N° 1236

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 septembre 2018.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, dE L’Économie gÉnÉrale et du contrÔLE BUDGÉTAIRE

en conclusion des travaux d’une mission d’information (1)

 

relative à l’évasion fiscale internationale des entreprises

 

 

SYNTHÈSE

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Bénédicte PEYROL, Rapporteure

M. Jean-François PARIGI, Président

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(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

 

 

 

 

La mission d’information est composée de : M. Jean-François PARIGI, président ; Mme Bénédicte PEYROL, rapporteure ; M. Éric COQUEREL, Mme Lise MAGNIER, M. Jean-Paul MATTEI, Mme Valérie RABAULT et M. Fabien ROUSSEL.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


  1  

SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS DU PRÉSIDENT

SYNTHÈSE DU RAPPORT

SYNTHÈSE THÉMATIQUE DES PROPOSITIONS :  15 PROPOSITIONS AU SERVICE DE LA JUSTICE FISCALE

INTRODUCTION du rapport

CONCLUSION du rapport

SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA MISSION


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   AVANT-PROPOS DU PRÉSIDENT

La multiplication, ces dernières années, des révélations sur des pratiques de fraude et d’évasion fiscales à grande échelle impliquant des personnalités et des entreprises connues a eu pour effet d’exacerber, parmi les citoyens, un sentiment d’incompréhension et de refus. Incompréhension du fait que ceux disposant le plus de moyens et de ressources soient les mêmes qui cherchent, à travers des montages complexes, à échapper à leurs obligations fiscales légitimes. Refus de l’injustice fiscale qu’une telle situation entraîne. Les attentes fortes de nos concitoyens appellent une réponse forte elle aussi des pouvoirs publics. Alors, tandis que les scandales de fraude et d’évasion se multiplient, la riposte, elle, s’organise.

La dernière mission d’information de la commission des finances de l’Assemblée nationale consacrée à l’évasion fiscale internationale, que conduisait M. Éric Woerth et dont le rapporteur était M. Pierre-Alain Muet, remonte à 2013. Cette mission s’était attachée à présenter les types de montages ainsi que les pratiques dommageables et avait formulé plusieurs propositions, certaines traduites ultérieurement dans la loi.

Depuis, les choses ont beaucoup changé, et le monde a connu d’importantes avancées.

L’ambitieux projet « BEPS » de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (pour « base erosion and profit shifting », soit « érosion des bases fiscales et transfert de bénéfices »), à travers ses quinze actions, propose plusieurs pistes pour lutter contre les pratiques d’évitement de l’impôt auxquelles se livrent les entreprises. L’Union européenne n’est pas en reste et, depuis 2015, a lancé de nombreuses initiatives renforçant les moyens de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, la dernière datant de mars dernier à travers un paquet sur la fiscalité numérique. La France, quant à elle, est devenue moteur en Europe comme à l’international et, par ses incessants efforts, a permis d’importants progrès.

Il reste néanmoins beaucoup à faire, non seulement au niveau national, mais aussi et surtout au-delà. Ici réside l’une des principales difficultés relatives à la lutte contre l’évasion fiscale : la concurrence, pour ne pas dire la guerre à laquelle se livrent les États en la matière. Le problème est international, la réponse doit donc l’être aussi.

Dans ces conditions, la commission des finances a jugé opportun de créer, le 8 février 2018, une mission d’information consacrée à l’optimisation et l’évasion fiscales, que j’ai eu l’honneur de présider aux côtés de la rapporteure, Mme Bénédicte Peyrol. En étaient également membres cinq autres de nos collègues : M. Jean-Paul Mattei pour le groupe Mouvement Démocrates et apparentés, Mme Lise Magnier pour le groupe UDI, Agir et Indépendants, Mme Valérie Rabault pour le groupe Nouvelle Gauche, M. Éric Coquerel pour le groupe La France Insoumise et M. Fabien Roussel pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Le pluralisme politique de cette mission, loin de constituer un handicap, s’est révélé être une force. Un sujet tel que la lutte contre l’évasion fiscale doit dépasser les clivages politiciens. Un consensus est possible et même nécessaire pour parvenir à une meilleure justice fiscale. Et si les moyens peuvent faire l’objet de divergences, la fin, elle, réunit l’ensemble des sensibilités.

Dès sa réunion constitutive tenue le 22 février 2018, et ainsi qu’il avait été annoncé à la commission des finances lors d’une présentation réalisée le 13 mars suivant, la mission a fait le choix de concentrer ses travaux sur l’évasion et l’optimisation fiscales des entreprises au regard de l’impôt sur les sociétés. D’autres impôts font l’objet d’évitement, y compris de la part de particuliers, mais l’impôt sur les sociétés revêt une dimension symbolique forte, en plus de présenter des enjeux budgétaires évidents dans le contexte économique et social que nous connaissons. Il a également fait l’objet d’importants travaux européens et internationaux. Il a en outre été décidé de ne pas aborder la fraude en tant que telle. Cette dernière ne présentant pas le même enjeu de définition ni les mêmes défis que l’optimisation et l’évasion fiscales, elle doit faire l’objet de mesures particulières, comme celles présentées dans le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude. Enfin, la mission a inscrit ses travaux dans la continuité de ceux réalisés en 2013, sans pour autant répéter ce qui a été fait. Cette continuité était nécessaire à l’analyse du chemin parcouru ces cinq dernières années et à l’indentification des pistes d’amélioration envisageables.

La rapporteure, à laquelle je tiens ici à adresser mes plus vifs remerciements, a souhaité donner aux travaux de la mission un angle original que j’ai immédiatement partagé en raison de sa pertinence : tenir systématiquement compte du contexte international, des intérêts de la France, et dépasser la seule approche fiscale traditionnelle pour faire porter la réflexion sur d’autres dimensions, particulièrement celle de la diplomatie. C’est également un souci permanent de responsabilité qui a animé nos travaux. Il fallait que les pistes d’évolutions soient concrètes et utiles, sans pour autant céder à la facilité qui aurait consisté, par des suggestions impossibles à mettre en œuvre, à engranger des gains politiciens. Une telle facilité n’aurait pas fait honneur aux missions de contrôle et d’évaluation du Parlement et se serait inévitablement traduite, en dernière analyse, par une déception des citoyens. Enfin, un travail pédagogique a été entrepris pour tenter de clarifier des notions et des chiffres qui, trop souvent et parfois à dessein, sont mal appréhendés et utilisés à mauvais escient, hystérisant parfois le débat public.

En tout, ont été conduites plus de vingt auditions auxquelles plus de soixante personnes ont participé, associant différentes administrations de l’État, des institutions internationales, des organisations non gouvernementales et syndicales, des entreprises, des économistes ou encore, mais la liste n’est pas exhaustive, des avocats et des universitaires. Doit s’ajouter à ce cycle complet d’auditions un déplacement effectué à Bruxelles auprès de la Commission européenne et des représentations permanentes allemande, espagnole, italienne et néerlandaise. Je souhaite remercier l’ensemble des personnes qui, par leur expertise, ont contribué à éclairer les travaux de la mission.

Ces auditions et rencontres, toutes précieuses, ont utilement alimenté la réflexion de la rapporteure en vue de l’élaboration de propositions concrètes et ambitieuses. Ce sont ainsi une quarantaine de recommandations qui ont été faites sur l’ensemble des sujets abordés. À partir de ces recommandations, quinze propositions ont été identifiées et jugées comme les plus à même d’améliorer la lutte contre l’évasion fiscale. Je souscris entièrement à l’ensemble de ces propositions et recommandations, présentées de façon synthétiques au début de ce rapport et qui, tout au long de ce dernier, font l’objet de développements et d’analyses détaillés.

Le rapport présente donc un état des lieux complet et nécessaire des nombreuses évolutions qu’a connu la lutte contre l’évasion fiscale depuis les cinq dernières années. Il établit ensuite un diagnostic et propose des remèdes pertinents. Aboutissement d’un long travail dont la qualité évidente doit beaucoup à l’expertise indéniable de la rapporteure, Mme Bénédicte Peyrol, ce rapport, par son approche originale et l’ambition qu’il affiche, devrait faire date.

Je formule le souhait qu’il constitue, non l’achèvement de la lutte contre l’évasion fiscale internationale, mais un jalon important susceptible d’accentuer cette lutte et ainsi de renforcer la justice fiscale mondiale, tant attendue par les citoyens.


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   SYNTHÈSE DU RAPPORT

La fraude, l’optimisation et l’évasion fiscales des entreprises sont au cœur de nombreux débats politiques et suscitent de la part des citoyens du monde entier une attention particulièrement appuyée dans la mesure où elles conduisent les entreprises qui s’y livrent à minorer, voire à effacer, l’impôt qu’elles doivent légitimement acquitter au regard des bénéfices qu’elles dégagent. Cette réduction du montant d’impôt dû par des pratiques contestables grève les finances publiques, limite la capacité des autorités à financer les politiques publiques ambitieuses qu’elles souhaitent mettre en œuvre et porte atteinte au consentement à l’impôt.

L’émotion politique et citoyenne est donc parfaitement légitime – et même rassurante – et appelle des pouvoirs publics une réaction ferme, que les travaux de cette mission ont pour ambition d’accompagner à travers plusieurs propositions d’évolutions, certaines structurelles, d’autres techniques.

