N° 1358

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 octobre 2018

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

 

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L’ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES (1),

sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice,

PAR

M. Guillaume Gouffier-Cha,

Député

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(1) La composition de la Délégation figure au verso de la présente page.

 


La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de : Mme Marie-Pierre Rixain, présidente ; Mme Marie‑Noëlle Battistel, Mme Valérie Boyer, M. Pierre Cabaré, Mme Fiona Lazaar, vice-présidents ; Mme Isabelle Florennes, Mme Sophie Panonacle, secrétaires ; Mme Emmanuelle Anthoine ; Mme Sophie Auconie ; M. Erwan Balanant ; Mme Valérie Beauvais ; Mme Huguette Bello ; Mme Céline Calvez ; M. Luc Carvounas ; Mme Annie Chapelier ; M. Guillaume Chiche ; Mme Bérangère Couillard ; Mme Virginie Duby-Muller ; Mme Pascale Fontenel-Personne ; Mme Laurence Gayte ; Mme Annie Genevard ; M. Guillaume Gouffier-Cha ; Mme Nadia Hai ; M. Yves Jégo ; Mme Sonia Krimi ; M. Mustapha Laabid ; Mme Nicole Le Peih ; Mme Jacqueline Maquet ; Mme Cécile Muschotti ; M. Mickaël Nogal ; Mme Josy Poueyto ; Mme Isabelle Rauch ; Mme Laëtitia Romeiro Dias ; Mme Bénédicte Taurine ; Mme Laurence Trastour‑Isnart ; M. Stéphane Viry.

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

SynthÈse des propositions

I. La réforme de la procédure des divorces contentieux : une opportunité pour répondre à des situations complexes, douloureuses et souvent défavorables aux femmes

A. Les procédures de divorce du point de vue de l’égalité entre les femmes et les hommes

1. État des lieux des ruptures de couple en France

2. Les différentes procédures de divorce

B. Situations de violences dans les procédures de divorce

1. Une réalité statistique insupportable

2. La prise en charge des victimes

3. La prise en compte des violences dans la procédure de divorce contentieux

C. la simplification procédurale proposée par le projet de loi du Gouvernement

1. État du droit : la procédure en deux phases des divorces contentieux

2. Le dispositif prévu par le projet de loi pour simplifier la procédure de divorce contentieux

3. Les autres apports de la Délégation sur la modernisation des procédures de divorce

II. La fixation de la contribution À l’entretien et À l’éducation des enfants, le développement de la mÉdiation et autres enjeux de la procÉdure civile du point de vue des droits des femmes et l’ÉgalitÉ

A. la contribution À l’entretien et À l’éducation des enfants, un enjeu fondamental pour les femmes qui sont le plus souvent en charge des enfants aprÈs une sÉparation

1. État du droit : des modalités de fixation et de modulation de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants qui varient selon le statut du couple

a. Les modalités de fixation initiale de la CEEE

b. Les modalités de modulation de la CEEE

2. L’élargissement des missions des CAF : une mesure cohérente bénéficiant aux familles

3. Une expérimentation qui gagnerait à mieux prendre en compte les besoins de l’enfant et les risques liés aux désaccords entre les parents

B. Le Développement du recours À la mÉdiation en matiÈre familIale, une logique nonjudiciaire bienvenue mais non exempte de difficultÉs

1. L’état du droit et des pratiques en matière de médiation

2. Mieux prendre en compte des enjeux d’égalité entre les femmes et les hommes et exclure la médiation en cas de violences

3. La dynamique d’élargissement du recours à la médiation proposée par le projet de loi

C. Autres dispositions du projet de loi

1. Le recueil du consentement en matière d’assistance médicale à la procréation

2. La procédure de changement de régime matrimonial

3. L’exécution des décisions du juge en matière d’affaires familiales

III. la nÉcessaire amÉlioration de la prise en charge des victimes de violences sexuelles et sexistes

A. Le traitement judiciaire du viol

1. L’expérimentation de tribunaux criminels départementaux : une solution pour lutter contre la correctionnalisation des viols

2. Une expérimentation qui devra faire l’objet d’une évaluation minutieuse

B. Plaintes et prÉplaintes en ligne

1. La consécration de la possibilité de déposer plainte en ligne

2. Une préplainte en ligne pour faciliter la dénonciation des violences sexuelles et sexistes et améliorer la prise en charge des victimes

TRAVAUX DE LA dÉlÉgation

annexe : Liste des personnes auditionnÉes par lA dÉlÉgation et par le RAPPORTEUR

 


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introduction

« La société française se transforme, l’État redéfinit ses missions, les services publics se modernisent, et celui de la justice n’échappe évidemment pas à ces mutations. Pour rendre le meilleur service possible aux citoyens, la justice doit se renforcer et s’adapter » ([1]). Lors de l’examen en première lecture au Sénat du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, la Garde des Sceaux soulignait par ces mots la nécessité de réformer les procédures judiciaires pour rendre plus effectives les décisions des magistrats, donner plus de sens à leurs missions et rétablir la confiance de nos concitoyens dans notre justice.

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a souhaité se saisir de ce texte, considérant qu’il importait de veiller à la bonne prise en compte des droits des femmes et des enjeux d’égalité entre les femmes et les hommes dans la réforme des procédures judiciaires. Ce texte de procédures a en effet de nombreuses conséquences très concrètes sur le quotidien de nos concitoyens ; il convient de s’assurer qu’il prend bien en considération les inégalités existantes et contribue à les réduire.

Votre Rapporteur considère que cette vigilance doit être maximale en particulier dans les procédures civiles et pénales touchant aux affaires familiales et aux cas de violences faites aux femmes. Il a donc choisi de concentrer son analyse sur les articles du projet de loi ayant une incidence directe sur ces problématiques.

Pour que toutes les Françaises et tous les Français se sentent protégés, écoutés, pris en considération par leur justice, votre Rapporteur est convaincu que cette dernière doit mieux prendre en compte leurs situations concrètes, en particulier les violences faites aux femmes et les inégalités profondes qui peuvent exister entre les femmes et les hommes. Compte tenu de l’ampleur des inégalités économiques et salariales, du déséquilibre encore important dans la répartition des tâches domestiques et familiales, ainsi que du caractère toujours massif des violences faites aux femmes, votre Rapporteur rappelle que les deux entités du couple ne sont pas toujours égales.

Dans cette perspective, votre Rapporteur formule 27 recommandations qui visent à compléter les réformes ambitieuses qui sont proposées par le projet de loi pour moderniser notre justice afin que celle-ci prenne mieux en compte ces inégalités et protège encore davantage les femmes victimes de violences.

 

 


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   SynthÈse des propositions

 

Recommandation n° 1 : engager une réflexion sur une meilleure protection des individus à la suite de la rupture d’un PACS ou d’un concubinage, formes d’union de plus en plus courantes aujourd’hui et qui concernent souvent les jeunes femmes, statistiquement les plus touchées par la précarité et les violences conjugales.

Recommandation n° 2 : veiller à la formation de l’ensemble du personnel judiciaire sur les questions de violences faites aux femmes et d’égalité entre les femmes et les hommes.

Recommandation n° 3 : compléter le projet de loi par la mention explicite de la possibilité d’une audience en cas de fixation des mesures provisoires.

Recommandation n° 4 : abandonner les termes d’audience et d’ordonnance de « non conciliation » pour utiliser ceux, plus clairs, d’audience introductive de fixation des mesures provisoires.

Recommandation n° 5 : fixer un délai maximal d’un mois entre l’assignation en divorce et l’audience introductive de fixation des mesures provisoires.

Recommandation n° 6 : en cohérence avec la volonté de pacification des procédures de divorce, préciser dans le projet de loi que le demandeur n’indique pas le fondement de sa demande en divorce dès l’assignation qui se situe au début de la nouvelle procédure de divorce contentieux.

Recommandation n° 7 : définir précisément les violences au sein du couple et intrafamiliales dans le code civil, en s’inspirant notamment de la formulation utilisée dans la Convention d’Istanbul.

Recommandation n° 8 : réintroduire dans le projet de loi du Gouvernement la possibilité pour chacun des époux d’être entendu individuellement à sa demande par le juge, afin de préserver l’accès au juge pour le justiciable et de garantir, dans cette procédure, un espace de parole confidentiel notamment pour les femmes victimes de violences conjugales ou intrafamiliales.

Recommandation n° 9 : interdire explicitement le recours à la médiation lors des procédures de divorce en cas de violences conjugales ou intrafamiliales.

Recommandation n° 10 : insérer dans le projet de loi un dispositif garantissant de donner un caractère judiciaire aux divorces par consentement mutuel impliquant un ou plusieurs éléments d’extranéité liés à la nationalité ou à la résidence de l’un des deux époux.

Recommandation n° 11 : autoriser l’utilisation de la signature électronique, qui est réalisée en présence des parties et de leurs avocats, dans le cadre des procédures de divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d'un notaire.

Recommandation n° 12 : interroger la pertinence du délai de deux ans définissant l’altération définitive du lien conjugal et envisager, le cas échéant, de réduire ce délai à seulement une année.

Recommandation n° 13 : généraliser dans les textes législatifs et réglementaires, ainsi que dans l’usage des administrations et associations, l’utilisation du terme de « contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants » afin d’éviter les confusions que crée le terme de « pension alimentaire » quant à l’utilité et l’emploi de cet argent.

Recommandation n° 14 : engager une réflexion pour revoir les modalités d’imposition de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants qui sont aujourd’hui le plus souvent défavorables aux femmes, contribuant ainsi à creuser les inégalités entre les femmes et les hommes.

Recommandation n° 15 : exclure de l’expérimentation en matière de modulation des contributions à l’entretien et à l’éducation des enfants les cas de désaccord entre les parents.

