées à la fin de la précédente législature, aucun élargissement nayant encore été voté sous la présente législature.

L’essentiel de cette augmentation provient des crédits dimpôts cinéma national et international (+ 111 % entre 2016 et 2018, soit 91 % de l’augmentation de l’ensemble des crédits d’impôts sur cette période).

les dépenses fiscales visées par la présente évaluation

(en millions d’euros)

N° dépense

Dénomination

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

320121

Crédit dimpôt (IS) national « cinéma »

58

54

51

66

58

121

121

 

Nb d’entreprises

114

nd

nd

nd

nd

320140

Crédit dimpôt (IS) cinéma international

9

2

20

12

19

40

46

 

Nb d’entreprises

12

6

33

19

21

320129

Crédit dimpôt (IS) national « audiovisuel »

51

56

57

61

54

126

126

 

Nb d’entreprises

174

nd

nd

nd

nd

110244

Réduction dimpôt (IR) pour les souscriptions au capital des SOFICA

25

21

20

21

21

21

28

 

Nb de ménages

6 780

6 720

6 408

6 790

6 827

320128

Crédit dimpôt (IS) pour la production phonographique

6

6

10

8

9

8

8

 

Nb d’entreprises

40

115

100

94

128

320142

Crédit dimpôt (IS) spectacle vivant

2

6

 

Nb d’entreprises

0

320135

Crédit dimpôt (IS) pour les entreprises de création de jeux vidéo

7

5

5

6

11

14

21

 

Nb d’entreprises

18

19

21

20

22

TOTAL

156

144

163

174

172

332

356

Source : tomes 2 des fascicules Évaluations des voies et moyens associés aux projets de loi de finances de 2009 à 2018. Il a volontairement été mis en évidence le fait que le nombre d’entreprises bénéficiaires n’est pas renseigné pour les deux plus grosses dépenses fiscales.

Dans un souci de cohérence, il a été décidé de n’inclure dans la présente évaluation que des dépenses fiscales (soit six crédits d’impôt sur les sociétés et une réduction d’impôt sur le revenu), se présentant comme des mesures sectorielles rattachables au secteur de l’audiovisuel au sens large (cinéma, production audiovisuelle) et de la culture (production musicale, jeux vidéo, spectacle vivant).

Les dépenses fiscales rattachables au secteur de la culture mais non sectorielles ont volontairement été laissées de côté (mécénat) de même, faute de pouvoir obtenir les informations nécessaires, que les dispositifs généraux qui pourraient éventuellement être cumulés avec les présentes dépenses fiscales (crédit d’impôt recherche, réduction d’impôt « Madelin » ou ISF-PME avant sa suppression).

 

Les évolutions juridiques des dépenses fiscales « cinéma » et « audiovisuel »

Crédit dimpôt cinéma « national » et audiovisuel

Crédit dimpôt cinéma « international »

Réduction dIR SOFICA (1)

Art. 88 LFI 2004

(amendement du Gouvernement)

– Création du dispositif : le taux est fixé à 20 % et le plafond est de 500 000 euros pour une œuvre de fiction et de 750 000 euros pour une œuvre d’animation

– Application aux dépenses exposées à compter du 1er janvier 2004

Art. 131 LFI 2009

(amendement de M. Dominati)

– Création du dispositif, avec un taux à 20 % et un plafond de 4 millions d’euros

– Entrée en vigueur au plus tard le 1er janvier 2010 avec application aux dépenses depuis le 1er janvier 2009 (jusqu’au 31 décembre 2012)

Art. 102 LFR 2006

(article du projet de loi initial)

– Création du dispositif : réduction d’impôt sur le revenu de 40 % dans la limite de 25 % du revenu global et de 18 000 euros, et un taux majoré de 48 % en cas de souscription rapide

 Entrée en vigueur pour les investissements réalisés à compter du 1er janvier 2006 (petite rétroactivité)

Art. 48 LFR 2004

(amendement du Gouvernement)

– Création d’un volet spécifique pour les œuvres audiovisuelles (plafond par minute produite)

– Plafond d’un million d’euros pour le cinéma

Art. 24 LFI 2006

(amendement de M. Martin-Lalande)

– Prise en compte des dépenses exposées à la date de réception de la demande d’agrément par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC)

 

Art. 109 LFR 2005

(amendement de M. Philippe Marini)

– Refonte du dispositif

– Entrée en vigueur au 1er janvier 2006

Art. 34 LFR 2012-3

(amendement de MM. Muet et Bloche)

– Prise en compte des dépenses d’hébergement

– Le plafond du crédit est porté de 4 à 10 millions d’euros

– Entrée en vigueur au plus tard le 1er janvier 2014

 

Art. 72 LFI 2013

(amendement du Gouvernement)

– Prorogation du dispositif jusqu’au 31 décembre 2016

Art. 87 LFR 2008

(amendement de MM. Herbillon et Martin-Lalande)

– Prorogation de la réduction d’impôt de 2008 à 2011

Art. 33 LFR 2012-3

(amendement de MM. Muet et Bloche)

– Abaissement de 2 333 à 2 000 euros par minute produite du seuil d’éligibilité pour les documentaires

– Prise en compte des dépenses de transport, de restauration et d’hébergement

– Le plafond est porté d’un à 4 millions d’euros

– Dans le domaine audiovisuel, le plafond par minute produite est porté à 1 250 euros pour la fiction, 1 150 euros pour un documentaire et 1 300 euros pour l’animation. Un plafond de 5 000 euros par minute est prévu dans le cadre d’une coproduction internationale

Art. 23 LFI 2014

(amendement de MM. Bloche et Lefebvre avec un avis défavorable de la commission des finances)

– Le plafond est porté de 10 à 20 millions d’euros

– Entrée en vigueur au plus tard le 1er janvier 2015

Art. 9 LFI 2012

(amendement de M. Kert)

– Prorogation de la réduction d’impôt de 2011 à 2014

Art. 38 LFR 2013-1

(amendement du Gouvernement avec un avis défavorable de la commission des finances)

– Le taux est porté à 30 % pour les œuvres de moins de 4 millions deuros

– Application aux crédits d’impôts ouverts à compter du 1er janvier 2014

Art. 77 LFR 2014-2

(amendement de M. Beffara)

– Le taux est porté de 20 % à 30 %

– Le plafond est porté de 20 à 30 millions d’euros

– Application aux crédits d’impôts ouverts à compter du 1er janvier 2016

 

Art. 91 LFR 2014-2

(amendement du Gouvernement)

– Pour les œuvres dont les dépenses éligibles sont inférieures à 2 millions d’euros, l’aide ne doit pas dépasser 50 % du budget de production (mise en conformité européenne)

Art. 72 LFI 2015

(amendement de MM. André et Rogemont)

– Prorogation de la réduction d’impôt de 2014 à 2017

Art. 77 LFR 2014-2

(amendement de M. Beffara)

– Le taux est porté à 25 % pour les œuvres d’animation et à 30 % pour les œuvres de moins de 7 millions d’euros

– Le plafond par minute produite (pour les seules œuvres audiovisuelles) est porté de 1 300 à 3 000 euros pour les œuvres d’animation

– Application aux crédits d’impôts ouverts à compter du 1er janvier 2016

Art. 111 LFI 2016

(projet de loi initial)

– Les œuvres d’animation et certains films de fiction à fort effet visuel (assimilables à des œuvres d’animation) sont rendus éligibles au crédit d’impôt cinéma alors même qu’elles ne sont pas réalisées en langue française

– Les œuvres cinématographiques « pour lesquelles l’emploi d’une langue étrangère est justifié pour des raisons artistiques tenant au scénario » sont rendues éligibles au crédit d’impôt

– Le taux du crédit d’impôt est porté à 30 % pour les œuvres d’animation et pour les autres œuvres réalisées principalement en français

– La somme des crédits d’impôts qui peuvent être versés à une même œuvre cinématographique est portée de 4 à 30 millions d’euros

– Application aux crédits d’impôts ouverts à compter du 1er janvier 2016

Art. 20 LFI 2017

(amendement de MM. Bloche et Le Roux)

– Prorogation du dispositif jusqu’au 31 décembre 2019

Art. 8 LFI 2017

(amendement de Mmes Rabault et Berger)

– Création d’un taux renforcé de 48 % en cas d’investissement de 10 % du capital de la SOFICA, dans un délai d’un an à compter de la création de la société, dans la production de séries ou dans un contrat portant sur les droits d’une œuvre à l’étranger

– Le dispositif étant placé en première partie de la loi de finances, il s’est appliqué dès le 1er janvier 2017 aux investissements déjà réalisés en 2016

 

 

Art. 76 LFI 2018

(amendement de Mme Dumas)

– Prorogation de la réduction d’impôt du 31 décembre 2017 au 31 décembre 2020

– Aménagement des amendes en cas de non-respect des conditions d’investissement par la SOFICA

LFI : loi de finances initiale.

LFR : loi de finances rectificative.

(1)   Le présent tableau ne présente pas l’évolution des taux de la réduction d’impôt « SOFICA » résultant des réductions homothétiques des niches fiscales adoptée en 2011 et 2012, dont le détail est présenté infra dans la partie spécifiquement consacrée à ce dispositif.

Source : Légifrance.

Les évolutions juridiques des crédits dimpôts « phonographique », « spectacle vivant » et « jeux vidéo »

Crédit dimpôt
« phonographique »

Crédit dimpôt
« jeux vidéo »

Crédit dimpôt
« spectacle vivant »

Art. 36 de la loi 1er août 2006 relative aux droits d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information

(amendement de M. Martin-Lalande)

– Création du dispositif jusqu’en 2009 avec un taux de 20 % des dépenses éligibles

– Le montant total des dépenses éligibles est fixé à 2,3 millions d’euros par entreprise et par exercice

– La somme des crédits d’impôts ne peut dépasser 500 000 euros par entreprise et par exercice

 Applicable aux œuvres agréées à compter du 1er janvier 2006 (petite rétroactivité)

Art. 37 de la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur

(amendement de M. Ollier)

– Création du dispositif pour les jeux dont le coût de développement est supérieur à 150 000 euros et dont 50 % du budget est affecté aux dépenses artistiques

– Crédit d’impôt de 20 % des dépenses éligibles

– Plafonnement à 3 millions d’euros par entreprise et par exercice

 

Art. 51 LFR 2007

(amendement de M. Chartier)

– Clarification du champ géographique du crédit d’impôt s’agissant des dépenses sous-traitées

– Assouplissement de la condition d’utilisation du français (élargissement à l’Europe), prise en compte des dépenses de personnel permanent

– Plafond porté à 700 000 euros ou 1,1 million d’euros pour les entreprises dont l’effectif est stable et dont les ventes augmentent de 3 % sur un exercice

– Renforcement d’une décote de 20 à 70 % sur les dépenses (pour les entreprises autres que les PME) prises en compte dans le crédit d’impôt

Art. 91 de la LFR 2007

(amendement de MM. Valade, de Broissia et Dallier, adopté en séance publique au Sénat)

– Clarification des critères culturels à respecter pour pouvoir bénéficier du crédit d’impôt

– Clarification des dépenses de fonctionnement prises en compte

– Prise en compte des dépenses de sous-traitance dans la limite d’un million d’euros

 

Art. 56 LFI 2009

(amendement de M. Marini)

– Prise en compte annuelle des dépenses imputables et non album par album

– Assouplissement de la condition d’utilisation du français

 

 

Art. 51 LFR 2009

(amendement de M. Thiollière)

– Prorogation jusquau 31 décembre 2012

 

 

Art. 28 LFI 2013

(amendement du Gouvernement)

– Prorogation jusqu’en 2015

– Taux renforcé de 30 % pour les PME

– Plafond global fixé à 800 000 euros par entreprise et par exercice

Art. 25 de la LFR 2013

(article du projet de loi initial)

– Allongement du délai d’imputation des dépenses (entre l’agrément provisoire et définitif) pour les jeux les plus importants (dits « AAA »)

 

Art. 27 et 28 de la LFR 2013

(amendements de MM. Feltesse et Thévenoud ayant reçu un avis défavorable de la commission des finances)

– Abaissement du seuil d’éligibilité au crédit d’impôt de 150 000 euros est à 100 000 euros

– Prise en compte des dépenses salariales des personnels techniques et administratifs

– Les jeux pour adultes ouvrent droit au crédit d’impôt dès lors que leur contribution au développement et à la diversité de la création française est significative

 

Art. 50 LFR 2014

(article du projet de loi initial)

– Prorogation jusqu’en 2018

– Taux abaissé de 20 à 15 % sauf pour les PME (taux de 30 % maintenu) ; en contrepartie le mécanisme de décote est supprimé

– La rémunération des dirigeants est prise en compte dans les dépenses éligibles

– le plafond global est remonté de 800 000 à 1,1 million d’euros

 

Création du dispositif par lart. 113 de la LFI 2016

(amendement de M. Muet)

– Taux de 15 % des dépenses éligibles

– Montant des dépenses éligibles plafonné à 500 000 euros par spectacle

– Plafond de 750 000 euros par entreprise et par exercice

Art. 19 LFR 2017

(amendement du groupe LREM)

– Prorogation du dispositif jusqu’à la fin de l’année 2019

Art.79 LFI 2017

(amendement de M. Beffara ayant reçu un avis défavorable de la commission des finances et du Gouvernement)

– Taux relevé de 20 à 30 %

– Plafond relevé de 3 à 6 millions d’euros

– Application aux crédits calculés à compter du 1er janvier 2017

Art. 80 LFI 2017

(amendement de M. Beffara ayant reçu un avis défavorable de la commission des finances et du Gouvernement)

– Plafond des dépenses de production confiées à des sous-traitants passe de 1 à 2 millions d’euros

 Application aux crédits calculés à compter du 1er janvier 2017

 

I.   les crédits d’impôt cinéma et audiovisuel national et international

Ces deux crédits d’impôts, codifiés respectivement aux articles 220 sexies et 220 quaterdecies du CGI, représentent la part la plus importante de l’ensemble des dépenses fiscales visées par la présente étude.

LES CRÉDITS D’IMPÔTS sur les sociétés en faveur du cinéma
et de l’audiovisuel

(en millions d’euros)

N° dépense

Dénomination

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

320121

Crédit d’impôt (IS) national « cinéma »

58

54

51

66

58

121

121

320140

Crédit d’impôt (IS) cinéma international

9

2

20

12

19

40

46

320129

Crédit d’impôt (IS) national « audiovisuel »

51

56

57

61

54

126

126

Total

118

112

128

139

131

287

293

Pourcentage du total des dépenses fiscales de la présente évaluation

76 %

78 %

79 %

80 %

76 %

86 %

82 %

Source : tomes 2 des fascicules Évaluations des voies et moyens associés aux projets de loi de finances de 2013 à 2018.

S’ils font l’objet de deux articles codifiés, ces dispositifs sont généralement évalués en décomposant les trois volets exposés dans le tableau ci-dessus, le crédit d’impôt « national » s’appliquant selon des modalités différentes d’une part aux œuvres cinématographiques (films) et d’autre part aux œuvres audiovisuelles (séries, documentaires, etc.).

Le crédit d’impôt international s’applique pour sa part à ces deux catégories d’œuvres selon les mêmes modalités.

A.   Les précédentes évaluations

1.   Une évaluation encourageante du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales de 2011

Ces trois dispositifs ont fait l’objet d’une analyse dans le cadre du rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales de juin 2011 ([20]).

Le crédit d’impôt national cinéma a reçu une note de 2 sur 3, sur la base d’une dépense qui était à l’époque de 45 millions d’euros (au lieu de 121 millions d’euros aujourd’hui).

Le comité a souligné la lisibilité du dispositif, la qualité de son application sous le contrôle du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et le fait qu’il atteint son objectif principal, à savoir la localisation en France de la production cinématographique : la part des jours de tournage en France pour les films de fiction aurait augmenté de 61 % en 2003 à 75 % en 2009. Les dépenses effectuées en France auraient doublé sur la même période. Enfin, le maintien de l’emploi du secteur serait un signe d’efficacité du dispositif.

Le crédit d’impôt national audiovisuel a reçu une note de 2 sur 3, sur la base d’une dépense de 50 millions d’euros (126 millions d’euros aujourd’hui).

Il serait également lisible et d’application homogène par le CNC. Selon cette évaluation, la part des dépenses de tournage en France a progressé de 9,8 % entre 2005 et 2009. L’emploi du secteur aurait augmenté de 16 % entre 2004 et 2008, et de 19,7 % pour l’emploi permanent même s’il est noté que « le lien direct entre ce crédit d’impôt et la création d’emplois ne peut toutefois pas être démontré ».

Le crédit dimpôt cinéma international na pas fait lobjet dune notation ; pleinement applicable à compter du 1er janvier 2010, il était probablement trop tôt pour l’évaluer.

2.   Un jugement plus mesuré de la Cour des comptes en 2014

Ces trois dispositifs ont fait l’objet d’une analyse nettement plus poussée dans le cadre d’un rapport public thématique de la Cour des comptes ([21]) en 2014, dont le champ s’étend à l’ensemble des soutiens publics à la production cinématographique et audiovisuelle.

Les conclusions de cette analyse sont plus contrastées que celles du comité d’évaluation des dépenses fiscales :

– la Cour des comptes souligne en premier lieu que les dispositifs de soutien au cinéma et à l’audiovisuel, dont les crédits d’impôts ne constituent qu’une petite partie, enregistrent une expansion continue depuis plusieurs années (+ 88 % entre 2002 et 2012) ;

– analysant plus particulièrement les soutiens à la production cinématographique, la Cour met en lumière un modèle « original » mais « sous tension ». Les montants investis sont en effet passés d’environ 700 millions d’euros en 2002 à 1,1 milliard d’euros en 2012.

Cette augmentation s’est traduite par une augmentation du nombre de films produits, la France faisant figure à cet égard de singularité mondiale juste après les États-Unis. Les perspectives d’exposition d’une part importante des films français sont toutefois relativement restreintes, la Cour évoquant une part stable de 50 à 60 % de films français réalisant moins de 50 000 entrées en salle.

La Cour souligne, par ailleurs, le fait que ces dispositifs ont certainement entraîné une inflation des coûts de production, notamment les rémunérations des artistes et les coûts de distribution, tandis que la rentabilité des SOFICA aurait tendance à se dégrader ;

– dans le domaine de la production audiovisuelle, le constat de la Cour des comptes est beaucoup plus mitigé, les performances étant « sans rapport avec les montants investis ».

Si les soutiens publics à cette production sont également très importants en France, la Cour déplore une baisse de la performance de la fiction française par rapport aux fictions étrangères, une progression de la production de documentaires sans rapport avec l’audience prévisible et une rigueur insuffisante des commandes de l’audiovisuel public.

Il convient toutefois de souligner d’emblée que ces analyses de la Cour des comptes de 2014 s’appliquaient à un secteur qui a connu, depuis cette date, un bouleversement profond ; avec l’apparition de médias comme Netflix dont l’audience est en grande partie fondée sur la diffusion de séries.

B.   Les crédits d’impôts en faveur du cinéma et de l’audiovisuel ne représentent qu’une part limitée des soutiens publics à ces secteurs

Les soutiens publics en faveur du cinéma et de l’audiovisuel sont actuellement de quatre ordres :

– les dépenses fiscales dont bénéficient les entreprises de production, auxquelles il faut ajouter dépense fiscale dite « SOFICA » qui bénéficie non pas à l’entreprise de production mais aux personnes investissant au capital des sociétés de financement du cinéma ;

– les aides directes qui regroupent par ailleurs les aides versées par le CNC mais aussi par les collectivités territoriales ;

– les dotations du CNC permettent de financer un fonds de garantie géré par l’Institut de financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) ;

– une part importante des investissements dans le cinéma et l’audiovisuel résulte des obligations pesant à la fois sur les chaînes privées et les chaînes publiques.

Au total, une part importante des investissements dans le cinéma provient directement de la puissance publique ou bénéficie indirectement de son soutien.

Les soutiens publics au financement du cinéma et de l’audiovisuel

(en millions d’euros)

Aides

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Soutiens du CNC

466,2

596,5

614,5

617,8

627,5

621,6

650,5

666,8

Aides régionales

42,3

44,9

46,9

46,9

48,1

49,8

47,3

57,1

Dépenses fiscales

140

139

143

133

148

160

152

308

Investissements des chaînes de télévision

1 229

1 304

1 292

1 267

1 247

1 249

1 244

nd

Montants garantis par l’IFCIC

301,7

322

283,5

295,4

273,9

339,9

407,8

368,4

Total

2 179,2

2 406,4

2 379,9

2 360,1

2 344,5

2 420,3

2 501,6

Source : bilans annuels du CNC, fascicules Évaluations des voies et moyens, réponses au questionnaire du Rapporteur général.

C.   Un impact significatif de l’ensemble de ces dispositifs sur la compétitivité du secteur

Le CNC publie chaque année un bilan chiffré des principales tendances de l’année écoulée, qui démontre, quel que soit l’indicateur retenu, la bonne santé du cinéma français malgré un repli conjoncturel en 2014.

1.   Les indicateurs relatifs aux œuvres cinématographiques

Parts de marché selon la nationalité des films de long-métrage

(en % des entrées)

Films

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Films français

36,6

44,7

36,5

45,5

36,9

35,9

41,0

40,5

33,8

44,5

35,7

36,0

37,4

Films américains

45,9

44,3

49,3

43,4

50,0

47,9

46,2

43,0

54,0

44,9

51,2

52,9

49,2

Films européens

15,7

8,9

12,4

9,4

9,8

14,8

10,6

13,0

7,5

5,9

9,7

9,2

10,6

Allemands

1,0

0,5

1,3

0,7

0,8

0,3

0,9

0,4

0,8

1,0

1,4

1,3

0,3

Britanniques

13,6

6,0

9,6

5,6

6,6

11,5

7,7

10,3

4,5

3,2

7,2

6,3

8,4

Espagnols

0,2

1,6

0,2

1,6

1,1

1,3

1,3

0,6

0,8

0,1

0,3

0,7

0,4

Italiens

0,4

0,3

0,1

0,6

0,2

0,3

0,2

0,4

0,1

0,2

0,2

0,1

0,2

Films dautres nationalités

1,8

2,2

1,8

1,7

3,3

1,4

2,2

3,6

4,7

4,8

3,5

1,8

2,8

Total

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

Source : CNC.

Entrées selon la nationalité des films de long métrage

(en millions)

Films

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Films français

63,8

83,7

64,6

85,7

73,7

73,6

88

81,4

64,6

91,2

91,4

72,1

75,1

Films américains

80,1

83

87,1

81,7

99,7

98,2

99,1

86,3

103,1

93,3

92,3

103,5

111,0

Films européens

27,3

16,6

21,8

17,8

19,6

30,4

22,8

26,1

14,3

11,1

12,1

19,6

19,3

Allemands

1,7

1,1

2,3

1,2

1,6

0,6

1,9

0,8

1,4

1,8

1,8

2,9

2,7

Britanniques

23,6

11,3

17,1

10,5

13,2

23,7

16,5

20,8

8,6

5,6

6,7

14,5

13,1

Espagnols

0,4

3,1

0,4

3,1

2,1

2,7

2,8

1,1

1,5

0,3

0,3

0,6

1,4

Italiens

0,7

0,5

0,2

1,1

0,4

0,6

0,5

0,8

0,3

0,3

0,3

0,4

0,2

Films dautres nationalités

3,1

4,1

3,2

3,2

6,6

2,9

4,7

7,2

8,9

9,8

9,9

7,0

4,2

Total

174,4

187,5

176,8

188,5

199,7

205,1

214,7

201,1

191,1

205,6

205,7

202,2

209,6

Source : CNC.

REcettes selon la nationalité des films pour les longs-métrages

(en millions d’euros)

Source : CNC.

 

Répartition des recettes selon la nationalité des films de long-métrage

(en pourcentage des recettes totales)

Source : CNC.

Les données relatives au nombre de films français produits doivent être prises avec précaution. S’ils témoignent certainement d’une vitalité globale du secteur, ils peuvent aussi – comme le souligne la Cour des comptes dans son analyse précitée des soutiens en faveur du cinéma et de l’audiovisuel – traduire un foisonnement de films sans réelles perspectives d’exposition.

évolution de la production de films d’initiative française

Films

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Films d’initiative française

185

196

182

203

206

209

208

203

234

221

– dont films de coproduction

52

51

45

60

55

59

55

51

76

62

Films à majorité étrangère

43

44

48

58

65

70

61

55

66

62

Total des films agréés

228

240

230

261

271

279

269

258

300

283

Source : CNC.

2.   Les indicateurs relatifs à la production audiovisuelle

Dans son rapport précité sur les soutiens à la production cinématographique et audiovisuelle, le CNC estimait de manière relativement tranchée que les soutiens à la production audiovisuelle se traduisent par des « performances sans rapport avec les montants investis » : « les performances globalement peu satisfaisantes de ce secteur d’activité, la détention par le France du plus fort taux d’exposition et d’audience des séries américaines en première partie de soirée et les évolutions de consommation des produits audiovisuels invitent à un réexamen des soutiens publics ».

Force est de constater que le secteur de la production audiovisuelle française a connu un essor significatif, du fait principalement de l’essor des séries dont certaines ont connu un fort succès (Le Bureau des légendes, Versailles, Plus belle la vie, …).

L’évolution des volumes de production audiovisuelle aidés par le CNC met en évidence une certaine stagnation depuis 2012, même si cette évolution globale masque des évolutions contrastées par type de production (fiction, documentaire, animation, spectacle et magazine).

Les secteurs de la fiction et de l’animation enregistrent en effet un dynamisme important depuis plusieurs années, sachant que ces secteurs sont particulièrement structurants pour l’économie du secteur.

Dans une publication consacrée à la production audiovisuelle en 2017, le CNC souligne par ailleurs que le montant des devis dans le domaine de la production d’animation augmente alors que les relocalisations de production en France augmentent de près de 10 % entre 2016 et 2017.

Volume horaire de production de programmes audiovisuels
aidés par le CNC

(en nombre d’heures)

Source : CNC.

 

Devis de production des programmes audiovisuels aidés par le CNC

(en millions d’euros)

Source : CNC.

3.   Les indicateurs relatifs à l’emploi

Les données relatives à l’évolution de l’emploi dans les secteurs de la production audiovisuelle et cinématographique proviennent de l’Observatoire de la production audiovisuelle et cinématographique en Île-de-France, créé par la commission du film de la région d’Île-de-France et le groupe Audiens.

L’évolution de l’emploi dans les secteurs audiovisuel et cinématographique

Secteur

Type de contrat

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Production de films et de programmes pour la télévision

CDI (1)

3 801

3 934

4 187

4 240

4 625

5 222

CDD (2)

3 113

3 526

3 746

3 905

3 651

4 278

CDDU (3)

64 279

73 874

68 323

70 614

71 823

70 589

Total

71 193

81 334

76 256

78 759

80 099

80 089

Production de films pour le cinéma

CDI

2 371

2 429

2 451

2 508

2 558

2 828

CDD

1 626

1 733

1 564

1 777

1 769

2 281

CDDU

58 093

60 192

59 414

61 291

58 087

54 669

Total

62 090

64 354

63 429

65 576

62 414

59 778

Post-production de films cinéma, de vidéo et de programmes TV

CDI

4 924

5 121

4 764

4 686

4 800

4 852

CDD

1 901

1 678

1 849

1 666

1 490

1 456

CDDU

19 256

19 928

20 368

19 679

20 310

19 861

Total

26 081

26 727

26 981

26 031

26 600

26 169

Production de films institutionnels et publicitaires

CDI

2 600

2 768

2 697

2 819

2 976

3 377

CDD

2 007

1 818

1 897

2 249

2 256

3 041

CDDU

26 463

25 979

26 825

27 386

27 853

26 888

Total

31 070

30 565

31 419

32 454

33 085

33 306

Total production

CDI

13 639

14 187

14 027

14 180

14 870

16 191

CDD

8 583

8 686

9 188

9 510

9 066

10 803

CDDU

125 572

135 548

131 429

134 152

133 797

128 508

Total

147 794

158 421

154 644

157 842

157 733

155 502

(1)     CDI : contrat à durée indéterminée.

(2)     CDD : contrat à durée déterminée.

(3)     CDDU : contrat à durée déterminée d’usage.

Source : CNC.

Les chiffres ci-dessus démontrent une certaine stabilité de l’emploi dans le secteur, avec toutefois un dynamisme certain dans le domaine de production de films et de programmes pour la télévision.

D.   L’évaluation de l’impact sectoriel des crédits d’impôt

1.   L’intervention publique reste déterminante pour assurer le préfinancement des œuvres cinématographiques et audiovisuelles

Dans son rapport précité de 2014, le Cour des comptes indique que l’intervention publique est déterminante pour sécuriser le préfinancement de l’œuvre et souligne plus particulièrement le rôle du CNC dans cette sécurisation : « Si des dispositifs complémentaires sy sont par la suite ajoutés, lintervention du CNC reste centrale, car elle conditionne souvent les autres financements en venant confirmer la faisabilité dun film vis-à-vis des partenaires potentiels du tour de table. »

Ces aides permettent d’obtenir des « résultats incontestables » : « En orientant un investissement annuel de plusieurs centaines de millions deuros dans la production cinématographique, le mécanisme des aides publiques et des financements encadrés permet de maintenir un important volume de production nationale. En sécurisant les investissements dans la production, il garantit également la relative autonomie des producteurs indépendants vis-à-vis des diffuseurs et des groupes cinématographiques intégrés. »

Comme a pu le confirmer le cabinet de la ministre de la culture lors d’un entretien consacré à cette évaluation, ce constat reste entièrement pertinent aujourd’hui. L’économie cinématographique et audiovisuelle reste complexe à appréhender pour des investisseurs privés qui peinent à évaluer les risques liés à la production d’un film ou d’une série.

À cet égard, le Rapporteur général souligne également le rôle fondamental joué par lInstitut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) qui, avec des moyens relativement limités, permet d’associer des investisseurs privés, essentiellement des banques, à la production d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles.

Avec des moyens budgétaires relativement limités, l’IFCIC agit par le biais d’une garantie à l’égard de ces investisseurs privés, en cas de perte.

Le taux de sinistralité étant particulièrement limité, le coût pour les finances publiques est très limité.

Les montants garantis par l’IFCIC

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Dotations du CNC aux fonds de garantie de l’IFCIC (en millions d’euros)

6,9

7,4

6,0

Montant total des encours garantis
(en millions deuros)

359,4

380,9

343,4

354,3

333,6

405,1

479,5

452,7

– dont cinéma et audiovisuel

301,7

322,0

283,5

295,4

273,9

339,9

407,8

368,4

Taux de sinistralité des fonds de garantie

0,2%

– 0,2%

– 0,2%

0,4%

– 0,2%

– 0,4%

3,2%

– 0,2%

Source : CNC.

2.   La part du soutien public est dégressive en fonction du budget de production

Selon une étude du CNC consacrée à la production cinématographique en 2014 ([22]), les soutiens publics (hors SOFICA) représentent 8,9 % du financement des films d’initiative française alors que le financement par les chaînes de télévision représentent 34,6 %.

Selon cette même étude, les soutiens publics (hors SOFICA) représentent :

– 18,1 % du financement des films dont le budget est inférieur à un million d’euros ;

– 16,3 % du financement des films dont le budget est compris entre un et 4 millions d’euros ;

– 6,2 % du financement des films dont le budget est compris entre 4 et 7 millions d’euros ;

 5,2 % du financement des films dont le budget est supérieur à 7 millions deuros.

Pour la présente étude, le Rapporteur général a souhaité se concentrer sur les dix œuvres cinématographiques ou audiovisuelles ayant, chaque année, bénéficié du crédit d’impôt « cinéma » le plus important, en évaluant la part spécifique de ces crédits d’impôts dans le budget total.

Il en ressort que la part de soutien public provenant du crédit d’impôt cinéma dans leur budget total a tendance à augmenter alors que la part provenant des aides automatiques du CNC sont en baisse.

Le budget moyen de ces dix films enregistre par ailleurs une augmentation relativement importante entre 2010 et 2017.

Part des soutiens publics dans le budget des dix films ayant bénéficié du plus important crédit d’impôt cinéma

(en millions d’euros)

Année

Budget moyen

Crédit dimpôt cinéma moyen

Part du crédit dimpôt dans le budget total

Soutien automatique moyen

Part du soutien automatique dans le budget total

2010

16,9

0,9

5,85 %

2,86

16,9 %

2011

17,2

1

5,79 %

1,2

6,4 %

2012

20,5

1,57

7,69 %

2,1

8,1 %

2013

14,7

1,56

10,64 %

0,93

6,32 %

2014

11

1,2

10,92 %

0,9

7,38 %

2015

12,3

1,4

11,47 %

0,77

4,4 %

2016

30,8

2,99

9,73 %

0,94

2,16 %

2017

21,4

3,58

16,73 %

1,26

2,35 %

Source : CNC.

Le tableau ci-dessus met en évidence le fait que, pour les dix films ayant capté la part la plus important du crédit d’impôt cinéma, celui-ci représente une part de plus en plus importante du budget.

À l’inverse, la part du budget provenant du soutien automatique du CNC est devenue marginale (passant de 16,9 % du budget en 2010 à 2,35 % du budget en 2017).

Sur la période 2010-2017, il y a donc eu un effet de substitution entre la dépense budgétaire et la dépense fiscale.

Sur cette même période, les œuvres audiovisuelles ayant capté la part la plus importante du crédit d’impôt audiovisuel ont enregistré à la fois une augmentation substantielle de leur devis moyen, du montant attribué au titre du crédit d’impôt et au titre du soutien automatique.

De même que pour les œuvres cinématographiques, on constate un effet de substitution entre le soutien automatique du CNC et le crédit d’impôt.

Part des soutiens publics dans le budget des dix productions ayant bénéficié du plus important crédit d’impôt audiovisuel

(en millions d’euros)

Année

Budget moyen

Crédit dimpôt audiovisuel moyen

Part du crédit dimpôt dans le budget total

Soutien automatique moyen

Part du soutien automatique dans le budget total

2010

9,37

0,82

8,75 %

1,52

16,23 %

2011

8,70

0,85

9,80 %

1,46

16,78 %

2012

10,36

1,14

11,07 %

2,07

20,02 %

2013

11,83

1,35

11,44 %

2,09

17,71 %

2014

12,49

1,34

10,76 %

1,75

14,07 %

2015

10,91

1,14

10,44 %

1,83

16,83 %

2016

16,56

2,08

12,57 %

2,07

12,54 %

2017

17,69

2,29

12,97 %

2,59

14,64 %

Source : CNC.

E.   Les comparaisons avec les crédits d’impôts étrangers prennent rarement en compte l’ensemble des soutiens français aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles

1.   Une concurrence fiscale internationale entre dispositifs similaires

L’industrie du cinéma évolue dans un contexte de compétitivité accrue, qui met en concurrence l’attractivité des différents systèmes fiscaux.

Selon une étude du CNC consacrée à l’avenir de cette industrie ([23]), il existerait un lien important entre les distorsions de concurrence fiscale et les délocalisations :

– le taux de délocalisation des tournages atteindrait, selon cette étude, 35 % au premier semestre 2012 mais 69 % pour les films dont le budget dépasse les 10 millions d’euros (contre 45 % au premier semestre 2011) ([24]) ;

– selon cette étude, « les principales entreprises françaises lont bien compris. Elles ont commencé à émigrer vers ces territoires où elles simplantent, créent des emplois, participent à la formation et à la montée en compétence au détriment du territoire national et en particulier de l’Île-de-France » ;

– dans ce contexte, le CNC estime que les dispositifs d’incitation fiscale deviendraient primordiaux pour attirer les productions internationales. Dans ce domaine, une certaine concurrence s’installe également entre les principaux pays, comme tendrait à le démontrer une étude commandée par le CNC à des cabinets de conseil privés en septembre 2011 puis à nouveau en octobre 2014 ([25]).

Selon cette étude, « comparé aux sept dispositifs étudiés, et malgré les réformes dont il a pu faire lobjet depuis 2011, le dispositif fiscal de crédit dimpôt français est, à ce jour, le moins attractif sur des critères strictement financiers, avec un taux parmi les plus faibles » ; elle précise ensuite qu’il « demeure également le plus contraignant puisquil est quasiment incompatible avec les autres dispositifs et impose que le tournage, sauf raisons justifiées par le scénario, et la post-production (principalement) soient effectués sur le territoire français ».

Au total, selon cette étude, « le crédit dimpôt français ne représente que 7,9 % en 2013 (8,8 % en 2012) du coût de production des films dinitiative française agréés. En Belgique, depuis la mise en œuvre du dispositif en 2013, le financement sous la forme " tax shelter " représente 18,9 % du budget des longs-métrages concernés. Au Canada, sur la période 2012-2013, la production cinématographique a été financée à 27 % par les crédits dimpôts fédéraux et provinciaux, tandis que la production télévisuelle la été à hauteur de 28 %. En 2012, le dispositif allemand représente 12,2 % du coût des films concernés et le dispositif irlandais 11,4 % en 2010 ».

Enfin, il est indiqué que le dispositif belge de « tax shelter » a été le plus utilisé au cours des dix dernières années par les producteurs français, quel que soit le budget des films. Une réforme de ce dispositif est intervenue le 12 mai 2014 pour une entrée en vigueur le 1er janvier 2015 ; conformément à cette réforme, les œuvres éligibles au titre des films de fiction ou d’animation et les documentaires ont vu leur définition élargie. En outre, l’exonération fiscale est passée de 150 à 310 % des sommes versées en exécution d’une convention cadre.

Selon les informations disponibles sur le site public en ligne du service général de l’audiovisuel et des médias de la Fédération Wallonie-Bruxelles, « lexonération provisoire sélève à 310 % des sommes versées. Pour un versement de 100, le transfert en réserves immunisées sera de 310. Compte tenu du taux de limpôt des sociétés de 33,99 %, lexonération provisoire sera de 310 × 33.99 % = 105,37, soit un rendement de 5,37 %. Il est à noter que les bénéfices exonérés provisoirement sont limités à 150 % de lestimation finale de la valeur fiscale de lattestation " tax shelter " ».

Aujourd’hui, il existe par moins de 13 dispositifs étrangers dont on peut considérer qu’ils sont plus attractifs que les crédits d’impôts français.

Les dispositifs fiscaux plus avantageux que les crédits d’impôts français

État

Type de dispositif

Taux

Plafond

Chine

Remboursement

40 %

15,3 millions d’euros par production

Australie

Remboursement

40 %

Pas de plafond

Navarre

Crédit d’impôt

35 %

Pas de plafond

Colombie Britannique

Crédit d’impôt

33 %

Pas de plafond

Québec

Crédit d’impôt

32 %

Pas de plafond (et cumul partiel avec le CI fédéral à 25 %)

Belgique

Tax Shelter (proche d’un dispositif Sofica)

Variable entre 45 à 54 %

Le plafond non fixe est calculé selon les dépenses effectuées en Belgique et dépenses réalisées en Europe

Irlande

Crédit d’impôt

32 %

16 millions d’euros par projet

Italie

Crédit d’impôt

30 à 35 %

Pas de plafond

New York

Crédit d’impôt

30 %

Pas de plafond

Georgia

Crédit d’impôt

30 %

Pas de plafond

Kentucky

Crédit d’impôt

30 %

Pas de plafond

Malaisie

Remboursement

30 %

Pas de plafond

Royaume-Uni

Crédit d’impôt

25 % et assiette plus large qu’en France

Pas de plafond

France

Crédit d’impôt

25-30 % (1)

30 millions d’euros par projet

(1)   20 et 25 % pour le crédit d’impôt audiovisuel.

Source : CNC.

Si le Rapporteur général peut, dans une certaine mesure, comprendre la logique de comparaison entre les crédits dimpôts existant dans ce domaine, il appelle à prendre également en compte les autres dispositifs daide publics existants en France dans cette comparaison. En effet, comme il a été indiqué précédemment, les crédits dimpôts ne constituent en France quune petite partie des aides en faveur du cinéma et de laudiovisuel. De ce fait, la course à lalignement des trois crédits dimpôts français avec le mieux-disant ne saurait constituer, à lavenir, la matrice de notre politique dans ce domaine, comme cela a trop souvent été le cas dans les cinq dernières années.

2.   Les crédits d’impôts ont permis une forte relocalisation de la production

Il n’en reste pas moins que l’existence de ces trois crédits d’impôts demeure un outil de relocalisation des productions en France.

Une étude du CNC de février 2018 ([26]), portant sur l’année 2016, évalue à 471 millions deuros supplémentaires les dépenses supplémentaires relocalisées en 2016 par rapport à 2015, c’est-à-dire directement du fait du dernier renforcement de ces crédits d’impôts dans le cadre de la loi de finances pour 2016.

Ces dépenses supplémentaires relocalisées en France auraient permis de créer près de 15 000 emplois directs et indirects.

Les chiffres de l’année 2017 ne seront exploitables que dans le courant de l’été 2018 et pourront donc être examinés dans le cadre du prochain projet de loi de finances.

Le CNC estime toutefois que le montant des dépenses supplémentaires effectuées en France par rapport à 2015 pourrait s’élever à 589 millions deuros.

Les relocalisations liées aux crédits d’impôts cinéma et audiovisuel

Crédit dimpôt

Activité

2015

2016

2017

Écart 2017/2015

Crédit dimpôt cinéma

Nombre de films réalisés en France

123

128

142

+ 19

Dépenses liées à ces films

(en millions d’euros)

571

782

804

+ 233

Nombre de jours de tournage

4 097

4 500

4 587

+ 490

Crédit dimpôt audiovisuel

Nombre d’heures de programme

770

942

1 004

+ 234

Dépenses en France (en millions d’euros)

646

826

837

+ 192

Crédit dimpôt international

Nombre d’œuvres réalisées en France

22

36

52

+ 30

Dépenses liées à ces œuvres (en millions d’euros)

57

137

222

+ 165

Total des dépenses en France

1 274

1 745

1 863

+ 589

Source : CNC.

II.   La réduction d’impôt sur le revenu « SOFICA »

A.   Rappel des évolutions juridiques

Après un effort de rationalisation des taux de la réduction d’impôt en 2011 et 2012, ceux-ci sont désormais proches de ceux applicables lors de la création du dispositif en 2006.

Les évolutions juridiques du dispositif « SOFICA »

Art. 102 LFR 2006

(article du projet de loi initial)

– Création du dispositif

– Réduction d’impôt de 40 % des montants investis dans la limite de 25 % du revenu et de 18 000 euros

– La réduction est portée à 48 % lorsque la société s’engage à réaliser 10 % des investissements dans l’année suivant la souscription

 Entrée en vigueur pour les investissements réalisés à compter du 1er janvier 2006 (petite rétroactivité)

Art. 87 LFR 2008

(amendement de MM. Herbillon et Martin-Lalande)

– Prorogation de la RI de 2008 à 2011

 

Art. 91 de la LFI 2009

– La réduction d’impôt SOFICA n’est pas intégrée dans le plafonnement global des niches fiscales à 25 000 euros et 10 % du revenu imposable

Art. 81 LFI 2010

– La réduction d’impôt SOFICA n’est pas intégrée dans le plafonnement global des niches fiscales à 20 000 euros et 8 % du revenu imposable

Art. 105 LFI 2011

– Réduction homothétique des niches fiscales de 10 %

– Les taux de la réduction d’impôt sont donc réduits respectivement à 36 % et 43 %

– La réduction d’impôt SOFICA n’est pas intégrée dans le plafonnement global des niches fiscales à 18 000 euros et 6 % du revenu imposable

– Application aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2011

Art. 9 LFI 2012

(amendement de M. Christian Kert)

– Prorogation de la RI de 2011 à 2014

 

Art. 83 LFI 2012 :

– Réduction homothétique des niches fiscales de 15 %

– Les taux sont respectivement abaissés à 30 % et 36 %

 Application à compter de l’imposition des revenus de l’année 2012

Art. 73 LFI 2013

– Lors de la création d’un double plafonnement global des niches fiscales à 10 000 et 18 000 euros, la réduction d’impôt SOFICA est placée sous le plafonnement global à 18 000 euros

Art. 72 LFI 2015

(amendement de MM. André et Rogemont)

– Prorogation de la RI de 2014 à 2017

Art. 8 LFI 2017

(amendement de Mmes Rabault et Berger)

– Création d’un taux renforcé de 48 % en cas d’investissement de 10 % du capital de la SOFICA, dans un délai d’un an à compter de la création de la société, dans la production de séries ou dans un contrat portant sur les droits d’une œuvre à l’étranger.

– Le dispositif étant placé en première partie de la loi de finances, il s’est appliqué dès le 1er janvier 2017 aux investissements déjà réalisés en 2016

Art. 76 LFI 2018

(amendement de Mme Dumas)

– Prorogation de la réduction d’impôt du 31 décembre 2017 au 31 décembre 2020

– Aménagement des amendes en cas de non-respect des conditions d’investissement par la SOFICA

B.   Les évaluations précédentes

Le rapport du comité d’évaluation des niches fiscales de 2011 précité attribue à la réduction d’impôt SOFICA la note maximale de 3 sur 3.

Selon ce rapport, le dispositif permettrait un financement pour les films concernés de l’ordre de 5 à 7 % du budget total et de l’ordre de 15 à 20 % de la trésorerie disponible au stade de la conception de ces films.

Le caractère privé de l’investissement permettrait de cibler les projets à fort retour sur investissement, tout en soutenant pour une part importante le cinéma indépendant et le renouvellement des talents.

Le rapport précité de la Cour des comptes sur les soutiens à la production cinématographique et audiovisuelle de 2014 fait par ailleurs état d’une « dégradation de la rentabilité des SOFICA » du fait, notamment, de la saturation des fenêtres d’exploitation : en 2011, sur les 93 films financés par les SOFICA et sortis en salle, 74 d’entre eux (soit 79 %) ont enregistré moins de 500 000 entrées en salle et, pour 30 % d’entre eux, moins de 50 000 entrées.

C.   L’évaluation de l’impact de la dépense fiscale

1.   Un avantage fiscal réservé à un nombre restreint de bénéficiaires

Le coût de la réduction d’impôt est relativement stable depuis une dizaine d’années.

Si le plafonnement global des niches fiscales a permis d’en réduire le poids budgétaire entre 2012 et 2017, l’augmentation du taux de la défiscalisation dans le cadre de la loi de finances pour 2017 ([27]) semble provoquer un retour aux niveaux de 2007-2010.

Le nombre total de bénéficiaires augmente toutefois tendanciellement.

La dépense fiscale « SOFICA »

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Montant
(en millions d’euros)

30

30

28

30

28

25

21

20

21

21

21

28

Nombre de foyers

6 070

6 760

6 640

6 870

6 730

6 780

6 720

6 408

6 790

6 827

Source : fascicules Évaluations des voies et moyen, tome 2.

Le montant maximal de la réduction d’impôt, c’est-à-dire le montant résultant du taux le plus élevé et du plafond total fixé par l’article 199 unvicies du CGI, a dans le même temps été abaissé – principalement du fait de la baisse des taux de la réduction d’impôt votée en deux temps dans le cadre de la réduction homothétique des niches fiscales – avant d’être relevée à nouveau à compter de 2017.

Le montant moyen de la réduction d’impôt par foyer a donc plutôt tendance à décroître depuis une dizaine d’années ; l’augmentation du taux dans le cadre de la loi de finances pour 2017 précitée devrait toutefois provoquer une remontée de cette réduction moyenne.

évolution des montants moyen et maximal
de la réduction d’impôt « SOFICA »

(en euros)

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Montant moyen

4 942

4 438

4 217

4 352

3 871

3 207

3 194

3 126

3 159

3 178

Montant maximal

8640

8640

8640

8640

8640

7740

6480

6480

6480

6480

8640

8640

Source : fascicules Évaluations des voies et moyens tome 2, direction de la législation fiscale.

En réponse au questionnaire du Rapporteur général, l’administration fiscale a fourni une ventilation des bénéficiaires en fonction du revenu fiscal de référence (RFR) depuis 2010.

Le tableau ci-dessous ne retrace que la ventilation de la dernière année connue ; il convient toutefois de souligner que cette ventilation est relativement stable depuis 2010.

Ventilation des bénéficiaires de la réduction d’impôt SOFICA par décile de RFR au titre de l’impôt sur le revenu de 2016

Déciles de RFR
(en euros)

Nombre de bénéficiaires

Inférieur à 40 143

679

40 143 à 51 205

679

51 206 à 61 177

679

61 178 à 71 456

679

71 457 à 83 502

679

83 503 à 97 177

679

97 178 à 116 455

679

116 456 à 148 433

679

148 433 à 215 881

679

Supérieur à 215 881

679

Total

6 786

Source : direction de la législation fiscale, juillet 2018.

La caractéristique de la dépense fiscale « SOFICA » est donc de bénéficier à des foyers fiscaux dont les revenus sont élevés à très élevés, ce qui peut paraître, dans une certaine limite, logique s’agissant d’investisseurs privés.

Enfin, la très grande majorité des foyers bénéficient du dispositif en application du taux renforcé (applicable en cas de souscription rapide de la SOFICA), le taux de base ayant tendance à devenir marginal depuis 2010. Ainsi, en 2016, 6 601 foyers ont bénéficié du taux de réduction de 36 % contre 195 foyers seulement pour le taux de 30 %.

Ces taux étaient de :

– 40 % ou 48 % entre 2007 et 2011 ;

– 36 % ou 43 % en 2012 ;

– 30 % ou 36 % entre 2013 et 2016 ;

– 30% et 36 ou 48 % depuis 2017. Le taux de 48 % s’applique en cas de souscription rapide et de versement de 10 % des montants récoltés par la SOFICA soit à des dépenses de développement d’œuvres audiovisuelles, soit à des contrats d’association à la production en contrepartie de l’acquisition de droits portant exclusivement sur les recettes d’exploitation perçues à l’étranger.

Ventilation des bénéficiaires de la réduction d’impôt « SOFICA »
en fonction du taux applicable

Année d’impôt sur le revenu

Nombre de bénéficiaires
du taux de base

Nombre de bénéficiaires
du taux renforcé

2006

1 549

4 554

2007

787

6 043

2008

446

6 199

2009

184

6 724

2010

186

6 573

2011

161

6 624

2012

180

6 547

2013

162

6 224

2014

183

6 564

2015

170

6 608

2016

195

6 601

Source : direction de la législation fiscale, juillet 2018.

Le Rapporteur général a, en outre, interrogé l’administration sur la répartition par départements des bénéficiaires de la réduction d’impôt ; logiquement, la réponse fait ressortir une grande concentration en région urbaine :

– 9 % des bénéficiaires sont à Paris et près de 30 % en région Île-de-France ;

– 0,46 % de ces bénéficiaires résident dans les Hautes-Alpes.

2.   Les montants collectés par le biais des SOFICA et leur rentabilité

évolution des montants collectés par le biais des « SOFICA »

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Nombre de SOFICA

10

12

11

10

12

11

11

11

Nombre de souscripteurs

7159

7443

7459

7099

7608

Montants collectés

(en millions d’euros)

63,07

63,07

61,53

58,97

60,76

61,88

62,21

63,07

Source : fascicules Évaluations des voies et moyens, tome 2.

L’agrément des SOFICA résulte d’une procédure annuelle en deux temps :

– les dossiers sont instruits par le CNC et la direction générale des finances publiques (DGFiP) ;

– les agréments provisoires puis définitifs sont délivrés par le ministre en charge du Budget.

Comme le montre le tableau ci-dessus, le nombre de SOFICA agrées est stable depuis 2010, même s’il y a un renouvellement régulier de ces sociétés.

Le Rapporteur général a également eu à cœur de récupérer des données permettant dévaluer la rentabilité des SOFICA ; ces données étant couvertes par le secret fiscal, elles ne seront pas publiées dans le cadre du présent rapport.

Cette rentabilité ne peut être évaluée qu’au moment de la liquidation d’une SOFICA, c’est-à-dire entre cinq et dix ans après son agrément ; ces éléments sont actuellement connus uniquement sur la base d’une déclaration de ces sociétés au CNC. Ils doivent donc être analysés avec beaucoup de prudence.

Elle est déterminée à partir, d’une part, du total des recettes perçues pendant la durée de l’agrément et, d’autre part, par la valeur nette de la SOFICA au moment du débouclage.

III.   le crédit d’impôt « phonographique »

Le crédit d’impôt phonographique est la seule des dépenses fiscales soumises à la présente étude à ne pas avoir été créée dans le cadre d’une loi de finances ; il l’a toutefois été, comme les autres (à l’exception du régime des SOFICA), par le biais d’un amendement.

Lors de la présentation de cet amendement, notre collègue Dominique Richard a établi un lien entre cette dépense fiscale et les « graves difficultés » affectant le secteur du disque, dans le cadre du basculement numérique des modes de consommation, menaçant « la diversité des œuvres et des répertoires et celles des acteurs économiques ».

Le rapporteur du texte a donné un avis favorable à l’adoption de ce dispositif en soulignant qu’il serait « concentré sur les plus petites structures, puisque son montant est plafonné à 500 000 euros et par an ».

Le ministre de la culture et de la communication a également souligné le fait que le crédit d’impôt permettrait d’aider « une centaine d’entreprises indépendantes ».

Le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales de juin 2011 ([28]) indique que « la mesure vise à favoriser l’émergence des jeunes talents et des maisons de productions indépendantes dans un contexte :

«  de diminution du nombre de jeunes talents engagés par les maisons de disques ;

«  de déclin du chiffre d’affaires de la musique enregistrée en raison du développement des nouveaux usages numériques, qui fragilise le secteur ».

Par comparaison avec les crédits d’impôts en faveur du cinéma et de l’audiovisuel, le risque de délocalisation de la création phonographique n’a jamais été évoqué dans les débats parlementaires à l’appui du dispositif.

Les évolutions juridiques du crédit d’impôt phonographique

Art. 36 de la loi 1er août 2006 relative aux droits d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information

(amendement de M. Martin-Lalande)

– Création du dispositif jusqu’en 2009 avec un taux de 20 % des dépenses éligibles

– Le montant total des dépenses éligibles est fixé à 2,3 millions d’euros par entreprise et par exercice

– La somme des crédits d’impôts ne peut dépasser 500 000 euros par entreprise et par exercice

 Applicable aux œuvres agréées à compter du 1er janvier 2006 (petite rétroactivité)

Art. 51 LFR 2007

(amendement de M. Chartier)

– Clarification du champ géographique du crédit d’impôt s’agissant des dépenses sous-traitées

– Assouplissement de la condition d’utilisation du français (élargissement à l’Europe), prise en compte des dépenses de personnel permanent

– Plafond porté à 700 000 euros ou 1,1 million d’euros pour les entreprises dont l’effectif est stable et dont les ventes augmentent de 3 % sur un exercice

– Renforcement d’une décote de 20 à 70 % sur les dépenses (pour les entreprises autres que les PME) prises en compte dans le crédit d’impôt

Art. 56 LFI 2009

(amendement de M. Marini)

– Prise en compte annuelle des dépenses imputables et non album par album

– Assouplissement de la condition d’utilisation du français

Art. 51 LFR 2009

(amendement de M. Thiollière)

– Prorogation jusqu’au 31 décembre 2012

Art. 28 LFI 2013

(amendement du Gouvernement)

– Prorogation jusqu’en 2015

– Taux renforcé de 30 % pour les PME

– Plafond global fixé à 800 000 euros par entreprise et par exercice

Art. 50 LFR 2014

(article du projet de loi initial)

– Prorogation jusqu’en 2018

– Taux abaissé de 20 à 15 % sauf pour les PME (taux de 30 % maintenu) ; en contrepartie le mécanisme de décote est supprimé

– La rémunération des dirigeants est prise en compte dans les dépenses éligibles

– Le plafond global est remonté de 800 000 à 1,1 million d’euros

Art. 19 LFR 2017

(amendement du groupe LREM)

– Prorogation du dispositif jusqu’à la fin de l’année 2019

Les évolutions juridiques du dispositif mettent en évidence une augmentation substantielle du plafond des dépenses imputables et une augmentation substantielle du taux applicable aux petites et moyennes entreprises ; malgré ces élargissements, l’impact budgétaire de cette dépense fiscale est resté contenu depuis sa création.

A.   Un crédit d’impôt jugé sévèrement par le comité d’évaluation des dépenses fiscales en 2011

Selon le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales de juin 2011 précité, qui évoque un coût de 3 millions d’euros au moment de l’évaluation, le présent dispositif aurait bénéficié à 18 entreprises en 2008 et 24 entreprises en 2009 (soit 21 % des demandeurs, ce qui témoigne d’une forte sélectivité).

Son efficacité est contestée par le rapport, qui lui a attribué un score nul (sur une échelle de 0 à 3). Le rapport indique que « le dispositif ne produit pas les effets escomptés. D’après l’évaluation fournie par le ministère de la culture et de la communication (MCC), le nombre de nouvelles signatures ne parvient pas à compenser le nombre de contrats d’artistes auquel il a été mis fin. Le différentiel s’est même accentué puisqu’il est passé de 15 en 2008 à 20 en 2009. Depuis 2003, le nombre de nouveaux talents " engagés " par les maisons de disques françaises a baissé de 47 % ».

Le rapport conclut que, « sur la base de l’évaluation fournie par le MCC en 2010, le dispositif n’atteint pas ses objectifs et ne paraît donc pas nécessaire. Ce dispositif est par ailleurs très dérogatoire puisqu’il fonde le crédit d’impôt sur des dépenses déjà déductibles de l’impôt sur les sociétés ».

B.   Une utilité rappelée par les professionnels du secteur en 2017

Un bilan du crédit d’impôt phonographique a été réalisé en novembre 2017, à l’initiative du Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP) et de l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI), par le cabinet Xerfi.

Cette étude ne porte que sur 17 sociétés de production phonographique, alors qu’il y a, selon cette étude elle-même, 197 sociétés ayant bénéficié d’un agrément provisoire au titre de ce crédit d’impôt. Ces 17 sociétés représenteraient toutefois l’essentiel du secteur.

Selon le site internet de l’UPFI ([29]), cette étude a pour objet de « démontrer le caractère vertueux du crédit d’impôt à la production phonographique » :

– dans un contexte d’explosion de la consommation numérique de la musique au niveau mondial ([30]), la part des albums produits en France parmi les meilleures ventes d’album est passée de 58 % en 2007 à 72 % en 2016 ([31]) ;

– toutefois, la production de ces albums reste très souvent déficitaire, la part des nouveautés françaises étant proportionnellement plus importante dans les albums réalisant peu de ventes (75 % des nouveautés françaises ont réalisé moins de 10 000 ventes) ;

– paradoxalement, 18 des 20 meilleures ventes d’albums en 2016 en France ont été produites en France et le nombre de premières productions d’albums ayant immédiatement connu un très grand succès est reparti à la hausse.

Artistes français dont le premier album a dépassé
les 100 000 ventes dans l’année

Année

Nombre dartistes

Nom des artistes

2007

9

Christophe Maé, Christophe Willem, Vitaa, Rose, Renan Luce, Shy’m, Soprano, Kenza Farah, Grand Corps Malade

2008

6

Thomas Dutronc, Grégoire, Julien Doré, BB Brunes, Stanislas, Sheryfa Luna

2009

1

Cœur de pirate

2010

4

Les prêtres, Zaz, Ben l’oncle Soul, Gaëtan Roussel

2011

2

Colonel Reyel, Les Marins d’Iroise

2012

3

Tal, C2C, Lou Doillon

2013

2

Maître Gims, Luc Arbogast

2014

7

Kendji Girac, Indila, Black M, Fauve, Jul, Christine and the Queens, Fréro Delavega

2015

7

Louane, Nekfeu, Marina Kaye, The Avener, LEJ, Kids united, Gradur

2016

8

Alonzo, Amir, Claudio Capéo, Jain, MHD, PNL, SCH, Slimane

Selon les professionnels du secteur, le crédit d’impôt phonographique a rencontré un franc succès, dans la mesure où le nombre de sociétés ayant sollicité un agrément est passé de 60 en 2007 à 197 en 2016, en grande majorité des très petites entreprises (TPE) et des petites ou moyennes entreprises (PME).

Le dispositif aurait permis « de préserver la production locale et la diversité musicale, d’apporter une véritable bouffée d’oxygène pour l’ensemble des acteurs face à la crise majeure de l’industrie de la musique, et de contribuer à la rentabilité de nombreux projets ». L’étude ne fournit toutefois pas de chiffres permettant d’appuyer cette analyse.

L’étude évoque par ailleurs un « dispositif rentable pour l’État », dans la mesure où la dépense fiscale de 9,3 millions d’euros doit être rapportée à des recettes totales pour l’État de 34,2 millions d’euros, soit un solde positif de 24,8 millions d’euros faisant ressortir un ratio coûts/recettes de 2,7.

Les méthodes de calcul utilisées

Selon cette étude, l’État aurait enregistré, en moyenne annuelle sur la période 2015-2016 auprès des 17 entreprises représentant le panel étudié :

– 19,7 millions deuros de recettes fiscales, qui correspondent à la TVA collectée sur 8,9 millions de ventes d’albums physiques et digitaux induites des projets aidés en France, sur la base d’un prix de vente moyen de 13,24 euros et d’un taux de TVA de 20 % ;

– 14,5 millions deuros de recettes sociales, issues des cotisations patronales et salariales « prélevées sur les frais de personnel permanent et non-permanent des sociétés de production phonographique ». à partir de frais de personnel permanent de 19,5 millions d’euros et de personnel non permanent de 2,8 millions d’euros, un taux de cotisations patronales de 45 % et de cotisations salariales de 20 % permettent de déterminer ces retombées sociales de 14,5 millions d’euros.

Un entretien particulier sur ces méthodes de calcul, permettant notamment de vérifier les méthodes de collecte de la TVA dans le cadre de la consommation musicale par le biais de plateformes, permet de conclure qu’elles sont d’une certaine fiabilité.

On peut toutefois s’interroger sur le lien de causalité implicitement établi entre le crédit d’impôt et les dépenses engagées sur le territoire national : a contrario, ces dépenses ne seraient pas engagées en France sans le crédit d’impôt.

En réalité, toutes ces dépenses ne sont pas liées au crédit d’impôt, et il conviendrait certainement d’affiner l’analyse en ciblant la part marginale de ces dépenses qui résulte du crédit d’impôt.

C.   Des perspectives économiques en amélioration

Le crédit d’impôt a été créé essentiellement pour pallier une phase de transition économique compliquée pour le secteur de la musique enregistrée.

1.   Une crise profonde entre le début des années 2000 et l’année 2015

Cette transition s’est traduite par une phase de crise s’étendant des années 2000 à 2015 environ, qui a fait l’objet de nombreux rapports ; sans rappeler dans son ensemble les tenants et les aboutissants de cette crise, on peut rappeler qu’un rapport de septembre 2011 en fait état de manière détaillée ([32]).

D’après ce rapport de 2011, les ventes de musique enregistrée ont été divisées par deux entre 2002 et 2010, l’essor du marché numérique n’ayant, pendant cette période, que très partiellement compensé l’effondrement du marché physique. Cette crise serait tout particulièrement préjudiciable à la production française et francophone ainsi qu’à la diversité de l’offre musicale.

De manière générale, les créateurs et les éditeurs qui les accompagnent souffrent de la crise de la musique enregistrée mais profitent de la croissance du spectacle vivant et du dynamisme des ressources créées par le législateur (rémunération équitable, copie privée).

Les producteurs phonographiques sont confrontés au caractère désormais structurellement déficitaire de la production nationale, dont les revenus ont chuté alors que les coûts de promotion ont augmenté. Cette situation explique la triple diminution de la production (– 60% entre 2002 et 2010), des investissements
(– 52 % sur la même période) et de l’emploi (4 000 emplois détruits en dix ans). Les producteurs indépendants sont les plus gravement touchés car, à la différence des majors, la plupart d’entre eux ne possèdent pas de catalogue international.

La production des centaines de TPE, bien que difficile à quantifier, reste probablement très dynamique. Les micro-labels se heurtent toutefois à des difficultés, tant en termes de financement que de distribution commerciale. La production par une TPE peut représenter une étape décisive, préalable à la signature d’un contrat d’artiste avec un producteur plus structuré, mais elle permet rarement de générer directement des revenus significatifs.

2.   Une amélioration des perspectives économiques pressentie dès 2014

Lors de l’examen de l’article du projet de loi de finances rectificative pour 2014 opérant le dernier renforcement du crédit d’impôt phonographique, notre collègue Valérie Rabault notait que « cette analyse économique du rapport précité de 2011 reste vraie en 2014, comme ont pu le confirmer les représentants de l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI). Ceux-ci ont évoqué un effondrement de 65 % du chiffre d’affaires de la production musicale entre 2002 et 2014. Ils ont toutefois avancé des éléments encourageants, permettant de mettre en évidence le fait que le crédit d’impôt est désormais destiné à jouer le rôle de ‘soudure‘ avant un redémarrage probable d’une économie musicale plus équilibrée en 2017 ou 2018 ».

En effet, alors que l’effondrement du marché de la vente de musique a été occasionné par une généralisation rapide des plateformes d’échange de musique gratuite en pair-à-pair (peer-to-peer), l’amélioration de notre arsenal législatif a d’abord permis un certain décollage de la vente en ligne de musique. Surtout, la filière commence à sentir les effets économiques de formules d’abonnement à des sites d’écoute en ligne comme Deezer ou Spotify, avec en perspective la création d’un dispositif similaire sur YouTube.

Ces nouveaux médias d’écoute musicale recommencent à apporter aux professionnels du secteur des revenus. Alors que la vente physique représente encore 70 % de leur chiffre d’affaires en 2014, au lieu de 30 % pour la vente numérique, les professionnels anticipaient alors l’inversion de ce ratio à l’horizon 2017 ou 2018. Cette évolution, liée aux effets économiques des formules d’abonnement mentionnées ci-dessus, permettait donc d’entrevoir une certaine amélioration de la situation du secteur.

En attendant ces échéances, les professionnels ont toutefois insisté sur la nécessité de ne pas abandonner un tissu de petits producteurs qui porte l’essentiel des nouveaux albums et notamment des albums francophones. Selon l’UPFI, ces labels indépendants représentent 80 % des nouveaux albums en 2013, alors que les trois plus grandes entreprises du secteur représenteraient à elles seules 70 % des parts de marché.

Le financement de ces nouveaux albums se fait à 75 % sur les fonds propres du producteur, alors que ce ratio est de 25 %, à titre d’exemple, dans le cinéma. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les coûts de promotion de ces nouveaux albums augmentent : si la part des coûts de production reste stable, en revanche les coûts de développement ont tendance à augmenter car la promotion de la nouveauté se fait désormais au moyen d’un nombre plus important de médias.

Pour certains petits producteurs spécialisés dans le lancement de nouveaux talents francophones, le crédit d’impôt peut représenter plus de 10 % du chiffre d’affaires ; compte tenu du coût de production de ce type d’albums, qui avoisine en moyenne les 400 000 euros, un crédit d’impôt de 30 % est évidemment loin d’être anodin et influence en grande partie le choix économique fait par le producteur.

3.   Un décollage récent des recettes provenant de la consommation numérique

Dans un dossier de presse du 29 mai 2017 ([33]), l’UPFI estime que « nous sommes en train de réussir notre transition numérique » : « Que de chemin parcouru en 15 ans ! Fin 2002, le déploiement tardif et fulgurant du haut débit en France plonge l’industrie musicale dans la crise. Les ventes de CD sont en chute libre et la production musicale recule au fur et à mesure que notre secteur s’enfonce dans la crise. La tentation d’une licence globale gagne certains esprits comme remède à l’effondrement des revenus des artistes interprètes et des producteurs. Mais, en 2004, une lueur d’espoir vient des USA avec le lancement d’un nouveau modèle de consommation basé sur le téléchargement payant à l’acte. La suite est connue. Lentement mais progressivement, une offre légale s’installe grâce à l’innovation technologique et à la qualité des services de musiques en ligne. Au passage, ce sont les acteurs de la nouvelle économie qui raflent la mise en damant le pion aux tenants de l’économie traditionnelle. »

De fait, le secteur a enregistré en 2016 puis en 2017, pour la première fois depuis 2002, une augmentation nette de son chiffre d’affaires.

Cette augmentation nette est toutefois le résultat d’évolutions divergentes suivant le support musical considéré :

– la vente sur support physique poursuit sa baisse, à un rythme pourtant moins important que durant la dernière décennie ;

– la vente de musique sous format numérique enregistre une augmentation substantielle depuis 2014 ;

– au sein des ventes sous format numérique, l’augmentation du chiffre d’affaires provenant du streaming par abonnement aux plateformes payant est très importante.

La décomposition du chiffre d’affaires du secteur de la musique enregistrée en France

(en millions d’euros)

Source du chiffre daffaires

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Marché physique

518

459

404

408

361

324

313

298

Marché numérique

110

138

156

158

166

191

248

285

 dont téléchargement

 

63

63

54

43

43

35

 dont téléphone mobile

10

9

7

5

8

7

 dont streaming

52

89

122

140

197

243

Total

628

597

560

566

527

515

561

583

Droits voisins et autres

88

94

101

110

112

117

120

118

Total général

716

691

661

676

639

632

681

701

Source : Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP).