Ces travaux se sont concentrés sur l’évasion fiscale et n’abordent ainsi pas la fraude, prise sous l’angle pénal : il a semblé plus pertinent de concentrer la réflexion et les propositions sur la « zone grise » située entre légalité et infraction pénale et dont les contours flous permettent aux entreprises d’échapper à l’impôt. En tout, plus de vingt auditions auxquelles plus de soixante personnes ont participé ont été conduites, auxquelles doit s’ajouter un déplacement effectué à Bruxelles auprès de la Commission européenne et des représentations permanentes allemande, espagnole, italienne et néerlandaise.

Ces auditions et rencontres, toutes précieuses, ont utilement alimenté la réflexion de la rapporteure en vue de l’élaboration de propositions concrètes et ambitieuses. Ce sont ainsi une quarantaine de recommandations qui sont faites sur l’ensemble des sujets abordés, dans le souci permanent de responsabilité à travers le refus de toute complaisance, mais aussi sans faire preuve d’hystérie. À partir de ces recommandations, quinze propositions phares ont été identifiées et sont jugées comme les plus à même d’améliorer la lutte contre l’évasion fiscale et de renforcer la justice fiscale, pour que chacun, y compris les plus puissantes multinationales, acquitte sa juste part d’impôt.

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*     *

Avant de se pencher sur le fond de la question, la rapporteure a jugé opportun, dans un souci pédagogique et de meilleure appropriation démocratique d’un débat nécessaire, d’en clarifier le plus possible les termes pour réduire au maximum la confusion parfois constatée.

Un effort a ainsi été entrepris pour mieux départager l’inacceptable de l’admissible, ce qui relève de l’évasion fiscale et ce qui lui est étranger. Une approche reposant sur l’artificialité des opérations et la substance économique est proposée, permettant d’aboutir à une distinction opposant fraude et évasion, la première correspondant à son contenu actuel et incluant notamment les manœuvres de dissimulation, la seconde, en plus de son acception actuelle, s’enrichissant de ce qui est souvent couvert par l’appellation d’optimisation « agressive ». L’évasion fiscale engloberait ainsi toutes les opérations qui, bien que légales, sont artificielles et sans substance et doivent ainsi être fiscalement sanctionnées.

Les conséquences financières de l’évasion fiscale doivent aussi faire l’objet d’une attention particulière, notamment d’un point de vue méthodologique. De nombreux chiffres reposant sur différentes études sont avancés, mais leur périmètre n’est pas le même et des limites méthodologiques peuvent nuancer l’exactitude de certains. Là encore, des clarifications ont été apportées. En tout état de cause, la rapporteure juge que l’évaluation du coût de l’évasion fiscale est nécessaire et appelle à des travaux en ce sens, associant l’ensemble des acteurs concernés pour disposer des chiffres les plus fiables possibles.

Proposition – Évaluation des conséquences de l’évasion et de la fraude fiscales

Mettre en place d’ici le début de l’année 2019 un groupe de travail composé d’économistes, d’universitaires, de membres de l’administration fiscale et de parlementaires pour mettre au point une méthode d’évaluation de la fraude et de l’évasion fiscales faisant consensus, et systématiser l’évaluation annuelle de ces comportements.

Enfin, il a semblé indispensable de rappeler, toujours dans un souci de pédagogie et de bonne compréhension du débat, les avancées réalisées sur les scènes européenne et internationale depuis 2013, date de la dernière grande mission d’information de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur le thème de l’évasion fiscale, ainsi que les contraintes juridiques auxquels un législateur responsable peut être confronté. Les travaux de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) au titre du projet « BEPS » (pour « base erosion and profit shifting », soit « érosion de la base imposable et transfert de bénéfices ») et les nombreuses initiatives de l’Union européenne ont permis ou rendront possibles des avancées opportunes et attendues.

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*     *

La rapporteure s’est attachée à traiter la lutte contre l’évasion fiscale d’un point de vue global, en associant à l’incontournable prisme juridique deux dimensions souvent omises mais pourtant nécessaires : l’attractivité de la France et la diplomatie fiscale, indissociables du cadre international dans lequel l’évasion fiscale sévit.

Une telle approche, originale et opportune, impose avant toute chose de réfléchir aux fondements de la possibilité reconnue aux États d’imposer des flux internationaux à travers la notion d’établissement stable, qui consacre le droit d’imposer, et celle de la valeur (incluant les prix de transfert), qui quantifie ce qui peut être imposé.

D’importants progrès ont été réalisés sur ces deux sujets, mais des marges de manœuvre existent, notamment en matière de méthodes de valorisation à travers un enrichissement des instructions fiscales et un accompagnement de l’administration, en vue de l’utilisation de la meilleure méthode possible et d’une efficience accrue des contrôles. Si les prix de transfert ne relèvent pas de l’évasion fiscale en tant que telle, il n’en demeure pas moins que leur manipulation ou leur caractère anormal sont constitutifs d’une évasion fiscale que l’administration doit être en mesure de pouvoir identifier et redresser.

Proposition – Lutter contre la manipulation des prix de transfert

Réfléchir à une évolution législative du contenu de l’article 57 du code général des impôts sur les prix de transfert afin que la loi détermine directement de façon suffisamment précise les règles d’assiette fiscale induites par ce dispositif.

Développer les mesures infralégislatives en matière de prix de transfert :

 compléter les commentaires de l’article 57 figurant dans le BOFiP pour y préciser plus en détail les différentes méthodes de fixation des prix de transfert et la façon dont l’administration peut contester la valorisation réalisée par les entreprises ;

 procéder à l’actualisation et à l’enrichissement du guide sur les prix de transfert publié par la DGFiP en l’étendant à toutes les entreprises, et réfléchir à son évolution en « Charte en matière de prix de transfert », qui serait opposable et préciserait aux entreprises, de façon synthétique et complète, les méthodes de valorisation existantes, les hypothèses privilégiées de recours à chacune d’elles, des cas-types d’illustration et des exemples de contentieux liés à la valorisation ;

 consacrer de façon explicite dans les travaux parlementaires, en attendant les conclusions d’une analyse de droit comparé sur le sujet, la référence aux travaux de l’OCDE en matière de prix de transfert ;

– identifier les difficultés auxquelles l’administration peut faire face en matière de prix de transfert et l’accompagner dans l’utilisation de la méthode du partage de bénéfices.

Pour contrer directement les abus, de nombreux outils dédiés existent, encadrant la déduction des charges financières ou, plus généralement, sanctionnant les pratiques à finalité fiscale de certaines entreprises. Là aussi, la rapporteure met en avant plusieurs évolutions, en tenant toujours compte du respect des normes supérieures et du contexte international. Il est ainsi proposé, parmi d’autres recommandations sur les outils anti-abus, d’assouplir l’abus de droit sans tomber dans les écueils qui avaient conduit à la censure de la précédente tentative sur ce point en 2013.

Proposition – Outils anti-abus : utilité et clarification

Évaluer chaque année, à travers un rapport remis au Parlement, les outils fiscaux en vigueur contre la fraude et l’évasion fiscales, en faisant état de leur utilisation, de leur rendement individuel et des modifications susceptibles d’être apportées pour améliorer leur performance.

Assouplir l’abus de droit, dans la branche de fraude à la loi, pour l’appliquer aux opérations à motivation fiscale principale et non plus exclusive, tout en réservant les majorations prévues aux motifs exclusivement fiscaux, et clarifier l’articulation des différentes clauses anti-abus.

Dans le même souci de pragmatisme, l’attractivité du territoire doit être gardée à l’esprit, notamment en ce qui concerne la sécurité juridique des contribuables (la lutte contre l’évasion devant être ferme et dénuée de toute complaisance tout en offrant aux entreprises concernées certaines garanties minimales), mais aussi s’agissant des actifs incorporels dont l’importance croissante dans l’économie suppose une évolution intelligente du régime français sur les brevets.

Proposition – Attractivité fiscale de la France

Pour maintenir une base fiscale en France, et dans le cadre de l’évolution du régime d’imposition à taux réduit de certains revenus de droits de propriété intellectuelle, veiller à garantir le maintien de l’attractivité française et le soutien aux entreprises françaises, notamment nos belles PME, saisir l’opportunité de l’inclusion dans ce régime de nouveaux actifs tels que les logiciels (tout en limitant le coût par un plafonnement des dépenses éligibles), et prévoir de la part du Gouvernement la production, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, d’une étude comparative des différents régimes fiscaux en matière de propriété intellectuelle existant dans l’Union européenne.

Réfléchir à un redéploiement des agents de la DGFiP ou à de nouvelles modalités d’organisation interne pour renforcer les services en charge des rescrits et des accords préalables en matière de prix de transfert, afin de mieux accompagner les entreprises dans la sécurisation de leurs opérations.

L’angle diplomatique, quant à lui, commande à la France de peser de tout son poids pour faire respecter les engagements auxquels elle a souscrit et que certains partenaires peuvent méconnaître. Une telle action revêt une importance stratégique toute particulière au sein de l’Union européenne, la France devant impulser un renforcement de la lutte contre les pratiques dommageables constatées chez certains États membres, tout en assurant ces derniers d’être accompagnés pour évoluer sans brutalité vers des modèles plus vertueux et acceptables. Le semestre européen semble à cet égard un moment propice pour travailler sur ce sujet.