Recommandation n° 16 : engager une réflexion pour améliorer le mode de calcul du barème relatif au montant des contributions à l’entretien et à l’éducation des enfants et pour préciser au mieux les modalités d’utilisation d’un tel barème.

Recommandation n° 17 : réfléchir à la mise en œuvre d’un statut de médiateur et d’un dispositif de certification de ce statut afin de garantir les compétences, d’harmoniser les pratiques de la médiation en France et d’encadrer les tarifs.

Recommandation n° 18 : clarifier la prise en compte des problématiques de violences au sein du couple et intrafamiliales, ainsi que leurs conséquences, en excluant tout recours à la médiation familiale dans le cadre de la procédure civile dès lors que des violences sont avérées ou dénoncées.

Recommandation n° 19 : compléter la certification de médiateur par la reconnaissance de spécialisations, en particulier pour les affaires familiales qui nécessitent une formation initiale et continue complémentaire.

Introduire dans la formation initiale et continue des médiateurs familiaux un module obligatoire sur l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi qu’un module obligatoire sur la détection et la prise en charge des cas de violences au sein du couple ou intrafamiliales.

Recommandation n° 20 : préciser dans les dispositifs prévus par le projet de loi qu’en cas de violences au sein du couple ou intrafamiliales, le juge ne doit ni enjoindre les parties à rencontrer un médiateur, ni leur proposer d’avoir recours à une médiation.

Recommandation n° 21 : prévoir l’évaluation de l’expérimentation de la médiation obligatoire préalable aux contentieux familiaux (en cours dans onze tribunaux de grande instance jusqu’au 31 décembre 2019) et veiller dans cette évaluation à porter une attention toute particulière à la protection des victimes de violences au sein du couple ou intrafamiliales.

Recommandation n° 22 : préciser la procédure de mise en œuvre des nouveaux outils visant à renforcer l’efficacité des décisions prises en matière d’exercice de l’autorité parentale afin que celle-ci intègre systématiquement la question des violences ou du risque de violences et garantisse ainsi la sécurité des parents et des enfants.

Recommandation n° 23 : accompagner le déploiement de cette expérimentation des tribunaux criminels départementaux d’instructions claires pour que la qualification criminelle du viol soit dorénavant systématiquement retenue.

Recommandation n° 24 : changer l’appellation de « tribunal criminel départemental », dont l’expérimentation est prévue par l’article 42 du projet de loi, en « cour criminelle ».

Recommandation n° 25 : inclure dans l’évaluation de l’expérimentation de la cour criminelle des critères précis pour mesurer si ce nouvel organe judiciaire permet effectivement de mieux lutter contre les crimes sexuels.

Recommandation n° 26 : envisager le déploiement d’un dispositif de pré plainte en ligne pour les victimes de violences sexistes et sexuelles qui sera suivie d’un rendez-vous avec un policier ou un gendarme spécialement formé à la prise en charge de ces situations.

Recommandation n° 27 : S’inspirer du modèle du centre d’accueil d’urgence des victimes d’agressions (CAUVA) de Bordeaux pour améliorer la prise en charge des victimes dans les UMJ et permettre le recueil de preuves sans dépôt de plainte.

 


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I.   La réforme de la procédure des divorces contentieux : une opportunité pour répondre à des situations complexes, douloureuses et souvent défavorables aux femmes

En France, 128 000 divorces ont été prononcés en 2016, plus de la moitié par consentement mutuel, l’autre par voie contentieuse. Les divorces contentieux font l’objet d’une procédure judiciaire longue et souvent douloureuse pour les couples et les familles. Le présent projet de loi vise à raccourcir la durée des divorces. Pour garantir l’égalité entre les femmes et les hommes, cette réforme doit néanmoins prendre en compte certains aspects, au premier rang desquels les situations de violences conjugales et intrafamiliales.

A.   Les procédures de divorce du point de vue de l’égalité entre les femmes et les hommes

Le mariage représente la forme la plus fréquente de vie commune en France. Les plus jeunes générations privilégient toutefois d’autres formes de vie de couple, parfois préalables au mariage. Pour les personnes mariées, le droit civil propose cinq procédures de rupture.

1.   État des lieux des ruptures de couple en France

En France, selon les chiffres de l’INSEE, en 2015, 32,4 millions de personnes vivent en couple cohabitant, soit 60 % des adultes. Les trois quarts (74 %) des personnes en couple sont mariées, une sur cinq (19 %) est en concubinage, loin devant les personnes pacsées (7 %) ([2]).

En moyenne les personnes en concubinage sont âgées de 38,5 ans, plus jeunes donc que les personnes mariées qui ont en moyenne 55,5 ans. Ces différences d’âge reflètent un double effet de génération : d’une part, la vision du couple évolue en parallèle des mentalités et des comportements, notamment le mode d’entrée en cohabitation qui s’est largement affranchi du mariage ; d’autre part, le type d’union évolue souvent avec l’âge - un couple débute souvent sa relation par une union libre, en concubinage, avant de conclure un PACS ou de se marier.

Répartition des personnes vivant en couple selon l’âge et le type d’union

Champ : France hors Mayotte, personnes vivant en couple cohabitant au 1er janvier 2011, 2012, 2013, 2014 ou 2015.

Source : INSEE-DGFiP, échantillon démographique permanent 2015.

Le concubinage est donc un mode de « mise en couple » par lequel passent tous les couples avant de potentiellement évoluer vers un PACS ou un mariage. En moyenne entre 2011 et 2014, 546 000 nouvelles unions libres se sont ainsi formées chaque année. Si au milieu des années 1960, les unions libres ne concernaient que 3 % des couples, une cinquantaine d’années après elles sont choisies par près de 20 % d'entre eux.

Ce type de vie de couple ne permet pas aux conjoints de bénéficier de protections juridiques pendant la vie de couple, ni après sa rupture. Or, les ruptures de couples en concubinage sont plus nombreuses que celles de couples mariés ou pacsés - cela est bien sûr également lié au niveau d’engagement des deux partenaires du couple dans la relation. Le nombre de séparations des couples en concubinage, estimé à 265 000 par an entre 2011 et 2015, dépasse le nombre de divorces et de ruptures de PACS réunis. Chaque année, environ 210 000 enfants mineurs sont concernés par les séparations de couples en union libre.

Si ces séparations ne peuvent bien sûr pas entrer dans le champ du projet de programmation et de réforme pour la justice, votre Rapporteur tient à souligner qu’elles ne doivent pour autant pas être oubliées, car elles concernent bon nombre de nos concitoyens. Il importe qu’elles fassent l’objet d’une vigilance et éventuellement d’une réflexion en termes de droits et de protections des individus, et ce d’autant plus qu’elles sont de plus en plus nombreuses.

Lors de leur audition par la Délégation, plusieurs associations ont attiré l’attention de votre Rapporteur sur le fait que cette absence de protection juridique pèse en particulier sur les jeunes femmes ([3]).

Recommandation n° 1 : engager une réflexion sur une meilleure protection des individus à la suite de la rupture d’un PACS ou d’un concubinage, formes d’union de plus en plus courantes aujourd’hui et qui concernent souvent les jeunes femmes, statistiquement les plus touchées par la précarité et les violences conjugales.

2.   Les différentes procédures de divorce

Le divorce par consentement mutuel ([4]), qui implique un accord des deux époux sur l’ensemble des décisions à prendre, est la forme la plus répandue, la plus simple et la plus rapide. Depuis 2017, à la suite du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle ([5]), le divorce par consentement mutuel ne nécessite plus un passage devant le juge, mais peut se faire par le biais d’une convention établie entre les époux et par leur avocat respectif qui doit être déposée chez un notaire. Toutefois, si un enfant du couple demande à être entendu par le juge aux affaires familiales, la convention doit alors être soumise à l'approbation de ce dernier.

S’il n’y a pas d’accord entre les époux, trois types de divorce contentieux sont définis par le code civil et font l’objet d’une procédure devant le juge aux affaires familiales :

 le divorce par acceptation du principe de la rupture du mariage concerne les époux qui sont d’accord pour divorcer mais qui ne parviennent pas à se mettre d’accord sur les conséquences juridiques et économiques du divorce ([6]) ;

 le divorce pour altération définitive du lien conjugal s’applique pour les cas de cessation volontaire de la communauté de vie entre les époux depuis au moins deux années ([7]) ;

 Le divorce pour faute peut être demandé par l’un des deux époux s’il considère que son conjoint a commis une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations liés au mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune ([8]).

B.   Situations de violences dans les procédures de divorce

Les violences au sein du couple et intrafamiliales sont aujourd’hui encore massives dans notre pays et leurs conséquences sur les victimes et sur l’inégalité entre les deux parties du couple doivent impérativement être mieux prises en compte au cours des procédures de divorce.

1.   Une réalité statistique insupportable

En 2016, 123 femmes ont été tuées par leur partenaire ou ex-partenaire et 25 enfants mineurs sont décédés, tués par un de leurs parents dans un contexte de violences au sein du couple.

En moyenne chaque année, selon les données du secrétariat d’État en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes, 225 000 femmes sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles commises par leur conjoint ou ex‑conjoint ex‑mari, concubin, partenaire de PACS, petit ami, amant, ancien ou actuel, cohabitant ou non ([9]). 75 % des victimes déclarent avoir subi ces faits à plusieurs reprises et de manière répétée et 8 victimes sur 10 déclarent avoir également été soumises à des atteintes psychologiques ou des agressions verbales.