Malgré ces perspectives rassurantes, les données récupérées auprès de l’administration fiscale mettent encore en évidence le fait qu’une part importante d’entreprises du secteur est dans une situation financière très fragile.

Chiffre d’affaires et résultat des producteurs phonographiques français

Entreprises

Nombre dentreprises

Chiffre daffaires
(en millions d’euros)

Résultat fiscal
(en millions d’euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Entreprises déficitaires

598

608

616

638

664

647

655

1 316

659

830

1 342

1 584

1 640

1 376

– 37

– 36

– 94

– 58

– 83

– 87

– 86

Entreprises bénéficiaires

464

454

446

424

398

415

407

3 472

4 247

4 278

3 936

3 886

4 028

4 434

331

311

312

320

222

288

227

Total

1 062

1 062

1 062

1 062

1 062

1 062

1 062

4 789

4 906

5 108

5 277

5 471

5 668

5 810

294

275

218

261

139

201

141

Source : liasses fiscales déposées au titre des exercices clos de 2010 à 2016.

D.   L’impact sectoriel du crédit d’impôt

1.   Une augmentation tendancielle du nombre d’entreprises bénéficiaires

Les chiffres transmis par l’administration fiscale confirment les éléments transmis par les professionnels du secteur, à savoir le fait que le nombre d’entreprises bénéficiant du crédit d’impôt est en nette augmentation depuis 2010.

Le crédit d’impôt phonographique

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Coût (en millions d’euros)

1

2

4

2

6

6

10

8

9

 dont part du crédit d’impôt restitué

5

9

7,5

7

Nombre de bénéficiaires

18

24

23

28

40

115

100

94

128

Source : projets de loi finances 2007 à 2017.

2.   Une part importante de la dépense fiscale bénéficie aux TPE et aux PME

Si l’on se rapporte aux objectifs assignés au dispositif, il est fondamental que le législateur puisse vérifier que le crédit d’impôt bénéficie, pour une part substantielle, aux réseaux des petites structures de production fragilisées par la transition numérique du secteur.

Les chiffres transmis par l’administration fiscale confirment cet élément, dans la mesure où 60 à 80 % du dispositif bénéficie effectivement aux TPE et aux PME.

LE CRÉDIT D’IMPÔT PHONOGRAPHIQUE EN 2013

Catégorie dentreprise

Nombre dentreprises bénéficiaires

Montant total du crédit dimpôt perçu
(en millions d’euros)

Crédit dimpôt moyen par projet
(en milliers d’euros)

Majors

4

2

420

PME

26

3

117

TPE

85

2

20

Total

115

7

56

Source : direction de la législation fiscale.

LE CRÉDIT D’IMPÔT PHONOGRAPHIQUE EN 2014

Catégorie dentreprise

Nombre dentreprises bénéficiaires

Montant total du crédit dimpôt perçu
(en millions d’euros)

Crédit dimpôt moyen par projet
(en milliers d’euros)

Majors

3

3

831

PME

23

5

199

TPE

74

2

31

Total

100

10

96

Source : direction de la législation fiscale

LE CRÉDIT D’IMPÔT PHONOGRAPHIQUE EN 2015

Catégorie dentreprise

Nombre dentreprises bénéficiaires

Montant total du crédit dimpôt perçu
(en millions d’euros)

Crédit dimpôt moyen par projet
(en milliers d’euros)

Majors

4

3

751

PME

14

3

250

TPE

76

1

20

Total

94

8

85

Source : direction de la législation fiscale.

LE CRÉDIT D’IMPÔT PHONOGRAPHIQUE EN 2016

Catégorie dentreprise

Nombre dentreprises bénéficiaires

Montant total du crédit dimpôt perçu
(en millions d’euros)

Crédit dimpôt moyen par projet
(en milliers d’euros)

Majors

3

2

673

PME

26

4

167

TPE

99

2

24

Total

128

8

68

Source : direction de la législation fiscale.

3.   Des évolutions divergentes des catégories de dépenses imputables

Le Rapporteur général a souhaité analyser l’évolution du crédit d’impôt par catégorie de dépense imputable, afin de savoir si le dispositif impactait le secteur en créant, par exemple, une inflation de certains coûts comme par exemple cela a pu être constaté par la Cour des comptes dans le cadre du crédit d’impôt cinéma.

Le tableau ci-dessous retrace ces éléments sur la période 2014-2016 ; le Rapporteur général avait souhaité recevoir ces données sur une période plus longue (2010-2016), mais les données n’ont pas été transmises.

Il met en évidence certaines évolutions très dynamiques méritant certainement un certain plafonnement.

Évolution des montants imputés par catégorie de dépenses

Catégorie de dépense imputable au titre du crédit d’impôt phonographique

Évolution 2014/2016 des montants déclarés

Dépenses de production

Frais de personnel non permanent

+ 46 %

Frais de personnel permanent

– 12 %

Rémunération du dirigeant

+ 108 %

Utilisation des studios

– 0,3 %

Conception graphique

+ 0,7 %

Post-production

+ 109 %

Numérisation et encodage

+ 153 %

Dépenses de développement

Frais de répétition

+ 21 %

Concerts et tournées

+ 13 %

Télévision et radio

+ 23 %

Clips

+ 29 %

Site internet

– 36 %

Source : secrétariat du crédit d’impôt phonographique, juillet 2018.

IV.   Le crédit d’impôt « jeux vidéo »

Bien que ne représentant pas un enjeu budgétaire considérable, le crédit d’impôt en faveur des jeux vidéo n’enregistre pas moins une progression très dynamique puisque son coût a été multiplié par trois depuis 2012.

Ce crédit d’impôt est, à bien des égards, emblématique des évolutions successives des crédits d’impôts du secteur culturel : année après année, les taux, les plafonds et les dépenses imputables sont relevés sans vision d’ensemble et sans évaluation d’ensemble.

Les évolutions juridiques du crédit d’impôt jeux vidéo

Art. 37 de la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur

(amendement de M. Ollier)

– Création du dispositif pour les jeux dont le coût de développement est supérieur à 150 000 euros et dont 50 % du budget est affecté aux dépenses artistiques

– Crédit d’impôt de 20 % des dépenses éligibles

– Plafonnement à 3 millions d’euros par entreprise et par exercice

– Entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2008

Art. 91 de la LFR 2007

(amendement de MM. Valade, de Broissia et Dallier, adopté en séance publique au Sénat)

– Clarification des critères culturels à respecter pour pouvoir bénéficier du crédit d’impôt

– Clarification des dépenses de fonctionnement prises en compte

– Prise en compte des dépenses de sous-traitance dans la limite d’un million d’euros

Art. 25 de la LFR 2013

(article du projet de loi initial)

– Allongement du délai d’imputation des dépenses (entre l’agrément provisoire et définitif) pour les jeux les plus importants (dits « AAA »)

 

Art. 27 et 28 de la LFR 2013

(amendements de MM. Vincent Feltesse et Thévenoud ayant reçu un avis défavorable de la commission des finances)

– Abaissement du seuil d’éligibilité au crédit d’impôt de 150 000 euros est à 100 000 euros

– Prise en compte des dépenses salariales des personnels techniques et administratifs

– Les jeux pour adultes ouvrent droit au crédit d’impôt dès lors que leur contribution au développement et à la diversité de la création française est significative

Art.79 LFI 2017

(amendement de M. Beffara ayant reçu un avis défavorable de la commission des finances et du Gouvernement)

– Taux relevé de 20 à 30 %

– Plafond relevé de 3 à 6 millions d’euros

– Application aux crédits calculés à compter du 1er janvier 2017

Art. 80 LFI 2017

(amendement de M. Beffara ayant reçu un avis défavorable de la commission des finances et du Gouvernement)

– Plafond des dépenses de production confiées à des sous-traitants passe de 1 à 2 millions d’euros

 Application aux crédits calculés à compter du 1er janvier 2017

Lors de la présentation de l’amendement créant ce dispositif à l’Assemblée nationale, ont notamment été évoqué à l’appui de la création de ce dispositif :

– le maintien en France des emplois liés à l’élaboration de ces jeux vidéo, qui seraient passés de 25 000 à 12 000 entre 1994 et 2005. Le différentiel de coût salarial avec les États-Unis et le Japon a notamment été souligné ;

– un dispositif de lutte contre une crise importante du secteur (division par quatre du nombre de studios) ;

– une nécessaire intensification du développement de lactivité de ce secteur, alors que la création locale représente 85 % du marché au Japon et 65 % aux États-Unis (contre 12 % uniquement en Europe).

A.   L’évaluation du crédit d’impôt en 2011

Le crédit d’impôt figure comme « non évalué » dans le rapport d’évaluation des niches fiscales de 2011 précité. Toutefois, une analyse du dispositif figure en annexe de ce rapport dont il ressort les éléments suivants :

– un fonds d’aide au jeu vidéo, géré et financé par le CNC, poursuit les mêmes objectifs que la dépense fiscale, par le biais de subventions à la pré-production et au développement. Son montant était de 4 millions d’euros au moment de la rédaction du rapport ;

– ce crédit d’impôt s’ajoute à d’autres dispositifs qui vont dans la même direction, notamment le crédit d’impôt recherche, les exonérations de charges sociales patronales accordées aux jeunes entreprises innovantes (dont les entreprises du jeu vidéo font souvent partie), les aides d’opérateurs publics de financement des entreprises.

Malgré l’absence de note globale, cette annexe du rapport contient toutefois un élément d’appréciation relativement explicite sur le crédit d’impôt : « l’utilisation de la modalité du crédit d’impôt pour atteindre l’objectif ne semble pas nécessaire, des aides directes pouvant atteindre le même objectif ».

B.   Une évaluation par le CNC en 2014

Dans le cadre d’une évaluation de l’ensemble des dispositifs de crédits d’impôt, le CNC a mené une évaluation spécifique sur le crédit d’impôt jeux vidéo dont il assure la gestion ([34]).

Le CNC relève plusieurs éléments de contexte important :

– le secteur français du jeu vidéo représentait, au moment de la parution de l’étude, un chiffre d’affaires d’environ 2,6 milliards d’euros, dont la croissance se situerait entre 6 et 10 % par an depuis quarante ans. Toutefois, la France ne représentait que 4 % du marché mondial ;

– ce secteur représentait 5 000 emplois directs, dont 3 000 dans la production et 10 000 emplois indirects (selon les professionnels du secteur) ;

– le tissu industriel est composé d’un nombre important d’entreprises de petite taille. Selon le Syndicat national du jeu vidéo, 48 % des entreprises auraient moins de 10 salariés permanents et seules 16 % des entreprises françaises de jeu vidéo employaient plus de 50 salariés permanents. En outre, 67 % des entreprises affichaient un chiffre d’affaires inférieur à un million d’euros ;

– en raison de coûts de production assez élevés, les acteurs français bénéficiant d’une taille suffisante ont rapidement développé des filiales de production à l’étranger, souvent implantées dans des pays à bas salaire (Europe de l’Est, Maghreb) ou bénéficiant d’aides publiques importantes comme le Canada.

À l’heure de l’évaluation du crédit d’impôt, le CNC avait reçu 236 demandes d’agrément (entre 2008 et 2013), délivrant un agrément provisoire à 111 dossiers (taux de sélectivité de 47 %). Les dossiers retenus représentaient un montant total de dépenses en France de 345 millions d’euros.

Le devis moyen des jeux agréés s’élevait à 3,7 millions d’euros ; toutefois, 49 % des jeux agréés présentaient un budget inférieur à un million d’euros. À l’inverse, 9 % des budgets étaient supérieurs à 10 millions d’euros.

Afin de mesurer limpact du crédit dimpôt en termes demploi, le CNC sest reposé sur des informations déclaratives des entreprises bénéficiaires.

Parmi elles, 64 % déclaraient que le dispositif « les avaient incitées à rapatrier des emplois en France », sachant que pour 53 % d’entre elles ces relocalisations s’élevaient entre 1 à 5 équivalent temps plein par entreprise et entre 20 et 50 pour 33,7 % des entreprises sondées.

Selon l’étude, l’entreprise Ubisoft – qui est un acteur majeur du secteur –estime que la moitié de ses effectifs travaillant en France le font sur des jeux bénéficiant du crédit d’impôt.

Le crédit d’impôt permettrait de limiter la sous-traitance en dehors de l’Union européenne au profit d’une sous-traitance française. Il permettrait aux studios de mieux absorber les coûts des phases en amont du développement des projets, notamment pour les studios de taille modeste dont la trésorerie est limitée.

Aucun élément chiffré n’est toutefois avancé à l’appui de ces constats.

Enfin, létude du CNC entend démontrer que le crédit dimpôt a des effets positifs sur les recettes de lÉtat (de lordre de 1,8 euro perçu pour un euro dépensé en 2013).

Entre la date de création du dispositif et celle de l’évaluation, le coût total du crédit d’impôt a été chiffré à 38,8 millions d’euros alors que les dépenses en France des œuvres bénéficiaires de ce dispositif représentent 345,1 millions d’euros.

Ces dépenses auraient généré des recettes fiscales et sociales de 88 millions d’euros, soit un rapport moyen sur la période de 2,2 euros récupérés pour un euro dépensé.

Pour la dernière année étudiée (2013), un total de dépenses en France des œuvres ayant bénéficié du crédit d’impôt est de 23,3 millions d’euros ; cette somme aurait généré 5,3 millions d’euros de recettes fiscales et sociales (4 millions d’euros de charges patronales, 0,6 million d’euros de charges salariales, 0,5 million d’euros d’impôt sur le revenu et 0,2 million d’euros de TVA).

Le montant du crédit d’impôt retenu pour l’année 2013 étant de 2,9 millions d’euros, l’étude en déduit un ratio de 1,8 euro de recettes supplémentaires pour un euro dépensé.

C.   Le contexte économique actuel

Deux syndicats produisent annuellement un bilan économique du secteur.

Le bilan du Syndicat national du jeu vidéo pour l’année 2017 ([35]) met en évidence une forte croissance de la production de jeux vidéo en France : près de 830 jeux sont en cours de production en France en 2017 soit 20 % de plus quen 2016. Le taux de production annuel moyen en 2017 est de 2,3 jeux par studio contre 2,1 en 2016. La part des studios qui ne se consacrent qu’à un seul développement est toutefois passée de 25,9 % en 2014 à 38,9 % en 2017.

Par-delà de ces bons chiffres, le syndicat insiste sur l’impact très puissant de la dématérialisation de la vente des jeux, cette dématérialisation permettant l’auto-commercialisation et la désintermédiation. En 2017, 63 % des studios interrogés ont déclaré commercialiser eux-mêmes leurs productions.

Enfin, ce bilan met en évidence la place prépondérante de la consommation de jeux vidéo sur terminal mobile, puisque 92 % des éditeurs ou distributeurs commercialisent des jeux dédiés aux tablettes et smartphones.

Le tissu industriel est principalement composé de petites structures : en moyenne 8,5 équivalent temps plein (ETP) au premier semestre 2017 (au lieu 8,6 à la fin de l’année 2016) pour les studios, tandis que dans l’ensemble des entreprises du secteur des jeux vidéo, la moyenne s’établit à 29,5 ETP (+ 3,2 ETP par rapport à 2016). Les entreprises de plus de dix ans comptaient en moyenne 107,5 ETP en 2017.

Selon le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (SELL), le chiffre d’affaires du jeu vidéo s’est élevé à 4,3 milliards d’euros (soit une augmentation de 18 % depuis 2016). Ce chiffre d’affaires se répartit entre :

– le secteur de la console de jeu à hauteur de 56 % (+ 23 % par rapport à 2016) ;

– le secteur du jeu sur PC à hauteur de 26 % (+ 6 % par rapport à 2016) ;

– le secteur du jeu sur mobile à hauteur de 18 % (+ 22 % par rapport à 2016).

Les informations transmises par l’administration fiscale mettent par ailleurs en évidence le fait que les entreprises du secteur sont financièrement encore fragiles. Celle-ci a souligné le fait que ces chiffres pouvaient différer de ceux émanant d’autres analyses (notamment celles des professionnels), compte tenu des périmètres retenus.

évolution de l’emploi, du chiffre d’affaires et du résultat des entreprises du secteur du jeu vidéo en France

Données

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Nombre d’entreprises

56

102

149

159

142

178

201

228

231

Effectif salarié déclaré

1 938

1 858

2 676

2 821

3 037

3 299

3 220

3 540

3 621

Chiffre d’affaires

(en millions d’euros)

1 239

1 380

1 310

1 397

1 543

1 790

1 758

2 442

2 362

Résultat net

(en millions d’euros)

– 4

– 118

– 104

– 147

– 106

– 247

– 236

226

– 102

Source : direction de la législation fiscale, juillet 2018.

D.   L’impact sectoriel du crédit d’impôt

Les données transmises par l’administration fiscale permettent d’apprécier la part de la dépense fiscale perçue en fonction de la taille de l’entreprise ; comme pour le crédit d’impôt phonographique, il apparaît que l’essentiel de cette dépense bénéficie à des TPE et des PME.

Le crédit d’impôt « jeux vidéo » en 2014

Catégorie dentreprise

Nombre dentreprises bénéficiaires

Part de la dépense fiscale (en millions d’euros)

TPE

9

0,07

PME

9

3,01

ETI

2

1,94

Total

20

5,03

 

Le crédit d’impôt « jeux vidéo » en 2015

Catégorie dentreprise

Nombre dentreprises bénéficiaires

Part de la dépense fiscale (en millions d’euros)

TPE

4

0,18

PME

13

3,85

ETI

2

2,12

Total

20

6,15

Le crédit d’impôt « jeux vidéo » en 2016

Catégorie dentreprise

Nombre dentreprises bénéficiaires

Part de la dépense fiscale (en millions d’euros)

TPE

8

0,34

PME

9

5,02

ETI

3

5,91

Total

20

11,28

Le crédit d’impôt « jeux vidéo » en 2017

Catégorie dentreprise

Nombre dentreprises bénéficiaires

Part de la dépense fiscale (en millions d’euros)

TPE

9

0,35

PME

10

4,97

ETI

3

4,27

Total

22

9,59

Source : direction de la législation fiscale, juillet 2018.

Le Rapporteur général avait souhaité mobiliser davantage d’informations permettant d’apprécier l’impact sectoriel de ce crédit d’impôt, notamment la ventilation du crédit d’impôt par catégorie de dépense imputable et la liste des dix jeux dont la conception a entraîné la plus grosse dépense fiscale (rapportée aux coûts totaux de création).

L’administration fiscale n’a pas été en mesure d’apporter des éléments de réponse sur ces points.

V.   le crédit d’impôt en faveur du spectacle vivant

A.   L’origine du dispositif et son impact budgétaire

Plus récent des dispositifs en faveur de la culture et de l’audiovisuel, le crédit d’impôt en faveur du spectacle vivant est issu d’un amendement de notre collègue Pierre-Alain adopté à l’Assemblée nationale en première lecture dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016.

Les arguments avancés par les députés à l’origine du dispositif sont les suivants :

– lors de la présentation en commission des finances, notre collègue Alain Muet a évoqué un dispositif visant « à soutenir le spectacle vivant dans le domaine musical », dans la mesure où « il en existe déjà un pour venir en aide à la production phonographique ». Notre collègue Karine Berger a soutenu l’idée que « cet amendement mérite absolument d’être soutenu. Soyons cohérents, si l’ensemble de la production culturelle française mérite de l’aide, alors nous devons soutenir aussi le spectacle vivant ». Le coût du dispositif a été évalué à 5 millions d’euros par an ;

– lors de l’examen en séance publique, l’amendement de la commission a été défendu par notre collègue Patrick Bloche, qui a évoqué le nécessaire soutien à la production des spectacles vivants, musicaux et de variétés. Il s’agirait d’un secteur extrêmement fragile, caractérisé par la présence non seulement de quelques grosses entreprises, mais aussi de nombreuses TPE et de PME présentant l’intérêt de promouvoir des artistes émergents.

Le Gouvernement a émis un avis défavorable à cet amendement, au motif que ces dépenses fiscales, à l’origine limitées dans leur impact budgétaire, font l’objet d’élargissements successifs jusqu’à atteindre un coût plus important qu’envisagé initialement.

La définition du spectacle vivant

Le dispositif adopté définit l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants par référence l’article L. 7122-2 du code du travail, selon lequel « est entrepreneur de spectacles vivants toute personne qui exerce une activité d’exploitation de lieux de spectacles, de production ou de diffusion de spectacles, seul ou dans le cadre de contrats conclus avec d’autres entrepreneurs de spectacles vivants, quel que soit le mode de gestion, public ou privé, à but lucratif ou non, de ces activités ».

Larticle D. 7122-1 du même code prévoit les trois catégories dentrepreneurs de spectacles vivants suivantes :

– les exploitants de lieux de spectacles aménagés pour les représentations publiques ;

– les producteurs de spectacles ou entrepreneurs de tournées qui ont la responsabilité d’un spectacle et notamment celle d’employeur à l’égard du plateau artistique ;

– les diffuseurs de spectacles qui ont la charge, dans le cadre d’un contrat, de l’accueil du public, de la billetterie et de la sécurité des spectacles, et les entrepreneurs de tournées qui n’ont pas la responsabilité d’employeur à l’égard du plateau artistique.

L’article R. 7122-2 de ce code prévoit qu’une licence d’entrepreneur de spectacles vivants est délivrée uniquement aux personnes physiques titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur ou justifiant d’une expérience professionnelle dans le domaine du spectacle et justifiant de la capacité juridique d’exercer une activité commerciale. Le titulaire peut être le représentant d’une entreprise active dans ce même secteur.

La licence ne peut être délivrée qu’à la condition que le demandeur soit propriétaire ou locataire d’un lieu de spectacle et qu’il suive une formation à la sécurité des spectacles adaptée à la nature du lieu.

Selon le dispositif adopté à l’Assemblée nationale, les entreprises éligibles doivent avoir la responsabilité du spectacle, notamment celle d’employeur à l’égard du « plateau artistique », et supporter le coût de création du spectacle.

Les critères d’éligibilité au crédit d’impôt ont par ailleurs été précisés par un décret du 7 septembre 2016 ([36]), en prévoyant que le crédit d’impôt s’applique :

– aux concerts et tours de chant ;

– aux spectacles d’humour entendus comme une suite de sketchs ou un récital parlé donné par un ou plusieurs artistes non interchangeables ;

– aux comédies musicales et aux spectacles lyriques.

Le champ des « spectacles vivants » retenus pour l’application du présent dispositif est donc relié aux secteurs de la musique, de la chanson, mais aussi aux spectacles d’humour.

Les spectacles de danse ou de théâtre ne sont donc pas dans le champ du dispositif, pas davantage que les spectacles à caractère historique ou les arts de la rue. Les spectacles de magie et d’illusionnisme semblent également hors du champ du dispositif.

En l’état des informations disponibles, le crédit d’impôt a été chiffré à 2 millions d’euros en 2017 et 6 millions d’euros en 2018.

B.   L’impact sectoriel

1.   La seule évaluation disponible à ce jour provient des cabinets privés

Selon une étude du cabinet Ernst and Young de septembre 2017 consacré à « la contribution du spectacle musical et de variété à l’économie française », ce secteur représenterait près de 4,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires cumulé et 120 000 emplois en 2015, pour 4 000 entreprises. Cette étude ne porte pas sur les secteurs du théâtre, de la danse et de la musique « savante » (musique classique, art lyrique, opéra, …).

Il convient de souligner que cette étude a été commandée par le PRODISS, c’est-à-dire le syndicat national du spectacle et de la variété (c’est-à-dire en pratique les professionnels du secteur).

L’impact indirect est évalué à 2,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 18 900 équivalents temps plein (ETP).

Le chiffre daffaires direct du secteur a connu une croissance moyenne de 6 % par an entre 2012 et 2015. Cette augmentation provient principalement des recettes de billetterie (+ 6,1 % par an), mais aussi de l’augmentation du nombre de représentation (+ 6,3 % par an) et des spectateurs (+ 5,7 % par an).

En termes d’emploi, le secteur représente six fois plus d’ETP que l’enregistrement sonore musical et près de trois fois plus d’ETP que la radio.

Le tissu industriel est très majoritairement composé de petites entreprises, dans la mesure où trois quarts d’entre elles réalisent un chiffre d’affaires annuel de moins d’un million d’euros.

Selon l’étude, l’équilibre financier d’une grande part de ces petites entreprises est mal assuré, dans la mesure les investissements initiaux pour l’émergence d’un artiste sont rarement couverts par les éventuels succès commerciaux. En outre, l’augmentation significative du coût d’accueil des spectacles pèse sur cette rentabilité, sachant que ces surcoûts n’auraient pas été répercutés sur le public.

2.   Un suivi très lacunaire de cette dépense par l’administration

Les données transmises par l’administration fiscale permettent par ailleurs d’évaluer la ventilation du crédit d’impôt en fonction de la taille de l’entreprise.

Le crédit d’impôt « spectacle vivant » en 2017

Catégorie dentreprise

Nombre dentreprises bénéficiaires

Part de la dépense fiscale
(en millions d’euros)

TPE

80

3,36

PME

65

5,99

Autres entreprises

1

0,33

Total

146

9,69

Outre le nombre très important des petites entreprises concernées par le dispositif, ces données mettent en évidence un écart entre le coût du dispositif en exécution (9,7 millions d’euros) et celui initialement prévu (2 millions d’euros).

Le Rapporteur général n’a cependant pas été en mesure d’obtenir d’autres éléments d’appréciation du crédit d’impôt : taux de sélectivité des demandes déposées, ventilation du crédit d’impôt par catégorie de dépense imputable, liste des dix principaux spectacles vivants ayant bénéficié du dispositif.

Cette absence de données est certainement à mettre au compte du caractère récent du dispositif ; le Rapporteur général appelle toutefois l’administration à mettre en place rapidement des outils de suivi efficients.


—  1  —

   Partie III :
Évaluations thématiques

I.   Le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE)

A.   Un avantage fiscal pour faciliter la transition écologique

Ayant succédé, à compter du 1er septembre 2014, au crédit d’impôt en faveur du développement durable (CIDD) ([37]), le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), codifié à l’article 200 quater du CGI a fait l’objet de modifications dans la loi de finances pour 2018. Celles-ci concernent la durée d’application du dispositif fiscal ainsi que le champ des dépenses éligibles au crédit d’impôt.

1.   Un dispositif fiscal aux contours mouvants

a.   Un dispositif au service de « l’excellence environnementale »

Répondant à un triple objectif à la fois environnemental et économique, la transformation du CIDD en CITE s’analyse comme un renforcement de l’attractivité d’un dispositif d’incitation fiscale (cf. infra), dont l’utilité est régulièrement confirmée. Notamment rappelés dans l’exposé des motifs du projet de loi de finances pour 2015, les objectifs du CITE visent ainsi à accélérer et amplifier les travaux de rénovation énergétique des bâtiments pour économiser de l’énergie, faire baisser la facture énergétique et créer des emplois.

b.   Un maintien du principe et de l’économie générale du dispositif

Souvent modifié, le dispositif introduit dans la loi de finances pour 2000 ([38]) a conservé son principe : il offre aux contribuables résidant en France un crédit d’impôt sur le revenu au titre des dépenses effectivement supportées pour l’amélioration de la qualité environnementale et pour la rénovation énergétique de leur logement, que ceux-ci soient propriétaires, locataires ou occupants à titre gratuit de leur habitation principale. Le logement accueillant les équipements doit être achevé depuis plus de deux ans à la date du début des travaux.

La liste des équipements éligibles à lavantage fiscal figure à larticle 200 quater du CGI et les caractéristiques techniques et critères de performances minimales sont fixés par l’article 18 bis de l’annexe IV du CGI.

Le montant des dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt ne peut excéder un plafond pluriannuel. Ce dernier s’établit, au titre d’une période de cinq années consécutives comprises – depuis la loi de finances pour 2018 – entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2018, à 8 000 euros pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et 16 000 euros pour un couple marié ou pacsé soumis à une imposition commune ([39]). Cette somme est majorée de 400 euros par personne à charge.

L’avantage fiscal accordé au titre du CITE compte pour la détermination du plafond global des avantages fiscaux prévu à l’article 200-0 A du CGI.

c.   Un champ des dépenses éligibles et des taux applicables qui ont souvent varié

Le champ des dépenses éligibles au crédit d’impôt et le taux associé ont, en revanche, évolué à plusieurs reprises, esquissant un mouvement de balancier visant, tantôt à restreindre, tantôt à élargir les conditions d’application du crédit d’impôt ([40]).

Pour mémoire, le taux du crédit d’impôt a été réduit et certaines dépenses exclues dans les lois de finances pour 2011 et 2012 ([41]). La loi de finances pour 2014 ([42]) a introduit une modification substantielle en conditionnant le bénéfice de l’avantage fiscal à la réalisation d’un « bouquet » de travaux ([43]), avant que la loi de finances pour 2015 ([44]) ne le supprime et procède à un élargissement des équipements éligibles au crédit d’impôt ainsi qu’à une hausse de son taux ([45]). Afin qu’elles produisent rapidement des effets, ces dernières dispositions sont entrées en vigueur de manière rétroactive, au 1er septembre 2014.

Initialement bordée au 31 décembre 2015, la période d’application du CITE a été prorogée à plusieurs reprises depuis 2015 : dans la loi de finances pour 2016 ([46]) et dans la loi de finances pour 2017 ([47]) et, plus récemment, dans la loi de finances pour 2018.

2.   Les modifications intervenues en loi de finances pour 2018

a.   La prorogation du dispositif

L’article 79 de la loi de finances pour 2018 a prorogé pour une année supplémentaire le bénéfice du CITE : les dépenses relatives à l’acquisition des équipements mentionnés au 1 de l’article 200 quater du CGI sont ainsi éligibles lorsqu’elles ont été payées jusqu’au 31 décembre 2018 (auparavant jusqu’au 31 décembre 2017).

b.   La modification du champ des dépenses éligibles

La liste des équipements éligibles et les conditions associées à l’avantage fiscal ont également été modifiées, ce qui témoigne de la volonté de recentrer le dispositif sur les matériaux et équipements présentant « le meilleur rapport coût-bénéfice environnemental » ([48]).

De manière générale, plusieurs équipements ont été exclus de la liste déterminant l’éligibilité au crédit d’impôt. C’est le cas des chaudières à fioul ainsi que des fenêtres, volets isolants et portes. L’exclusion des premières, qui représentent 10 % des chaudières actuellement éligibles, s’inscrit dans le prolongement du Plan climat présenté par le ministre d’État de la transition écologique et solidaire, qui vise notamment à mettre fin à l’utilisation des énergies fossiles. Les considérations qui président à l’exclusion du champ des dépenses éligibles des matériaux isolants ont trait à l’efficience de la dépense fiscale afférente (cf. infra).

Pour ménager une transition progressive, la date à laquelle l’exclusion devait prendre effet a été décalée de six mois par rapport au 31 décembre 2017 et fixée au 30 juin 2018. Pour certains équipements (chaudières au fioul à très haute performance énergétique et matériaux d’isolation thermique des parois vitrées – à condition qu’ils viennent en remplacement de parois en simple vitrage), la période complémentaire d’éligibilité ainsi ouverte s’accompagne toutefois d’une réduction du montant du taux applicable aux dépenses engagées, celui-étant divisé par deux et ramené à 15 % (contre 30 % auparavant).

Le dispositif est maintenu pour les dépenses engagées entre le 1er janvier et le 30 juin 2018 pour l’achat de chaudières à très haute performance énergétique utilisant le fioul comme énergie ; le taux de la réduction d’impôt est de 15 %.

Ces dispositions transitoires sont justifiées par la volonté, notamment rappelée dans l’évaluation préalable du projet de loi de finances pour 2018, de donner aux acteurs de la filière comme aux contribuables le temps d’ajuster leurs comportements pour tenir compte des évolutions du cadre législatif et réglementaire applicable concernant des équipements qui représentent une part substantielle du total des dépenses éligibles au CITE (cf. infra).

En outre, pour les dépenses payées au titre de l’acquisition de pompes à chaleur dédiées à la production d’eau chaude sanitaire, le crédit d’impôt s’applique dans la limite d’un plafond de dépenses fixé, par arrêté conjoint des ministres chargés de l’énergie, du logement et du budget du 30 décembre 2017, à 3 000 euros.

Par ailleurs, si les contribuables ont accepté un devis ou versé un acompte avant la fin de la période initialement couverte par le CITE (soit le 31 décembre 2017) ou avant la fin de la période complémentaire (soit le 30 juin 2018), l’avantage fiscal est réputé acquis et ils peuvent bénéficier du crédit d’impôt, au taux de 30 % dans le premier cas et de 15 % dans le second. Le tableau ci-dessous synthétise l’ensemble de ces modifications.

D’autres dépenses ont, en revanche, été ajoutées à la liste de celles qui ouvrent droit au crédit d’impôt. Le champ des dépenses éligibles a ainsi été élargi à celles correspondant :

– à la part représentative du coût des équipements de raccordement à des réseaux de chaleur ou de froid compris dans les droits et frais de raccordement à ces mêmes réseaux – sous réserve que ce coût soit distinctement individualisé au sein des droits et frais de raccordement ;

– à la réalisation d’un audit énergétique, lorsqu’il n’intervient pas dans un cas où la réglementation le rend obligatoire.

Tableau synthétisant les modifications apportées au dispositif
en fonction de la nature des dépenses et du calendrier de leur paiement

Nature des dépenses

Dépenses payées en

Économies d’énergie

2017

2018

Chaudières au fioul à haute performance énergétique

30 %

Dépenses exclues à compter du 1er janvier 2018 (sauf si acceptation d’un devis et versement d’un acompte avant le 1er janvier 2018 ; 30 %)

Chaudières au fioul à très haute performance énergétique

30 %

– Du 1er janvier 2018 au 30 juin 2018 : 15 %

– Dépenses exclues à compter du 1er juillet 2018 sauf si acceptation d’un devis et versement d’un acompte avant le 1er juillet 2018 ; 15 %)

Isolation thermique

2017

2018

Matériaux d’isolation thermique des parois vitrées

30 %

– Dépenses exclues à compter du 1er janvier 2018 (sauf si acceptation d’un devis et versement d’un acompte avant le 1er janvier 2018 : 30 %)

– Du 1er janvier 2018 au 30 juin 2018 uniquement si ces matériaux viennent en remplacement de parois en simple vitrage : 15 %

– Dépenses exclues à compter du 1er juillet 2018 (sauf si acceptation d’un devis et versement d’un acompte avant le 1er juillet 2018 ; 15 %)

Volets isolants ou portes d’entrée donnant sur l’extérieur

30 %

Dépenses exclues à compter du 1er janvier 2018 (sauf si acceptation d’un devis et versement d’un acompte avant le 1er janvier 2018 : 30 %)

Équipement de production d’énergie utilisant une source d’énergie renouvelable

2017

2018

Droits et frais de raccordement à un réseau de production de chaleur ou de froid, pour la seule part représentative des équipements éligibles au crédit d’impôt

na

30 %

Autres dépenses

2017

2018

Audit énergétique

na

30 %

Source : commission des finances.

c.   L’impact budgétaire des modifications intervenues en loi de finances pour 2018

Au total, l’ensemble des modifications apportées dans la loi de finances pour 2018 représentent un coût de 879 millions d’euros. La décomposition par modification est précisée dans le tableau ci-dessous, à partir des informations de la direction de la législation fiscale (DLF).

Impact budgétaire des modifications
apportées au CITE en loi de finances pour 2018

(en millions d’euros)

Prorogation d’un an du CITE jusqu’au 31 décembre 2018

Coût (+)

1 675

Exclusion des chaudières les moins performantes

Gain (-)

10

Exclusion des parois vitrées ne venant pas en remplacement de parois en simple vitrage

Gain (-)

521

Exclusion des portes d’entrée et volets isolants

Gain (-)

270

Extension du bénéfice du CITE aux équipements de raccordement à des réseaux de chaleur ou de froid

Coût (+)

5

Inclusion dans le champ des dépenses éligibles de la réalisation d’un audit énergétique

Coût (+)

Non chiffrable

Source : direction de la législation fiscale (DLF), commission des finances.

Selon les éléments transmis au Rapporteur général par la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), le coût du CITE pour les travaux réalisés en 2018 est évalué à 1,1 milliard d’euros, ce qui représente une économie de 730 millions d’euros par rapport à la dépense fiscale associée aux travaux réalisés au cours de l’année 2016.

Le gain (moindres dépenses fiscales) des mesures concernant les seules fenêtres ([49]) est estimé à 370 millions d’euros

Le gain associé à l’exclusion du champ des dépenses éligibles pour les portes et volets isolants est évalué à 317 millions d’euros en année pleine.

La suppression du bénéfice du CITE pour les chaudières à très haute performance énergétique est associée à un gain estimé à 150 millions d’euros en année pleine, en précisant que « les chaudières à fioul représentant environ 10 % des chaudières à performance énergétique, le gain de la suppression du CITE sur ces seules chaudières est estimé à 15 millions d'euros en année pleine ».

d.   Les dispositions nécessitant des mesures d’application

Conséquences des modifications apportées en loi de finances pour 2018, les textes de nature réglementaire qui précisent les conditions d’application du crédit d’impôt ont été modifiés, complétés ou publiés.

– Larrêté du 30 décembre 2017 pris pour lapplication de larticle 200 quater du CGI relatif au crédit dimpôt sur le revenu pour la transition énergétique a modifié les articles 18 bis et 18 quater de lannexe IV du CGI pour tenir compte des modifications apportées au champ des dépenses éligibles au crédit dimpôt (chaudières à très haute performance et audit de performance énergétique).

– Le décret devant préciser les conditions de qualification des auditeurs a été publié le 30 mai 2018 ([50]). Il impose aux auditeurs d’être titulaires de l’un des signes de qualité listés à l’article 1er du décret.

– Une publication au BOFiP le 6 juillet 2018 ([51]) précise les conditions d’application du CITE.

100 % des mesures d’application ont ainsi été prises.

B.   Un dispositif qui a vocation à disparaître

1.   Une évaluation contrastée du dispositif

a.   Une évolution globalement dynamique quoiqu’irrégulière de la dépense fiscale

Reflétant en grande partie les modifications successives apportées aux contours du dispositif, la dépense fiscale relative au CITE a connu d’importantes variations dans le temps.

L’inspection générale des finances (IGF) et le conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), dans leur rapport d’avril 2017 ([52]), estiment que le coût du dispositif s’élève à 1,7 milliard d’euros en 2016 et rappellent que son coût annuel a beaucoup varié depuis sa création, « entre 0,6 et 2,7 milliards d'euros » ([53]).

Élément le plus marquant dans l’évolution du dispositif, la transformation du CIDD en CITE a entraîné un doublement de la dépense fiscale au titre de 2015, la portant ainsi à son plus haut niveau historique (et similaire à celui de 2008-2009).

De manière générale, la dépense fiscale et le nombre de bénéficiaires ont tous deux connu une progression relativement régulière jusqu’en 2009 avant d’enregistrer une diminution significative au début des années 2010. Ce tournant correspond notamment à la volonté de maîtriser la dépense publique, particulièrement visible dans les modifications apportées au dispositif à partir de la loi de finances pour 2011.

À partir de 2015 en revanche, la nécessité de soutenir des investissements coûteux pour les ménages dont les bénéfices s’apprécient à long terme est rappelée et explique le retour sur les mesures adoptées dans une perspective de maîtrise de la dépense fiscale associée au CITE. La condition relative au « bouquet » de travaux pour bénéficier de l’avantage fiscal est supprimée, afin de rendre le dispositif plus attractif et de renforcer l’incitation à la réalisation de travaux de rénovation énergétique.

Compte tenu des très nombreuses variations des caractéristiques et conditions du CITE, les comparaisons établies, d’une année sur l’autre, sont à considérer avec prudence car le champ des équipements éligibles est souvent différent – dans des proportions plus ou moins importantes. Il est toutefois possible de présenter, à partir des données disponibles relatives aux déclarations des revenus 2013, 2014, 2015 et 2016 ([54]), les évolutions de la dépense fiscale par catégorie d’équipements ([55]).

De manière générale, les dépenses relatives aux économies d’énergie ont augmenté, entre 2013 et 2017, de 33 %, les dépenses d’isolation thermique de 50 % et, en leur sein, les dépenses relatives aux fenêtres de 52 %. Seules les dépenses d’équipements de production d’énergie et celles incluses dans la catégorie « autres dépenses » ont enregistré une baisse.

Évolution des dépenses éligibles au CITE

(en millions d’euros)

Dépenses éligibles

IR 2014

IR 2015

IR 2016

IR 2017

Évolution IR 2017/IR 2014

Économies d’énergie

490

523

682,6

735

33 %

Isolation thermique

2 390

3 098

4 598

4 753

50 %

Dont fenêtres

1 178

1 592

2 440

2 463

52 %

Équipements de production d’énergie

1 629

983

1 113

1 029

– 58 %

Autres dépenses

17,8

8,48

15

17

– 5 %

Dont diagnostic de performance énergétique

3

4

5

7

57 %

Source : commission des finances.

Évolution des dépenses éligibles au CITE entre 2013 et 2016

(en millions d’euros)

 

Source : commission des finances.

Selon les données transmises au Rapporteur général, si le nombre de bénéficiaires du CITE a presque doublé entre 2014 et 2016, le montant moyen du crédit d’impôt par foyer fiscal est resté relativement constant sur cette même période.

Évolution du Nombre de bénéficiaires du CITE
et du montant moyen de l’avantage fiscal

Impôt sur le revenu

2014

2015

2016

Nombre de bénéficiaires (en millions)

660 564

1 174 802

1 224 560

Montant moyen du crédit d’impôt

(en euros)

1 350

1 429

1 374

Source : direction de la législation fiscale (DLF).

b.   Une efficacité contrastée de la dépense fiscale

Le CITE comporte plusieurs catégories de dépenses dont l’impact, budgétaire, d’une part, et environnemental, d’autre part, ne permet pas de dresser un bilan univoque de l’efficience de la dépense fiscale afférente. L’évaluation du dispositif commande ainsi une analyse plus fine, qu’il semble difficile d’effectuer, compte tenu du manque de données disponibles (cf. infra).

Les modifications apportées – sans grande cohérence – au dispositif au cours des huit voire des cinq dernières années contraignent l’exercice, l’impact de certaines de ces changements ne pouvant être très précisément apprécié ou les effets de chaque mesure appréhendés de manière isolée. Il est toutefois possible de rappeler certains des constats dressés notamment dans le rapport précité sur les aides à la rénovation énergétique des logements privés réalisé par l’IGF et le CGEDD en avril 2017, dont l’actualité ne semble pas remise en cause.

Le dispositif fiscal, dont un million de personnes en moyenne ont bénéficié au cours des dix précédentes années ([56]) semble avoir été concentré sur certains foyers fiscaux : sur les propriétaires, d’une part, et sur les foyers aux revenus les plus élevés, d’autre part.

Si l’absence de ciblage du dispositif permet d’assurer l’égalité des contribuables, quelle que soit leur situation par rapport au logement qui constitue leur habitation principale, plusieurs éléments nuancent l’appréciation a priori positive.

En premier lieu, le coût moyen des travaux réalisés dans le cadre de la rénovation énergétique de leurs logements par les ménages est élevé, de l’ordre de 10 000 euros ([57]) et le crédit d’impôt bénéficie en majeure partie aux contribuables appartenant aux déciles supérieurs.

Le rapport de l’IGF-CGEDD précité indique ainsi que « la part du premier quintile de revenus ([58]) dans les bénéficiaires du CIDD/CITE depuis 2005 est relativement stable autour de 50 % de la dépense fiscale ».

part des dépenses au titre du cite par quintile de revenus

Source : DGFiP.

Par ailleurs, l’analyse du statut du contribuable vis-à-vis du logement montre que ce sont surtout les propriétaires qui réalisent les travaux et bénéficient donc de l’avantage fiscal. Les propriétaires occupants sont ainsi à l’origine de plus de 90 % des dépenses de rénovation énergétique déclarées.

répartition des dépenses déclarées au titre du CITE en 2015 selon l’occupation du logement

Type doccupation

Dépenses déclarées

(en millions)

Part

(en %)

Par un propriétaire

5 958

94

Par un locataire

188

3

Autres types d’occupation

173

3

Source : DGFiP.

La pertinence d’un dispositif fiscal ne s’apprécie pas uniquement à l’efficience de la dépense mais également en analysant le nombre et le profil de ses bénéficiaires.

Compte tenu de la très faible représentation des locataires et des occupants à titre gratuit dans la population des bénéficiaires du crédit d’impôt, la question du maintien de cette disposition pourrait être posée.

En second lieu, l’analyse de la distribution du crédit d’impôt en fonction de l’« âge » du logement indique qu’il n’y a pas de concentration des travaux sur les logements les plus anciens, lesquels sont pourtant les moins performants du point de vue de l’efficacité énergétique. Un recentrage du dispositif pourrait être envisagé au moyen de critères permettant de davantage cibler les dépenses vers les logements les moins performants. La réintroduction de taux différents en fonction des caractéristiques des logements pourrait également être étudiée, le cas échéant, dans le cadre d’une réforme de plus grande ampleur qui viserait à réduire, de manière générale, le montant du crédit d’impôt dont le niveau est particulièrement élevé.

En dernier lieu, les dépenses du CITE semblent fortement concentrées sur des travaux dont le rapport « coût-efficacité énergétique » est limité ([59]).

La liste des dépenses éligibles au CITE comprend plusieurs types d’équipements, tant relatifs aux économies d’énergie, à l’isolation thermique, qu’à la production d’énergie utilisant une source d’énergie renouvelable. La part de chaque catégorie d’équipement dans la dépense fiscale et leur contribution à chacun des objectifs du crédit d’impôt et, notamment, à l’objectif environnemental, sont très variables.

Évolution de la part des dépenses d’isolation thermique
dans les dépenses totales

IR 2014

IR 2015

IR 2016

IR 2017

53 %

67 %

72 %

73 %

Source : commission des finances, à partir des données consolidées des déclarations de revenus (6e émission).

Évolution de la part des dépenses de fenêtres
dans les dépenses d’isolation thermique et dans les dépenses totales

Impôt sur le revenu

2014

2015

2016

2017

Part des dépenses de fenêtres dans celles d’isolation thermique

49 %

51 %

53 %

52 %

Part des dépenses de fenêtres dans les dépenses totales

26 %

35 %

38 %

38 %

Source : commission des finances, à partir des données consolidées des déclarations de revenus (6e émission)

Les travaux d’isolation constituent, chaque année, le premier poste de dépenses du CITE, notamment porté par la dynamique des dépenses consacrées aux fenêtres. Ces dernières représentent, entre 2013 et 2017, 50 % des dépenses totales engagées pour des travaux d’isolation thermique et, entre 26 et 38 % des dépenses totales éligibles au CITE sur la période.

Or, les différentes analyses effectuées sur l’efficacité énergétique des fenêtres sont unanimes pour considérer qu’il s’agit des équipements dont le rapport coût-efficacité énergétique est le moins favorable. Dans cette perspective, leur exclusion du champ des dépenses éligibles dans la loi de finances 2018 (sous les réserves exposées supra s’agissant de la période transitoire) semble pertinente pour améliorer l’efficacité du CITE.

Pour mémoire, le rapport de l’IGF-CGEDD précité, recommandait, s’agissant du CITE, de :

– de réduire le taux « historiquement élevé » à 20 % et de relever, en contrepartie, le plafond de travaux à 12 000 euros pour une personne seule et 24 000 euros pour un couple ;

– conditionner l’obtention de l’avantage fiscal à la réalisation d’au moins deux gestes de rénovation énergétique ;

– réduire la dépense fiscale associée au remplacement des fenêtres en ne retenant dans l’assiette du crédit d’impôt que la moitié du montant des dépenses engagées.

c.   Des difficultés à apprécier les effets induits par le crédit d’impôt

L’évaluation du CITE et l’appréciation de l’efficience de la dépense publique par rapport aux objectifs qui lui sont assignés nécessitent d’identifier les effets de l’avantage fiscal sur le marché de la rénovation énergétique, sur le coût des équipements et sur la facture énergétique.

L’absence de travaux économiques suffisants sur ces questions, notamment pointé par l’IGF, ne permet pas de disposer de conclusions probantes. Plusieurs éléments peuvent toutefois être soulignés.

Interrogée sur ces questions, la DHUP a renvoyé le Rapporteur général vers le rapport conjoint de l’IGF et du CGEDD précité.

Ce rapport indique que, faute de données disponibles, la mission n’a pas été en mesure de déterminer si le crédit d’impôt exerçait un effet sur les prix des équipements éligibles et de préciser, le cas échéant, la nature inflationniste ou déflationniste des effets. Elle indique toutefois – de manière quelque peu sibylline – que de « fortes présomptions pèsent sur certains travaux ».

La DHUP a transmis au Rapporteur général des éléments sur la filière menuiserie, qui représente 1 200 entreprises de taille intermédiaire et PME industrielles fabricants de fenêtres, portes, volets et composants ainsi que 51 000 PME et artisans installateurs. Selon les données de la Fédération française du bâtiment (FFB) de 2015, l’ensemble de la filière compte près de 18 000 salariés. S’il est trop tôt pour évaluer les effets sur le secteur des modifications apportées en loi de finances pour 2018, la DHUP a indiqué que « les premiers retours qualitatifs montrent que la phase transitoire génère une très forte demande chez les particuliers et une activité chez les professionnels qui reste soutenue ».

2.   Vers un système de prime ?

Annoncée lors de la dernière campagne présidentielle, la transformation du CITE en une « prime immédiatement perceptible au moment des travaux, et non l’année suivante » devrait intervenir en 2019. Dans l’intervalle, la prorogation du dispositif pour une année supplémentaire semblait, au moment de la discussion du projet de loi de finances pour 2018, être une « nécessité pour permettre de poursuivre la rénovation du parc de logements, de soutenir la montée en puissance des professionnels sur les travaux de rénovation énergétique et de réduire la facture énergétique des ménages » ([60]).

De manière générale, l’instauration d’un système de prime en lieu et place du crédit d’impôt s’analyse comme une facilité de trésorerie pour les contribuables, lesquels ne seront plus contraints d’avancer, en année N, l’intégralité des frais correspondant aux travaux, dans l’attente de la restitution du montant de l’avantage fiscal en année N + 1.

La mise en place d’un tel mécanisme nécessite d’en préciser en amont les caractéristiques et modalités de fonctionnement. À titre d’illustration, les critères et conditions d’éligibilité, les procédures pour en bénéficier, les critères des éventuels contrôles mis en place devront faire l’objet d’une définition. Des questions se posent également quant à l’articulation du système de prime avec le CITE : la transformation se fera-t-elle, par exemple, à champ de dépense constant ?

Il a, dans un premier temps, été indiqué au Rapporteur général que cette réforme était en cours d’arbitrage. Par conséquent, aucune information sur le calendrier et aucun élément de nature à confirmer que la mise en place de la réforme serait effectuée, comme annoncé, au 1er janvier 2019, n’ont été transmis.

Des précisions ont toutefois été apportées, dans un second temps, par le ministère de la transition écologique et solidaire, sur les travaux effectués par les services dans le cadre de la préparation de cette réforme. La faisabilité et les modalités techniques de la transformation du crédit d’impôt en un système de prime sont étudiées, dans la double perspective de recentrer le dispositif, d’une part, sur les gestes techniques dont l’efficacité énergétique est à la fois avérée et significative et, d’autre part, sur les ménages aux revenus les plus modestes pour lesquels le mécanisme du crédit d’impôt constitue aujourd’hui une charge importante.

Si certains paramètres de la réforme sont encore à préciser, le Gouvernement devra arbitrer, de manière générale, entre les engagements formulés, tant en matière de transition énergétique que de maîtrise de la dépense publique.

Les discussions qui se tiendront dans le cadre du prochain projet de loi de finances seront ainsi l’occasion pour le Parlement d’examiner les propositions qui seront formulées par le Gouvernement et d’envisager, le cas échéant, d’apporter quelques correctifs au dispositif.


II.   La réduction d’impôt en faveur de l’investissement locatif intermédiaire « PINEL »

A.   Un dispositif héritier de trente ans de soutien à l’investissement locatif privé

1.   Un avantage fiscal bien assis dans le paysage fiscal français

« Au cours des trente dernières années, seize dispositifs dincitation différents se sont succédé pour soutenir linvestissement privé pour un coût annuel denviron 2 milliards deuros. » ([61])

Introduit par la loi de finances pour 2013 ([62]), le dispositif « Pinel », réduction d’impôt sur le revenu, s’inscrit dans la continuité des différentes aides au secteur locatif neuf qui se sont succédé depuis plus de trente ans ([63]). Il est codifié à l’article 199 novovicies du CGI.

a.   Un objectif affiché de soutien au secteur immobilier

Créé dans un but de soutien à la construction de logements neufs, le dispositif « Duflot-Pinel » s’analyse principalement comme une mesure de soutien au secteur immobilier visant à concilier le « respect de contraintes sociales, environnementales, juridiques et budgétaires » ([64]) et constitue une spécificité de la politique de logement française. Traduisant ces objectifs, le principe retenu est celui d’une réduction d’impôt accordée en contrepartie d’un engagement « social ».

Les contribuables qui en bénéficient s’engagent ainsi à louer leurs biens dans des conditions spécifiques déterminées par la loi et non par le libre jeu du marché.

Les biens doivent être donnés en location nue et constituer la résidence principale des locataires, lesquels ne peuvent être membres du foyer fiscal du propriétaire ([65]). La location à un ascendant ou à un descendant est autorisée pour les investissements réalisés depuis le 1er janvier 2015 ([66]).

Les propriétaires sengagent à louer leur bien, pour une durée minimale fixée par la loi à six ou neuf ans ([67]), à des locataires sélectionnés en fonction de leurs revenus. Un plafond de ressources est fixé par décret ([68]). Le loyer qui est exigé ne peut excéder les plafonds également définis par décret « en fonction de la localisation du logement et de son type » ([69]).

Compte tenu de l’objectif relatif à l’accès au logement, la réduction d’impôt est applicable pour les investissements réalisés dans certaines zones géographiques où le déséquilibre entre loffre et la demande de logements est important. Un maillage du territoire est établi par arrêté des ministres chargés du budget et du logement ([70]).

b.   Des avantages fiscaux dont les conditions ont évolué

La réduction dimpôt dite « Pinel » est le produit des évolutions successives apportées au dispositif de soutien en faveur de linvestissement locatif. Reprenant, dans ses grandes lignes, larchitecture du dispositif « Scellier », la réduction dimpôt en faveur de linvestissement locatif intermédiaire a fait lobjet de modifications en 2015 ainsi que, plus récemment, dans la loi de finances pour 2018.

Pour mémoire, à compter de 2009, une nouvelle incitation fiscale en faveur de la construction neuve, dite « Scellier », a été introduite. Elle prenait la forme d’une réduction d’impôt de 25 % sur le prix de revient de l’investissement immobilier, dans la limite de 300 000 euros par contribuable (comprenant les éventuels travaux de réhabilitation). La réduction d’impôt était répartie en parts égales sur les neuf années constituant la durée minimale de l’engagement de location par le contribuable.

Dans un premier temps, la réduction d’impôt en faveur de l’investissement locatif intermédiaire créée par la loi de finances pour 2013 sous le nom de dispositif « Duflot » est venue remplacer le dispositif « Scellier » qui a pris fin (sauf exceptions) à compter du 1er janvier 2013. Dans un second temps, les modifications apportées en 2014 ([71]) visaient notamment à accroître lattractivité du dispositif – devenu « Pinel »  auprès dune « plus grande diversité dinvestisseurs » ([72]).

Reprenant l’outil fiscal des dispositifs dont il est l’héritier, le « Pinel » consiste en une réduction dimpôt sur le revenu accordée aux contribuables domiciliés en France qui acquièrent ou font construire des logements neufs ou assimilés, quils agissent directement ou, sous conditions, par le biais dune société non soumise à limpôt sur les sociétés ([73]).

TABLEAU RÉCAPITULATIF DES LOGEMENTS OUVRANT DROIT À LA RÉDUCTION D’IMPÔT

Type de logement

Conditions particulières à respecter

Logement neuf

Logement en l’état futur d’achèvement

Achèvement du logement dans les trente mois qui suivent la date de la signature de l’acte authentique d’acquisition.

Logement que le contribuable fait construire

– Dépôt de permis de construire entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2017.

– Achèvement du logement dans les trente mois qui suivent la date de l’obtention du permis de construire.

Logement qui fait ou qui a fait l’objet de travaux concourant à la production ou à la livraison d’un immeuble neuf

– Si les travaux ont été réalisés avant l’acquisition du logement par le contribuable, la réduction d’impôt s’applique aux logements qui n’ont pas été utilisés ou occupés depuis l’achèvement des travaux

 

– Si les travaux sont réalisés après l’acquisition du logement, leur achèvement doit intervenir au plus tard le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l’acquisition du bien concerné.

Logement qui ne satisfait pas aux caractéristiques de décence qui fait ou qui a fait l’objet de travaux permettant à ce logement d’acquérir des performances techniques voisines de celles d’un logement neuf

Local affecté à un usage autre que l’habitation qui fait ou qui a fait l’objet de travaux de transformation en logement

Source : commission des finances.

Pour être éligibles à la réduction d’impôt, les logements doivent respecter certains critères environnementaux relatifs à leur performance énergétique dont les conditions sont fixées par décret, en fonction du type de logement concerné ([74]).

Compte tenu de l’objectif d’accès au logement, le législateur a encadré les conditions de location. Il a ainsi soumis le bénéfice de la réduction d’impôt à deux plafonds, respectivement applicables aux ressources des locataires et au montant du loyer qui peut être exigé. Ces deux plafonds, qui dépendent en grande partie de la zone géographique dans laquelle se situe le logement, sont précisés dans l’annexe III du CGI ([75]).

Le taux de la réduction dimpôt, variable selon la durée de l’engagement de location ([76]) et le lieu de l’investissement (en métropole ou en outre-mer ([77])), s’applique au prix de revient du logement ([78]), retenu dans la limite d’un plafond global de 300 000 euros par contribuable pour une même année d’imposition ([79]). Le montant de la réduction d’impôt est réparti sur les années de l’engagement de la location, à raison d’un sixième ou d’un neuvième du montant total sur les années suivant celle d’acquisition ou d’achèvement du logement. Le contribuable peut, à l’issue de la période couverte par l’engagement de location, proroger son engagement initial, dans la limite d’une durée maximale de douze ans ([80]). Le taux de la réduction d’impôt associée à de telles prorogations est précisé au VII bis de l’article 199 novovicies du CGI et peut ainsi s’élever à 21 % du montant du prix de revient du logement.

L’avantage fiscal accordé au titre de la réduction d’impôt compte pour la détermination du plafond global des avantages fiscaux prévu à l’article 200-0 A du CGI.

TABLEAU RÉCAPITULATIF du taux de la rÉduction d’impÔt applicable
selon le lieu de l’investissement et la durÉe de l’engagement

Type dinvestissement

Taux de réduction dimpôt applicable

Taux initial

Prorogation pour 3 années supplémentaires

Renouvellement de la prorogation pour 3 années supplémentaires

Investissements réalisés en métropole

 

Engagement initial de 6 ans

12 %

6 %

3 %

Engagement initial
de 9 ans

18 %

3 %

NA

Investissements réalisés outre-mer

 

Engagement initial
de 6 ans

23 %

6 %

3 %

Engagement initial
de 9 ans

29 %

32 %

NA

Source : commission des finances.

2.   Des modifications en loi de finances pour 2018

Tirant notamment les enseignements du constat formulé par la Cour des comptes en juin 2017 ([81]), sans remettre pour autant en question la pertinence du dispositif, le Gouvernement a proposé, dans le projet de loi de finances pour 2018, deux modifications relatives à la prorogation et au champ d’application de la réduction d’impôt.

a.   Une prorogation de l’avantage fiscal pour quatre années supplémentaires

Considérant que les effets du dispositif sur le secteur de la construction étaient satisfaisants, et craignant que son extinction prévue le 31 décembre 2017 entraîne « une diminution des mises en chantier de logements neufs » ([82]), le Gouvernement a proposé, dans le projet de loi de finances pour 2018, de prolonger le dispositif.

L’article 68 de la loi de finances pour 2018 a ainsi prorogé de quatre années la réduction d’impôt « Pinel », en portant son terme au 31 décembre 2021.

Sont donc éligibles à l’avantage fiscal :

– les logements acquis neufs ou en l’état futur d’achèvement avant le 31 décembre 2021 ;

– les logements que le contribuable fait construire et qui font l’objet d’un dépôt de demande de permis de construire avant le 31 décembre 2021 ;

– les logements acquis avant le 31 décembre 2021 et qui font ou qui ont fait l’objet de travaux concourant à la production ou à la livraison d’un immeuble neuf ;

– les logements vétustes acquis avant le 31 décembre 2021 et qui font ou qui ont fait l’objet de travaux de réhabilitation leur permettant d’acquérir des performances techniques voisines de celles des logements neufs ;

– les locaux affectés à un autre usage que l’habitation acquis avant le 31 décembre 2021 et qui font ou qui ont fait l’objet de travaux de transformation en logements.

b.   Un recentrage du dispositif sur les zones les plus tendues

Contrepartie à la prorogation du dispositif, la limitation de son champ d’application constitue la deuxième modification apportée à l’économie générale de la réduction d’impôt « Pinel ».

Jusqu’au 31 décembre 2017, son bénéfice était réservé aux logements des communes situées dans les zones A bis, A, B1 ainsi que, par dérogation, dans les communes situées dans les zones B2 et C lorsquelles ont fait lobjet dun agrément du représentant de lÉtat dans la région, après avis du comité régional de lhabitat et de lhébergement.

Présentée comme un moyen de concentrer les effets du dispositif sur les zones les plus tendues, la restriction du champ d’application aux zones A, A bis et B1, proposée par le Gouvernement dans le projet de loi de finances, a été assouplie au cours des débats parlementaires.

À la faveur d’un amendement du Rapporteur général, le champ d’application du dispositif a été affiné afin de concentrer les efforts sur les zones géographiques présentant une tension importante sur le marché locatif. À la limitation de l’avantage fiscal aux zones A, A bis et B1 s’ajoute une dérogation pour les investissements réalisés dans des communes couvertes par un contrat de redynamisation de site de défense (CRSD), quelle que soit la zone géographique (A bis, A, B1, B2 ou C) dans laquelle elles sont situées.

Par ailleurs, afin de permettre une sortie progressive du dispositif des communes situées dans les zones B2 et C, des dispositions transitoires ont maintenu l’éligibilité à la réduction d’impôt des investissements réalisés avant le 31 mars 2018.

Évolution des zones Éligibles À la rÉduction d’impÔt « Duflot-Pinel »

Zone

« Duflot-Pinel » avant la LFI 2017
(2013-2016)

« Pinel » après la LFI 2017

(2017)

« Pinel » dans le PLF 2018

(2018-2021)

« Pinel » dans la LFI 2018

(2018-2021)

Zones éligibles

A bis, A, B1

A bis, A, B1

A bis, A, B1

A bis, A, B1

+ communes ayant conclu un CRSD quelle que soit leur zone géographique

Zones éligibles par dérogation

B2 (agrément du préfet de région après avis du comité régional de l’habitat)

B2 et C (agrément du préfet de région après avis ([83]) du comité régional de l’habitat)

B2 et C

(de façon transitoire)

Zones non éligibles

C

B2 et C

Source : commission des finances.

Introduit par le Sénat à l’initiative de sa commission des finances, l’encadrement des frais et commissions perçus par les intermédiaires dans le cadre d’opérations d’acquisition de logements ouvrant droit à la réduction d’impôt prévoit que le montant des frais, directs et indirects, imputés au titre d’une même acquisition est plafonné. Le plafond, déterminé en fonction d’un pourcentage du prix de revient, doit être fixé par décret.

c.   Des dispositions nécessitant des mesures d’application

Les modifications apportées au dispositif en loi de finances pour 2018 ne commandent que peu de mesures d’application.

Au moment de la rédaction du présent rapport, le décret précisant les modalités du plafonnement des frais perçus par les intermédiaires dans le cadre dopérations dacquisition de logements ouvrant droit à la réduction dimpôt navait pas été publié. Il a été indiqué au Rapporteur général que le décret était en cours de rédaction par les services de la DHUP et de la direction générale du Trésor sans qu’il soit toutefois possible d’en préciser le calendrier de publication. Dans cette perspective, le caractère technique des dispositions à préciser et la sensibilité du sujet pour les professionnels concernés sont des éléments à prendre en considération.

Le zonage du territoire, qui conditionne l’application de certaines aides au logement, dont fait notamment partie la réduction d’impôt « Pinel », est précisé dans un arrêté des ministres chargés du logement et du budget devant, conformément à l’article R. 304-1 du code de la construction et de l’habitation, être révisé « au moins tous les trois ans ». Or, la dernière révision de larrêté remonte à lannée 2014 ([84]).

La révision, annoncée lors des débats parlementaires, pour l’année 2018 n’est toujours pas intervenue au moment de la rédaction du présent rapport et aucun élément de calendrier n’a été transmis au Rapporteur général sur ce point.

Soulignant que le découpage du territoire en zones, défini au niveau national, se révèle parfois mal adapté aux réalités des politiques locales de l’habitat, la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) du ministère du logement a toutefois :

– rappelé que l’article 68 de la loi de finances pour 2018 prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 1er septembre 2018, un « rapport dévaluation sur des zones géographiques établies pour déterminer léligibilité au dispositif prévu à l’article 199 novovicies du code général des impôts, notamment afin d’apprécier la pertinence des critères retenus pour le classement des communes au regard des besoins des territoires concernés ».

– indiqué qu’une réflexion est actuellement menée sur lopportunité et les éventuelles modalités dune décentralisation de la définition du zonage ou dune délégation, au profit des territoires, des aides à laccession et à linvestissement locatif.

Le BOFiP relatif au dispositif « Pinel » ([85]) a été mis à jour le 28 juin 2018. Il ne contient pas de précisions sur l’encadrement des frais pouvant être perçus par les intermédiaires.

En revanche, des précisions sont apportées sur les dispositions applicables aux communes couvertes par un CRSD dans une publication datant également du 28 juin 2018 ([86]). Il est ainsi indiqué que :

– les contrats de redynamisation sont conclus, en principe, pour une durée de quatre années, reconductible une fois par un avenant d’un an maximum.

– la période d’éligibilité à la réduction d’impôt « Pinel » des investissements réalisés dans des communes couvertes par un CRSD s’apprécie « de date à date à compter de la date de signature du CRSD » et jusqu’à son terme ([87]).

– si la période du CRSD s’étend au-delà du 31 décembre 2021 – date à laquelle la prorogation du dispositif « Pinel » prend fin –, cela est sans effet sur l’application de la réduction d’impôt. En d’autres termes, sont éligibles au dispositif les investissements réalisés, à compter de la date de signature du CRSD et, « en toute hypothèse, au plus tôt depuis le 1er janvier 2017 » et jusqu’au 31 décembre 2021, y compris dans l’hypothèse où le CRSD ne serait pas arrivé à son terme à cette date. La durée de vie d’un CRSD au-delà du 31 décembre 2021 n’est pas de nature à proroger l’application de la réduction d’impôt.

S’agissant des CRSD, on assiste à un détournement de la volonté du législateur car la prorogation du dispositif avait pour objet de favoriser l’investissement dans des territoires ne bénéficiant plus du soutien de l’État à ce titre, et dont des quartiers entiers ont été rasés ou demandent des réhabilitations lourdes. La cible n’est donc pas atteinte par la rédaction adoptée in fine dans le BOFiP, et ce d’autant moins que ces sites cumulent ces difficultés avec celles relatives à la mise en œuvre des dispositions de l’article 156 bis du CGI très restrictif sur l’application de la défiscalisation dite « Malraux » en faveur de la réhabilitation des monuments historiques.

B.   Un dispositif coûteux dont l’efficacité n’est pas certaine

1.   Une dépense fiscale dynamique et pluriannuelle

a.   Un coût « générationnel » du dispositif significatif et des modifications apportées en loi de finances pour 2018

Le dispositif « Pinel » présente la particularité de peser sur plusieurs exercices budgétaires, compte tenu de la répartition de la réduction d’impôt sur la durée totale de l’engagement de location. L’évaluation du coût total nécessite donc d’embrasser une approche pluriannuelle courant jusqu’à l’extinction totale du dispositif, c’est-à-dire le moment où il cesse de produire des effets.

Le tableau ci-dessous rappelle la chronique de l’évolution du coût du dispositif avant les modifications introduites en loi de finances pour 2018 et précise l’incidence budgétaire de la prorogation du dispositif pour quatre années. Le coût budgétaire de la réduction d’impôt « Pinel » intégrant la prorogation de quatre ans, à compter du 1er janvier 2018 jusqu’au 31 décembre 2021, pour les seuls logements situés dans les zones A, A bis et B1, est décomposé par année de prorogation dans le tableau suivant.