L’exemplarité que pourra ainsi afficher l’Union européenne, à travers une position commune renforcée, est d’autant plus urgente que le contexte international est changeant. À cet égard, la réforme fiscale américaine du 22 décembre 2017 montre l’intérêt d’une initiative européenne coordonnée, seule capable d’aboutir à une évolution positive de la position des États-Unis. Une autre forme de réponse possible, prospective mais ambitieuse, consisterait à imposer au niveau européen les opérateurs extérieurs ne respectant pas des standards minimums communs en matière sociale, environnementale, fiscale et commerciale.

Proposition – Diplomatie et UE

Engager, sous l’impulsion de la France, une réflexion au sein de l’UE pour accompagner la transition des États membres dont le modèle économique repose sur une industrie fiscale, afin de mettre un terme à l’existence de paradis fiscaux au sein de l’UE.

Changeant, le monde l’est, politiquement mais aussi technologiquement et économiquement. La numérisation de l’économie, sa financiarisation accrue, appellent à se doter de règles mieux adaptées que celles reposant sur une économie physique, dépassées par les évolutions techniques et le développement de l’immatériel. La réponse aux défis posés par la numérisation économique et les changements de modèles organisationnels des entreprises ne fait pas l’objet d’un consensus international et risque, pour l’instant, de ne pas prospérer à l’échelle mondiale. En revanche, un aboutissement au niveau de l’Union européenne semble plus proche que jamais, qu’il s’agisse du projet d’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (« ACCIS ») ou du paquet numérique proposé le 21 mars 2018 par la Commission européenne, qui prévoit à long terme la création d’un établissement stable virtuel et, à court terme, l’introduction d’une taxe de 3 % sur le chiffre d’affaires tirés de certains services numériques.

Le soutien à ces initiatives est un impératif absolu, et la rapporteure appelle le Parlement et le Gouvernement à tout faire pour permettre, dans les deux prochaines années, l’adoption de dispositifs définitifs. Pour inciter à avancer sur la solution structurelle qu’est l’établissement stable virtuel (dont les critères pourraient au demeurant être enrichis pour améliorer le dispositif), il semble utile de limiter à deux ans l’application de la taxe sur les services numériques. À défaut d’aboutissement dans le délai indiqué, la France se doit d’agir. Pour cela, il est proposé, en cas d’échec ou d’enlisement des projets européens, de consacrer en droit national l’établissement stable virtuel et d’introduire une nouvelle taxe anti-abus permettant de mieux appréhender les bénéfices détournés.

Propositions – Pour faire face à la digitalisation de l’économie

Pour le court terme :

Scénario 1 : Dans l’hypothèse de négociations européennes fructueuses sur la taxe sur les services numériques (TSN) d’ici la fin 2018 et d’un avancement tangible du projet « ACCIS » dans ses deux volets d’ici la fin 2019 :

– limiter l’application de la TSN à deux ans pour inciter à aboutir sur l’établissement stable virtuel (ESV) et étudier les risques de double imposition pour ne pas fragiliser un secteur économique dynamique ;

– procéder à une évaluation complète de l’impact de chacun des deux volets du projet « ACCIS » en termes budgétaires et pour les entreprises et pour l’État.

Scénario 2 : Dans l’hypothèse où les négociations européennes sur la TSN échouent et en l’absence d’avancée notable sur le projet « ACCIS » en 2018 et 2019 :

– consacrer dans le droit français, à l’occasion du projet de loi de finances pour 2020, la définition de l’ESV en s’inspirant des critères européens tout en les complétant d’éléments permettant une meilleure appréhension de l’implication économique d’une entreprise en France ;

– introduire en droit français un dispositif reposant sur une taxe anti-abus ad hoc.

Pour le moyen terme : Engager une réflexion au niveau français et au niveau européen sur la création de valeur pour aboutir à une position commune des États membres en la matière, afin de négocier fermement au sein des instances internationales en préservant les intérêts de l’UE.

Pour le long terme :

– explorer des pistes inédites pour chercher de nouvelles assiettes imposables à se répartir, en tenant notamment compte du prisme environnemental s’agissant de la fiscalité du numérique ;

– engager une réflexion sur la mise en place au sein de l’UE d’une imposition des entreprises extérieures ne respectant pas les standards minimums européens en matière sociale, environnementale, commerciale et fiscale.

Face à la financiarisation, notre pays doit développer les outils dont il dispose déjà, qu’ils soient punitifs ou préventifs. À cet égard, la meilleure appréhension des paradis fiscaux constitue une nécessité et passe par un renforcement des moyens contre les opérations réalisées avec des entreprises établies dans des États ou territoires non coopératifs et vis-à-vis des flux transitant vers les pays à régime fiscal privilégié. Au niveau européen, la récente adoption d’une liste commune des juridictions non coopératives est une avancée notable qui doit cependant s’accompagner d’une évaluation précise du respect des engagements pris par les pays identifiés comme ne respectant pas toutes les règles, mais ne figurant pas sur la liste : tout manquement devra se traduire par une inscription sur cette liste.

Propositions – Renforcer les sanctions contre les activités dans les paradis fiscaux :

– rehausser de 60 % de l’imposition qui aurait été due en France le seuil en deçà duquel un régime fiscal est qualifié de privilégié au sens de l’article 238 du CGI ;

– aligner les conditions de déductibilités des charges logées dans les pays à régime fiscal privilégié sur celles applicables aux charges logées dans les ETNC tout en prévoyant une clause de sauvegarde lorsqu’est en cause un État membre de l’UE ;

– étendre l’application du régime des sociétés étrangères contrôlées aux pays qui, sans être à fiscalité privilégié, sont des ETNC ;

– rehausser à 30 % de l’impôt qui aurait été dû en France le seuil de l’imposition des intérêts perçus par une entreprise en deça duquel ces intérêts ne sont pas déductibles par l’entreprise qui les a versés, en introduisant dans cette hypothèse une clause de sauvegarde pour l’Union européenne.

S’agissant du volet préventif, la transparence doit être accrue, en développant l’accès aux registres des bénéficiaires effectifs, notamment celui des trusts, et en encourageant la déclaration des montages fiscaux à risque que l’Union européenne a adoptée le 25 mai 2018. La déclaration pays par pays, déjà publique pour les banques, pourrait également voir son accessibilité accrue s’agissant des entreprises, dans un cadre responsable et contrôlé.

Propositions – Transparence

Permettre l’accès au registre des trusts à toute personne justifiant d’un intérêt légitime et autorisée en ce sens par un juge, sur le modèle de l’ouverture encadrée du registre des bénéficiaires effectifs prévu par le code monétaire et financier.

Soutenir la publicité de la déclaration pays par pays des entreprises à l’échelle de l’UE et, en attendant sa consécration, prévoir en France la publicité de la déclaration pays par pays s’agissant des implantations dans les ETNC et engager une réflexion sur la transmission encadrée des déclarations aux journalistes et ONG accrédités en partenariat avec l’administration fiscale dans le but de mettre en commun les pouvoirs d’enquête et renforcer les capacités de l’administration.

Cette transparence, plus généralement, doit toucher les informations dont l’administration dispose, cette dernière pouvant également gagner à s’ouvrir pour développer ses compétences et associer de nouveaux acteurs.

L’afflux considérable des données auquel les services de contrôle font face est une opportunité qu’il faut saisir. Il pose néanmoins la question du caractère exploitable de ces données et de l’usage qui en est fait par l’administration. Les nouvelles technologies telles que le « data mining », ainsi qu’une information d’ensemble embrassant tous les aspects du cycle de contrôle, doivent être développées pour assurer aux services une exploitation optimale des éléments qui leur sont communiqués et renforcer ainsi l’efficacité des contrôles. Cette efficacité accrue passe également par l’intervention de nouveaux acteurs, soit directement au sein de l’administration en développant la mobilité d’experts extérieurs et en systématisant l’association aux services fiscaux des directions économiques et diplomatiques, soit à travers de nouvelles instances de dialogue impliquant la société civile, les entreprises et les spécialistes de tout horizon.

Proposition – Une administration ouverte et innovante

Accroître les mobilités sortantes et entrantes de l’administration fiscale en facilitant le recrutement d’experts contractuels dans les services de contrôles sur des postes de fiscalistes, de statisticiens, d’informaticiens et d’économistes et en favorisant les mobilités externes des agents de services de contrôle au sein d’entreprises et de cabinets de conseil.

En outre, et cela irrigue l’ensemble de ses travaux, la rapporteure s’est attachée à développer le rôle du Parlement en matière de lutte contre l’évasion fiscale, au-delà de sa compétence législative. Une meilleure information des deux assemblées sur les actions du Gouvernement à l’échelle européenne et internationale contre l’évasion fiscale est absolument indispensable, non seulement pour leur permettre de remplir leur mission constitutionnelle d’évaluation des politiques publiques et de contrôle de l’action gouvernementale, mais aussi dans un souci démocratique. Les conventions fiscales et les négociations européennes sont deux sujets éminents pour lesquelles une plus grande association du Parlement paraît opportune.

Proposition – Un Parlement mieux associé aux négociations européennes

Prévoir que le Parlement, avant les réunions du Conseil de l’Union européenne, donne au Gouvernement un mandat politique de négociation fixant le cadre général de la position française et les points durs.