Ces chiffres ne tiennent pas compte des nombreux cas non déclarés de violences ; ils sont une estimation minimale du nombre de cas de violences au sein du couple. L’enquête Virage ([10]) souligne en effet l'ampleur du silence et l’occultation des violences faites aux femmes dans notre société. Par ailleurs, de nombreux types de violences sont difficiles à identifier et une certaine forme de tabou social bloque la parole des victimes sur ces sujets : agressions verbales, menaces, attitudes de dénigrement ou de mépris, pratiques sexuelles non consenties, pressions psychologiques pour contrôler l’organisation de la vie familiale ou les faits et gestes de la femme, parfois jusqu’à la manière de s’habiller, etc.

Concernant les violences sexuelles, 84 000 femmes majeures seraient chaque année victimes de viols ou de tentatives de viol. Dans 91 % des cas, ces agressions ont été perpétrées par une personne connue de la victime. Dans 45 % des cas, c’est le conjoint ou l’ex-conjoint qui est l’auteur des faits. Lors de son audition par votre Rapporteur, Mme Emmanuelle Piet, présidente du Collectif féministe contre le viol (CFCV), a souligné que ce chiffre était largement sous‑estimé et qu’en comptant différemment et en comptabilisant également les hommes et les victimes mineurs, on peut considérer qu’environ 300 000 personnes étaient victimes annuellement de viols ou de tentatives de viol.

Ces chiffres confirment un double constat qui a été fait à plusieurs reprises au cours des auditions : qu’elles soient physiques, sexuelles, psychologiques, financières ou encore administratives, les violences au sein du couple sont encore très répandues dans notre pays et l’espace privé est le lieu où se déroule une majorité des violences faites aux femmes.

Cela a d’ailleurs été souligné par l’association Osez le féminisme ([11]) qui affirme clairement que la sphère familiale est le premier espace de violences sexuelles et sexistes. En effet, échappant le plus souvent au contrôle social et à la force publique, l’intimité du couple peut encore être soumise à une logique de domination masculine et favoriser ainsi un terrain inégalitaire en huis‑clos où les violences peuvent être fréquentes et souvent très difficiles à dénoncer.

2.   La prise en charge des victimes

En 2016, environ 110 000 victimes, dont 88 % de femmes, ont été recensées par la police ou la gendarmerie dans des procédures portant sur des violences entre partenaires ([12]). Ce chiffre ne comprend donc que les violences qui ont été déclarées aux services des forces de l’ordre. Or, il est évident qu’une grande part des violences commises au sein du couple ne fait l’objet d’aucune déclaration, notamment lorsqu’elles sont difficiles à identifier ou à prouver.

En 2016, 68 000 auteurs présumés étaient impliqués dans des affaires de violences entre partenaires traitées par les parquets ([13]) et 43 500 d’entre eux ont finalement pu être poursuivis. 86 % de ces auteurs qui pouvaient être poursuivis ont ensuite fait l’objet d’une réponse pénale (poursuites, procédures alternatives aux poursuites, compositions pénales). 17 660 auteurs ont été condamnés pour violences entre partenaires ; 96 % d’entre eux étaient des hommes.

Au-delà de ces procédures qui visent à sanctionner les auteurs de violences, l’ordonnance de protection, mise en place depuis 2010 ([14]), permet de renforcer la protection de la victime de violences (physiques et psychologiques) dans les meilleurs délais, indépendamment d’une procédure pénale ou d'une procédure de divorce en cours.

L’ordonnance de protection

L’ordonnance de protection est un dispositif civil introduit par la loi du 9 juillet 2010 et complété par la loi du 4 août 2014 ([15]). Il est défini aux articles 515‑9 à 515‑13 du code civil. L’ordonnance de protection est destinée à protéger les personnes victimes de violences dans le couple ainsi que leurs enfants. Elle permet au juge aux affaires familiales (JAF) de statuer sur des mesures de protection lorsque qu'il « existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés ». Il n’est pas nécessaire que la personne ait déposé plainte pour obtenir une ordonnance de protection, les violences et le danger pouvant être prouvés par tous moyens.

Les mesures pouvant être prononcées par le JAF dans le cadre d’un ordonnance de protection pour violences au sein du couple permettent notamment d’assurer :

 la sécurité physique des personnes (interdiction de recevoir, de rencontrer ou d’entrer en relation, interdiction de détenir une arme, dissimulation de l’adresse de la demanderesse...) ;

 la sécurité juridique en qualité de parent (autorité parentale et modalités de son exercice...) ;

 la mise à l’abri et la sécurité économique (principe d’attribution du logement à la demanderesse…).

En 2016, 2 960 demandes d’ordonnance de protection dans le cadre de violences au sein du couple ont fait l’objet d’une décision. Pour 2 285 d’entre elles (soit 77 %) le JAF a statué sur la demande ([16]) et, pour 1 456, a rendu une décision d’acceptation totale ou partielle de la demande. Le taux d’acceptation parmi les décisions statuant sur la demande est ainsi de 64 %. Le nombre d’ordonnances de protection prononcées en 2016 a augmenté de 23 % par rapport à 2013. Le nombre de demande ayant fait l’objet d’une décision a lui augmenté de 36 %.

Source : Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humaines, Lettre n° 12 de l’Observatoire national des violences faites aux femmes, novembre 2017.

L’ordonnance de protection permet aux victimes d’obtenir du juge des mesures pour garantir leur sécurité le plus rapidement possible. Le juge aux affaires familiales peut ainsi décider d’interdire au conjoint présumé violent d’entrer en contact avec la demanderesse, d’organiser la garde des enfants et l’exercice d’un droit de visite, d’attribuer la jouissance exclusive du logement familial pour la victime, d’attribuer l’autorité parentale exclusive à la mère, etc. Ces mesures permettent de mettre rapidement à l’abri toute femme en danger à l’intérieur de son foyer, qu’elle soit en concubinage, pacsée ou mariée, sans présager de la culpabilité de l’auteur, tout en organisant provisoirement (six mois renouvelables depuis 2014) les modalités de la séparation.

Les auditions conduites par votre Rapporteur ont confirmé l’efficacité et la pertinence de ce dispositif, tout en rappelant qu’il n’était pas encore suffisamment utilisé dans certains départements. En Seine-Saint-Denis par exemple, comme l’a rappelé le CFCV, ce dispositif est bien utilisé avec près de 300 ordonnances par an, tandis que dans certains départements, les magistrats ne s’en sont pas emparés et il peut arriver qu’aucune ordonnance de protection ne soit prononcée. Si des améliorations seraient bienvenues quant à la bonne application de ce dispositif, votre Rapporteur considère que l’ordonnance de protection est aujourd’hui un outil précieux pour protéger les femmes victimes de violences et qu’il doit avoir vocation, dans une logique de précaution, à être étendu au maximum sur l’ensemble du territoire français.

L’ordonnance de protection ne se substitue toutefois pas à la voie civile pour organiser la séparation du conjoint violent, pour le cas des couples mariés, ni à la voie pénale pour sanctionner l’auteur des violences et prendre des mesures pérennes. En effet, les mesures fixées par le juge aux affaires familiales dans le cadre d’une ordonnance de protection ont des effets limités dans le temps : elles « sont prises pour une durée maximale de six mois à compter de la notification de l'ordonnance. Elles peuvent être prolongées au-delà si, durant ce délai, une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée ou si le juge aux affaires familiales a été saisi d'une requête relative à l'exercice de l'autorité parentale » ([17]).

Votre Rapporteur souligne que la bonne articulation de ce dispositif de protection avec les procédures civiles et pénales en cours est un enjeu particulièrement important pour permettre aux femmes victimes de violences de sortir le plus rapidement possible de cette situation, autant sur le plan pratique que sur le plan juridique.

3.   La prise en compte des violences dans la procédure de divorce contentieux

Au-delà des conséquences extrêmement graves pour les victimes, qui sont placées en situation de vulnérabilité, les violences conjugales et intrafamiliales ont également comme effet de rendre les rapports entre les deux parties du couple profondément inégaux. Comme l’a rappelé l’association Osez le Féminisme lors de son audition ([18]), un couple ne peut pas toujours être considéré comme l’ensemble de deux parties égales.

Ces inégalités au sein des couples ont des conséquences directes sur le sujet des procédures de divorce. En effet, une femme victime de violences conjugales est bien souvent dans l’incapacité de contrer les volontés de son conjoint qui est alors libre de lui extorquer son consentement sur des mesures qui lui sont en fait totalement défavorables. En cas de violences au sein du couple, le divorce ne peut se faire par consentement mutuel car la position de domination violente d’une des deux parties contribue à vicier le consentement, et, pour les mêmes raisons, aucune procédure de médiation ne peut être mise en œuvre (cf. infra). Il est impératif que ces problématiques soient bien connues et prises en compte au cours des procédures de divorce.

Recommandation n° 2 : veiller à la formation de l’ensemble du personnel judiciaire sur les questions de violences faites aux femmes et d’égalité entre les femmes et les hommes.

Par ailleurs, et cela a largement été évoqué par la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF), la Fédération nationale des centres d’information sur les droits des femmes et des familles (FNCIDFF) et par l’association Osez le Féminisme ([19]), les violences économiques sont également un enjeu à prendre en compte dans le cadre des procédures de divorce. La séparation des couples entraîne quasi-systématiquement une baisse des niveaux de vie des ex-conjoints. Or, comme cela a été démontré par de nombreuses études et par l’expertise de plusieurs associations, cette baisse est la plupart du temps plus importante pour les femmes. « Après rupture (divorce ou rupture de Pacs, observés ici en 2009), le niveau de vie des femmes baisse : – 14,5 % en moyenne entre 2008, où elles vivaient en couple, et 2010, où elles vivent sans conjoint. Il aurait augmenté de 5,5 % si elles étaient restées en couple. Pour les hommes vivant sans conjointe en 2010, le niveau de vie après rupture est plus élevé en moyenne qu’avant (+ 3,5 %), mais cette hausse est moindre que s’ils étaient restés en couple (+ 6,5 %). Hommes comme femmes perdent donc financièrement à se séparer, avec une perte plus importante pour les femmes. Ainsi, la perte de niveau de vie directement imputable à la rupture est de l’ordre de 20 % pour les femmes et de 3 % pour les hommes » ([20]).