Évolution du coÛt de la rÉduction d’impÔt « Pinel »
par annÉe d’incidence budgÉtaire

(en millions d’euros)

Années dincidence budgétaire

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

2031

2032

2033

2034

2035

2036

Coût de la RI « Pinel » avant prorogation

597

708

704

682

632

564

474

357

237

137

55

31

13

Coût de la RI Pinel au titre des investissements réalisés en 2018

59

99

198

198

198

198

180

169

140

105

82

23

16

12

Coût de la RI Pinel au titre des investissements réalisés en 2019

61

101

202

202

202

202

184

172

143

107

83

24

17

12

Coût de la RI Pinel au titre des investissements réalisés en 2020

62

103

206

206

206

206

188

176

146

110

85

24

17

12

Coût de la RI Pinel au titre des investissements réalisés en 2021

63

105

211

211

211

211

192

180

149

112

87

25

17

12

Coût total de la RI « Pinel » prorogée de quatre ans

656

867

1 065

1 248

1 343

1 380

1 273

1 127

948

753

570

397

250

140

54

30

12

Source : direction de la législation fiscale (DLF). Les estimations et les chroniques budgétaires fournies s’appuient sur les données déclaratives au titre de l’imposition des revenus 2014 et 2015 à la sixième émission et 2016 à la deuxième émission.

Les pertes de recettes résultant de la prorogation pour quatre années supplémentaires du dispositif et de son recentrage sur les zones A, A bis et B1 sont estimées à 59 millions d’euros en 2019, 159 millions d’euros en 2020 et 360 millions d’euros en 2021.

Le coût total de la prorogation pour la période 2019-2035 est évalué à 6,9 milliards d’euros, réparti selon la chronique budgétaire présentée dans le tableau suivant ([88]).

CoÛt budgÉtaire de la prorogation de la réduction d’impôt pour la pÉriode 2019-2035

(en millions d’euros)

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

2031

2032

2033

2034

2035

59

159

360

566

711

816

799

770

711

616

515

365

237

140

54

30

12

Source : direction de la législation fiscale (DLF).

Pour chaque millésime d’investissements sur la période couverte par la prorogation, le coût générationnel est estimé à :

CoÛt gÉnÉrationnel sur la pÉriode couverte par la prorogation du CITE

(en milliards d’euros)

2018

2019

2020

2021

1,7

1,7

1,7

1,8

Source : direction de la législation fiscale (DLF).

Il convient de souligner qu’à ces estimations totales, s’ajoutent le coût associé aux dispositions transitoires permettant de maintenir l’éligibilité à la réduction d’impôt des investissements dans les communes situées en zones B2 et C ainsi que celui des investissements réalisés dans des communes couvertes par un CRSD.

Non précisés au moment du moment du débat sur le projet de loi de finances pour 2018, les effets du recentrage du dispositif peuvent aujourd’hui être partiellement appréhendés à partir des données transmises au Rapporteur général. Si les effets de la modification du zonage sur les bénéficiaires potentiels sont difficiles à évaluer, les services de la DHUP ont communiqué leurs estimations sur le montant de la dépense fiscale pour les années 2018 à 2022 avant et après recentrage du dispositif ainsi que la dépense moyenne par logement, en l’espèce, constante.

Évolution de la dÉpense fiscale associée à la réduction d’impôt « Pinel » avant et aprÈs le recentrage du dispositif
intervenu en loi de finances pour 2018

(en millions d’euros)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

Dépense fiscale sans recentrage

551

779

1 016

1 251

1 478

Dépense fiscale avec recentrage

551

770

992

1 195

1 390

Source : direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP).

Le Rapporteur général n’a pas obtenu de réponse sur les effets associés à l’application du dispositif aux communes couvertes par un CRSD. La DHUP a toutefois indiqué qu’en 2018, 160 communes étaient couvertes par un CRSD en vigueur et estime que le coût pour les finances publiques « peut être considéré comme négligeable », la population des communes couvertes par un CRSD situées en zone B2 et C étant inférieure à 300 000 habitants.

S’il n’a pas été isolé, le coût des dispositions transitoires (maintien pour zones B2 et C) peut, sans doute, être également considéré comme marginal. Selon la Cour des comptes, les investissements réalisés dans le cadre du dispositif « Pinel » en zone A bis, A et B1 représentaient, en 2014 et en 2015, 87 % des investissements totaux réalisés dans le cadre du dispositif. Les investissements réalisés en zone B2 et C ne constituent ainsi qu’une part – et donc un coût – relativement modestes par rapport à l’ensemble.

b.   Un dispositif dont les bénéfices sont concentrés sur les ménages les plus aisés

Le nombre de foyers déclarant une réduction dimpôt « Pinel » connaît une progression notable. Entre 2014 et 2016, leur nombre a augmenté de plus de 90 %, passant d’un peu moins de 5 000 à plus de 72 000.

Ensemble des foyers dÉclarant la rÉduction d’impÔt « Pinel »

Année de revenus

Foyer déclarant une réduction dimpôt « Pinel »

Foyers déclarant un investissement au titre du « Pinel »

Foyers déclarant un report du « Pinel »

Métropole

DOM

Nombre

Montant
(en millions d’euros)

Nombre

Montant (en millions d’euros)

Nombre

Montant (en millions d’euros)

2014

4 873

4 597

815

278

41

0

0

2015

28 815

23 527

4 174

719

132

4 820

75

2016

72 084

44 261

7 915

1079

197

27 716

586

Source : direction de la législation fiscale (DLF). Les données indiquées ci-dessus ont été déterminées à la sixième émission de l’imposition des revenus 2014, 2015 et 2016.

Interrogés par le Rapporteur général, les services de la DGFiP ont indiqué ne pas être en mesure d’identifier, parmi les foyers déclarants une réduction d’impôt au titre du dispositif « Pinel » :

– les bailleurs individuels et les ménages ayant souscrit à des parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) et, pour chaque cas, la dépense fiscale afférente ;

– le nombre de bénéficiaires indirects du dispositif, c’est-à-dire le nombre de ménages logés.

En revanche, un chiffrage du montant moyen de la réduction dimpôt par foyer fiscal déclarant un investissement et/ou un report de réduction d’impôt a été transmis et est présenté dans le tableau ci-dessous. Le montant moyen entre 2014 et 2016 est en légère augmentation et compris, sur la période, entre 3 200 et 3 800 euros.

Montant moyen de la réduction d’impôt « Pinel » au titre des investissements et/ou report de réduction d’impôt

(en euros)

Année de revenus

Montant moyen de la réduction dimpôt

2014

3 292

2015

3 499

2016

3 770

Source : direction de la législation fiscale (DLF).

L’analyse de la situation des foyers fiscaux bénéficiant de la réduction d’impôt « Pinel » révèle une concentration sur les ménages appartenant aux déciles supérieurs de revenus. Le tableau ci-après, transmis au Rapporteur général par la direction de la législation fiscale (DLF), présente la ventilation par décile de revenu fiscal de référence (RFR) du montant de réduction d’impôt imputé relative aux dispositifs « Pinel » et « Duflot » pour les foyers fiscaux bénéficiaires de ces dispositifs au titre des revenus 2016 ([89]).

ventilation par décile de revenu fiscal de référence (RFR) du montant de la réduction d’impôt des dispositifs « Pinel-Duflot » imputé au titre des revenus 2016

Déciles de revenu fiscal de référence (RFR) des foyers fiscaux bénéficiaires de la réduction dimpôt « Pinel-Duflot »

Nombre de foyers fiscaux bénéficiaires de la réduction dimpôt « Pinel-Duflot »

Montant
de réduction dimpôt « Pinel-Duflot » imputé
(en millions d’euros)

RFR <= 35 358

10 066

18,3

35 358 < RFR <= 44 944,5

10 065

26,7

44 944,5 < RFR <= 52 847

10 066

30,7

52 847 < RFR <= 60 054

10 067

34,0

60 054 < RFR <= 67 511

10 064

36,9

67 511 < RFR <= 76 077

10 066

39,9

76 077 < RFR <= 86 574

10 065

42,9

86 574 < RFR <= 102 188,5

10 065

46,5

102 188,5 < RFR <= 133 208

10 066

51,9

RFR > 133 208

10 065

61,5

TOTAL

100 655

389,4

Source : direction de la législation fiscale (DLF).

Selon les informations transmises au Rapporteur général, 100 655 des 103 334 foyers fiscaux ayant déclaré des investissements éligibles à la réduction d’impôt au titre des revenus de 2016 en ont effectivement bénéficié, pour un montant total de 398,4 millions d’euros.

Parmi les foyers fiscaux bénéficiaires, plus de 70 % ont un RFR compris entre 53 000 et 60 000 euros et 80 % ont un RFR compris entre 45 000 et 52 850 euros. L’immense majorité des bénéficiaires se situe ainsi dans les déciles supérieurs.

C’est également le constat que dressait, pour l’année 2013, la Cour des comptes dans un référé portant sur les dépenses fiscales en faveur de l’investissement locatif des ménages ([90]). Selon elle, les avantages fiscaux bénéficient principalement à des ménages dont les revenus sont relativement élevés :

– 45 % des bénéficiaires se situaient en 2013 dans la tranche d’imposition comprise entre 27 000 et 71 000 euros (entre la deuxième et troisième tranche d’impôt sur le revenu) ;

– près du quart appartenait à la tranche comprise entre 71 000 et 151 000 euros (quatrième tranche de l’impôt sur le revenu ([91])).

2.   Un dispositif in fine peu maîtrisé

Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques publié en juin 2017 ([92]), la Cour des comptes relevait que les dispositifs d’incitation fiscale à l’investissement locatif « nont jamais été évalués par leurs différents concepteurs et quils ne faisaient pas lobjet de contrôles permettant de sassurer que les contreparties des allégements fiscaux ont bien été assurées sur la durée impartie ». Ce constat, qui a notamment motivé la demande de remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement avant le 1er septembre 2019 ([93]), a depuis été étoffé.

a.   Une efficacité difficile à apprécier

Dans le référé de janvier 2018 précité ([94]), la Cour des comptes a présenté le résultat de l’enquête conduite sur les dépenses fiscales consenties, au titre de l’article 199 novovicies du CGI au cours des exercices 2009 à 2016. Les conclusions de l’enquête, préoccupantes, plaident pour que soit menée une réflexion d’envergure visant à améliorer et, le cas échéant, réformer les dispositifs fiscaux en faveur de l’investissement locatif, de manière générale, et le dispositif « Pinel » en particulier.

La Cour estime en effet que « l’insuffisance des données permettant de mesurer lefficacité de ces dépenses fiscales et de mieux connaître leurs bénéficiaires tant directs (…) quindirects (…) conduit à priver le Parlement dune information quantitative et qualitative nécessaire. En fait, ces régimes accordant des avantages fiscaux sont reconduits ou modifiés sur le fondement dhypothèses faites par ladministration, voire par des groupes dintérêt sectoriels, et non à partir dune évaluation fiable et objective de leur efficacité comparée à dautres modes dintervention ».

Rappelant que les dépenses fiscales étudiées ont été estimées à 1,7 milliard d’euros en 2016, la Cour souligne que les dispositifs en vigueur sont coûteux « au regard de leur efficacité », que les contrôles ne sont pas satisfaisants et qu’elles présentent in fine « un intérêt limité ».

i.   Des effets incertains sur la construction de logements neufs

Objectif premier du dispositif ([95]), la construction de logements nouveaux associée au « Pinel » est pourtant extrêmement difficile à évaluer. Les décisions d’investissement sont, par nature, incertaines et les éléments qui président à leur engagement souvent nombreuses et peu dissociables les uns des autres. Il n’est, par conséquent, pas aisé d’isoler, d’une part, les effets du dispositif sur la construction de logements neufs et, d’autre part, dans les éléments qui président à la décision d’investissement, la part qui relève du dispositif « Pinel ».

Le Gouvernement indiquait, dans l’évaluation préalable du projet de loi de finances pour 2018, à partir de données transmises par la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) que, depuis la mise en place de la réduction d’impôt « Pinel » au 1er septembre 2014, la relance de la production de logements neufs a été constante ([96]). Interrogé sur ce sujet par le Rapporteur général dans le cadre des travaux préparatoires au présent rapport, les services de la DHUP ont transmis des chiffres actualisés provenant également de la FPI et concluent que « la forte reprise du marché témoigne de la réussite du dispositif " Pinel " qui répond aux attentes des investisseurs et qui constitue, de fait, un moteur pour la relance de la construction ». Le tableau ci-dessous retrace l’évolution des réservations de logements depuis 2013.

Évolution des rÉservations À investisseurs

Année

2013

2014

2015

2016

2017

Réservations à investisseurs (FPI)

34 307

36 573

53 187

67 284

69 558

Source : direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), à partir des données transmises par la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI).

Par ailleurs, selon les données publiques disponibles sur le site internet de l’observatoire de l’immobilier de la FPI, l’entrée en vigueur du dispositif « Pinel » explique en partie la hausse de plus de 23 % des réservations à investisseurs enregistrée entre 2015 et 2016 ([97]). S’agissant des ventes nettes aux investisseurs, la FPI indique une évolution de 3,7 % entre 2016 et 2017 où le nombre total de ventes sur l’année est passé de 61 325 (soit 53 % du total des ventes au détail) à 63 588 (soit 54 % du total des ventes au détail) ([98]).

Pour le premier trimestre 2018, la FPI indique que les ventes au détail ont baissé de 9,4 % par rapport au premier trimestre 2017 et que la demande des investisseurs se « tasse » (– 7,4 %).

Particulièrement dynamiques ([99]), les dépenses fiscales semblent n’avoir qu’un effet limité sur le secteur de la construction et créer, en outre, des effets d’aubaine ([100]). La Cour des comptes estime toutefois, qu’en l’absence de travaux économiques suffisants, aucune conclusion ne peut être dressée « quant à la portée, voire à la réalité de leffet déclencheur de ces aides » sur la production de logements locatifs.

Les prorogations successives du dispositif semblent lui avoir conféré un caractère pérenne conduisant certains « experts consultés par la Cour à évoquer un phénomène "daccoutumance", voire "daddiction" des acteurs à ces aides fiscales », qui constitue de fortes réticences à toute modification du dispositif.

ii.   Des effets contradictoires avec les objectifs poursuivis

En outre, les effets modérateurs des dispositifs sur les loyers de marché ne sont pas avérés et certaines situations critiques ont été relevées par la Cour. À titre d’illustration, dans certaines zones, il a été constaté que les loyers pourtant plafonnés relevant du dispositif « Pinel » étaient de l’ordre de 10 à 20 % et de 5 à 15 % plus élevés que les loyers de marché, respectivement en zone B1 et en zone B2.

La Cour des comptes relève également que le ciblage du dispositif est perfectible : les aides fiscales ont progressivement été limitées à certaines zones géographiques mais cela a contribué à concentrer la production sur « des zones plus tendues mais pas nécessairement sur celles où la tension entre offre et demande de logements est la plus forte ».

b.   Un contrôle insuffisant

Le suivi et la gestion par l’administration des dispositifs analysés par la Cour dans son enquête ne sont pas satisfaisants : la Cour estime, en effet, que « ladministration ne connaît pas avec exactitude le nombre et la durée réelle de mise en location des logements construits ou réhabilités grâce à ces aides, pas plus que le profil socio-économique des ménages qui y sont logés ».

Ce constat, également appuyé par les réponses transmises au Rapporteur général, est regrettable. Les services de la DGFiP ont en effet indiqué que leurs outils informatiques ne permettaient pas de :

«  dénombrer les bailleurs individuels et les ménages ayant souscrit à des parts de SCPI ainsi que la dépense fiscale afférente ni les bénéficiaires indirects du dispositif (ménages logés).

«  déterminer le montant moyen de la dépense fiscale par logement. »

En outre, les contreparties des avantages fiscaux consentis aux contribuables et les conditions pour bénéficier, tant des avantages, que des logements dans les conditions prévues par la loi, ne font pas l’objet d’un contrôle systématique. Les données informatiques détenues par l’administration ne sont pas exploitées et ne font que « rarement l’objet de contrôles fiscaux ».

Dans le cadre du contradictoire de la procédure de référé, le Gouvernement a fait part de ses observations à la Cour, dans un courrier en date du 16 avril 2018. Le Premier ministre y reprend à son compte les observations générales relatives à l’efficacité des dispositifs mais indique notamment que :

– le coût générationnel du dispositif « Pinel » a été réduit de 1,9 milliard d’euros à 1,7 milliard d’euros grâce au dispositif de recentrage introduit par l’article 68 de la loi de finances pour 2018 ;

– les modalités d’échanges et communication des données entre la DHUP et la DGFiP pourraient, « sous réserve du coût et de la faisabilité technique de lopération » être automatisées. Des précisions sur ce processus pourront être demandées au Gouvernement lors de la discussion sur le prochain projet loi de finances.

Outre les difficultés méthodologiques inhérentes à l’identification des effets des modifications de certains paramètres d’un dispositif fiscal sur l’environnement économique, l’absence de travaux académiques approfondis et la dépendance de facto aux données des acteurs de la filière concernée appelle plusieurs remarques. En premier lieu, il est regrettable que le Gouvernement – et, par conséquent, le Parlement – ne dispose pas d’éléments techniques fiables sur les conséquences des réformes qu’il porte/accompagne. Dans ces conditions, le travail d’évaluation est fortement contraint et le souci de veiller à l’efficience de la dépense publique nécessairement contrarié.

À la lumière de ces éléments, le Rapporteur général estime :

– nécessaire de renforcer les contrôles de cohérence a priori et a posteriori que les réductions d’impôt sont bien octroyées conformément aux dispositions légales et réglementaires

– qu’il pourrait être envisagé de rétablir l’interdiction pour le contribuable de louer son bien à l’un de ses ascendants ou descendants étant donné que l’objectif d’accès au logement semble peu compatible avec le fait que ce soient des contribuables aux revenus les plus élevés qui bénéficient des réductions d’impôt.

Le Rapporteur général s’étonne que de tels dispositifs ne soient pas parfaitement évalués avant d’être modifiés.


III.   Le Prêt à taux zéro

A.   L’État du droit

Créé par l’article 90 de la loi de finances pour 2011 ([101]), le prêt à taux zéro (PTZ) est un prêt ne portant pas intérêt consenti par les établissements de crédits et les sociétés de financement aux ménages pour contribuer au financement de leur résidence principale, dans le cadre d’une première accession à la propriété.

Les conditions du prêt sont fonction du coût de l’opération, de la composition et des ressources du ménage, de la localisation du logement dans une zone géographique, du caractère neuf du logement ou, pour un logement ancien, du respect de la condition de travaux de réhabilitation.

Initialement prévu pour être émis du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014, le PTZ a été maintenu pour trois années supplémentaires par la loi de finances pour 2015 ([102]).

L’article 83 de la loi de finances pour 2018 ([103]) a prorogé le dispositif pour quatre années supplémentaires.

Le dispositif a recentré l’aide à l’accession des ménages sur les zones tendues pour les logements neufs. Ainsi, les logements neufs construits en zones détendues ne pourront plus bénéficier de PTZ que durant deux années supplémentaires, et à une quotité de prêt inférieure : 20 %, contre 40 % auparavant.

Les logements anciens bénéficient, eux, de la prorogation du dispositif en zones détendues. Ainsi, le PTZ est désormais utilisé comme un outil de rénovation des centres-bourgs, pour en réhabiliter les logements. Il est réservé aux opérations d’acquisition-amélioration dans les zones ne se caractérisent pas par un déséquilibre important entre l’offre et la demande de logements, classées B2 et C.

Le PTZ a également été maintenu pour les logements neufs situés dans une commune signataire d’un contrat de redynamisation de sites de défense (CRSD), indépendamment du zonage. Les mêmes remarques que celles faites par le Rapporteur général sur le maintien des mesures réduction d’impôt en faveur de l’investissement locatif intermédiaire « Pinel » dans les CRSD s’appliquent au PTZ (cf. II de la présente partie).

Le Gouvernement remettra au Parlement, avant le 1er septembre 2018, un rapport d’évaluation des zones géographiques établies pour son attribution et avant le 1er septembre 2019, un rapport d’évaluation du dispositif du PTZ, notamment afin d’apprécier la pertinence des critères retenus pour le classement des communes au regard des besoins des territoires concernés.

B.   Les Mesures d’application

Le troisième alinéa du 1° de l’article 83 de la loi de finances pour 2018 précitée dispose : « Un arrêté des ministres chargés du budget et du logement établit le classement des communes par zone géographique, en fonction principalement des besoins en logements ainsi que du montant des prix de vente et des loyers de l'immobilier résidentiel. »

En effet, le classement des communes en zones repose actuellement sur l’arrêté du 1er août 2014 pris en application de l’article R. 304-1 du code de la construction et de l’habitation ([104]). L’évolution de l’habitat et des mouvements de population rend cette liste au moins partiellement obsolète.

Suite aux demandes du Rapporteur général, la direction de la législation fiscale et la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) ont fait savoir que l’arrêté est en cours de préparation.

Le Rapporteur général souhaite néanmoins souligner qu’aucun calendrier ne lui a été transmis.

C.   L’évaluation du dispositif

L’objectif de la mesure de reconduction du dispositif par la loi de finances pour 2018 était de maintenir, pour quatre années supplémentaires, un dispositif de soutien à l’accession des ménages aux revenus modestes et intermédiaires.

nombre de ptz selon la taille du foyer et la catégorie socio-professionnelle de l’emprunteur en 2017

CSP / Foyer

1 personne

2 personnes

3 personnes

4 personnes

5 personnes et plus

Total

Agriculteur

207

294

226

213

74

1 014

Artisan, commerçant, chef dentreprise

689

968

954

946

401

3 975

Cadre

4 375

4 222

3 045

2 486

926

15 054

Profession intermédiaire

7 947

8 279

6 028

4 269

1 688

28 211

Employé

11 862

12 740

9 493

7 037

2 057

43 813

Ouvrier

7 525

7 576

6 192

5 120

2 711

29 124

Retraité

205

215

48

29

16

513

Inactif

250

543

303

517

307

2 064

Total

33 060

34 837

26 289

20 617

8 181

123 784

Source : commission des finances à partir des données de la Société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS).

En effet les PTZ concernent principalement les employés, ouvriers et professions intermédiaires, qui constituent 81,7 % des bénéficiaires en 2017.

La mesure de réduction de la quotité, avant son recentrage sur les zones les plus tendues, doit permettre de concentrer l’aide à l’accession des ménages sur les territoires où il est le plus difficile d’accéder à un logement en raison de prix de l’immobilier trop élevés. En 2017, les PTZ accordés dans les zones A et B, les plus tendues, étaient en effet minoritaires.

opÉrations de ptz financées en 2017 par zonage

Zone

Effectif

Zone A

22 850 (18,45 %)

Zone B

23 556 (19,02 %)

Zone B2

24 310 (19,63 %)

Zone C

53 032 (42,84 %)

Total

123 784

Source : SGFGAS.

Ces mesures doivent également permettre de soutenir l’offre de logements neufs, ce qui doit conduire à détendre le marché locatif en accroissant l’offre de logements disponibles.

opÉrations financées par type en 2017

Type de logement

Nombre de logements

Neuf

96 535 (78,01 %)

Ancien

27 213 (21,99 %)

Source : SGFGAS.

En 2017, la dispersion des PTZ est inégale sur le territoire.

RÉpartition gÉographique des prÊts À taux zÉro en 2017

D:\Utilisateurs\alenormand\Mes documents\Mes images\Répartition PTZ 2017.JPG Source : données direction de la législation fiscale ; logiciel Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) 2018 – IGN GéoFla ; traitement des données commission des finances.

La prorogation du dispositif possède un impact non négligeable sur les finances publiques. Cet impact a été estimé dans les documents budgétaires.

La dépense fiscale du ptz depuis 2012

(en millions d’euros)

Dépense fiscale

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018 (estimation)

Montant

1 257

1 241

1 182

1 065

935

776

951

Sources : Cour des comptes et tome II du fascicule Évaluations des voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2018.

La direction de la législation fiscale n’ayant pas eu les moyens de répondre sur le PTZ au Rapporteur général, ce dernier a mobilisé directement la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), placée sous la double autorité du ministère de la transition écologique et solidaire et celle du ministère de la cohésion des territoires.

1.   Le nombre de bénéficiaires de PTZ devrait diminuer en 2018 par rapport à 2017

En 2018, et conformément à l’étude d’impact annexée au décret du 30 décembre 2017 relatif aux prêts ne portant pas intérêt consentis pour financer la primo-accession à la propriété ([105]), environ 108 000 PTZ sont attendus.

Pour autant, la DHUP constate un effet de report sur le quatrième trimestre de l’année 2017 suite à l’annonce de la réforme en octobre 2017. Ainsi, un certain nombre de prêts, dont le nombre n’est pas estimé par la DHUP, ont été émis en 2017, alors qu’ils auraient dû l’être en 2018. De fait, le nombre de PTZ émis en 2018 pourrait être inférieur à celui mentionné dans les documents budgétaires.

2.   Les premiers éléments statistiques indiquent un recentrage des PTZ émis sur les zones les plus tendues

En 2017, 37 % des PTZ ont été émis en zones A et B.

Selon les informations apportées au Rapporteur général, 47 % des PTZ émis au premier trimestre 2018 l’ont été en zones A et B, soit une augmentation de 27 % par rapport à l’année 2017.

opÉrations de ptz financées au T1 2018 par zonage

Zone

Effectif

Zone A

3 315 (27 %)

Zone B

2 472 (20 %)

Zone B2

1 961 (16 %)

Zone C

4 406 (36 %)

Total

12 154

Source : direction de l’urbanisme, de l’habitat et des paysages (DHUP).

3.   Les chiffres du premier trimestre 2018 indiquent une augmentation des PTZ accordés pour réfaction de l’ancien

En 2017, 21,99 % des PTZ ont été accordés pour de l’immobilier ancien, et 81,99 % pour de l’immobilier neuf.

La loi de finances pour 2018 a souhaité recentrer l’aide à l’accession des ménages et le soutien de la production de logements neufs dans les zones tendues d’une part, et le soutien à la rénovation de logements anciens dans les zones détendues d’autre part.

Selon les chiffres transmis par la DHUP, le nombre de PTZ émis au premier trimestre 2018 dans l’ancien est de 30 %, soit une augmentation de 36,36 % par rapport à l’année 2017.

opérations financées par type au premier trimestre 2018
par rapport au premier trimestre 2017

Type de PTZ

Effectif T1 2018

Effectif T1 2017

Neuf

8 527 (70 %)

14 444 (75 %)

Ancien

3 627 (30 %)

4 840 (25 %)

Dont sous quotité de travaux

3 306 (27 %)

4 459 (23 %)

Dont HLM

301 (3 %)

381 (2 %)

Total

12 154

19 284

Source : DHUP pour 2018, SGFGAS pour 2017.

Le nombre de PTZ accordés est en baisse sensible au premier trimestre 2018 par rapport au premier trimestre 2017, mais l’orientation souhaitée par le législateur semble tenue. En effet, le nombre de PTZ accordés dans le neuf est en diminution, mais recentré dans les zones les plus tendues. Dans le même temps, le nombre de PTZ accordés dans l’ancien augmente, y compris, de manière relative, pour les HLM.

4.   Le PTZ est un dispositif qui vise toujours les ménages aux revenus intermédiaires

Les PTZ concernent principalement les employés, ouvriers et professions intermédiaires, qui constituent 81,7 % des bénéficiaires en 2017.

Au premier trimestre 2018, le revenu moyen d’un ménage bénéficiaire d’un PTZ était de 24 723 euros annuels.

nombre de bénéficiaires de ptz selon le décile de revenu fiscal
de référence du foyer

Décile de RFR

Effectif

D1 : inférieur à 6 891 

494

D2 : de 6 892 à 10 874 

476

D3 : de 10 875 à 13 930 

815

D4 : de 13 931 à 16 627 

1 211

D5 : de 16 628 à 19 255 

1 189

D6 : de 19 256 à 22 072 

1 223

D7 : de 22 073 à 25 437 

1 338

D8 : de 25 438 à 30 088 

1 838

D9 : de 30 089 à 38 658 

2 291

D10 : supérieur à 38 658 

1 279

Total

12 154

Source : DHUP.


IV.   Le Dégrèvement de la taxe d’habitation sur la résidence principale

Instauré par la loi de finances pour 2018, le dégrèvement intégral de la taxe d’habitation (TH) au titre de l’habitation principale sera effectif à compter de 2020 pour 80 % des foyers. Une mise en place en trois étapes est prévue : un dégrèvement de 30 % en 2018, de 65 % en 2019 et de 100 % en 2020.

Le dispositif introduit en loi de finances pour 2018 ne supprime pas les mécanismes d’exonération existants ([106]). Il ajoute un nouveau mécanisme de dégrèvement progressif dont la conséquence, à terme, est de supprimer le paiement de la TH pour 80 % des foyers en 2020. Par la suite, le Président de la République a annoncé la suppression définitive de la TH à l’horizon 2020-2021 pour l’ensemble des contribuables. Les modalités concrètes de cette suppression ainsi que la compensation de la perte de recettes pour les collectivités ne sont pas l’objet du présent commentaire.

A.   un dégrèvement qui vient s’ajouter aux dispositifs et mécanismes existants

1.   La taxe d’habitation, un impôt assorti de plusieurs exonérations et mécanismes de dégrèvement

L’architecture d’ensemble de la TH a été longuement commentée dans le rapport général relatif au projet de loi de finances réalisé à l’automne 2017 ([107]). Pour mémoire, il convient de rappeler, de manière simplifiée, que :

– la TH est due au 1er janvier de l’année d’imposition, par l’occupant d’un immeuble affecté à l’habitation, comme résidence principale ou secondaire, quelle que soit sa qualité (propriétaire ou locataire) ([108]) ;

– le foyer fiscal au sens de la TH n’est pas le même que pour l’impôt sur le revenu : un foyer fiscal au sens de la TH peut ainsi compter plusieurs foyers fiscaux au sens de l’impôt sur le revenu.

La TH est associée à plusieurs régimes d’exonérations
– générales ou particulières –, fait l’objet d’abattements – obligatoires ou facultatifs –, et de plafonnements.

a.   Les exonérations de certains locaux et les abattements sur la valeur locative des habitations

De manière générale, les abattements et les exonérations ont pour effet de réduire, de manière cumulée, les valeurs locatives brutes denviron 23 %.

i.   Les locaux soumis à la TH

Locaux soumis à la TH
(article 1407 du CGI)

Locaux exonérés de TH
(article 1408 du CGI)

– immeubles affectés à l’usage d’habitation, à titre principal ou secondaire

– locaux meublés conformément à leur destination et occupés à titre privatif par les sociétés, associations et organismes privés qui ne sont pas retenus pour l’établissement de la cotisation foncière des entreprises

– locaux meublés sans caractère industriel ou commercial occupés par les organismes de l’État, des départements et des communes, ainsi que par des établissements publics

– établissements publics scientifiques, d’enseignement et d’assistance

– Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et centres de gestion de la fonction publique territoriale

– résidence officielle des ambassadeurs et agents diplomatiques de nationalité étrangère, dans la mesure où les pays qu’ils représentent concèdent des avantages analogues aux ambassadeurs et agents diplomatiques français

– locaux classés meublés de tourisme et chambres d’hôtes, sur décision des communes dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) (facultatif)

De plus, dans certaines zones urbaines de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, les communes (ou les établissements de coopération intercommunale) peuvent décider de soumettre à la TH les locaux vacants depuis plus de deux ans.

ii.   Les abattements sur la valeur locative des habitations et de leurs dépendances sur laquelle est assise la TH

Définie à l’article 1409 du CGI, l’assiette de la TH repose sur la valeur locative cadastrale des habitations et de leurs dépendances et peut être amputée d’abattements obligatoires ou facultatifs. Le tableau ci-dessous indique, de manière simplifiée, les principaux abattements existants.

Abattements obligatoires

Abattements facultatifs

– abattement pour charge de famille fixé à 10 % de la valeur locative moyenne des habitations de la commune pour chacune des deux premières personnes à charge (à titre exclusif ou principal) et à 15 % pour chacune des suivantes

– abattement général à la base (en % dans le respect d’un plafond de 15 %)

– abattement en faveur des personnes aux revenus modestes (en % dans le respect d’un plafond de 15 %)

– abattement en faveur des personnes handicapées ou invalides (entre 10 et 20 points de la valeur locative moyenne)

b.   Les exonérations de droit commun des contribuables et le mécanisme de plafonnement de la TH

i.   Les contribuables exonérés de TH

De manière générale, les dispositifs d’exonération de TH sont orientés vers les ménages aux revenus modestes et vers les personnes âgées. Le tableau ci-dessous rappelle les principales exonérations de droit commun.

Exonérations de droit commun pour certains contribuables

 titulaires de lallocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) dont les revenus nexcèdent pas 803 euros par mois pour une personne seule et 1 247 euros par mois pour un couple

 titulaires de lallocation supplémentaire dinvalidité (ASI) dont les revenus nexcèdent pas 704,8 euros par mois pour une personne seule et 1 234,5 euros par mois pour un couple

 contribuables âgés de plus de soixante ans et les veuves ou veufs, quel que soit leur âge, sous conditions de ressources et sils ne sont pas redevables de l’impôt sur la fortune immobilière au titre de l’année précédant celle de l’imposition à la taxe d’habitation ([109]) ; exonération applicable également s’ils occupent leur habitation avec leurs enfants majeurs et que ceux-ci sont inscrits comme demandeurs d’emploi et disposent de ressources inférieures ou égales au montant de l’abattement fixé au I de l’article 1414 A du CGI

 contribuables atteints dune infirmité ou dune invalidité les empêchant de subvenir par leur travail aux nécessités de lexistence, sous conditions de ressources

 titulaires de lallocation aux adultes handicapés (AAH), sous conditions de ressources

En outre, certains contribuables bénéficient d’une exonération appréciée, de manière dérogatoire, sur la base de plafonds de revenu fiscal de référence (RFR) supérieurs à ceux de droit commun. Il s’agit d’une clause de maintien des droits introduite au bénéfice des contribuables dans la loi de finances pour 2016 ([110]), afin de limiter les effets défavorables de la fiscalisation des majorations pour charges de familles ainsi que de la suppression de la demi-part dite « vieux parents », mesures toutes deux effectives en 2014 ([111]). Ces dernières ayant conduit à majorer le RFR par part de contribuable sans que leurs revenus n’aient nécessairement augmenté, le bénéfice des exonérations de TH et de contribution à l’audiovisuel public (CAP) pour un grand nombre de contribuables (essentiellement des personnes retraitées) a disparu.

Ainsi, les contribuables de plus de soixante ans, ou veufs ou veuves, qui relèvent de cette clause spécifique se voient appliquer des plafonds rehaussés de RFR pour bénéficier de l’exonération de TH et de l’exonération de CAP associée. Pour mémoire, le plafond majoré pour une part correspond à celui d’une part et demie du montant défini par le I de l’article 1417 du CGI.

Enfin, l’article 75 de la loi de finances pour 2016 a introduit un mécanisme de sortie en sifflet des exonérations de TH (et de taxe foncière). Il consiste à maintenir de manière temporaire le bénéfice des exonérations aux contribuables qui ne remplissent plus les conditions requises. Ce mécanisme de lissage, qui s’applique depuis 2015, a donc permis aux contribuables concernés de bénéficier de l’exonération de TH pendant les années 2016 et 2017. Progressive, la suppression du bénéfice de l’exonération conduit le redevable à s’acquitter d’un tiers de la TH en N + 3 (2018), de deux tiers de la TH en N + 4 (2019) et de la totalité de la TH en N + 5 (2020).

Le mécanisme de maintien des droits acquis décrit supra s’applique depuis 2017, puisque les redevables concernés par la clause ont bénéficié pendant les deux premières années (2015 et 2016) du dispositif de lissage de droit commun.

Au total, en 2016, près de 4 millions de foyers ont été exonérés de TH : près de 900 000 au titre de l’un des deux dispositifs introduit dans la loi de finances pour 2016 (360 000 au titre de la clause de maintien des droits acquis et plus de 530 000 au titre du dispositif en sifflet).

ii.   La réduction du montant dû au titre de la TH

Outre les exonérations précédemment rappelées, certains contribuables non exonérés peuvent bénéficier d’une réduction du montant dû au titre de la TH, grâce à l’application du mécanisme de plafonnement. Ainsi, les contribuables dont les revenus de l’année précédente n’excèdent pas les plafonds définis par la loi bénéficient d’un dégrèvement pour la fraction de leur cotisation qui excède 3,44 % de leur revenu (au sens du IV de l’article 1417 du CGI) diminué d’un abattement défini en valeur absolue ([112]).

PLAFOND DE REVENUS POUR LE PLAFONNEMENT DE TAXE D’HABITATION,
EN 2017, EN MÉTROPOLE

(en euros)

Nombre de part(s)

1

1,5

2

2,5

3

½ part supplémentaire

RFR

25 180

31 063

35 694

40 325

44 956

+ 4 631

Abattement à imputer sur le RFR

5 456

7 034

8 612

10 190

11 768

+ 2 790

Plafond de cotisation = (RFR-abattement) × 3,44 %

678,5

826,6

931,6

1 036,6

1 141,7

+ 63,3

Lecture : pour un RFR de 25 180 euros pour une part, la cotisation est au maximum de 678,5 euros. À titre d’exemple, un montant de 25 180 euros de RFR pour une part correspond à 2 331,50 euros de salaire mensuel.

Ces montants évoluent comme la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. La loi de finances a prévu une revalorisation de 1 % (prévision d’inflation 2017).

Pour le bénéfice du plafonnement, seul le niveau de RFR importe, en l’absence de toute condition d’âge, contrairement aux conditions posées pour le bénéfice de l’exonération. Ce plafonnement prend la forme d’un dégrèvement dont le montant est égal à la cotisation de TH diminuée de la valeur du plafond.

Enfin, un mécanisme de plafonnement du plafonnement vise à atténuer les effets de gel des taux et de gel des abattements pour les personnes aux revenus modestes (3 du III de l’article 1414 A du CGI).

c.   La situation des ménages vis-à-vis de la TH

i.   Le nombre de redevables

On estime que le nombre total de foyers soumis à la TH est légèrement inférieur à 30 millions ([113]). Le nombre de foyers s’acquittant effectivement de la TH est de 23,2 millions.

L’évaluation préalable au projet de loi de finances pour 2018 contient un tableau présentant la TH acquittée par décile de RFR par part (pour les seules résidences principales et pour 97 % d’entre elles). Les simulations ont été réalisées sur les 28,2 millions de résidences principales pour lesquelles les revenus du foyer TH ont pu être reconstitués.

Il ressort de ce tableau que le dernier décile de RFR acquitte un peu plus de 20 % du produit de la TH versée au titre des résidences principales ; par conséquent, la mesure introduite en loi de finances pour 2018 concerne en effet 80 % des foyers aux revenus les moins élevés. Environ 5 millions ([114]) de foyers ont une cotisation de TH au titre de leur résidence principale égale à zéro ; ce qui représente 18 % des foyers TH totaux.

Sur les 8,7 millions de foyers qui bénéficient du mécanisme de plafonnement, 7,5 millions voient leur TH minorée.

ii.   Les montants moyens acquittés

Compte tenu des modalités de calcul de la TH et des différents mécanismes présentés supra, il existe d’importantes disparités dans les montants acquittés de TH. L’évaluation préalable précitée indique toutefois que la TH moyenne acquittée est de 583 euros (calcul effectué sur la base du nombre de foyers redevables). En ne retenant que les foyers dont la cotisation n’est pas nulle, le montant moyen de cotisation s’élève à 705 euros.

2.   Un nouveau dégrèvement au champ d’application large

a.   80 % de ménages bénéficiaires de la mesure

Venant s’ajouter aux mécanismes existants, le nouveau dégrèvement a vocation à s’appliquer aux ménages qui ne bénéficient pas déjà d’une exonération et dont le RFR de l’année précédente n’excède pas les plafonds définis aux 1° et 2° du II bis de l’article 1417 du CGI.

Les seuils retenus s’établissent ainsi à 27 000 euros pour la première part de quotient familial, majorée de 8 000 euros pour les deux demi-parts suivantes et de 6 000 euros pour chaque demi-part suivante à compter de la troisième. Pour les contribuables dont le RFR est supérieur à ces plafonds mais inférieur à 28 000 euros pour la première part de quotient familial, majorée de 8 500 euros pour les deux demi-parts suivantes et de 6 000 euros pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la troisième.

Seuils de RFR et de revenus conditionnant l’éligibilité à la mesure
en fonction de la configuration du foyer

Seuils

Personne seule

(1 part)

Couple ou famille monoparentale avec un enfant

(2 parts)

Couple avec un enfant

(2,5 parts)

Couple avec deux enfants

(3 parts)

Couple avec trois enfants

(4 parts)

Niveaux de RFR conditionnant le bénéfice du dégrèvement dans sa totalité

27 000 euros

43 000 euros

49 000 euros

55 000 euros

67 000 euros

Niveau de salaire mensuel correspondant

2 500 euros

3 980 euros

4 540 euros

5 090 euros

6 200 euros

Point de sortie du mécanisme de lissage, au-delà duquel le dégrèvement sannule

28 000 euros

45 000 euros

51 000 euros

57 000 euros

69 000 euros

Niveau de salaire mensuel correspondant

2 592 euros

4 166 euros

4 722 euros

5 277 euros

3 689 euros

Source : commission des finances.

Compte tenu des seuils de RFR retenus, environ 80 % des ménages se trouvent dans le champ de la mesure, soit près de 22 millions de foyers de TH.

Pour mémoire, si la mise en œuvre de ce dégrèvement ne modifie pas l’architecture des dispositifs d’exonération existants, elle conduit toutefois à supprimer le mécanisme de plafonnement prévu par l’article 1414 A du CGI à compter de 2020, soit une fois que le dégrèvement sera de 100 % ou que la TH sera définitivement supprimée. Le dispositif introduit en loi de finances pour 2018, en annulant la totalité de la TH due, est plus favorable que le dispositif actuel de plafonnement.

b.   Une mise en œuvre progressive en plusieurs étapes successives

Compte tenu du coût associé de la mesure, estimé à 10,1 milliards d’euros selon l’étude d’impact du Gouvernement, l’entrée en vigueur est échelonnée sur trois années, entre 2018 et 2020. Par la suite, le Président de la République a annoncé la suppression de la taxe d’habitation de la résidence principale pour les 20 % de foyers non dégrevés, selon des modalités qui restent à définir.

L’ensemble des foyers se trouvant dans le champ du dispositif de dégrèvement en bénéficieront dès 2018 ; en revanche, le dégrèvement sera partiel, à hauteur de 30 % en 2018 et de 65 % en 2019, pour parvenir à 100 % en 2020. Les calculs s’effectuent, pour 2018 et 2019, sur la base du taux global d’imposition et des taux ou montants applicables en 2017. En revanche, pour 2020, les modalités de calcul sont les mêmes mais le mécanisme du plafonnement de la TH prévu par l’article 1414 A du CGI sera encore en vigueur, et s’appliquera aussi bien pour le calcul de la TH due en 2018 et en 2019 avant dégrèvement, que pour le calcul du dégrèvement pour les années 2018 et 2019.

Le choix de maintenir le mécanisme du plafonnement permet notamment d’éviter que certains foyers n’acquittent en 2018 une cotisation de TH après dégrèvement plus élevée que celle qu’ils auraient dû acquitter après plafonnement, sans la réforme. En effet, pour certains foyers, le plafonnement permet de réduire la TH acquittée d’un montant supérieur à 30 % – soit le montant du dégrèvement en 2018.

Exemple : un célibataire dont le RFR est égal à 18 000 euros en 2016 est redevable d’une TH de 700 euros en 2017, qui est ramenée après plafonnement à 430 euros.

En 2018, il bénéficiera d’un dégrèvement de TH égal à 30 % de la TH de 2017 (après plafonnement), soit 129 euros. Ce dégrèvement viendra s’appliquer à la TH de 2018 après plafonnement, qui par hypothèse reste stable, à 430 euros (1). La TH due par le contribuable en 2018 sera ramenée à 301 euros.

En suivant le même raisonnement, et en posant comme hypothèse que la TH et le RFR du contribuable restent stables, la TH due en 2019 sera ramenée à 150 euros. Elle sera nulle en 2020.

(1) Si le plafonnement avait été supprimé dès 2018, le contribuable aurait dû acquitter une TH de 490 euros (après dégrèvement de 30 % de 700 euros), soit un montant supérieur à celui de la TH après plafonnement, à 430 euros.

Évolution de la répartition des foyers TH entre foyers exonérés, plafonnés et dégrevés entre 2017 et 2020

Nombre de foyers

Avant réforme, en 2017

En 2018 et 2019

Après réforme, en 2020

Nombre de foyers exonérés de droit

3,8 millions

3,8 millions

3,8 millions

Nombre de foyers dont la cotisation est annulée par le plafonnement

1,2 million

1,2 million

 

Nombre de foyers dont la cotisation est minorée par le plafonnement

7,5 millions

17,2 millions

Nombre de foyers dont la cotisation est minorée par le nouveau dégrèvement

 

Nombre de foyers dont la cotisation est annulée par le nouveau dégrèvement

 

18,4 millions

Nombre de foyers s’acquittant de la totalité de leur TH

15,7 millions

6 millions

6 millions

Total

28,2 millions

28,2 millions

28,2 millions

Source : évaluation préalable et commission des finances.

Ainsi, ce sont 9,7 millions de foyers (15,7 – 6) qui bénéficieront in fine du nouveau dégrèvement de TH, soit 34 % du nombre total de foyers assujettis (28,2 millions). À horizon 2020, seuls 6 millions de foyers continueront à s’acquitter de l’intégralité de leur TH ; ce qui représente 21 % des foyers TH totaux.

B.   une mesure à mettre en regard des rÉformes concernant les mÉnages

Les effets du dégrèvement de la TH sur les ménages doivent être analysés dans le cadre, plus large, des réformes conduites par le Gouvernement concernant les ménages et ayant un impact sur leur pouvoir d’achat.

Dans cette perspective, il convient d’apprécier les effets combinés de la mesure relative au dégrèvement, d’une part, et de ceux liés à la hausse de 1,7 point de contribution sociale généralisée (CSG) introduite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 en contrepartie des baisses de cotisations salariales ([115]), d’autre part.

Présentée comme une mesure en faveur du pouvoir d’achat des ménages, associée à un gain de 1,45 % « de la rémunération brute pour la plus grande majorité des salariés », la suppression des cotisations salariales s’analyse comme un allégement des charges. Ses effets doivent toutefois être appréhendés finement et les personnes exclues de son champ d’application identifiées aussi précisément que possible.

1.   Une hausse du taux de CSG pour financer la baisse des cotisations salariales non compensée pour certains ménages

Introduite à l’article 8 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 ([116]), la hausse de CSG de 1,7 point pour toutes les catégories de revenus (déductible de l’impôt sur le revenu) est entrée en vigueur le 1er janvier 2018.

Le tableau ci-dessous indique les taux désormais applicables en fonction de la catégorie de revenus et appelle les précisions suivantes :

 les revenus du capital sont concernés par la hausse de 1,7 point du taux de CSG ;

 les revenus de remplacement qui sont soumis à un taux réduit de CSG et certains autres revenus de remplacement (allocations chômage, indemnités journalières de sécurité sociale, notamment) ne sont pas concernés par la hausse de 1,7 point ; seuls les revenus de remplacement soumis au taux plein le taux de CSG « subiront » cette hausse.

Par conséquent, les pensions de retraite et dinvalidité des personnes dont le RFR de lannée N  2 excède les seuils définis au  du III de larticle L. 136-8 du code de la sécurité sociale (soit 14 375 euros pour une personne seule et 22 051 euros pour un couple) se voient appliquer, depuis le 1er janvier 2018, un taux de CSG de 8,3 %.

Évolution du taux de CSG pour les différentes catégories de revenu
en application de la réforme

Catégories de revenus

Droit applicable
jusquau 1er janvier 2018

Droit applicable
depuis le 1er janvier 2018

CSG déductible

CSG non déductible

Total

CSG déductible

CSG non déductible

Total

Revenus dactivité

5,1

2,4

7,5

6,8

2,4

9,2

Revenus de remplacement

 

 

 

 

 

 

Pensions de retraite et d’invalidité

4,2

2,4

6,6

5,9

2,4

8,3

Autres revenus de remplacement : allocations chômage, indemnités journalières de sécurité sociale…

3,8

2,4

6,2

3,8

2,4

6,2

Revenus de remplacement-taux réduit

3,8

0

3,8

3,8

0

3,8

Revenus de remplacement-taux nul

0

0

0

0

0

0

Revenus du capital

5,1

3,1

8,2

6,8

3,1

9,9

Source : commission des finances.

Le tableau ci-après présente les niveaux de RFR et les niveaux de revenus correspondants à compter desquels les retraités sont dans le champ de la hausse du taux de la CSG :

Niveaux de revenus

Célibataire (une part)

Célibataire avec demi-part (invalidité, « vieux parents)

(1,5 part)

Couples

(2 parts)

Couple avec demi-part (invalidité, ancien combattant)

Seuil de RFR à compter duquel les retraités sont dans le champ de la hausse de CSG

14 375 euros

18 213 euros

22 051 euros

25 889 euros

Niveau de pension mensuelle correspondante pour les moins de soixante-cinq ans

1 331 euros/mois

1 686 euros/mois

2 042 euros/mois

2 397 euros/mois

Niveau de pension mensuelle correspondante pour les plus de soixante-cinq ans

1 439 euros/mois

1 795 euros/mois

2 200 euros/mois

2 397 euros/mois

Source : commission des finances.

Pour une personne célibataire, la hausse du taux de CSG est applicable à partir de 1 300 euros par mois environ (RFR de 14 275 euros) ; pour un couple, à partir de 2 000 euros par mois environ (RFR de 22 051 euros).

Le tableau ci-dessous, réalisé par les services de la direction générale du trésor, fait apparaître le nombre de ménages se trouvant dans cette situation ainsi que les hausses moyenne et médiane de CSG acquitté sur ces revenus et les recettes fiscales associées.

Nombre de ménages concernés par la hausse de 1,7 point de la CSG
sur les pensions soumises au taux plein de CSG et sur les revenus
de placement et du patrimoine,
hausses moyennes et médianes de CSG acquittée

 

Types de ménages

Nombre de ménages concernés
(en millions)

Hausse moyenne de CSG acquittée sur ces revenus
(en euros par mois)

Hausse médiane de CSG acquittée sur ces revenus
(en euros par mois)

Recette liée à la hausse de la CSG sur ces revenus
(en milliards d’euros)

Ménages avec au moins une pension soumise au taux plein de CSG

7,0

50

45

4,5

Ménages avec des revenus de placement ou du patrimoine

9,4

18

6

2,1

Note :  Les résultats sont présentés sur le champ des ménages ordinaires de France métropolitaine. Seules les recettes liées à la hausse de CSG (dernière colonne) sont présentées sur l’ensemble des ménages de France entière. La hausse de CSG sur les revenus des jeux ne peut pas être simulée par le modèle. La hausse de recette serait de l’ordre de 25 millions d’euros.

Lecture :  7 millions de ménages sont perdants à la seule hausse du taux de CSG sur les pensions, et 9,4 millions à la seule hausse de la CSG sur les revenus du patrimoine (hors revenus des jeux). Certains ménages peuvent être perdants à la fois à la hausse de CSG sur les pensions et sur les revenus du patrimoine : les deux lignes du tableau ne peuvent donc pas être additionnées. Des ménages peuvent par ailleurs être partiellement ou totalement compensés par le dégrèvement progressif de taxe dhabitation ou si lun des membres du ménage est salarié du privé.

Source : Enquête Revenus Fiscaux et Sociaux (ERFS), calculs direction générale du trésor.

Il appelle les précisions dordre méthodologique suivantes : par souci de comparabilité avec les autres mesures mises en place par le Gouvernement, les effets de la hausse de la CSG sont appréciés au niveau du ménage dans son ensemble. Par conséquent, deux individus « perdants » à la hausse de CSG vivant sous le même toit ne représentent, dans le tableau ci-dessous, quun seul ménage. En outre, lanalyse nintégrant pas les effets de la baisse des cotisations salariales, les résultats présentés sont susceptibles de surestimer le nombre de ménages perdants. À titre dillustration, un ménage composé dun actif et dun retraité peut être considéré comme perdant au terme de cette analyse alors quil serait in fine gagnant après prise en compte des effets, sur son pouvoir dachat, de la baisse des cotisations salariales.

Ainsi, sous ces réserves, 7 millions de ménages sont concernés par la hausse de la CSG sur leur pension et 9,4 millions par la hausse de la CSG sur leurs revenus de placement ou du patrimoine.

Lanalyse des effets combinés des mesures relatives au taux de CSG et aux cotisations salariales fait apparaître certains « perdants », pour lesquels la baisse des cotisations sociales ne compense pas la hausse du taux de CSG. Compte tenu des éléments précédemment rappelés, il sagit des ménages qui perçoivent des pensions de retraite soumises au taux plein de CSG ainsi que des revenus du capital.

Les retraités « perdants » qui subiront la hausse du taux de CSG applicable à leur pension comptent parmi les retraités dont les revenus sont les plus élevés. Le tableau ci-dessous indique la répartition par décile de niveau de vie des ménages avec au moins une pension soumise au taux plein de CSG. Il apparaît que plus de la moitié de ces retraités (52,6 %) appartiennent aux huitième, neuvième et dixième déciles et plus de 80 % (82,6 %) aux sixième à dixième déciles. Plus de deux tiers (68 %) des ménages concernés par cette hausse gagnent plus de 25 500 euros par an (soit plus de 2 000 euros par mois).

Répartition par décile de niveau de vie des ménages
avec au moins une pension soumise au taux plein de CSG

Déciles de niveau de vie (calculés sur lensemble de la population)

Répartition des ménages avec une pension soumise au taux plein de CSG

Seuils des déciles de niveau de vie calculés par lInsee sur les revenus 2015 (en euros)

D1

n.s.

10 860

D2

n.s.

13 670

D3

0,9 %

15 970

D4

4,4 %

18 150

D5

11,7 %

20 300

D6

14,6 %

22 570

D7

15,4 %

25 500

D8

17,0 %

29 790

D9

17,2 %

37 510

D10

18,4 %

Champ : ménages ordinaires de France métropolitaine.

Lecture : 17 % des ménages avec une pension soumise au taux plein de CSG appartiennent au 8e décile de niveau de vie.

Source : ERFS, calculs direction générale du trésor (INSEE pour les seuils des déciles).

Par ailleurs, à la demande du Rapporteur général, la direction de la législation fiscale a fourni les résultats dune étude sur cas-type pour apprécier la hausse mensuelle de CSG acquittée dans le cadre de la réforme. Les résultats sont à considérer avec précaution, compte tenu de leur caractère archétypal et de limpossibilité de prendre en considération lensemble des situations individuelles susceptibles de modifier les résultats. Toutefois, il donne un ordre didée des effets de la hausse sur le pouvoir dachat des personnes retraitées. Il apparaît ainsi que :

 pour les retraités de moins de soixante-cinq ans, les effets de la hausse sont globalement comparables pour des pensions nettes mensuelles comprises entre 1 330 et 1 500 euros (entre 24 et 28 euros) ; que la CSG acquittée chaque mois croît ensuite plus rapidement entre 1 500 et 2 000 euros ; que son montant varie du simple au quadruple entre 2 500 et 10 000 euros.

 les variations du montant mensuel de CSG acquitté sont strictement identiques à partir de 1 450 euros, quel que soit lâge du pensionné (plus ou moins de soixante-cinq ans).

Étude sur cas-types de la hausse mensuelle de CSG acquittée dans le cadre de la bascule cotisations/CSG pour des ménages retraités

(en euros)

Niveau mensuel de pension nette de retraite perçue en labsence de réforme

Hausse mensuelle de CSG acquittée dans le cadre de la réforme  cas dun retraité de moins de soixante-cinq ans

Hausse mensuelle de CSG acquittée dans le cadre de la réforme  cas dun retraité de plus de soixante-cinq ans

1 300

0

0

1 330

24

0

1 350

25

0

1 400

26

0

1 450

27

27

1 500

28

28

1 750

32

32

1 850

34

34

2 000

37

37

2 500

46

46

3 000

55

55

4 000

73

73

5 000

92

92

7 000

129

129

10 000

184

184

Note :  Pour les retraités de plus de soixante-cinq ans, une même pension nette peut parfois correspondre à une situation avec un taux réduit de CSG ou avec un taux plein de CSG en fonction du niveau de RFR. Dans ces cas ambigus, on suppose que le retraité est dans la situation du taux plein (cas défavorable où il voit sa CSG augmenter).

Pour mémoire, limposition des revenus 2017, les retraités de plus de soixante-cinq ans bénéficient dun abattement spécial sur leur revenu net global, de 2 376 euros pour un célibataire dont le revenu net global 2017 est inférieur à 14 900 euros. Labattement est divisé par deux si le revenu net global est compris entre 14 900 euros et 24 000 euros, et nul au-delà.

Source : calculs direction général du trésor.

2.   Le dégrèvement progressif de la TH, une compensation partielle des « pertes » de pouvoir dachat résultant de la hausse non compensée du taux de CSG pour les retraités

Lévaluation de limpact des différentes mesures gouvernementales sur les ménages et, plus particulièrement, sur les retraités nécessite de croiser lensemble des données sur les effets de chacune des réformes. Établi de manière très claire par le Gouvernement, le lien entre la hausse de la CSG et le dégrèvement de TH permettra, pour certains ménages, dans une proportion plus ou moins importante selon les cas, de limiter les effets négatifs sur leur pouvoir dachat de la hausse du taux de CSG.

Interrogé sur ce sujet par le Rapporteur général, la direction de la législation fiscale a indiqué que le nombre de ménages perdants à la hausse de la CSG sur les pensions de retraite, après prise en compte de la suppression progressive de la TH pour 80 % des ménages les plus modestes, sélève à 3,2 millions en 2020.

L’existence et/ou l’accessibilité des données constitue toutefois un obstacle important dans cette démarche d’évaluation. Si la réforme concernant la TH a vocation à s’appliquer largement et que la majorité des contribuables bénéficiera in fine de tout ou partie des réformes précitées, certains ménages risquent de subir la hausse de la CSG et de continuer à s’acquitter de leur TH. Le Rapporteur général souhaitait identifier, aussi précisément que possible :

– le nombre de personnes susceptibles de ne bénéficier ni de la baisse des cotisations salariales ni du dégrèvement progressif de la TH ainsi que les profils de contribuables majoritairement représentés dans cette population ;

– au sein de cet ensemble, le nombre de contribuables qui en bénéficieront ainsi que les éventuels « gains » associés à la comparaison de ces deux mesures dont les effets sur le pouvoir d’achat des ménages sont strictement opposés.

Les réponses transmises au Rapporteur général indiquent que :

– les ménages « doublement perdants » sont ceux dont le RFR est supérieur aux seuils définis pour bénéficier du dégrèvement de TH et qui ne comptent en leur sein pas de salariés ou de non-salariés du secteur privé (ces derniers étant les gagnants des effets combinés de la hausse de la CSG et de la baisse des cotisations salariales). Parmi eux, seuls les titulaires d’une pension de retraite et les détenteurs de revenus du capital subiront une hausse non compensée du taux de CSG.

– sur les 9,6 millions de ménages qui ne bénéficieront pas des effets combinés de la « bascule cotisations/CSG », 5 millions bénéficieront du dégrèvement progressif de la TH ;

– sur les 7 millions de ménages qui sont concernés par la hausse du taux de CSG, plus des deux tiers (4,5 millions) bénéficieront du dégrèvement progressif de la TH ;

Tableau : Ménages concernés par la hausse de la CSG
sur les pensions soumises au taux plein de CSG

(en millions)

Ménages

2018-2020

2022

Ménages concernés par la hausse de la CSG sur les pensions

7

7

dont bénéficiant du dégrèvement de la taxe d’habitation

4,5

7

dont ne bénéficiant pas du dégrèvement de la taxe d’habitation

2,5

0

Champ :  ménages ordinaires de France métropolitaine, ménages comportant au moins un retraité dont la pension est soumise au taux plein de CSG.

Note :  seule la hausse de CSG sur les pensions soumises au taux plein de CSG est simulée ainsi que le dégrèvement de TH. La baisse de cotisations sociales (pour les éventuels conjoints) nest pas intégrée à lanalyse. Ainsi, certains ménages composés dun retraité et dun actif salarié du privé peuvent apparaître perdants dans le tableau ci-dessous mais seront gagnants après prise en compte de la baisse de cotisations sociales.

Source : ERFS, calculs direction générale du trésor.

– de manière générale, le nombre de foyers « perdants » a vocation à diminuer avec laugmentation du dégrèvement de la TH et, inversement, le nombre de ménages pour lesquels ces deux réformes ont des effets neutres ou positifs va croître progressivement jusquà la suppression définitive de la TH, laquelle est annoncée pour 2022. Le tableau ci-dessous retrace l’évolution attendue pour les deux prochaines années ; il n’intègre pas les effets de la baisse des cotisations sociales.

Effets de la hausse de CSG sur les pensions de retraite et du nouveau  dégrèvement de taxe d’habitation

 

2018

2019

2020

Nombre de ménages gagnants ou neutres (en millions)

0,6

2,6

3,8

Nombre de ménages perdants (en millions)

6,4

4,4

3,2

Montant moyen de perte parmi les perdants (en euros par an)

– 380

– 400

– 500

Champ : ménages ordinaires de France métropolitaine, ménages comportant au moins un retraité dont la pension est soumise au taux plein de CSG.

Note : les pertes et les gains sont définis au seuil d’un euro de variation de revenu disponible par mois. Seule la hausse de CSG sur les pensions soumises au taux plein de CSG est simulée ainsi que le dégrèvement de TH pour 80 % des ménages.

NB :  le tableau ci-dessus présente les effets de deux mesures : la hausse de CSG sur les pensions de retraite et le dégrèvement de taxe dhabitation pour 80 % des ménages. La baisse de cotisations sociales (pour les éventuels conjoints) nest pas intégrée à lanalyse. Ainsi, certains ménages composés dun retraité et dun actif salarié du privé peuvent apparaître perdants dans le tableau ci-dessus mais seront gagnants après prise en compte de la baisse de cotisations sociales.

Source : ERFS, calculs direction générale du trésor.

 

À la lecture de ce tableau, il apparaît ainsi qu’en 2020, 3,2 millions de ménages comportant au moins une personne retraitée dont la pension est soumise au taux plein de CSG s’acquitteront de leur TH.

3.   La perspective des mesures complémentaires pour 100 000 ménages

L’inquiétude légitime exprimée par certains retraités dont la situation les expose à la hausse de la CSG alors que leur niveau de RFR se situe au-dessus mais proche de ceux retenus pour l’application du taux plein de CSG a incité le Premier ministre à annoncer que des mesures spécifiques seraient prises pour 100 000 ménages.

Interrogé par le Rapporteur général dans le questionnaire transmis dans le cadre des travaux préparatoires au présent rapport ainsi que, de vive voix, lors du contrôle sur place effectué le 5 juillet 2018 dans les locaux de la direction de la législation fiscale, les services compétents ont indiqué que la mesure était en cours dexpertise. Curieusement, cette expertise ne semble pas avoir eu lieu avant l’annonce du Premier ministre. Les difficultés dordre méthodologique et technique devront être surmontées, afin de proposer un dispositif dont le ciblage soit à la fois lisible pour les contribuables et cohérent avec les objectifs poursuivis.

Aucun élément de calendrier n’a été transmis au Rapporteur général qui demeurera particulièrement attentif aux propositions du Gouvernement sur ce sujet.

De manière générale, le nombre de foyers « perdants » a vocation à diminuer avec laugmentation du dégrèvement de la TH et, inversement, le nombre de ménages pour lesquels ces deux réformes ont des effets neutres ou positifs va croître progressivement jusquà la suppression définitive de la TH.

C.   Une compensation intégrale du dégrèvement de la taxe d’habitation pour les collectivités territoriales

Le choix de recourir à un dégrèvement de la taxe d’habitation est sans impact pour les finances des collectivités territoriales, dans la mesure où l’État prend en charge le dégrèvement dans la limite des taux et des abattements en vigueur pour les impositions de 2017.

À l’inverse, les augmentations de taux décidées par les exécutifs locaux après 2018 ne sont pas prises en charge par l’État et doivent être supportées par les contribuables locaux. Les collectivités demeureront ainsi libres de fixer leurs taux d’imposition ainsi que leurs quotités d’abattement dans les limites déterminées par la loi. Elles percevront l’intégralité du produit qu’elles auront décidé de voter et continueront également de bénéficier pleinement de la dynamique de leurs bases, qu’il s’agisse des locaux existants ou des constructions neuves.

Le montant du dégrèvement est estimé à 3 milliards d’euros en 2018, à 6,6 milliards d’euros en 2019 et à 10,1 milliards d’euros en 2020. Il a été intégré à la trajectoire des finances publiques figurant dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 ([117]).

Le choix de recourir à un dégrèvement n’est pas sans précédent puisqu’en 2017, 18 % des foyers bénéficiaient déjà de dégrèvements pour un montant total de 3,7 milliards d’euros (plafonnement de la TH en fonction des revenus, dégrèvement pour les gestionnaires de foyer, etc.). Le recours à un dégrèvement est particulièrement protecteur pour les finances locales puisque le paiement de la TH est assuré par l’État (par le biais de la mission Remboursements et dégrèvements), en lieu et place du contribuable, garantissant ainsi un remboursement intégral (au contraire des compensations d’exonérations qui font chaque année l’objet de minorations).

Répartition entre collectivités territoriales de la taxe d’habitation et montant des dégrèvements et compensations d’exonérations

(en millions d’euros)

TH et compensations

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Produit national de TH

19,7

20,4

20,8

21,9

22

22,4

 dont part EPCI

6

6,4

6,6

7

6,5

7

 dont part communes

13,7

14

14,1

15

15,3

15,5

Dégrèvements pris en charge par l’État

2,9

3

3

3,2

3,1

3,1

Compensations d’exonérations versées par l’État

1,3

1,3

1,3

1,5

1,2

1,7

Note :  le produit national de TH correspond au montant des émissions, y compris taxes annexes (taxe GEMAPI et taxes spéciales d’équipements) et hors frais de gestion. Le montant des dégrèvements pris en charge par l’État est inclus dans le produit national de TH et est réparti entre les recettes des communes et les recettes des EPCI.

Source : direction de la législation fiscale (DLF).

Le Gouvernement a toutefois indiqué, dans l’étude d’impact de la loi de finances pour 2018, souhaiter limiter la hausse des taux et les réductions d’abattement décidées ultérieurement par les collectivités, afin de garantir aux contribuables entrant dans le champ du nouveau dégrèvement que leur cotisation de TH sera effectivement réduite au cours des trois prochaines années. Un tel mécanisme de maîtrise des taux devait faire l’objet d’une négociation avec les collectivités territoriales dans le cadre de la Conférence nationale des territoires (CNT).

En effet, les mécanismes d’encadrement des taux de TH n’ont pas été modifiés par la loi de finances pour 2018 : il s’agit d’un plafonnement des taux à 2,5 fois le taux moyen constaté l’année précédente dans l’ensemble des communes au niveau national et de plusieurs règles de liaison des taux avec d’autres impositions locales afin de maintenir constant les parts respectives de fiscalité entre les entreprises et les ménages.

Le Gouvernement avait mentionné la possibilité de geler les pouvoirs de taux et d’abattements des collectivités dans l’attente de la suppression définitive de la TH. Le Rapporteur général n’a pas eu connaissance de telles propositions au cours des derniers mois.

Dans les faits, moins de collectivités ont décidé d’augmenter leurs taux en 2018 à la suite de la mise en place du dégrèvement de TH. Sur la base de données partielles transmises par la direction de la législation fiscale ([118]), 24 250 communes ont conservé en 2018 le même taux qu’en 2017. À ce stade, seules 5 680 communes ont augmenté leur taux. Pour mémoire, 12 629 communes avaient augmenté leur taux 2017 par rapport à 2016. La moyenne des taux de TH en 2018 se situe à 12,6 % (amplitude de 0 % à 50,09 %). L’augmentation la plus importante est celle de la commune de Tasso en Corse-du-Sud (taux de 50,09 %), qui enregistre une augmentation de 15,5 %.

Pour les EPCI, 748 établissements ont gardé le même taux de TH en 2018 et 184 établissements ont augmenté leur taux de TH. L’augmentation la plus importante est constatée pour la communauté de communes du Gâtinais Val-de-Loing avec + 127,3 %. Pour mémoire, 224 EPCI avaient augmenté leur taux 2017 par rapport à 2016. La moyenne des taux 2018 se situe à 8,8 % (amplitude de 0 % à 24,73 %). De manière générale, les EPCI à forte densité de population pour lesquels les données 2018 sont connues, notamment les métropoles, les communautés urbaines et les communautés d’agglomération de plus de 100 000 habitants, n’ont pas fait évoluer leur taux. Les plus importantes variations (supérieures à 10 %) concernent des ensembles intercommunaux avec une densité de population plus modérée (population comprise entre 5 000 et 60 000 habitants).