D’autres outils annexes importants tels que le droit de la concurrence sont présentés en dernier lieu. Ils sont des outils puissants mis en œuvre notamment par la Commission européenne et l’action de la commissaire Margrethe Vestager à travers la notion d’aide d’État. Néanmoins, le droit fiscal doit rester la colonne vertébrale des réflexions pour faire face au défi de l’évasion fiscale.

Enfin, l’impératif de justice fiscale ne doit interdire aucune piste. À cet égard, la rapporteure juge nécessaire l’engagement d’une réflexion appuyée sur l’approche de la fiscalité des entreprises à travers un prisme environnemental, s’inscrivant dans la révolution écologique et pouvant conduire à capter une assiette imposable plus juste.

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La rapporteure tient à remercier le président de la mission d’information pour sa constante implication aux travaux réalisés et pour sa contribution permanente à la réflexion qu’ils ont suscitée.


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   SYNTHÈSE THÉMATIQUE DES PROPOSITIONS :
15 PROPOSITIONS AU SERVICE DE LA JUSTICE FISCALE

Pour faire face à la digitalisation de l’économie

1. Pour le court terme :

1.1. Scénario 1 : Dans l’hypothèse de négociations européennes fructueuses sur la taxe sur les services numériques (TSN) d’ici la fin 2018 et d’un avancement tangible du projet « ACCIS » dans ses deux volets d’ici la fin 2019 :

– limiter l’application de la TSN à deux ans pour inciter à aboutir sur l’établissement stable virtuel (ESV) et étudier les risques de double imposition pour ne pas fragiliser un secteur économique ;

– procéder à une évaluation complète de l’impact de chacun des deux volets du projet « ACCIS » en termes budgétaires et pour les entreprises.

1.2. Scénario 2 : Dans l’hypothèse où les négociations européennes sur la TSN échouent et en l’absence d’avancée notable sur le projet « ACCIS » en 2018 et 2019 :

– consacrer dans le droit français, à l’occasion du projet de loi de finances pour 2020, la définition de l’ESV en s’inspirant des critères européens tout en les complétant d’éléments permettant une meilleure appréhension de l’implication économique d’une entreprise en France ;

– introduire en droit français un dispositif reposant sur une taxe anti-abus ad hoc.

 

2. Pour le moyen terme :

Engager une réflexion au niveau français et au niveau européen sur la création de valeur pour aboutir à une position commune des États membres en la matière, afin de négocier fermement au sein des instances internationales en préservant les intérêts de l’UE

 

3. Pour le long terme :

– explorer des pistes inédites pour chercher de nouvelles assiettes imposables à se répartir, en tenant notamment compte du prisme environnemental s’agissant de la fiscalité du numérique ;

– engager une réflexion sur la mise en place au sein de l’UE d’une imposition des entreprises extérieures ne respectant pas les standards minimums européens en matière sociale, environnementale, commerciale et fiscale.

L’attractivité de la France

4. Pour maintenir une base fiscale en France, et dans le cadre de l’évolution du régime d’imposition à taux réduit de certains revenus de droits de propriété intellectuelle, veiller à garantir le maintien de l’attractivité française et le soutien aux entreprises françaises, notamment nos belles PME, saisir l’opportunité de l’inclusion dans ce régime de nouveaux actifs tels que les logiciels (tout en limitant le coût par un plafonnement des dépenses éligibles), et prévoir de la part du Gouvernement la production, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, d’une étude comparative des différents régimes fiscaux en matière de propriété intellectuelle existant dans l’Union européenne.

5. Réfléchir à un redéploiement des agents de la DGFiP ou à de nouvelles modalités d’organisation interne pour renforcer les services en charge des rescrits et des accords préalables en matière de prix de transfert, afin de mieux accompagner les entreprises dans la sécurisation de leurs opérations.

 

Renforcer les outils anti-abus

6. Assouplir l’abus de droit, dans la branche de fraude à la loi, pour l’appliquer aux opérations à motivation fiscale principale et non plus exclusive, tout en réservant les majorations prévues aux motifs exclusivement fiscaux, et clarifier l’articulation des différentes clauses anti-abus.

 

Transparence

7. Soutenir la publicité de la déclaration pays par pays des entreprises à l’échelle de l’UE et, en attendant sa consécration, prévoir en France la publicité de la déclaration pays par pays s’agissant des implantations dans les ETNC et engager une réflexion sur la transmission encadrée des déclarations aux journalistes et ONG accrédités en partenariat avec l’administration fiscale dans le but de mettre en commun les pouvoirs d’enquête et renforcer les capacités de l’administration.

8. Permettre l’accès au registre des trusts à toute personne justifiant d’un intérêt légitime et autorisée en ce sens par un juge, sur le modèle de l’ouverture encadrée du registre des bénéficiaires effectifs prévu par le code monétaire et financier.

 

Les paradis fiscaux

9. Engager, sous l’impulsion de la France, une réflexion au sein de l’UE pour accompagner la transition des États membres dont le modèle économique repose sur une industrie fiscale, afin de mettre un terme à l’existence de paradis fiscaux au sein de l’UE.

10. Renforcer les sanctions contre les activités dans les paradis fiscaux :

10.1. Rehausser à 60 % de l’imposition qui aurait été due en France le seuil en deçà duquel un régime fiscal est qualifié de privilégié au sens de l’article 238 A du CGI

10.2. Aligner les conditions de déductibilités des charges logées dans les pays à régime fiscal privilégié sur celles applicables aux charges logées dans les ETNC tout en prévoyant une clause de sauvegarde lorsqu’est en cause un État membre de l’UE.

10.3. Étendre l’application du régime des sociétés étrangères contrôlées aux pays qui, sans être à fiscalité privilégié, sont des ETNC.

10.4. Rehausser à 30 % de l’impôt qui aurait été dû en France le seuil de l’imposition des intérêts perçus par une entreprise en deça duquel ces intérêts ne sont pas déductibles par l’entreprise qui les a versés, en introduisant dans cette hypothèse une clause de sauvegarde pour l’Union européenne.

 

Évaluation

11. Mettre en place d’ici le début de l’année 2019 un groupe de travail composé d’économistes, d’universitaires, de membres de l’administration fiscale et de parlementaires pour mettre au point une méthode d’évaluation de la fraude et de l’évasion fiscales faisant consensus, et systématiser l’évaluation annuelle de ces comportements.

12. Évaluer chaque année, à travers un rapport remis au Parlement, les outils fiscaux en vigueur contre la fraude et l’évasion fiscales, en faisant état de leur utilisation, de leur rendement individuel et des modifications susceptibles d’être apportées pour améliorer leur performance.

 

Prix de transfert

13. Faire évoluer le droit et la pratique en matière de prix de transfert :

13.1. Réfléchir à une évolution législative du contenu de l’article 57 du code général des impôts sur les prix de transfert afin que la loi détermine directement de façon suffisamment précise les règles d’assiette fiscale induites par ce dispositif.

Développer les mesures infralégislatives en matière de prix de transfert :

 compléter les commentaires de l’article 57 figurant dans le BOFiP pour y préciser plus en détail les différentes méthodes de fixation des prix de transfert et la façon dont l’administration peut contester la valorisation réalisée par les entreprises ;

 procéder à l’actualisation et à l’enrichissement du guide sur les prix de transfert publié par la DGFiP en l’étendant à toutes les entreprises, et réfléchir à son évolution en « Charte en matière de prix de transfert », qui serait opposable et préciserait aux entreprises, de façon synthétique et complète, les méthodes de valorisation existantes, les hypothèses privilégiées de recours à chacune d’elles, des cas-types d’illustration et des exemples de contentieux liés à la valorisation ;

 consacrer de façon explicite dans les travaux parlementaires, en attendant les conclusions d’une analyse de droit comparé sur le sujet, la référence aux travaux de l’OCDE en matière de prix de transfert ;

– identifier les difficultés auxquelles l’administration peut faire face en matière de prix de transfert et l’accompagner dans l’utilisation de la méthode du partage de bénéfices.

Une administration ouverte et innovante

14. Accroître les mobilités sortantes et entrantes de l’administration fiscale en facilitant le recrutement d’experts contractuels dans les services de contrôles sur des postes de fiscalistes, de statisticiens, d’informaticiens et d’économistes et en favorisant les mobilités externes des agents de services de contrôle au sein d’entreprises, et de cabinets de conseil.

 

Un Parlement mieux associé aux négociations européennes

15. Prévoir que le Parlement, avant les réunions du Conseil de l’Union européenne, donne au Gouvernement un mandat politique de négociation fixant le cadre général de la position française et les points durs.

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Le schéma suivant constitue la feuille de route pour la mise en œuvre des 15 propositions phares du présent rapport, les faisant figurer dans leur ordre chronologique d’adoption. Sont également mentionnés, pour chacune d’elle, les modalités de leur concrétisation ainsi que le ou les niveaux d’action pertinents.

Les intitulés des propositions sont, pour certaines, présentés de façon synthétique et ne reprennent pas nécessairement textuellement le contenu de la proposition correspondante présentée dans la synthèse ci-dessus.


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Feuille de route pour la mise en œuvre des quinze propositions phares du rapport


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   INTRODUCTION du rapport

 

L’idéal de justice fiscale n’est pas un concept flou. Il doit être compris comme la nécessité pour chacun de payer un impôt qui corresponde à ses capacités contributives et aux activités économiques menées sur un territoire donné pour permettre à l’État de remplir son rôle et protéger les citoyens.