Ces fortes disparités économiques sont le plus souvent liées à la répartition inégalitaire des charges de travail et des charges familiales au sein du couple. Les femmes, dont le salaire est souvent inférieur à celui de leur conjoint ([21]), sont conduites à interrompre leur carrière professionnelle, souvent en accord avec leur conjoint mais sans nécessaire prendre conscience des conséquences, afin d’organiser la vie familiale et en particulier la gestion des enfants. En cas de rupture du couple et donc de cette organisation familiale, ces inégalités peuvent conduire à une véritable précarisation pour certaines femmes, car elles retrouvent confrontées à d’importantes difficultés pour retrouver un emploi. En outre, cela a un impact négatif sur le niveau de leur retraite : en 2014, la pension moyenne de droit direct s’élève à 1 660 euros pour les hommes contre 1 007 euros pour les femmes. La pension moyenne des femmes est donc inférieure de près de 40 % à celle des hommes. Cet écart résulte des différences de parcours professionnels des femmes et des hommes ; les femmes sont moins bien payées, occupent davantage d’emplois précaires et ont souvent des carrières plus entrecoupées, en raison notamment des décisions prises au sein d’un couple qui confient le plus souvent à la femme le soin de se consacrer à sa famille en mettant son emploi entre parenthèses.

C.   la simplification procédurale proposée par le projet de loi du Gouvernement

Le présent projet de loi propose de simplifier la procédure commune aux trois types de divorce contentieux, afin notamment d’en raccourcir les délais, qui vont la plupart du temps jusqu’à plusieurs années et sont souvent source de difficultés et de douleurs pour les ex‑conjoints. Cette réforme bienvenue ne sera toutefois pleinement efficace qu’en prenant en compte les aspirations des citoyens et des citoyennes, ainsi qu’en garantissant une vigilance particulière aux cas de violences conjugales ou intrafamiliales.

1.   État du droit : la procédure en deux phases des divorces contentieux

La procédure des divorces autres que par consentement mutuel est actuellement divisée en deux parties successives : d’abord la phase orale dite de conciliation, qui débute par la requête en divorce, puis la phase écrite de divorce proprement dite, qui débute avec l’assignation en divorce.

Cette phase de conciliation est obligatoire et a pour objectif de trouver une solution au divorce et à ses conséquences ([22]). Comme l’a précisé M. Marc Pichard lors de son audition, cette tentative de conciliation avait historiquement pour but de « laisser une chance au mariage » et de réconcilier les époux pour les faire renoncer au divorce. Une telle démarche n’est plus d’actualité. Cette phase de conciliation permet également aujourd’hui aux juges de recevoir les époux séparément puis ensemble. L’époux demandeur du divorce est nécessairement accompagné de son avocat, mais la partie défenderesse n’est pas soumise à cette obligatoire. Sauf si cela n’est pas nécessaire en raison d’un accord entre les époux, le juge rend une ordonnance de non-conciliation dans laquelle il prend les mesures provisoires nécessaires à la vie des époux et des enfants pendant la durée de la procédure de divorce. Il peut notamment proposer une mesure de médiation, statuer sur les modalités de la résidence séparée, fixer la pension alimentaire, attribuer à l’un des époux la jouissance du logement, organiser la garde des enfants et les droits de visite, désigner un notaire pour la liquidation du régime matrimonial ([23]). Le prononcé de cette ordonnance de non‑conciliation autorise l’ouverture de la phase d’instance qui doit être introduite dans les 30 mois.

L’instance est introduite par une assignation à la demande d’un époux ; si les époux sont d’accord, ils peuvent introduire l'instance par requête conjointe. L’assignation doit impérativement faire mention de la cause du divorce : acceptation du principe de la rupture du mariage, altération définitive du lien conjugal ou faute. L’époux défendeur peut toutefois former une demande reconventionnelle pour reformuler la cause du divorce. Si, lors de l'audience de conciliation, les époux ont accepté le principe de la rupture du mariage, ils doivent nécessairement poursuivre la procédure sur ce fondement.

Ce régime procédural en deux phases, commun aux trois formes de divorce contentieux, est long et complexe, voulu comme tel à l’origine afin d’inciter les époux à la réflexion avant de rompre leur lien marital. « Cependant, devenu beaucoup plus fréquent, le divorce est désormais moins considéré comme la sanction d'un manquement à l'une des obligations du mariage que comme la conséquence de l'échec du couple » ([24]).

L’objectif poursuivi par l’article 12 du projet de loi du Gouvernement est de simplifier et d’accélérer cette procédure, afin de mieux répondre aux attentes des justiciables, pour lesquels le divorce, devenu une étape bien moins rare dans la vie des couples, ne doit plus être un labyrinthe procédural interminable. Si la FNSF signalait que tout au long de la procédure de divorce les femmes sont protégées par des mesures provisoires qui peuvent garantir leur sécurité physique et financière, la longueur de la procédure est néanmoins vue par la grande majorité des associations et acteurs rencontrés par votre Rapporteur comme génératrice d’effets délétères et de conflits qui accentuent souvent les dissensions d’origine et peuvent même être à l’origine de violences supplémentaires. Sur le plan de l’épanouissement personnel, ces délais sont un véritable obstacle à la reconstruction de la vie de chacun des ex-époux.

Votre Rapporteur adhère pleinement à cet objectif de réduction des délais de procédure qui ne sont aujourd’hui plus adaptés aux nouvelles habitudes de la vie de couple et aux aspirations de nos concitoyens. Il souligne d’ailleurs que la phase de conciliation, visée par le présent projet de loi, n’est pas la seule cause de la longueur des procédures de divorce et qu’il serait sans doute pertinent, en cohérence avec la démarche du Gouvernement, d’engager une réflexion sur une meilleure articulation de la phase du divorce et de la phase suivante de liquidation de la communauté (ou du régime matrimonial), afin de raccourcir également les délais et permettre à chacun des ex-époux de se reconstruire plus rapidement et plus sereinement.

2.   Le dispositif prévu par le projet de loi pour simplifier la procédure de divorce contentieux

L’article 12 du projet de loi du Gouvernement fait le choix d’un allègement du parcours procédural des époux qui divorcent avec maintien du pluralisme des cas de divorce. Votre Rapporteur tient ici à souligner qu’il est impératif de conserver le divorce pour faute, bien que celui-ci soit de plus en plus rarement utilisé aujourd’hui, pour permettre aux femmes victimes de violences conjugales de l’invoquer.

Le projet de loi propose ainsi de modifier en profondeur les paragraphes 1 et 2 de la section 3 du chapitre II du titre VI du livre Ier du code civil portant sur les procédures du divorce judiciaire. Il supprime ainsi la requête initiale et la phase de tentative de conciliation. Cette double suppression a profondément inquiété les différents acteurs et associations rencontrés par votre Rapporteur qui craignaient une suppression totale de toute la phase de conciliation – et en particulier de la fixation par le juge en audience des mesures provisoires – ce qui risquerait d’attiser les conflits inhérents à de nombreuses situations de rupture de couple au lieu de tenter de pacifier les situations. Une audition et de nombreux échanges avec la direction des affaires civiles et du Sceau, ainsi qu’avec le cabinet de la garde des Sceaux, ont permis de clarifier cette évolution de procédure, qui sera par la suite complétée par toute une partie réglementaire.

● La requête est totalement supprimée et la procédure débutera directement par l’assignation, mais la phase de conciliation est en réalité modifiée et partiellement intégrée à la phase judiciaire de divorce : disparaissent les entretiens individuels et informels avec le juge pour être remplacés par une audience classique en présence des deux parties, de leurs avocats et du bureau du juge et qui aura pour objet, tout comme l'actuelle ordonnance de non-conciliation, de fixer les mesures provisoires éventuellement nécessaires à l’organisation de la vie familiale pendant la procédure de divorce.

Votre Rapporteur souligne qu’il est en effet important de conserver cette logique d’une procédure orale avec une audience qui se tiendra automatiquement à la demande d’une des parties ou si le juge l’estime nécessaire. Il considère également que la présence obligatoire des avocats des deux parties est un élément de progrès qui permettra de mieux protéger les femmes en situation de vulnérabilité. Lors de la phase de conciliation, seule la partie demanderesse était jusque-là obligée d’être accompagnée d’un avocat. Pour les cas où le divorce est initié par le mari violent, et où la partie défenderesse, la femme victime, n’était pas obligée d’être accompagnée par un avocat, votre Rapporteur considère que le projet du Gouvernement permet ici de corriger un déséquilibre insatisfaisant et de garantir la bonne représentation et protection de toutes les parties dans toutes les situations. Comme cela a été souligné par le Conseil national des barreaux lors de son audition par votre Rapporteur, la tenue d’une audience en tant que telle sera également plus respectueuse du principe du contradictoire et permettra sans doute d’harmoniser les pratiques, qui étaient jusque-là très dépendantes des habitudes du juge qui prenait en charge la phase de conciliation.

Votre Rapporteur estime opportun de clarifier la réforme voulue par le Gouvernement : il ne s’agit finalement pas de supprimer la phase de conciliation mais plutôt de supprimer la requête en divorce et de mieux encadrer le prononcé des mesures provisoires.

La nouvelle procédure de divorce contentieux

Il juge nécessaire de mentionner dans la loi le principe de l’audience permettant de prononcer des mesures provisoires organisant la vie du ménage et de la famille pendant la durée de la procédure de divorce, si des mesures provisoires sont nécessaires.