V.   La taxe de séjour

Créée par la loi du 13 avril 1910, la taxe de séjour est dès l’origine une taxe locale et facultative qui a pour objet de faire contribuer les touristes aux dépenses liées à la fréquentation touristique d’une commune.

Elle est confrontée depuis plusieurs années à l’essor significatif de nouvelles formes d’offres d’hébergements touristiques, avec le développement de plateformes électroniques assurant un service de mise en relation et de réservation en vue de la location d’un meublé. L’essor de ce nouveau modèle économique crée de nombreuses distorsions de concurrence par rapport au secteur professionnel, notamment en matière fiscale.

C’est dans ce cadre que plusieurs lois de finances ont récemment procédé à des aménagements du barème en vigueur et du cadre juridique de collecte de la taxe, en particulier la loi de finances pour 2015 ([119]) et la seconde loi de finances rectificative pour 2017 ([120]).

A.   La taxe de séjour vise à faire contribuer les touristes hébergés aux dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique de la commune

Les recettes de la taxe de séjour doivent être affectées à des dépenses liées à l’activité touristique, afin de répondre à l’objet principal de celle-ci : faire participer les touristes hébergés au financement des dépenses engagées par la commune pour les accueillir. L’article L. 2333‑27 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose ainsi que le produit de la taxe de séjour pour les communes ou leurs groupements doit être affecté aux dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique de la commune ou du groupement, ou encore aux dépenses relatives à des actions de protection et de gestion des espaces naturels à des fins touristiques. L’article L. 3333‑1 du CGCT dispose que le produit de la taxe additionnelle départementale à la taxe de séjour doit être affecté aux dépenses destinées à promouvoir le développement touristique du département.

En 2016, le produit total de la taxe de séjour s’est élevé à 365 millions d’euros, réparti entre les communes pour 236 millions d’euros, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) pour 110 millions d’euros et les départements pour 19 millions d’euros. Le produit de la taxe de séjour qui bénéficie au bloc communal est fortement concentré sur quelques collectivités, puisque près de la moitié du produit national de la taxe de séjour était perçue en 2016 par 50 collectivités territoriales. Inversement, près de 700 communes perçoivent une taxe de séjour pour un montant inférieur à 1 000 euros, et 160 communes perçoivent une taxe de séjour pour un montant inférieur à 100 euros.

Principales collectivités du bloc communal
bénéficiant de la taxe de séjour en 2016

(en millions d’euros)

Collectivités

2016

Paris

68,7

CA Val d’Europe Agglomération

8,6

Nice

6,8

Métropole de Lyon

6

Bordeaux Métropole

4,8

CU de Strasbourg CUS

4,4

Source : direction générale des collectivités locales (DGCL).

Le produit de la taxe de séjour progresse significativement entre 2012 et 2016 en passant de 239 millions à 346 millions d’euros pour le bloc communal (+ 45 %), et de 9 millions d’euros à 19 millions d’euros pour les départements (+ 121 %).

Évolution du produit de la taxe de séjour

(en millions d’euros)

Collectivités

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Produit perçu par le bloc communal

238,84

251,20

260,49

306,42

345,82

330 *

Produit perçu par le bloc départemental

8,78

8,94

11,51

12,01

19,40

19,4 *

* prévisions inscrites au projet de loi de finances pour 2018, Évaluations des voies et moyens, tome I.

Source : DGCL.

La fréquentation des hébergements collectifs touristiques en 2017

La fréquentation des hébergements collectifs touristiques de France métropolitaine atteint en 2017 un niveau record de 429 millions de nuitées (+ 5,6 %), tirée par l’hôtellerie (210 millions de nuitées ; + 4,9 %) et les campings (124 millions de nuitées ; + 5,5 %). Le poids de la clientèle non-résidente reste toutefois plus faible en France par rapport à ses voisins européens et s’élève à 31 %.

La hausse observée s’inscrit dans un contexte de forte concurrence avec les hébergements individuels proposés par les particuliers, notamment au travers des plateformes électroniques. Elle n’empêche pas les hôtels métropolitains d’atteindre un record de fréquentation des non-résidents en 2017 : en hausse de + 8,8 % pour atteindre 76 millions de nuitées. La clientèle britannique reste la première clientèle étrangère des hôtels métropolitains (10,8 millions de nuitées), suivie par la clientèle américaine (8,7 millions) puis allemande (6,7 millions). Le taux de fréquentation des hôtels atteint 61,2 %, en hausse de 2,8 points par rapport à 2016, sur un parc de 641 milliers de chambres. Le nombre de chambres dans les hôtels 1 étoile diminue (– 29,4 %) au profit des établissements non classés (+ 5,9 %) : certains hôtels renonceraient à faire renouveler leur classement.

Dans les campings, la part des touristes non-résidents reste proche de la moyenne nationale (31,3 %), principalement en provenance des Pays-Bas (13,2 millions de nuitées) et d’Allemagne (8,5 millions). Les capacités sont stables à 710 milliers d’emplacements.

1.   Collectivités pouvant instituer une taxe de séjour

La taxe de séjour est instituée de manière facultative à l’initiative des communes par délibération du conseil municipal prise avant le 1er octobre pour être applicable à compter du 1er janvier de l’année suivante. Les communes qui sont autorisées à instituer la taxe de séjour sont énumérées par l’article L. 2333-26 du CGCT : il s’agit des communes touristiques ou des stations classées de tourisme, des communes littorales, des communes de montagne ou des communes qui réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme ainsi que de celles qui réalisent des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels.

Certains EPCI peuvent également instituer une taxe de séjour, indépendamment de leur régime fiscal, par délibération de leur organe délibérant (article L. 5211-21 du CGCT) : il s’agit des groupements de communes touristiques et de stations classées de tourisme, des groupements dont les communes bénéficient de la dotation de solidarité rurale (DSR) ou des groupements qui réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme ainsi que ceux qui réalisent, dans la limite de leurs compétences, des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels. La taxe de séjour s’applique dans ce cas à l’ensemble du territoire intercommunal, tandis que la commune, sauf opposition de celle-ci par délibération contraire dans un délai de deux mois, perd le droit de percevoir la taxe sur le territoire communal, afin d’éviter une double taxation au niveau de la commune et de l’EPCI. Dans le cas où la commune s’oppose à la décision de l’EPCI d’instituer la taxe de séjour au niveau intercommunal, la délibération de l’EPCI ne s’applique pas sur le territoire de la commune qui continue de percevoir la taxe de séjour pour son propre compte. En revanche, l’EPCI perçoit la taxe de séjour sur le reste du territoire intercommunal.

TERRITOIRE COMMUNAL SOUMIS À LA TAXE DE SÉjour en 2018

Note : territoire communal dans lequel une taxe de séjour est exigible soit par délibération de la commune, soit par délibération de l’EPCI.

Source : fichier Ouverture aux Collectivités locales d’un Système d’information des Taxes ANnexes (OCSITAN) ; logiciel Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) 2018 – IGN GéoFla ; traitement des données commission des finances.

Les départements peuvent également instituer une taxe additionnelle de 10 % à la taxe de séjour perçue dans le département par les communes ou les EPCI (article L. 3333-1 du CGCT). Elle s’ajoute au montant perçu par les communes et les EPCI qui reversent le montant au département à la fin de la période de perception.

PRincipaux départements bénéficiant de la taxe de séjour en 2016

(en millions d’euros)

Départements

2016

Paris

6,25

Savoie

1,74

Var

1,17

Hérault

0,92

Charente-Maritime

0,88

Seine-et-Marne

0,68

Source : DGCL.

TERRITOIRE dÉpartemental SOUMIS À LA TAXE DE SÉJOUR additionnelle en 2018

Source : données direction générale des collectivités territoriales ; logiciel Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) 2018 – IGN GéoFla ; retraitement des données commission des finances.

Au 1er janvier 2018, 2 071 délibérations relatives à la taxe de séjour ont été recensées par les services de la DGFiP : 52 % concernent des communes et 48 % concernent des EPCI. Ainsi la taxe de séjour est-elle perçue sur près de 78 % du territoire : 3 134 collectivités du bloc communal ont inscrit un produit de taxe de séjour dans leurs comptes de gestion en 2016 et 44 départements ont perçu la taxe additionnelle à la taxe de séjour ([121]).

2.   Période de perception de la taxe de séjour

La durée de la période de perception doit être précisée par la collectivité, qui peut faire le choix d’instituer la taxe de séjour sur une partie de l’année (par exemple sur la période touristique) : plus des trois quarts des collectivités locales font le choix d’instituer une période de perception sur l’année entière.

DurÉe de la pÉriode de perception de la taxe de sÉjour
par collectivitÉs du bloc communal en 2018

Source : fichier Ouverture aux Collectivités locales d’un Système d’information des Taxes Annexes (OCSITAN) de la direction générale des finances publiques (DGFiP) ; juin 2018.

Les collectivités ayant fait le choix d’une période de perception inférieure à douze mois sont proportionnellement plus nombreuses parmi les communes ayant également fait le choix du régime au forfait (60 % des collectivités au forfait ont une période de perception inférieure à douze mois) ou encore parmi les communes ayant un régime mixte (40 % des collectivités). Inversement, les collectivités recourant au régime de perception de la taxe de séjour au réel font généralement le choix d’une perception annuelle (85 % des collectivités au réel ont une période de perception de douze mois).

3.   Modalités d’assujettissement à la taxe de séjour

La loi prévoit deux régimes possibles d’assujettissement à la taxe de séjour, laissés au choix de la commune ou de l’EPCI :

– soit la taxe est recouvrée au réel : elle est établie sur le nombre de touristes hébergés, et calculée par personne et par nuitée de séjour ;

– soit la taxe est recouvrée au forfait : elle est établie sur les logeurs, les hôteliers et les propriétaires qui hébergent des touristes, et assise sur la capacité d’accueil multipliée par le nombre de nuitées ouvertes, avec application le cas échéant d’un abattement de 10 % à 50 % afin de tenir compte de la fréquentation et de la période d’ouverture.

La collectivité ne peut appliquer qu’un seul des deux régimes d’imposition à chaque nature d’hébergement : un système mixte reste possible avec un régime de taxation à chaque nature d’hébergement. L’article L. 2333-26 du CGCT dispose que « le conseil municipal ne peut appliquer qu’un seul des deux régimes d’imposition (…) à chaque nature d’hébergement à titre onéreux proposée dans la commune [et] ne peut pas exempter une nature ou une catégorie d’hébergement à titre onéreux du régime d’imposition ». Le décret du 31 juillet 2015, qui créé un article réglementaire R. 2333-44 au sein du CGCT, liste les neuf natures d’hébergement retenues : les palaces ; les hôtels de tourisme ; les résidences de tourisme ; les meublés de tourisme ; les villages de vacances ; les chambres d’hôtes ; les emplacements dans les aires de camping-cars et les parcs de stationnement touristiques ; les terrains de camping, les terrains de caravanage ainsi que tout autre terrain d’hébergement de plein air ; et enfin, les ports de plaisance.

Dans les faits, les collectivités territoriales font principalement le choix du régime de la taxe de séjour au réel : en 2018, 85 % des collectivités ont fait le choix du régime au réel ; 5 % celui d’un régime forfaitaire ; et 10 % celui d’un régime mixte.

RÉgimes de perception de la taxe de sÉjour
par collectivitÉs du bloc communal en 2018

Source : fichier OCSITAN de la DGFiP, juin 2018.

RÉgimes de taxe de sÉjour applicables sur le TERRITOIRE COMMUNAL

Note : régimes de taxe de séjour (réel, forfaitaire, mixte) applicables sur le territoire communal dans lequel une taxe de séjour est exigible, soit par délibération de la commune, soit par délibération de l’EPCI.

Source : fichier Ouverture aux Collectivités locales d’un Système d’information des Taxes ANnexes (OCSITAN) ; logiciel Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) 2018 – IGN GéoFla ; traitement des données commission des finances.

4.   Assiette, tarifs et exonérations de la taxe de séjour

La taxe de séjour est établie sur les personnes qui ne sont pas domiciliées dans la commune et qui n’y possèdent pas de résidence à raison de laquelle elles sont redevables de la taxe d’habitation.

Les tarifs de la taxe de séjour sont fixés, pour chaque nature et pour chaque catégorie d’hébergement, par personne (régime réel) ou par unité de capacité d’accueil (régime forfaitaire), et par nuitée. Ils sont déterminés par délibération du conseil municipal ou de l’EPCI prise avant le 1er octobre pour une application à compter du 1er janvier de l’année suivante, dans le respect d’un barème légal applicable pour chaque catégorie d’hébergement (articles L. 2333-30 et L. 2333-41 du CGCT).

Tarifs plancher et plafond de la taxe de sÉjour par catÉgories dhÉbergement en 2018

(en euros)

Catégories dhébergement

Tarif plancher

Tarif plafond

Palaces ;

Tous les autres établissements présentant des caractéristiques de classement touristique équivalentes.

0,70

4,00

Hôtels de tourisme 5 étoiles ;

Résidences de tourisme 5 étoiles ;

Meublés de tourisme 5 étoiles ;

Tous les autres établissements présentant des caractéristiques de classement touristique équivalentes.

0,70

3,00

Hôtels de tourisme 4 étoiles ;

Résidences de tourisme 4 étoiles ;

Meublés de tourisme 4 étoiles ;

Tous les autres établissements présentant des caractéristiques de classement touristique équivalentes.

0,70

2,30

Hôtels de tourisme 3 étoiles ;

Résidences de tourisme 3 étoiles ;

Meublés de tourisme 3 étoiles ;

Tous les autres établissements présentant des caractéristiques de classement touristique équivalentes.

0,50

1,50

Hôtels de tourisme 2 étoiles ;

Résidences de tourisme 2 étoiles ;

Meublés de tourisme 2 étoiles ;

Villages de vacances 4 et 5 étoiles ;

Tous les autres établissements présentant des caractéristiques de classement touristique équivalentes.

0,30

0,90

Hôtels de tourisme 1 étoile ;

Résidences de tourisme 1 étoile ;

Meublés de tourisme 1 étoile ;

Villages de vacances 1, 2 et 3 étoiles ;

Chambres d’hôtes ;

Emplacements dans des aires de camping-cars et des parcs de stationnement touristiques par tranche de 24 heures ;

Tous les autres établissements présentant des caractéristiques de classement touristique équivalentes.

0,20

0,80

Hôtels et résidences de tourisme, villages de vacances en attente de classement ou sans classement

0,20

0,80

Meublés de tourisme et hébergements assimilés en attente de classement ou sans classement

0,20

0,80

Terrains de camping et terrains de caravanage classés en 3, 4 et 5 étoiles et tout autre terrain d’hébergement de plein air de caractéristiques équivalentes

0,20

0,80

Terrains de camping et terrains de caravanage classés en 1 et 2 étoiles et tout autre terrain d’hébergement de plein air de caractéristiques équivalentes, ports de plaisance

0,20

Source : articles L. 2333-30 et L. 2333-41 du CGCT.

Pour rappel, en application des articles L. 2333-30 et L. 2333-41 du CGCT, le tarif retenu par la commune pour une des catégories d’hébergement ne peut excéder le tarif retenu pour une catégorie supérieure de même nature : ainsi, un hôtel 4 étoiles devra être soumis à un tarif supérieur à un hôtel 3 étoiles. Pour rappel, l’article R. 2333-44 du CGCT liste les neuf natures d’hébergement retenues (les palaces, les hôtels de tourisme, les résidences de tourisme, les meublés de tourisme, etc.).

Pour chaque catégorie tarifaire, la commune peut décider d’appliquer des équivalences à travers la notion de « tous les autres établissements présentant des caractéristiques de classement touristique équivalentes ». À cette fin, l’article L. 2333-32 impose aux communes de compléter leur délibération par un arrêté afin de répartir, par référence au barème tarifaire, chaque établissement du territoire qu’il bénéficie ou non d’un classement. Par ce biais, il est possible de décider d’équivalences entre hébergements non classés et hébergements classés. Par exemple, la commune peut décider d’assimiler un classement dans le cadre d’un label commercial au classement du barème tarifaire : les gîtes de vacances font l’objet d’une labellisation par la marque Gîtes de France (entre 1 et 5 épis) sans équivalences officielles avec le classement par étoiles (entre 1 et 5 étoiles) défini par le code du tourisme. Si la commune ne souhaite pas établir une telle équivalence, les hébergements labellisés sont taxés selon la tranche tarifaire applicable aux hébergements sans classement. L’équivalence doit toutefois être établie sur la base de critères objectifs et ne pas conduire à des distorsions de concurrence qui seraient constitutives d’une rupture d’égalité.

Les différentes catégories d’hébergement du code du tourisme

Il convient de distinguer entre les appellations d’usage et les catégories consacrées par le code du tourisme. Les terrains de camping, les hôtels, les résidences de tourisme, les chambres d’hôtes, les villages de vacances et les meublés de tourisme constituent des catégories dotées d’un régime juridique spécifique, alors que les gîtes ne sont pas reconnus en tant que tels par le code du tourisme.

Les terrains de camping (articles L. 331-1 à L. 333-1 du code du tourisme) ne représentent pas une catégorie homogène. Il existe deux catégories de terrains de camping : les terrains de camping de 1 à 5 étoiles (attribution des étoiles en fonction du confort des équipements et des aménagements, des services fournis aux clients, de l’accessibilité et du développement durable) et les terrains de camping « aire naturelle » sans attribution d’étoiles (petites structures situées en pleine nature).

Un hôtel (articles L. 311-1 à L. 311-9 du code du tourisme) est un établissement commercial offrant un service d’hébergement touristique payant dans des chambres meublées. La location de la chambre s’effectue au forfait et comprend l’entretien quotidien des lits, de la chambre et la fourniture du linge de toilette. Ces éléments sont caractéristiques de la définition de l’hôtellerie et la différencient d’autres catégories d’hébergements (résidences de tourisme ou meublés de tourisme). L’article L. 311-6 du code du tourisme encadre les procédures de classement des hôtels de 1 à 5 étoiles, en fonction de 241 critères élaborés par Atout-France. La décision individuelle de classement est valable pour 5 ans. La distinction palace (arrêté du 3 octobre 2014 relatif à la « distinction Palace ») permet la reconnaissance d’hôtels présentant des caractéristiques exceptionnelles pour valoriser sur la scène internationale des hôtels de tourisme classés 5 étoiles.

Une résidence de tourisme (articles L. 321-1 à L. 321-4 du code du tourisme) est un ensemble de logements équipés pour recevoir une clientèle en séjour de courte durée. Tout comme un hôtel, la résidence de tourisme propose des services et des équipements communs mais dans le cadre de logements où la clientèle peut séjourner en toute indépendance (présence notamment d’une cuisine et d’un sanitaire privé). Le classement comporte également 5 étoiles mais n’est possible que si la résidence est constituée d’au moins 70 % de locaux d’habitation et d’un minimum de 100 lits.

Un village de vacances (article L. 325-1 du code du tourisme) est un centre d’hébergement destiné à assurer des séjours de vacances, selon un prix forfaitaire comportant, outre la pension, l’usage d’équipements communs, d’installations sportives et de distractions collectives. Le classement comporte également 5 étoiles.

Une chambre dhôtes (articles L. 324-3 à L. 324-5 du code du tourisme) est une chambre meublée chez l’habitant en vue d’accueillir une clientèle, à titre onéreux, pour une ou plusieurs nuitées, assorties de prestations comme le petit-déjeuner, la fourniture du linge de maison et l’accueil des visiteurs. La chambre d’hôtes est différente d’un meublé de tourisme au sens où le propriétaire réside nécessairement sur les lieux. En outre, contrairement à un meublé de tourisme, une chambre d’hôtes ne peut pas être classée selon le système d’étoiles.

Un meublé de tourisme (articles L. 324-1 à L. 324-2 du code du tourisme) est une villa, un appartement ou un studio meublé offert en location à une clientèle de passage qui y effectue un séjour et qui n’y élit pas domicile. Il se distingue des autres types d’hébergement, notamment l’hôtel et la résidence de tourisme, en ce qu’il est réservé à l’usage exclusif du locataire, ne comportant ni accueil ou hall de réception ni services et équipements communs. Il se distingue de la chambre d’hôtes où le propriétaire est présent pendant la location. Le classement comporte 5 étoiles.

Les limites tarifaires du barème légal sont réévaluées chaque année dans une proportion égale au taux de croissance de l’indice des prix à la consommation (IPC) hors tabac de l’avant-dernière année. Les articles L. 2333-30 et L. 2333-41 du CGCT prévoient un dispositif de rattrapage automatique des tarifs des collectivités territoriales devenus illégaux du fait de la revalorisation annuelle des limites tarifaires du barème légal : dans ce cas, c’est le tarif du barème légal le plus proche qui se substitue au tarif précédemment adopté par la collectivité et devenu illégal, sans nouvelle délibération. Dans tous les autres cas, il revient à la collectivité de procéder par une nouvelle délibération à une actualisation de ses tarifs pour tenir compte des modifications législatives intervenues ou de la situation du marché de l’hébergement touristique dans la collectivité.

Enfin, l’article L. 2333-31 du CGCT prévoit plusieurs cas d’exonération de la taxe de séjour au réel : les personnes mineures ; les titulaires d’un contrat de travail saisonnier employés dans la commune ; les personnes bénéficiant d’un hébergement d’urgence ou d’un relogement temporaire ; et les personnes qui occupent des locaux dont le loyer est inférieur à un montant que le conseil municipal détermine. Il est rappelé que les personnes qui sont domiciliées dans la commune ou qui y possèdent une résidence à raison de laquelle elles sont redevables de la taxe d’habitation ne sont pas soumises à la taxe de séjour. Le Rapporteur général souligne que, sur ce point, une coordination sera sans doute nécessaire lors de la suppression de la taxe dhabitation, afin de maintenir hors de lassiette les personnes possédant une résidence secondaire dans la commune.

Le cas particulier des personnes louant un hébergement touristique
situé sur le territoire intercommunal de sa résidence

L’article L. 2333-29 du CGCT dispose que « la taxe de séjour est établie sur les personnes qui ne sont pas domiciliées dans la commune et qui n’y possèdent pas de résidence à raison de laquelle elles sont redevables de la taxe d’habitation. ». Dès lors, une personne qui réside sur le territoire de la commune et qui y possède une résidence à raison de laquelle elle est redevable de la taxe d’habitation n’est pas assujettie à la taxe de séjour.

Dans la mesure où de nombreuses compétences touristiques sont exercées par les EPCI, où la taxe d’habitation finance une partie de ces compétences intercommunales et où la taxe de séjour peut, dans certains cas, être instituée par l’EPCI en lieu et place de la commune, la question s’est posée de savoir si une personne séjournant le territoire intercommunal de sa résidence (mais pas sur le territoire communal) pouvait également bénéficier de l’exonération.

Le guide pratique des taxes de séjour de la direction générale des collectivités territoriales (DGCL) de mars 2017 précisait, sur le fondement de l’article L. 2333-39 du CGCT, qu’une « personne domiciliée sur le territoire d’une commune membre d’un EPCI n’est pas assujettie au paiement de la taxe de séjour lorsqu’elle séjourne dans un hébergement touristique situé dans le périmètre de son EPCI de résidence ».

Néanmoins, le même guide de mai 2018 soutient désormais la position inverse en précisant, sur le même fondement juridique, qu’une « personne qui loue un hébergement touristique en dehors de sa commune, même si celui-ci se situe sur le territoire de son EPCI de résidence et même si ce dernier perçoit un produit de taxe d’habitation au titre de sa résidence principale, est assujettie à la taxe de séjour ».

B.   Les lois de finances ont modernisÉ À plusieurs reprises la taxe de sÉjour, afin de tenir compte des Évolutions du secteur de l’hÉbergement touristique

La forte hausse des années passées concernant les hébergements individuels proposés par des particuliers, notamment au travers des plateformes électroniques, a bouleversé l’organisation du marché de l’hébergement touristique. L’essor de ce nouveau modèle économique a généré et génère encore de nombreuses distorsions de concurrence par rapport au secteur professionnel, tout particulièrement en matière fiscale.

C’est dans ce cadre que plusieurs lois de finances ont procédé récemment à des aménagements du barème en vigueur et du cadre juridique de collecte de la taxe, en particulier la loi de finances pour 2015 ([122]) et la seconde loi de finances rectificative pour 2017 ([123]).

1.   Les modifications issues de la mission d’évaluation et de contrôle de 2015

À la suite du rapport de la mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de l’Assemblée nationale sur la fiscalité des hébergements touristiques ([124]), la loi de finances pour 2015 ([125]) et le décret d’application du 31 juillet 2015 ([126]) ont procédé à plusieurs ajustements du barème de la taxe de séjour et des exonérations applicables, afin de mieux prendre en compte la diversité des hébergements proposés. Ils ont notamment permis :

– d’accroître les écarts tarifaires entre les différentes catégories d’hébergement : autrefois compris entre 20 centimes et 1,50 euro, le nouveau barème en vigueur depuis 2015 permet un écart entre 20 centimes et 4 euros ;

– de rehausser le plafond tarifaire pour les hébergements haut de gamme et de créer une nouvelle catégorie tarifaire pour les palaces ;

– de créer une nouvelle catégorie tarifaire spécifique pour les meublés de tourisme et les hébergements assimilés en attente de classement ou sans classement correspondant notamment aux logements mis en location sur des plateformes de réservation en ligne ;

– de renforcer les moyens de recouvrement de l’imposition par les collectivités territoriales en créant une procédure spécifique de taxation d’office pour les communes ;

– de permettre aux professionnels qui assurent, par voie électronique, un service de réservation ou de location ou de mise en relation en vue de la location d’hébergements non classés, de collecter la taxe de séjour et de la reverser aux collectivités territoriales ;

– de simplifier l’ensemble des régimes d’exonération en supprimant les exonérations pour les fonctionnaires et agents de l’État dans l’exercice de leurs fonctions, pour les membres de familles nombreuses, pour les établissements exploités depuis moins de deux ans pour la taxe de séjour forfaitaire, ou encore pour les personnes bénéficiant de soins dans les stations hydrominérales, climatiques ou uvales.

Des ajustements ont été opérés l’année suivante et introduits dans la loi de finances pour 2016 ([127]) et la loi de finances rectificative pour 2016 ([128]), avec plusieurs mesures permettant :

– d’introduire une date limite pour les délibérations des collectivités territoriales relatives aux tarifs applicables, avec une délibération avant le 1er octobre de l’année N pour une application à compter du 1er janvier de l’année N + 1 ;

– de permettre que la délibération fixe, le cas échéant, les dates de début et de fin des périodes de perception au sein de l’année, et ainsi une période de recouvrement saisonnière inférieure à douze mois ;

– de préciser la hiérarchie entre les tarifs adoptés : les tarifs retenus pour les catégories d’hébergements (3 étoiles, 2 étoiles, 1 étoile, etc.) ne peuvent excéder les tarifs retenus pour une catégorie supérieure de même nature (hôtels de tourisme, résidences de tourisme, meublés de tourisme, etc.) : le tarif de la taxe de séjour appliqué à un hôtel de tourisme 2 étoiles doit être supérieur à celui appliqué à un hôtel de tourisme 1 étoile ;

– de limiter à deux mois la période pendant laquelle une commune peut s’opposer, sur son territoire, à l’instauration au niveau intercommunal de la taxe de séjour ;

– d’indexer des limites tarifaires légales selon l’indice des prix à la consommation (IPC) de l’année N – 2 et de prévoir un mécanisme de correction automatique des tarifs qui deviendraient illégaux du fait de cette revalorisation annuelle ;

– de préciser que les professionnels habilités à collecter la taxe de séjour par voie électronique qui ne sont pas à même d’établir la catégorie de l’hébergement faisant l’objet de leur service sont tenus au versement de la taxe de séjour au tarif applicable à la catégorie des meublés de tourisme et hébergements assimilés en attente de classement ou sans classement ; dans ce cas, l’éventuelle différence due au titre de la location d’un hébergement d’une catégorie supérieure est acquittée par le logeur, l’hôtelier ou le propriétaire.

2.   La seconde loi de finances rectificative pour 2017

Le dispositif issu des différentes lois de finances de 2015 et de 2016 est toujours source de distorsions de concurrence : la catégorie d’hébergement des meublés de tourisme en attente de classement ou sans classement se voit appliquer un tarif relativement faible compris entre 20 centimes et 75 centimes d’euros par personne et par nuitée, correspondant aux hôtels 1 étoile, alors même que la qualité et les prix proposés pour certaines prestations d’hébergement relevant de cette catégorie peuvent parfois être élevés. Cette distorsion incite certains hébergeurs professionnels à renoncer à la procédure de classement, afin de bénéficier d’un tarif de taxe de séjour généralement plus avantageux.

Soucieuse d’apporter une réponse à cette situation, la commission des finances a mis en place, au cours du dernier semestre 2017, un groupe de travail sur le sujet de la taxe de séjour. Les échanges réalisés avec l’ensemble des groupes parlementaires de la commission ont permis l’adoption de deux amendements parlementaires du Rapporteur général dans le cadre du second projet de loi de finances rectificative pour 2017. Les dispositifs adoptés, devenus les articles 44 et 45 de la loi de finances rectificative pour 2017 ([129]), doivent permettre à compter du 1er janvier 2019 :

– de prévoir un taux proportionnel au prix par personne de la nuitée pour l’ensemble des hébergements non classés tant pour la taxe de séjour au réel que pour la taxe de séjour au forfait, à l’exception des établissements de plein air, en lieu et place du tarif par nuitée et par personne ;

– de rendre obligatoire la collecte de la taxe de séjour par les plateformes électroniques, dès lors que celles-ci sont intermédiaires de paiement et que le loueur n’est pas un professionnel ;

– de supprimer l’obligation pour les communes de prendre des arrêtés de répartition des hébergements soumis à la taxe de séjour et la possibilité d’établir des équivalences entre hébergements classés et non classés, dans la mesure où l’ensemble des établissements non classés seront soumis à la taxation proportionnelle ;

– de modifier le tarif applicable aux emplacements dans les aires de camping-cars ou dans les parcs de stationnement touristique par tranche de vingt-quatre heures : identique au tarif applicable aux hôtels 1 étoile, il sera aligné sur celui applicable aux terrains de camping classés en 3, 4 et 5 étoiles ;

– d’intégrer les revalorisations tarifaires intervenues en 2016, afin de permettre une meilleure visibilité sur les tarifs applicables ; cette intégration n’emporte aucune conséquence sur les délibérations des collectivités.

Les mesures votées doivent entrer en vigueur à compter du 1er janvier 2019 ; ce décalage résulte d’une initiative gouvernementale justifiée, d’une part, par le délai nécessaire aux communes et aux EPCI pour adopter les nouvelles délibérations (1er octobre de l’année précédente) et, d’autre part, par la nécessité de laisser aux plateformes le temps pour mettre à jour leur site en ligne. La commission des finances avait initialement proposé une entrée en vigueur au cours de la fin de l’année 2018, afin de permettre la mise en place du tarif proportionnel dès le début de la campagne hivernale, en particulier pour les stations touristiques de montagne.

C.   Les dispositions introduites en loi de finances pour 2018 doivent faire l’objet de prÉcisions avant leur entrÉe en vigueur À compter du 1er janvier 2019

À l’initiative du Rapporteur général et avec l’avis favorable du Gouvernement, d’importantes modifications ont été apportées au barème de la taxe de séjour, ainsi qu’à la collecte de la taxe de séjour au réel. Ces modifications doivent toutefois faire l’objet de précisions législatives et réglementaires avant leur entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2019.

1.   La mise en place de la tarification proportionnelle pour les hébergements non classés

À compter du 1er janvier 2019, les hébergements sans classement ou en attente de classement seront soumis à une taxation proportionnelle comprise entre 1 % et 5 % du coût par personne de la nuitée dans la limite du tarif le plus élevé adopté par la collectivité ou, s’il est inférieur à ce dernier, du tarif plafond applicable aux hôtels de tourisme 4 étoiles. Le montant de la taxe de séjour pour les hébergements sans classement ou en attente de classement est ainsi plafonné au plus bas des deux tarifs suivants : soit le tarif le plus élevé adopté par la collectivité ; soit le tarif plafond applicable aux hôtels de tourisme 4 étoiles – soit 2,30 euros à compter du 1er janvier 2019. Ce dispositif de plafonnement permet d’éviter de trop fortes disparités avec les tarifs applicables aux établissements classés.

Le Rapporteur général note labsence de tarif plancher applicable pour la tarification proportionnelle : linstauration dun tarif plancher pourrait être envisagée afin de limiter les disparités de tarifs avec les établissements classés et dassurer dans tous les cas un minimum de perception suffisant pour chaque hébergement. En effet, le prix de la prestation d’hébergement étant divisé par le nombre d’occupants (coût par personne de la nuitée), la taxe de séjour collectée pourrait dans certains cas être d’un montant particulièrement faible. Un tarif plancher permettrait d’éviter une diminution des recettes dans certaines communes où le prix moyen de la nuit est particulièrement bas. Il pourrait être envisagé dans ce cadre de mettre en place un tarif minimum de perception de l’ordre de 20 centimes d’euros.

Par exception, les terrains de camping et les terrains de caravanage non classés continueront à être soumis au tarif fixe (entre 20 centimes et 60 centimes d’euros). Bien que non classés, ceux-ci ne sont pas assimilables aux logements loués sur des plateformes en ligne, principales cibles de la réforme de 2017, et concernent généralement des terrains de camping « aire naturelle » loués à des tarifs très faibles.

Le taux adopté est appliqué au coût de la nuitée par personne qui correspond au prix de la prestation d’hébergement hors taxes par personne. Pour le déterminer, il est nécessaire de s’interroger sur le caractère détachable des prestations et des prix, afin de connaître la base d’imposition de la taxe de séjour : si les prix et les prestations sont dissociables, la taxe de séjour proportionnelle s’appliquera uniquement à la prestation d’hébergement ; si les prix et les prestations ne sont pas détachables, elle s’appliquera à l’ensemble de la prestation.

Tarifs et taux plancher et plafond de la taxe de sÉjour
par catÉgories dbergement en 2019

(en euros)

Catégories dhébergement

Tarif / taux plancher

Tarif / taux plafond

Palaces

0,70

4,00

Hôtels de tourisme 5 étoiles, résidences de tourisme 5 étoiles, meublés de tourisme 5 étoiles

0,70

3,00

Hôtels de tourisme 4 étoiles, résidences de tourisme 4 étoiles, meublés de tourisme 4 étoiles

0,70

2,30

Hôtels de tourisme 3 étoiles, résidences de tourisme 3 étoiles, meublés de tourisme 3 étoiles

0,50

1,50

Hôtels de tourisme 2 étoiles, résidences de tourisme 2 étoiles, meublés de tourisme 2 étoiles, villages de vacances 4 et 5 étoiles

0,30

0,90

Hôtels de tourisme 1 étoile, résidences de tourisme 1 étoile, meublés de tourisme 1 étoile, villages de vacances 1,2 et 3 étoiles, chambres d’hôtes

0,20

0,80

Terrains de camping et terrains de caravanage classés en 3, 4 et 5 étoiles et tout autre terrain d’hébergement de plein air de caractéristiques équivalentes, emplacements dans des aires de camping-cars et des parcs de stationnement touristiques par tranche de 24 heures.

0,20

0,60

Terrains de camping et terrains de caravanage classés en 1 et 2 étoiles et tout autre terrain d’hébergement de plein air de caractéristiques équivalentes, ports de plaisance

0,20

Tous les hébergements en attente de classement ou sans classement à l’exception des hébergements de plein air

1 %

5 %

Note : concernant la taxe de séjour au réel, le tarif s’applique par nuitée et par personne ; le taux s’applique au coût par personne de la nuitée.

Source : code général des collectivités territoriales.

Les collectivités territoriales du bloc communal ayant institué ou souhaitant instituer une taxe de séjour doivent délibérer avant le 1er octobre 2018, afin de fixer un taux pour les hébergements non classés ainsi que huit tarifs pour les hébergements classés conformes à la nouvelle grille tarifaire de 2019. À défaut de délibération, le guide pratique des taxes de séjour de la direction générale des collectivités locales (DGCL) et de la direction générale des entreprises (DGE) précise qu’aucun « touriste séjournant dans un hébergement non classé ne sera soumis à la taxe de séjour sur ces catégories d’hébergement » ([130]).

Les modalités de calcul de la taxe de séjour sont ainsi modifiées pour tous les hébergements en attente de classement ou sans classement. Le calcul de la taxe de séjour forfaitaire tient compte désormais de plusieurs facteurs :

– la capacité d’accueil de l’établissement à laquelle il est éventuellement appliqué un abattement dont le taux est compris entre 10 % et 50 % et qui est fonction dans certains cas de la durée d’ouverture, afin de tenir compte du taux de remplissage de l’établissement ;

– le nombre de nuitées taxables selon la période d’ouverture de l’établissement ;

– le taux et les tarifs adoptés par la collectivité (notamment afin de déterminer le plafond applicable) ;

– et pour les hébergements non classés, le prix moyen de la prestation d’hébergement par nuitée et par personne facturé pour chaque chambre proposée.

Le Rapporteur général souligne la complexité pour les hébergeurs de calculer et de disposer de linformation sur le coût moyen de la prestation dhébergement par nuitée, par personne et par chambre. Une telle situation est de nature à rendre dans les faits totalement inopérants voire impossible le dispositif de la collecte de la taxe de séjour au forfait, ce qui risque de conduire à un abandon progressif de ce régime dimposition au profit du régime au réel. Pour rappel, près de 15 % des communes ont fait le choix du régime de taxation au forfait ou mixte.

Le calcul de la taxe de séjour au réel d’un hébergement non classé dépend de facteurs similaires qui sont :

– le prix de la prestation d’hébergement hors taxes ;

– le taux et les tarifs adoptés par la collectivité (notamment afin de déterminer le plafond applicable) ;

– le nombre de personnes hébergées et le nombre de nuitées ;

– les éventuelles exonérations applicables.

Exemples de calcul de la taxe de séjour au réel d’un hébergement

Un groupe de 4 personnes séjourne dans un hôtel de tourisme classé 3 étoiles (2 adultes et 2 mineurs) pendant 2 nuitées. La délibération de la commune a fixé une période de perception annuelle et un tarif de 1 euro par personne et par nuitée. Les 4 personnes doivent s’acquitter d’une taxe de séjour de 4 euros (les deux personnes mineures étant exonérées de droit commun).

Ces mêmes personnes séjournent 2 nuitées dans un meublé non classé dont le prix est fixé à 200 euros par nuitée. La délibération de la commune a fixé une période de perception annuelle, un taux de 5 % et le tarif maximal voté est de 4 euros pour les palaces. La nuitée est d’abord ramenée au coût par personne (soit 50 euros) ; la taxe est ensuite calculée sur le coût de la nuitée par personne (2,5 euros par nuitée et par personne). Or ce tarif est supérieur au plus bas de deux plafonds suivants : soit le tarif le plus élevé adopté par la collectivité (4 euros) ; soit le tarif plafond applicable aux hôtels de tourisme 4 étoiles (2,30 euros). Les 4 personnes doivent s’acquitter d’une taxe de séjour de 4,60 euros (les deux personnes mineures étant exonérées de droit commun).

Dans le cas où le département a mis en place une taxe additionnelle à la taxe de séjour, le groupe de 4 personnes devra s’acquitter d’une taxe supplémentaire de 46 centimes (10 % de taxe additionnelle, soit 23 centimes par personne non exonérée).

Source : Guide pratique relatif aux taxes de séjour, direction générale des collectivités locales et direction générale des entreprises, mai 2018.

2.   La modification des règles de collecte de la taxe de séjour au réel pour les plateformes en ligne

La taxe de séjour au réel est généralement réglée directement par le client au logeur, à l’hôtelier ou au propriétaire qui la reverse, sous leur responsabilité, au comptable assignataire de la commune. Toutefois, l’article L. 2333-34 du CGCT prévoit depuis la loi de finances pour 2015 la faculté, et non l’obligation, pour les « professionnels qui, par voie électronique, assurent un service de réservation ou de location ou de mise en relation en vue de la location d’hébergements pour le compte des logeurs, des hôteliers » ou des propriétaires, « sous réserve d’avoir été habilités à cet effet par ces derniers », de collecter la taxe de séjour et la taxe additionnelle départementale et d’effectuer les formalités déclaratives correspondantes. La plateforme doit ensuite verser une fois par an, au comptable public assignataire de la commune, le montant de la taxe de séjour et de la taxe additionnelle.

Plusieurs conditions doivent être respectées pour la collecte de la taxe par la plateforme :

– la taxe de séjour doit être instaurée au réel : la collecte par la plateforme ne peut s’appliquer à la taxe de séjour forfaitaire qui par construction n’est pas liée aux réservations individuelles mais établie sur les hébergeurs et assise sur la capacité d’accueil multipliée par le nombre de nuitées ;

– les professionnels doivent avoir été habilités à cet effet par les hébergeurs : le Rapporteur général note toutefois que cette habilitation est généralement imposée de manière unilatérale par les plateformes qui font le choix de la collecte en ligne par le biais des conditions générales d’utilisation de la plateforme ;

– les professionnels préposés au recouvrement le sont aussi à l’exécution des formalités déclaratives correspondantes.

L’objectif de ce dispositif est de faciliter la collecte de la taxe pour les professionnels ayant recours à une plateforme de réservation en ligne pour mettre en location leurs hébergements, tout limitant les cas de fraudes de la part des loueurs non professionnels de biens meublés souvent peu au fait des obligations fiscales applicables.

L’article 45 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 ([131]) renforce le dispositif en rendant obligatoire pour les plateformes qui agissent pour le compte de loueurs non professionnels et qui sont intermédiaires de paiement de collecter et de reverser à la collectivité la taxe de séjour à compter du 1er janvier 2019. La possibilité de collecter la taxe de séjour sera maintenue dans les autres cas, c’est-à-dire lorsque la plateforme n’est pas intermédiaire de paiement et que le loueur est un professionnel. Le Rapporteur général souligne que, dans les faits, les plateformes électroniques intermédiaires de paiement ne font pas de différence entre le caractère professionnel ou non du redevable et le caractère facultatif ou obligatoire de la collecte : elles appliqueront la collecte automatique à lensemble de leurs clients à compter du 1er janvier 2019.

Les plateformes électroniques en charge de collecter la taxe de séjour doivent reverser une fois par an le montant de la taxe de séjour collectée aux communes et aux EPCI bénéficiaires. Le reversement doit être effectué par la plateforme avant le 1er février de l’année N + 1 : il intervient usuellement fin janvier. Les plateformes collectent également la taxe additionnelle départementale à la taxe de séjour : il est alors de la responsabilité de la commune ou de l’EPCI de la reverser aux départements à la fin de la période de perception. Lors du reversement annuel, la plateforme envoie également aux communes un fichier statistique qui récapitule par transaction le nombre de nuitées, le nombre de personnes ayant logé ainsi que la taxe de séjour collectée. Ces documents tiennent lieu de déclaration. Les plateformes en ligne disposent à cet effet d’un agrément accordé par les autorités fiscales françaises (article R. 2333-51 du CGCT).

La généralisation de la collecte par les plateformes électroniques lorsqu’elles sont intermédiaires de paiement pose toutefois plusieurs difficultés concernant la détermination du tarif et des exonérations applicables, la qualité de l’information disponible concernant les tarifs et les taux dans chaque commune de France, et enfin les procédures de recouvrement et de contrôle. La principale plateforme sur le marché a, par ailleurs, souligné que ces modifications vont entraîner « une refonte de nos systèmes d’information qui, conjuguée à l’effort de généralisation de la collecte de la taxe de séjour sur l’ensemble du territoire cet été, crée un risque de suspension de la collecte pendant les premiers mois de 2019 » ([132]).

L’essor de la collecte de la taxe de séjour par les plateformes de location en ligne

La plateforme AirBnb a commencé à collecter la taxe de séjour à Paris en octobre 2015, et a annoncé au 1er juillet 2018 l’extension de la collecte automatique de la taxe de séjour à près de 23 000 communes qui ont voté une taxe de séjour au réel. Le dispositif de collecte avait été initialement expérimenté en 2015 à Paris et à Annecy. En août 2016, la plateforme a étendu la collecte à 17 nouvelles villes, puis à une cinquantaine de villes en mai 2017, année où la société avait reversé 13,5 millions d’euros de taxe de séjour. En 2017, les trois principales communes bénéficiaires de la collecte automatisée de la taxe de séjour étaient Paris (6,9 millions d’euros), Nice (860 000 euros) et Marseille (790 000 euros). Plus de 550 000 euros ont par ailleurs été versés aux stations alpines.

La plateforme s’est également engagée à bloquer automatiquement les annonces de location ayant atteint le plafond légal de 120 jours de location par an pour une résidence principale.

a.   La détermination des tarifs et des exonérations appliqués par les plateformes

Dans le cas de la collecte par la plateforme en ligne, les obligations déclaratives applicables aux sites de réservation en ligne sont les mêmes que celles applicables aux logeurs. Dans ce cadre, le Rapporteur général sinterroge sur la responsabilité éventuelle des plateformes en ligne, notamment dans le cas où le classement du logement nest pas renseigné par le propriétaire. L’article L. 2333-34 du CGCT dispose que lorsque les plateformes électroniques « ne sont pas à même d’établir la catégorie de l’hébergement faisant l’objet de leur service, ils sont tenus au versement de la taxe de séjour et de la taxe additionnelle (…) au tarif applicable à la catégorie des meublés de tourisme et hébergements assimilés en attente de classement ou sans classement ». Il précise que « l’éventuelle différence due au titre de la location d’un hébergement d’une catégorie supérieure est acquittée par le logeur, l’hôtelier, le propriétaire ou l’intermédiaire ».

Actuellement, lors de la réservation, les voyageurs voient apparaître une ligne distincte correspondant au montant de la taxe de séjour collectée. Ainsi, pour un non-professionnel louant son logement non classé sur une plateforme électronique, plus aucune démarche n’est nécessaire puisque la plateforme prélève automatiquement l’ensemble du montant de la taxe de séjour sur le voyageur lors du paiement. Cependant, pour les autres catégories d’hébergements classés, la plateforme collecte également au tarif des meublés non classés. Il appartient dans ce cas à l’hôte de collecter la différence et de la reverser directement à la mairie : cela conduit à mettre en place deux circuits de collecte de la taxe de séjour, un circuit principal par la plateforme et un circuit complémentaire par l’hôte. Le Rapporteur général estime que le choix dappliquer par défaut le tarif prévu pour les meublés non classés, sil est poursuivi à compter du 1er janvier 2019, risque de complexifier fortement le dispositif de collecte au détriment des logeurs dhébergements classés. Ce choix est dautant plus dommageable que la plupart des collectivités renoncent à la collecte différentielle de la taxe de séjour auprès des hébergeurs classés, ce qui induit une perte de recettes non chiffrée à ce jour par ladministration fiscale. Le Rapporteur général considère que la taxe de séjour doit être collectée par les opérateurs numériques au tarif applicable à chaque hébergement tel que fixé par la délibération de la collectivité. Il rappelle que la base légale permettant ce mécanisme de double collecte est supprimée à compter de 2019.

De même, la généralisation de la collecte par les plateformes en ligne pose la question des exonérations applicables. Actuellement, lorsqu’ils ne sont pas à même d’établir qu’ils bénéficient d’une des exonérations applicables (titulaires d’un contrat de travail saisonnier ; personnes bénéficiant d’un hébergement d’urgence et personnes qui occupent des locaux dont le loyer est inférieur à un montant), les assujettis acquittent à titre provisionnel le montant de la taxe de séjour. Ils peuvent par la suite en obtenir la restitution, sur présentation d’une demande écrite à la commune, présentée dans un délai de quatre ans. Ce dispositif complexe de remboursement a posteriori rend dans les faits les exonérations inopérantes, dans la mesure où peu de contribuables effectuent une telle démarche. Le dispositif est complexe pour les communes puisqu’il impose de conserver pendant quatre années les documents des éventuels demandeurs, et nécessite la mise en place d’un dispositif de traitement administratif pour des montants souvent très faibles pris individuellement. Le Rapporteur général estime que, là encore, il est de la responsabilité de la plateforme de sassurer que loccupant du logement ne bénéficie pas dun régime dexonération, en particulier lorsquil sagit de mineurs exonérés de taxe de séjour. Toutefois, les plateformes en ligne ont annoncé que leur système informatique ne permettait pas à ce jour d’identifier et de prendre en compte les exonérations et qu’il appartenait au voyageur pouvant y prétendre de demander un remboursement à la commune du lieu du séjour.

b.   La disponibilité et la fiabilité des données communales utilisées par les plateformes

Pour faciliter la collecte de la taxe de séjour par les plateformes en ligne et leur permettre de connaître les différents tarifs applicables, l’article L. 2333-30 du CGCT issu de la loi de finances pour 2015 dispose qu’un « décret en Conseil d’État détermine les informations qui doivent être tenues à la disposition des personnes chargées de la collecte de la taxe, afin de permettre à ces dernières de déterminer le tarif applicable sur le territoire des communes et des établissements publics de coopération intercommunale ayant institué la taxe de séjour ». L’article R. 2333‑44 du CGCT, issu du décret du 31 juillet 2015, précise le contenu et les modalités de transmission de l’information à la DGFiP : le régime d’imposition adopté, les dates de début et de fin de la période de perception, les tarifs et le taux de la taxe de séjour pour chaque nature et pour chaque catégorie d’hébergement, ou encore le loyer en deçà duquel les personnes séjournant dans un établissement sont exonérées de la taxe de séjour doivent être transmis dans un délai de deux mois précédant le début de la période de perception. L’arrêté du 17 mai 2016 ([133]) précise que la transmission doit être effectuée « au travers d’une connexion à l’application OCSITAN, accessible par le portail internet de la gestion publique » ([134]). Les données consolidées sont publiées deux fois par an, à savoir les 1er juin et les 1er septembre. Le Rapporteur général souligne que la première publication des données nest intervenue que tardivement le 28 juin 2018.

Si le système est aujourdhui pleinement opérationnel, le Rapporteur général sinterroge sur la fiabilité des informations disponibles dans la base de données, dans la mesure où cette dernière est alimentée directement par les communes. Or, il a constaté des incohérences dans celle-ci : difficultés d’identification des communes et des EPCI ; absence de données pour certaines communes ou EPCI ; incohérences sur l’application de la taxe additionnelle départementale ; incohérences sur les tarifs adoptés et sur les régimes de perception retenus ; etc. Dans la mesure où ces données seront utilisées à compter du 1er janvier 2019 par les plateformes électroniques intermédiaires de paiement afin de collecter la taxe de séjour, le Rapporteur général estime que ladministration doit mettre en place au plus vite des mesures afin dassurer la fiabilisation du système dinformation. À ce titre, la collecte des données, sur la base des nouvelles délibérations des collectivités, à partir du 1er octobre 2018, doit être l’occasion de fiabiliser cette base de données. Cette fiabilisation est dautant plus importante que les plateformes en ligne estiment ne pouvoir être tenues responsables des erreurs issues des informations communiquées par les autorités fiscales. Elle est enfin la condition de la mise en œuvre des réformes qui doivent entrer en vigueur au 1er janvier 2019 : de nombreuses plateformes en ligne – qui ne font d’ailleurs aujourd’hui l’objet d’aucune identification particulière par les services de l’État – ne disposent en effet pas des moyens humains et matériels d’acteurs tels que AirBnb ou Abritel pour corriger les éventuelles irrégularités de la base de données.

Exemples de données OCSITAN non conformes

Dans l’exemple ci-dessous de la commune de Luceram (06), les tarifs indiqués ne respectent pas la règle de progressivité entre catégories d’hébergements de même nature : un hôtel 3 étoiles est soumis à une taxe de séjour d’un montant inférieur à un hôtel 2 étoiles.

Un constat similaire peut être tiré pour la commune de La-Trinité-sur-Mer (56) :

Source : taxesejour.impots.gouv.fr (lien).

c.   Les modalités de publicité et de recouvrements imposables aux plateformes

La procédure relative au droit de communication (article L. 2333-36 du CGCT) prévoit que « le montant des cotisations acquittées est contrôlé par la commune. Le maire et les agents commissionnés par lui peuvent procéder à la vérification des déclarations produites » par les logeurs, les hôteliers et les propriétaires. Le maire ou des agents commissionnés peuvent ainsi solliciter auprès du logeur une copie de la facture émise par la plateforme à son encontre afin d’y vérifier le montant de la taxe de séjour appliqué.

La procédure de taxation d’office (article L. 2333-38 du CGCT) prévoit qu’en cas d’absence de déclaration, de déclaration erronée ou de retard de paiement de la taxe de séjour, la collectivité adresse à l’hébergeur, ou au professionnel préposé à la collecte de la taxe de séjour, une mise en demeure par lettre recommandée. Faute de régularisation dans un délai de trente jours, un avis de taxation d’office motivé est communiqué au déclarant défaillant. Le redevable peut alors présenter ses observations au maire pendant un délai de trente jours, puis la réponse motivée définitive de la collectivité est notifiée dans les trente jours suivants. La dernière étape consiste alors à liquider le montant dû et à établir un titre de recettes exécutoire donnant lieu à l’application d’un intérêt égal à 0,75 % par mois de retard.

Le Rapporteur général estime quun renforcement des textes législatifs et réglementaires relatifs aux modalités de recouvrements amiable et contentieux de la taxe de séjour serait nécessaire, afin de tenir compte des modifications intervenues au cours des dernières lois de finances. Il est en effet essentiel que les contrôles et les sanctions soient identiques qu’il s’agisse d’une location par le biais d’un opérateur numérique ou directement auprès d’un logeur. Il souligne que les obligations déclaratives des plateformes sont, en pratique, insuffisantes pour permettre aux communes et aux EPCI de réaliser des opérations de contrôles. Ainsi, contrairement aux redevables de droit commun, les plateformes ne sont pas tenues de communiquer l’adresse de chaque hébergement loué. Les collectivités territoriales disposent donc de moyens insuffisants pour sassurer de la collecte de la taxe de séjour auprès de chaque hébergeur.

La loi pour une République numérique ([135]) prévoit la possibilité pour les communes et les EPCI qui le souhaitent de mettre en place une procédure de déclaration des locations de meublés de tourisme. Le numéro de déclaration unique doit figurer sur les offres de location diffusées par le loueur. Il pourrait être envisagé d’inclure le numéro de déclaration des meublés ainsi que le coût par personne de la nuitée dans les éléments de l’état fourni par les professionnels préposés à la collecte de la taxe de séjour. Les collectivités auraient ainsi une connaissance plus précise du parc des hébergements touristiques de leur territoire et les opérations de contrôles seraient alors facilitées.

Par ailleurs, il semble quune révision plus globale des modalités de mise en œuvre de la taxation doffice ainsi que des sanctions associées soit nécessaire pour garantir aux collectivités le produit de la taxe de séjour. Le projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) constitue une première étape vers cette révision, puisqu’il renforce les contrôles et les sanctions civiles en matière de locations de courte durée à des fins touristiques, à l’encontre des loueurs et des plateformes qui ne respectent pas les obligations existantes.

Les mesures d’encadrement de la location entre particuliers par l’intermédiaire des plateformes en ligne

La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové et la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique ont progressivement encadré la location de meublés entre particuliers par l’intermédiaire d’une plateforme de réservation en ligne. L’article 51 du projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique prévoit un renforcement des sanctions et des contrôles en matière de locations de courte durée à des fins touristiques. Le Rapporteur général a par ailleurs co-signé un amendement à cet article, adopté lors de lexamen du texte en séance publique, visant à faire rentrer dans le champ dapplication des présentes obligations les plateformes permettant les mises en relation de personnes louant des meublés de tourisme à titre gratuit.

Obligation dautorisation de changement dusage et limitation de la durée maximale de location dune résidence principale par un particulier à 120 jours par an : les articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l’habitation (CCH) disposent que dans certaines villes, la mise en location d’une résidence secondaire nécessite une demande d’autorisation à la mairie pour pouvoir modifier l’usage du logement en meublé de tourisme. Cette demande d’autorisation concerne les communes de plus de 200 000 habitants ; les communes des départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ; ainsi que sur décision du préfet dans les communes de plus de 50 000 habitants comportant des zones dites « tendues » (fort déséquilibre entre l’offre et la demande de logements). Le demandeur doit généralement respecter une règle dite de compensation, c’est-à-dire l’obligation de transformer un local commercial de surface équivalente en local d’habitation.

Une exception est toutefois prévue pour les logements considérés comme la résidence principale du loueur à la condition que celui-ci occupe le logement au minimum huit mois par an (sauf en cas d’obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure) : une résidence principale ne peut donc être louée plus de 120 jours par an. L’hébergeur peut louer au-delà de cette limite uniquement s’il bascule dans le régime applicable aux résidences secondaires (autorisation de changement d’usage valide nécessaire) ou s’il s’agit d’un hébergement de tourisme professionnel (chambres d’hôtes, résidences de tourisme, hôtels, etc.).

Obligation denregistrement préalable à la mise en location : l’article L. 324-1-1 du code du tourisme dispose qu’une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable toute location pour de courtes durées d’un local meublé en faveur d’une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile. L’article L. 324‑2-1 du même code dispose que le numéro de déclaration ainsi obtenu par chaque hôte concerné doit figurer sur l’annonce mise en ligne par la plateforme, et que celle-ci doit transmettre à la commune qui en fait la demande le décompte des nuitées réservées sur le site. Il rappelle qu’au-delà de 120 jours de location, un logement déclaré comme résidence principale ne peut plus faire l’objet d’une offre de location par l’intermédiaire d’une plateforme jusqu’à la fin de l’année en cours.

Interdiction pour les plateformes en ligne deffectuer des paiements par le biais de cartes prépayées : les cartes prépayées sont des moyens de paiement non adossés à un compte bancaire et non soumis à l’échange automatique d’informations fiscales. Elles demeurent ainsi un moyen simple de dissimuler des revenus à l’administration fiscale. L’article L. 112-6-1 A du code monétaire et financier interdit à compter du 1er janvier 2019 aux plateformes en ligne de réservation de logements d’effectuer des versements aux loueurs sur des cartes prépayées, dès lors que le logement est situé en France.

Obligation dinformation renforcée sur la réglementation fiscale et sociale : l’article 242 bis du CGI, créé par l’article 87 de la loi de finances pour 2016, impose aux plateformes en ligne de fournir, lors de chaque transaction, « une information loyale, claire et transparence sur les obligations fiscales et sociales » qui incombent à ceux-ci ; de mettre à disposition un lien électronique vers les sites des administrations permettant de se conformer, le cas échéant, à ces obligations ; et de fournir à leurs utilisateurs, en janvier de chaque année, un document récapitulant le montant brut des transactions réalisées. L’article 4 du projet de loi sur la lutte contre la fraude clarifie ces obligations en listant précisément les informations devant figurer dans le document récapitulatif, et impose de transmettre ces informations à l’administration fiscale. Il augmente également le montant de la sanction de 10 000 euros à 50 000 euros.


VI.   La transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière

L’article 31 de la loi de finances pour 2018 ([136]) a procédé à la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) et son remplacement par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).

Si le Gouvernement a souligné sa volonté de voir dans l’IFI la création d’un nouvel impôt, il apparaît que celui-ci a repris un nombre important des caractéristiques de l’ISF, notamment le barème applicable, le régime des biens professionnels, le seuil d’assujettissement, etc.

La différence la plus conséquente provient de l’assiette du nouvel impôt, qui fait l’objet de nombreuses précisions réglementaires.

S’il est encore trop tôt pour évaluer le rendement et les effets du nouvel impôt, dans la mesure où les données concernant la première campagne de l’IFI ne seront disponibles qu’à la fin du mois de juillet 2018, il est à la fois possible d’analyser les dernières données concernant l’ISF de l’année 2017 et l’ensemble des mesures prises pour la mise en œuvre de l’IFI.

A.   les données concernant l’ISF 2017

1.   Un produit en augmentation

La ventilation de l’ISF 2017

Taux

Bornes

(en millions d’euros)

Nombre de redevables

(en milliers)

Actif net imposable total

(en milliards d’euros)

ISF total avant plafonnement

(en milliards d’euros)

Montant net à payer total

(en milliards d’euros)

Montant total à payer après imputation du bouclier fiscal

(en milliards d’euros)

Revenu fiscal de référence moyen

(en euros)

Actif net imposable moyen

(en millions d’euros)

0,7 %

De 1,3 à 2,57

257

468

1,26

1,26

nc

115 692

1,82

1 %

De 2,57 à 5

72

251

1,14

1,12

1,11

200 337

3,44

1,25 %

De 5 à 10

20

135

0,95

0,84

0,84

376 815

6,65

1,5 %

Plus de 10

7

174

2, 19

1

1

983 955

24,1

Total

358

1 028

5,56

4,23

nc

164 571

2,87

Source : direction générale des finances publiques, juillet 2018.

Le rapprochement avec les données transmises l’année dernière à la commission des finances met en évidence, pour la dernière année de perception de l’ISF, la poursuite de l’augmentation du nombre de redevables et du rendement net.

principales évolutions budgétaires de l’ISF

Caractéristiques

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Nombre de redevables

(en milliers)

527

565

559

593

291

290

312

331

342

351

358

Actif net imposable

(en milliards d’euros)

908

987

947

1041

772

777

839

904

949

986

1 028

Produit d’ISF avant plafonnement

(en milliards d’euros)

4,41

4,19

3,63

4,09

4,39

2,26

4,34

4,71

4,94

5,19

5,56

Produit d’ISF après plafonnement

(en milliards d’euros)

4,03

3,81

3,26

3,61

3,87

1,7

3,63

3,80

3,89

4,04

4,23

Contribution exceptionnelle

2,26

Produit d’ISF après bouclier fiscal

3,11

3,39

3,5

4,05

3,45

3,77

3,88

4,04

nc

Source : direction générale des finances publiques, février 2017, juillet 2018.

2.   Les données relatives aux dons déductibles de l’ISF

Compte tenu de la suppression de l’ISF et de la création d’un IFI dont l’assiette est plus restreinte, la question de l’impact de la réforme sur les dons déductibles de l’ISF – qui le resteront de l’IFI – se posera certainement dans les mois et les années à venir.

La déductibilité de certains dons de l’ISF était, en effet, devenue un canal particulièrement important de financement des associations œuvrant dans des domaines divers de la générosité publique et de l’intérêt général.

À cet égard, il n’est donc pas inutile de rappeler les montants ainsi déduits dans le cadre de la dernière campagne d’ISF.

Selon les informations transmises par l’administration fiscale :

– 51 592 foyers ont imputé sur le montant d’ISF des réductions d’impôts au titre de l’année 2017 au titre de dons à des organismes établis en France, pour un montant total de 195 millions deuros ;

– 698 foyers ont imputé des réductions d’impôt au titre de dons à des organismes établis dans un État européen pour un montant de 2,3 millions deuros ;

– le montant moyen des dons réalisés au profit d’organismes établis en France s’élève à 3 789 euros et à 3 242 euros pour ceux opérés au profit d’organismes établis dans un autre État européen.

3.   Le plafonnement de l’ISF 2017

Le tableau ci-dessous retrace les effets du plafonnement de l’ISF qui fait l’objet d’une information régulière de la commission des finances.

Le plafonnement de l’ISF 2017

Déciles de RFR des redevables de lISF plafonnés

Nombre de redevables plafonnés

Montant du plafonnement

Montant dISF dû

Montant du plafonnement effectué

Montant total

(en millions d’euros)

Montant moyen

(en euros)

Montant total

(en millions d’euros)

Montant moyen

(en euros)

Montant total

(en millions d’euros)

Montant moyen

(en euros)

RFR <= 415 €

1 141

70

61 400

9

7 868

62

53 960

415 € < RFR <= 6 921 €

1 141

45

39 677

6

5 225

44

38 198

6 921 € < RFR <= 16 449 €

1 140

48

42 122

10

8 768

45

39 407

16 449 € < RFR <= 29 701 €

1 141

62

54 285

17

14 767

60

52 267

29 701 € < RFR <= 45 773 €

1 140

151

131 914

25

21 960

149

130 871

45 773 € < RFR <= 68 529 €

1 140

100

87 738

35

30 826

98

85 771

68 529 € < RFR <= 97 565 €

1 140

130

114 300

48

42 218

126

110 619

97 565 € < RFR <= 144 194 €

1 141

127

111 444

63

55 235

125

109 698

144 194 € < RFR <= 254 681 €

1 140

187

163 711

90

78 618

185

162 060

RFR > 254 681 €

1 139

421

369 524

217

190 747

415

364 597

Contribuables ne déposant pas de déclaration 2042 ou non rapprochés

111

18

161 354

3

28 540

18

160 496

Total

11 514

1 359

118 010

523

45 449

1 326

115 163

Source : direction de la législation fiscale, juillet 2018.

B.   la mise en œuvre de l’IFI

1.   Les mesures d’application réglementaires

La mise en œuvre de la réforme de l’IFI a donné lieu à plusieurs mesures d’application réglementaires récentes.

• Le décret  2018-391 du 25 mai 2018 relatif aux obligations déclaratives incombant aux redevables et aux sociétés ou organismes dans le cadre de limpôt sur la fortune immobilière

Ce décret précise les informations qui feront l’objet d’une déclaration par le redevable (composition du foyer, les actifs exonérés en application du régime des biens professionnels, les actifs imposables, les dettes déductibles de l’assiette de l’impôt, le plafonnement, les impôts étrangers acquittés hors de France dont les caractéristiques sont similaires à celles de l’impôt sur la fortune immobilière).

Ce décret précise également les obligations pesant sur les sociétés ou les organismes dont les actifs immobiliers doivent faire l’objet d’une déclaration par le redevable.

À cet effet, le décret prévoit que ces structures doivent fournir aux redevables les informations suivantes :

– les références de la structure, ainsi que la valeur des parts du redevable ;

– la fraction de la valeur de ces parts représentative d’actifs immobiliers entrant dans l’assiette de l’IFI.

Afin de déterminer cette fraction, le décret prévoit que ces structures peuvent obtenir sur simple demande ces mêmes informations auprès de sociétés ou organismes dont elles détiennent des parts.

Il prévoit également qu’il revient aux organismes d’assurance le soin de communiquer aux redevables les informations relatives aux actifs immobiliers imposables contenus dans leurs contrats d’assurance vie.

Le décret prévoit que l’ensemble de ces informations sont transmises aux redevables « dans des délais compatibles avec la déclaration par le redevable » de ces informations.

 Le décret  2018-404 du 29 mai 2018 relatif à la réduction dimpôt accordée au titre des dons effectués au profit de certains organismes dintérêt général et à lexonération des bois et forêts et des parts de groupements forestiers en matière dimpôt sur la fortune immobilière

Ce décret précise les conditions d’exonération partielle d’IFI dont peuvent bénéficier les terrains en nature de bois et forêts. Cette exonération suppose le dépôt d’un certificat de gestion durable dans le cadre de la déclaration d’IFI, ce certificat ne devant pas avoir plus de six mois lors de la déclaration d’IFI ou de deux ans pour les parts de groupement forestier ou de société d’épargne forestière.

Il précise, par ailleurs, les modalités d’agrément des organismes d’intérêt général ouvrant droit aux dons déductibles, lorsque ces organismes sont installés dans un État membre de l’Union européenne.

• Deux arrêtés du 29 mai 2018 apportent par ailleurs des précisions techniques relatives respectivement :

– à lexonération dimpôt sur les bois et forêts et les parts de groupements forestiers et au service compétent pour le dépôt des déclarations des résidents de Monaco en matière dimpôt sur la fortune immobilière ;

 à lexonération dimpôt sur la fortune immobilière en raison des dons faits à certains organismes dintérêt général.

 Par un communiqué de presse du 16 mai 2018, la direction générale des finances publiques a par ailleurs indiqué octroyer un délai supplémentaire pour les contribuables redevables de lIFI.

Ce communiqué de presse ([137]) a fixé la nouvelle date limite au 15 juin 2018 sans que cela nentraîne lapplication dune sanction pour retard déclaratif.

Le communiqué de presse justifie ce report par le fait que « le bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) relatif à l’impôt sur la fortune immobilière, qui commente les dispositions relatives à cet impôt, sera disponible au plus tard le 8 juin ».

Larticle 982 du CGI, dans sa rédaction résultant de la loi de finances pour 2018, prévoyait pourtant, dans un souci de simplification des obligations déclaratives, que la déclaration dIFI serait intégrée à la déclaration annuelle des revenus.

Cette disposition mettait ainsi fin à la déclaration spéciale dISF applicable aux patrimoines de plus de 2,57 millions deuros, dont la date limite de déclaration était fixée au 15 juin de chaque année.

Compte tenu des dates limites applicables aux déclarations de revenus, les déclarations dIFI auraient en principe dû être réalisées au plus tard le 17 mai 2018 en déclaration sous format papier et pour les déclarations en ligne :

 le 22 mai 2018 pour les départements numérotés de 1 à 19 ;

 le 29 mai 2018 pour ceux numérotés de 20 à 49 ;

 le 5 juin 2018 pour les départements restants.

Le communiqué indique, par ailleurs, que le renseignement de la case 9GI du formulaire, relative aux biens professionnels exonérés, nest pas obligatoire cette année.