Depuis de nombreuses années, cet idéal s’éloigne. Se cachant derrière la loi, s’immisçant dans ses interstices, certains prétendent respecter les règles imposées par le législateur en oubliant la base même de l’existence de cette loi : un contrat social. L’obligation fiscale – partagée et proportionnée – doit être comprise comme une condition du vivre ensemble à préserver et une condition d’intervention dans nos territoires, sur nos marchés.

C’est dans cette perspective que la question posée par Victor Hugo dans Les Misérables résonne si fort dans notre monde contemporain : « Citoyens où allons-nous ? À la science faite gouvernement, à la loi naturelle ayant sa sanction et sa pénalité en elle-même, à un lever de vérités correspondant au lever du jour. Nous allons à l’union de peuples ; nous allons à l’unité de l’homme Le droit commun n’est pas autre chose que la protection de tous rayonnant sur le droit de chacun. Cette protection de chacun s’appelle Fraternité » ([1]).

Cette interrogation fait partie des nombreuses phrases et pauses réflexives où Hugo met en scène la nécessité du droit pour faire que chacun de nous puisse s’émanciper, non pas seul, mais en solidarité avec les autres. Ce droit, qu’Hugo faisait se quereller avec la loi, l’un « sommet des vérités » ([2]), l’autre « réplique du fond des réalités » ([3]), et qui devrait continuer à nous inspirer pour réfléchir au défi que présente cette mission d’information consacrée à l’évasion fiscale.

Hugo a dénoncé la loi comme une oppression lorsque ceux qui l’appliquaient oubliaient toute référence au droit. Quand les multinationales essaient d’échapper à la juste part d’impôt qu’elles devraient payer en jouant avec la loi et en oubliant le droit, n’oppriment-elles pas les citoyens ? « La plus haute expression du droit » ([4]) qu’est la liberté de chaque individu, de chaque citoyen, à pouvoir vivre sa vie – « la vie et le droit étant le même phénomène » ([5]) – en ayant accès à une éducation de qualité, à un système de santé respectable, en pouvant bénéficier des services publics évolués et répondant aux besoins présents, n’est-elle pas menacée lorsque des contribuables physiques ou moraux appliquent la loi de manière artificielle, sans l’inscrire dans une référence au droit ? S’évertuer à faire décroître cette querelle entre le droit et la loi, en particulier dans le domaine de la loi fiscale où cette querelle entre l’un et l’autre devient très dangereux pour notre pacte social, doit être un combat permanent mené sans relâche. Ce serait là « un phénomène de progrès » ([6]). Si la plupart des entreprises acquittent normalement leur juste part aux contributions publiques, un nombre limité d’entre elles, mais déjà beaucoup trop élevé, cherchent par tous les moyens à échapper à leurs obligations, au détriment des populations et nourrissant ainsi un sentiment croissant et légitime d’incompréhension, voire de révolte.

Les comportements fiscaux des entreprises, lorsque celles-ci cherchent à réduire leur impôt, sont généralement regroupés en trois catégories distinctes mais aux frontières poreuses : la fraude, l’optimisation et, entre les deux, l’évasion. C’est sur cette dernière notion que les travaux de la mission d’information se sont concentrés, à travers le prisme de l’impôt sur les sociétés et des entreprises multinationales. Le choix d’aborder sous cet angle le sujet reposait sur plusieurs considérations objectives.

D’une part, c’est dans cette « zone grise » qu’est l’évasion fiscale, entre comportements légaux et admissibles et fraude pénalement sanctionnée, que des montants colossaux transitent sous les radars de l’impôt, revêtus d’une légalité souvent contestable mais qui les rend difficilement captables par les États. La complexité de l’évasion fiscale, inhérente à sa nature hybride, suppose en amont un effort de clarification lexicale pour la distinguer le plus clairement possible, d’un point de vue méthodologique, des notions voisines que sont la fraude et l’optimisation. Un tel effort, utile sur le plan terminologique, permet également de clarifier les débats nourris sur les montants d’impôts éludés et leurs modalités d’évaluation, sans pour autant réduire le champ des pratiques inadmissibles.

D’autre part, le choix de retenir les multinationales et l’impôt sur les sociétés, plutôt que les particuliers et d’autres prélèvements, a été motivé par l’ampleur du phénomène d’évasion fiscale des entreprises à l’échelle planétaire et par les nombreuses évolutions nationales, européennes et internationales intervenues depuis plusieurs années, singulièrement depuis 2013 et la mission d’information sur l’optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international conduite par la commission des finances de l’Assemblée nationale. S’inscrire dans la continuité de ses travaux permet de voir le chemin parcouru, de prendre conscience de la route restant à faire et d’identifier les pistes d’évolution possibles et opportunes.

L’impôt sur les sociétés revêt également une dimension éminemment stratégique, non seulement au regard de sa contribution aux recettes fiscales – bien que de nombreuses impositions aient un rendement supérieur –, mais aussi en raison du symbole qu’il représente, reflétant la capacité contributive des entreprises. Lutter contre les comportements d’évitement de cet impôt auxquels se livrent de grandes entreprises, disposant pour les plus puissantes de moyens dépassant ceux de certains États souverains, s’inscrit ainsi dans l’exigence de justice fiscale qui a alimenté l’ensemble des travaux de cette mission ([7]).

La lutte contre l’évasion fiscale ne relève en effet pas que de considérations budgétaires ou économiques, mais bien de la solidarité due à chacune et chacun. En diminuant les recettes publiques et en réduisant la capacité des États à financer d’ambitieuses politiques publiques, l’évasion fiscale sape le consentement à l’impôt et, à terme, attaque le contrat social lui-même. Comment, en effet, exiger des citoyens qu’ils paient leurs impôts sans se révolter face aux comportements prédateurs de multinationales s’appuyant sur des infrastructures, des services et des compétences financés par l’impôt ? La fiscalité est certes une matière technique, mais c’est avant tout un objet politique qui permet à la société de disposer des moyens adéquats pour vivre ensemble. La question de l’évasion fiscale devrait également s’inscrire dans une réflexion plus globale du rôle et de la place de l’État, aujourd’hui concurrencé par ces multinationales et notamment les géants du numérique, tant d’un point de vue économique et géopolitique que dans sa capacité à fournir des services de première nécessité aux citoyens. L’État doit rester fort et ne pas se laisser imposer des règles ou des comportements qui ne seraient pas la traduction des choix de la souveraineté populaire.

La nécessité de lutter contre l’évasion fiscale est une évidence, et s’est traduite par une prise de conscience internationale qui s’est accrue depuis 2013 et se trouve désormais au cœur des enjeux politiques mondiaux. Sous l’impulsion du G20, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), depuis 2013, s’est engagée dans le projet « BEPS » (pour « base erosion and profit shifting », soit « érosion de la base imposable et transfert de bénéfices ») afin de renforcer les instruments et les moyens des États contre ce phénomène mondialement nuisible. La signature à Paris, le 7 juin 2017, d’une Convention multilatérale inédite qui permettra de modifier d’un coup plus de 1 200 conventions fiscales en les enrichissant de dispositifs anti-abus rénovés, témoigne de l’opportunité et de l’intérêt de l’action de l’OCDE. L’Union européenne n’est pas en reste et a, notamment depuis 2015, adopté une série de mesures et lancé d’ambitieuses initiatives pour lutter contre l’évasion fiscale et renforcer la justice fiscale. L’essentiel projet d’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés « ACCIS », pierre philosophale de la fiscalité dans l’Union, traduit à cet égard la volonté européenne de résoudre de manière efficace le problème de l’évasion fiscale, et doit à ce titre faire l’objet d’un soutien appuyé de toutes et de tous.

Beaucoup a été fait, donc, mais encore plus reste à faire. Dans un monde changeant et marqué par la concurrence fiscale et économique débridée que certains États se livrent – les récentes positions américaines illustrant ce constat –, la fiscalité doit être à la hauteur des enjeux qu’elle recouvre. Or, les règles fiscales actuelles, pensées au siècle dernier, ne paraissent pas adaptées à ces enjeux. Face à la mobilité croissante de l’économie, profondément modifiée par la révolution numérique et la dématérialisation croissante du monde, la fiscalité, aujourd’hui statique et physique, se doit d’évoluer. Plusieurs degrés d’actions pertinents existent (international, européen et national). Le présent rapport précise, à travers une feuille de route, les propositions de réforme en fonction de leur calendrier d’adoption et de leur(s) niveau(x) d’intervention.

Dans ce combat contre l’évasion fiscale, les États sont en première ligne et doivent être dotés d’outils leur donnant les moyens de mener la lutte. La France, à cet égard, peut se réjouir de disposer d’un arsenal juridique et de moyens humains et techniques performants, en cohérence avec son ambition internationale et son rôle moteur contre l’évasion fiscale. Des marges de progression existent néanmoins, militant pour des évolutions là où elles sont nécessaires et possibles.

Elles doivent être ambitieuses et tenir compte de l’attractivité indispensable que la France doit conserver, naturellement sans recourir à des pratiques dommageables, mais au contraire en se dotant des instruments lui permettant de mieux imposer les multinationales sur son territoire et de récupérer la valeur qui y est créée – la création de valeur constituant l’un des principaux enjeux de la fiscalité moderne.