Recommandation n° 3 : compléter le projet de loi par la mention explicite de la possibilité d’une audience en cas de fixation des mesures provisoires.

Par ailleurs, votre Rapporteur considère que les termes de « conciliation » et de « non-conciliation » ne doivent plus être mentionnés dans cette nouvelle organisation de la procédure de divorce. Ils manquent en effet de clarté et ne sont plus adaptés à la réalité des couples, car l’objectif n’est plus aujourd’hui de tenter de réconcilier les époux pour sauvegarder le lien marital, mais bien d’organiser la vie familiale pour la durée de la procédure de divorce, afin de limiter au maximum les situations conflictuelles et les risques de violences.

Recommandation n° 4 : abandonner les termes d’audience et d’ordonnance de « non‑conciliation » pour utiliser ceux, plus clairs, d’audience introductive de fixation des mesures provisoires.

● Un autre point a régulièrement été porté à l’attention de votre Rapporteur au cours des auditions menées : le délai pour obtenir la fixation des mesures provisoires. Tant que les mesures provisoires ne sont pas fixées, le fonctionnement et l’organisation du couple ou de la famille se fondent sur un rapport de force entre deux époux parfois très opposés. Le prononcé de l’ordonnance de non-conciliation permettait de mettre fin à cette situation et d’établir un rapport de droit, élément fondamental de pacification de la procédure de divorce.

Or, selon les données fournies par le ministère de la Justice, le délai moyen actuel entre le dépôt de la requête et la tenue de l’audience de conciliation est de 5,7 mois. Votre Rapporteur souligne que pendant ces 5,7 mois, un couple qui a entamé une procédure de divorce contentieux, c’est-à-dire qui n’a pas réussi à se mettre d’accord sur une procédure de consentement mutuel, peut se retrouver dans une situation extrêmement conflictuelle quant à l’organisation du quotidien. Il estime que cette période peut même être propice au développement de violences, physiques psychologiques ou encore économiques notamment.

Pour être réellement efficace et garantir les droits de citoyens et citoyennes, la réforme voulue par le Gouvernement doit s’accompagner d’un raccourcissement du délai entre le début de la procédure de divorce et le prononcé des mesures provisoires. Dans la nouvelle procédure envisagée par le Gouvernement, votre Rapporteur estime que la loi devrait fixer le principe d’un délai maximal d’un mois entre l’assignation en divorce, qui initie à présent la procédure, et la tenue de l’audience pour prononcer les mesures provisoires.

Recommandation n° 5 : fixer un délai maximal d’un mois entre l’assignation en divorce et l’audience introductive de fixation des mesures provisoires.

● Dans la version initiale du projet de loi du Gouvernement déposé en première lecture au Sénat, cette évolution de la procédure des divorces contentieux permet aux époux de causer le divorce, c’est-à-dire d’indiquer les raisons sur lesquelles le demandeur fonde sa demande, dès le tout début de la nouvelle procédure au moment de l’assignation. Or, depuis 2004 ([25]), dans une logique de pacification des procédures de divorce, la formulation du fondement de la demande de divorce dès le début de la procédure avait été supprimée. Ainsi, la requête en divorce (première démarche qui débutait la phase de conciliation) ne comprenait pas la cause de la demande en divorce (accord sur le principe de rupture, faute ou altération définitive du lien conjugal). La précision du fondement de la demande n’intervenait que dans un second temps.

Selon la majeure partie des personnes auditionnées par votre Rapporteur à ce sujet, le maintien d’un premier temps de procédure sans expression de la cause de la demande en divorce est une nécessité. Le Conseil national des barreaux a notamment souligné que le fait de causer le divorce dès le début est en réalité très destructeur pour les époux et rend la procédure d’autant plus conflictuelle et douloureuse.

Pour éviter d’entrer dès le début de la procédure dans une telle logique d’affrontement des parties, votre Rapporteur estime nécessaire de modifier la rédaction de l’article 12 du projet de loi initial pour préciser que l’assignation, toute première étape de la procédure, ne doit pas comporter les fondements de la demande en divorce.

Recommandation n° 6 : en cohérence avec la volonté de pacification des procédures de divorce, préciser dans le projet de loi que le demandeur n’indique pas le fondement de sa demande en divorce dès l’assignation qui se situe au début de la nouvelle procédure de divorce contentieux.

3.   Les autres apports de la Délégation sur la modernisation des procédures de divorce

● L’ampleur des violences au sein du couple conduit votre Rapporteur à souligner qu’une vigilance absolue sur ce sujet dans le cadre de la réforme des procédures civiles est nécessaire. Nombre de ces violences ne sont jamais identifiées, signalées ou dénoncées ; elles demeurent dans l’huis-clos familial où les femmes peuvent ainsi se retrouver perpétuellement en situation de vulnérabilité et d’insécurité.

Déclarée grande cause nationale du quinquennat par le Président de la République, l’égalité entre les femmes et les hommes ne pourra advenir tant que persisteront de manière aussi massive les violences faites aux femmes qui se déroulent en majeure partie dans le cadre de la famille et du couple.

Pour cette raison et parce qu’elles sont inacceptables, votre Rapporteur suggère de mieux intégrer la lutte contre les violences au sein du couple dans notre droit et de profiter de ce projet de loi pour clarifier les procédures en lien avec ces violences en les définissant clairement dans le code civil. Votre Rapporteur propose pour cela de s’inspirer de la Convention d’Istanbul.

La Convention d’Istanbul

La convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique, dite convention d’Istanbul, érige des standards minimums en matière de prévention, de protection des victimes et de poursuite des auteurs. Elle a été ratifiée par la France le 4 juillet 2014.

Elle précise les différents types de violences à l’égard des femmes et définit en son article 3 la violence dite domestique comme « tous les actes de violences physique, sexuelle, psychologique ou économique qui surviennent au sein de la famille ou du foyer ou entre des anciens ou actuels conjoints ou partenaires, indépendamment du fait que l’auteur de l’infraction partage ou a partagé le même domicile que la victime ».

Votre Rapporteur considère que l’insertion d’une définition précise des violences au sein du couple et intrafamiliales dans le code civil permettra, d’une part, d’envoyer un signal clair à la société et, d’autre part, de faciliter le travail des juges, y compris dans les cas de procédures contentieuses de divorces.

Recommandation n° 7 : définir précisément les violences au sein du couple et intrafamiliales dans le code civil, en s’inspirant notamment de la formulation utilisée dans la Convention d’Istanbul.

● La réforme du divorce contentieux engagée par le Gouvernement permettra sans aucun doute de réduire les délais et ainsi de permettre aux femmes victimes de violences conjugales de s’extraire plus rapidement de tout lien avec l’auteur des violences. Votre Rapporteur se réjouit de cette évolution, mais tient à rappeler que l’accélération de la procédure ne doit pas se faire au détriment des précautions nécessaires à la détection et à la prise en charge des situations de violences au sein du couple.

Deux points lui semblent notamment devoir être pris en compte dans cette réforme, afin de garantir la sécurité et la prise en charge des victimes.

 D’une part, il apparaît que la suppression du déroulement actuel de la phase dite de conciliation conduit à supprimer toute forme d’accès individuel au juge. Or, comme l’a par exemple souligné l’association Divorcé(e)s de France au cours de son audition par votre Rapporteur, la garantie de pouvoir être reçu et écouté par le juge est particulièrement importante pour le justiciable. En outre, un rendez-vous individuel avec le juge peut permettre à l’un des époux d’évoquer de manière informelle certaines difficultés auxquelles il serait confronté. Cela offre notamment un espace de parole pour les femmes victimes de violences. Votre Rapporteur considère que cet espace de parole est particulièrement utile dans une situation de divorce pouvant exacerber les tensions et parfois les violences au sein du couple. Compte tenu de l’ampleur des violences conjugales et intrafamiliales, aucun moment où la parole des victimes peut être recueillie ne doit être négligé, y compris au cours des procédures de divorce.

Recommandation n° 8 : réintroduire dans le projet de loi du Gouvernement la possibilité pour chacun des époux d’être entendu individuellement à sa demande par le juge, afin de préserver l’accès au juge pour le justiciable et de garantir, dans cette procédure, un espace de parole confidentiel notamment pour les femmes victimes de violences conjugales ou intrafamiliales.

 D’autre part, comme cela a été souligné tout au long des auditions, la médiation entre deux conjoints n’est pertinente que si ceux-ci sont véritablement égaux dans leurs relations et leurs échanges. Tous les cas de violences au sein du couple conduisent automatiquement à une situation inégalitaire entre les deux époux et doivent être rigoureusement exclus des médiations.

En matière d’affaires familiales, la médiation est d’ailleurs proscrite par l’article 373210 du code civil en cas de violences commises par l’un des parents su l’auteur parent ou sur l’enfant. En matière pénale, l’article 41-1 du code de procédure pénale interdit également la médiation entre l’auteur des faits et la victime lorsque des violences ont été commises par le conjoint ou l'ancien conjoint de la victime, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son ancien partenaire, son concubin ou son ancien concubin, sauf dans le cas où la victime en fait expressément la demande.

Dans cette même logique, votre Rapporteur souligne combien il est impératif que la médiation soit interdite dans toutes les procédures de divorce en cas de violences conjugales ou intrafamiliales et considère que cette interdiction doit être intégrée au présent projet de loi. Il estime en effet qu’il convient, comme en matière pénale, de mentionner explicitement dans le code civil que la médiation est à proscrire de la procédure de divorce en cas de violences au sein du couple et sur simple déclaration d’un des deux époux.

Recommandation n° 9 : interdire explicitement le recours à la médiation lors des procédures de divorce en cas de violences conjugales ou intrafamiliales.