Il convient, enfin, de souligner que ce report a automatiquement rallongé dautant le délai dans lequel les dons déductibles de lIFI ont pu être réalisés.

2.   Le commentaire de la réforme dans le BOFiP

Le commentaire de la réforme de l’IFI au BOFiP a été mis en ligne le 8 juin 2018, sous la forme d’un document de plus de 300 pages.

Il serait probablement fastidieux, dans le cadre du présent rapport, de fournir une étude précise de l’ensemble de ce commentaire qui, pour l’essentiel, reprend le texte de la loi.

Certains points ont cependant fait l’objet de questionnements de la part des professionnels du droit, qui méritent d’être synthétisés.

a.   Les règles de déductibilité des dettes afférentes à l’habitation principale

Dans le cadre de l’IFI, comme du reste dans celui de l’ISF, la résidence principale est prise en compte dans l’assiette de l’impôt après application d’un abattement de 30 %.

Dans le cadre de l’ISF, la valeur de l’habitation principale à laquelle était appliqué l’abattement était calculée nette de l’intégralité des dettes contractées pour son acquisition.

Dans le cadre de l’IFI, un doute a pu naître sur les modalités d’application de la déductibilité de ces dettes ; en effet, la notice destinée à éclairer les contribuables jointe au formulaire n° 2042 ([138]), dont la mise en ligne a précédé celle du BOFiP, prévoit qu’un « abattement de 30 % étant pratiqué sur la valeur de la résidence principale, les dettes contractées pour son acquisition ne sont déductibles quà hauteur de 70 % de leur valeur ».

Ce point a fait l’objet d’une clarification dans le BOFiP qui prévoit explicitement : « Il est toutefois admis que les dettes admises en déduction qui sont afférentes à la résidence principale occupée par son propriétaire, dont la valeur vénale réelle bénéficie dun abattement légal de 30 %, soit déductibles à concurrence de leur montant total sans pouvoir toutefois excéder la valeur imposable de la résidence principale (soit 70 % de la valeur vénale réelle). »

Le BOFiP fournit, par ailleurs, un exemple chiffré : soit un redevable ayant acquis sa résidence principale d’une valeur vénale réelle de 4 millions d’euros assortie d’un emprunt de 2 millions d’euros.

La valeur imposable de la résidence principale serait de 2,8 millions d’euros au titre de l’IFI après application de l’abattement de 30 %. Dès lors que le montant des dettes n’excède pas celui de la valeur imposable de sa résidence, le redevable peut intégralement déduire le montant de ces dettes.

b.   L’exclusion de l’assiette de l’IFI des parts d’entreprises solidaires d’utilité sociale

Dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2018, la question de la prise en compte des parts d’entreprises solidaires d’utilité sociale (ESUS) dans l’assiette de l’IFI a fait l’objet de plusieurs amendements, visant à clarifier le projet initial.

En effet, le projet de loi de finances prévoyait que les actifs immobiliers affectés à l’activité d’une entreprise sont de facto exonérés d’IFI pour le détenteur de cette entreprise.

Cette exonération s’applique toutefois aux actifs affectés à une activité « industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ».

La prise en compte des ESUS dans le champ de cette exonération pouvait poser question. En effet, l’article L. 3332-7-1 du code du travail prévoit que toute entreprise qui poursuit un objectif principal d’utilité sociale peut prétendre à l’agrément ESUS.

Cette utilité sociale est reconnue par l’article 2 de la loi du 31 juillet 2014 ([139]) aux entreprises ayant pour objectif :

– d’apporter un soutien à des personnes en situation de fragilité soit du fait de leur situation économique ou sociale, soit du fait de leur situation personnelle et particulièrement de leur état de santé ou de leurs besoins en matière d’accompagnement social ou médico-social ;

– de contribuer à la lutte contre les exclusions et les inégalités sanitaires, sociales, économiques ou culturelles, à l’éducation à la citoyenneté, notamment par l’éducation populaire, à la préservation et au développement du lien social ou au maintien et au renforcement de la cohésion territoriale ;

– de concourir au développement durable dans ses dimensions économique, sociale, environnementale et participative, à la transition énergétique ou à la solidarité internationale, en lien avec l’un des deux objectifs précédents.

Outre ces critères sectoriels, le code du travail prévoit que l’agrément ESUS est réservé aux entreprises dont :

– la charge induite par son objectif d’utilité sociale a un impact significatif sur le compte de résultat ou la rentabilité financière de l’entreprise ;

– la politique de rémunération souscrit à des conditions d’écart entre les plus hautes et les plus basses rémunérations ;

– les titres de capital ne sont pas admis aux négociations sur un marché d’instruments financiers.

Compte tenu de ces critères, ponctuellement relativement flous, il apparaît que certaines ESUS peuvent appartenir au secteur concurrentiel ; la commission des finances avait donc été prudente concernant les amendements visant à extraire les parts d’ESUS de l’assiette de l’IFI, ce qui aurait conduit à créer une inégalité de traitement entre les ESUS et les entreprises du même secteur concurrentiel ne bénéficiant pas de cet agrément.

Le BOFiP a tranché cette question en prévoyant que les parts ou actions reçues en contrepartie de souscriptions au capital initial ou aux augmentations de capital, en numéraire ou en nature par apport de biens nécessaires à l’exercice de l’activité, d’entreprises solidaires d’utilité sociale, qui répondent à la définition de petite ou moyenne entreprise au sens européen « sont exclues de lassiette de lIFI ».

Le BOFiP précise que ces parts ou actions sont exclues quelle que soit leur date d’acquisition.

3.   La mise en œuvre de l’augmentation transitoire du taux de la réduction d’impôt « Madelin »

a.   Une adaptation du dispositif « Madelin » en loi de finances pour 2018

La suppression de l’ISF et la création de l’IFI se sont traduites par la suppression de l’ISF-PME, qui constituait un canal du financement de l’amorçage des start up particulièrement efficace.

Afin d’éviter que cette réforme ne se traduise transitoirement par une chute de l’investissement dans le capital des petites et moyennes entreprises (PME), la commission des finances a été à l’initiative d’une augmentation transitoire de 18 % à 25 % de la réduction d’impôt dite « Madelin », qui permet d’imputer sur l’impôt sur le revenu un certain pourcentage des montants souscrits au capital de PME de moins de sept ans ([140]).

Actuellement, le dispositif « Madelin » se caractérise pour l’essentiel de la manière suivante :

– le taux de la réduction d’impôt est de 18 % des montants investis ; ces montants peuvent correspondre à des souscriptions au capital initial de la PME ou à des augmentations de capital ;

– en cas d’investissement direct ou par le biais d’une holding, les versements sont plafonnés à 50 000 euros pour une personne seule et 100 000 euros pour un couple ;

– en cas d’investissement par le biais d’un fonds d’investissement (FIP ou FCPI), les plafonds sont de 12 000 euros ou 24 000 euros. Il est à noter que le taux de la défiscalisation est porté à 38 % en cas d’investissement par le biais d’un « FIP Corse » ou d’un « FIP DOM » ;

– le dispositif « Madelin » est placé sous le plafonnement global des niches fiscales à 10 000 euros, avec d’autres dépenses fiscales plus directement utiles pour la vie quotidienne (garde à domicile par exemple) ;

– le champ des entreprises ciblées par le dispositif a été recentré, en cohérence avec l’ISF-PME, afin d’être mis en conformité avec le droit européen : seules les PME, au sens européen, de moins de sept ans sont éligibles aux investissements pouvant être défiscalisés. Pour les entreprises de plus de sept ans, seuls les investissements prévus par le business plan initial sont éligibles, ainsi que les entreprises dont le besoin d’investissement est supérieur à 50 % du chiffre d’affaires annuel moyen des cinq dernières années.

À cet effet, l’article 74 de la loi de finances pour 2018 ([141]) a prévu de porter le taux de cette réduction d’impôt sur le revenu à 25 % pour les versements effectués jusqu’au 31 décembre 2018.

Cet article prévoit en outre deux dispositions complémentaires issues respectivement d’un amendement du Gouvernement et du Sénat :

– en cas d’investissement par le biais d’un fonds, la réduction d’impôt est pondérée en fonction du quota d’investissement de ce fonds effectivement investi au capital des PME éligibles, alors qu’elle était jusqu’alors applicable à l’ensemble du montant souscrit au capital du fonds ; une telle pondération était déjà en vigueur dans le cadre de l’ISF-PME et elle n’avait pas été étendue au dispositif « Madelin » lors de la dernière réforme de 2015 ;

– à l’initiative du Sénat, un mécanisme de plafonnement des frais et commissions perçus par les intermédiaires financiers imputés sur les montants souscrits a été introduit par le Sénat, sur le modèle d’un dispositif similaire introduit également par le Sénat dans le cadre de l’ISF-PME.

Ce mécanisme prévoit que le montant des frais et des commissions directs et indirects perçus par les sociétés de gestion ou les gérants de fonds « ne peut excéder un plafond fixé par arrêté du ministre chargé de léconomie, dont le niveau tient compte du montant du versement, de la valeur liquidative des fonds et des distributions effectuées ».

En application de ce mécanisme, l’arrêté du 11 juin 2018 ([142]) a prévu un plafonnement égal à :

– 30 % du versement sur la durée totale de l’investissement ;

– 5 % du versement opéré auprès de l’entreprise cible ;

– 12 % des versements pendant les trois premières années ;

– 3 % par an à compter de la quatrième année suivant le versement.

Ces plafonds sont les mêmes que ceux qui étaient en vigueur dans le cadre de l’ISF-PME en application du décret n° 2016-1794 du 21 décembre 2016 ([143]).

b.   L’augmentation du taux de la réduction d’impôt « Madelin » suspendue à la validation du dispositif par la Commission européenne

S’agissant de laugmentation transitoire à 25 % de la réduction dimpôt « Madelin », l’article 74 précité a prévu qu’elle s’appliquerait « aux versements effectués à compter dune date fixée par décret, qui ne peut être postérieure de plus de trois mois à la date de réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer cette disposition lui ayant été notifiée comme étant conforme au droit de lUnion européenne ».

 

L’obligation de suspendre l’augmentation du taux du dispositif « Madelin »
à une validation de la Commission européenne résulte du droit européen applicable en matière d’aides d’État

De manière générale, l’encadrement des aides dÉtat résulte de l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) qui prévoit que :

– les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions sont par principe incompatibles avec le marché intérieur ;

– par dérogation, certaines aides limitativement énumérées sont compatibles avec le traité (aides à caractère social, aides destinées à remédier aux calamités naturelles, etc.), tandis que d’autres « peuvent » être compatibles avec le traité, notamment les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités économiques.

L’article 108 du même traité prévoit plusieurs mesures permettant la mise en œuvre de ces principes :

– la Commission procède à l’examen « permanent » des régimes d’aides existants et propose les mesures utiles exigées par le développement progressif du marché intérieur ;

– elle peut décider que l’État doit supprimer ou modifier tout régime d’aide incompatible avec ce principe ;

– elle doit être informée, sous la forme dune notification préalable réalisée « en temps utile » par les États membres, des projets tendant à instituer ou modifier des aides.

L’article 109 du même traité stipule enfin que « le Conseil, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut prendre tous règlements utiles en vue de lapplication des articles 107 et 108 et fixer notamment les conditions dapplications de l’article 108, paragraphe 3, et les catégories daides dispensés de cette procédure », c’est-à-dire de la procédure de notification préalable mentionnée ci-dessus.

Pour la mise en œuvre pratique de ces principes, plusieurs dispositions établissent :

– un régime dit « de minimis » (1), qui définit un seuil d’aide par entreprise en-deçà duquel l’État membre n’est pas soumis à l’obligation de notification du dispositif ;

– le régime général fixé par le règlement général « dexemption par catégorie » (RGEC) récemment modifié (2), qui prévoit une dérogation à l’obligation de notification applicable à plusieurs catégories d’aides : aides en faveur de la culture et de la conservation du patrimoine, aides à finalité régionale, aides en faveur des PME, aides à la formation, aides à la protection de l’environnement, aides au financement des risques, etc.

(1) Ce régime a été récemment réformé par le règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission européenne du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis.

(2) Règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

Contrairement à l’ISF-PME, le dispositif « Madelin » navait jamais fait lobjet dune notification complète aux autorités européennes lui permettant de bénéficier ensuite du régime d’exemption de nouvelle notification en application du règlement général d’exemption par catégorie (RGEC).

Pourtant, comme l’a confirmé le directeur de la législation fiscale lors du contrôle sur place opéré le 5 juillet dernier, le dispositif « Madelin » a fait l’objet d’une mise en conformité avec le RGEC en même temps que le dispositif ISF-PME par l’article 24 de la loi de finances rectificative pour 2015 ([144]). Il conserve toutefois certaines spécificités par rapport à l’ISF-PME rendant une validation formelle nécessaire, notamment s’agissant de l’éligibilité des ESUS.

De ce fait, sauf changement de circonstance, la Commission européenne devrait valider le dispositif, ainsi que l’augmentation du taux. À cette fin, le directeur de la législation fiscale a dit avoir reçu un questionnaire important, auquel il a été répondu dans les temps.

Il revient désormais à la Commission européenne de donner son feu vert, lequel permettra ensuite au Gouvernement de rendre effective la mesure adoptée en loi de finances pour 2018. S’il a en principe trois mois pour prendre le décret suivant la date de réception de cette validation, on peut espérer qu’il sera pris plus rapidement.

c.   Ces délais créent un attentisme des investisseurs contraire à la volonté du législateur

Malheureusement, les délais pris pour cette validation créent un certain attentisme chez les investisseurs, qui est contraire à l’objectif recherché par le législateur.

L’idée circule même parmi certains d’entre eux que le dispositif n’aurait pas du tout été notifié à la Commission européenne, ce qui n’est pas vérifié.

Il reste qu’en l’état, l’application du taux de 25 % reste, du point de vue des investisseurs et de leurs conseillers financiers, incertaine.

Sauf à ce que l’ensemble du dispositif « Madelin » soit invalidé par la Commission européenne, le Rapporteur général sera donc particulièrement attentif à ce que l’effet utile de ce dispositif soit garanti dans les meilleurs délais.

À cet égard, il n’est pas inutile de rappeler qu’en l’état des modalités de perception de l’impôt sur le revenu – et en faisant abstraction de la mise en œuvre de la réforme du prélèvement à la source – un décret pris, par exemple, en décembre 2018 rendrait applicable le taux renforcé de la réduction d’impôt de 25 % à l’ensemble des versements opérés dans les entreprises cibles entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2018.

À défaut de décret, le taux de 18 % resterait, en tout état de cause, applicable.

d.   Une articulation complexe entre l’augmentation du taux de la réduction d’impôt « Madelin » et l’entrée en vigueur du prélèvement à la source

Outre l’attentisme créé par le délai nécessaire à la validation du dispositif par la Commission européenne, une certaine incertitude pourrait naître de l’articulation entre l’augmentation du taux de la réduction d’impôt « Madelin » adoptée dans la loi de finances pour 2018 et la mise en œuvre, à compter du 1er janvier 2019, du prélèvement à la source.

Cette mise en œuvre se traduira par un prélèvement contemporain de l’impôt sur le revenu à compter du mois de janvier 2019 mais également par ce que certains ont appelé une « année blanche » en 2018, c’est-à-dire la non-imposition des revenus de 2018 en 2019, comme le voudrait le mode actuel de perception en année N + 1 de cet impôt.

Du fait de cette « année blanche », certains contribuables pourraient penser que la réduction d’impôt « Madelin » serait pour ainsi dire perdue dans la mesure où elle viendrait s’imputer sur des revenus non imposés.

En réalité, les modalités techniques permettant de supprimer l’imposition des revenus de l’année 2018 en 2019, par le biais du crédit d’impôt de modernisation du recouvrement (CIMR), sont telles que le bénéfice des différents avantages fiscaux (crédit d’impôt pour la transition énergétique – CITE, investissement locatif, emploi à domicile, réductions d’impôts, etc.) sera maintenu.

La réduction d’impôt correspondante fera en effet l’objet d’une restitution en 2019. De ce fait, l’augmentation du taux de la réduction d’impôt « Madelin » conserve tout son intérêt en dépit de « l’année blanche ».

Il convient, en outre, de rappeler que le dispositif « Madelin » ainsi que le plafonnement global des niches fiscales à 10 000 euros (sous lequel est placé ce dispositif) sont assortis de deux mécanismes de report qui permettront d’étaler la dépense fiscale sur plusieurs années :

– la fraction des versements excédant les plafonds de versements précités de 50 000 ou 100 000 euros sont reportés sur les quatre années suivantes ;

– la part de la réduction d’impôt résultant du dispositif « Madelin » dépassant le plafonnement global des niches fiscales à 10 000 euros peut être reportée sur l’impôt sur les revenus dû au titre des cinq années suivantes.

Concrètement, l’appel d’air créé par l’augmentation du taux du « Madelin » au titre des versements opérés en 2018 pourra être d’autant plus important que les redevables peuvent reporter une partie des montants ou réductions sur les années suivantes.


VII.   La réforme du prélèvement forfaitaire unique

La mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU), prévue par l’article 28 de la loi de finances pour 2018 précitée, ayant été un volet important de cette loi, il pourrait paraître logique que le présent RALF s’attache à en évaluer les effets, notamment dans le domaine de l’investissement productif en faveur des entreprises.

En réalité, l’évaluation des effets de cette mesure est certainement prématurée, dans la mesure où le PFU s’applique pour l’essentiel aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2018, dont l’imposition interviendra en 2019 (étant rappelé que les revenus soumis au PFU, par exception, n’entrent pas dans le champ du prélèvement à la source).

S’agissant des mesures d’application, l’administration fiscale a affirmé lors du contrôle sur place susmentionné que son commentaire au BOFiP devrait intervenir très prochainement.

Il convient, par ailleurs, de souligner que l’Assemblée nationale était à l’origine d’une disposition, complétant cet article 28, prévoyant qu’un « comité de suivi placé auprès du Premier ministre est chargé de veiller au suivi de la mise en œuvre et de lévaluation des réformes fiscales favorisant la réorientation de lépargne vers les investissements productifs ». Avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2020, ce comité devra établir un rapport public exposant l’état des évaluations réalisées.

Selon les informations transmises, la composition de ce comité de suivi
– nécessitant un décret – est en cours de détermination par l’administration fiscale.

 


VIII.   Le droit de partage et de licitation applicable en cas de divorce ou de séparation

Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, le Parlement s’est penché sur le montant du droit de partage qui doit être acquitté par des époux ou partenaires d’un pacte civil de solidarité (PACS) vivant sous le même toit lorsque, en instance de séparation, ils souhaitent procéder à la vente de leur bien immobilier ou en partager la propriété.

Dans de nombreux cas portés à la connaissance du Rapporteur général, le montant de ce droit de partage constitue une barrière à la clarification des conséquences patrimoniales de la séparation ; véritable « impôt sur le divorce », il pousse même les juristes (avocats, notaires) à conseiller d’éviter cette clarification uniquement pour ne pas supporter ce prélèvement, ce qui constitue par conséquent une perte pour le budget de l’État.

A.   Le droit en vigueur

1.   Le partage ou la licitation, modalités de sortie d’une indivision

L’indivision, dont la définition n’est pas explicitement posée dans le code civil, est une situation juridique dans laquelle plusieurs personnes exercent des droits de même nature sur un bien ou un ensemble de biens.

Cette indivision peut résulter de dispositions légales, notamment en cas de succession ou de donation. De manière plus rare, elle peut résulter de la dissolution d’une personne morale.

L’indivision peut également résulter d’un contrat, qu’il s’agisse de l’achat en commun d’un bien assorti d’une convention d’indivision ou d’un achat réalisé dans le cadre d’un contrat de mariage placé sous le régime de la communauté de biens.

L’article 815 du code civil prévoit que « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention ».

En pratique, la sortie de l’indivision s’opère soit par partage, soit par licitation.

En règle générale, la sortie de lindivision sopère par le biais du partage, qui est du point de vue juridique un contrat opérant la répartition des biens indivis entre les indivisaires.

L’article 816 du code civil prévoit que « le partage peut être demandé, même quand l’un des indivisaires a joui séparément de tout ou partie des biens indivis, s’il n’y a pas eu d’acte de partage ou une possession suffisante pour acquérir la prescription ». En pratique, l’acte de partage est un élément distinct de la vente : le partage peut être opéré soit avant la vente, dans la plupart des cas, du ou des biens immobiliers, soit après cette vente.

Dans le cas où le partage est opéré en conservant les biens en indivision, il arrive fréquemment que la masse des biens à partager ne puisse l’être en deux parts strictement égales : dans ce cas, l’un des indivisaires sera contraint de verser à l’autre une soulte. Fiscalement, il existe donc deux catégories de partage : les partages purs et simples et les partages avec soulte.

La licitation permet également de sortir de l’indivision, par le biais de la vente d’un bien figurant dans une masse à partager. Cette licitation peut avoir lieu à l’égard d’un tiers à l’indivision (le prix de la vente est alors partagé entre les indivisaires) ou à l’égard d’un autre indivisaire.

2.   Le cadre fiscal applicable

a.   Les partages

Les partages peuvent être réalisés à l’amiable, sans aucune forme spéciale et suivant le contrat entre les parties. En cas de désaccord entre les indivisaires, l’intervention judiciaire est nécessaire.

Les partages purs et simples portant sur des immeubles sont obligatoirement soumis à la formalité fusionnée exécutée par le service de la publicité foncière compétent et à la taxe de publicité foncière à laquelle sont incorporés les droits d’enregistrement.

Par exception, le droit de partage n’est pas perçu sur les partages de fonds communs de placement et de fonds de placement immobilier, ni sur le partage d’immeubles en copropriété.

Alors que le taux habituel des droits d’enregistrement est de 5,09 % ou 5,8 % suivant les départements, l’article 746 du CGI prévoit que « les partages de biens meubles et immeubles entre copropriétaires, cohéritiers et coassociés, à quelque titre que ce soit, pourvu qu’il en soit justifié, sont assujettis à un droit d’enregistrement ou à une taxe de publicité foncière de 2,50 % ».

L’assiette du droit de partage est fixée par l’article 747 du même code : celui-ci est liquidé « sur le montant de l’actif net partagé ».

Dans le cas d’un partage avec soultes ou plus-values, ce même article prévoit que le droit de partage est perçu au taux du droit d’enregistrement applicable aux ventes (soit 5,09 ou 5,8 %) sur la soulte ou la plus-value.

b.   Les licitations

En général, les licitations portant sur des biens dépendant d’une succession ou d’une communauté conjugale interviennent au profit des membres originaires de l’indivision.

Alors que les licitations bénéficiant à une personne tierce sont soumises aux droits d’enregistrement applicables aux ventes, celles intervenant au profit des membres originaires de l’indivision sont soumises au taux dérogatoire de 2,5 % pour les biens dépendant d’une succession ou d’une communauté conjugale.

L’assiette du droit de licitation est relativement complexe :

– en principe, le droit est assis sur la valeur des seules parts acquises ;

– toutefois, dans le cas où la licitation fait totalement cesser l’indivision, le droit est assis sur la valeur des biens sans soustraire les parts de l’acquéreur.

3.   Un alourdissement de la fiscalité difficilement soutenable

a.   Une augmentation du taux à compter du 1er janvier 2012

Jusqu’au 1er janvier 2006, le taux des droits de partage et de licitation était fixé à 1 %, ce taux ayant été revalorisé à 1,1 % à compter du 1er janvier 2006 en application de l’article 95 de la loi de finances rectificative pour 2004 ([145]).

Cette revalorisation a été opérée à l’initiative du rapporteur général d’alors, notre collègue Gilles Carrez, dans le cadre de la suppression du droit de timbre de dimension alors perçu au tarif de 3 euros par page sur certains actes notariés ou soumis à enregistrement. D’un rendement de 562 millions d’euros, ce droit a été remplacé par une augmentation de plusieurs droits portant sur des actes soumis à enregistrement.

Ce taux a ensuite été porté de 1,1 % à 2,5 % par l’article 7 de la loi de finances rectificative du 29 juillet 2011 ([146]), dans le cadre d’une révision plus générale de la fiscalité patrimoniale (suppression du bouclier fiscal, allégement de l’impôt de solidarité sur la fortune, renforcement de la lutte contre l’évasion fiscale, etc.).

Dans ce cadre, l’article 3 du projet de loi a prévu un rallongement de six ans à dix ans du rappel des donations ; tel que prévu initialement, ce rallongement se serait appliqué dès la promulgation de la loi de finances rectificative, ce qui aurait eu pour effet de rallonger de quatre ans le délai de rappel de donataires qui pouvaient légitimement espérer voir le délai échoir sans nouvelle modification législative.

Pour éviter une telle perspective, l’Assemblée nationale a adopté un amendement du rapporteur général, avec un avis défavorable du Gouvernement, permettant d’instaurer une entrée en vigueur progressive de l’allongement du délai de rappel, sous la forme d’un abattement dégressif en fonction de l’ancienneté de la donation.

Le coût de ce dispositif transitoire a été alors évalué à 200 millions d’euros par an pendant les six années de transition, avant de décroître pendant les quatre années suivantes avant de devenir nul.

Ce surcoût transitoire a été financé par une augmentation des droits de partage et de licitation de 1,1 à 2,2 %.

Lors de l’examen de ce dispositif au Sénat, le taux de 2,2 % a été porté à 2,5 % afin de compenser la suppression de la taxe sur les résidences en France des non-résidents, envisagée dans le projet initial mais abandonnée en cours de discussion.

Cette dernière augmentation a été chiffrée à 76 millions d’euros dans l’amendement de la commission des finances du Sénat.

b.   Les effets de cet accroissement de la fiscalité

Si l’augmentation des taux du droit de partage ou de licitation n’a pas posé de problèmes d’acceptabilité dans le cadre d’opérations classiques (partage de sociétés ou, dans une moindre mesure, successions), il est apparu qu’elle a été moins bien acceptée dans le cadre des séparations et des divorces.

Ces situations souvent douloureuses s’accompagnent d’un certain nombre de dépenses pesant déjà sur le budget des personnes qui se séparent : déménagement, achat ou location d’un nouveau logement, acquisition de nouveaux équipements et du mobilier nécessaire, dans certains cas frais d’avocat, pension alimentaire et prestation compensatoire.

Dans un tel cadre, l’acquittement d’un droit de 2,5 % de la valeur nette des biens soumis à partage ou licitation peut paraître très lourd. Au risque de souligner une évidence, ce droit représente donc une charge fiscale de 5 000 euros pour un patrimoine à partager de 200 000 euros et de 25 000 euros pour un patrimoine d’un million d’euros.

Dans ce contexte, le moyen d’éviter d’acquitter ces droits a rapidement été souligné par les professionnels du droit, notamment dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel.

Une question de notre collègue Clotilde Valter du 22 janvier 2013 ([147]) a attiré l’attention du ministre sur « l’assujettissement aux droits de partage des personnes qui, souhaitant divorcer par consentement mutuel, procèdent par anticipation à la vente d’un immeuble commun et effectuent un "partage verbal" du prix de la vente sans rédaction d’un acte le constatant, la convention réglant les conséquences du divorce ensuite soumise à l’homologation du juge ne mentionnant pas la vente intervenue ni le partage de son prix ». Ainsi se posait la question de savoir si « cette manière de faire, qui correspond à une pratique ayant apparemment tendance à se répandre et visant à soustraire la valeur attachée à un bien immobilier de la communauté du partage de celle-ci, et à échapper dans cette mesure à l’application des droits de partage, est-elle, du point de vue de l’administration, régulière au regard de la législation fiscale ».

La réponse ministérielle à cette question souligne le fait que les partages amiables peuvent intervenir dans la forme et les modalités choisies par les parties. Un simple partage verbal serait donc juridiquement valable ; cependant, les partages portant sur des biens soumis à publicité foncière – donc pour l’essentiel les biens immobiliers – sont obligatoirement passés par le biais d’un acte notarié et donc soumis au droit de partage. À l’inverse, les biens faisant l’objet d’un simple partage verbal ne sont pas soumis à ce droit.

En application de ces dispositions, de plus en plus de professionnels du droit conseillent donc désormais aux futures personnes divorcées ou séparées de vendre le bien immobilier avant le divorce et d’en opérer le partage verbalement.

Outre le fait qu’une telle pratique représente une perte fiscale nette pour le budget de l’État, elle conduit à entretenir une certaine confusion sur les conséquences d’une séparation ou d’un divorce : le partage des biens sera de préférence opéré verbalement et la mention de ce partage verbal n’est pas faite dans la convention de divorce.

Les imprécisions et les incohérentes de l’assiette des droits de partage
ou de licitation

L’augmentation de la pression fiscale résultant de la modification du taux des droits de partage et de licitation a par ailleurs mis en évidence plusieurs difficultés d’interprétation des dispositions relatives à l’assiette de ces droits.

L’assiette du droit de partage est définie par l’article 747 du CGI comme « le montant de l’actif net partagé », c’est-à-dire, selon le BOFiP, « l’actif brut cumulé des biens français et étrangers, déduction faite du passif grevant la masse indivise ». La prise en compte des prêts personnels consentis par l’un des membres de l’indivision a fait l’objet d’applications divergentes par certaines études notariales, certaines considérant qu’ils ne constituent pas à proprement parler du passif déductible de la masse indivise.

Selon le dernier alinéa de l’article 750 du CGI, l’assiette du droit pesant sur une licitation mettant fin à l’indivision est par ailleurs constituée par « la valeur des biens », sans soustraction de la part de l’acquéreur.

Ainsi, quand bien même la licitation porterait sur le transfert de 10 % de la propriété du bien immobilier, le droit de partage pèserait sur l’intégralité de la valeur du bien.

En outre, lorsque la licitation se traduit par un rachat du bien immobilier par tranches successives, il semble qu’en l’état du droit, le droit de licitation soit dû à chaque nouveau rachat.

B.   Les solutions envisagées dans le cadre de la loi de finances pour 2018

1.   Un retour au taux applicable avant 2011

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018 au Sénat, ce dernier a adopté un amendement de M. Jean-Yves Leconte (groupe socialiste et républicain) réinstaurant le taux de 1,1 % à l’article 746 du CGI, c’est-à-dire uniquement dans le cadre du droit de partage et non du droit de licitation.

En nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, le Rapporteur général a souhaité continuer à porter ce sujet, en ciblant la rédaction sur les sujets évoqués ci-dessus.

À cet effet, il a d’abord été proposé d’étendre le retour à un taux de 1,1 % au droit de licitation. Par ailleurs, afin de limiter l’impact budgétaire du dispositif, l’amendement déposé en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale a visé spécifiquement les droits de partage et de licitation portant sur les seuls biens immobiliers dans le cadre d’un divorce ou de la séparation de personnes liées par un pacte civil de solidarité.

Le Gouvernement a émis un avis défavorable à l’adoption de cet amendement au motif que l’amendement adopté au Sénat représenterait une perte de recettes de 300 millions d’euros. Le dispositif adopté à l’Assemblée nationale représenterait, pour sa part, une perte de 100 à 150 millions d’euros.

2.   Les chiffrages reçus dans le cadre du présent rapport d’application

Le Rapporteur général a envoyé trois questions à l’administration fiscale afin de déterminer les conséquences budgétaires d’une éventuelle modification législative sur ce point.

 

Extrait du questionnaire du Rapporteur général

Droit de partage

Depuis 2010 :

  1. assiette et produit du droit de partage prévu par l’article 746 du CGI ;
  2. part de cette assiette et de ce produit provenant du partage de biens immobiliers ;
  3. part de cette assiette et de ce produit provenant du partage de biens immobiliers dans le cadre d’un PACS ou d’un mariage.

 

Droit de licitation

Depuis 2010 :

  1. assiette et produit du droit de licitation prévu par l’article 750 du CGI ;
  2. part de cette assiette et ce produit provenant de la licitation de biens immobiliers ;
  3. part de cette assiette et de ce produit provenant de la licitation de biens immobiliers dans le cadre d’un PACS ou d’un mariage.

Chiffrage de labaissement du droit de partage et du droit de licitation :

Fournir le chiffrage de l’abaissement du droit de partage et de licitation de 2,5 à 1,1 % en cas d’opération portant sur un bien immobilier dépendant d’une communauté conjugale ou d’un PACS (amendement n° 383 de la commission des finances au PLF 2018, lors de son examen en nouvelle lecture).

À ces trois questions, il a été systématiquement répondu, oralement lors du contrôle sur place puis par écrit, que les données du système d’information de la DGFiP ne permettaient pas de répondre à ces questions.

Compte tenu du fait que ces droits sont perçus par le biais des notaires, il semble que l’administration n’ait pas déployé les moyens de piloter finement ces recettes d’un montant total de 300 millions d’euros.

Il a été suggéré au Rapporteur général de se tourner vers le réseau des notaires pour obtenir plus d’informations ; celui-ci ne peut qu’en conclure que l’argument budgétaire opposé à l’amendement l’année dernière était probablement peu fondé et que le développement d’outils d’analyse plus approfondi est certainement nécessaire.


IX.   La Fiscalité des entreprises

Un grand nombre de mesures portant sur la fiscalité des entreprises adoptées dans les lois de finances pour 2018 et de finances rectificatives pour 2017 ne supposaient pas l’adoption de textes réglementaires particuliers pour être effectivement applicables. Certaines ne prendront par ailleurs effet qu’à compter de l’exercice 2019, voire ultérieurement. Il est cependant apparu utile de revenir sur certaines de ces mesures, afin d’en rappeler le contenu et actualiser les prévisions de leur impact pour les finances publiques et les entreprises concernées.

En outre, pour ceux des dispositifs qui supposaient l’adoption d’un acte réglementaire, dans certaines hypothèses, cette adoption est intervenue tardivement et a parfois débouché sur des mesures qui n’étaient pas tout faites dans l’intention du législateur.

A.   Des mesures pour renforcer la compétitivité des entreprises françaises

Plusieurs mesures ont été adoptées dans la loi de finances pour 2018 et la seconde loi de finances rectificative pour 2017, afin de renforcer la compétitivité des entreprises françaises, quels que soient leur taille et leur secteur d’activité. Seront présentées ici :

– la baisse progressive du taux normal de l’impôt sur les sociétés (IS) jusqu’à 25 % à compter de 2022 ;

– la substitution au CICE et au CITS d’allégements de charges sociales à compter de 2019 ;

– les mesures relatives à la taxe sur les salaires, dont la suppression du troisième taux majoré (taux de 20 %) à compter de 2018.

1.   La baisse du taux normal d’IS : présentation de la mesure et panorama des entreprises au regard de l’IS

a.   Le droit antérieur

L’article 11 de la loi de finances pour 2017 avait amorcé une trajectoire de baisse progressive du taux normal d’IS pour le faire passer de 33 1/3 % à 28 % à compter de 2020.

Était également prévu, à compter de 2019, le relèvement de 7,63 millions d’euros à 50 millions d’euros du plafond de chiffre d’affaires en deçà duquel les entreprises peuvent bénéficier d’un taux réduit de 15 % sur les premiers 38 120 euros de bénéfice ([148]).

b.   La nouvelle trajectoire : une baisse du taux normal de l’IS à 25 % à compter de 2022

● L’article 84 de la loi de finances pour 2018, tout en s’inscrivant dans cette trajectoire, l’a accentuée pour aboutir, à partir des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2022, à un taux normal de 25 %, soit une baisse supplémentaire de trois points et une baisse totale de 8 1/3 % points par rapport au taux normal en vigueur en 2016.

La nouvelle trajectoire a également apporté deux autres changements par rapport à celle prévue dans la loi de finances pour 2017, concernant l’année 2019 :

– la suppression de la distinction reposant sur le chiffre d’affaires des entreprises, afin d’appliquer à toutes le même taux de 31 % ;

– le maintien à 7,63 millions d’euros du plafond de chiffre d’affaires pour l’application du taux réduit de 15 %.

Le tableau suivant dresse la synthèse de la nouvelle trajectoire prévue par la loi de finances pour 2018 et la compare à celle prévue par la loi de finances pour 2017.

comparaison des trajectoires de baisse du taux normal de l’is
(LFI 2017 / LFI 2018)

Année

Trajectoire LFI 2017

Trajectoire LFI 2018

2017

28 % sur les 75 000 premiers euros de bénéfice pour les PME

Année non concernée par la LFI 2018

2018

28 % sur les 500 000 premiers euros de bénéfice pour toutes les entreprises
 

28 % sur les 500 000 premiers euros de bénéfice pour toutes les entreprises
(Pas de modification)

2019

28 % sur l’intégralité du bénéfice pour les entreprises dont le CA n’excède pas un milliard d’euros

Relèvement du plafond de chiffre d’affaires pour bénéficier du taux réduit PME de 7,63 à 50 millions d’euros

31 % sur la part de bénéfice excédant 500 000 euros pour toutes les entreprises


Suppression du relèvement du plafond de chiffre d’affaires pour bénéficier du taux réduit PME
 

2020

28 % sur l’intégralité du bénéfice de toutes les entreprises

28 % sur l’intégralité du bénéfice de toutes les entreprises (Pas de modification)

2021

26,5 % sur l’intégralité du bénéfice de toutes les entreprises

2022

25 % sur l’intégralité du bénéfice de toutes les entreprises

NB : le taux réduit de 15 % sur les 38 120 premiers euros continue à s’appliquer à chaque étape.

Source : commission des finances.

● La poursuite de la baisse du taux normal d’IS jusqu’à 25 % améliore la compétitivité des entreprises françaises de façon nécessaire, notamment au regard de leurs concurrentes étrangères. En effet, même avec un taux normal de 25 % (et donc un taux facial consolidé de 25,825 % avec la prise en compte de la contribution sociale sur l’IS de 3,3 %), le taux français se situe toujours parmi les plus élevés de l’Union européenne.

Le graphique suivant illustre cette situation, en comparant le taux français consolidé à compter de 2022 aux taux apparents au sein de l’Union européenne et aux États‑Unis ainsi qu’au taux français consolidé qui aurait résulté de la loi de finances pour 2017.

NB : le taux britannique est celui à venir en 2020 (taux de 17 % contre 19 % actuellement). Le taux américain intègre les taxes locales qui s’ajoutent au taux fédéral de 21 %.

Source : commission des finances ; Commission européenne ; Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

La dernière position de Malte ne doit pas abuser : si le taux facial de l’IS maltais est de 35 %, le taux effectivement supporté est généralement de 5 % (10 % pour les revenus passifs) en raison d’un généreux dispositif de remboursement.

Il ressort de ces données que la mesure décidée en loi de finances pour 2018 assure à la France une bonne position en termes de compétitivité, se plaçant au niveau des États‑Unis. Ce positionnement est stratégique compte tenu de l’ambitieuse, mais aussi agressive, réforme fiscale adoptée en décembre 2017, dont la philosophie principale repose sur un renforcement considérable de l’attractivité américaine (notamment en matière de propriété intellectuelle).

Avec un taux normal à 25 %, la France évite à ses entreprises d’être désavantagées, assure au territoire national une attractivité forte pour les investissements étrangers, source de croissance, de développement et d’emplois, tout en conservant un niveau de recettes fiscales suffisant (le taux n’est pas descendu trop bas).

● D’un point de vue budgétaire, le coût de la nouvelle trajectoire est estimé à environ 4,1 milliards d’euros par an à compter de 2022 par rapport à la trajectoire initialement décidée en loi de finances pour 2017, pour un total de l’ordre de 11,2 milliards d’euros.

Le tableau suivant fait état de la chronique actualisée du coût de la baisse du taux normal d’IS entre 2017 et 2022, d’après les données fournies par l’administration fiscale.

actualisation de la trajectoire budgétaire
de la baisse du taux normal de l’is (2017-2022)

(en milliards d’euros)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Perte de recettes

– 0,33

– 1,5

– 3,85

– 6,93

– 9,16

– 11,25

Source : DGFiP, en réponse au questionnaire du Rapporteur général.

● Le maintien à 7,63 millions d’euros du plafond de chiffre d’affaires rendant éligible au taux réduit de 15 % ayant pu susciter certaines interrogations, il est apparu opportun de revenir sur la justification de cette mesure. Le Rapporteur général avait déjà fourni des précisions à ce sujet lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018 et dispose désormais de données actualisées permettant de conforter l’analyse alors faite.

Compte tenu du rapport moyen entre bénéfice et chiffre d’affaires et de la baisse supplémentaire de trois points du taux normal rapport à la trajectoire prévue en loi de finances pour 2017, conserver le relèvement du plafond de chiffre d’affaires à 50 millions d’euros n’aurait pas été utile.

En effet, la nouvelle trajectoire prévue par la loi de finances pour 2018 est plus intéressante que la précédente pour toutes les entreprises qui étaient concernées par le relèvement du plafond de chiffre d’affaires, c’est-à-dire celles dont le chiffre d’affaires se situe entre 7,63 millions d’euros et 50 millions d’euros.

Pour s’en convaincre, il suffit de confronter les mesures prévues par la loi de finances pour 2017 (taux normal à 28 % et taux réduit pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 millions d’euros) avec une trajectoire hypothétique dans laquelle l’intégralité du bénéfice est imposée à 25 % ([149]).

Pour un bénéfice de 165 186 euros, la trajectoire 2017 est plus intéressante. En revanche, pour un bénéfice supérieur d’un euro, s’établissant à 165 187 euros, il est plus intéressant pour l’entreprise d’être intégralement imposée à 25 %. Le niveau précis de basculement se fait à un niveau de bénéfice de 165 186,67 euros.

Les données fournies par l’administration fiscale en réponse aux questions du Rapporteur général posées en avril 2018 permettent de calculer le rapport moyen entre bénéfice et chiffre d’affaires. Sur la base de ces éléments, le chiffre d’affaires correspondant à un tel niveau de bénéfice est de 3 116 730 euros ([150]).

Il ressort de cette analyse qu’une imposition intégrale à 25 % est plus intéressante pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est très en deçà du plafond maintenu de 7,63 millions.

Dès lors, du fait de l’accroissement de trois points de la baisse du taux normal, conserver le relèvement du plafond d’éligibilité au taux réduit ne se justifiait plus : la nouvelle trajectoire est systématiquement plus avantageuse que celle prévue en loi de finances pour 2017. Souhaiter maintenir le relèvement du plafond à 50 millions d’euros, en plus de se révéler injustifié eu égard à la nouvelle baisse du taux normal, aurait entraîné pour l’État une perte de recettes annuelles de l’ordre de 100 millions d’euros, ce qui peut être vu au regard de ce qui précède comme une dépense inutilement coûteuse.

c.   Les entreprises et l’IS : panorama

Si la nouvelle trajectoire de la baisse du taux normal d’IS ne produira pas d’effet concret avant 2019 (par rapport à la précédente trajectoire) et que sa présentation dans un rapport d’application de la loi fiscale peut dès lors paraître incongrue, elle est en réalité l’occasion, outre le rappel qui vient d’être fait, de dresser un panorama des entreprises assujetties à l’IS.

Le tableau et le graphique suivant font état, pour chaque catégorie d’entreprises, de leur situation vis-à-vis de l’IS et de leur part dans le produit de cet impôt.

situation des catégories d’entreprises par rapport à l’is (2016)

Catégorie

Nombre

Assujetties à lIS

Ayant acquitté lIS

IS brut total
(en milliards d’euros)

IS net total
(en milliards d’euros)

% IS brut

% IS net

MIC

3 189 933

1 246 932

707 318

7,4

6,1

14,6%

17,1%

PME (hors MIC)

223 299

169 937

101 226

13,4

9,7

26,4%

27,2%

ETI

8 774

5 938

3 017

12,7

8,7

25,0%

24,4%

GE

319

319

148

17,3

11,1

34,1%

31,2%

Total

3 422 325

1 423 126

811 709

50,8

35,6

100,0%

100,0%

NB :  MIC : « micro-entreprises », regroupant dans les systèmes d’information de la DGFiP les très petites entreprises et les petites entreprises ; PME : petites et moyennes entreprises ; ETI : entreprises de taille intermédiaire ; GE : grandes entreprises.

Source : DGFiP, en réponse au questionnaire du Rapporteur général.

NB : les données affichées pour chaque catégorie correspondent au montant d’IS acquitté, en milliards d’euros.

Il ressort de ces données que, sur le total des entreprises, environ 42 % sont assujetties à l’IS (les autres relèvent de l’impôt sur le revenu) et 24 % l’acquittent effectivement (les autres n’ont pas un résultat imposable). Si seules les entreprises assujetties à l’IS sont prises en compte, 57 % l’acquittent effectivement.

Le tableau ci-après détaille le montant d’IS acquitté de façon plus fine, en distinguant les entreprises en fonction de leur chiffre d’affaires. Les trois graphiques qui suivent illustrent certains aspects de ces données.

situation des Entreprises assujetties à l’IS
par tranche de chiffre d’affaires (2016)

Chiffre daffaires (CA)
(en millions d’euros)

Nombre

% nombre

IS brut moyen
(en milliers d’euros)

IS brut total
(en millions d’euros)

Part IS brut

CA < 2

1 300 982

91,42 %

6,0

7 809,7

15,4 %

2 < CA < 7,63

87 008

6,11 %

60,5

5 264,8

10,4 %

7,63 < CA < 10

7 836

0,55 %

141,8

1 111,5

2,2 %

10 < CA < 50

20 894

1,47 %

299,4

6 255,1

12,3 %

50 < CA < 250

4 874

0,34 %

1 291,4

6 294,3

12,4 %

250 < CA < 1 000

1 072

0,08 %

4 800,5

5 146,1

10,1 %

1 000 < CA < 1 500

140

0,01 %

10 866,4

1 521,3

3,0 %

1 500 < CA < 3 000

170

0,01 %

20 423,5

3472

6,8 %

3 000 < CA

150

0,01 %

92 622,7

13 893,4

27,4 %

TOTAL

1 423 126

100,00 %

35,7

50 768,2

100,0%

NB : le nombre d’entreprises correspondant à une ou plusieurs tranches de chiffre d’affaires peut varier de celui correspondant à une catégorie d’entreprises (MIC, PME, ETI, GE) indiqué dans le tableau précédent : les catégories d’entreprises sont définies par rapport au chiffre d’affaires mais aussi par les effectifs, expliquant les différences.

Source : DGFiP, en réponse au questionnaire du Rapporteur général.

NB : les montants de chiffre d’affaires sont en millions d’euros.

Il ressort de ces données que les entreprises dont le chiffre d’affaires correspond aux bornes des ETI et des grandes entreprises (à partir de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires) représentent 0,45 % du total des 1,4 million d’entreprises assujetties à l’IS mais acquittent un IS correspondant à 59,7 % des recettes brutes (30,33 milliards d’euros). Ces données corroborent celles portant non sur les tranches de chiffre d’affaires mais sur les catégories d’entreprises, les ETI et les grandes entreprises payant 59,1 % de l’IS brut (cf. supra, premier tableau du présent c).

2.   La transformation du CICE en allégements de cotisations sociales à compter de 2019

Les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2018 ont prévu, à compter de 2019, le remplacement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et du crédit d’impôt de taxe sur les salaires (CITS) par des allégements pérennes de cotisations sociales patronales.

a.   Le droit antérieur

Le CICE est un avantage fiscal assis sur les rémunérations qui n’excèdent pas 2,5 SMIC et dont le taux est de 6 % (ce taux était de 4 % en 2013, de 6 % entre 2014 et 2016 et de 7 % en 2017). Il s’impute sur l’IS ou l’IR.

Le CITS, créé par la loi de finances pour 2017, vise à résorber ce qui était ressenti comme une inégalité par les organismes sans but lucratif, non assujettis aux impôts commerciaux et donc non éligibles au CICE. Également assis sur les rémunérations n’excédant pas 2,5 SMIC, son taux est de 4 %. Il s’impute sur la taxe sur les salaires.

b.   Les allégements de charges sociales prévus à la place du CICE et du CITS

L’article 86 de la loi de finances pour 2018 a ramené de 7 % à 6 % le taux du CICE en 2018 et supprime ce dernier à compter de 2019, tandis que l’article 87 de cette même loi a supprimé, à compter de 2019 également, le CITS.

Ces suppressions sont motivées par les allégements pérennes de cotisations sociales patronales prévues, là encore à compter de 2019, par l’article 9 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 :

– réduction forfaitaire de 6 points de la cotisation patronale maladie sur les salaires jusqu’à 2,5 SMIC (expliquant la baisse d’un point du taux du CICE pour que cette réduction constitue un équivalent) ;

– un renforcement de l’allégement général des cotisations patronales de sécurité sociale, dégressif entre 1 et 1,6 SMIC : le cumul de ce renforcement et de la réduction porte, au niveau du SMIC, les allégements à 9,9 points.

L’impact financier annuel de ces allégements est estimé à 24,8 milliards d’euros, comme l’indique le tableau suivant.

impact financier des allégements de cotisations sociales patronales
(en compatibilité nationale)

(en milliards d’euros)

Allégement

Coût annuel

Réduction de 6 points des cotisations maladies

21,6

Renforcement de lallégement général entre 1 et 1,6 SMIC

3,3

Total

24,8

NB : l’arrondi de la somme peut différer de la somme des arrondis.

Source : étude d’impact de l’article 8 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

c.   Les avantages de la mesure pour les entreprises et organismes sans but lucratif

La substitution des allégements de cotisations sociales au CICE et au CITS présentera plusieurs avantages pour ses bénéficiaires :

– là où les crédits d’impôt ne pouvaient être perçus qu’avec un décalage pouvant aller jusqu’à cinq ans entre le versement des rémunérations et la perception de la totalité de l’avantage fiscal ([151]), les allégements de cotisations sociales produiront un effet immédiat, contemporain du versement des rémunérations ;

– en 2019, les deux crédits d’impôt vont se cumuler avec les allégements, conduisant à un niveau de soutien sans précédent des entreprises et organismes sans but lucratif ;

– compte tenu des modalités d’utilisation du CICE et du CITS, leurs bénéficiaires vont continuer, pendant plusieurs années, à cumuler une partie de ces crédits d’impôt avec l’intégralité des allégements.

Dans ces conditions, ni la baisse d’un point du taux du CICE, ni la hausse de l’IS due à l’élargissement de l’assiette imposable en raison des allégements de cotisations sociales patronales qui sont déductibles du résultat (« effet retour ») ne pénaliseront les entreprises. Le gain net sera important, ainsi qu’en atteste le graphique suivant ([152]).

NB :  par souci de simplification, le gain résultant des allégements est réputé constant, sans tenir compte de la dynamique salariale.

d.   La consécration du bénéfice du CICE en 2018 pour les établissements publics, les collectivités territoriales et les organismes sans but lucratif au titre des seules activités lucratives

● Parallèlement à la modification du taux du CICE pour 2018 et à son remplacement à compter de 2019 par des allégements de cotisations sociales, l’article 20 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 a reconnu le bénéfice du CICE à trois catégories d’organismes à compter de 2018 (et donc pour cette seule année) :

– établissements publics (incluant notamment les hôpitaux publics) ;

– collectivités territoriales ;

– organismes sans but lucratif.

S’il s’agit d’une apparente extension du champ du CICE, cette mesure permet en réalité d’apporter une précision bienvenue et devrait limiter certains abus constatés par le passé : il est en effet expressément prévu que le bénéfice du CICE est réservé aux rémunérations des salariés de ces organismes affectés à des activités lucratives.

● Ces organismes pouvaient déjà, au moins pour certains, prétendre au CICE au titre des rémunérations versées aux salariés affectés à des activités non exonérées d’IS ou d’IR, ce qui ressortait de la lettre du I de l’article 244 quater C du CGI, qui visait les organismes mentionnés à l’article 207 du CGI ([153]). Cela figurait également dans le BOFiP, aux paragraphes 50 à 80 du BOI-BIC-RICI-10-150-10 dans sa version du 1er mars 2017.

Par ailleurs, rappelons que la notion de « salariés » prévue à l’article 244 quater B est d’interprétation large et couvre également ceux de droit public (BOFiP précité, § 100).

Du fait de ce cantonnement aux seules activités lucratives, les organismes en principe exonérés d’IS devaient ventiler les charges de personnel entre activités imposées et non imposées.

Cependant, cette ventilation n’était prévue que par la doctrine (BOFiP précité, § 70-80) et il semblerait que l’administration fiscale nourrissait quelques réticences à l’imposer à certains établissements publics. Dès lors, certains organismes, au motif qu’ils réalisaient une activité lucrative même très minoritaire au regard de l’ensemble de leurs activités, faisaient valoir leur assujettissement théoriques à l’IS ou à l’IR (sans conséquence négative puisqu’ils en sont expressément exonérés) et percevaient ainsi un CICE assis sur l’ensemble des rémunérations versées n’excédant pas 2,5 SMIC, faute d’avoir procédé à la sectorisation prévue.

● La consécration de cette sectorisation dans la loi est donc opportune, bien que certains puissent considérer qu’elle arrive un peu tardivement, ne s’appliquant qu’au dernier millésime de CICE.

e.   Des mesures d’application limitée compte tenu de l’entrée en vigueur différée de la mesure

La suppression du CICE et sa transformation en allégements de cotisations sociales patronales ne prenant effet qu’en 2019, l’absence de mesures d’application particulières n’est pas anormale : l’abrogation des articles 49 septies P à 49 septies T de l’annexe III du CGI pourra intervenir dans le courant de l’année 2018 voire en 2019 sans que cela ne pose problème.

Toutefois, en matière de tarification des forfaits de prestations de santé 
– tarifs qui tiennent compte des allégements fiscaux et sociaux –, un arrêté du 28 février 2018 est déjà venu préciser les allégements à prendre en compte (CICE et CITS entre mars et décembre 2018, allégements de cotisations à compter de 2019) ([154]).

Par ailleurs, le BOFiP a fait l’objet d’actualisations nourries intervenues le 4 avril 2018 :

– BOI-BIC-RICI-10-150 pour la présentation du CICE, indiquant le nouveau taux en 2018 et la disparition de l’outil en 2019 ;

– BOI-BIC-RICI-10-150-10 pour le champ d’application du CICE :

– BOI-TPS-TS-35 s’agissant de la suppression, à compter de 2019, du CITS.

3.   Les allégements portant sur la taxe sur les salaires

● Prévue aux articles 231 et suivants du CGI, la taxe sur les salaires est assise sur les rémunérations ([156]) versées par les employeurs domiciliés en France qui ne sont pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur l’intégralité de leur chiffre d’affaires ([157]).

Certaines personnes sont exonérées de plein droit (collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale, régies personnalisées locales gérant un service public administratif, etc.), tandis que des rémunérations particulières sont exclues du champ de la taxe (rémunérations versées par un particulier employeur à un salarié à domicile, rémunérations versées aux apprentis par certaines entreprises, etc.).

Par ailleurs, certains organismes sans but lucratif ([158]) bénéficient d’un abattement sur les premiers 20 507 euros de taxe sur les salaires due (20 304 euros jusqu’au 23 juin 2018) en application de l’article 1679 A du CGI. Le bénéfice de cet abattement rend éligible au CITS prévu à l’article 231 A du CGI.

● Le taux de la taxe sur les salaires dépend du montant de la rémunération individuelle annuelle versée.

Jusqu’en 2018, ce barème comptait quatre tranches, ainsi que l’illustre le tableau suivant.

barème de la taxe sur les salaires
(droit antérieur à la loi de finances pour 2018)

Fraction de rémunération individuelle annuelle

Taux applicable

Inférieure ou égale à 7 721 euros

4,25 %

Supérieure à 7 721 euros et inférieure ou égale à 15 417 euros

8,50 %

Supérieure à 15 417 euros et inférieure ou égale à 152 279 euros

13,60 %

Supérieure à 152 279 euros

20,00 %

NB : la lettre du 2 bis de l’article 231 du CGI est imprécise, en ce qu’elle fait état, pour chaque tranche, d’une fraction de rémunération « comprise entre » deux montants, pouvant conduire à ce que le même montant constitue à la fois la limite supérieure d’une tranche et la limite inférieure de la tranche suivante. La précision de l’articulation des limites de chaque tranche est apportée par le Bulletin officiel des finances publiques (BOI-TPS-TS-30).

Les rémunérations versées dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution obéissent à un taux préférentiel qui se substitue au barème progressif. Ce taux est de 2,95 % en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, et de 2,55 % en Guyane et à Mayotte.

Les tableaux suivants font état du produit brut de taxe sur les salaires et du nombre d’entreprises assujetties, en métropole et dans les départements d’outre-mer, pour la période 2012-2016.

produit brut de la taxe sur les salaires et entreprises assujetties
en métropole
(2012-2016)

Taux

2012

2013

2014

2015

2016

Produit brut
(millions d’euros)

Entrep.

Produit brut
(millions d’euros)

Entrep.

Produit brut
(millions d’euros)

Entrep.

Produit brut
(millions d’euros)

Entrep.

Produit brut
(millions d’euros)

Entrep.

Taux normal (4,25 %)

5 632

15 725

6 098

16 508

6 147

16 558

6 270

17 974

6 451

15 916

1er taux majoré (8,5 %)

1 298

17 524

1 333

17 446

1 356

16 149

1 370

16 482

1 394

15 013

2e taux majoré (13,6 %)

6 022

136 907

6 556

134 346

6 632

129 332

6 844

130 645

7 066

128 451

3e taux majoré (20 %)

443

4 054

431

4 366

452

4 547

481

4 901

Total

12 952

170 156

14 429

172 354

14 565

166 405

14 936

169 648

15 392

164 281

NB : Les données relatives aux entreprises (« Entrep. ») sont marginales : à titre d’illustration, les 128 451 entreprises ayant acquitté la taxe au 2e taux majoré en 2016 l’ont contribué aux recettes au titre de ce taux, mais aussi à celles des deux taux inférieurs.

Source : DGFiP, en réponse au questionnaire du Rapporteur général.

 

produit brut de la taxe sur les salaires et entreprises assujetties
en outre-mer
(2012-2016)

Collectivités

2012

2013

2014

2015

2016

Produit brut
(millions d’euros)

Entrep.

Produit brut
(millions d’euros)

Entrep.

Produit brut
(millions d’euros)

Entrep.

Produit brut
(millions d’euros)

Entrep.

Produit brut
(millions d’euros)

Entrep.

Guadeloupe, Martinique et La Réunion (2,95 %)

67

1 674

61

1 794

74

1 759

79

1 890

84

1 950

Guyane et Mayotte (2,55 %)

4

147

4

144

4

157

4

190

5

190

Total

71

1 821

66

1 938

78

1 916

84

2 080

89

2 140

Source : DGFiP, en réponse au questionnaire du Rapporteur général.

● La loi de finances pour 2018 a prévu trois mesures visant à alléger les charges dues au titre de cette taxe, dont deux introduites à l’initiative des députés :

– la suppression du troisième taux majoré ;

– l’exonération des établissements publics de coopération culturelle (EPCC) ;

– l’extension du bénéfice de l’abattement de taxe sur les salaires aux groupements de coopération sanitaire (GCS) et de coopération sociale et médico‑sociale (GCSMS).

a.   La suppression du troisième taux majoré de taxe sur les salaires

i.   Lallégement du barème par la suppression du taux de 20 %

L’article 90 de la loi de finances pour 2018 a supprimé le taux de 20 % applicable à la tranche des rémunérations annuelles individuelles supérieures à 152 479 euros (cette modification s’est appliquée à la taxe due au titre des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2018).

Le nouveau barème de la taxe sur les salaires ne compte désormais plus que trois tranches figurant dans le tableau ci-après.

barème de la taxe sur les salaires
(droit résultant de la loi de finances pour 2018)

Fraction de rémunération individuelle annuelle

Taux applicable

Inférieure ou égale à 7 779 euros

4,25 %

Supérieure à 7 779 euros et inférieure ou égale à 15 572 euros

8,50 %

Supérieure à 15 572

13,60 %

NB : les bornes de chaque tranche du barème sont celles résultant de l’article 1er du décret n° 2018500 du 20 juin 2018 portant incorporation au CGI et au code des douanes de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ces codes.

ii.   Une mesure renforçant lattractivité financière de la France

En 2016, 4 878 entreprises étaient concernées par le taux de 20 %, pour un total d’environ 50 000 salariés percevant des rémunérations éligibles à ce taux.

Le tableau ci-après, réalisé à partir des données transmises par l’administration fiscale, fait état, pour les secteurs concernés par la suppression du troisième taux majoré, du nombre d’entreprises et des montants en jeu. Le graphique suivant illustre ces données.

Secteurs concernés par le troisième taux majoré de taxe sur les salaires
(Rémunérations versées en 2016)

Secteur

Nombre dentreprises

% Nombre

Montant de TS à 20 %
(en euros)

% TS
à 20 %

Services bancaires

1 509

30,9 %

235 746 646

49,8 %

Assurances

284

5,8 %

38 541 457

8,1 %

Activités auxiliaires banques et assurances

625

12,8 %

79745 905

16,9 %

Services des sièges sociaux

526

10,8 %

58 419 145

12,3 %

Associations et secteur non marchand

1 279

26,2 %

22 594 766

4,8 %

Autres activités marchandes

655

13,4 %

38 119 217

8,1 %

TOTAL

4 878

100,0 %

473 167 136

100,0 %

Source : DGFiP, en réponse au questionnaire du Rapporteur général.

Le secteur associatif et non marchand, deuxième contingent en nombre d’entreprises concernées par le taux de 20 %, est le moins concerné en termes de montant acquitté : chacune des entités de ce secteur compte peu de rémunérations individuelles annuelles dépassant le seuil du troisième taux majoré.

La suppression du taux de 20 % de taxe sur les salaires bénéficiera en réalité majoritairement aux secteurs bancaires et des assurances, qui réunissent près de la moitié des entreprises acquittant ce troisième taux majoré (49,6 %) et représentent près des trois quarts des montants versés au titre de ce taux (74,8 %).

Ce constat n’est pas surprenant : ce sont dans ces secteurs que se trouvent un grand nombre de rémunérations individuelles annuelles supérieures au seuil d’application du taux de 20 %.

La suppression de ce taux s’inscrit d’ailleurs dans la volonté de renforcer l’attractivité de la France et, singulièrement, de la place financière de Paris, dans un contexte européen de réorganisation financière dans le sillage de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (« Brexit »).

iii.   Un impact budgétaire relativement modeste au regard du produit de la taxe sur les salaires

● Les pertes de recettes annuelles dues à la suppression du troisième taux majoré de taxe sur les salaires avaient été évaluées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018 à 140 millions d’euros pour la sécurité sociale à compter de 2018. Toutes administrations publiques confondues, le coût en rythme de croisière s’établissait à 110 millions d’euros en raison d’un « effet retour » d’IS de 30 millions d’euros : la taxe sur les salaires étant déductible de l’assiette de l’IS, sa diminution accroît cette dernière et donc l’IS dû.

À partir des données fournies par l’administration fiscale en réponse au questionnaire du Rapporteur général, il est possible d’actualiser l’estimation du coût de la mesure.

Ainsi qu’il ressort du tableau des secteurs concernés par le troisième taux majoré de la taxe, 473 167 136 euros de rémunérations seront désormais imposées au taux de 13,60 % et non à celui de 20 %. Le coût brut sera donc de 151 413 484 euros.

Ce chiffre est très proche de celui publié par la Commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de juin 2018, portant sur un montant de 148 millions d’euros ([159]).

● Ce montant doit, par ailleurs, être mis en rapport avec le produit d’ensemble de la taxe sur les salaires, marqué par un important dynamisme. Les prévisions au titre de l’exercice 2018 font état d’un produit de 14,34 milliards d’euros ([160]). Dans ces conditions, le coût brut de la suppression du taux de 20 % représente à peine plus de 1 % du produit total de la taxe sur les salaires.

La mesure présente donc finalement un coût qui, sans être modeste, reste tout à fait acceptable au regard de l’importance en termes d’affichage et d’attractivité internationale de la France.

b.   Les avantages prévus pour certains regroupements

Les articles 88 et 89 de la loi de finances pour 2018, d’initiative parlementaire, ont mis en place au profit de certains regroupements d’organismes sociaux, sanitaires et culturels des avantages en matière de taxe sur les salaires.

i.   Lexonération des établissements publics de coopération culturelle

Les EPCC, consacrés à l’article L. 1431‑1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), constituent des groupements associant les collectivités territoriales et leurs groupements, l’État ainsi que des établissements publics et sont destinés à assurer la gestion d’un service public culturel présentant un intérêt pour chacun de ses membres.

● En application du 1 de l’article 231 du CGI, les personnes publiques membres d’un EPCC sont exonérées de taxe sur les salaires. L’EPCC en tant que tel, en revanche, ne l’était pas, aboutissant à une asymétrie paradoxale consistant à imposer plus lourdement un groupement constitué en vue de la mutualisation des moyens de ses membres que ces derniers.

En conséquence, l’article 88 de la loi de finances a ajouté à la liste des personnes exonérées de taxe sur les salaires les EPCC (la mesure s’appliquant à la taxe sur les salaires due au titre des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2018).

● L’administration fiscale, interrogée en ce sens par le Rapporteur général, a indiqué que l’exonération des EPCC représentait un coût annuel de 4 millions d’euros. Elle n’a pu, en revanche, faire état du nombre d’établissements concernés.

ii.   Léligibilité des groupements de coopération sociale et sanitaire à labattement de taxe sur les salaires

Les groupements de coopération sanitaire (GCS) et les groupements de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS), respectivement consacrés aux articles L. 6133‑1 du code de la santé publique et L. 312‑7 du code de l’action sociale et des familles, associent différents acteurs du secteur médico-social, afin de faciliter l’activité de leurs membres : établissements de santé publics et privés, professionnels médicaux libéraux, centre de santé, etc.

Alors que certains des membres d’un GCS ou d’un GCSMS peuvent bénéficier de l’abattement de taxe sur les salaires prévu à l’article 1679 A du CGI – notamment s’il s’agit d’associations ou de centres de lutte contre le cancer –, le groupement proprement dit était exclu du dispositif.

Logique dans la mesure où certains membres, tels les professionnels libéraux, ne peuvent bénéficier de l’abattement, cette exclusion se révélait plus problématique et moins justifiée dès lors que le groupement n’était constitué que de personnes éligibles : la mutualisation des moyens, incitée par le législateur, se révélait pénalisante.

● En conséquence, et suivant un raisonnement similaire à celui tenu dans le cadre de l’article 88 sur les EPCC, l’article 89 de la loi de finances pour 2018 a modifié l’article 1679 A du CGI pour ajouter à la liste des bénéficiaires de l’abattement les GCS et les GCSMS composés exclusivement de personnes éligibles au dit abattement. Ce bénéfice a également eu pour effet de rendre ces groupements éligibles au CITS prévu à l’article 231 A du CGI (ses bénéficiaires étant ceux pouvant prétendre à l’abattement).

La mesure est applicable aux rémunérations versées à compter du 1er janvier 2018. La différence de rédaction des modalités d’entrée en vigueur constatée entre l’article 89, d’une part, et les articles 88 (exonération des EPCC) et 90 (suppression du troisième taux majoré), d’autre part, est sans incidence. Tenir compte des rémunérations versées en 2018 ou de la taxe due au titre des rémunérations versées en 2018 revient en effet au même : la taxe sur les salaires est un impôt annuel dont le fait générateur est la mise à la disposition du bénéficiaire de la rémunération imposable de cette rémunération.

● L’administration fiscale, interrogée en ce sens par le Rapporteur général, a indiqué que la mesure concernant les GCS et les GCSMS représentait un coût annuel de 3 millions d’euros. Elle n’a pu, en revanche, faire état du nombre de groupements concernés.

c.   Des mesures d’applications limitées mais parfois trop tardives

Les mesures touchant la taxe sur les salaires ne supposaient pas, pour pouvoir produire leurs effets, de mesures d’application particulières : dès le 1er janvier 2018, le troisième taux majoré était supprimé, les EPCC se trouvaient exonérés de la taxe et les GCS et GCSMS bénéficiaient de l’abattement qui les rendait également éligibles au CITS.

Des mesures ont néanmoins été prises par l’administration fiscale, d’abord en avril dans sa doctrine, puis en juin s’agissant des actes réglementaires.

● L’article 3 du décret du 20 juin 2018 ([161]) a procédé à une actualisation des montants constituant les bornes des tranches du barème de la taxe sur les salaires (cf. supra([162]).

Il a également tiré les conséquences de la suppression du troisième taux majoré pour modifier les articles 142 et 143 de l’annexe II du CGI (constituée des décrets en Conseil d’État) qui ont trait à la détermination des montants de taxe dus au titre des taux majorés.

Le caractère tardif de l’adoption du décret, près de six mois après l’entrée en vigueur de l’article 90 de la loi de finances pour 2018, peut s’expliquer par le champ très large du décret qui actualise de nombreux seuils et divers montants dans le CGI et le code des douanes.

Néanmoins, l’objet des modifications apportées aux articles 142 et 143, relativement distinct du reste du dispositif du décret du 20 juin 2018, pouvait militer pour un véhicule réglementaire propre, qui aurait pu être adopté plus tôt. Le caractère tardif des aménagements apportés à ces deux articles est d’autant moins acceptable que la suppression du taux de 20 % figurait parmi les articles initiaux du projet de loi de finances pour 2018 (article 44). Le Gouvernement aurait donc pu anticiper, afin que les mesures réglementaires accompagnent l’entrée en vigueur de cette suppression, plutôt que de les suivre à près de six mois d’intervalle.