Le niveau étatique ne permet cependant pas de tout régler : le problème étant international, la réponse doit l’être aussi. Une approche multilatérale est à cet égard la solution la plus efficace, comme l’illustrent les travaux de l’OCDE et les initiatives européennes précités. Seule une action ambitieuse réunissant le plus grand nombre d’États peut conduire à faire évoluer les règles fiscales mondiales, qui s’imposent souvent aux normes nationales et limitent de ce fait la capacité des États à agir isolément. Pour aboutir à un tel résultat, un travail de conviction auprès des autres pays est requis.

C’est pourquoi la diplomatie doit impérativement être intégrée à toute étude ou action en matière de lutte contre l’évasion fiscale. Une diplomatie fiscale ambitieuse, jouant sur l’ensemble des leviers à disposition, est de nature à rénover les normes internationales et à amener les pays fiscalement peu vertueux, qui s’appuient sur des pratiques dommageables, à évoluer pour sortir d’un modèle économique délétère et pouvoir se développer de façon normale, sans nuire aux autres.

Le choix d’agir en tant qu’Union européenne est impératif. C’est uniquement dans une Union européenne politique et non seulement économique que nous pourrons y parvenir, par le biais de décisions prises, non par la technocratie européenne, mais en associant les Parlements nationaux et le Parlement européen qui, seuls, représentent le peuple souverain.

Tout combat n’étant possible qu’avec des combattants, les administrations doivent disposer des moyens idoines pour mener la lutte contre l’évasion fiscale. Là aussi, comme pour les instruments juridiques, le constat n’est pas négatif, loin de là, mais il milite néanmoins pour réaliser des progrès en termes de données, d’informations disponibles, de compétences et d’expertise de l’administration.

Pédagogie, volontarisme, modernisation, telles sont les voies que la rapporteure invite à suivre. Pédagogie d’abord, pour mieux comprendre le phénomène à combattre et les obstacles existants. Volontarisme ensuite, en renforçant les moyens de lutte contre l’évasion fiscale sans remettre en cause l’attractivité française et en encourageant d’ambitieuses initiatives européennes et multilatérales pour que les règles changent et s’adaptent dans un souci de meilleure efficacité. Modernisation enfin, par l’indispensable prise en compte des évolutions technologiques et financières et par la montée en puissance des moyens de l’administration.

Enfin, il semble nécessaire d’oser penser hors-cadre et de relier les défis de ce monde comme la nécessaire transition écologique et la numérisation croissante pour innover et inventer des solutions nouvelles, même si elles ne correspondent pas à nos schémas de pensée habituels.

C’est en suivant ces voies que l’évasion fiscale pourra être combattue et que le consentement à l’impôt et le pacte républicain pourront être rétablis.

Exigence politique autant que morale, ce rétablissement est le seul à même de restaurer la confiance des citoyens et de les détourner des sirènes populistes qui sapent l’édifice social qui est notre bien commun.


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   CONCLUSION du rapport

« Être libres ou soumis », c’est en ces termes que le ministre de l’économie et des finances Bruno Le Maire, devant la mission d’information le 5 juillet 2018, présentait l’alternative à laquelle l’Union européenne et ses États membres sont confrontés en matière de lutte contre l’évasion fiscale. Faire des choix politiques ambitieux et ouvrir la voie à la fiscalité du XXIe siècle, ou abdiquer la souveraineté fiscale européenne et subir les pressions des autres pays. Se doter de règles efficaces et justes ou s’exposer aux attaques prédatrices d’entreprises dont la richesse dépasse celle de nombreux États et abandonner les recettes nécessaires au financement de la santé, de l’éducation, des aides sociales, de la justice, des forces de l’ordre et de toutes ces politiques publiques qui assurent le vivre ensemble et fondent l’avenir des sociétés.

Le choix est simple, les solutions plus complexes. Que cette complexité ne soit cependant pas utilisée comme excuse pour l’immobilisme, mais au contraire pousse à l’action et aux évolutions exigées par la situation.

La présente mission d’information s’est attachée à répondre de la manière la plus précise et exhaustive à ce choix. La lutte contre l’évasion fiscale doit être abordée de façon rationnelle et pragmatique tout en excluant la moindre forme de complaisance. Objet politique et sujet technique, elle suppose, pour utilement prospérer, des interventions à plusieurs niveaux, internationaux, européens et français. Indissociable de son contexte international, son approche se doit d’être pluridisciplinaire et globale, associant administrations de contrôle et services économiques, réseau diplomatique, autorités politiques et société civile.

Pour répondre au défi lancé par les entreprises et les pays qui s’appuient sur des pratiques fiscales dommageables, quinze propositions d’ampleur ont été formulées, portant sur l’ensemble des volets pertinents : renforcement des outils juridiques permettant d’imposer les bénéfices logés ailleurs, introduction de dispositifs adaptés aux nouvelles formes de l’économie, recommandations pour une action européenne cohérente et protectrice, assurance de garanties pour les contribuables, modernisation des méthodes et moyens de l’administration, développement de la transparence et, enfin, évaluation du phénomène d’évasion fiscale et de l’efficience des instruments qui la combattent. Portant sur des aspects distincts, chacune de ces quinze propositions vont dans la même direction : celle d’une meilleure justice fiscale.

Tout ne sera pas pour autant réglé : en fiscalité internationale comme ailleurs, les solutions miracles sont malheureusement trop rares, pour ne pas dire inexistantes. À cet égard, des pistes complémentaires à celles empruntées dans le présent rapport paraissent devoir faire l’objet d’explorations futures. Elles seront mentionnées ici en guise de premiers jalons, pour servir de point de départ à celles et ceux qui souhaiteraient approfondir la réflexion engagée par la rapporteure.

Trois axes principaux paraissent ainsi pouvoir faire l’objet d’analyses futures, toujours dans le souci de l’équité fiscale et pour assurer aux règles de la fiscalité française et internationale une indispensable adéquation avec le monde auquel elles s’appliquent.

L’équité fiscale suppose l’exemplarité de ceux qui la promeuvent. S’il n’est pas admissible que des entreprises échappent à leurs obligations fiscales, cela l’est encore moins lorsque, au sein de ces entreprises, l’État détient une participation substantielle. Inacceptable, un tel comportement est également incompréhensible. Comment croire en l’exemplarité de l’État lorsqu’il bénéficie lui-même de montages évasifs ? Comment admettre qu’il participe, sciemment ou non, à sa propre perte en évitant l’impôt qu’il se doit à lui-même ? Face à ces pratiques heureusement rares, mais hélas bien réelles, la consécration juridique du rôle du conseil d’administration dans la détermination de la politique fiscale et dans la validation des choix fiscaux d’une entreprise paraît être une voie qui mériterait d’être empruntée.

L’équité fiscale passe également par des règles permettant aux États de disposer des recettes auxquelles ils peuvent légitimement prétendre, aux contribuables de payer l’impôt en fonction de leurs capacités contributives, et aux opérateurs économiques d’évoluer dans un environnement loyal. Si les deux premiers aspects ont été abordés par la mission, le dernier constitue un complément utile à la réflexion déjà menée. La concurrence, cela a été vu, n’est pas étrangère à la fiscalité. Associer ces deux dimensions pour garantir une concurrence loyale vis-à-vis des entreprises extérieures à travers une imposition européenne, reposant sur le respect de standards minimums européens en matière sociale, environnementale, commerciale et fiscale, comme le suggère le professeur Alexandre Maitrot de la Motte, permettrait de résoudre de nombreuses difficultés. Perspective de long terme en raison des difficultés politique auxquelles elle s’expose, une telle initiative doit faire l’objet d’une prise en compte sérieuse dans la mesure où elle permettrait de renforcer la cohésion de l’Union européenne à travers une harmonisation opportune.

L’équité fiscale, enfin, suppose des règles efficaces et modernes tenant compte des évolutions que connaît le monde. Si la révolution numérique lance un défi à la fiscalité internationale, l’autre grande révolution du XXIe siècle, écologique, pourrait bien apporter une réponse bienvenue. Alors que la part des recettes d’impôt sur les bénéfices dans la richesse des nations se réduit progressivement, la dimension environnementale et écologique, grand défi des temps présents et à venir, pourrait servir de nouveau fondement à la fiscalité des entreprises et permettre de chercher de nouvelles bases imposables, qu’il s’agisse d’intégrer dans l’assiette les externalités négatives que peuvent produire les grandes multinationales du numérique, notamment à travers les émissions dégagées par les infrastructures informatiques, ou de façon plus ambitieuse encore, de repenser le principe même de l’imposition des sociétés à travers le prisme environnemental.

Toutes ces perspectives, pour pouvoir aboutir, supposent une action multilatérale. C’est également d’une telle action, d’un tel niveau que viendra le salut contre l’évasion fiscale. Les initiatives nationales ne sont pour autant pas impossibles, heureusement, et elles sont nécessaires. La rapporteure l’a démontré en formulant de nombreuses propositions en ce sens.

Il n’en reste pas moins certain que c’est bien par une action multilatérale que les clés seront trouvées. Le mal est international, le remède doit l’être aussi.

La France, dans ce contexte doit tenir son rang et poursuivre son ambitieux travail auprès de ses partenaires pour que le momentum actuel, marqué par des progrès inédits dans la lutte contre l’évasion fiscale, soit mis à profit. Si rien n’est fait par les États, le risque est de laisser passer une occasion politique unique.