● Concernant par ailleurs le divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d'un notaire instauré en 2016 par la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle ([26]), plusieurs points ont pu être évoqués au cours des auditions menées.

 Pour certains couples où l’un des deux conjoints est de nationalité étrangère, cette procédure de divorce sans juge pose des difficultés car de nombreux pays ne reconnaissent pas le divorce par consentement mutuel non judiciaire. Votre Rapporteur considère que cette difficulté juridique de procédure pourrait utilement être corrigée dans le présent projet de loi, en prévoyant pour ces situations soit de renvoyer automatiquement ces cas de divorces vers le juge, soit de permettre, en cas de besoin, une homologation du divorce par consentement mutuel non judiciaire par le juge.

Recommandation n° 10 : insérer dans le projet de loi un dispositif garantissant de donner un caractère judiciaire aux divorces par consentement mutuel impliquant un ou plusieurs éléments d’extranéité liés à la nationalité ou à la résidence de l’un des deux époux.

 Lors de son audition, le Conseil national des barreaux a également mis en avant une problématique matérielle liée à l’interdiction de la signature électronique pour les actes sous signature privée relatifs au droit de la famille et aux successions ([27]). Cette interdiction s’applique donc aux procédures de divorce par consentement mutuel non‑judiciaire et, selon le Conseil national des barreaux, cela alourdit les démarches et complique la transmission des documents entre les avocats et les notaires. La signature électronique, qui se fait en présence des parties et de leurs avocats respectifs, permettrait de simplifier cette procédure, en accord avec les objectifs poursuivis par le présent projet de loi.

Recommandation n° 11 : autoriser l’utilisation de la signature électronique, qui est réalisée en présence des parties et de leurs avocats, dans le cadre des procédures de divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d'un notaire.

● Enfin, votre Rapporteur s’interroge sur la pertinence actuelle de la durée exigée pour définir l’altération définitive du lien conjugal. En vertu des articles 237 et 238 du code civil, l’'altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation volontaire de la communauté de vie entre les époux, lorsqu’ils vivent séparés depuis au moins deux ans. La communauté de vie doit avoir cessé au niveau matériel et affectif. Prenant en compte l’évolution des modes de vie et des habitudes de couple, votre Rapporteur considère opportun d’envisager une éventuelle réduction de ce délai, par exemple à une année. En dessous de cette durée, votre Rapporteur ne verrait pas l’intérêt de maintenir ce type de divorce contentieux.

Recommandation n° 12 : interroger la pertinence du délai de deux ans définissant l’altération définitive du lien conjugal et envisager, le cas échéant, de réduire ce délai à seulement une année.

II.   La fixation de la contribution À l’entretien et À l’éducation des enfants, le développement de la mÉdiation et autres enjeux de la procÉdure civile du point de vue des droits des femmes et l’ÉgalitÉ

Le II du projet de loi vise à simplifier la procédure civile. En ce sens, plusieurs dispositions proposées par le Gouvernement concernent des démarches qui ont trait aux affaires familiales, notamment pour les décisions relatives à l’exercice de l’autorité parentale. Plusieurs articles ont ainsi des conséquences en termes de droits des femmes et d’égalité entre les femmes et les hommes.

A.   la contribution À l’entretien et À l’éducation des enfants, un enjeu fondamental pour les femmes qui sont le plus souvent en charge des enfants aprÈs une sÉparation

Comme cela a été rappelé dans toutes les auditions auxquelles votre Rapporteur a participé, les conditions d’organisation de la vie familiale après la séparation du couple constituent un point essentiel pour tous les ex‑conjoints. L’article 6 du projet de loi du Gouvernement vise à simplifier les modulations des montants de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants (CEEE), plus communément appelée « pension alimentaire ».

Avant toute chose, votre Rapporteur tient à rappeler que le terme de CEEE est précis et tout à fait adéquat en ce qu’il désigne bien l’utilité de cette contribution qui a vocation à servir aux enfants, et non pas à l’ex‑conjoint comme le terme de « pension alimentaire » peut parfois le laisser croire. La CEEE permet ainsi au parent qui la verse de participer au paiement des besoins quotidiens de l’enfant : vêtements, activités extrascolaires, fournitures scolaires, cantines, frais d’entretien, etc. Votre Rapporteur insiste sur l’importance pédagogique de l’emploi du terme CEEE qui rend mieux compte de la réalité des familles et clarifie l’utilité de ce transfert monétaire.

Recommandation n° 13 : généraliser dans les textes législatifs et réglementaires, ainsi que dans l’usage des administrations et associations, l’utilisation du terme de « contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants » afin d’éviter les confusions que crée le terme de « pension alimentaire » quant à l’utilité et l’emploi de cet argent.

Chaque année, ce sont près de 380 000 enfants mineurs qui sont concernés par la séparation de leurs parents, qu’ils soient concubins, pacsés ou mariés ([28]). Toute rupture d’un couple ayant des enfants conduit nécessairement à une réorganisation de la vie familiale et de la répartition des charges parentales et financières liées aux enfants entre les deux parents. Si le nombre de gardes alternées progresse, la résidence principale chez la mère reste la norme de l’organisation familiale post‑séparation : « après la séparation de leurs parents, 75 % des enfants vivent chez leur mère, 17 % en résidence alternée et 8 % chez leur père. En moyenne, 83 % des parents qui se séparent sont parvenus à un accord sur le mode de résidence » ([29]). Or, pour 82 % des enfants en résidence chez leur mère, soit une très grande majorité de ces enfants mineurs concernés par la séparation de leurs parents, le versement d’une CEEE est décidée. Cela s’explique par le fait que la résidence unique de l’enfant chez un des parents conduit à déséquilibrer le règlement quotidien des frais liés aux besoins de l’enfant.

Votre Rapporteur souhaite également préciser que dans la majeure partie des cas, le parent qui verse la CEEE (majoritairement le père) peut la déduire de ses impôts sur le revenu, tandis que le parent qui reçoit la CEEE (majoritairement la mère) devient imposable au titre de la somme reçue qui devra être déclarée. Votre Rapporteur considère que la CEEE n’a rien d’assimilable à un revenu : il s’agit d’une contribution aux frais quotidiens liés aux besoins de l’enfant. Rappelant qu’en moyenne, la perte de niveau de vie directement imputable à la rupture est de l’ordre de 20 % pour les femmes et de 3 % pour les hommes, tandis que la garde des enfants revient très majoritairement aux femmes, votre Rapporteur considère que ce système d’imposition de la CEEE crée une fiscalité défavorable aux femmes, contribuant ainsi à creuser les inégalités économiques entre les femmes et les hommes dans notre société. Pour remédier à cette situation, il propose de revoir les modalités d’imposition de la CEEE.

Recommandation n° 14 : engager une réflexion pour revoir les modalités d’imposition de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants qui sont aujourd’hui le plus souvent défavorables aux femmes, contribuant ainsi à creuser les inégalités entre les femmes et les hommes.

1.   État du droit : des modalités de fixation et de modulation de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants qui varient selon le statut du couple

a.   Les modalités de fixation initiale de la CEEE

La rupture d’un couple conduit à une importante réorganisation de la vie familiale, impliquant une refonte du partage entre les deux parents des charges financières liées aux besoins des enfants. Quelle que soit l’organisation de la famille, chacun des parents a en effet l’obligation de contribuer à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant ([30]). Cette obligation incombe aux parents quel que soit leur statut matrimonial ; les modalités fixation de la CEEE de chacun des parents varient toutefois selon le statut du couple.

● La fixation initiale de la CEEE, jusqu’en avril 2018, incombait quasi systématiquement au juge aux affaires familiales.

Pour les cas de divorce devant le juge (consentement mutuel judiciaire, divorces contentieux), comme pour les parents non mariés (concubins ou pacsés), le juge était saisi pour homologuer une convention par laquelle les parents se mettent d’accord pour fixer la CEEE ou, en cas de désaccord, pour fixer lui-même cette contribution. Le juge n’intervenait toutefois pas pour les cas où les parents ex‑concubins ou ex‑pacsés préféraient un accord totalement amiable non formalisé et les cas où les parents ex‑mariés choisissaient un divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire (sauf si un des enfants mineurs demandait à être entendu par le juge, auquel cas celui-ci devait alors homologuer la convention).

● Depuis le 1er avril 2018, cette fixation initiale peut se faire en dehors de l’intervention du juge, mais uniquement pour les parents qui mettent fin à leur vie en concubinage ou qui ont procédé à une dissolution de leur PACS.

En application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 ([31]), l’article L. 582‑2 du code de la sécurité sociale prévoit dorénavant que les parents séparés, ex‑concubins ou ex‑pacsés, peuvent conjointement soumettre l’accord par lequel ils fixent le montant de la CEEE à l’homologation du directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales pour qu’il lui donne force exécutoire. Ce dispositif ne concerne donc pas les parents ex‑mariés. Ce nouveau système a été précisé par décret au mois de juillet dernier ([32]) et les caisses d’allocations familiales (CAF) ne se sont approprié cette nouvelle mission que depuis quelques semaines. Comme l’a précisé la directrice de l’agence nationale de recouvrement des pensions alimentaires lors de son audition par votre Rapporteur, cela fait environ un mois et demi que les services sont opérationnels ; environ 120 à 130 titres exécutoires ont à ce jour été remis aux familles dans ce cadre.

b.   Les modalités de modulation de la CEEE

● Pour les couples ex‑pacsés ou ex‑concubins, deux procédures sont applicables selon que la fixation initiale de la CEEE a été faite devant le juge ou par la caisse d’allocations familiales.