● Le BOFiP a lui aussi évolué pour tirer les conséquences des modifications intervenues en matière de taxe sur les salaires, l’actualisation datant du 4 avril 2018 :

– BOI-TPS-TS-10-10 sur les personnes imposables et exonérées de la taxe (les EPCC sont mentionnés au § 290) ;

– BOI-TPS-TS-30-20 sur les modalités de liquidation :

– BOI-TPS-TS-3 sur le CITS, mentionnant les GCS et les GCSMS (§ 20).

B.   Les mesures de simplification touchant les petites entreprises

Parallèlement aux dispositifs renforçant la compétitivité des entreprises, la loi de finances pour 2018 et la seconde loi de finances rectificative pour 2017 ont prévu différentes mesures susceptibles d’alléger les charges fiscales et administratives des petites entreprises :

– le relèvement des plafonds de chiffre d’affaires applicables aux régimes micro-fiscaux ;

– l’exonération de la cotisation minimum due au titre de la cotisation foncière des entreprises au bénéfice des entreprises dont le chiffre d’affaires n’excède pas 5 000 euros.

1.   Le relèvement des plafonds des régimes micro-fiscaux des travailleurs indépendants à 170 000 euros et 70 000 euros

Les travailleurs indépendants non agricoles dont les revenus relèvent de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou de celle des bénéfices non commerciaux (BNC) sont soumis à un régime réel d’imposition ou, sous certaines conditions, à un régime micro-fiscal en application duquel l’assiette de l’impôt sur le revenu est déterminée de manière forfaitaire, en appliquant aux recettes un abattement proportionnel dépendant de la nature des revenus concernés :

– le régime « micro-BIC », prévu à l’article 50‑0 du CGI ;

– le régime « micro-BNC » prévu à l’article 102 ter du CGI.

Pour relever d’un régime micro-fiscal, le travailleur indépendant doit réaliser un chiffre d’affaires qui ne doit pas dépasser un certain plafond de revenus, variable selon la catégorie de revenu et l’activité conduite. Ces plafonds ont été rehaussés de plus du double par l’article 22 de la loi de finances pour 2018, sans que cette modification appelle des mesures réglementaires d’application particulières.

a.   Les plafonds antérieurement applicables

Jusqu’à la loi de finances pour 2018, deux types de plafonds existaient :

– les plafonds normaux, appréciés au regard du chiffre d’affaires hors taxes (CA HT) de l’année N – 1 ;

– les plafonds majorés, portant sur les recettes réalisées en N – 2 et permettant de bénéficier d’un régime micro-fiscal si le plafond normal était dépassé, dès lors que le second plafond ne l’était pas.

Ces plafonds (normaux et majorés) étaient ceux de la franchise en base de TVA prévus à l’article 293 B du CGI, auquel les articles 50‑0 et 102 ter renvoyaient. Le tableau suivant fait état des plafonds applicables jusqu’à la loi de finances pour 2018.

anciens plafonds des régimes « micro‑BIC » et « micro‑BNC »

Activité

Catégorie de revenu

Base légale du régime

Plafond normal de CA HT (N-1)
(en euros)

Plafond majoré de CA HT (N-2)
(en euros)

Abattement forfaitaire

Commerce et hébergement

BIC

50‑0

82 800

91 000

71 %

Prestations de services et locations meublées

BIC

50‑0

33 200

35 200

50 %

Activités non commerciales

BNC

102 ter

33 200

35 200

34 %

b.   Les nouveaux plafonds

i.   Un relèvement de plus du double des plafonds déligibilité

L’article 22 de la loi de finances pour 2018 a substantiellement étendu le champ d’application des régimes « micro‑BIC » et « micro‑BNC » en multipliant par plus de deux les plafonds normaux.

Si, à cette occasion, les plafonds majorés ont été supprimés, cette disparition n’est pas de nature à pénaliser les travailleurs indépendants : en plus d’être plus élevés et donc plus facilement respectés, les nouveaux plafonds s’appliquent non seulement aux recettes de l’année précédente mais également à celles de l’année N – 2. Les nouveaux plafonds sont présentés dans le tableau ci-après.

nouveaux plafonds des régimes « micro‑BIc » et « micro‑BNC »

Activité

Catégorie de revenu

Droit antérieur

LFI 2018

Plafond normal de CA HT (N-1)
(en euros)

Plafond majoré de CA HT (N-2)
(en euros)

Nouveau plafond
(N-1 / N-2)
(en euros)

Commerce et hébergement

BIC

82 800

91 000

170 000

Prestations de services et locations meublées

BIC

33 200

35 200

70 000

Activités non commerciales

BNC

33 200

35 200

70 000

Les nouveaux plafonds feront l’objet d’une actualisation triennale, ainsi que le prévoient le dernier alinéa du 1 de l’article 50‑0 et le troisième alinéa de l’article 102 ter du CGI. Auparavant, cette actualisation triennale résultait du V de l’article 293 B du CGI fixant les seuils de la franchise en base de TVA.

ii.   Une simplification accrue pour plus de 5 800 travailleurs indépendants

● Les régimes micro-fiscaux, en plus de permettre des modalités de détermination de l’assiette imposable plus claires (par l’application aux recettes d’un abattement forfaitaire), entraînent une simplification et un allégement des obligations administratives, fiscales et comptables :

– dispense de la tenue d’une comptabilité complète ;

– modalités de détermination de la valeur ajoutée simplifiée ;

– dispense de la majoration de 25 % de l’assiette imposable en l’absence d’adhésion à un organisme de gestion agréé ;

– bénéfice du régime micro-social, consistant à appliquer au chiffre d’affaires du mois ou du trimestre précédent un taux forfaitaire ;

– possibilité d’opter pour le versement libératoire de l’impôt sur le revenu prévu à l’article 151‑0 du CGI, consistant un versement périodique contemporain correspondant à l’application au chiffre d’affaires d’un coefficient.

Le relèvement des plafonds des régimes micro-fiscaux permet donc aux travailleurs indépendants non agricoles de bénéficier d’une simplification renforcée :

– ceux qui se trouvaient entre les anciens et les nouveaux plafonds vont pouvoir prétendre à ces régimes ;

– ceux qui se trouvaient près des anciens plafonds seront à même de développer substantiellement leur activité sans crainte de dépassement du plafond.

● Le relèvement des plafonds de chiffre d’affaires devrait bénéficier à 5 896 travailleurs indépendants pour un coût total de 21 millions d’euros par an, ainsi que l’illustre le tableau suivant.

NOmbre d’entreprises concernées par le rehaussement des plafonds
des régimes micro-fiscaux et impact budgétaire estimé

Catégorie

Nombre dentreprises

Impact
IR
(en millions d’euros)

Impact
cotisations sociales
(en millions d’euros)

Impact total
(en millions d’euros)

BIC

4 249

– 7

– 8

– 16

BNC

1 647

+ 5

– 10

– 5

Total

5 896

 3

 18

 21

Source : évaluation préalable de l’article 10 du projet de loi de finances pour 2018.

Ces chiffres sont identiques à ceux produits par le Rapporteur général dans son commentaire de l’article 10 du projet de loi de finances pour 2018, l’administration n’ayant pu fournir d’actualisations malgré des demandes faites en ce sens.

Ce défaut de nouvelles données plus fines, s’il n’est pas nécessairement surprenant eu égard aux délais relativement contraints dans lesquels l’administration aurait dû traiter et exploiter les déclarations des contribuables, n’en reste pas moins regrettable. Le Rapporteur général espère que le Gouvernement produira de nouvelles estimations, sur la base des éléments recueillis lors de la campagne déclarative 2018.

iii.   Une entrée en vigueur adaptée et souple

Les nouveaux plafonds se sont appliqués à compter de l’imposition des revenus perçus en 2017, c’est-à-dire en 2018. En conséquence, les travailleurs indépendants qui relevaient de plein droit d’un régime réel d’imposition au regard des anciens plafonds, et dont les recettes n’excèdent pas les nouveaux plafonds, basculeront, pour l’imposition de leurs revenus 2017, dans un régime micro-fiscal.

Cependant, afin de garantir un maximum de souplesse, la loi a étendu, pour l’année 2018, le délai dans lequel un contribuable, qui relevait de plein droit d’un régime réel d’imposition sous l’empire des anciens plafonds, peut opter pour bénéficier d’un tel régime pour l’imposition de ses revenus 2017 alors qu’il est désormais éligible à un régime micro-fiscal ([163]) :

– la date limite était le 3 mai 2018, contre une date de droit commun fixée au 1er février ;

– pour les télé-déclarants, cette date a été repoussée jusqu’au 18 mai 2018.

c.   Les précisions réglementaires et doctrinales apportées à la suite du relèvement des plafonds

Le relèvement des plafonds ne supposait pas, pour être applicable, l’adoption de mesures réglementaires particulières.

● Les commentaires du BOFiP ont été actualisés le 1er juin 2018 à la suite de l’entrée en vigueur de l’article 22 de la loi de finances pour 2018 :

– BOI-BIC-DECLA-10-10 s’agissant des plafonds de chiffres d’affaires à retenir ;

– BOI-BIC-DECLA-10-20 s’agissant des redevables et opérations exclues des régimes micro-fiscaux ;

– BOI-BIC-DECLA-10-30 s’agissant des modalités d’option pour un régime réel ;

– BOI-BIC-DECLA-10-40 s’agissant des règles relatives au versement libératoire prévu à l’article 151‑0 du CGI ;

– BOI-BIC-DECLA-20-20 s’agissant des modalités de détermination du résultat des entreprises relevant des régimes micro-fiscaux.

● Des ajustements réglementaires ont également été pris mais ne concernent qu’indirectement les régimes micro-fiscaux.

L’article 7 du décret du 27 juin 2018 portant sur une expérimentation prévue dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 ([164]) a modifié l’article D. 133‑17 du code de la sécurité sociale (CSS) relatif aux modalités déclarative et de paiement des cotisations sociales.

Il y a substitué aux références aux articles 50‑0 et 102 ter du CGI une référence à l’article 293 B du même code : la déconnexion des plafonds des régimes micro-fiscaux des seuils prévus dans la franchise en base de TVA supposait une telle modification.

2.   L’exonération de la cotisation minimum de cotisation foncière des entreprises pour les petites exploitations à compter de 2019

a.   Le droit antérieur

En application de l’article 1647 D du CGI, les entreprises dont la valeur locative des biens professionnels est très faible acquittent au titre de la cotisation foncière des entreprises (CFE) ([165]) une cotisation minimum consistant en l’application du taux de CFE en vigueur ([166]) à une base minimum fixée par la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Sur les 4 millions de redevables de la CFE, environ 2,7 millions acquittent la cotisation minimum.

Le barème de la cotisation minimum de CFE, qui varie en fonction du chiffre d’affaires, est reproduit dans le tableau suivant dans sa version en vigueur en 2017.

barème 2017 de la cotisation minimum de CFE

(en euros)

Chiffre daffaires (CA)

Montant de la base minimum

CA  10 000

Entre 216 et 514

10 000 < CA  32 600

Entre 216 et 1 027

32 600 < CA  100 000

Entre 216 et 2 157

100 000 < CA  250 000

Entre 216 et 3 596

250 000 < CA  500 000

Entre 216 et 5 136

500 000 < CA

Entre 216 et 6 678

Les redevables de la CFE acquittent aussi deux taxes consulaires additionnelles :

– l’une perçue au profit des chambres de commerce et d’industrie (CCI) en application de l’article 1600 du CGI ;

– l’autre perçue au profit des chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) en application de l’article 1601 du CGI.

Pour les micro-entrepreneurs, les modalités de calcul de ces deux taxes sont spécifiques et correspondent à un taux forfaitaire appliqué sur le chiffre d’affaires (articles 1600 A et 1601‑0 A du CGI).

b.   L’exonération à compter de 2019 des entreprises dont le chiffre d’affaires n’excède pas 5 000 euros

● L’article 97 de la loi de finances pour 2018 a mis en place au bénéfice des entreprises réalisant un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 5 000 euros une exonération de la cotisation minimum de CFE, cette dernière pouvant entraîner dans de nombreuses hypothèses une charge fiscale disproportionnée au regard de l’activité conduite et des revenus qu’elle dégageait.

Cette exonération s’accompagne, pour les redevables concernées, d’une exonération des deux taxes consulaires additionnelles perçues au profit des CCI et des CMA.

Le dispositif est censé entrer en vigueur en 2019 et non dès 2018, afin de garantir la fiabilité du processus de récupération automatique des chiffres d’affaires mis en place en 2017.

Par ailleurs, le bénéfice de l’exonération sera subordonné au respect du règlement européen relatif aux aides de minimis ([167]).

● L’impact budgétaire actualisé des exonérations de cotisation minimum de CFE et de taxes consulaires additionnelles est de 93 millions d’euros par an à compter de 2019, contre une estimation initiale de 85 millions d’euros dans l’évaluation préalable du projet de loi de finances pour 2018. Le tableau suivant compare les deux estimations.

impact actualisé des exonérations de cfe
et de taxes consulaires additionnelles à compter de 2019

 (en millions d’euros)

Affectataire

Prévision PLF 2018

Estimations révisées

Différence

État

– 57

– 63

– 6

Collectivités territoriales

0

0

0

CCI

– 4

– 4

0

CMA

– 24

– 26

– 2

Total

 85

 93

 8

Source : DGFiP, en réponse au questionnaire du Rapporteur général ; évaluation préalable de l’article 45 du projet de loi de finances pour 2018.

L’impact pour les collectivités territoriales sera neutre : l’État compensera la perte des recettes du bloc communal par un prélèvement sur recettes.

D’après les dernières estimations réalisées, cette mesure bénéficiera à environ 1,07 million d’entreprises, soit un gain pour chaque entreprise de l’ordre de 87 euros (85 euros dans les prévisions initiales).

● L’article 97 n’appelle pas de mesure réglementaire d’application particulière (encore moins dès 2018 si l’on considère son entrée en vigueur différée).

S’agissant des commentaires du BOFiP, aucune actualisation n’était intervenue à la date de rédaction du présent rapport d’information. Cependant, il n’y a là rien d’anormal eu égard à l’entrée en vigueur en 2019 du dispositif.

C.   les dispositifs de soutien À certains territoires

La loi de finances pour 2018 et la seconde loi de finances rectificative pour 2017 ont apporté plusieurs modifications bienvenues des dispositifs d’exonérations zonées et de régimes fiscaux particuliers, afin de favoriser le développement des territoires et la compétitivité des entreprises.

1.   La création des bassins urbains à dynamiser (BUD)

a.   Les bassins urbains à dynamiser : un ambitieux dispositif pour dynamiser le bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais

● L’article 17 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 a créé un nouveau dispositif d’exonérations zonées s’ajoutant aux huit déjà existants, les « bassins urbains à dynamiser » (BUD), dans lesquels les entreprises qui s’y implantent entre 2018 et 2020 bénéficient de différentes exonérations fiscales :

– exonération d’IS ou d’IR (totale pendant deux ans, dégressive pendant les trois années suivantes), prévue par un nouvel article 44 sexdecies du CGI et qui s’appliquera à compter des impositions établies au titre de l’année 2018 ;

– deux exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), l’une obligatoire, l’autre facultative, totales pendant sept ans puis dégressives pendant les trois années suivantes, prévues par l’article 1383 F rétabli ;

– deux exonérations de cotisation foncière des entreprises (CFE), l’une obligatoire, l’autre facultative, totales pendant sept ans puis dégressives pendant les trois années suivantes (entraînant des exonérations similaires de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE), prévues par les articles 1463 A et 1466 B rétablis.

● Les exonérations d’impôts locaux s’appliqueront aux impositions établies à compter de 2019 dans la mesure où la CFE et la CVAE n’est pas due l’année de création d’une entreprise et que les exonérations de TFPB s’appliqueront l’année suivant celle du rattachement de l’immeuble concerné à un établissement créé exonéré de CFE.

Eu égard aux critères prévus (densité, niveau de revenu, taux de chômage), les BUD concernent le bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais et s’inscrit dans le cadre de l’« Engagement pour le renouveau du bassin minier »

Le coût du dispositif est estimé à 277,5 millions d’euros dont 175,5 millions d’euros pour l’État et 102 millions d’euros pour les collectivités territoriales ([168]).

La perte de recettes pour les collectivités territoriales résultant des exonérations obligatoires sera compensée par l’État à travers un prélèvement sur recettes.

b.   Les mesures d’application

Au-delà d’une correction d’une coquille sans conséquence au V de l’article 44 sexdecies réalisée par l’article 1er du décret du 20 juin 2018 ([169]), les BUD ont fait l’objet de peu de mesures réglementaires d’application.

La principale est l’arrêté du 14 février constatant le classement de communes en bassin urbain à dynamiser, pris par le ministre de la cohésion des territoires et le ministre de l’action et des comptes publics. Ce classement, prenant effet au 1er janvier 2018, s’appliquera trois ans.

En tout, 150 communes sont classées dans les BUD, 75 dans le département du Nord, 75 dans celui du Pas-de-Calais, le détail figurant dans le tableau ci-après.

communes classées en bud (2018-2020)

Nord
(75 communes)

Pas-de-Calais
(75 communes)

Abscon (59002)

Angres (62032)

Anhiers (59007)

Annay (62033)

Aniche (59008)

Annequin (62034)

Anzin (59014)

Annezin (62035)

Arleux (59015)

Auchel (62048)

Auberchicourt (59024)

Auchy-les-Mines (62051)

Aubigny-au-Bac (59026)

Avion (62065)

Auby (59028)

Barlin (62083)

Aulnoy-lez-Valenciennes (59032)

Béthune (62119)

Bellaing (59064)

Beuvry (62126)

Beuvrages (59079)

Billy-Montigny (62133)

Bouchain (59092)

Bourecq (62162)

Bruay-sur-lEscaut (59112)

Bruay-la-Buissière (62178)

Bruille-lez-Marchiennes (59113)

Bully-les-Mines (62186)

Condé-sur-lEscaut (59153)

Burbure (62188)

Courchelettes (59156)

Calonne-Ricouart (62194)

Crespin (59160)

Camblain-Châtelain (62197)

Cuincy (59165)

Carvin (62215)

Dechy (59170)

Cauchy-à-la-Tour (62217)

Denain (59172)

Courcelles-lès-Lens (62249)

Douai (59178)

Courrières (62250)

Douchy-les-Mines (59179)

Divion (62270)

Écaillon (59185)

Dourges (62274)

Émerchicourt (59192)

Douvrin (62276)

Erre (59203)

Drocourt (62277)

Escaudain (59205)

Éleu-dit-Leauwette (62291)

Escautpont (59207)

Estevelles (62311)

Fenain (59227)

Estrée-Blanche (62313)

Flers-en-Escrebieux (59234)

Évin-Malmaison (62321)

Fresnes-sur-Escaut (59253)

Ferfay (62328)

Guesnain (59276)

Fouquereuil (62349)

Haspres (59285)

Fouquières-lès-Lens (62351)

Haulchin (59288)

Gosnay (62377)

Haveluy (59292)

Grenay (62386)

Hérin (59302)

Haillicourt (62400)

Hordain (59313)

Haisnes (62401)

Hornaing (59314)

Harnes (62413)

La Sentinelle (59564)

Hénin-Beaumont (62427)

Lallaing (59327)

Hersin-Coupigny (62443)

Lauwin-Planque (59334)

Houdain (62457)

Lécluse (59336)

Hulluch (62464)

Lewarde (59345)

Isbergues (62473)

Lourches (59361)

Labourse (62480)

Maing (59369)

Lapugnoy (62489)

Marly (59383)

Leforest (62497)

Masny (59390)

Lens (62498)

Monchecourt (59409)

Libercourt (62907)

Montigny-en-Ostrevent (59414)

Lières (62508)

Mortagne-du-Nord (59418)

Liévin (62510)

Neuville-sur-Escaut (59429)

Lillers (62516)

Odomez (59444)

Loison-sous-Lens (62523)

Onnaing (59447)

Loos-en-Gohelle (62528)

Pecquencourt (59456)

Lozinghem (62532)

Petite-Forêt (59459)

Maisnil-lès-Ruitz (62540)

Prouvy (59475)

Marles-les-Mines (62555)

Quarouble (59479)

Mazingarbe (62563)

Quiévrechain (59484)

Méricourt (62570)

Râches (59486)

Meurchin (62573)

Raismes (59491)

Montigny-en-Gohelle (62587)

Roeulx (59504)

Noeux-les-Mines (62617)

Roost-Warendin (59509)

Noyelles-Godault (62624)

Rouvignies (59515)

Noyelles-lès-Vermelles (62626)

Saint-Amand-les-Eaux (59526)

Noyelles-sous-Lens (62628)

Saint-Saulve (59544)

Oblinghem (62632)

Sin-le-Noble (59569)

Oignies (62637)

Somain (59574)

Ourton (62642)

Thiant (59589)

Pont-à-Vendin (62666)

Thivencelle (59591)

Rouvroy (62724)

Thun-Saint-Amand (59594)

Sailly-Labourse (62735)

Trith-Saint-Léger (59603)

Sains-en-Gohelle (62737)

Valenciennes (59606)

Sallaumines (62771)

Vieux-Condé (59616)

Vendin-le-Vieil (62842)

Wallers (59632)

Vermelles (62846)

Wavrechain-sous-Denain (59651)

Verquin (62848)

Waziers (59654)

Wingles (62895)

Le BOFiP a été actualisé en conséquence de la création des BUD le 4 juillet 2018 (BIC-IF, avec comme séries modifiées : BIC-CHAMP, CVAE-CHAMP, IF-TFB, IF-CFE, ANNX-IF).

2.   Les dispositions en faveur des bassins d’emplois à redynamiser (BER) : la reconduction triennale du dispositif et la simplification des démarches administratives pour les employeurs

a.   Le droit antérieur : un dispositif censé s’éteindre après 2017

Définis au 3 bis de l’article 42 de la loi du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire ([170]), les bassins d’emplois à redynamiser (BER), identifiés à partir de critères reposant sur le taux de chômage, un déclin démographique et une variation négative de l’emploi, permettent aux entreprises qui s’y implantent de bénéficier d’exonérations fiscales et sociales : IS, CFE, TFPB et cotisations sociales ([171]).

Pour bénéficier des exonérations sociales, en application de l’article 8 du décret du 30 avril 2007, l’employeur doit adresser trois déclarations : l’une sur les mouvements de main-d’œuvre devant être envoyée au plus tard le 30 avril, une deuxième destinée à vérifier le respect du droit européen, une troisième sur les recrutements réalisés à l’occasion d’une extension d’établissement, devant être transmise avant la fin du douzième mois suivant l’extension ([172]).

Il existe deux BER : le premier dans les Ardennes, le second dans l’Ariège. Le dispositif devait s’éteindre après le 31 décembre 2017.

Son coût budgétaire est relativement modeste comparé à d’autres dispositifs d’exonérations zonées : au regard des dernières données disponibles, il s’élèverait à 7,74 millions d’euros. Le détail est présenté dans le tableau ci-après.

Coût annuel du dispositif « BER »

(en milliers d’euros)

Impôt

Coût

Impôts sur les bénéfices (2017)

5 626,0

Dont IR

1 110,0

Dont IS

4 516,0

TFPB (2016)

770,2

Dont part communale

305,4

Dont part intercommunale

85,6

Dont part départementale

379,2

CFE (2016)

947,8

Dont part communale

34,0

Dont part intercommunale

913,8

Total

7 344,0

Source : DGFiP, en réponse au questionnaire du Rapporteur général.

b.   La prorogation pour trois ans du dispositif d’exonérations dans les BER

● L’article 70 de la loi de finances pour 2018, introduit à l’initiative de l’Assemblée nationale, prévoit la prorogation du dispositif d’exonérations dans les BER jusqu’au 31 décembre 2020, soit pour trois ans.

● La liste des communes faisant partie d’un BER a été actualisée par un décret du 29 juin 2018 ([173]).

Le BOFiP, quant à lui, a été actualisé le 7 février 2018 pour tirer les conséquences de la prorogation triennale du dispositif d’exonérations :

– BOI-BIC-CHAMP-80-10-50, s’agissant de l’exonération d’IS et d’IR ;

– BOI-IF-TFP-10-160-20, s’agissant de l’exonération de TFPB ;

– BOI-IF-CFE-10-30-60-50, s’agissant de l’exonération de CFE.

c.   La méconnaissance de l’intention du législateur par le décret d’application de la mesure de simplification administrative prévue dans les BER

En plus de reconduire le dispositif des BER pour trois ans, l’article 70 de la loi de finances pour 2018 a introduit une simplification administrative importante pour les employeurs.

Alors que le bénéfice des exonérations de cotisations sociales était jusque-là subordonné à la production par l’employeur de plusieurs déclarations, selon des modalités fixées par décret ([174]), l’article 70 prévoit que, désormais, « Aucune déclaration annuelle des employeurs n’est demandée. Les conditions de mise en œuvre du présent VII sont fixées par décret. »

Ainsi que l’indiquait en séance M. Jean-Luc Warsmann, à l’origine de cet article 70, le dispositif vise « à interrompre une vraie monstruosité juridique. Larticle 8 du décret dapplication du dispositif prévoit quune entreprise qui a créé des emplois doit, avant le 30 avril de lannée suivante, déposer une déclaration, laquelle ne fait que réaffirmer des données dont les URSSAF disposent. La sanction est tout bonnement la suppression de lexonération pour lentreprise.

« Jai remis au cabinet du ministre et à la commission des finances des exemples. […] Au moment où le Gouvernement cherche à regagner la confiance du monde économique et où lon travaille sur le droit à lerreur, il me semble important, outre renouveler le dispositif pour trois ans, de supprimer cette disposition qui constitue un véritable piège à employeurs et a des conséquences vraiment pas équitables. » ([175])

Il ressort donc clairement, non seulement de la lettre de la loi, mais aussi de l’intention du législateur, que les déclarations annuelles obligatoires devaient être supprimées et, en tout état de cause, ne devaient plus conditionner le bénéfice des exonérations sociales – tout particulièrement s’agissant des déclarations faites aux organismes chargés du recouvrement des cotisations sociales devant être réalisées au plus tard le 30 avril, expressément mentionnées lors des débats.

Or, l’article 8 du décret de 2007 précité, s’il a bien été modifié par l’article 1er du décret du 29 juin 2018 ([176]), n’a pas procédé aux ajustements requis puisqu’il dispose désormais que :

« I.  Pour bénéficier de l’exonération prévue au VII de larticle 130 de la loi du 30 décembre 2006 susvisée, l’employeur adresse des déclarations relatives aux mouvements de main-dœuvre.

« Pour chaque établissement implanté, créé ou étendu dans un bassin demploi à redynamiser entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2020, trois déclarations sont demandées. La première porte sur les mouvements intervenus lannée civile dimplantation, de création ou dextension de létablissement, ainsi que sur lannée civile suivante. La seconde déclaration porte sur les mouvements intervenus les deux années civiles suivant la période couverte par la première déclaration. La troisième déclaration porte sur les mouvements intervenus les deux années civiles suivant la période couverte par la deuxième déclaration.

[…]

« Chaque déclaration est envoyée au plus tard le 30 avril de lannée suivant la dernière année civile de la période sur laquelle elle porte.

« Pour les salariés relevant du régime général, chaque déclaration est adressée à lunité territoriale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de lemploi dans le ressort territorial duquel est situé létablissement ainsi quà lorganisme chargé du recouvrement des cotisations de sécurité sociale et dallocations familiales dont relève cet établissement pour le paiement des cotisations. »

Interrogée sur ce point, l’administration a indiqué que, d’une manière générale, il ne semblait pas opportun d’abandonner la transmission d’informations permettant d’opérer les contrôles. Une telle position peut naturellement s’entendre, mais il n’appartient pas à l’administration de juger l’opportunité des mesures souhaitées et adoptées par le législateur et, le cas échéant, d’y faire obstacle.

D’autres éléments, plus juridiques, ont été avancés par l’administration pour justifier le contenu du décret et le maintien des obligations déclaratives.

S’il pouvait être difficile de s’affranchir totalement de l’une des déclarations dite « de minimis », servant à vérifier le respect des conditions et limites prévues par la législation européenne (quoique des modalités de contrôle différentes auraient pu être envisagées), les arguments liés aux autres déclarations, formellement acceptables, reposent sur une lecture excessivement littérale des textes au détriment de l’intention affichée du législateur.

Ainsi, l’argument selon lequel une déclaration portant sur plusieurs années n’est pas, juridiquement, une « déclaration annuelle » – circonstance permettant pour l’administration de maintenir les déclarations – est juridiquement exact, mais il s’inscrit à rebours de la volonté manifestée lors des débats d’alléger les obligations déclaratives et d’éviter que le défaut de déclaration entraîne la perte du bénéfice de l’exonération.

En outre, si la déclaration prise en exemple à l’occasion de la défense de l’amendement qui allait enrichir la loi ne concernait pas, jusqu’en 2017, les entreprises établies après 2011, une telle circonstance ne saurait justifier le maintien d’une telle déclaration au motif que l’exemple cité n’existait pas formellement dans certaines hypothèses :

– d’une part, il s’agissait d’un exemple ;

– d’autre part et surtout, l’intention du législateur sur cet exemple était claire : supprimer la déclaration relative aux emplois créés devant intervenir en avril.

Arguer d’une contradiction entre les exemples avancés dans les débats et le droit alors en vigueur, pour maintenir une obligation dont le souhait manifeste du Parlement est la suppression pour l’avenir, ne semble pas relever d’une bonne application de la loi.

En conséquence, l’intention du législateur paraît bien ne pas avoir été respectée par le pouvoir réglementaire.

3.   Les aménagements apportés aux zones de revitalisation rurale (ZRR)

Trois aménagements importants ont été apportés par les lois de finances de l’automne dernier aux zones de revitalisation rurale (ZRR), définies au II de l’article 1465 A du CGI :

– le maintien des avantages fiscaux liés à la qualification de ZRR pour les communes, autres celles de montagne, sorties du dernier classement ;

– la modification des critères de qualification des ZRR ;

– la facilitation des modalités de transmission d’entreprises au sein des ZRR.

a.   Le droit antérieur

Pour mémoire, les ZRR correspondent aux communes membres d’un EPCI :

– dont la densité démographique n’excède pas la densité médiane des EPCI métropolitains ;

– et dont le revenu fiscal par unité de consommation médian n’excède pas la médiane des revenus médians des EPCI métropolitains.

Le classement en ZRR entraîne l’application d’un dispositif d’exonérations généreux pour les entreprises de moins de onze salariés : exonérations temporaires d’IS ou d’IR, d’impôts fonciers, de contribution économique territoriale et de cotisations sociales.

Ce dispositif ne s’applique cependant pas en cas de transmission familiale d’entreprise, afin d’éviter des abus consistant à transmettre une entreprise à un parent ou une personne liée, au terme de la période d’exonération, pour bénéficier d’exonérations permanentes.

b.   Les aménagements adoptés

● Un nouveau zonage des ZRR est entré en vigueur le 1er juillet 2017, conduisant à la sortie de nombreuses communes du classement.

Afin de ne pas pénaliser trop brutalement certaines de ces communes, la loi « Montagne II » du 28 décembre 2016 ([177]) a maintenu à leur bénéfice le dispositif d’exonérations jusqu’au 30 juin 2020.

L’article 27 de la loi de finances pour 2018 a étendu ce maintien temporaire à l’ensemble des communes sorties du classement dans un souci d’équité, pour que toutes ces communes, de montagne ou non, puissent encore bénéficier du dispositif d’exonérations pendant une période leur permettant de s’organiser pour faire face à l’avenir ([178]).

Par ailleurs, afin de garantir de la meilleure des façons la sortie des communes concernées du classement en ZRR, le Gouvernement devait remettre avant le 1er juin 2018 un rapport sur le sujet, abordant notamment la question d’éventuelles expérimentations et politiques contractuelles et analysant la pertinence des nouveaux critères de classement.

● Le deuxième aménagement, précisément, a porté sur les critères, en ajoutant au premier critère relatif à la densité un critère alternatif lié au déclin démographique.

Ce nouveau critère alternatif, lui aussi prévu à l’article 27 de la loi de finances pour 2018 est entré en vigueur au 1er janvier 2018.

● Enfin, l’article 23 de la loi de finances pour 2018 et l’article 18 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 ont assoupli les modalités de transmission familiale d’entreprises en ZRR. Si l’encadrement antérieur se justifiait par la lutte contre les pratiques abusives, il restait trop sévère et risquait de compromettre le maintien dans les territoires ruraux d’activités économiques pourtant essentielles.

En conséquence, ces deux articles, modifiant le III de larticle 44 quindecies du CGI, ont consacré le bénéfice du dispositif d’exonération au titre de la première transmission familiale :

– pour les entreprises individuelles, par l’article 23 de la loi de finances pour 2018 (qui s’applique à l’IR dû au titre de 2017 et à l’IS dû au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2017) ;

– pour les entreprises non individuelles, par l’article 18 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 (qui s’applique aux opérations de reprise et de restructuration réalisées à compter du 30 décembre 2017).

c.   Les mesures d’application prises

● L’arrêté du 16 mars 2017 constatant le classement de communes en ZRR a été modifié par un arrêté du 22 février 2018 ([179]).

Son annexe I indique les nouvelles communes classées au titre du critère alternatif prévu reposant sur la démographie, soit douze communes dont la liste est reproduite ci-après et qui sont toutes comprises dans l’EPCI de Decazeville communauté (Aveyron).

communes bénéficiant du classement en zrr au titre du nouveau critère

Communes concernées

Almont-les-Junies (12004)

Firmi (12100)

Aubin (12013)

Flagnac (12101)

Boisse-Penchot (12028)

Livinhac-le-Haut (12130)

Bouillac (12030)

Saint-Parthem (12240)

Cransac (12083)

Saint-Santin (12246)

Decazeville (12089)

Viviez (12305)

Son annexe II dresse la liste des nouvelles communes bénéficiant du maintien temporaire du dispositif, autres que celles de montagne déjà listées par l’annexe II de l’arrêté du 16 mars 2017.

● Le BOFiP a également été actualisé :

– BOI-BIC-CHAMP-80-10-70-10 du 6 juin 2018, sur les conditions d’éligibilité au dispositif d’exonérations (voir notamment le § 50) ;

– BOI-BIC-CHAMP-80-10-70-20 du 6 juin 2018, sur les opérations éligibles (voir notamment les § 200 et 210), qui précise les modalités d’entrée en vigueur des assouplissements à la clause anti-abus en cas de transmission familiale.

En revanche, le rapport censé être produit par le Gouvernement sur les critères de classement en ZRR, dû pour le 1er juin 2018, na pas encore été transmis.

4.   Les aménagements apportés au régime d’imposition à taux réduit des plus-values de cessions de locaux transformés en logements

a.   Le droit antérieur

Les plus-values nettes résultant de la cession d’un local professionnel par une personne morale soumise à l’IS font l’objet, en application de l’article 210 F du CGI, d’une imposition au taux réduit de 19 % lorsque cette cession est faite au profit d’une autre personne morale soumise à l’IS ([180]) et que celle-ci s’engage à transformer le local en logement dans un délai de quatre ans suivant la date de clôture de l’exercice d’acquisition.

Ce régime de taux réduit s’appliquait aux cessions réalisées jusqu’au 31 décembre 2017.

b.   La prorogation et l’amélioration du dispositif par la loi de finances pour 2018

Estimant que le dispositif prévu à l’article 210 F du CGI est un élément de nature à renforcer l’offre de logements, le législateur a décidé, à travers l’article 25 de la loi de finances pour 2018, de le proroger pour trois ans, jusqu’en 2020, avec un assouplissement particulier :

– sont éligibles au régime les cessions réalisées jusqu’au 31 décembre 2020 ;

– sont également éligibles les cessions faisant l’objet d’une promesse de vente conclue jusqu’au 31 décembre 2020, sous réserve que la cession soit réalisée au plus tard le 31 décembre 2022.

Parallèlement à cette prorogation, le fond du dispositif a été aménagé, afin de renforcer son efficacité :

– les cessions éligibles sont étendues à celles portant sur des terrains à bâtir ;

– les sociétés civiles prévues à l’article 239 ter du CGI dont l’objet est la construction d’immeuble en vue de la vente sont ajoutées à la liste des acquéreurs ;

– le dispositif est ciblé sur les communes marquées par un déséquilibre particulièrement important entre offre et demande de logements.

c.   Les mesures d’application prises

● Un décret du 29 juin 2018 ([181]) est venu préciser les modalités d’application du dispositif résultant de la loi de finances pour 2018 :

– il a actualisé l’article 46 quater‑0 ZZ bis D de l’annexe III du CGI portant sur l’engagement de transformation en logement du bien acquis ;

– surtout, à l’article 46 quater‑0 ZZ bis E de la même annexe III, il a défini les zones géographiques caractérisées par un déséquilibre particulièrement important entre offre et demande de logements : il s’agit des zones A bis et A telles que définies à l’article R. 304‑1 du code de la construction et de l’habitation :

Le caractère tardif de l’adoption du décret précisant l’acception des zones marquées par un « déséquilibre particulièrement important entre loffre et la demande de logements » au sens de l’article 210 F du CGI est évidemment regrettable. Les entreprises concernées n’ont connu qu’après six mois le champ géographique du dispositif, circonstance de nature à les placer dans une situation d’incertitude.

Ce caractère regrettable est d’autant plus saillant que la définition des zones similaires pour l’application de l’article 28 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 ([182]) a été réalisée par un arrêté pris dès le lendemain de la promulgation de cette loi, soit le 29 décembre 2017 ([183]).

Cependant, dans la mesure où les deux dispositifs reposaient sur des zones définies de façon identique dans la loi et que l’arrêté de décembre 2017 vise lui aussi les zones A bis et A, l’incertitude précédemment évoquée n’était en réalité pas particulièrement patente.

● Le BOFiP a lui aussi été actualisé cet été, le 4 juillet 2017 :

– BOI-IS-BASE-20-30-10, s’agissant de la présentation générale ;

– BOI-IS-BASE-20-30-10, s’agissant du champ d’application du dispositif ;

– BOI-IS-BASE-20-30-10, s’agissant des modalités d’imposition de la plus-value nette.

D.   Les assouplissements apportés aux exploitations agricoles

1.   L’assouplissement de l’option pour la moyenne triennale

a.   Le droit antérieur : une option d’une durée de cinq ans

Afin de tenir compte de la volatilité des revenus agricoles, l’article 75‑0 B du CGI permet aux exploitants qui le souhaitent et qui sont soumis à un régime réel d’imposition d’opter pour une imposition sur la moyenne triennale des bénéfices agricoles réalisées au titre de l’année d’imposition et des deux années qui la précèdent.

Cette option s’appliquait pendant cinq ans sans possibilité de dénonciation anticipée. Au terme de cette période, en cas de dénonciation, son recours n’était plus possible pendant cinq autres années.

b.   Le raccourcissement à trois ans des délais pour l’option de la moyenne triennale

Si la moyenne triennale peut se révéler intéressante lorsque les revenus augmentent d’une année sur l’autre, elle pénalise les exploitants en cas de de diminution des revenus. La mission d’information sur la fiscalité agricole conduite par la commission des finances de l’Assemblée nationale avait d’ailleurs préconisé en 2015 de raccourcir la durée de l’option de cinq à trois ans ([184]).

C’est précisément ce à quoi s’est employé le législateur à travers l’article 92 de la loi de finances pour 2018 :

– la durée d’application de l’option passe de cinq à trois ans ;

– la durée pendant laquelle, après dénonciation, il n’est plus possible d’opter passe elle aussi de cinq à trois ans.

Ce raccourcissement s’applique aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018. La nouvelle durée de trois ans peut également s’appliquer aux options déjà en cours et permet aux exploitants ayant dénoncé leur option depuis au moins trois ans d’opter à nouveau.

Le BOFiP a été actualisé le 4 juillet 2018 en conséquence (BOI-BA-LIQ-20).

2.   L’assouplissement de l’imposition agricole d’activités accessoires

a.   Le droit antérieur

Pour faciliter le développement de la pluriactivité des exploitations agricoles, l’article 75 du CGI permet d’inclure dans les revenus imposés selon les règles du bénéfice agricole ceux tirés d’activités commerciales et non commerciales dès lors qu’ils revêtent un caractère accessoire, apprécié si leur montant n’excède pas :

– 30 % des recettes tirées de l’activité agricole ;

– et 50 000 euros.

Ces plafonds sont augmentés à 50 % des recettes et 100 000 euros lorsque les activités accessoires consistent en la production d’électricité d’origine éolienne ou photovoltaïque (article 75 A du CGI).

b.   L’augmentation des plafonds de revenus accessoires inclus dans la détermination du bénéfice agricole

Afin de renforcer la pluriactivité des exploitations agricoles, l’article 24 de la loi de finances pour 2018 a relevé les plafonds des revenus accessoires en les portant à :

– 50 % des recettes tirées de l’activité agricole ;

– 100 000 euros.

Il s’agit donc d’une fusion des deux dispositifs antérieurs, qui met fin à la distinction qui prévalait en fonction de la nature des revenus (l’article 75 A étant abrogé en conséquence). Une coordination avec le régime simplifié de TVA prévu à l’article 298 bis du CGI a également été faite pour que les recettes soient appréciées selon ces nouveaux plafonds.

Enfin, pour éviter que ce relèvement ne puisse entraîner une distorsion de concurrence vis-à-vis des contribuables se livrant à titre principal aux activités commerciales et non commerciales qui sont, pour l’exploitation agricole, accessoires, l’article 24 prévoit d’exclure pour ces revenus accessoires l’application de certains dispositifs propres à la fiscalité agricole (déductions pour investissement et pour aléa, étalement des revenus exceptionnels et abattement pour les jeunes agriculteurs).

Le BOFiP sur les revenus accessoires a été actualisé le 4 juillet (point IV – § 140 à 470 – du BOI-BA-CHAMP-10-40).

E.   Les contributions exceptionnelles et ponctuelles liées au contentieux de la taxe de 3 % sur les dividendes

L’automne budgétaire 2017 a donné lieu à l’adoption de la première loi de finances rectificative du 1er décembre 2017 ([185]) dont l’objet était de tirer les conséquences du coût pour les finances publiques du contentieux lié à la contribution de 3 % sur les montants distribués (plus connue sous l’appellation de « taxe sur les dividendes »).

Le Rapporteur général a eu l’occasion de préciser de façon exhaustive le contexte dans lequel ce premier projet de loi de finances rectificative s’est inscrit, et il est renvoyé aux commentaires de l’article 1er de ce texte pour toute précision relative aux conditions d’adoption de la contribution de 3 % et aux contentieux qui ont suivi ([186]).

Ne seront ici évoqués que les éléments budgétaires liés aux réclamations des entreprises au titre du contentieux de la contribution de 3 % et les aspects relatifs aux deux contributions créées pour éviter de compromettre la trajectoire budgétaire de la France et le respect de ses engagements européens. Une attention particulière sera apportée sur la question de la définition du chiffre d’affaires pris en compte pour déterminer l’assujettissement des entreprises à ces contributions.

Enfin, rappelons que le Gouvernement a remis au Parlement, le 18 janvier 2018, un rapport sur les effets des contributions exceptionnelle et additionnelle à l’impôt sur les sociétés instituées par l’article 1er de la première loi de finances rectificative pour 2017. Ce rapport, aux termes du VI de cet article 1er, devait être remis au plus tard le 1er décembre. Si le respect de cette date s’est trouvé inévitablement compromis par la date identique de promulgation de la loi, il reste néanmoins regrettable que le Gouvernement ne se soit acquitté de son obligation qu’avec plus d’un mois et demi de retard.

1.   L’état des réclamations au titre de la contribution de 3 % sur les montants distribués

Au 3 juin 2018, plus de 8 000 dossiers tendant au remboursement des sommes versées au titre de la contribution de 3 % sur les montants distribués avaient été enregistrés, pour un total de près de 8,5 milliards d’euros de droits contestés, plus de 8,1 milliards d’euros ayant été effectivement remboursés, comme l’illustre le tableau suivant.

État des réclamations au titre du contentieux
de la contribution sur les montants distribuÉs
(situation au 3 juin 2018)

Dossiers déposés

Droits contestés
(en millions d’euros)

Droits remboursés
(en millions d’euros)

% remboursements

8 045

8 477,6

8 148,9

96,1 %

Source : DGFiP, en réponse au questionnaire du Rapporteur général.

La publication d’une répartition plus fine, secteur par secteur n’est hélas pas possible dans le cadre du présent rapport : elle se heurte au secret statistique.

2.   Les contributions exceptionnelles mises en place

a.   Deux contributions exceptionnelles pesant sur les plus grandes entreprises

L’article 1er de la première loi de finances rectificative pour 2017 précitée a mis en place deux contributions ponctuelles correspondant à des surtaxes d’IS, dues par les plus grandes entreprises dont les exercices sont clos à compter du 31 décembre 2017 et jusqu’au 30 décembre 2018 :

– une contribution exceptionnelle à l’IS due par les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros ;

– une contribution exceptionnelle et additionnelle à l’IS, due par les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 3 milliards d’euros et qui s’ajoute à la précédente.

Le taux de chacune de ces deux contributions est de 15 % de l’IS dû. Elles ont eu pour effet d’aboutir à un taux consolidé de l’IS de :

– 38 1/3 % au titre de la première contribution et 43 1/3 % au titre des deux ;

– 39,43 % au titre de la première contribution et 44,43 % au titre des deux, si est ajoutée la contribution sociale de 3,3 % de l’IS dû.

Afin de limiter le plus possible les effets de seuils pour les entreprises, et à l’initiative du Rapporteur général, un dispositif de lissage a été adopté, consistant à réduire la charge nouvellement due lorsque le chiffre d’affaires dépassait de peu les seuils d’assujettissement (entre 1 et 1,1 milliard d’euros pour la première contribution, entre 3 et 3,1 milliards d’euros pour la seconde).

L’administration a précisé le régime de ces contributions dans le BOFiP du 8 décembre 2017, actualisé le 28 décembre suivant (BOI-IS-AUT-35) ([187]).

b.   Un surcroît de près de 5 milliards d’euros de recettes fiscales en 2017

Les prévisions de recettes induites par les deux nouvelles contributions ponctuelles s’établissaient à 5,4 milliards d’euros, dont 4,8 milliards d’euros au titre de l’année 2017 (et 600 millions d’euros en 2018).

Ce sont finalement 4,9 milliards d’euros de recettes qui ont été enregistrées en 2017 au titre de ces surtaxes, acquittées par 251 entreprises. Le tableau suivant résume ces éléments.

produit 2017 des contributions exceptionnelles sur l’is

Produit prévisionnel (PLFR 2017)
(en milliards d’euros)

Produit constaté (LR 2017)
(en milliards d’euros)

Nombre de contribuables

4,8

4,9

251

Source : DGFiP, documents budgétaires annexés au premier projet de loi de finances rectificative pour 2017 et au projet de loi de règlement et d’approbation des comptes 2017.

D’après les données fournies par l’administration fiscale, sur les 251 entreprises ayant acquitté les deux contributions :

– 148 n’ont été assujettis qu’à la première (contribution exceptionnelle) ;

– 103 ont été assujetties aux deux (contribution exceptionnelle et contribution additionnelle).

Parmi ces entreprises, 247 ont clôturé leur exercice le 31 décembre 2017 et 4 l’ont fait le 31 janvier 2018.

3.   Le cantonnement du chiffre d’affaires aux seules activités réalisées en France : une interprétation contestable de l’administration fiscale

a.   Le chiffre d’affaires pris en compte est celui réalisé en France

Le chiffre d’affaires pris en compte pour apprécier l’assujettissement des entreprises aux deux nouvelles contributions est le chiffre d’affaires réalisé en France :

« Il convient de retenir le chiffre daffaires qui se rattache aux bénéfices soumis en France à limpôt sur les sociétés conformément à larticle 209 du CGI (cf. au I-A § 10). Ainsi, le chiffre daffaires des sociétés dont lactivité est exercée à la fois en France et hors de France doit être ventilé selon les règles de territorialité de lIS, découlant de larticle 209 du CGI, pour ne retenir que la part de celui-ci réalisée en France. » ([188])

b.   Un cantonnement contestable au regard des précédentes contributions à l’IS

Cette précision ne figurait pas dans la loi, mais cela n’est pas anormal : elle n’est pas mentionnée à l’article 235 ter ZC portant sur la contribution sociale sur l’IS et ne l’était pas non plus à l’article 235 ter ZAA portant sur une précédente contribution exceptionnelle à l’IS, dite « surtaxe Fillon » ([189]).

Le sens de cette précision, à savoir ne retenir que le chiffre d’affaires réalisé en France, apparaît néanmoins contestable. Il est à rebours non seulement des modalités applicables aux deux contributions précitées (contribution sociale et « surtaxe Fillon »), mais aussi des éclairages apportés par les débats parlementaires, notamment par les deux rapporteurs généraux.

S’agissant de la contribution sociale sur l’IS, le BOFiP précise bien que le chiffre d’affaires à retenir pour l’assujettissement des entreprises est le chiffre d’affaires mondial, et non seulement celui rattaché aux bénéfices imposés en France à l’IS :

« La condition tenant au chiffre daffaires ayant pour objet dapprécier limportance de lentreprise, la limite de 7 630 000 € sapprécie par référence aux recettes retirées de lensemble des opérations réalisées par le redevable dans le cadre de son activité professionnelle, quel que soit le régime fiscal applicable au résultat de ces opérations. Ainsi, il doit être tenu compte non seulement du produit des opérations, définies au II-A-1-a § 20, imposables aux taux de droit commun ou, le cas échéant, au taux réduit des plus-values à long terme mais également du chiffre daffaires réalisé dans le cadre dopérations dont le résultat bénéficie dun régime dimposition particulier, dune exonération ou est placé hors du champ dapplication de lIS.

« Il en résulte, notamment, que les sociétés, françaises ou étrangères, exerçant leur activité en France et hors de France sont exonérées de la contribution sociale sur les bénéfices si, notamment, le chiffre daffaires quelles retirent de lensemble de leurs opérations est inférieur à 7 630 000 € au titre de lexercice ou de la période dimposition considéré. » ([190])

Les mêmes précisions se retrouvent dans le BOFiP consacré à la « surtaxe Fillon », seul le seuil de chiffre d’affaires différant (seuil de 250 millions d’euros) ([191]).

Le caractère mondial du chiffre d’affaires pris en compte au titre de la « surtaxe Fillon » a d’ailleurs été expressément validé, dans deux décisions rendues le 9 décembre 2016 ([192]), par le Conseil d’État, qui a jugé que « l’assujettissement à la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés repose sur la qualité de redevable de l’impôt sur les sociétés et sur la réalisation d’un chiffre d’affaires annuel d’au moins 250 millions d’euros ; que si la territorialité de l’impôt sur les sociétés résultant de l’article 209 du code général des impôts limite les bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés à ceux réalisés en France, sous réserve des stipulations des conventions internationales relatives aux doubles impositions, elle n’a ni pour objet ni pour effet de limiter le chiffre d’affaires pris en compte pour apprécier le seuil d’assujettissement à la contribution exceptionnelle à celui réalisé en France ; que, par suite, en jugeant qu’il y a lieu, pour l’application de l’article 235 ter ZAA du code général des impôts, de retenir le seul chiffre d’affaires qui se rattache aux bénéfices soumis en France à l’impôt sur les sociétés conformément à l’article 209 de ce code et aux stipulations de la convention fiscale franco-allemande précitée applicable au cas d’espèce, la cour a fait une inexacte interprétation de l’article 235 ter ZAA » ([193]).

c.   Un cantonnement à rebours des travaux parlementaires

Dans son rapport sur le premier projet de loi de finances rectificative pour 2017, le Rapporteur général avait expressément indiqué que « Le chiffre d’affaires retenu devrait être le chiffre d’affaires mondial, et non seulement le chiffre d’affaires réalisé en France. Cette appréhension globale ne méconnaîtrait nullement le principe de territorialité de l’IS prévu à l’article 209 du CGI dans la mesure où le chiffre d’affaires n’est pas l’assiette des contributions, mais le critère d’assujettissement à ces dernières. » ([194])

Le Rapporteur général de la commission des finances du Sénat précisait également que « En pratique, la définition du chiffre d’affaires devrait être celle retenue par la doctrine fiscale pour la contribution sociale sur l’impôt sur les sociétés » ([195]). Or, ainsi qu’il vient d’être vu, cette définition porte sur un chiffre d’affaires mondial.

Il résulte donc de ce qui précède que les deux assemblées avaient retenu la mondialité pour la définition du chiffre d’affaires.

d.   Des justifications peu convaincantes de l’administration

● Interrogée sur la différence d’appréhension du chiffre d’affaires entre les précédentes contributions assises sur l’IS (contribution sociale et « surtaxe Fillon ») et les deux nouvelles contributions ponctuelles, l’administration fiscale a indiqué que :

– la seule prise en compte du chiffre d’affaires français avait été décidée « à titre de règle pratique » ([196]), l’administration s’appuyant sur les données prévues aux articles 38 terdecies A et 38 quaterdecies de l’annexe III du CGI (à savoir les renseignements afférents aux activités réalisées en France) ;

– les estimations de rendement des deux contributions avaient été réalisées à partir des données figurant dans les liasses fiscales et ne portant que sur l’activité réalisée en France.

● Ces justifications ne paraissent pas satisfaisantes.

D’une part, l’administration est en mesure de connaître le chiffre d’affaires mondial des entreprises : sans cela, comment pourrait-elle identifier les entreprises assujetties à la contribution sociale ou à la « surtaxe Fillon » ?

Par ailleurs, la déclaration pays par pays prévue à l’article 223 quinquies C du CGI, applicable aux groupes établis en France dont le chiffre d’affaires mondial est d’au moins 750 millions d’euros, permet de connaître ces données.

D’autre part, les estimations de rendement n’ont pas à définir le champ d’application d’une mesure. Le processus est censé être inverse, les estimations étant faites une fois le périmètre d’un dispositif arrêté. Dès lors, la circonstance que les estimations reposaient sur les seules activités françaises ne saurait emporter la conviction ni justifier le choix de l’administration.

Enfin, le fait de ne retenir que le chiffre d’affaires français revient à ne pas tenir compte de toutes les recettes tirées de l’activité d’une entreprise et donc à ne pas correctement apprécier l’importance de cette dernière. Cela conduit également à avantager les entreprises qui réalisent une part de leur chiffre d’affaires à l’étranger par rapport à celles qui n’exercent qu’en France, à chiffres d’affaires égaux.

L’interprétation restrictive de l’administration peut donc être vue comme traduisant une méconnaissance difficilement admissible de l’intention du législateur et repose sur des arguments qui peinent à convaincre et qui n’apparaissent pas réellement justifiés.

● Ces considérations posées, il y a toutefois lieu de souligner que cette interprétation n’a pas eu de conséquences importantes. Bien qu’ayant pu exclure certaines entreprises du champ des contributions :

– elle n’a en aucun cas compromis la satisfaction de leur objectif principal, à savoir garantir la trajectoire budgétaire de la France ;

– elle a eu d’autant moins d’importance que les recettes encaissées en 2017 au titre de ces contributions sont supérieures d’environ 100 millions d’euros aux estimations initiales.

F.   focus sur une dépense fiscale stratégique mais coûteuse : le crédit d’impôt recherche

Le crédit d’impôt pour dépenses de recherche (CIR) constitue la principale dépense fiscale concernant les entreprises (après le CICE, mais ce dernier, d’une part, sera supprimé à compter de 2019 et, d’autre part, est souvent traité différemment des dépenses fiscales dans la mesure où il est analysé comme un dispositif de réduction du coût du travail) ([197]).

Compte tenu de l’importance budgétaire de cet outil, il est apparu opportun d’y porter un regard particulier, d’autant plus qu’il a fait l’objet d’une mesure ciblée dans la loi de finances pour 2018.

Précisons dès ici que les développements qui suivent n’ont nullement pour objet et ne sauraient avoir pour effet de remettre en cause le principe du CIR, utile pour le développement de la recherche française, pour la compétitivité des entreprises et pour l’attractivité de notre pays. Ils ont simplement vocation à illustrer le dynamisme parfois difficilement contrôlable d’une dépense conséquente et identifier des pistes en vue d’un éventuel recalibrage permettant à l’outil de se montrer plus efficient.

Ils s’inscrivent ainsi pleinement dans la volonté manifestée par la commission des finances de l’Assemblée nationale de renforcer l’évaluation des politiques publiques et, singulièrement, celle des dépenses fiscales.

À cet égard, rappelons que le Rapporteur général avait déjà fait état de la nécessité d’évaluer le CIR, à la suite des propositions faites par la rapporteure spéciale des crédits de la recherche, sur le thème des dépenses fiscales, lors de l’examen en séance de la proposition de résolution pour le renforcement des outils et des moyens de pilotage de la recherche publique : « L’évaluation des dépenses fiscales, notamment, apparaît indispensable car celles-ci s’élèvent à […] 5,7 milliards pour le seul crédit d’impôt recherche, le CIR. Ce sont des montants considérables, mais je sais la rapporteure spéciale très attachée à l’évaluation des dépenses fiscales, et nous attendons avec impatience l’évaluation qu’elle en fera. » ([198])

1.   Présentation générale du CIR

Le CIR, prévu à l’article 244 quater B du CGI, permet aux entreprises assujetties à l’IS ou à l’IR et imposées d’après leur bénéfice réel de bénéficier d’un avantage fiscal assis sur les dépenses en matière de recherche qu’elles engagent, dépenses définies exhaustivement aux a à j du II de l’article 244 quater B.

Le k du même II porte quant à lui sur le crédit d’impôt innovation (CII), réservé aux PME et qui leur permet de bénéficier d’un avantage fiscal au titre des dépenses nécessaires à la conception et/ou à la réalisation de prototypes ou d’installations pilotes d’un produit nouveau.

Le taux du CIR est de 30 % pour la fraction de dépenses qui n’excède pas 100 millions d’euros, et de 5 % pour la fraction de dépense au-delà de ce plafond. Le taux du CII est de 20 % des dépenses éligibles, plafonnées à 400 000 euros par an ([199]).

Le CIR s’impute sur l’IS ou l’IR dû au titre de l’année au cours de laquelle les dépenses de recherche sont exposées par l’entreprise. Le solde non imputé constitue une créance sur l’État qui peut être utilisée pour le paiement de l’impôt au cours des trois années suivantes, à l’issue desquelles le solde éventuel est restitué à l’entreprise. Les « Jeunes entreprises innovantes », les PME et certaines entreprises nouvelles bénéficient d’une restitution immédiate ([200]).

a.   Les dépenses éligibles au CIR et leur prise en compte

Pour être éligibles au CIR, les dépenses engagées par l’entreprise, en plus de porter sur les objets qui seront présentés plus loin, doivent satisfaire à deux conditions liminaires :

– correspondre à des opérations de recherche localisées au sein de l’Union européenne ou dans un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen et lié à la France par une convention d’assistance administrative en matière fiscale ([201]) ;

– être retenues pour la détermination du résultat imposable dans les conditions de droit commun ([202]).

i.   Les dépenses éligibles au CIR

Les dépenses éligibles au CIR sont :

– les dotations aux amortissements d’immobilisations affectées à la réalisation d’opérations de recherche (a du II) ;

– les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens affectés à de telles opérations (b du II) ainsi que les rémunérations versées au profit des salariés auteurs d’une invention résultant d’opérations de recherche (b bis du II) ;

– les autres dépenses de fonctionnement engagées au titre de ces opérations (c du II) ;

– les dépenses correspondant à des travaux de recherche confiés à certains organismes et experts (certains sont expressément mentionnés – sous-traitance publique –, les autres doivent avoir fait l’objet d’un agrément délivré par le ministre chargé de la recherche) (d et d bis du II) ;

– les frais de prise, de maintenance et de défense de brevets et de certificats d’obtention végétale (e et e bis du II), ainsi que les dotations aux amortissements de ces brevets et certificats (f du II) ;

– les dépenses de normalisation afférentes aux produits de l’entreprise (g du II) ;

– les dépenses liées à l’élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir (h du II) et celles de même nature confiées par ces entreprises à des stylistes ou bureau de style agréés (i du II) ;

– les dépenses de veille technologique (j du II).

ii.   Les dépenses éligibles au CII

Les dépenses éligibles au CII sont prévues au k du même II et doivent être engagées par des PME.

Sont concernées les dépenses liées à des opérations de conception de prototypes ou installations pilotes de nouveaux produits, c’est-à-dire de produits qui ne sont pas encore disponibles sur le marché et qui se distinguent des produits existants ou antérieurs par de meilleures performances techniques, ergonomiques, écologiques ou fonctionnelles.

iii.   Les majorations de certaines dépenses : rémunérations des jeunes docteurs et sous-traitance

L’article 244 quater B prévoit que certaines dépenses font l’objet d’une majoration pour leur prise en compte dans l’assiette du CIR.

● Ainsi, les dépenses de personnel se rapportant aux jeunes docteurs sont prises en compte pour le double de leur montant, en application de la seconde phrase du b et du 3° du c du II de l’article 244 quater B.

Sont des jeunes docteurs au sens de ces dispositions les titulaires d’un doctorat pendant les vingt-quatre premiers mois qui suivent leur premier recrutement, sous réserve que :

– ce recrutement soit fait sous la forme d’un contrat à durée indéterminée ;

– l’effectif affecté à la recherche dans l’entreprise n’ait pas diminué par rapport à l’année précédente.

● Par ailleurs, les dépenses se rapportant à des opérations de recherches confiées à des organismes extérieurs sont également majorées :

– les dépenses liées aux opérations confiées aux organismes mentionnés au d du II (sous-traitance publique) sont prises en compte pour le double de leurs montants, sous réserve que le donneur d’ordre et le sous-traitant ne soient pas liés ([203]) ;

– les dépenses liées aux opérations confiées aux organismes et experts agréés en application du d bis du II sont prises en compte dans la limite de trois fois le montant total des autres dépenses éligibles au CIR.

Dans ces deux cas, les dépenses sont néanmoins plafonnées à 10 millions d’euros (plafond ramené à 2 millions d’euros en cas de lien de dépendance).

iv.   Lexclusion de certaines sommes de lassiette du CIR

Pour éviter un cumul d’avantages, le III de l’article 244 quater B prévoit trois séries de limitations :

– les subventions publiques perçues au titre d’opérations éligibles au CIR sont déduites de l’assiette de leur bénéficiaire ;

– les sous-traitants à qui des opérations de recherche ont été confiées au titre des d et d bis du II doivent déduire de l’assiette de leur propre CIR les sommes qu’ils ont reçues en rémunération leur prestation ;

– lorsqu’une entreprise a engagé des dépenses pour avoir des conseils sur l’octroi du CIR, ces dépenses sont également déduites selon des modalités particulières.

b.   L’enrichissement de l’obligation déclarative des plus grandes entreprises par la loi de finances pour 2018

En application du III bis de l’article 244 quater B du CGI, les entreprises qui engagent plus de 100 millions d’euros de dépenses éligibles au CIR sont soumises à des obligations déclaratives renforcées portant sur la nature et l’état d’avancement des travaux de recherche en cours, les moyens qui y sont affectés et la localisation de ces derniers.

Le contenu de cette obligation déclarative a été enrichi par l’article 95 de la loi de finances pour 2018 à l’initiative d’Amélie de Montchalin, rapporteure spéciale des crédits de la recherche, et doit désormais également inclure un volet portant spécifiquement sur les titulaires d’un doctorat :

– part de ces docteurs financés par les dépenses éligibles au CIR ou recrutés sur leur base ;

– nombre d’équivalents temps plein correspondant ;

– rémunération moyenne.

Par ailleurs, a été introduite la production annuelle d’un rapport établi par le ministre chargé de la recherche portant sur l’utilisation du CIR par les entreprises qui en bénéficient.

Ce rapport sera d’autant plus opportun qu’il permettra peut-être d’identifier des pistes d’améliorations du dispositif du CIR, outil régulièrement critiqué en raison de son coût et des éventuels effets d’aubaine qu’il induirait. S’il est limité actuellement aux seules entreprises engageant plus de 100 millions d’euros de dépenses de R&D, le champ de ce rapport pourrait certainement et utilement être étendu à l’ensemble des entreprises bénéficiant du CIR, et non uniquement aux plus grandes.

2.   Le coût du CIR : une dépense fiscale très dynamique

● Créé en 1983, le mécanisme du CIR était substantiellement distinct du dispositif actuel jusqu’en décembre 2007 et la réforme d’ampleur apportée par la loi de finances pour 2008 ([204]).

Avant cette dernière, le montant du CIR, composé de deux parts, tenait compte de l’évolution de l’effort consenti par l’entreprise en matière de R&D :

– une part dite « en volume » correspondait à 10 % des dépenses éligibles exposées au cours de l’année ;

– une part dite « en accroissement » correspondait à 40 % de la différence entre les dépenses éligibles exposées au cours de l’année et la moyenne des dépenses de même nature exposées au cours des deux précédentes années.

● La réforme du dispositif par la loi de finances pour 2008, qui a substitué aux précédentes parts un taux plus élevé et applicable à toutes les dépenses de recherche éligibles sans considération incrémentale, reposait sur des chiffrages manifestement sous-estimés : les estimations alors faites prévoyaient un coût en rythme de croisière de 2,823 milliards d’euros par an. Dès 2010, ce coût s’était établi à 5,05 milliards d’euros ([205]).

En 2017, le CIR a représenté une dépense fiscale de près de 6,3 milliards d’euros, niveau sans précédent et surtout qui révèle une forte dynamique entre les prévisions initiales, les prévisions révisées et le montant finalement constaté au titre de cette année, ainsi que l’illustre le tableau suivant.

coût budgétaire du cir (2015-2017)

(en milliards d’euros)

Coût

2015

2016

2017

Prévision initiale

Prévision révisée

Exécution

Prévision initiale

Prévision révisée

Exécution

Prévision initiale

Prévision révisée

Exécution

Coût budgétaire

5,34

5,27

5,09

5,51

5,42

5,56

5,51

5,71

6,27

Écart prévision initiale/exécution

– 0,25

+ 0,05

+ 0,76

Source : commission des finances de l’Assemblée nationale, Rapport sur le projet de loi de règlement du budget et dapprobation des comptes de lannée 2017, Assemblée nationale, XVe législature, n° 1055, 13 juin 2018 – Annexe n° 37, Remboursements et dégrèvements ; documents budgétaires annexés aux projets de loi de finances pour 2015, 2016, 2017 et 2018.

Entre les estimations faites lors du projet de loi de finances pour 2017 et l’exécution de cet exercice, le coût du CIR s’est accru de 760 millions d’euros, soit près de 14 % du montant initialement proposé. L’écart entre l’exécution et la prévision révisée lors du projet de loi de finances pour 2018 est également conséquent, s’élevant à 560 millions d’euros.

À l’aune de ces éléments, il est probable que les prévisions pour 2018, qui portent sur un montant de 5,802 milliards d’euros, soient dépassées.

● Le tableau suivant compare le nombre de bénéficiaires au coût du CIR pour les années 2014 à 2016.

comparaison du coût du CIR au nombre de bénéficiaires (2014-2016)

Année

Coût
(en milliards d’euros)

Bénéficiaires

Coût moyen par bénéficiaire
(en milliers d’euros)

2014

5,11

20 465

249,7

2015

5,09

23 194

219,4

2016

5,56

22 194

250,5

Source : commission des finances de l’Assemblée nationale, Rapport sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2017, Assemblée nationale, XVe législature, n° 1055, 13 juin 2018 – Annexe n° 37, Remboursements et dégrèvements ; documents budgétaires annexés aux projets de loi de finances pour 2016, 2017 et 2018.

La dynamique du coût du CIR avait été soulignée dès 2013 par la Cour des comptes dans son rapport fait au titre du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) à la commission des finances de l’Assemblée nationale ([206]).

Le Rapporteur général ne peut que se joindre aux vœux formulés par Christine Pires Beaune, rapporteure spéciale de la mission Remboursements et dégrèvements, qui appelait à une meilleure prévision du coût du CIR ([207]).

3.   Renforcer l’efficience du CIR : les axes d’amélioration envisageables

Au-delà de la seule prévision du coût, il paraît opportun de procéder à une évaluation d’ensemble du CIR, afin de voir quelles pourraient être les pistes susceptibles d’en renforcer la pertinence et l’efficience.

a.   L’impact du CIR sur l’attractivité et la compétitivité française

Dans son rapport de juillet 2013 précité, la Cour des comptes soulignait que le CIR, bien qu’utile, pouvait se révéler, à certains égards, peu efficient.

L’impact du CIR sur le coût des chercheurs paraît difficilement contestable : s’appuyant sur les travaux de l’Association nationale recherche et technologie (ANRT), la Cour indiquait que le CIR rendait le coût unitaire d’un chercheur en France très compétitif et qu’il jouait à cet égard un rôle dans les décisions de localisation des activités de recherche et développement (R&D) par les entreprises françaises, garantissant leur maintien sur le territoire national ([208]).