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   SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS

Les 38 recommandations suivantes, présentées par ordre d’apparition dans le rapport, synthétisent les points sur lesquels une évolution paraît opportune à la rapporteure.

Elles complètent les 15 propositions principales présentées en début de rapport et figurant dans la feuille de route (certaines de ces 15 propositions constituant en outre la synthèse de plusieurs des recommandations qui suivent).

Recommandation n° 1 : Mettre en place d’ici le début de l’année 2019 un groupe de travail composé d’économistes, d’universitaires, de membres de l’administration fiscale et de parlementaires pour mettre au point une méthode d’évaluation de la fraude et de l’évasion fiscales faisant consensus, et systématiser l’évaluation annuelle de ces comportements.

Recommandation n° 2 : Évaluer chaque l’année à travers un rapport remis au Parlement les outils fiscaux en vigueur contre la fraude et l’évasion fiscales, en faisant état de leur utilisation, de leur rendement individuel et des modifications susceptibles d’être apportées.

Recommandation n° 3 : Réfléchir à une évolution législative du contenu de l’article 57 du code général des impôts sur les prix de transfert afin que la loi détermine directement de façon suffisamment précise les règles d’assiette fiscale induites par ce dispositif.

Recommandation n° 4 : Développer les mesures infralégislatives en matière de prix de transfert :

 compléter les commentaires de l’article 57 figurant dans le BOFiP pour y préciser plus en détail les différentes méthodes de fixation des prix de transfert et la façon dont l’administration peut contester la valorisation réalisée par les entreprises ;

 procéder à l’actualisation et à l’enrichissement du guide sur les prix de transfert publié par la DGFiP en l’étendant à toutes les entreprises, et réfléchir à son évolution en « Charte en matière de prix de transfert », qui serait opposable et préciserait aux entreprises, de façon synthétique et complète, les méthodes de valorisation existantes, les hypothèses privilégiées de recours à chacune d’elles, des cas-types d’illustration et des exemples de contentieux liés à la valorisation ;

 consacrer de façon explicite dans les travaux parlementaires, en attendant les conclusions d’une analyse de droit comparé sur le sujet, la référence aux travaux de l’OCDE en matière de prix de transfert.

Recommandation n° 5 : Identifier les difficultés auxquelles l’administration peut faire face en matière de prix de transfert et l’accompagner dans l’utilisation de la méthode du partage de bénéfices.

Recommandation n° 6 : Assouplir l’abus de droit, dans la branche de fraude à la loi, pour l’appliquer aux opérations à motivation fiscale principale et non plus exclusive, tout en réservant les majorations prévues aux motifs exclusivement fiscaux, et mettre en place une procédure de rescrit sur la nature principale du motif fiscal d’une opération.

Recommandation n° 7 : Rehausser à 30 % de l’impôt qui aurait été dû en France le seuil d’imposition des intérêts perçus par une entreprise en deçà duquel ces intérêts ne sont pas déductibles par l’entreprise qui les a versés, en introduisant dans cette hypothèse une clause de sauvegarde pour l’Union européenne.

Recommandation n° 8 : Dans le cadre de la transposition de l’encadrement de la déductibilité des charges financières prévu par la directive « ATAD », veiller à la bonne articulation de ce dispositif avec les outils français autres que le « rabot » et le dispositif contre la sous-capitalisation, et exiger de la part du Gouvernement, d’une part, une évaluation exhaustive de l’impact du dispositif sur les entreprises françaises, notamment les petites entreprises, celles en difficulté et celles s’endettant pour procéder à des acquisitions, ainsi qu’une analyse de l’opportunité d’exclure les sociétés financières du champ du dispositif, d’autre part, la sollicitation des institutions européennes pour que soit réalisée une étude européenne sur la mise en œuvre de la directive au sein des autres États membres et les options prises par chacun, notamment pour apprécier la position française et son incidence éventuelle sur l’attractivité nationale.

Recommandation n° 9 : Dans le cadre de l’évolution du régime d’imposition à taux réduit de certains revenus tirés de droits de propriété intellectuelle, veiller à garantir le maintien de l’attractivité française et le soutien aux entreprises françaises, particulièrement les PME à fort potentiel, notamment en réfléchissant à l’inclusion dans ce régime de nouveaux actifs tels que les logiciels, et prévoir de la part du Gouvernement la production, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, d’une étude comparative des différents régimes fiscaux en matière de propriété intellectuelle existant dans l’Union européenne.

Recommandation n° 10 : Réfléchir à un redéploiement des agents de la DGFiP ou à de nouvelles modalités d’organisation interne pour renforcer les services en charge des rescrits et des accords préalables en matière de prix de transfert, afin de mieux accompagner les entreprises dans la sécurisation de leurs opérations.

Recommandation n° 11 : Engager une réflexion sur l’opposabilité des versions consolidées des conventions fiscales modifiées par la Convention multilatérale, le cas échéant après consultation des autres juridictions parties auxdites conventions.

Recommandation n° 12 : Garantir l’effectivité et l’accès à toutes les entreprises du processus de labellisation des entreprises engagées avec l’administration dans une relation de confiance prévu par l’article 17 de la loi du 10 août 2017 pour un État au service d’une société de confiance.

Recommandation n° 13 : Prendre systématiquement en compte les aspects fiscaux des relations avec les pays étrangers lors de rencontres officielles avec leurs autorités (déplacements ou réceptions).

Recommandation n° 14 : Solliciter de la part des institutions de l’Union européenne une valorisation du code de conduite européen en matière de fiscalité des entreprises adopté en 1997 et l’adoption des textes législatifs européens s’inspirant de son contenu.

Recommandation n° 15 : Dans le cadre du semestre européen, systématiser la prise en compte des pratiques fiscales des États membres à travers une évaluation complète pour identifier celles étant potentiellement dommageables, les raisons de ces pratiques et les pistes d’évolutions possibles.

Recommandation n° 16 : Soutenir la démarche française et européenne visant à ce que les États-Unis reviennent sur les mesures fiscales dommageables adoptées en décembre 2017 et favoriser la mise en œuvre d’un dialogue interparlementaire avec le Congrès américain à cet effet.

Recommandation n° 17 : Améliorer l’association des entreprises françaises à l’identification des impositions irrégulières étrangères à travers des cycles de réunions régulières et des entretiens préalables aux rencontres officielles avec les autorités étrangères concernées.

Recommandation n° 18 : Organiser l’information régulière des commissions permanentes chargées des finances et des affaires étrangères des deux assemblées lors de la négociation de conventions fiscales.

Recommandation n° 19 : Permettre à la commission des finances de l’Assemblée nationale d’examiner au fond les projets de loi relatifs aux conventions fiscales, lorsqu’elle en fait la demande et en l’absence d’opposition de la commission des affaires étrangères.

Recommandation n° 20 : Mettre en place une structure interparlementaire européenne destinée à travailler sur les questions fiscales pour formuler des recommandations d’évolution législative et favoriser le rapprochement des parlements allemands et français pour renforcer la prise de positions communes.

Recommandation n° 21 : Prévoir que le Parlement, avant les réunions du Conseil de l’Union européenne, donne au Gouvernement un mandat politique de négociation fixant le cadre général de la position française et les points durs.

Recommandation n° 22 : Engager une réflexion au niveau européen sur la création et le partage de la valeur pour aboutir à une position commune des États membres et des institutions en la matière.

Recommandation n° 23 : Renouveler le soutien ferme du Parlement français au projet « ACCIS », le cas échéant en soulignant les points devant faire l’objet d’une certaine vigilance, lancer au sein des entreprises des évaluations sur les effets du projet et prévoir une information du Parlement consacrée à l’impact budgétaire sur les recettes fiscales françaises et, de façon régulière, aux avancées des négociations européennes ; soutenir la mise en place d’un tunnel européen des taux de l’impôt sur les sociétés dans une forme ambitieuse pour garantir son efficacité.

Recommandation n° 24 : En cas d’échec ou d’enlisement des négociations sur les projets européens liés à la fiscalité de l’économie numérique et à l’assiette commune consolidés, introduire en droit fiscal français la définition de l’établissement stable virtuel reposant sur une présence numérique significative, selon des modalités correspondant à celles prévues par la proposition de directive du 21 mars 2018 tout en y intégrant d’autres éléments d’identification garantissant une appréhension optimale de l’implication économique d’une entreprise sur le territoire national.

Recommandation n° 25 : Prévoir une durée maximale de deux ans pour l’application de la taxe de 3 % sur les revenus tirés de certains services numériques afin d’inciter les États membres à avancer sur l’établissement stable numérique, et étudier les risques de double imposition pour ne pas fragiliser un secteur économique dynamique.

Recommandation n° 26 : En cas d’échec ou d’enlisement des négociations sur les projets européens liés à la fiscalité de l’économie numérique et à l’assiette commune consolidés, prévoir l’introduction en droit national d’une taxe anti-abus spécifique.

Recommandation n° 27 : Réduire de trois à un mois le délai à l’expiration duquel les dispositions pertinentes du CGI s’appliquent aux ETNC nouvellement inscrits.

Recommandation n° 28 : Rehausser à 60 % de l’imposition qui aurait été due en France le seuil en deçà duquel un régime fiscal est qualifié de privilégié au sens de l’article 238 A du CGI.