Dès lors que le juge est intervenu pour fixer la CEEE initiale, après la séparation du couple concubin ou pacsé, soit par décision judiciaire, soit par homologation d’une convention, la modification du montant de la CEEE lui est soumise ([33]).

Si la CEEE a été définie initialement par un accord homologué par le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales, l’article L. 582‑2 du code de la sécurité sociale précise que « les parents sont tenus de signaler à l’organisme débiteur tout changement de situation susceptible d'entraîner la révision du montant de la contribution. Lorsque ce changement entraîne une modification du droit à l'allocation mentionnée au 4° du I de l'article L. 5231 du présent code, les parents qui ont conclu un nouvel accord le transmettent à l'organisme débiteur en vue du maintien de cette allocation ».

● Pour les couples ex‑mariés, que le divorce soit issu d’un consentement mutuel non judiciaire ou d’une décision du juge aux affaires familiales, toute modification de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants relève de la compétence exclusive du juge ([34]).

2.   L’élargissement des missions des CAF : une mesure cohérente bénéficiant aux familles

Dans la continuité de la réforme engagée depuis le 1er avril 2018, le Gouvernement propose, à travers l’article 6 du présent projet de loi, d’élargir les missions des caisses d’allocations familiales (CAF) dans le domaine de la gestion des CEEE. Pour ce faire, le projet de loi propose de mener une expérimentation qui permettrait aux CAF non plus seulement de fixer le montant initial de la CEEE pour les ex‑concubins et ex‑pacsés, mais également de moduler ce montant, amené à changer au fur et à mesure de la vie des parents et des enfants, pour les ex‑concubins, ex‑pacsés et également ex‑mariés. Par application d’un barème, qui constituerait un seuil minimal, les caisses d’allocations familiales pourraient ainsi accompagner les parents désirant modifier les dispositions régissant la vie de leurs enfants et leur fournir un titre exécutoire portant sur le seul montant de la CEEE.

Votre Rapporteur souligne la pertinence et la cohérence du double objectif poursuivi par cette réforme : d’une part, alléger et accélérer la procédure de demande de modulation de la CEEE en évitant le passage obligatoire devant le juge et, d’autre part, alléger la charge de travail du juge aux affaires familiales. Selon le ministère de la Justice, ce sont en effet chaque année plus de 170 000 demandes de fixation ou de modification des CEEE qui sont adressées au juge, parfois avec des situations très simples dans lesquelles les deux parents sont d’accord et les conditions de vie ne posent pas de questions particulières. Face à cette masse importante de demandes, les délais sont longs et il faut souvent plus de six mois pour obtenir la décision du juge, ce qui peut placer les parents dans des situations difficiles, voire accentuer d’éventuels conflits sur le partage des charges financières liées aux besoins des enfants (vêtements, cantine, frais d’entretien…).

Étendre la mission des CAF dans ce domaine permettrait sans aucun doute d’améliorer le quotidien de nos concitoyens, mais aussi de gagner en cohérence dans l’organisation des procédures de fixation et de modulation des CEEE. En pratique, cela permettrait aux couples séparés de moduler plus rapidement le montant de la CEEE en fonction de l’évolution de leur situation financière et ainsi de faciliter leur quotidien. Les conditions de vie, notamment professionnelles, des deux parents, ainsi que les besoins des enfants, évoluent en effet au fil du temps et votre Rapporteur considère opportun de leur permettre de régler plus rapidement une démarche administrative consistant simplement à actualiser leur CEEE au regard de leurs changements de situation.

Gagner en souplesse, en simplicité et en rapidité dans les procédures de modulation de ces CEEE sera un véritable progrès qui touchera un nombre très important de personnes dans notre pays.

Par ailleurs, cela permettrait d’accroître l’effectivité de l’action de l’agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (ARIPA). Mise en place le 1er janvier 2017, cette agence permet de mettre rapidement fin aux situations où un ex‑conjoint ne verse plus la CEEE à l’autre ex-conjoint, ce qui peut placer ce dernier dans une situation économique extrêmement difficile ([35]). Si la majeure partie des CEEE sont versées intégralement et régulièrement ([36]), conformément à l’accord formé entre les deux parents, les cas où le débiteur fait défaut entraînent des conséquences particulièrement dommageables pour le parent créancier, qui est très majoritairement une femme, et pour le ou les enfants. Comme l’ont souligné avec force les différentes associations auditionnées par votre Rapporteur, il s’agit là de véritables violences économiques, commises le plus souvent à l’encontre des femmes.

L’action de recouvrement des impayés de l’ARIPA se fondant nécessairement sur un titre exécutoire portant sur le montant de la CEEE, le développement du rôle des CAF dans l’émission de ces titres permettra aux parents de disposer plus systématiquement et plus rapidement d’un titre exécutoire correspondant à leur situation réelle. Ces titres exécutoires garantiront ensuite au parent créancier d’être plus rapidement assisté en cas de non‑paiement de la CEEE par le parent débiteur. En particulier pour les familles monoparentales, qui concernent environ 20 % des enfants mineurs, qui sont dans 85 % gérées par les mères et qui représentent près d’un quart des ménages les plus pauvres, l’effectivité du recouvrement de la pension alimentaire non versée par le parent débiteur peut être une question de survie. En ce sens, votre Rapporteur estime que cette fluidification de l’émission des titres exécutoires afférant aux montants des CEEE, initiaux ou modulés, et qui sont nécessaires à leur recouvrement en cas d’impayés, constituera une protection supplémentaire pour les parents créanciers.

3.   Une expérimentation qui gagnerait à mieux prendre en compte les besoins de l’enfant et les risques liés aux désaccords entre les parents

La rédaction initiale du dispositif proposé par l’article 6 du projet de loi du Gouvernement appelle cependant plusieurs remarques de la part de votre Rapporteur.

● En premier lieu et à la lumière des échanges qu’il a pu avoir au cours de ses auditions avec la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et l’ARIPA, votre Rapporteur s’étonne de l’intégration des cas de désaccords entre les parents dans l’expérimentation envisagée par le projet de loi. Si les CAF peuvent en effet gérer sans difficulté particulière les homologations de conventions parentales sur lesquelles s’accordent les deux parents fixant, entre autres, un nouveau montant de la CEEE, il apparaît beaucoup plus complexe pour elles de prendre en charge de telles procédures en cas de désaccord entre les deux parents.

Il semble en effet que de tels cas relèvent d’une logique contentieuse et donc des attributions du juge aux affaires familiales. Il conviendrait tout d’abord d’éclaircir les modalités d’accès des CAF aux documents qui doivent être pris en compte dans ces procédures, ainsi que le type d’obligation qui pèse sur les parties pour leur transmettre ces documents. Le juge a nécessairement accès à tout document et une telle différence de pouvoir pourrait de facto rendre problématique le traitement de cas contentieux par les CAF. De plus, la CNAF et l’ARIPA ont clairement fait valoir au cours de leur audition par votre Rapporteur que les CAF ne disposaient absolument pas des moyens matériels et humains pour mener à bien une telle mission, qui s’avère particulièrement lourde, notamment en matière de procédure contradictoire. Il est à noter que la CAF doit intégrer en parallèle une diminution générale de ses effectifs de l’ordre de 2 000 personnes dans les années à venir, alors que ses missions s’élargissent.

Le conseil national des barreaux a quant à lui souligné que ces situations ne sont pas strictement monétaires, mais impliquent bon nombre d’éléments plus subjectifs et qu’une telle réforme priverait au final les parents d’un espace de discussion.

Par ailleurs, votre Rapporteur considère que l’intervention du juge est davantage protectrice pour les familles, pour les femmes en situation de précarité économique et pour l’intérêt supérieur de l’enfant. Doivent en outre être prises en compte les questions de violences, physiques, psychologiques ou économiques, faites aux femmes. Comme l’a indiqué la Fédération nationale Solidarité femmes (FNSF) à votre Rapporteur « dans les situations de violences conjugales, le montant et le versement de la CEEE font très souvent objet de pressions, intimidations et chantage de l’ex-conjoint violent ». Même en cas d’accord, rien ne permet d’exclure totalement l’existence de violences. L’intervention du juge est préférable pour appréhender la complexité et la spécificité de chaque situation familiale et pour garantir la protection des victimes en cas de violences conjugales.

Recommandation n° 15 : exclure de l’expérimentation en matière de modulation des contributions à l’entretien et à l’éducation des enfants les cas de désaccord entre les parents.

● Par ailleurs, votre Rapporteur s’interroge sur la précision du barème utilisé par les CAF et plus généralement sur la pertinence de l’application totalement automatisée de ce barème. Selon les informations fournies au cours des auditions, ce barème, réalisé par le ministère de la Justice, ne prend en compte que les revenus du débiteur, le mode de garde et le nombre d’enfants concernés. Or, l’article 371‑2 du code civil dispose que « chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant » : le montant de la CEEE devrait normalement dépendre de davantage d’éléments et donc prendre aussi en compte les ressources du créancier et les besoins de l’enfant ou des enfants concernés. Comme l’a notamment souligné la FNSF lors de son audition ([37]), le montant de la CEEE tel que défini par le juge n’est pas un chiffre obtenu de manière automatique, comptable et administrative, mais prend en compte toutes ces données et notamment les besoins de l’enfant qui changent au fur et à mesure des années et qui dépendent également du lieu géographique de résidence.

Le principe même de l’application d’un barème à des situations extrêmement variées et difficilement objectivables peut être interrogé. Il est à noter que le barème de la CAF est aujourd’hui légèrement distinct de celui du ministère de la Justice, un alignement des deux barèmes doit être opéré dans les plus brefs délais. Votre Rapporteur souligne tout d’abord que ce barème constitue en réalité un seuil en‑deçà duquel le montant de la CEEE ne peut être fixé. Au cours des auditions, il a toutefois relevé que les parents ne semblaient pas toujours disposer de cette information et que l’existence d’un barème avait bien souvent comme conséquence négative de conduire certains parents à l’utiliser comme référence obligatoire et non pas comme barème minimal.