En matière d’attractivité française de la R&D, en revanche, l’efficacité du CIR est moins tangible. Comme le rappelle la Cour, les facteurs déterminants pour la localisation par des entreprises étrangères d’activités de R&D dans un pays sont la proximité du marché et la qualité des chercheurs et autres personnels. Le coût de la recherche n’intervient que dans un second temps ([209]).

a.   Le classement mitigé du CIR par la Commission européenne

Dans une vaste étude dont les conclusions ont été publiées en novembre 2014, la Commission européenne avait analysé en détail l’efficacité de plus de 80 outils fiscaux d’incitation à la R&D issus de 31 pays ([210]).

Trois catégories de critères d’analyse ont été retenues :

– étendue de l’instrument : comment fonctionne l’outil et sur quelles dépenses porte-il ?

– cible de l’instrument : certains types d’entreprises sont-ils spécifiquement concernés ?

– pratique organisationnelle : pratiques administratives et évaluation.

Sur les 83 instruments fiscaux ainsi étudiés, il faut se réjouir du fait que celui classé en tête soit un outil français, le dispositif des « Jeunes entreprises innovantes » ([211]).

Le CIR, lui, arrive à la vingt-cinquième place, malgré un classement plutôt bon sur certains critères. Son coût, évalué à 5,8 milliards par l’étude, en fait le plus onéreux de tous les instruments étudiés.

b.   Les pistes susceptibles de renforcer l’efficience du CIR : mieux cibler les dépenses éligibles et limiter les majorations d’assiette ?

Dans son rapport de juillet 2013, la Cour des comptes formulait plusieurs recommandations pour recentrer le CIR et accroître son efficacité tout en en réduisant les coûts.

● La Cour jugeait que le doublement de l’assiette en cas de sous-traitance, notamment de sous-traitance publique, outre sa relative complexité, ne se justifiait plus nécessairement dans la mesure où il avait été conçu « dans le cadre d’un crédit d’impôt recherche dont le taux était nettement plus faible qu’aujourd’hui » ([212]).

Par ailleurs, ce doublement est de nature à ne pas inciter les entreprises donneuses d’ordre à négocier le plus justement possible le prix des prestations qu’elles commandent : le doublement des dépenses conduit en effet à un niveau de soutien public de 60 %, propice à des dérives haussières du prix des prestations.

● Toujours en matière de majoration d’assiette, la Cour considérait que le dispositif applicable aux jeunes docteurs était excessif dans la mesure où il combine deux modalités de majoration d’assiette :

– la prise en compte des dépenses de personnel pour les jeunes chercheurs pour le double de leur montant (b du II de l’article 244 quater B du CGi) ;

– la fixation à 200 % du montant des dépenses de fonctionnement afférentes à un jeune docteur (c du même II).

Le tableau suivant illustre les effets de la majoration d’assiette pour un jeune docteur, pour des dépenses associées de 60 000 euros par an.

montant du cir assis sur la rémunération d’un jeune docteur

(en euros)

Rémunération du jeune docteur

Dépense éligible au CIR
(200 %)

Dépenses de fonctionnement
(200 %)

Total

Montant du CIR
(30 %)

Rapport CIR / 
Rémunération

60 000

120 000

120 000

240 000

72 000

120 %

Source : commission des finances. D’autres exemples utilisant des montants différents figurent dans le rapport de la Cour des comptes précité (page 148) et dans le Bulletin officiel des finances publiques (BOI-BIC-RICI-10-10-20-25, § 40).

La combinaison des deux dispositifs conduit à ce que le CIR représente 120 % de la rémunération versée, c’est-à-dire que l’avantage fiscal excède la dépense réellement engagée.

La Cour des comptes préconisait de supprimer la spécificité des jeunes chercheurs s’agissant des dépenses de fonctionnement, pour aligner leur prise en compte sur le reste des dépenses de personnel, soit 50 % de ces dernières. Le niveau de soutien résultant de cette recommandation s’établirait à 75 % de la dépense, ce qui reste très incitatif, ainsi que l’illustre l’exemple suivant, reprenant les données utilisées dans le précédent.

montant du cir assis sur la rémunération d’un jeune docteur
(hypothèse dune réforme de la prise en compte des dépenses de fonctionnement)

(en euros)

Rémunération du jeune docteur

Dépense éligible au CIR
(200 %)

Dépenses de fonctionnement
(50 %)

Total

Montant du CIR
(30 %)

Rapport CIR / 
Rémunération

60 000

120 000

30 000

150 000

45 000

75 %

Source : commission des finances. D’autres exemples utilisant des montants différents figurent dans le rapport de la Cour des comptes précité (page 148) et dans le Bulletin officiel des finances publiques (BOI-BIC-RICI-10-10-20-25, § 40)

● Enfin, la Cour suggérait de mieux cibler les dépenses éligibles au CIR :

– elle s’interrogeait sur une éventuelle suppression des dépenses déclarées au titre de la veille technologique, de la normalisation et de la défense des brevets, jugeant que ces activités ne sont pas incluses dans le Manuel de Frascati de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) au titre des activités de R&D ([213]) ;

– elle considérait que le « crédit d’impôt collection », correspondant aux h et i du II de l’article 244 quater B, relevait plus de l’incitation industrielle que de la R&D et n’avait dès lors pas nécessairement sa place dans le CIR.

● Ces différentes pistes méritent que l’on s’y attarde. La réflexion ainsi proposée doit néanmoins inévitablement intégrer les conséquences qu’une éventuelle adoption des recommandations de la Cour des comptes aurait en termes :

– d’activités de recherche pour les sous-traitants ;

– d’emploi des jeunes docteurs ;

– de maintien d’activités économiques liées aux collections du secteur textile-habillement-cuir.

Le Rapporteur général appelle donc de ses vœux une évaluation complète du CIR.

 


X.   La contribution Économique territoriale (CET)

La contribution économique territoriale (CET) a été instituée par la loi de finances pour 2010 ([214]) en remplacement de la taxe professionnelle (TP) sur les équipements et biens mobiliers. Elle est composée de la cotisation foncière des entreprises (CFE), assise sur la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière, et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), assise sur une fraction de la valeur ajoutée produite par les entreprises dont le chiffre d’affaires excède le seuil de 152 500 euros.

La loi de finances pour 2018 et la seconde loi de finances rectificative pour 2017 ([215]) comprennent plusieurs mesures touchant à l’assiette, aux taux ou encore aux modalités de répartition entre collectivités territoriales du produit de ces impositions. Certaines des mesures sont entrées en vigueur dès le 1er janvier 2018, tandis que d’autres ne rentreront en vigueur qu’à compter du 1er janvier 2019. Elles ne nécessitent pas, pour la majorité d’entre elles, de mesures réglementaires spécifiques.

Le Rapporteur général porte toutefois une attention particulière, dans le cadre du présent rapport, aux modifications intervenues concernant les règles de répartition territoriale du produit de la CVAE. À ce titre, la commission des finances de l’Assemblée nationale a mis en place un groupe de travail spécifique en vue, le cas échéant, d’une modification des modalités de répartition à compter du 1er janvier 2019.

A.   La cotisation sur la valeur ajoutÉe (CVAE)

Les règles relatives à la CVAE sont codifiées aux articles 1586 ter et suivants du CGI. Elles s’appliquent aux entreprises qui exercent en France une activité située dans le champ d’application de la CFE et dont le chiffre d’affaires excède le seuil de 152 500 euros. L’assiette de la CVAE est constituée de la valeur ajoutée produite par l’entreprise redevable, entendue comme la différence entre le chiffre d’affaires majoré de certains produits (subventions d’exploitation, variations positives de stocks, etc.) et les charges de l’entreprise (achats, variations négatives de stocks, etc.). La valeur ajoutée prise en compte fait l’objet d’un plafond en fonction du chiffre d’affaires de l’entreprise : seulement 80 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires n’excède pas 7,6 millions d’euros, et 85 % au-delà de ce plafond.

La cotisation de CVAE se calcule en appliquant à la valeur ajoutée le taux théorique de 1,5 % : ce dernier est utilisé pour déterminer le produit de CVAE réparti entre collectivités territoriales par l’État. En pratique, le taux effectif est fonction du chiffre d’affaires de l’entreprise et fait l’objet d’un barème progressif. Seules les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 500 000 euros doivent s’acquitter de cette cotisation, le taux prévu à l’article 1586 quater du même code étant nul en dessous de ce seuil. Le taux effectif rejoint la valeur du taux théorique lorsque le chiffre d’affaires de l’entreprise dépasse 50 millions d’euros. Entre ces deux montants, le taux varie de manière progressive en fonction du chiffre d’affaires.

Barème du taux effectif de CVAE

Si le montant du chiffre daffaires (CA) est :

Le taux effectif dimposition est égal à :

CA < 500 000 euros

0 %

500 000 euros ≤ CA ≤ 3 000 000 euros

0,5 % x [(CA – 500 000) / 2 500 000]

3 000 000 euros < CA ≤ 10 000 000 euros

0,5 % + [0,9 % x (CA – 3 000 000) / 7 000 000]

10 000 000 euros < CA ≤ 50 000 000 euros

1,4 % + [0,1 % x (CA – 10 000 000) / 40 000 000]

CA > 50 000 000 euros

1,5 %

Source : article L. 1586 quater du CGI et BOFiP.

Taux effectif et théorique de CVAE en fonction du chiffre d’affaires

Source : article L. 1586 quater du CGI et BOFiP.

Les recettes de CVAE versées par les redevables sont inférieures au produit correspondant à l’application du taux théorique du fait de la progressivité du taux en fonction du chiffre d’affaires. Cette différence entre le produit de CVAE au taux théorique, réparti entre les collectivités, et les sommes versées par les redevables, est prise en charge par l’État sous la forme d’un dégrèvement intitulé « dégrèvement barémique ».

MOntant du dÉgrÈvement barÉmique de la CVAE de 2012 À 2018

(en millions d’euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

3 438

3 751

3 826

3 904

4 033

4 192

4 352

Source : direction de la législation fiscale (DLF).

Le montant du dégrèvement barémique est évalué à 4,19 milliards d’euros en 2017 et à 4,35 milliards d’euros en 2018. Il augmente sensiblement en 2018 du fait des mesures adoptées dans le cadre de la loi de finances pour 2018 (+ 3,8 %).

1.   La modification des règles de calcul du taux effectif d’imposition pour les sociétés membres d’un groupe

L’article 15 de la loi de finances pour 2018 a modifié les modalités de détermination du taux effectif de la CVAE, afin de tirer les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel du 19 mai 2017. Ce dernier a en effet jugé que les modalités de calcul du taux effectif de la CVAE pour les sociétés membres d’un groupe fiscalement intégré étaient contraires à la Constitution ([216]).

L’article 1586 quater du CGI disposait que le chiffre d’affaires retenu pour calculer le taux effectif de la CVAE due par les sociétés ayant opté pour l’intégration fiscale à l’impôt sur les sociétés (IS) correspondait à la somme des chiffres d’affaires réalisés par l’ensemble des sociétés membres du groupe. L’objectif de cette disposition était de lutter contre des comportements d’optimisation fiscale : une société mère pouvait être tentée de structurer artificiellement les sociétés filles du groupe en petites entités réalisant chacune un chiffre d’affaires inférieur aux plafonds du barème. Par ce biais, l’entreprise pouvait optimiser la CVAE en bénéficiant de taux effectifs plus faibles. La consolidation du chiffre d’affaires au niveau du groupe permettait de rendre inopérant de telles pratiques.

Le Conseil constitutionnel a toutefois estimé que ce dispositif de lutte contre les pratiques d’optimisation fiscale, bien que poursuivant un objectif d’intérêt général, était contraire au principe d’égalité devant la loi. Le critère retenu de l’intégration fiscale conduisait à introduire une différence de traitement entre, d’une part, les sociétés membres d’un groupe fiscalement intégré au sens de l’IS, d’autre part, celles qui, tout en satisfaisant aux conditions de détention capitalistique prévues pour l’intégration fiscale, n’avaient pas fait le choix de l’intégration fiscale au sens de l’IS. Le Conseil constitutionnel a estimé que tout groupe de sociétés, qu’il ait opté pour l’intégration fiscale ou non, est susceptible de réaliser des opérations de restructuration visant à optimiser son imposition.

La censure de la consolidation du chiffre d’affaires des sociétés membres d’un groupe fiscalement intégré était de nature à diminuer les acomptes de CVAE acquittés par les entreprises de l’ordre de 300 millions d’euros. Par conséquent, l’article 15 de la loi de finances pour 2018 rend applicable, à compter de la CVAE due au titre de 2018, la consolidation du chiffre d’affaires, non plus aux seules sociétés fiscalement intégrées, mais à l’ensemble des sociétés qui répondent aux conditions de détention pour l’être, c’est-à-dire une détention d’au moins 95 % du capital.

L’évaluation préalable estimait à 40 millions d’euros par an, en régime de croisière, le supplément de cotisation à la charge des entreprises. La simulation opérée par les services du ministère, réalisée à partir de la répartition de CVAE 2016, estimait à environ 7 600 le nombre d’entreprises nouvellement soumises à la consolidation de leur chiffre d’affaires car remplissant les conditions de détention d’un groupe fiscalement intégré sans être membres d’un tel groupe. Pour la répartition de CVAE 2018, les seules données actualisées fournies au Rapporteur général concernent les entreprises soumises à la consolidation avant la censure constitutionnelle : 62 194 entreprises intégrées fiscalement contribuent à la cotisation au travers de 16 978 groupes fiscaux.

Inversement, dans la mesure où cette disposition a uniquement une incidence sur le taux effectif de CVAE et non sur le taux théorique de 1,5 %, elle n’a pas de conséquence sur les ressources des collectivités territoriales étant entendu qu’elle conduit à une diminution à due concurrence du coût du dégrèvement barémique supporté par l’État (transfert de charges de l’État vers les entreprises).

2.   La modification des règles de répartition territoriale de la cotisation sur la valeur ajoutée

Le produit national de la CVAE fait l’objet d’une répartition territoriale entre les collectivités territoriales attributaires. Il fait d’abord l’objet d’une répartition par échelons territoriaux, à hauteur de 26,5 % pour le bloc communal, 23,5 % pour les départements et 50 % pour les régions. Au sein du bloc communal, le produit est affecté à l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) si celui-ci est à fiscalité professionnelle unique (FPU). Il est réparti entre les communes et l’EPCI si celui-ci est à fiscalité additionnelle (FA), selon une clé de répartition intercommunale fonction des taux de CFE retenus pour les impositions établies au titre de 2010 (1609 quinquies BA du CGI) ou selon une clé de répartition alternative en cas de délibérations concordantes prises à la majorité qualifiée.

rÉpartition territoriale du produit de la CVAE par catÉgories de collectivitÉs de 2012 À 2018

(en millions d’euros)

Type de CVAE

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

CVAE régions

3 804

4 089

3 987

4 164

4 221

8 802

8 836

CVAE départements

7 380

7 932

7 735

7 832

7 942

4 010

4 081

CVAE bloc communal

4 034

4 335

4 227

4 662

4 726

794

4 834

 dont EPCI

2 970

3 254

3 327

3 693

4 482,1

4 654

4 708

 dont communes

1 064

1 081

900

970

244

140

126

Produit national (1)

15 218

16 355

15 948

16 658

16 889

17 606

17 750

(1) y compris exonérations compensées.

Source : direction de la législation fiscale (DLF).

RÉpartition TERRITORIALE DU PRODUIT DE LA CVAE
PAR CATÉGORIES DE COLLECTIVITÉS en 2018

Source : direction de la législation fiscale (DLF).

Le produit national de la CVAE fait ensuite l’objet d’une répartition fonction de la situation de l’entreprise. Pour les besoins de cette répartition, l’article 1586 octies du CGI dispose que la valeur ajoutée, qui constitue l’assiette de la CVAE, est territorialisée : elle est imposée dans la commune où le contribuable qui la produit dispose de locaux ou emploie des salariés exerçant leur activité plus de trois mois. Ainsi, lorsque le redevable est une entreprise mono-établissement, l’ensemble de la valeur ajoutée revient au territoire d’implantation de l’entreprise. Dans le cas où le redevable est une entreprise multi-établissements, la valeur ajoutée est imposée dans chacune des communes d’implantation sur la base d’une clé de répartition spécifique : pour un tiers en fonction de la valeur locative foncière des immobilisations ; pour deux tiers en fonction de l’effectif employé. En effet, il est dans ce cas impossible de déterminer la valeur ajoutée produite par chaque établissement, dans la mesure où la valeur ajoutée ne s’apprécie pas au niveau local dans la comptabilité d’une entreprise.

RÉpartition du produit de la CVAE par catÉgories d’entreprises de 2012 À 2018

(en millions d’euros)

Catégories dentreprises

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Montant de CVAE

15 184

16 355

15 947

16 656

16 889

17 606

17 750

dont entreprises multi-établissements intégrées à un groupe

4 857

6 295

6 284

6 870

6 949

7 403

7 565

dont entreprises multi-établissements non intégrées à un groupe

5 309

4 401

4 039

3 962

3 889

3 845

3 870

dont entreprises mono-établissement intégrées à un groupe

732

1 047

1 021

1 149

1 156

1 277

1 246

dont entreprises mono-établissement non intégrées à un groupe

4 285

4 613

4 603

4 675

4 895

5 081

5 070

Note :  le montant de CVAE figurant dans le présent tableau diffère légèrement du produit national figurant dans le tableau précédent ; la DLF justifie cette différence par le fait que le produit national tient compte de légers ajustements opérés localement pour corriger des anomalies dans le traitement national, le montant de la CVAE étant quant à lui issu dudit traitement national en amont de ces ajustements. Les montants sont toutefois identiques pour ce qui concerne les trois dernières années connues.

Source : direction de la législation fiscale (DLF).

RÉpartition DU PRODUIT DE LA CVAE PAR catÉgories D’ENTREPRISES en 2018

Source : direction de la législation fiscale (DLF).

Les entreprises multi-établissements représentent près de 65 % du produit de la CVAE : une modification de leurs règles de répartition peut de ce fait avoir des conséquences significatives sur la répartition territoriale du produit. Elles ne représentent pourtant que 16 % du nombre total de redevables de la CVAE. De même, si l’appartenance d’une entreprise à un groupe fiscalement intégré n’a pas d’impact à ce jour sur la répartition territoriale du produit de la CVAE, les entreprises intégrées à un groupe représentent près de 50 % du produit de la CVAE mais ne concernent qu’un petit nombre d’entreprises : près de 6 % du nombre total de redevables. La grande majorité des redevables – 80 % des redevables –, à savoir les entreprises mono-établissement non intégrées à un groupe, représente 28 % du produit de la CVAE.

RÉpartition des redevables de la CVAE par catÉgories d’entreprises
de 2012 À 2018

(en milliers d’entreprises)

Catégories dentreprises

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Nombre de redevables

790

912

939

957

1 003

1 067

1 091

dont entreprises multi-établissements intégrées à un groupe

13

19

21

22

22

22

25

dont entreprises multi-établissements non intégrées à un groupe

122

131

133

133

134

135

154

dont entreprises mono-établissement intégrées à un groupe

14

27

31

34

34

34

38

dont entreprises mono-établissement non intégrées à un groupe

640

735

754

769

814

875

876

Source : direction de la législation fiscale (DLF).

RÉPARTITION DES REDEVABLES DE LA CVAE PAR catÉgories D’ENTREPRISES en 2018

Source : direction de la législation fiscale (DLF).

a.   La suppression de la règle de la territorialisation de la CVAE issue des entreprises membres d’un groupe fiscal intégré à l’impôt sur les sociétés

La loi de finances rectificative pour 2016 ([217]) avait prévu que, à compter de 2018, la CVAE due par les entreprises membres d’un groupe fiscalement intégré serait consolidée au niveau du groupe puis répartie entre les collectivités territoriales selon la même clé de répartition applicable aux entreprises multi-établissements. Ces modalités particulières de répartition résultaient d’un amendement adopté à l’Assemblée nationale à l’initiative du Rapporteur général et de notre collègue Christine Pires Beaune, avec l’avis favorable de la commission des finances et défavorable du Gouvernement. Le Sénat avait reporté l’entrée en vigueur de la réforme pour la répartition 2018.

La CVAE des groupes devait être répartie en fonction des valeurs locatives et des effectifs, afin de neutraliser les transferts intra-groupes, tout en bénéficiant aux territoires accueillant les unités de production. En effet, la clé de répartition actuelle prend en compte le cas d’une entreprise multi-établissements, mais pas celui de plusieurs entreprises appartenant à un même groupe. Ainsi, deux entreprises mono-établissement appartenant à un même groupe sont imposées sur leur valeur ajoutée respective, dans leur commune d’implantation.

Or, des transferts importants de valeur ajoutée peuvent avoir lieu entre les filiales d’un même groupe : la CVAE acquittée par une entreprise membre d’un groupe ne reflète pas nécessairement son activité économique réelle sur le territoire. Tel est notamment le cas de la société mère qui peut centraliser certaines fonctions et les facturer à ses différentes filiales. Ce constat est alimenté par le fait que la région Île-de-France, qui accueille une grande partie des sièges sociaux en France, concentrerait une part prépondérante du produit de la CVAE, supérieure même à sa contribution à la valeur ajoutée nationale.

Les premières évaluations réalisées par le Gouvernement au printemps 2017 estiment que l’application aux entreprises mono-établissement de la répartition groupe, jusque-là limitée aux entreprises multi-établissements, entraînerait la redistribution d’environ 300 millions d’euros de CVAE. Au total, quatre régions seraient perdantes (Île-de-France, Martinique, Guadeloupe et Corse) et 13 régions seraient gagnantes. La région Île-de-France subirait la perte la plus importante, à hauteur de 175 millions d’euros, soit – 6,4 % de ses recettes de CVAE. La région Centre-Val-de-Loire verrait à l’inverse ses ressources augmenter de + 7,9 % et la région Normandie de + 5,3 %.

Pour éviter un tel scénario, l’article 15 de la loi de finances pour 2018 abroge l’article 51 de la loi de finances rectificative pour 2016 et maintient les règles de répartition de la valeur ajoutée des entreprises membres d’un groupe fiscalement intégré. Le Gouvernement a estimé que ces nouvelles modalités de répartition auraient conduit à une variation de la CVAE perçue par les collectivités territoriales déconnectée de l’activité économique de leur territoire. Il a également relevé plusieurs difficultés majeures parmi lesquelles :

– une perte de lisibilité et de prévisibilité dans la mesure où la variation du produit perçu de CVAE par chaque collectivité aurait dépendu des décisions prises par la société mère au sujet du périmètre du groupe ; or, près de 20 % des groupes fiscalement intégrés changent de périmètre chaque année ;

– un accroissement des obligations déclaratives pour près de 38 000 entreprises mono-établissement intégrées à un groupe : dispensées à ce jour de déclarer leurs effectifs, elles auraient dû le faire, afin de déterminer la part de CVAE répartie au sein du groupe auquel elles appartiennent.

Face à ces difficultés, la commission des finances avait initialement proposé, en lieu et place de l’abrogation des nouvelles modalités de répartition aux collectivités territoriales du produit de la CVAE, un report de l’entrée en vigueur d’une année. Ce délai devait permettre à l’ensemble des acteurs concernés – État et collectivités territoriales – d’approfondir les simulations concernant l’impact budgétaire de la réforme. Il a finalement été décidé, avec l’avis favorable du Gouvernement, de maintenir la suppression de l’article 51 précité et de prévoir la remise d’un rapport ayant pour objet l’analyse de la variation tant du produit de la CVAE que de sa répartition entre régions et départements, en vue d’une modification de ses modalités de répartition à compter du 1er janvier 2019. Le rapport doit être remis au Parlement avant le 30 septembre prochain.

Le Rapporteur général précise qu’il ne dispose pas à ce jour dudit rapport. Toutefois, dans l’attente, la commission des finances a décidé la création d’un groupe de travail sur la répartition territoriale de la CVAE.

b.   La modification du coefficient de pondération des valeurs locatives des établissements industriels dans la répartition de la CVAE

Pour les établissements où les valeurs locatives des immobilisations industrielles évaluées dans les conditions prévues aux articles 1499 et 1501 du CGI représentent plus de 20 % de la valeur locative des immobilisations imposables à la CFE, l’article 1586 octies du CGI dispose que l’effectif employé et les valeurs locatives sont pondérés d’un coefficient de 5. Ce dispositif vise à maintenir une incitation pour les collectivités territoriales à soutenir l’activité industrielle en augmentant artificiellement la valeur locative et les effectifs utilisés pour la répartition de la CVAE.

La révision des valeurs locatives des locaux professionnels (RVLLP), entrée en vigueur en 2017, a pour effet d’aligner les valeurs locatives des locaux professionnels sur celles du marché locatif actuel. Les VLLP sont assises sur des valeurs calculées à partir des loyers réellement constatés, et sont ensuite mises à jour par l’administration fiscale à partir des nouvelles déclarations déposées par les redevables des impôts locaux. Toutefois, la révision ne concerne pas les locaux industriels dont les valeurs locatives demeurent inchangées. En effet, les valeurs locatives des immobilisations industrielles sont évaluées selon deux méthodes d’évaluation distinctes : soit en fonction de la méthode d’évaluation comptable fondée sur le prix de revient actualisé des terrains et des constructions (75 % des locaux industriels), soit en fonction de la méthode dite du barème ou de la comparaison (20 % des locaux industriels). Ces modalités particulières d’évaluation ont été introduites à l’origine car elles étaient plus favorables aux établissements industriels que la méthode faisant référence au marché locatif.

De ce fait, les valeurs locatives des locaux professionnels ont augmenté par rapport à celles des locaux industriels. Si ces valeurs locatives n’entrent pas dans la détermination de l’assiette de la CVAE, elles sont néanmoins prises en compte dans la répartition territoriale, lorsque l’entreprise dispose de plusieurs établissements situés dans des communes différentes. Afin de maintenir constant le poids des établissements industriels dans la répartition territoriale de la CVAE, l’article 15 de la loi de finances pour 2018 augmente sensiblement le coefficient de pondération des valeurs locatives des établissements industriels de 5 à 21. La pondération de 5 des effectifs reste inchangée.

RÉpartition par dÉpartement de la Valeur locative pondÉrÉe totale
des Établissements industriels en 2018

(en millions d’euros)

Note :  les données correspondent à la répartition de la CVAE en 2018. Les valeurs locatives sont pondérées au sens de l’article 1586 octies du CGI (coefficient de 21).

Source : données direction générale des finances publiques (DGFiP) ; logiciel Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) 2018 – IGN GéoFla ; traitement des données commission des finances.

Le Rapporteur général souligne que la revalorisation du coefficient ne nécessite pas la mise en œuvre de mesures réglementaires particulières. Il attire toutefois l’attention du Gouvernement sur le fait que la répartition entre collectivités du produit de la CVAE est affectée par cette revalorisation : dans la mesure où la RVLLP n’est pas uniforme sur le territoire national et que le coefficient de 21 s’applique uniformément, il n’est pas impossible que la mesure conduise à accentuer des disparités entre territoires dans la répartition du produit de la CVAE. Il souligne l’importance d’évaluer cet impact induit par la hausse du coefficient des valeurs locatives industrielles.

c.   La modification des règles de répartition des dispositifs de péréquation horizontale de la CVAE

Il existe deux dispositifs de péréquation horizontale des ressources de la CVAE, l’un pour les départements, l’autre pour les régions. Les crédits du fonds national de péréquation de la CVAE pour les départements s’élèvent à 89 millions d’euros en 2017 et ceux du fonds national de péréquation des ressources des régions et de la collectivité territoriale de Corse à 92 millions d’euros.

Le fonds de péréquation de la CVAE des départements est alimenté par trois prélèvements : un premier prélèvement « sur stock » fonction du montant perçu de CVAE l’année précédente ; un second prélèvement « sur flux » prenant en compte la progression des recettes de CVAE ; et un troisième prélèvement « minimal » pour les départements dont le produit perçu de CVAE l’année précédente est trois fois supérieur à la moyenne nationale. Le reversement est effectué au profit de la moitié des départements de métropole classés selon un indice synthétique comprenant le revenu par habitant, le potentiel financier par habitant, le nombre de bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) ainsi que la part de la population âgée de plus de soixante-quinze ans. La totalité des départements d’outre-mer est également bénéficiaire.

Le fonds de péréquation des ressources des régions est alimenté par la CVAE mais également par l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et le fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR). Le fonds vise à faire converger les taux de croissance des ressources des régions vers la moyenne : les régions dont le taux de croissance est inférieur à la moyenne sont bénéficiaires du fonds et inversement.

L’article 163 de la loi de finances pour 2018 a modifié les modalités de calcul des différents fonds de CVAE, afin de tenir compte des nouvelles règles de répartition du produit de la CVAE entre collectivités. En effet, à compter de 2017, les départements reçoivent 23,5 % de CVAE, tandis que les régions reçoivent 50 % de CVAE ; or, ces proportions étaient jusqu’en 2016 inversées puisque les départements recevaient 48,5 % de CVAE et les régions 25 % de CVAE.

L’article modifie les modalités de prélèvements et de reversement du fonds de péréquation de la CVAE des départements pour tenir compte du fait que les départements ne perçoivent plus que la moitié de la CVAE auparavant perçue : diminution du prélèvement « sur stock » pour les départements de 60 millions à 30 millions d’euros ; modification des modalités de calcul du prélèvement « sur stock » pour disposer de valeurs comparables et neutraliser les effets du transfert ; relèvement du plafond du prélèvement « sur flux » de 1 % à 2 % et du prélèvement minimal des départements trois fois mieux dotés de 3 % à 4 %. Concernant le fonds de péréquation des ressources des régions, l’article divise par deux le montant de CVAE pris en compte l’année précédente pour chaque région à compter de la répartition 2018, afin de neutraliser l’effet du transfert.

Principaux bÉnÉficiaires et contributeurs au fonds de pÉrÉquation
de la CVAE des dÉpartements en 2017 et en 2018

(en % du fonds de CVAE des départements)

Principaux bénéficiaires du fonds CVAE

Principaux contributeurs au fonds CVAE

2017

2018

2017

2018

Nord (10 %)

Nord (9,2 %)

Paris (31 %)

Paris (29,7 %)

Seine-St-Denis (6,2 %)

Seine-St-Denis (5,9 %)

Hauts-de-Seine (22 %)

Hauts-de-Seine (21,2 %)

Pas-de-Calais (6,1 %)

Pas-de-Calais (5,6 %)

Haute-Garonne (7,2 %)

Métr. de Lyon (8,4 %)

Hérault (4,6 %)

Hérault (4,2 %)

Métr. de Lyon (6 %)

Yvelines (6,9 %)

Maine-et-Loire (3,1 %)

Maine-et-Loire (2,9 %)

Yvelines (4,8 %)

Bas-Rhin (4,3 %)

Source : direction générale des collectivités locales (DGCL).

RÉpartition du fonds de pÉrÉquation de la CVAE par dÉpartement

Source : données direction générale des collectivités locales (DGCL) ; logiciel Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) 2018 – IGN GéoFla ; traitement des données commission des finances.

B.   La cotisation foncière des entreprises (CFE)

Les règles relatives à la CFE sont codifiées aux articles 1447 et suivants du CGI. Elle est due chaque année par les entreprises en fonction de la valeur locative des seuls biens passibles d’une taxe foncière dont les entreprises disposent pour les besoins de leur activité professionnelle au cours de l’avant dernière année précédant celle de l’imposition. Elle est due pour l’année entière par le redevable qui exerce l’activité au 1er janvier.

La CFE est due par toute personne physique ou morale qui exerce à titre habituel une activité professionnelle non salariée et ne bénéficie d’aucun régime d’exonération particulier. Le taux de la CFE est arrêté par l’organe délibérant de la commune ou de l’EPCI sur le territoire de laquelle ou duquel sont situés les biens considérés.

produit de la cotisation fonciÈre des entreprises de 2012 À 2017

(en millions d’euros)

Produit

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Produit national

6 662

6 935

6 974

7 234

7 426

7 663

 dont part EPCI

5 165

5 560

5 781

6 037

6 554

7 001

 dont part communes

1 497

1 375

1 193

1 197

873

662

Source : direction de la législation fiscale (DLF).

Le produit de la CFE en 2017 était de 7,66 milliards d’euros, en hausse par rapport à 2016 de + 3,2 %. Il se répartit entre les collectivités du bloc communal.

1.   La suppression du dispositif de participation des collectivités territoriales au coût du dégrèvement afférent au plafonnement de la CET

Lorsque le montant de la CET est supérieur à 3 % de la valeur ajoutée produite par le contribuable, ce dernier peut demander à bénéficier d’un dégrèvement de la CET à hauteur de la différence : il s’agit du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée. Le dégrèvement s’impute alors sur la CFE.

La CFE étant affectée au bloc communal, la perte de recettes découlant du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée est prise en charge par l’État via un dégrèvement. Le montant de ce dernier varie en fonction de la valeur ajoutée, des bases foncières et des taux de CFE votés par les collectivités territoriales.

Montant du dégrèvement au titre du plafonnement de la CET

(en millions d’euros)

2013

2014

2015

2016

2017

2018

868

1 068

1 041

1 171

1 216 *

1 190 *

* prévisions.

Source : DGFiP.

Dans la mesure où les collectivités territoriales fixent leur taux de CFE, elles pourraient être incitées à l’augmenter, le surcoût pour le contribuable étant pris en charge par l’État du fait du plafonnement et du dégrèvement. C’est la raison pour laquelle l’article 1647-0 B septies du CGI posait le principe d’une participation au coût du dégrèvement des communes et des EPCI d’implantation des entreprises bénéficiaires du plafonnement, mais uniquement pour la part résultant de la hausse des taux décidée par la collectivité après la création de la CET. Le montant théorique de la participation des communes et EPCI au dégrèvement s’élevait à 80 millions d’euros en 2017.

Cette participation n’a dans les faits jamais été appliquée en raison de la complexité du dispositif. Par conséquent, l’article 32 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 abroge le dispositif de manière rétroactive à compter du 1er janvier 2017.

2.   L’adoption de nouvelles exonérations compensées par l’État aux collectivités territoriales

Lors de l’examen de la loi de finances pour 2018 et de la seconde loi de finances rectificative pour 2017, plusieurs mesures adoptées concernaient des exonérations de CFE.

Il s’agit, en premier lieu, d’allégements généraux de fiscalité des entreprises : l’article 17 de la loi de finances rectificative pour 2017 exonère de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), de CFE et de CVAE les entreprises des immeubles situés dans un bassin urbain à dynamiser (BUD). Il s’agit d’un dispositif général d’allégement de la fiscalité locale pour les entreprises créées dans des BUD entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2020. Ces exonérations s’ajoutent à l’exonération d’impôt sur les bénéfices.

Il s’agit, en second lieu, d’exonérations plus spécifiques de fiscalité locale, uniquement applicable à la CFE et ciblées sur les entreprises réalisant un faible montant de chiffre d’affaires, ou certaines activités annexes aux activités agricoles.

a.   L’exonération de cotisation minimum de CFE pour les redevables réalisant un montant de chiffre d’affaires ou de recettes inférieur ou égal à 5 000 euros

Lorsque la valeur locative des biens professionnels est faible ou nulle, par exemple lorsque le local utilisé par le redevable est une petite surface ou fait partie de son habitation personnelle, l’imposition est établie sur une base minimum dont le montant est fixé par une délibération du conseil municipal. La base fixée doit respecter une fourchette qui varie selon le chiffre d’affaires réalisé (article 1647 D du CGI). Elle permet de calculer la cotisation minimum qui correspond au produit de la base minimum par le taux de CFE applicable dans la commune.

BarÈme 2018 de la cotisation minimum de CFE

(en euros)

Montant du chiffre daffaires ou des recettes

Montant de la base

minimum

Inférieur ou égal à 10 000

Entre 218 et 519

Supérieur à 10 000 et inférieur ou égal à 32 600

Entre 218 et 1 037

Supérieur à 32 600 et inférieur ou égal à 100 000

Entre 218 et 2 179

Supérieur à 100 000 et inférieur ou égal à 250 000

Entre 218 et 3 632

Supérieur à 250 000 et inférieur ou égal à 500 000

Entre 218 et 5 187

Supérieur à 500 000

Entre 218 et 6 745

Source : article 1647 D du CGI.

Ces montants ont été revalorisés en 2018 comme le taux prévisionnel d’évolution des prix à la consommation des ménages, hors tabac.

Pour les redevables réalisant un faible montant de chiffre d’affaires, le paiement de la cotisation minimum pouvait apparaître disproportionné. Pour cette raison, l’article 97 de la loi de finances pour 2018 dispose qu’à compter des impositions établies au titre de 2019, les redevables réalisant un montant de chiffre d’affaires inférieur ou égal à 5 000 euros sont exonérés de la cotisation minimum. Parmi les 2,7 millions de redevables assujettis à la cotisation minimum de CFE, 1,07 million de redevables sont concernés par la mesure.

Pour compenser la perte afférente de recettes fiscales, les collectivités territoriales bénéficient d’une compensation sous la forme d’un prélèvement sur recettes (PSR) de l’État. Ce dernier correspond, pour chaque commune ou EPCI, aux bases minimum perdues en vertu de l’exonération multipliées par le taux de CFE appliqué en 2018 dans la commune ou l’EPCI.

Les informations actualisées transmises au Rapporteur général évaluent le coût de la mesure à 181 millions d’euros, dont 145 millions d’euros de CFE au profit des collectivités territoriales, 30 millions d’euros de taxes additionnelles au profit des chambres consulaires (dont 26 millions d’euros au profit des chambres de métiers et 4 millions d’euros au profit des chambres de commerce et de l’industrie), et 6 millions d’euros de frais de gestion au profit de l’État. Toutefois, dans la mesure où l’État supporte un coût de 82 millions d’euros au titre des montants de CFE dus non perçus et reversés aux collectivités, la réforme proposée représente en réalité un coût pour l’État de 63 millions d’euros et un coût pour les chambres consulaires de 30 millions d’euros.

L’exonération et la compensation afférente n’entreront en vigueur qu’à compter de 2019, afin de garantir la fiabilité du processus de récupération automatique des chiffres d’affaires des redevables. Le Rapporteur général ne dispose pas d’information lui permettant de déterminer l’état d’avancement de ce processus de consolidation au cours du premier semestre 2018. Le BOFiP n’a pas encore fait l’objet d’une mise à jour des dispositions adoptées en loi de finances.

b.   L’extension aux activités accessoires de l’exonération de CFE des exploitants agricoles

Les exploitants agricoles sont exonérés de CFE (article 1450 du CGI). Toutefois, cette exonération ne s’applique pas pour les bâtiments agricoles affectés à la transformation de leur production, qui est fiscalement considérée comme une prestation de service et non une activité agricole. Les bâtiments dédiés à cette activité de transformation sont considérés comme des immobilisations industrielles et soumis à la CFE. Or, le montant de cotisation exigible peut parfois être nettement supérieur à celui de la prestation de service effectuée par l’exploitant.

Afin d’étudier la possibilité de remédier à cette situation, l’article 103 de la loi de finances pour 2018 dispose que le Gouvernement doit remettre au Parlement, avant le 1er juillet 2018, un rapport analysant les conditions dans lesquelles l’exonération de CFE dont bénéficient les exploitants agricoles peut être étendue aux activités accessoires de transformation de produits provenant de leur exploitation et sur les conséquences financières de l’extension tant pour l’État que pour les collectivités territoriales. Le rapport doit aussi préciser les modalités de compensation aux collectivités territoriales de l’extension de cette exonération.

Le Rapporteur général précise quil ne dispose pas à ce jour dudit rapport.

3.   Les mesures spécifiques aux valeurs locatives servant de base imposable à la CFE

La base d’imposition de la CFE est constituée par la valeur locative des biens passibles d’une taxe foncière dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle. Elle est déterminée à partir des valeurs locatives cadastrales de 1970, qui ont fait l’objet de majorations forfaitaires annuelles fixées en loi de finances. Pour mettre un terme à la déconnexion observée entre la base taxable et la valeur foncière réelle, une révision générale des valeurs locatives a été décidée en deux temps : la révision des valeurs locatives cadastrales des locaux professionnels, décidée en 2010, est entrée en vigueur le 1er janvier 2017 ([218]) ; la révision des valeurs locatives cadastrales des locaux d’habitation, décidée en 2016, n’a pas fait l’objet d’un calendrier arrêté ([219]).

La révision des valeurs locatives des locaux professionnels (RVLLP) est effective depuis le 1er janvier 2017, sauf pour les locaux industriels qui demeurent évalués selon la méthode comptable prévue à l’article 1499 du CGI. En 2017, la TFPB portant sur les locaux professionnels ainsi que la CFE sur ces mêmes locaux ont été calculées à partir de ces nouvelles bases révisées. La répartition du produit de la CVAE des entreprises multi-établissements, qui repose à un tiers sur les valeurs locatives des locaux professionnels, est affectée par cette réforme à partir de 2018. La réforme va également modifier les montants des dotations de péréquation qui dépendent du potentiel financier des collectivités, qui lui-même tient compte des produits perçus de fiscalité locale par les collectivités.

Pour atténuer la réforme, sa mise en œuvre n’est réalisée que progressivement et est tempérée par trois mécanismes :

– un mécanisme de « planchonnement » limite, pour chaque local professionnel, les variations de valeur locative (tant à la hausse qu’à la baisse) sans pour autant les éliminer, en diminuant de moitié l’écart entre l’ancienne valeur locative et la nouvelle valeur locative révisée ;

– un mécanisme de lissage sur dix ans (jusqu’en 2026) limite l’augmentation ou la baisse de cotisation induite par la nouvelle valeur locative révisée de chaque local professionnel ;

– un coefficient de neutralisation, calculé par impôt et par collectivité, maintient les parts respectives des deux catégories de locaux (professionnels et d’habitation) au même niveau dans l’assiette des impôts de la collectivité, faute de quoi les locaux professionnels aux valeurs révisées seraient davantage taxés dans un premier temps. Ce coefficient devra être revu au terme de la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation.

La révision des valeurs locatives des locaux d’habitation (RVLLH) a fait l’objet d’une expérimentation dont les conclusions ont été remises au Parlement en février 2017. Le Rapporteur général souligne que l’opportunité de mener à son terme cette revalorisation est réelle, afin de mettre à jour une assiette d’imposition devenue obsolète. Il souligne toutefois que la révision portera sur près de 43 millions de locaux d’habitation (contre 3 millions de locaux professionnels pour la RVLLP) et engendrera des transferts de charges entre contribuables et des transferts de recettes entre collectivités qui nécessiteront des mécanismes de lissage et/ou de « planchonnement ».

Le Rapporteur général se félicite de l’annonce du Premier ministre, lors de la Conférence nationale des territoires (CNT) du 4 juillet 2018, de mettre en œuvre la RVLLH pour une application après la fin du quinquennat. Cette révision ne pourra dans tous les cas être engagée sans une étape préalable de concertation approfondie avec les parlementaires, les élus locaux et nationaux ainsi que les représentants des redevables.

a.   Le report de la mise à jour permanente des tarifs

L’article 1518 ter du CGI prévoyait que les tarifs permettant le calcul des valeurs locatives des propriétés bâties et non bâties soient mis à jour annuellement par l’administration fiscale, grâce aux déclarations des locataires relatives aux loyers constatés. Cette mise à jour permanente des tarifs, instituée par la loi de finances rectificative pour 2010 ([220]), devrait permettre d’écarter durablement une nouvelle déconnexion entre les valeurs locatives et la réalité du marché de la location.

Toutefois, les conditions de cette mise à jour devant être précisées par décret en Conseil d’État, l’entrée en vigueur du dispositif a été différée au 1er janvier 2019 par l’article 30 de la loi de finances rectificative pour 2017. Pour éviter un nouveau report, deux décrets et un arrêté permettant de finaliser la révision des valeurs locatives des locaux professionnels ont été publiés au Journal officiel le 29 juin 2018. Le premier décret ([221]) a codifié les dispositions relatives à la révision des valeurs locatives des locaux professionnels et à la composition des commissions départementales des valeurs locatives des locaux professionnels (CDVLLP). Il apporte en particulier des précisions sur la participation des parlementaires aux travaux de ces commissions. L’article 30 précité a en effet prévu que des parlementaires, dans la limite de dix au total, siègent à partir du 1er janvier 2018 au sein des CDVLLP, commissions chargées de déterminer les paramètres servant de base au calcul des valeurs locatives des locaux professionnels. Il est également précisé que « lorsque le département compte onze parlementaires ou plus, les députés et sénateurs sont désignés, respectivement, par l’Assemblée nationale et le Sénat au prorata du nombre de députés et de sénateurs élus dans le département, dans la limite totale de dix membres. Le nombre de parlementaires n’est pas pris en compte pour le calcul d’un quorum ».

Un décret ([222]) et un arrêté ([223]) viennent sécuriser la procédure de mise à jour des tarifs et des coefficients de localisation qui doit être réalisée au cours de l’année 2018, celle-ci étant privée de base légale réglementaire en l’état du droit. Le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) a toutefois pris acte « de l’engagement du ministère de prendre ultérieurement un décret spécifique visant à préciser les modalités de mise à jour permanente des valeurs locatives des locaux professionnels qui ont déjà fait l’objet de concertations entre l’administration fiscale, les entreprises et les associations nationales représentatives des élus locaux, dans la mesure où la non prise en compte de l’évolution des bases fiscales des locaux professionnels au titre de l’année 2018 entraînerait une perte estimée à 170 millions pour les collectivités territoriales en 2019 » ([224]).

Dès lors, par exception et au titre de l’année d’imposition 2018, les valeurs locatives des locaux professionnels sont indexées comme pour les locaux d’habitation sur l’inflation constatée. En effet, la loi de finances pour 2017 ([225]) prévoit qu’à compter du 1er janvier 2018, la revalorisation forfaitaire des valeurs locatives foncières est liée au dernier taux d’inflation annuelle constaté, au lieu du taux d’inflation annuelle prévisionnel. Ainsi, au titre de l’exercice 2018, les valeurs locatives cadastrales sont revalorisées forfaitairement par application d’un coefficient de 1,012.

Coefficient de revalorisation des valeurs locatives

Années

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Coefficient de revalorisation

1,018

1,018

1,009

1,009

1,01

1,004

1,012

b.   La sécurisation des nouveaux paramètres d’évaluation

Dans le cadre de la RVLLP, après les travaux des commissions départementales des valeurs locatives des locaux professionnels (CDVLLP) et des commissions départementales des impôts directs locaux (CDIDL), de nouvelles grilles tarifaires par catégorie de locaux et par secteurs ont été publiées et sont entrées en vigueur au 1er janvier 2017. Certaines décisions prises ont été contestées devant les juridictions administratives, et ont été annulées. Afin de sécuriser juridiquement les nouvelles délibérations ainsi que les impositions dues au titre de l’exercice 2017, l’article 30 de la loi de finances rectificative pour 2017 a procédé à leur validation.

Au 31 mai 2018, sur 591 recours pour excès de pouvoir en première instance déposés, 542 décisions ont rejeté les recours et 30 décisions ont annulé partiellement ou totalement des éléments des paramètres départementaux de la révision. En appel, sur 568 recours pour excès de pouvoir formés, 149 décisions ont rejeté les recours et 419 instances sont en attente de jugement. En conséquence, le Gouvernement estime qu’il est à ce stade trop tôt pour mesurer les effets des mesures prises dans le cadre de la seconde loi de finances rectificative pour 2017.

c.   La révision des valeurs locatives cadastrales des établissements industriels

L’article 103 de la loi de finances pour 2018 prévoit qu’à compter de 2019, les valeurs locatives des biens des entreprises ou des personnes immatriculées au répertoire des métiers ou au registre des entreprises de l’artisanat seront désormais établies selon la méthode applicable aux locaux professionnels.

Aux termes de l’article 1499 du CGI, la valeur locative des immobilisations industrielles en matière de CFE et de TFPB est déterminée par application de la méthode dite comptable à partir du prix de revient actualisé des sols et des terrains, à la différence des locaux à usage d’habitation et des locaux professionnels dont la valeur locative est déterminée à partir de l’état du marché (article 1498 du CGI). Du fait de ces différences de méthode, l’application d’un régime plutôt que d’un autre emporte des conséquences fiscales parfois significatives pour les redevables : la qualification d’immobilisation industrielle a des conséquences importantes sur la valeur locative d’un local et sur les cotisations dues par l’entreprise.

Or, la définition des immobilisations industrielles n’est pas prévue par la loi et résulte d’une décision du Conseil d’État qui précise que « revêtent un caractère industriel, au sens de [l’article 1499 du CGI], les établissements dont l’activité nécessite d’importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d’une autre activité, est prépondérant » ([226]). Cette définition souple de la notion d’immobilisation industrielle conduit parfois à des difficultés d’interprétation préjudiciables aux redevables. En la matière, le BOFiP précise que, « si les usines ne soulèvent pas, en pratique, de difficultés touchant la notion d’établissement industriel, des hésitations peuvent se produire en ce qui concerne certains établissements exploités soit par des artisans, soit par des commerçants » ([227]).

En particulier, des difficultés sont régulièrement signalées, faisant état de qualification en immobilisations industrielles d’établissements n’en constituant a priori pas. Cette situation concernerait en particulier certains artisans et commerçants, dont les cotisations auraient augmenté à la suite d’une évaluation comptable de la valeur locative de leurs locaux, considérés comme des immobilisations industrielles.

À l’initiative du Rapporteur général, la commission des finances a adopté un amendement visant à clarifier la situation en excluant expressément d’une telle qualification à compter de 2019 les locaux des entreprises relevant du secteur de l’artisanat, par référence à la loi relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat ([228]). Ainsi, la valeur locative de ces biens devra se faire selon la méthode de l’article 1498 du CGI, c’est-à-dire selon les mêmes modalités que pour les locaux professionnels dans le champ de la révision des valeurs locatives.

Le Rapporteur général note que le BOFiP n’a fait l’objet d’aucune mise à jour en vue de l’entrée en vigueur de la disposition à compter du 1er janvier 2019.

Par ailleurs, le même article 103 prévoit qu’avant le 1er juillet 2018, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant un état des lieux des immobilisations industrielles et des requalifications réalisées, précisant les conséquences des requalifications en immobilisation industrielle de certains locaux, notamment sur les recettes des collectivités territoriales, et proposant des pistes visant à sécuriser la qualification d’immobilisation industrielle, dans la perspective d’une réforme qui pourrait figurer dans le prochain projet de loi de finances.

Dans ce cadre, le Gouvernement a mis en place début 2018 un groupe de travail ouvert aux représentants des entreprises et des associations nationales des collectivités locales, afin de faire un état des lieux des difficultés rencontrées et de formuler des pistes d’amélioration. Il a également été ouvert à deux parlementaires, MM. Daniel Labaronne et Jean-Paul Mattei. La dernière réunion plénière du groupe de travail s’est déroulée au début du mois de juin 2018. Les principales conclusions et pistes de réforme envisagées, en cours d’expertise, devraient être prochainement présentées au Parlement.

Le Rapporteur général précise qu’il ne dispose pas à ce jour dudit rapport.

 


XI.   La taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

A.   L’extension du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée pour les parcs zoologiques

1.   L’état du droit

L’article 72 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 a modifié l’article 278-0 bis du CGI, afin de faire bénéficier les visiteurs des parcs zoologiques d’un taux de TVA réduit de 5,5 % ([229]).

Cette disposition a été insérée dans le texte par un amendement sénatorial, contre l’avis du Gouvernement.

À l’Assemblée nationale, le Rapporteur général s’est prononcé contre cette mesure, à même d’entraîner une différence de traitement avec les musées, les sites culturels, les monuments, les autres parcs de loisir ou les foires et salons, soumis à un taux de TVA de 10 %.

Cette mesure possède un coût budgétaire, selon ses auteurs, de 7,2 millions d’euros, pour un impact incertain sur le nombre de visites.

2.   Une évaluation prématurée

La direction de la législation fiscale a indiqué au Rapporteur général ne pas disposer d’éléments permettant d’évaluer, à ce jour, la mesure. Ni le coût de la mesure, ni l’évolution du nombre de visiteurs ni le nombre d’embauches par les parcs ne sont, à ce stade, connus.

B.   L’UTILISATION OBLIGATOIRE D’UN LOGICIEL DE CAISSE
NON FRAUDULEUX

1.   L’état du droit

L’article 286 du CGI prévoit que les personnes assujetties à la TVA doivent remplir quatre obligations afin de faciliter le contrôle de leur activité par l’administration fiscale :

– déclarer le commencement ou la cessation de leur activité dans un délai de quinze jours à compter de cet événement ;

– remplir un formulaire destiné à fournir à l’administration « tous renseignements relatifs à son activité professionnelle » ;

– tenir une comptabilité ou, à défaut, un livre indiquant « le montant de chacune de ses opérations » ainsi qu’une série d’informations complémentaires, tout en conservant les pièces justificatives afférentes à chacune des opérations effectuées ;

– fournir aux agents de l’administration « toutes justifications nécessaires » pour le contrôle de l’imposition.

Une série de modifications ont été récemment apportées à notre droit, afin de lutter plus efficacement contre la fraude à la TVA. C’est dans ce contexte que s’inscrivent les dispositions de la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale, qui ont trait au secteur de la conception des logiciels de caisse ([230]).

Cette loi a créé au profit de l’administration un droit de communication spécifique auprès des éditeurs et des concepteurs de logiciels de caisse ou de comptabilité. Les agents de l’administration fiscale peuvent ainsi accéder au code source des logiciels. Cette même loi a prévu que l’éditeur ou le concepteur d’un logiciel comprenant des fonctions frauduleuses, ainsi que les personnes ayant sciemment distribué un tel logiciel ou paramétré ces fonctions frauduleuses, peuvent être sanctionnés d’une amende égale à 15 % du chiffre d’affaires tiré de la commercialisation de ce logiciel.

L’article 88 de la loi de finances pour 2016 a modifié l’article 286 du CGI, afin de limiter les risques dus à l’existence de logiciels de caisse frauduleux ([231]). Ainsi, lorsqu’elle « enregistre les règlements de ses clients au moyen dun logiciel de comptabilité ou de gestion ou dun système de caisse, utiliser un logiciel ou un système satisfaisant à des conditions dinaltérabilité, de sécurisation, de conservation et darchivage des données en vue du contrôle de ladministration fiscale, attestées par un certificat délivré par un organisme accrédité dans les conditions prévues à larticle L. 115-28 du code de la consommation ou par une attestation individuelle de léditeur, conforme à un modèle fixé par ladministration ».

En outre, l’article 1770 duodecies CGI, tel qu’issu de la loi de finances pour 2016, dispose désormais que « le fait, pour une personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, de ne pas justifier, par la production de lattestation ou du certificat prévus au 3° bis du I de larticle 286, que le ou les logiciels de comptabilité ou de gestion ou systèmes de caisse quelle détient satisfont aux conditions dinaltérabilité, de sécurisation, de conservation et darchivage des données prévues par ces mêmes dispositions est sanctionné par une amende de 7 500 € par logiciel de comptabilité ou de gestion ou système de caisse concerné ».

Afin de laisser le temps aux professionnels de se mettre en conformité, il était précisé que ces dispositions entreraient en vigueur au 1er janvier 2018.

L’article 105 de la loi de finances pour 2018 ([232]) a modifié les articles 286 et 1770 duodecies du CGI, en limitant les obligations qu’ils prévoient aux seuls logiciels de caisse pour lesquels il existe des risques de fraude à la TVA d’une part, et de ne pas soumettre auxdites obligations les assujettis pour lesquels il n’existe pas d’enjeux de risque de fraude à la TVA d’autre part.

Selon son exposé des motifs, cette mesure n’aurait qu’une vertu simplificatrice, sans conséquences pour les finances publiques.

2.   Les mesures d’application

L’évaluation préalable de l’article 88 de la loi de finances pour 2016 indiquait : « Un décret simple précisera les conditions dinaltérabilité, de sécurisation, de conservation et darchivage des données en vue du contrôle de ladministration fiscale. » Néanmoins, un tel décret na finalement pas été jugé nécessaire par le ministère chargé du budget. Ainsi, les modalités techniques d’application de ces dispositions ont été mises en œuvre au moyen du BOFiP ([233]).

3.   Une évaluation actuellement malaisée

Dans un rapport publié en mai 2015, la Commission européenne a estimé que l’écart entre la TVA réellement collectée et les recettes théoriques de TVA
– le « VAT gap » – représentait en France 11,71 % des recettes de TVA estimées l’année du calcul ([234]).

L’évaluation préalable de l’article 88 de la loi de finances pour 2016 indique que cette disposition aura « pour principal effet, en dissuadant l’utilisation de logiciels de caisse qui permettent de dissimuler les recettes des entreprises assujetties à la TVA, de conforter les recettes que l’État retire de cet impôt ».

Face à la difficulté d’évaluer l’ampleur des techniques de fraude à la TVA du fait des logiciels de caisse, l’évaluation préalable de la mesure ne procède qu’à une estimation de son impact économique attendu. Partant du postulat que la mesure pourrait entraîner la disparition de 75 % de telles techniques, 1,1 milliard d’euros pourrait revenir à l’État, chaque année, à partir de 2018.

Pour la direction de la législation fiscale, il est « prématuré de mesurer l’impact du nouveau dispositif sur les recettes de TVA, les entreprises entrant progressivement dans cette nouvelle obligation ». Conformément à la volonté du ministre de l’action et des comptes publics, l’administration fiscale doit accompagner les entreprises dans la première année d’application du dispositif. Ainsi, les services fiscaux tiendront compte des diligences réalisées par les assujettis pour se conformer à leurs nouvelles obligations.

Selon les informations transmises, une mention au BOFiP définissant les logiciels ou les systèmes de caisse sera publiée « très prochainement ».


XII.   La fiscalité particulière à certains véhicules

A.   LES taxeS additionnelleS à la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules

1.   L’état du droit

L’article 34 de la loi de finances pour 2018 ([235]) a prévu la création d’une taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation pour les voitures de sport puissantes, destinée à accompagner l’exclusion de ces biens mobiliers du champ de l’IFI.

Le barème de cette taxe est de 500 euros par cheval fiscal à partir du trente-sixième cheval fiscal inclus ; le montant de ce prélèvement ne peut excéder 8 000 euros.

L’article 36 de la loi de finances pour 2018 a prévu la revalorisation de la taxe additionnelle sur les certificats d’immatriculation des véhicules d’occasion. Cette revalorisation a été commandée par le souci d’envoyer un signal significatif pour inciter les automobilistes à choisir des véhicules moins puissants et plus sobres en énergie.

Barème de la taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules d’occasion

 (en euros)

Puissance fiscale (en chevaux-vapeurs)

Tarif

puissance fiscale ≤ 9

0

10 ≤ puissance fiscale ≤ 11

100

12 ≤ puissance fiscale ≤ 14

300

15 ≤ puissance fiscale

1 000

Source : article 1010 bis du CGI.

Cette taxe est réduite d’un dixième par année entamée depuis la date de première immatriculation ; elle est donc nulle au bout de dix années.

2.   Une évaluation impossible

La direction de la législation fiscale a déclaré ne pas pouvoir apporter des éléments lui permettant d’indiquer le nombre de taxations réalisées et le produit des taxes collectées, tant pour la taxe additionnelle qui pèse sur les certificats d’immatriculation des véhicules puissants que celle qui pèse sur les véhicules d’occasion.

Une réponse identique a été apportée au Rapporteur général, lors de son contrôle sur place du 5 juillet 2017.

Ainsi, il n’a pas été possible de comparer des résultats au rendement estimé des mesures, chiffré à 30 millions d’euros dans les documents budgétaires.

Le Rapporteur général s’interroge sur cette absence de chiffrage. Cette difficulté est peut-être à apprécier au regard des dysfonctionnements liés à la délivrance des certificats d’immatriculation des véhicules. En effet, le retard dans la procédure d’immatriculation du véhicule entraîne, mécaniquement, un retard dans la collecte des taxes additionnelles sur les certificats d’immatriculation.

La délivrance des certificats dimmatriculation de véhicules (CIV)

La délivrance par les préfectures du CIV est soumise au paiement de plusieurs taxes et droits, ainsi que d’une redevance d’acheminement.

L’article 65 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 témoigne de la volonté du législateur de faciliter les démarches entre les usagers et les préfectures par la dématérialisation des demandes de CIV ; il s’inscrit dans le « plan préfectures nouvelle génération » (PPNG). Ainsi, les formalités préalables à la délivrance des CIV peuvent désormais s’effectuer via un téléservice mis en place par le ministère de l’intérieur qui offre la possibilité aux usagers de s’acquitter des droits de délivrance liés à l’exécution de la formalité par télépaiement.

Néanmoins, certains dysfonctionnements concernant les délais de traitement lors de la délivrance des CIV ont été identifiés dans les premiers mois de la mise en place de ce téléservice.

Selon les informations transmises au Rapporteur général, le nombre de dossiers en cours d’analyse par les centres de ressources et d’expertises des titres (CERT) se résorbe progressivement. De 255 842 au 31 mars 2018, le stock est passé à 219 400 au 18 mai 2018. La direction de la législation fiscale souligne que les dysfonctionnements constatés sont imputables au prestataire informatique, et ont fait l’objet de corrections par celui-ci, sans surcoût pour le ministère de l’intérieur, maître d’ouvrage.

Au 31 mars 2018, le délai moyen de délivrance des CIV était de 11,7 jours. Pour autant, ce délai varie fortement entre les dossiers qui font l’objet d’une vérification dans les CERT (24 jours au premier trimestre 2018) et ceux qui n’en font pas l’objet (4 jours).

B.   Le droit annuel de francisation et de navigation

1.   L’état du droit

La francisation d’un bateau ou d’un navire lui confère le droit de porter le pavillon de la République française avec les avantages et les obligations qui s’y rattachent.

Le barème du droit annuel de francisation et de navigation (DAFN) a été relevé à l’article 33 de la loi de finances pour 2018 ([236]). Visant les grands navires de plaisance ou de sport, cette mesure a été conçue pour accompagner la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune. Le nouveau barème du DAFN est ainsi fortement réévalué pour les navires de plaisance et de sport d’une longueur supérieure ou égale à 750 kW. Il varie selon la longue et la puissance des navires concernés de 30 000 à 200 000 euros.

Le produit du DAFN est affecté au Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, dans la limite d’un plafond fixé à 38,5 millions d’euros pour 2018.

Le rendement de la taxe a été évalué à 38,2 millions dans les documents budgétaires, dont 10 millions directement liés à la réévaluation du barème.

2.   L’évaluation du dispositif

a.   Un rendement à ce jour décevant

Les réponses apportées au Rapporteur général font état de sept navires concernés par le relèvement du barème mis en œuvre par la loi de finances pour 2018. Parmi ces navires, six sont concernés par la hausse du droit de passeport car étrangers. Un seul navire est concerné par la hausse du DAFN, car français.

Au 16 mai 2018, le produit collecté au titre du relèvement du barème mis en œuvre par la loi de finances pour 2018 est de 82 500 euros. Il est composé du paiement du droit de passeport pour 75 000 euros, et du paiement du DAFN pour 7 500 euros.

La direction de la législation fiscale relève que le rendement total annuel de la taxe pourrait être supérieur au montant proratisé récolté à ce jour du fait d’actions en recouvrement forcé, l’ensemble des navires entrant dans le champ du relèvement du barème ne s’étant pas tous acquittés de leurs obligations fiscales.

En tout état de cause, et eu égard à la modestie du nombre d’assujettis potentiels, le ministère de l’économie et des finances ne perçoit pas d’impact significatif du relèvement du barème sur le nombre d’immatriculations sous pavillon français.

b.   Le décret répartissant le produit de la taxe est en cours de préparation

Conformément aux dispositions de l’article 33 de la loi de finances pour 2018, un décret d’application doit organiser les modalités de répartition des ressources issues du DAFN et du droit de passeport entre les organismes de recherche et de sauvetage en mer.

Selon les informations transmises au Rapporteur général, le projet de décret, dont la signature est actuellement en cours, retient comme critère de répartition le rapport entre le nombre d’opérations de sauvetage réalisées par chaque organisme potentiellement bénéficiaire et le nombre total d’opérations de sauvetage réalisées par l’ensemble des organismes au cours du même exercice budgétaire. Le projet de décret devrait prévoir que la part de chaque organisme sera constatée par arrêté du ministre de la transition écologique et solidaire.

Enfin, l’affectation aux organismes de sauvetage n’interviendra qu’en second rang de priorité, après le reversement du produit de la taxe au Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, jusqu’à la limite de 38,5 millions d’euros.


XIII.   La fiscalité Énergétique et écologique

A.   Le bonus-malus automobile

1.   L’état du droit

a.   Le malus automobile

Un objectif de réduction de la moyenne des émissions du parc automobile a été fixé dans le cadre du Grenelle de l’environnement : de 176 grammes de CO2 par kilomètre en 2006 à 120 grammes à l’horizon 2020 ([237]). Le dispositif du « bonus-malus » automobile doit contribuer à l’atteinte de ces objectifs. Il vise à inciter les acheteurs à privilégier les véhicules à faible émission de CO2 et favoriser ainsi la modification de la structure du parc automobile, mais également à stimuler l’innovation technologique des constructeurs et accélérer le renouvellement du parc automobile afin d’en retirer les véhicules les plus anciens.

C’est dans cette perspective que l’article 1011 bis du CGI définit une taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules prévue à l’article 1599 quindecies du CGI à raison de leurs émissions de CO2, dénommée « malus automobile ».

La taxe est perçue à l’occasion de la délivrance du premier certificat d’immatriculation d’un véhicule de tourisme en France. Elle est fonction soit du nombre de grammes de dioxyde de carbone émis par kilomètres pour les véhicules qui ont fait l’objet d’une réception communautaire, soit de la puissance fiscale pour les véhicules qui n’ont pas fait l’objet d’une telle réception.

La réception communautaire désigne l’acte par lequel un État membre certifie qu’un type de véhicule satisfait aux dispositions administratives et aux exigences techniques communautaires, au sens de la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur ([238]).

La taxe n’est pas due pour les véhicules spécialement aménagés pour les personnes handicapées ou acquis par des personnes titulaires de la carte « mobilité inclusion » portant la mention invalidité ou comptant dans leur foyer un enfant invalide.

Pour les véhicules ayant fait l’objet d’une réception communautaire, le barème de la taxe comprend 66 tranches progressives d’un gramme chacune allant de l’exonération pour les véhicules émettant 120 grammes de CO2 ou moins, à 10 500 euros pour les véhicules émettant 185 grammes de CO2 ou plus.

Pour les autres véhicules faisant l’objet d’une première immatriculation en France, le barème de la taxe est progressif, mais dépend de la puissance fiscale du véhicule, exprimée en chevaux-vapeurs (CV). Le barème comprend 6 tranches, allant de 3 000 euros pour les véhicules de 6 à 7 CV à 10 500 euros pour les véhicules de plus de 16 CV.

Le barème du malus automobile doit, du fait des progrès technologiques et de la baisse moyenne des véhicules neufs, être régulièrement mis à jour, afin que les recettes dégagées puissent continuer à financer les bonus et les primes de conversion accordées par l’État aux acquéreurs de véhicules propres. Ainsi, l’article 45 de la loi de finances pour 2017 a augmenté les tarifs du malus automobile tout en renforçant la progressivité du barème afin de limiter les effets de seuils et les comportements d’optimisation des industriels ([239]). À cette fin, le barème est passé de 11 à 66 tranches.

En 2017, les recettes du malus sélèvent à 351,8 millions deuros, supérieures aux prévisions de la loi de finances initiale à hauteur de 1,4 % ([240]).

L’article 51 de la loi de finances pour 2018 a ajusté le barème, en ajoutant une tranche et en abaissant le seuil d’application du malus à 120 grammes de CO2 par kilomètre et en créant une nouvelle tranche supérieure à 185 grammes de CO2 par kilomètres au tarif de 10 500 euros (contre 10 000 euros précédemment) ([241]). Cette évolution a pour but tant de garantir l’effet incitatif du dispositif que de l’équilibrer budgétairement.

évolution du barème de taux d’émission de co2

(en grammes par kilomètre)

Tranche

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2016

2017

2018

Première tranche

160

155

150

140

135

130

126

120

Dernière tranche

250

250

250

250

200

200

191

185

Tarif de la taxe pour la dernière tranche (en euros)

2 600

2 600

2 600

3 600

6 000

8 000

10 000

10 500

Source : article 1011 bis du CGI.

Le barème de puissance fiscale a également été actualisé par l’article 51 de la loi de finances pour 2018, en maintenant une progressivité de 6 tranches allant de 3 000 euros pour les véhicules de 6 et 7 chevaux fiscaux (au lieu de 2 000 euros précédemment) à 10 500 euros pour les véhicules de plus de 16 chevaux fiscaux (au lieu de 10 000 euros précédemment).

b.   Le bonus automobile

Le bonus automobile prend la forme d’une aide versée par l’Agence de services et de paiement (ASP) aux bénéficiaires. Il peut être complété par une prime à la conversion dont l’objectif est de favoriser le retrait des véhicules diesel les plus polluants.