Recommandation n° 29 : Aligner les conditions de déductibilité des charges logées dans des pays à régime fiscal privilégié sur celles applicables aux charges logées dans les ETNC, tout en prévoyant une clause de sauvegarde lorsqu’est en cause un État membre de l’Union européenne.

Recommandation n° 30 : Étendre l’application du régime des sociétés étrangères contrôlées aux pays qui, sans être à fiscalité privilégié, sont des ETNC.

Recommandation n° 31 : Renforcer l’information du Parlement sur la liste des ETNC (contenu, motifs d’inscription) et l’application des contre-mesures existantes et consacrer la tenue du débat annuel prévu par la loi sur cette liste.

Recommandation n° 32 : Permettre l’accès au registre des trusts à toute personne justifiant d’un intérêt légitime et autorisée en ce sens par un juge, sur le modèle de l’ouverture encadrée du registre des bénéficiaires effectifs prévu par le code monétaire et financier.

Recommandation n° 33 : Soutenir la publicité de la déclaration pays par pays des entreprises à l’échelle de l’UE et, en attendant sa consécration, prévoir en France la publicité de la déclaration pays par pays s’agissant des implantations dans les ETNC et engager une réflexion sur la transmission encadrée des déclarations aux journalistes et ONG accrédités en partenariat avec l’administration fiscale dans le but de mettre en commun les pouvoirs d’enquête et renforcer les capacités de l’administration.

Recommandation n° 34 : Systématiser l’association des services opérationnels à l’élaboration des modèles informatiques utilisés pour la programmation et le suivi des contrôles, afin d’adapter les outils aux spécificités de certains types de contribuables.

Recommandation n° 35 : Adapter les outils d’analyse des risques aux spécificités de chaque population de contribuables, en tenant compte pour les multinationales des données résultant de l’étranger, et assurer un suivi intégral des contrôles fiscaux menés, de leur lancement à la conclusion des éventuels contentieux.

Recommandation n° 36 : Accroître les mobilités sortantes et entrantes de l’administration fiscale en facilitant le recrutement d’experts contractuels dans les services de contrôles sur des postes de fiscalistes, de statisticiens, d’informaticiens et d’économistes, et en favorisant les mobilités externes des agents des services de contrôle au sein d’entreprises et de cabinets de conseil.

Recommandation n° 37 : Systématiser la consultation des services diplomatiques à chaque étape des négociations de conventions et faire motiver par l’administration fiscale toute décision technique qui s’écarterait des recommandations diplomatiques.

Recommandation n° 38 : Systématiser l’évaluation préalable des choix internationaux de la France au regard de leurs conséquences économiques et budgétaires et associer les directions générales du Trésor et des entreprises à l’élaboration des lignes directrices et positions françaises relatives à la fiscalité des entreprises.


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA MISSION

 

Association française des entreprises privées (AFEP) : Mme Laetitia de la Rocque, directrice des affaires fiscales

Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) : M. Pascal Saint-Amans, directeur du centre de politique et d'administration fiscales, et M. Andrew Auerbach, conseiller à la direction

M. Alain Lamassoure et M. Paul Tang, députés européens, corapporteurs des propositions de directive « ACCIS »

Professeurs d’université fiscalistes : M. Gauthier Blanluet, Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II), et M. Martin Collet, Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II)

Fédération française des firmes pluridisciplinaires (F3P) : M. Bernard Gainnier, président, président de PwC France, M. Vincent Talvas, délégué général, Mme Sophie Blégent-Delapille, directrice générale de TAJ société d’avocats (Deloitte), Mme Anne-Valérie Attias-Assouline, présidente de PwC société d’avocats, M. Éric Lesprit, associé du cabinet TAJ société d’avocats, M. Philippe Durand, associé chez PwC avocats

Direction des vérifications nationales et internationales (DVNI) : M. Frédéric Iannucci, directeur

Direction de la législation fiscale (DLF) : Mme Maïté Gabet, cheffe du service du contrôle fiscal, et M. Bastien Llorca

Table ronde « entreprises » : M. Alfred de Lassence, directeur fiscal d’Air Liquide, Mme Catherine Henton, directrice fiscale de Sanofi, M. Clément Bresson, directeur fiscal de Schneider Electric, Mme Laurence Brochet, directrice fiscale de Dassault, Mme Nathalie Mognetti, directrice fiscale de Total

Direction de la législation fiscale : M. Édouard Marcus, chef du service juridique de la fiscalité, M. Philippe Weill, chef du bureau JF-2B, M. Arnaud Sage, chef de la mission d'expertise juridique et économique internationale, rattachée au service juridique de la fiscalité, M. Gaël Perraud, sous-directeur - Sous-Direction E, M. Thomas Jacques, chef de bureau - Bureau E2, Mme Patricia Lechard, adjointe au chef de bureau - Bureau E1, M. Romain Betti, adjoint au chef de section 1 - Bureau E1

Table ronde « avocats » : Me Stéphane Austry, avocat associé, cabinet CMS Francis Lefebvre, Me Éric Ginter, avocat associé, Altitude Avocats, Me Charles Ménard, avocat associé, EY Société d’Avocats, Me Vincent Renoux, avocat associé, Stehlin et associés, et Me Frédéric Teper, avocat associé, Arsene

Google France : M. Benoit Tabaka, directeur des relations institutionnelles

Direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers (DAJ) : M. Vincent Hommeril, chef de mission, et Luisa Terranova de la mission des conventions à la direction des Français de l’étranger et de l’administration consulaire, M. Nicolas Thiriet, sous-directeur des politiques internes et des questions institutionnelles à la direction de l’Union européenne, Mme Chloé Braz-Vieira de la sous-direction des affaires économiques internationales à la direction des entreprises, de l’économie internationale et de la promotion du tourisme, Mme Sandrine Barbier, chef de la mission des accords et traités à la direction des affaires juridiques

Direction générale des entreprises : M. Alain Schmitt, adjoint au directeur général et chef du service de la compétitivité, de l’innovation et du développement des entreprises (SCIDE)

M. Pierre Moscovici, commissaire européen

Conseil d’État : M. Philippe Martin, président de la section des travaux publics, M. Pierre Collin, président de chambre de la section du contentieux

Table ronde Évaluation et chiffrage de l’évasion fiscale : M. Gabriel Zucman, M. Markus Meinzer, a director of the Tax Justice Network, M. Vincent Drezet, Syndicat Solidaires Finances publiques

Table ronde ONG : Mme Lison Rehbinder (CCFD), Mme Eva Joly (ICRICT), Mme Manon Aubry (Oxfam)

Facebook France : Mme Delphine Reyre, directrice des affaires publiques, M. Anton Battesti, responsable des affaires publiques

M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics

Fédération bancaire française : M. Benoît de la Chapelle Bizot

M. Christian Chavagneux, journaliste à Alternatives économiques, et M. Yann Philippin, journaliste à Mediapart

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances

 

 

Déplacement à Bruxelles le 19 juin 2018 :

Commission européenne  direction générale fiscalité et union douanière : M. Bernardus Zuijdendorp, chef de l'unité en charge des initiatives relatives à la fiscalité des sociétés, Mme Gaëlle Garnier, cheffe adjointe de l'unité en charge de l'analyse économique, de l'évaluation et du support à l'analyse d'impact, coordinatrice des initiatives liées à la fiscalité du numérique, M. Ludwig De Winter, chef adjoint de l'unité en charge de la taxe sur la valeur ajoutée, M. Eduard Folch Sogas, expert en charge de la proposition sur la fiscalité des activités numériques, et Mme Valérie Enjolras, responsable des relations avec le Parlement européen et les parlements nationaux

Commission européenne  cabinet de Mme Margrethe Vestager, commissaire européenne chargée de la concurrence : Mme Astrid Cousin, membre du cabinet

Représentation permanente de l’Allemagne auprès de l’Union européenne : M. Ralph Müller, chef du département finances

Représentation permanente de l’Espagne auprès de l’Union européenne : M. Jorge Ferreras Gutierrez, conseiller coordinateur des finances, et M. Fracisco Fernandez Monge, conseiller des finances

Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne : M. Guillaume Drano, conseiller fiscalité

Représentation permanente de l’Italie auprès de l’Union européenne : M. Gabriele Anolino, conseiller fiscalité

Représentation permanente des PaysBas auprès de l’Union européenne : son Excellence Robert de Groot, Ambassadeur, représentant permanent, M. Arno Oudijn, conseiller fiscalité, et Mme Machteld Bergstra, conseillère principale au ministère des finances


([1])  Victor Hugo, Les Misérables, Cinquième partie, livre premier, V, Quel horizon on voit du haut de la barricade.

([2])  Victor Hugo, Actes et Paroles  Avant l’exil, Le Droit et la Loi, II.

([3]) Ibid.

([4]) Id., III.

([5]) Id., I.

([6]) Ibid.

([7])  Le fait d’avoir concentré les travaux sur l’impôt sur les sociétés ne doit naturellement pas occulter l’indispensable lutte contre l’évasion touchant d’autres impôts, au premier rang desquels l’impôt sur le revenu et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui pourraient utilement faire l’objet de prochains travaux. Il convient à cet égard de souligner les importants efforts entrepris par l’Union européenne en matière de TVA, notamment à travers le plan d’action lancé par la Commission européenne le 7 avril 2016 et récemment traduit par une ambitieuse directive du 5 décembre 2017.