Ces deux aides ont pour contrepoids fiscal le malus automobile, qui abonde le compte d’affectation spéciale (CAS) Aides à l’acquisition de véhicules propres. Dans la mesure où ces dispositifs de soutien ne sont pas fiscaux mais budgétaires, ils ne sont pas régis par le CGI mais par des actes réglementaires codifiés aux articles D. 251‑1 à D. 251‑3 du code de l’énergie.

En 2017, l’ASP a versé 235,7 millions d’euros au titre du bonus et de la prime à la conversion. Ce montant est inférieur de 59,2 millions d’euros aux versements effectués par le CAS à l’ASP, du fait de ventes de véhicules visés par le dispositif décevantes. Sur 240 472 dossiers d’aide en 2017, 181 740 correspondaient à des aides accordées pour l’achat d’un vélo à assistance électrique ([242]).

2.   Les mesures d’application

Un recentrage des bonus de niveau réglementaire a complété le présent article 51 afin d’adapter la réglementation relative aux aides du bonus sur le soutien aux véhicules les moins émetteurs de CO2 et à la prime de conversion des véhicules polluants ([243]).

3.   L’évaluation du dispositif

Le durcissement progressif du malus comme le renforcement du bonus doivent permettre de stimuler la construction de voitures plus respectueuses de l’environnement. Favoriser de telles évolutions technologiques porte en germe des gisements de croissance de long terme.

a.   L’abaissement du seuil d’entrée dans le barème du malus automobile aboutit à une baisse des ventes des automobiles concernées

La direction de la législation fiscale estime le montant total des recettes du malus en 2018 à environ 475 millions deuros. Dans ses réponses apportées au Rapporteur général, elle constate une baisse des volumes pour les véhicules émettant entre 125 et 135 grammes de CO2 par kilomètre, ce qui répond à la finalité écologique de l’ajustement du barème en loi de finances pour 2018.

Nombre d’assujettis au malus automobile par tranche d’émissions

(CO2/km)

Émissions des véhicules

(en gCO2/km)

Nombre de véhicules impactés en 2017

Nombre de véhicules impactés en 2018
(au 31 mai 2018)

Comparaison des immatriculations sur les cinq premiers mois de lannée

120

56 596

(non concernés par le malus)

24 689

+ 8,52 %

121

10 681

(non concernés par le malus)

5 546

– 26,63 %

122

28 495

(non concernés par le malus)

12 911

+ 9,29 %

123

23 421

(non concernés par le malus)

13 026

– 21,71 %

124

31 316

(non concernés par le malus)

14 504

– 1,24 %

125

43 715

(non concernés par le malus)

17 469

– 4,91 %

126

16 517

(non concernés par le malus)

11 573

– 59,59 %

127

31 749

13 941

– 12,93 %

128

13 771

7 933

– 28,31 %

129

50 136

22 339

– 8,56 %

130

21 001

7 740

+ 15,43 %

131

4 910

2 998

47,97 %

132

16 830

7 122

+ 8,34 %

133

20 166

7 727

+ 2,42 %

134

20 045

10 133

– 28,66 %

135

6 986

3 653

– 17,74 %

136

12 352

3 592

+ 28,66 %

137

9 067

4 360

– 10,96 %

138

10 820

5 752

– 24,01 %

139

25 779

8 026

+ 43,04 %

140

13 926

4 291

+ 49,01 %

141

2 972

1 098

+ 16,67 %

142

1 920

940

+ 49,01 %

143

8 269

3 352

– 0,84 %

144

6 198

2 831

– 26,70 %

145

10 984

3 320

+ 43,37 %

146

4 074

1 563

– 37,94 %

147

2 650

1 663

– 35,54 %

148

2 981

1 065

– 21,60 %

149

12 453

3 490

+ 74,10 %

150

2 930

746

+ 34,85%

151

1 618

514

+ 36,58 %

152

4 147

1 665

– 26,25%

153

2 543

1 226

– 26,02 %

154

4 199

1 447

+ 2,21%

155

2 364

993

– 17,12 %

156

3 384

1 386

– 25,76 %

157

1 276

422

+ 48,34 %

158

2 531

1 332

– 38,89 %

159

4 352

953

+ 72,72 %

160

496

225

– 49,78 %

161

1 661

323

+ 117,96 %

162

1 936

341

+ 124,63 %

163

1 285

437

– 14,65 %

164

867

364

– 17,58 %

165

357

45

+ 177,78 %

166

313

344

– 68,60 %

167

1 572

582

– 32,13 %

168

390

209

– 43,54 %

169

1 238

465

– 6,02 %

170

894

154

+ 145,45 %

171

340

93

+ 29,03 %

172

662

150

+ 24,00 %

173

522

98

+ 150,00 %

174

1 098

282

+ 54,96 %

175

552

92

+ 116,30 %

176

317

59

– 27,12 %

177

327

75

+ 45,33 %

178

168

29

+ 137,93 %

179

841

145

+ 80,00 %

180

499

64

+ 79,69 %

181

74

36

– 22,22 %

182

257

88

+ 32,95 %

183

366

404

– 93,56 %

184

295

52

+ 151,92 %

185

626

281

– 14,95 %

186

78

58

– 18,97 %

187

878

146

+ 71,92 %

188

122

112

– 83,93 %

189

779

242

+ 30,17 %

190

139

130

– 70,00 %

191 et plus

6 985

3 339

– 29,95 %

Total des véhicules avec malus

366 347

149 077

 1,86 %

Total des immatriculations

2 079 511

926 922

 3,35 %

Source : direction de la législation fiscale.

b.   Le malus automobile demeure un dispositif budgétaire populaire

Sagissant du bonus automobile, 96 767 aides ont été versées entre le 1er janvier et le 31 mars 2018. Elles concernent, pour l’essentiel, des acquisitions réalisées en 2017. Ces aides sont réparties de la manière suivante :

– 83 642 concernent l’acquisition de vélos à assistance électrique, pour un montant moyen de 188 euros ;

– 1 403 concernent l’acquisition d’un véhicule de catégorie L électrique (deux et trois roues motorisés et quadricycles à moteur), pour un montant moyen de 806 euros ;

– 9 429 concernent l’acquisition d’une voiture particulière ou d’une camionnette, pour un montant de 5 045 euros ;

– 2 293 correspondent à une prime à la conversion, pour un montant moyen de 3 875 euros.

Le législateur estime que le développement du véhicule électrique ne peut se faire sans incitations financières fortes et dans la durée à destination du consommateur. Comme l’a récemment souligné France Stratégie, le maintien des aides financières actuelles reste nécessaire tant que le coût du véhicule électrique sera supérieur à celui du véhicule thermique ([244]).

c.   En lien avec le bonus-malus automobile, la prime à la conversion permet le renouvellement du parc automobile

Au 3 juin 2018, 67 118 demandes de primes à la conversion ont été effectuées, dont 51 698 validées par l’ASP. 80 % des véhicules mis au rebut étaient des diesels.

Cette donnée démontre le succès immédiat de la transformation de cette prime dont les critères d’attribution ont été revus au 1er janvier 2018. Sur l’ensemble de l’année 2017, seules 7 909 primes avaient été octroyées ([245]).

Pour autant, la prime à la conversion semble être plus une aide destinée à la mise au rebut progressive des véhicules les plus polluants qu’en lien direct avec l’achat d’un véhicule d’une gamme peu polluante. En plus de n’avoir concerné qu’environ 5 % des immatriculations au premier semestre 2018, seuls un peu moins de 40 % véhicules acquis à la suite de sa perception étaient des véhicules neufs, selon les chiffres transmis par la direction de la législation fiscale.

B.   La fiscalité relative à l’exploitation des hydrocarbures

1.   L’état du droit

L’article 21 de la première loi de finances rectificative pour 2017 ([246]) a créé une taxe annuelle sur l’exploitation des hydrocarbures à l’article 1590 du CGI.

Cette taxe est proportionnelle à la surface du permis exclusif de recherches d’hydrocarbures liquides ou gazeux ; elle est acquittée par le titulaire du permis.

Le barème de la taxe est fixé selon la période de validité du permis exclusif de recherches et selon les tarifs au kilomètre carré suivants :

barèmes de la taxe sur l’exploration d’hydrocarbures

(en euros par kilomètre carré)

Période de validité

Barème pour lexploration dhydrocarbures

Première période de validité

5

Première prolongation

10

Seconde prolongation

30

Source : second projet de loi de finances rectificative pour 2017.

Le produit de la taxe est perçu au profit des départements, de la collectivité territoriale de Guyane ou de la collectivité territoriale de Martinique lorsque le périmètre du permis est compris sur leur territoire.

La taxe est déclarée et liquidée selon les mêmes modalités et la même temporalité qu’en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Elle est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que les taxes sur le chiffre d’affaires.

La mise en place d’une telle taxe sur les permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures vise à inciter les opérateurs titulaires de ces permis à optimiser l’usage du sol et leurs activités de recherche, en ciblant au plus précis les zones d’intérêt.

Selon les informations transmises par le Gouvernement au moment de l’adoption de cette disposition, le rendement estimé de cette mesure a été évalué à 820 000 euros en 2018, et 50 000 euros en 2022. Le nombre d’assujettis a lui été évalué à une quinzaine.

2.   Un rendement qui n’a pas atteint sa prévision

Selon les informations transmises par la direction de la législation fiscale, 22 sociétés sont assujetties à cette taxe, pour un rendement total de 110 000 euros.

La direction de la législation fiscale a déclaré ne pas disposer des données relatives aux coûts de gestion de cette taxe.

La différence entre le rendement estimé de la mesure dans les documents budgétaires et le rendement actualisé pour 2018 provient du non-assujettissement du titulaire du permis d’exploitation Guyane Maritime. En effet, son assujettissement rend nécessaire une modification de l’article 1635 quinquies du CGI, afin de rendre la taxe applicable sur le plateau continental.

Ce titulaire devrait être assujetti en 2019, pour un montant d’environ 700 000 euros. Un tel rendement serait plus conforme avec les estimations effectuées dans les documents budgétaires.

À ce jour, 13 collectivités métropolitaines sont bénéficiaires de la taxe sur l’exploitation des hydrocarbures.

collectivités bénéficiaires de la taxe sur l’exploitation
des hydrocarbures en 2018

(en euros)

Collectivité

Gain

08  Ardennes

4 400

10  Aube

2 800

33  Gironde

10 000

40  Landes

5 600

51  Marne

10 100

54  Meurthe-et-Moselle

8 800

55  Meuse

23 200

57  Moselle

20 700

59  Nord

2 200

64  Pyrénées-Atlantiques

8 700

67  Bas-Rhin

10 500

77  Seine-et-Marne

600

89  Yonne

1 900

Total

110 000

Source : direction générale des finances publiques.

C.   La fiscalité relative à l’exploitation des sites gÉothermiques

1.   L’état du droit

L’article 22 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 ([247]) a créé une taxe annuelle sur l’exploitation des sites géothermiques à l’article 1591 du CGI.

Cette taxe est proportionnelle à la surface du permis exclusif de recherches de sites géothermiques à haute température ; elle est acquittée par le titulaire du permis.

Le barème de la taxe est fixé selon la période de validité du permis exclusif de recherches et selon les tarifs au kilomètre carré suivants :

barèmes de la taxe sur l’exploration de gîtes géothermiques

(en euros par kilomètre carré)

Période de validité

Barème pour lexploration de gîtes géothermiques

Première période de validité

2

Première prolongation

4

Seconde prolongation

12

Source : second projet de loi de finances rectificative pour 2017.

Le produit de la taxe est perçu au profit des départements, de la collectivité territoriale de Guyane ou de la collectivité territoriale de Martinique lorsque le périmètre du permis est compris sur leur territoire.

La taxe est déclarée et liquidée selon les mêmes modalités et la même temporalité qu’en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Elle est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que les taxes sur le chiffre d’affaires.

La mise en place d’une telle taxe sur les permis exclusifs de recherches de sites géothermiques vise à inciter les opérateurs titulaires de ces permis à optimiser l’usage du sol et leurs activités de recherche, en ciblant au plus précis les zones d’intérêt.

Selon les informations transmises par le Gouvernement au moment de l’adoption de cette disposition, le rendement estimé de cette mesure a été évalué à 40 000 euros les premières années. Le nombre d’assujettis a lui été évalué à moins de dix.

2.   Un rendement décevant et marginal

La direction de la législation fiscale souligne que le nombre d’assujettis et le rendement de cette taxe sont soumis aux règles du secret statistique définies par la loi du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques ([248]).

La direction de la législation fiscale a déclaré ne pas disposer des données relatives aux coûts de gestion de cette taxe, dont le rendement est particulièrement faible.

À ce jour, 14 départements métropolitains et 2 départements d’outre-mer sont bénéficiaires de cette taxe pour un montant allant de 100 euros à un maximum à 6 700 euros.

« Jaimerais que, pour une fois, on névalue pas le dispositif (…) car cela coûterait plus que la taxe ne rapporterait. » ([249]) Ainsi notre collègue Jean-Louis Bricout percevait-il, non sans intuition, l’avenir de cette taxe, à l’occasion de son vote. À sa suite, nous considérons pour notre part comme paradoxal d’annoncer la suppression de taxes à faible rendement après avoir créé une nouvelle catégorie que l’on pourrait appeler « très petites taxes » (TPT), voire « mini taxes ».

 


—  1  —

   Partie IV :
Le Prélèvement à la source (PAS)

 

 

Synthèse des propositions de la rapporteure

Étudier les modalités de mise en place de la mensualisation du paiement des réductions et crédits dimpôt relevant du champ des services à la personne et de lhébergement des personnes en EHPAD dans le dispositif prévu par le Gouvernement pour certaines dépenses donnant lieu à des avantages fiscaux récurrents.

Promouvoir la logique du système « tout en un » pour permettre aux particuliers employeurs de bénéficier, par défaut¸ du concours des plateformes du centre national CESU et PAJEMPLOI pour la mise en œuvre de la retenue à la source.

Prévoir des mesures daccompagnement et/ou dincitation à la dématérialisation des démarches pour les particuliers employeurs qui utilisent des CESU au format papier.

Prévoir un dispositif qui permette aux tiers déclarants engagés par des entreprises de procéder aux démarches relatives au prélèvement à la source dans des conditions optimales de confidentialité.

 


Fiche n° 1 : le prélèvement à la source en dates

les Étapes lÉgislatives du prÉlÈvement à la source

1.   2016 : Une réforme de modernisation du recouvrement de l’impôt sur le revenu initiée sous le précédent quinquennat

Visant à assurer la contemporanéité de la taxation des revenus, c’est-à-dire la simultanéité, dans le temps, de la perception des revenus et du prélèvement de l’impôt, le prélèvement à la source (PAS) modifie les modalités de recouvrement de l’impôt sur le revenu (IR) et met fin à une « exception française » parmi les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ([250]).

Le prélèvement « à la source » n’implique aucune modification dans les règles de calcul de l’impôt dû par le contribuable ; seule la façon dont il est collecté est modifiée. Concrètement, la mise en œuvre du prélèvement à la source met fin au décalage d’un an qui existait entre la perception des revenus et leur imposition. Il ajuste « en temps réel » le montant de l’impôt acquitté en fonction des variations de revenus.

Porté par le précédent gouvernement, le PAS a été proposé, à lautomne 2016, dans le projet de loi de finances pour 2017 ([251]). Le dispositif adopté ([252]) prévoyait sa mise en place à compter du 1er janvier 2018.

2.   Une entrée en vigueur décalée d’un an pour permettre une mise en place dans de meilleures conditions

Prévue par l’article 60 de la loi de finances pour 2017, la mise en place du PAS à compter du 1er janvier 2018 a été reportée d’une année. L’article 10 de la loi du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social ([253]) a habilité le Gouvernement à décaler l’entrée en vigueur du PAS au 1er janvier 2019. L’ordonnance correspondante a été promulguée le 22 septembre 2017 ([254]).

Le report de la mise en place du PAS s’explique par des considérations d’efficacité et de mise en œuvre sécurisée de la réforme. Le temps supplémentaire a été mis à profit pour :

– sensibiliser l’ensemble des acteurs concernés, au premier rang desquels figurent les contribuables et les collecteurs : des campagnes de communication et d’accompagnement ont ainsi été mises en œuvre. (cf. fiche n° 2).

– effectuer des expérimentations (été 2017) ([255]) et prévoir une phase de préfiguration à l’automne 2018 consistant en une simulation à grande échelle du PAS, dans les entreprises volontaires, entre les mois de septembre et décembre ;

– conduire un audit sur les caractéristiques de la réforme, réalisé par l’IGF ([256]) ;

– mettre en place en partenariat avec les éditeurs de logiciels. Une charte a ainsi été signée avec 159 éditeurs ([257]).

L’ensemble de ces actions a permis d’identifier et de résoudre certaines lacunes résiduelles révélées par les tests et de proposer des correctifs avant la mise en œuvre de la réforme.

3.   Des aménagements apportés au dispositif depuis l’automne 2017

Des aménagements ont été apportés au dispositif de PAS dans la seconde loi de finances rectificative pour 2017 ([258]). D’importance inégale, ceux-ci s’analysent comme des compléments apportés à la lumière des résultats des évaluations supplémentaires conduites par le Gouvernement et des préconisations notamment formulées par l’IGF.

Parmi les éléments nouveaux introduits ([259]), une phase de préfiguration du PAS, à partir du mois de septembre 2018 et jusqu’à l’entrée en vigueur de la réforme, le 1er janvier 2019, a été instaurée.

a.   Des phases d’expérimentation permettant de tester le dispositif du PAS

Dans le cadre de la préparation de la mise en œuvre de la réforme, plusieurs phases de tests ont été réalisées afin de sensibiliser les acteurs aux enjeux associés au PAS et de s’assurer que sa mise en œuvre se ferait dans des conditions satisfaisantes. À titre d’illustration, la phase de tests organisée de mars à juin 2018 était axée sur la sécurisation des logiciels de paie, d’une part, et des échanges entre les collecteurs et l’administration fiscale, d’autre part. Elle a donné lieu à un engagement des éditeurs, notamment formalisée dans une charte (cf. infra), à tester l’ensemble des cas fonctionnels concernés par leurs logiciels, en contrepartie d’un accompagnement privilégié de l’administration. L’analyse de la « complétude de la couverture fonctionnelle de cette phase test » fait l’objet d’une analyse, dont les conclusions n’étaient, au moment de la rédaction du présent rapport, pas disponibles.

Par ailleurs, un comité de suivi du PAS a été créé. Réuni par le ministre dans les territoires et associant acteurs locaux (notamment des élus), associations professionnelles (à l’image de l’ordre des experts comptables ainsi que la principale association des éditeurs de logiciels) et représentants des collecteurs (administrations ([260]), collectivités territoriales, établissements publics hospitaliers…), le comité s’est réuni tous les mois depuis le mois de mars 2018 ([261]).

Les comités, dont l’ordre du jour est consacré à des points généraux permettant de faire le point sur l’avancée de la réforme, notamment dans ses aspects techniques, ainsi que sur des « focus thématiques » ([262]) sont le terrain privilégié des remontées du terrain, lesquelles permettent d’identifier les difficultés susceptibles de se présenter lors de la mise en œuvre du prélèvement à la source.

Un premier bilan du « pilote », dressé par le ministère de l’action et des comptes publics lors du comité de suivi du 11 juin 2018 permet d’indiquer que « 79 millions de lignes de revenus sont couvertes par les déclarations déposées depuis le 1er mars ([263]) » et que 121 éditeurs signataires de la Charte ont déjà déposé une déclaration (déclaration sociale unique – DSN – ou déclaration de prélèvement à la source pour les revenus autres  PASRAU) dans le cadre du pilote. Un bilan complet du pilote sera communiqué à la fin du mois de juillet 2018.

Comité de suivi ministériel du PAS

Présidé par le ministre de l’action et des comptes publics, le premier comité de suivi du PAS a été organisé le 26 mars 2018 à Beauvais. Ce premier comité a notamment été l’occasion d’organiser, avec des représentants locaux des différentes catégories de collecteurs ainsi que des administrations et organismes de protection sociales impliqués dans le projet, une visite des locaux de l’éditeur de logiciel ISAGRI qui participe à la phase pilote de 2018.

Le second comité de suivi du PAS s’est tenu le 2 mai 2018 à Dijon dans les locaux de l’éditeur CPAGE, spécialisé dans l’offre aux établissements publics de santé. Un point d’étape sur l’avancement des travaux, notamment sur les tests Pilote en cours, a été réalisé.

Le troisième comité de suivi du PAS, qui s’est déroulé le 11 juin 2018 à Rugles, a notamment été l’occasion de faire un focus sur le traitement de l’année de transition avec le crédit d’impôt de modernisation du recouvrement (CIMR), applicable aux revenus non exceptionnels de 2018 dans le champ de la réforme. C’est également lors de ce comité que le ministre a annoncé les mesures qui seraient prises concernant l’acompte pour les réductions et crédits d’impôt récurrents.

Par ailleurs, à compter de septembre 2018, la DGFiP ([264]) ira à la rencontre des éditeurs qui n’ont pas participé à cette phase pilote afin de pouvoir sécuriser avec eux les solutions techniques qu’ils mettront en œuvre à compter de janvier 2019.

b.   La préfiguration du PAS : une période « test » particulièrement utile pour sensibiliser les entreprises et les contribuables

Afin d’accompagner la mise en œuvre du PAS en renforçant notamment l’adhésion des collecteurs et des contribuables, une phase de préfiguration sera mise en place en septembre 2018 pour la partie de l’impôt correspondant aux rémunérations versées entre octobre et décembre 2018. La participation est régie par le principe de volontariat. La mise en place d’une phase de préfiguration de la réforme répond notamment à une préconisation de l’IGF ([265]).

Les collecteurs qui participeront à cette phase « test » se verront par conséquent communiquer par l’administration fiscale le taux à appliquer à chacun de leurs salariés ([266]).

Les informations recueillies par la rapporteure indiquent que l’adhésion des clients des éditeurs de logiciels de paie au PAS est satisfaisante, les retours étant majoritairement positifs. Toutefois, un point d’attention doit être mentionné s’agissant de la préfiguration de la réforme. Il conviendra, en effet, de se montrer particulièrement attentif à la robustesse des serveurs des collecteurs lorsque ceux-ci seront confrontés à une volumétrie plus importante que celle des phases de test préalables à la mise en œuvre du PAS. Ce point d’alerte, notamment formulé au regard des enseignements tirés du déploiement progressif de la DSN et de celui de l’attestation employeur sous forme de fichier généré par le logiciel de paie en format EDI – lequel avait conduit à des dysfonctionnements importants des serveurs de Pôle emploi –, appelle une vigilance technique toute particulière.

Les bulletins de paie indiqueront les éléments liés au PAS. L’assiette, le taux et le montant de la retenue à la source devront ainsi obligatoirement figurer sur les bulletins de paie, conformément à l’arrêté du 9 mai 2018 ([267]). Les montants nets à payer avant et après la retenue de l’impôt à la source seront clairement identifiés et différenciés pour permettre aux salariés de garder leurs repères et de constater que leur salaire n’a pas diminué du fait du PAS.

La nouvelle version du bulletin de paie a fait l’objet de tests réalisés par l’administration auprès d’un panel « représentatif de contribuables » ([268]) dont les principales conclusions sont positives. Les tests ont souligné la bonne compréhension de ce nouveau bulletin et des mentions ajoutées en raison de la mise en place du PAS. Un besoin de communication spécifique a également été souligné afin d’accompagner au mieux le déploiement du nouveau modèle ([269]).

Du côté des éditeurs, la réception du modèle de bulletin de paie est plus contrastée. Il apparaît en effet que certaines des dispositions de l’arrêté du 9 mai 2018 ne pourront être satisfaites en l’état des dispositifs techniques existants. Il importe toutefois que la mise en œuvre du PAS se fasse dans des conditions satisfaisantes, qui concilient à la fois les contraintes techniques des outils informatiques, la nécessité de respecter lesprit de la réglementation et le besoin de préserver luniformité des bulletins de paie.

La rapporteure estime quil est nécessaire de faire preuve de souplesse, le temps quune solution commune à lensemble des éditeurs de logiciels de paie, compatible avec les exigences réglementaires relatives au bulletin de paie, soit élaborée. Dans l’intervalle, la rapporteure invite l’administration à accepter la mise en œuvre de solutions transitoires équivalentes à celles prévues par l’arrêté du 9 mai 2018.

Une telle souplesse permettrait datteindre les objectifs de larrêté – notamment s’agissant de la lisibilité et de la mise en évidence de certaines informations –, y compris dans le cas où certaines demandes ne seraient pas immédiatement satisfaites, faute de solutions logicielles disponibles ([270]). Par ailleurs, dans la perspective de changements futurs du modèle de bulletin de paie, il est indispensable de veiller à ce que l’ensemble des acteurs institutionnels (Gouvernement, Parlement et administrations concernées) aient une connaissance suffisante des dispositifs techniques existants comme de leurs contraintes pour que le travail législatif et réglementaire accompli afin de garantir l’uniformité des bulletins de paie donne lieu à des propositions dont la mise en œuvre effective et rapide ne soulève pas de difficultés.

Modèle de bulletin de paie à compter du 1er janvier 2019

Source : arrêté du 9 mai 2018 précité.


Le temps supplémentaire associé au report de l’entrée en vigueur du PAS a donc permis d’apporter à l’ensemble du dispositif des aménagements et des compléments très utiles. D’autres éléments pourraient compléter la liste, en particulier s’agissant des modalités du PAS concernant les particuliers employeurs (cf. fiche n° 4).

D:\Utilisateurs\EVALETOUX\Mes documents\Mes images\pas_infog_grandes-etapes600.png

Source : https://www.economie.gouv.fr/prelevement-a-la-source/quand-et-comment.

Légende

Source : commission des finances.

Collecteurs de la sphère sociale

Suivi des remarques formulées par linspection générale des finances
dans laudit de septembre 2017 précité

Plusieurs points de vigilance soulevés par l’IGF au sujet des collecteurs ont fait l’objet de travaux de la part de l’administration, en particulier dans la sphère sociale.

Selon les éléments transmis à la rapporteure, les organismes de sécurité sociale ont effectué les développements informatiques nécessaires à la mise en œuvre du PAS et permettant notamment les échanges techniques avec la DGFiP et l’intégration dans leurs systèmes d’information des taux de prélèvement à appliquer. Les organismes complémentaires se sont également mobilisés.

L’ensemble du dispositif technique déployé par ces collecteurs a été validé à l’occasion de tests internes, ainsi que dans le cadre de la participation au pilote proposé par la DGFiP en 2018. Au 20 avril 2018, 51 entités verseuses de revenus de remplacement participaient au pilote ; près de 100 organismes sont inscrits au pilote à la date du 20 mai 2018.

Ces validations ne concernent pas les plateformes CNCESU et PAJEMPLOI dont le retard pris sur les solutions « tout en un » ne permettra pas de réaliser le prélèvement à la source avant janvier 2020.

4.   Une modalité de perception de l’impôt codifiée

Le dispositif du prélèvement à la source figure désormais dans le CGI ainsi que dans le LPF et dans le code de la sécurité sociale (CSS).

La plupart des dispositions introduites entrera en vigueur le 1er janvier 2019. Toutefois, compte tenu de la phase de préfiguration du PAS, de la nécessité de préserver la confidentialité du processus et de la possibilité, pour les contribuables, de choisir au mois de septembre 2018 certaines options, certaines dispositions entreront en vigueur de manière anticipée, au 1er septembre 2018.

a.   Les dispositions législatives introduites dans le CGI

– règles relatives au prélèvement à la source (principe, champ, calcul, assiette, taux, options prévues) : articles 204 A à 204 N ;

– obligations déclaratives des collecteurs (telles que les entreprises et les caisses de retraites) : articles 87‑0 A, 87 A, 89 A ;

– modalités de recouvrement et de versement du prélèvement à la source : articles 1663 B, 1663 C, 1671, 1679 quinquies, 1680 A et 1681 ter

– sanctions des contribuables : article 1729 G ;

– sanctions des collecteurs (retard de paiement, insuffisance de retenue à la source ou manquements déclaratifs, rétention des retenues à la source réalisées) : articles 1731, 1759‑0 A et 1771 ;

– sanction des collecteurs pour violation du secret professionnel : article 1753 bis C ([271]) ;

– acompte de 30 % sur certains crédits d’impôts récurrents : article 1665 bis ;

 article 302 decies : règles applicables aux représentants fiscaux des personnes non établies en France.

b.   Les dispositions codifiées dans le livre des procédures fiscales

– article L. 288 A : transmission des taux d’imposition par l’administration aux collecteurs et extension vis-à-vis de ces derniers de l’obligation de secret professionnel attachée aux taux.

c.   Les dispositions codifiées dans le code de la sécurité sociale

– article L. 136‑6‑1 : prélèvement à la source des prélèvements sociaux.

Par ailleurs, certaines des précisions apportées figurent dans la loi de finances pour 2017 ([272]), dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 22 septembre 2017 ayant décalé d’un an de l’entrée en vigueur du prélèvement à la source ([273]) et de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 ([274]) qui a procédé à plusieurs ajustements et aménagements du dispositif du prélèvement à la source :

– modalités d’entrée en vigueur du prélèvement à la source : G du I de l’article 60 ;

– phase de préfiguration : I bis de l’article 60 ;

– période de transition (incluant les dispositions relatives au crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement) : II de l’article 60.

5.   Des textes réglementaires d’application

Certaines dispositions adoptées renvoient à des textes réglementaires le soin de préciser leur condition d’application :

7 décrets et 4 arrêtés ont ainsi été publiés.

– décret n° 2017-697 du 2 mai 2017 précisant les modalités de présentation des réclamations relatives au prélèvement à la source de limpôt sur le revenu ainsi que les modalités de recouvrement forcé de lacompte prévu à larticle 1663 C du CGI ;

– décret n° 2017-802 du 5 mai 2017 relatif aux prises de position formelles de ladministration sur léligibilité déléments de rémunération au crédit dimpôt « modernisation du recouvrement ». Ce décret définit les modalités de la procédure optionnelle de rescrit spécifique au profit des employeurs, pour le compte de leurs salariés, permettant aux premiers de solliciter une prise de position de l’administration fiscale sur le caractère exceptionnel ou non des revenus versés aux seconds, pour l’application du CIMR ;

– décret n° 2017-858 du 9 mai 2017 relatif aux modalités de décompte et de déclaration des effectifs, au recouvrement et au calcul des cotisations et des contributions sociales ;

– décret n° 2017-866 du 9 mai 2017 relatif aux modalités d’application de la retenue à la source de l’impôt sur le revenu prévue au 1° du 2 de l’article 204 A du CGI. Ce décret énumère notamment les informations que les débiteurs de la retenue à la source doivent déclarer chaque mois à l’administration fiscale, dans la DSN ou dans la déclaration PASRAU. Sont aussi prévus les délais de transmission de ces informations et de paiement, ainsi que les modalités de régularisation des paiements ;

– décret n° 2017-975 du 10 mai 2017 portant application de larticle 60 de la loi  2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 et modification des modes de paiement des impôts sur rôle. Ce décret précise les modalités de paiement et de recouvrement de lacompte dimpôt dû par les titulaires de BIC, BNC, BA et de revenus fonciers. Il redéfinit la portée des textes relatifs aux contrats dadhésion au prélèvement mensuel ou à léchéance, qui sont désormais limités aux seuls impôts locaux (taxe dhabitation et taxe foncière, notamment) ([275]) ;

– décret n° 2017-1676 du 7 décembre 2017 relatif aux modalités d’application de la retenue à la source de l’impôt sur le revenu prévue au 1° du 2 de l’article 204 A du CGI ;

– arrêté du 9 mai 2017 relatif aux modalités déclaratives du prélèvement à la source ([276]) ;

 arrêté du 9 mai 2017 approuvant le cahier technique de la norme déchange applicable à la déclaration dite « PASRAU » ;

– arrêté du 9 mai 2018 modifiant l’arrêté du 25 février 2016 fixant les libellés, l’ordre et le regroupement des informations figurant sur le bulletin de paie mentionné à l’article R. 3243-2 du code du travail.

Plusieurs publications au BOFiP, dont certaines ne sont pas parues au moment de la rédaction du présent rapport, ont vocation à apporter des précisions sur les thématiques reprises dans le tableau ci-dessous.

SynthÈse des publications au Bulletin officiel des finances publiques relatives au prÉlÈvement À la source

Titre 1 : Champ dapplication

Chapitre 1 : Revenus dans le champ du prélèvement à la source

BOI-IR-PAS-10-10

15 mai 2018

 

Section 1 : Revenus soumis à la retenue à la source

BOI-IR-PAS-10-10-10

15 mai 2018

 

Section 2 : Revenus soumis à l’acompte

BOI-IR-PAS-10-10-20

15 mai 2018

Chapitre 2 : Revenus hors champ du prélèvement à la source

BOI-IR-PAS-10-20

15 mai 2018

Titre 2 : Calcul du prélèvement à la source

Chapitre 1 : Assiette du prélèvement à la source

BOI-IR-PAS-20-10

15 mai 2018

 

Section 1 : L’assiette de la retenue à la source

BOI-IR-PAS-20-10-10

15 mai 2018

 

Section 2 : L’assiette de l’acompte

BOI-IR-PAS-20-10-20

15 mai 2018

 

Sous-section 1 : Dispositions communes

BOI-IR-PAS-20-10-20-10

15 mai 2018

 

Sous-section 2 : Règles particulières aux revenus imposables dans les catégories BIC, BA ou BNC

BOI-IR-PAS-20-10-20-20

15 mai 2018

 

Sous-section 3 : Règles applicables aux revenus fonciers

BOI-IR-PAS-20-10-20-30

15 mai 2018

 

Sous-section 4 : Règles applicables aux autres revenus

BOI-IR-PAS-20-10-20-40

15 mai 2018

Chapitre 2 : Taux du prélèvement à la source

BOI-IR-PAS-20-20

15 mai 2018

 

Section 1 : Taux du prélèvement - Taux déterminé pour le foyer fiscal (« taux de droit commun »)

BOI-IR-PAS-20-20-10

 

 

Section 2 : Taux individualisé

BOI-IR-PAS-20-20-20

 

 

Section 3 : Taux proportionnel résultant de la grille de taux par défaut BOI-IR-PAS-20-20-30

 

 

Sous-section 1 : Situations et modalités d’application du taux proportionnel résultant de la grille de taux par défaut

BOI-IR-PAS-20-20-30-10

 

 

Sous-section 2 : Option pour l’application du taux proportionnel résultant de la grille de taux par défaut

BOI-IR-PAS-20-20-30-20

 

Chapitre 3 : Actualisation du prélèvement à la source

BOI-IR-PAS-20-30

 

 

Section 1 : Changement de situation au sein du foyer fiscal

BOI-IR-PAS-20-30-10

 

 

Section 2 : Modulation

BOI-IR-PAS-20-30-20

 

 

Sous-section 1 : Conditions d’application de la modulation du prélèvement

BOI-IR-PAS-20-30-20-10

 

 

Sous-section 2 : Mise en œuvre du taux ou des acomptes modulés

BOI-IR-PAS-20-30-20-20

 

 

Sous-section 3 : Sanctions applicables

BOI-IR-PAS-20-30-20-30

En cours de rédaction

 

Section 3 : Début et fin de perception de revenus soumis à acompte

BOI-IR-PAS-20-30-30

 

Titre 3 : Modalités dapplication du prélèvement

Chapitre 1 : Modalités dapplication de la retenue à la source

BOI-IR-PAS-30-10

31 janvier 2018

 

Section 1 : Personne tenue d’effectuer la retenue à la source ou « collecteur »

BOI-IR-PAS-30-10-10

31 janvier 2018

 

Section 1.5 : Modalités d’application de la retenue à la source - Phase préparatoire

BOI-IR-PAS-30-10-15

31 janvier 2018

 

Section 2 : Modalités de mise à disposition et d’application du taux de prélèvement

BOI-IR-PAS-30-10-20

31 janvier 2018

 

Section 3 : Obligations de la personne tenue d’effectuer la retenue à la source

BOI-IR-PAS-30-10-30

31 janvier 2018

 

 

Sous-section 1 : obligations déclaratives du débiteur de la RAS

BOI-IR-PAS-30-10-30-10

31 janvier 2018

 

 

Sous-section 2 : obligations de paiement et de versement mises à sa charge

BOI-IR-PAS-30-10-30-20

31 janvier 2018

 

Section 4 : Régimes particuliers : particuliers employeurs et autres titres simplifiés en matière sociale, guichet unique du spectacle occasionnel

BOI-IR-PAS-30-10-40

En cours de rédaction

 

Section 5 : Régularisations diverses d’assiette ou de taux

BOI-IR-PAS-30-10-50

En cours de rédaction

 

Section 5 : Le recouvrement, les sanctions, le contrôle et le contentieux liés à la retenue à la source

BOI-IR-PAS-30-10-60

En cours de rédaction

Chapitre 2 : Modalités dapplication de lacompte

BOI-IR-PAS-30-20

15 mai 2018

 

Section 1 : Modalités de versement et de paiement de l’acompte

BOI-IR-PAS-30-20-10

15 mai 2018

 

Section 2 : Échelonnement infra-annuel pour les titulaires de certains revenus

BOI-IR-PAS-30-20-20

15 mai 2018

Titre 4 : Prélèvement à la source des contributions et prélèvements sociaux

15 mai 2018

Titre 5 : Mesures transitoires

Chapitre 1 : Crédit dimpôt pour la modernisation du recouvrement

BOI-IR-PAS-50-10

4 juillet 2018

 

Section 1 : Modalités de calcul et d’imputation du CIMR

BOI-IR-PAS-50-10-10

4 juillet 2018

 

Section 2 : Revenus non exceptionnels ouvrant droit au bénéfice du CIMR

BOI-IR-PAS-50-10-20

4 juillet 2018

 

 

Sous-section 1 : Revenus non exceptionnels imposables selon les règles des traitements, salaires, pensions et rentes viagères

BOI-IR-PAS-50-10-20-10

En préparation

 

 

Sous-section 2 : Revenus non exceptionnels relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), bénéfices non commerciaux (BNC) ou bénéfices agricoles (BA)

BOI-IR-PAS-50-10-20-20

En préparation

 

 

Sous-section 3 : Revenus non exceptionnels des dirigeants de sociétés

BOI-IR-PAS-50-10-20-30

En préparation

 

 

Sous-section 4 : Revenus non exceptionnels relevant de la catégorie des revenus fonciers

BOI-IR-PAS-50-10-20-40

4 juillet 2018

 

Section 3 : Mesures de contrôle spécifiques au CIMR

BOI-IR-PAS-50-10-30

En préparation

 

Section 4 : CIMR applicable en matière de contributions et prélèvements sociaux

BOI-IR-PAS-50-10-40

4 juillet 2018

Chapitre 2 : Autres mesures transitoires

BOI-IR-PAS-50-20

4 juillet 2018

 

Section 1 : Modalités dérogatoires de déduction des charges en matière de revenus fonciers

BOI-IR-PAS-50-20-10

4 juillet 2018

 

Section 2 : Modalités dérogatoires de déduction des charges du revenu global - monuments historiques et assimilés dont le propriétaire se réserve la jouissance

BOI-IR-PAS-50-20-20

4 juillet 2018

 

Section 3 : Modalités dérogatoires de déduction des charges du revenu global - cotisations et primes d’épargne

BOI-IR-PAS-50-20-30

4 juillet 2018

 

Section 4 : Procédure de rescrit spécifique pour les revenus salariaux non exceptionnels

BOI-IR-PAS-50-20-40

4 juillet 2018

 

Section 5 : Extension du délai de reprise pour l’imposition des revenus de l’année 2018

BOI-IR-PAS-50-20-50

En préparation

Le BOFiP du 31 janvier 2018 ([277]) précise le champ d’application de la représentation fiscale, les modalités de désignation et d’accréditation du représentant ainsi que ses obligations et indique que le représentant est tenu de remplir les formalités incombant au débiteur non établi en France et à reverser au service des impôts les retenues à sa place. Les modalités d’accréditation du représentant fiscal sont précisées par l’article 357 H bis de l’annexe III du CGI.

Pour mémoire, cette procédure d’accréditation auprès de l’administration fiscale du débiteur de la retenue à la source s’applique, sous dans certaines conditions ([278]), lorsque celui-ci n’est pas établi en France. Il s’agit principalement des cas où une entreprise qui n’a pas d’établissement en France verse des salaires à raison d’une activité exercée en France à un salarié dont le domicile fiscal est situé en France. Selon les informations transmises par la DGFiP, environ 1 000 entreprises étrangères ([279]) sont concernées par cette procédure ; 200 sont déjà connues par les services de la DGFiP et disposent d’un représentant fiscal
– qu’elles pourront conserver – et 800 sont connues des organismes sociaux avec lesquels la DGFiP est en lien.

Principale disposition transitoire, le CIMR doit également faire l’objet de précisions complémentaires. Le chapitre 1 du titre 5 lui est consacré ([280]). Il est regrettable que les précisions devant être apportées sur la notion de revenus exceptionnels ou non exceptionnels au sens du CIMR ne soient, à la mi-juillet, toujours pas publiées. (cf. fiche n° 3).


—  1  —

Fiche n° 2 : Une communication institutionnelle au service de la bonne mise en œuvre du prélèvement à la source

1.   Un point d’entrée unique : le site internet prélèvement à la source

Le succès de la réforme, notamment mesurable par sa mise en œuvre efficace et fluide, dépend en grande partie de la communication qui l’entoure. L’importance du changement qu’implique le PAS, pour les contribuables comme pour les entreprises – lesquelles seront le premier collecteur de l’impôt – explique que d’importants efforts ont été déployés pour accompagner la mise en place de la réforme.

Outre des campagnes de communication ciblées, en fonction de la nature des destinataires, les services du ministère de l’économie et des finances ont développé une interface accessible et fonctionnelle proposant des contenus personnalisés en fonction des acteurs :

le site www.economie.gouv.fr/prelevement-a-la-source.

La page d’accueil présente des « focus » thématiques sur les principales interrogations susceptibles de naître auprès des internautes.

Source : https://www.economie.gouv.fr/prelevement-a-la-source

 

Six points d’entrée pour comprendre la réforme sont ainsi proposés. Ils concernent :

– les raisons de la réforme : « Pourquoi ? » ;

– les modalités et le calendrier de la réforme : « Quand et comment ? » ;

– les enjeux de confidentialité : « Quelle confidentialité ? » ;

– l’année de transition : « Année de transition ? » ;

– le fonctionnement pratique pour le contribuable (« Comment ça marche pour le contribuable ? ») comme pour le collecteur (« Comment ça marche pour le collecteur ? »). La communication ciblée en fonction de la nature de l’internaute permet de bien identifier les enjeux spécifiques à chaque catégorie d’acteur.

Par ailleurs, un numéro d’appel dédié au PAS (0811 368 368) a été mis en place et permet de répondre aux questions des citoyens, que celles-ci soient générales ou individuelles. Les centres de contact qui prennent en charge l’accueil à distance permettent ainsi d’offrir une assistance dans les démarches des contribuables.

Des efforts spécifiques de formation des agents la DGFiP ont également complété le dispositif global d’accompagnement de la mise en place du PAS. Afin qu’ils soient en mesure de répondre aux interrogations des contribuables sur le PAS, 40 000 agents sont appelés à recevoir une formation sur le sujet :

– 30 000 agents des services des impôts des particuliers (SIP) ont déjà été formés ;

– 10 000 agents des services des impôts des entreprises (SIE) le seront à l’automne 2018.

2.   Une communication affinée pour accompagner au mieux les collecteurs

Comme il s’y était engagé, le Gouvernement a pris soin d’élaborer une communication spécifique pour les collecteurs en distinguant notamment les entreprises et les associations, les administrations (État, collectivités territoriales, hôpitaux publics) et les caisses de retraite et autres payeurs de pensions et de retraite.

Une foire aux questions et une foire aux questions « spécial collecteur » complètent le panorama d’ensemble. Il a été indiqué à la rapporteure que le kit collecteur, qui s’enrichit progressivement, sera prochainement complété d’un « pas à pas » permettant de guider les collecteurs lors de leur première connexion à l’application PASRAU. En outre, afin de tenir compte de la demande exprimée lors d’un précédent comité de suivi, une version simplifiée de ce kit sera mise en ligne.

Par ailleurs, des guides pratiques à destination des chefs d’entreprise, des services comptables, des services paie et ressources humaines, des particuliers employeurs, des indépendants ou encore des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ont été réalisés. Ils permettent de donner à l’ensemble des acteurs des informations concrètes sur la façon dont la mise en œuvre du PAS va s’insérer dans leurs tâches mensuelles de traitement de la paie.

Source : https://www.economie.gouv.fr/prelevement-a-la-source/kit-collecteur

À l’exception de l’assistance fournie depuis la plateforme téléphonique ([281]), l’ensemble des éléments de communication établis pour les contribuables et les collecteurs sont gratuitement mis à leur disposition. Au total, l’effort de pédagogie dont fait preuve le Gouvernement s’accompagne d’un effort financier non négligeable : selon les informations transmises à la rapporteure, le budget consacré à la communication sur le PAS pour 2017-2018 sélève à 9,5 millions deuros.

Une campagne de communication tournée vers les collecteurs

La stratégie de communication s’articule autour des axes suivants :

– des visuels déclinés en presse et sur internet, dans une sélection de médias spécialisés et généralistes, ciblant notamment les chefs d’entreprises et dirigeants, les artisans et commerçants, les services RH, les responsables de paie ou encore les comptables ;

– des relations presse spécifiques « métiers » pour produire des articles sur une base de 5 000 contacts dans des médias et sites professionnels ou relais d’opinion ;

– un partenariat sera conclu avec Les Echos.fr pour un an ; il donnera lieu à la création d’un espace dédié sur le site du journal, proposant des contenus sur mesure sur le PAS (articles et infographies par exemple).

3.   Un plan de communication diversifié et organisé autour de plusieurs temps forts

Outre le site dédié au PAS, régulièrement enrichi de nouveaux focus thématiques, le ministère de l’économie et des finances s’est appuyé sur les services d’une agence de communication pour élaborer un plan de communication large, séquencé en plusieurs étapes et temps forts jusqu’à la mise en œuvre du PAS le 1er janvier 2019.

Au total, le coût de la communication externe sur le PAS s’élève à 4,5 millions d’euros en 2018. L’effort de communication devrait également se prolonger en 2019, une fois la réforme entrée en vigueur.

À la campagne de communication déclaration en ligne/service « gérer mon prélèvement à la source » réalisée entre le 12 avril et le 11 mai 2018, succède, à partir du mois de juin 2018 et jusqu’à la mise en œuvre de la réforme en janvier 2019, une campagne uniquement consacrée au PAS. Celle-ci est articulée autour de trois objectifs :

– expliquer aux contribuables les bénéfices de la réforme ;

– rappeler que l’administration demeure leur interlocuteur unique ;

– insister sur la nécessité pour les contribuables de continuer à procéder à la déclaration de leurs revenus.

La campagne sera organisée en trois temps forts successifs complémentaires :

– avant l’été 2018, la communication sera principalement axée vers les collecteurs, en mobilisant trois canaux différents (presse, canaux digital et audio) ;

– à l’automne 2018, un bref spot d’information portant sur les principales questions que se posent les contribuables sera diffusé à la télévision ;

– en fin d’année 2018 et en début d’année 2019, un second spot sera diffusé à la télévision et portera sur la fiche de paie et rappellera que la DGFiP demeure l’interlocuteur unique des contribuables.

L’accent est mis sur la lutte contre les idées reçues ou les fausses idées qui entourent la mise en place de la réforme. Des vignettes spécifiques ont ainsi été réalisées ([282]), reprenant certaines des interrogations fréquentes des contribuables. À l’issue du comité de suivi du 2 mai 2018, trois nouvelles vignettes portant sur les réductions et crédits d’impôt et sur le rôle de guichet unique de l’administration fiscale ont été créées.

Un sondage réalisé au mois de mai 2018 auprès de 613 chefs d’entreprise a été organisé afin d’apprécier l’adhésion au PAS. Les résultats indiquent qu’une large majorité (57 %) des sondés se déclarent favorables au PAS ([283]). La ventilation des réponses en fonction de la taille de l’entreprise illustre que les efforts déployés par le Gouvernement auprès des TPE et des PME ont sans doute permis d’amoindrir certaines de réticences initiales liées à la mise en œuvre du PAS. Cela plaide pour la poursuite des efforts en direction de ces acteurs. La campagne de communication spécifique ainsi que l’accompagnement de qualité réalisé, sur le terrain, par les agents des DDFiP qui participent et animent de très nombreuses réunions d’information à destination des chefs d’entreprise, sont pour cela parfaitement complémentaires.

Source : documents du comité de suivi interministériel du PAS du 11 juin 2018.

4.   La communication des acteurs de la sphère sociale

La mise en place du PAS concernera les organismes de la sphère sociale qui versent à leurs allocataires des revenus entrant dans le champ d’application de la réforme. La communication auprès de ces acteurs ne doit, par conséquent, pas être négligée.

La sécurité sociale a ainsi mis en place des actions de communication au bénéfice des personnes retraitées et des particuliers employeurs. Il s’agit principalement de dépliants ciblés et de campagne de communication.

Selon les informations transmises à la rapporteure par la direction de la sécurité sociale (DSS), une communication ciblée, centrée sur les média web et print (site, dépliants) a débuté au moment de la campagne de déclaration des revenus, en avril 2018. Les messages délivrés sont alignés sur ceux de la campagne déployée par la DGFiP et visent ainsi à informer les contribuables des effets et du calendrier de la réforme.

Des actions spécifiques à destination des personnels en contact avec le public ont également été organisées avec la diffusion, au mois d’avril 2018, d’un script de questions-réponses sur le PAS.

Les actions de communication ont consisté en une publication, sur les sites institutionnels des organismes, d’une foire aux questions et d’un encart d’actualité contenant un lien renvoyant vers le site https://www.economie.gouv.fr/prelevement-a-la-source, sur la page de la vidéo explicative de la DGFiP. Des « flyers » ont été mis à la disposition du public dans les points d’accueil.

Les organismes sociaux ont décliné leur campagne de communication pour tenir compte des situations des personnes retraitées. Des actions spécifiques ont ainsi ou seront mises en place au cours de l’année 2018.

– En avril, un dossier spécifique « Retraite et déclaration de revenus » a été intégré à la newsletter « Parlons retraite » destinées aux retraitées et adressées à 1,7 million de personnes. À titre d’illustration, un encadré spécifique sur le PAS a été intégré à la version de février 2018 du dépliant.

Source : Sécurité sociale, Lassurance retraite, « Retraite et déclaration des revenus », février 2018.

– En avril et mai 2018, une opération d’emailing auprès de 162 000 contacts (inscrits au « push déclaration préalable ») a été effectuée et le dépliant « Retraite et déclaration de revenus » a été ajouté, de manière systématique, à tout courrier envoyé, que cela soit à l’occasion d’une notification de retraite, d’un changement de coordonnées bancaires, d’une attestation de paiement ou d’un questionnaire de ressources. Au total, 400 000 contacts ont été destinataires du dépliant.

– En juin 2018, le « Guide du nouveau retraité » doit être mis à jour pour inclure les éléments sur le PAS. Ce guide est adressé à chaque nouveau retraité au moment de la notification de la retraite.

– En juin ou en septembre 2018, une communication sur le PAS sera intégrée à la newsletter « Parlons retraite » destinée aux actifs de plus de 55 ans, 900 000 contacts.

5.   Les enseignements du sondage réalisé par Harris interactive à six mois de la mise en œuvre du prélèvement à la source

Réalisé en ligne du 12 au 14 juin 2018 sur un échantillon représentatif de 1 001 personnes âgées de 18 ans et plus, le sondage réalisé par Harris interactive sur l’anticipation de la mise en œuvre du PAS comporte plusieurs enseignements intéressants ([284]).

– 58 % des personnes interrogées se déclarent « bien informées » sur la mise en place du PAS ; une analyse plus fine indique que la proportion de personnes qui se sentent le mieux informées est plus importante parmi les plus âgés ainsi que parmi les plus hauts niveaux de revenus ;

– l’attente d’information est forte, en particulier sur la façon dont seront pris en compte les réductions et crédits d’impôt ou sur les interlocuteurs à contacter en cas de questions et/ou réclamations sur le PAS ;

– plus de la moitié des personnes interrogées ignore que les indemnités chômage (55 %) et celles qui sont versées en cas d’arrêt de travail (51 %) seront concernées par la réforme ; ce qui rend d’autant plus importante les efforts de communication envisagés par les acteurs de la sphère sociale (cf. supra) ;

– moins de la moitié des sondés (45 %) s’estime bien informée sur les conditions d’imposition au cours de l’année de transition ;

– les femmes, les personnes non imposables et les personnes employées à temps partiel ne sentent pas bien informées ; il est donc important de prévoir une communication ciblée sur lensemble de ces personnes qui peuvent, le cas échéant, répondre à ces trois critères à la fois.

Il conviendra de repenser et de « re-calibrer » la communication à destination des particuliers employeurs qui, à la suite des annonces du ministre de l’action et des comptes publics, ne seront concernés par le PAS qu’à compter de janvier 2020. L’accent devra être mis sur les outils d’aides qui seront déployés pour les utilisateurs de chèques CESU papier.

Fiche n°3 : L’année de transition. Focus sur le crédit d’impôt de modernisation du recouvrement (CIMR)

1.   Le CIMR, un mécanisme exceptionnel pour éviter la double imposition des contribuables

Mettre fin au décalage temporel qui existe actuellement entre la perception des revenus et leur imposition nécessite de prévoir des modalités spécifiques pour la période de transition vers un système caractérisé par la contemporanéité de l’imposition. C’est la condition sine qua non pour éviter que les contribuables n’aient à acquitter, au moment de la mise en place du PAS, à la fois les impôts dus au titre de l’année 2018 et de l’année 2019.

Pour éviter une telle double imposition, un « crédit d’impôt de modernisation du recouvrement » (CIMR) sera mis en place pendant la période transitoire. Il permettra d’« annuler » l’impôt dû par les contribuables au titre des revenus perçus en 2018.

Le CIMR sera égal au montant de l’impôt que les contribuables auraient dû acquitter au titre des revenus précédant la mise en œuvre de la réforme, s’agissant des revenus non exceptionnels inclus dans le champ du PAS et avant imputation des éventuels réductions et crédits d’impôt. Ce mécanisme permettra ainsi de conserver pour les contribuables le bénéfice des avantages fiscaux au titre des dépenses et investissements réalisés en 2018 (dons, emploi d’un salarié à domicile, investissements locatifs, etc.).

Concrètement, les contribuables auront procédé à la déclaration des revenus perçus en 2017 au printemps 2018. L’impôt dû sur ces revenus sera, dans un premier temps, liquidé à l’été 2018 et annulé par le CIMR dès lors que les contribuables ne percevraient que des revenus non exceptionnels inclus dans le champ du PAS et qu’ils ne bénéficieraient d’aucuns avantages fiscaux (réductions ou crédits d’impôt).

Dans le cas où les contribuables auraient droit à des réductions et crédits d’impôt au titre des revenus 2018, l’annulation de l’impôt dû (avant imputation des avantages fiscaux) par le CIMR s’accompagnera d’une restitution des montants concernés par les réductions et crédits d’impôt.

En 2019, les contribuables devront, comme chaque année, procéder à la déclaration des revenus perçus en 2018. Le montant du CIMR sera ensuite calculé de manière automatique par l’administration fiscale, sur la base de ces déclarations. Il figurera sur l’avis d’imposition en septembre 2019, à l’instar des réductions et crédits d’impôt acquis au titre de l’année 2018 et de l’éventuel solde à payer sur les revenus exceptionnels de 2018.

La mise en place du CIMR présente ainsi l’avantage de ne pas faire peser sur les contribuables une charge fiscale trop lourde sur une même année, de leur conserver le bénéfice des éventuels réductions et crédits d’impôt auxquels ils auraient droit et de maintenir globalement le niveau des recettes fiscales pour l’État.

2.   L’identification du caractère exceptionnel ou pas des revenus est un enjeu majeur de la mise en place du prélèvement à la source

Les revenus considérés comme exceptionnels n’étant pas inclus dans le champ du dispositif, leur imposition ne sera pas « effacée » par le CIMR. Ils donneront donc lieu au paiement d’un impôt, afin d’éviter tout effet d’aubaine. Leur correcte identification est indispensable à la mise en œuvre de la réforme et à sa compréhension par les contribuables. Cela est d’autant plus important qu’il appartient aux contribuables eux-mêmes de préciser, au moment de la déclaration de leurs revenus, leur nature exceptionnelle ou pas.

Pour les guider et les accompagner dans cette démarche, une instruction publiée dans le BOFiP donnera des précisions sur la notion de revenus exceptionnels. Une procédure de rescrit spécifique a également été mise en place.

a.   Des précisions attendues de l’administration fiscale sur la notion de « revenus exceptionnels »

Pour les traitements et les salaires, les revenus exceptionnels sont énumérés et concernent, de manière générale, les gratifications surérogatoires (quelle que soit leur dénomination) et tout autre revenu qui, par sa nature, n’est pas susceptible d’être recueilli annuellement ou qui ne trouve pas son origine dans une augmentation de l’activité.

À titre d’illustration, sont considérés comme exceptionnelles certaines indemnités versées à l’occasion de la rupture d’un contrat de travail ou de la cession de clientèle, de cessation d’activité et celles perçues en contrepartie de la cession de la valeur de la clientèle ; les indemnités, allocations et primes versées en vue de dédommager leurs bénéficiaires d’un changement de résidence ou de lieu de travail ; les prestations de retraite servies sous forme de capital ; les sommes perçues au titre de la participation ou de l’intéressement et non affectées à la réalisation de plans d’épargne ([285]).

Des exemples de revenus non exceptionnels : les revenus associés à la réalisation d’heures supplémentaires ; la prime de Noël versée, comme chaque année, par un employeur à ses salariés ; un bonus dont les modalités de calcul sont prévues dans le contrat de travail qui lie le salarié à son employeur ; les revenus issus de la monétisation de jours de congés placés dans un compte épargne temps (CET).

Des précisions complémentaires ont été apportées dans le BOFiP publié le 4 juillet 2018 (cf. fiche n° 1).

b.   Une procédure spécifique permettant d’interroger l’administration fiscale

Afin de faciliter la mise en place de la réforme, une procédure optionnelle de rescrit spécifique a été créée par la loi de finances pour 2017 ([286]). Tout employeur pourra ainsi demander à l’administration fiscale de prendre position sur le cas qui lui est soumis et préciser le traitement fiscal qu’il convient d’opérer pour les revenus versés à l’un de ses salariés en 2018.

Les conditions d’application de ce rescrit spécifique sont précisées dans un décret du 5 mai 2017 ([287]) qui indique notamment les informations particulières qu’il convient de présenter dans la demande soumise à l’administration.

La demande doit notamment préciser « la nature, le montant, les conditions dattribution, le mode de calcul des éléments de rémunération concernés, ainsi que toute autre indication pertinente pour déterminer léligibilité des éléments de rémunération » ([288]) au CIMR. L’administration dispose, pour répondre, d’un délai de trois mois à compter de la date de réception de la demande ou, le cas échéant, de celle des renseignements complémentaires demandés.


Fiche n° 4 : Le prélèvement à la source et les crédits d’impôt : Focus services à la personne

1.   Le traitement des réductions et crédits d’impôt dans le cadre du prélèvement à la source

a.   Pas d’intégration dans le taux de retenue à la source mais un acompte versé en début d’année

Le taux du PAS sur les revenus de l’année N sera calculé à partir de l’impôt acquitté par le foyer fiscal en année N – 1 ou N, avant imputation des réductions et crédits d’impôt. Leur prise en compte interviendra en N + 1, au moment de la régularisation estivale. Le taux de la retenue à la source n’intégrera donc pas les avantages fiscaux correspondant aux réductions et crédits d’impôt acquis par les contribuables.

Le décalage entre les dépenses engagées et la perception des avantages fiscaux afférents est indissociable de la nature et du fonctionnement mêmes des réductions et crédits d’impôt étant donné qu’il est nécessaire de connaître précisément le montant des dépenses éligibles qui ont été engagées pour déterminer, sur leur base, le montant de l’avantage fiscal associé. En cela, le changement de mode de perception de l’impôt ne change rien.

Il faut toutefois distinguer les crédits et réductions d’impôt occasionnels de ceux qui sont liés à des comportements réguliers, reconduits d’une année sur l’autre. La première catégorie concerne, par exemple, les crédits d’impôt accordés en contrepartie de certains investissements ou travaux réalisés par les contribuables (exemple : crédit d’impôt pour la transition énergétique).

La seconde catégorie comprend les dispositifs dont bénéficient, souvent chaque année, les contribuables au titre des frais engagés pour l’emploi d’un salarié à domicile ([289]), au titre des frais de dépendance ([290]) ou des frais de garde des jeunes enfants ([291]). La récurrence de ces réductions et crédits d’impôt plaide pour une réflexion sur la façon dont ils pourraient être pris en compte pour assurer une meilleure contemporanéité avec la retenue à la source. À plus forte raison si l’on considère qu’actuellement, les réductions et crédits d’impôt dont les contribuables bénéficient en N – 2 et en N – 1 sont intégrés dans le taux d’imposition.

Lors des débats parlementaires, la possibilité d’inclure les crédits d’impôt « récurrents » dans le taux du PAS a été envisagée, sans être retenue. Les inconvénients sont en effet apparus supérieurs aux avantages qui pourraient résulter d’une telle mesure ([292]) mais il convient de distinguer plusieurs cas de figure :

– pour les avantages fiscaux non récurrents, l’absence d’intégration des réductions et crédits d’impôt dans le taux du PAS évite les régularisations en année N + 2 ;

– en revanche, pour les avantages fiscaux récurrents, cela conduit à « surprélever » les contribuables entre les mois de janvier et août et à amplifier l’ampleur des régularisations au mois de septembre.

S’agissant des services à domicile et de garde d’enfant, un dispositif particulier a été prévu. Il consiste, pour l’administration fiscale, à procéder à un paiement en deux fois du crédit d’impôt.

Initialement, il était prévu qu’un acompte soit versé en début d’année (au plus tard le 1er mars) et le solde au mois d’août. L’acompte sera égal à 30 % du montant du crédit d’impôt versé l’année précédente tandis que le solde prendra en compte les dernières données disponibles, c’est-à-dire celles obtenues lors de la campagne de déclaration des revenus du printemps de l’année en cours relatives aux dépenses éligibles au crédit d’impôt engagées l’année précédente.

Le Gouvernement a récemment annoncé que les réductions d’impôt accordées aux contribuables accueillis dans un établissement ou service assurant l’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD) ([293]) seraient incluses dans le champ de l’acompte et que le calendrier de restitution de la première partie de l’acompte serait avancé. Celle-ci serait donc versée dès 15 janvier, soit, pour 2019, quinze jours seulement après l’entrée en vigueur du PAS.

b.   Un dispositif bienvenu mais perfectible

La rapporteure considère que le dispositif d’acompte pour ces réductions et crédits d’impôt est un élément positif. L’engagement pris de le payer dès mi-janvier, est de nature à aider concrètement les ménages souvent confrontés à des difficultés de trésorerie en début d’année. De plus, cette avance de trésorerie consentie par l’État dément toute velléité prêtée à l’administration de vouloir « faire de la trésorerie sur le dos des contribuables ». La rapporteure invite toutefois l’administration fiscale à continuer son travail de réflexion sur des modalités de restitution des avantages fiscaux acquis plus favorables encore aux contribuables. Dans cette perspective, la mensualisation de leur paiement constitue une première piste intéressante.

Les sommes quil est prévu de verser au contribuable sous la forme dun acompte de 30 %, calculées sur la base des données disponibles pour lannée N  2, pourraient être restituées non pas en une fois en début d’année mais chaque mois pendant la première partie de l’année. Le principe du paiement mensuel du crédit d’impôt serait le même pour la seconde partie de l’année mais le montant du crédit d’impôt serait calculé sur la base de données plus récentes (année N – 1).

Le découpage de l’année en deux périodes pourrait suivre le calendrier de l’impôt sur le revenu et compter ainsi une première partie d’année de huit mois et une seconde de quatre mois. Il convient de noter qu’en cas d’évolution des avantages fiscaux, à la hausse ou à la baisse, l’ampleur des régularisations en résultant serait plus importante que dans le dispositif qu’il est, à ce stade, prévu d’appliquer, étant donné que les huit premiers mois de l’année donneraient lieu à une restitution calculée sur la base de données de l’année N – 2 (soit deux tiers des sommes versées sur une base N – 2 contre 30 % dans le système du Gouvernement).

Pour affiner le dispositif, il pourrait également être prévu de mettre en place un système auto-déclaratif par lequel les contribuables indiqueraient, lors de leur déclaration de revenus réalisée en année N pour les revenus N – 1, qu’ils engagent/ront des dépenses en année N. Cette déclaration pourrait éventuellement « déclencher », pour l’année suivante, le recours à la mensualisation du paiement du crédit d’impôt.

Une deuxième option pourrait également être explorée. Il s’agirait de mettre en place un système dans lequel l’administration se substituerait au contribuable (particulier employeur) pour la partie des dépenses correspondant à l’avantage fiscal auquel celles-ci ouvrent droit. Dans cette hypothèse, le contribuable ne s’acquitterait donc que du paiement des sommes qu’il aura – dans le système actuel – effectivement à supporter, une fois la restitution du crédit d’impôt opérée ; en d’autres termes, la part mensuelle correspondant au crédit d’impôt du contribuable, imposable ou non, serait directement déduite du montant des charges ou de la facture à acquitter auprès du collecteur ou du fournisseur et prise en charge par l’administration fiscale. L’avantage d’une telle solution réside dans le fait qu’elle s’applique directement à une dépense constatée, laquelle ouvre droit, selon sa nature, à un crédit ou une réduction d’impôt.

Pour être retenue, cette piste devra surmonter plusieurs obstacles, de nature et d’importance inégales :

– si le dispositif semble adapté aux crédits d’impôt, il conviendra d’engager une réflexion sur les réductions d’impôt dont le mécanisme, différent, ne permet pas d’envisager une mise en œuvre dans les mêmes conditions : la question des éventuels « trop-perçus » à restituer par les contribuables pourrait en effet constituer un obstacle important ;

– la mise en œuvre d’un tel système, qui assurerait une plus grande contemporanéité entre les dépenses engagées et la restitution de l’avantage fiscal associé, présenterait des contraintes financières importantes pour l’État au moment de la mise en œuvre puisque les contribuables bénéficieraient deux fois des restitutions des avantages fiscaux au cours d’une même année : au titre de l’année N et au titre de l’année N – 1 ;

– enfin, la substitution de l’administration au contribuable devrait se faire dans le respect des plafonds annuels définis pour chaque catégorie de dispositif fiscal ; ce qui nécessite d’identifier au préalable des solutions techniques le permettant.

Un rapport conjoint de l’IGF et de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur ce sujet a été annoncé. Dans l’attente de la remise de leurs conclusions par les corps d’inspection, la rapporteure estime quil faut poursuivre la réflexion sur chacune de ces deux options et même au-delà et ne sinterdire, à ce stade, aucune piste pour nourrir la discussion (y compris une revalorisation des aides sociales familiales en remplacement du crédit d’impôt).

2.   La mise en œuvre du prélèvement à la source par les particuliers employeurs

L’emploi à domicile

Selon les informations recueillies, environ 2,8 millions ([294]) de particuliers déclarent un salarié effectuant une prestation à leur domicile. La population de salariés ayant pour employeur principal un particulier est, pour sa part, estimée à près d’un million ([295]).

Les relations entre les particuliers employeurs et leurs salariés peuvent être directes ou intermédiées : environ 2,5 millions ([296]) d’employeurs déclarent chaque mois leur salarié via les dispositifs CESU ou PAJEMPLOI et un peu moins de 200 000 ([297]) utilisent les services d’un mandataire.

Pour les utilisateurs de PAJEMPLOI, la procédure est dématérialisée à 99,8 % ; pour ceux du CESU, elle l’est à 72 %.

a.   Un système optionnel de « délégation » de la retenue à la source au profit de PAJEMPLOI et du centre national CESU

Afin de prendre en compte les spécificités liées à la relation de travail dans le cas où l’employeur est un particulier, un dispositif particulier et simplifié est prévu pour faciliter la mise en place du PAS. Celui-ci pourra ainsi s’effectuer à partir des sites de PAJEMPLOI pour les gardes d’enfant et du centre national CESU pour les autres emplois à domicile, de la même manière que sont actuellement versées les cotisations sociales employeurs.

À compter de 2020, les particuliers employeurs pourront ainsi, s’ils en font la demande auprès de PAJEMPLOI et/ou du CESU, leur confier le soin de gérer pour leur compte l’intégralité du processus de rémunération et d’octroi de l’ensemble des aides auxquelles l’employeur peut prétendre. La retenue à la source serait ainsi directement prélevée par les organismes et versée à l’administration fiscale, les conditions du reversement des cotisations sociales à l’URSSAF demeurant inchangées.

L’infographie ci-dessous illustre les étapes de la mise en place du PAS, avec ou sans le système optionnel.