La FNSF a également rappelé que les séparations conduisent la plupart du temps à précariser davantage les femmes, creusant encore un peu plus les inégalités entre les femmes et les hommes au regard de l’emploi et des salaires. Elle estime que cette déjudiciarisation des modulations de la CEEE empêcherait de repérer les cas de dissimulation de revenus du débiteur et pourrait conduire à minimiser les violences économiques dont les femmes peuvent être victimes de la part de certains ex‑conjoints.

En outre, le Conseil des barreaux, de même que M. Marc Pichard, professeur de droit privé et sciences criminelles, ont indiqué qu’il était illogique d’utiliser un système de barème pour réviser des montants qui n’avaient pas auparavant été déterminés selon ce même barème. En effet, si le montant de la CEEE a initialement été fixé par le juge aux affaires familiales, dont la décision ne peut être encadrée par un barème impératif, il peut en réalité être très éloigné du barème.

Ces deux types de difficultés, pratique et théorique, qui ont été portés à son attention à plusieurs reprises au cours de ses auditions, conduisent votre Rapporteur à s’interroger sur la pertinence d’une application automatisée d’un tel barème et sur les modalités de calcul de ce barème. Il considère donc que le projet de loi, puis l’expérimentation et l’évaluation de ce dispositif doivent veiller à améliorer le mode de calcul de ce barème et les modalités de son utilisation.

Recommandation n° 16 : engager une réflexion pour améliorer le mode de calcul du barème relatif au montant des contributions à l’entretien et à l’éducation des enfants et pour préciser au mieux les modalités d’utilisation d’un tel barème.

B.   Le Développement du recours À la mÉdiation en matiÈre familIale, une logique non‑judiciaire bienvenue mais non exempte de difficultÉs

Le projet de loi du Gouvernement vise à développer la culture du règlement amiable des différends et comprend à cette fin plusieurs mesures relatives à la médiation. Par le biais d’un processus structuré et apaisé de résolution amiable, évitant une logique d’affrontement des parties, la médiation a pour finalité de parvenir à une solution mutuellement acceptable. Il s’agit d’un temps d’écoute, d’échanges et de négociation qui permet de prendre en compte de manière concrète les besoins de chacun.

1.   L’état du droit et des pratiques en matière de médiation

L’objectif de la médiation est d’amener les parties à un accord grâce à l’intervention d’un tiers neutre et objectif, le médiateur. La médiation est possible dans tous les domaines où les parties ont la libre disposition de leurs droits ; elle est impossible pour les questions touchant à l’état civil et d’ordre public. La médiation est courante dans le domaine civil et commercial ; elle peut en effet concerner de nombreux litiges de la vie quotidienne : conflits de voisinage, difficulté de recouvrement d’une créance, contestation d’une facture, litiges concernant les baux locatifs, litiges familiaux… Elle peut aussi intervenir pour régler un litige opposant un administré à l’administration ou encore quand un problème survient en lien avec des contrats conclus avec les entreprises du secteur de l’énergie. Enfin, la médiation est possible en matière pénale, à la demande du procureur de la République.

● Comme l’a rappelé l’association nationale des médiateurs lors de son audition par votre Rapporteur, on compte aujourd’hui en France entre 4 500 et 5 000 médiateurs qui sont regroupés en diverses entités (médiateurs-avocats ou médiateurs spécialisés dans les affaires familiales par exemple) et peuvent exercer au sein d’associations ou en libéral. S’il existe un diplôme universitaire qui constitue la formation initiale à la médiation, il apparaît toutefois que les exigences des différentes associations en termes de formations initiale et continue, et donc en termes de compétences, ne sont pas harmonisées. Ces compétences sont en outre différentes selon qu’il s’agit de médiation extra‑judiciaire (à laquelle les parties peuvent toujours avoir recours), de médiation judiciaire (ordonnée par le juge), de médiation civile judiciaire ou de médiation pénale.

Pour le conseil national des barreaux, ce manque d’harmonisation des obligations de formation et des pratiques des médiateurs pose de réelles difficultés. L’association nationale des médiateurs considère également qu’il est impératif de mettre rapidement en place un système d’accréditation des médiateurs permettant de garantir les compétences des médiateurs auxquels peuvent avoir recours le juge et les justiciables. Votre Rapporteur estime qu’il serait opportun d’instaurer un statut clair et uniforme du métier de médiateur par le biais d’une certification obligatoire.

Recommandation n° 17 : réfléchir à la mise en œuvre d’un statut de médiateur et d’un dispositif de certification de ce statut afin de garantir les compétences, d’harmoniser les pratiques de la médiation en France et d’encadrer les tarifs.

● En matière d’affaires familiales, les médiateurs doivent être spécialement formés sur ces problématiques ; il existe un diplôme d’État de médiateur familial depuis 2003. Certains exercent au sein d’associations de médiation familiale, d’autres en libéral. Deux associations nationales fédèrent la médiation familiale : l’association pour la médiation familiale (APMF) et la fédération nationale de la médiation et des espaces familiaux (Fenamef).

Compte tenu des liens familiaux entre les parties et de l’importance de préserver au mieux ces liens, l’existence d’une formation spécifique pour prendre en charge ce type de litiges est une nécessité, notamment pour garantir que le médiateur familial dispose de compétences suffisantes en psychologie et en droit civil. Si un diplôme spécifique existe depuis plusieurs années, les personnes auditionnées ont attiré l’attention de votre Rapporteur sur la nécessité de mieux encadrer l’accréditation des médiateurs familiaux. Votre Rapporteur considère qu’il serait tout à fait pertinent, dans le cadre de la certification proposée à la recommandation n° 17, d’organiser une reconnaissance officielle du statut de médiateur spécialisé aux affaires familiales afin de garantir aux citoyens l’accompagnement le plus adapté dans ces situations.

2.   Mieux prendre en compte des enjeux d’égalité entre les femmes et les hommes et exclure la médiation en cas de violences

La médiation présente de nombreux avantages en ce qu’elle permet de désengorger les tribunaux, de raccourcir les délais de prise en charge des affaires et surtout d’instaurer un cadre propice à un dialogue apaisé, limitant ainsi la logique d’affrontement des parties. Comme l’a fait valoir l’association nationale des médiateurs, cela permet ainsi de laisser le juge se recentrer sur sa fonction et de confier au médiateur le soin d’accompagner les parties pour les aider à trouver des solutions pragmatiques à des problèmes concrets. Dans le cas des litiges familiaux, le recours à la médiation peut fournir aux proches (par exemple des parents en cours de séparation) un espace neutre permettant de restaurer le dialogue et de préserver les liens familiaux.

Comme l’a notamment souligné le conseil national des barreaux, la logique même de la médiation repose nécessairement sur l’accord des deux parties pour discuter ensemble afin de trouver une solution mutuellement acceptable. Pour garantir le succès d’une procédure de médiation et ensuite le respect de la solution trouvée, il est fondamental que les parties adhèrent à la logique de la médiation et soient ouvertes au dialogue et à la recherche de solution.

Par ailleurs, la fédération nationale des centres d’information sur les droits des femmes et des familles (FNCIDFF) a souligné lors de son audition par la Délégation ([38]) que même en cas d’adhésion des deux parties au principe de la médiation, il pouvait exister des inégalités empêchant d’avoir un dialogue véritablement éclairé et équilibré. En particulier pour les litiges familiaux ayant trait à la séparation d’un couple ou à l’organisation de la vie familiale après une séparation, l’égalité entre les deux parties du couple n’est pas toujours une réalité. Sans revenir sur l’ampleur des inégalités entre les femmes et les hommes, il convient d’avoir à l’esprit que dans la majeure partie des cas de séparation, souvent par mimétisme de la répartition genrée des rôles au sein du couple avant la rupture, les femmes sont davantage en charge des tâches familiales liées aux enfants et se retrouvent plus souvent en situation de précarité. Les médiateurs travaillant dans le cadre des centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) étant formés pour prêter une vigilance particulière à cette problématique, ils veillent à sensibiliser les parents à l’importance d’une juste répartition des charges parentales entre eux et aux conséquences de leurs choix en termes égalitaires pour leur vie respective après la séparation.

À la lumière notamment de l’expertise approfondie de la FNCIDFF à ce sujet, votre Rapporteur propose d’introduire dans la formation initiale et continue des médiateurs familiaux, dans le cadre du nouveau statut de médiateur proposé ci-avant, un module obligatoire sur l’égalité entre les femmes et les hommes.

Par ailleurs, l’association Osez le féminisme a mis en avant l’importance des violences commises contre les femmes dans le cercle de la famille et le fait que celles-ci se traduisent invariablement par une situation d’inégalité très forte entre les deux parties du couple qui rend totalement impossible toute procédure de médiation ([39]). Ce point a également été rappelé par l’association nationale des médiateurs et par le conseil national des barreaux au cours de leurs auditions par votre Rapporteur. Comme l’a expliqué la FNSF, les situations de violences au sein du couple ou intrafamiliales impliquent un rapport d’emprise incompatible avec le dialogue équilibré et respectueux qu’exige une médiation. Pour la FNSF, la tenue d’une médiation alors que des violences existent expose la victime ainsi que ses enfants à de nouvelles agressions. Elle souligne en outre qu’il convient d’être vigilant quant à la réalité du consentement des parties à la procédure de médiation : les associations Solidarité femmes constatent sur le terrain que, face à un juge, certaines victimes de violences n’osent pas refuser de participer à une médiation familiale par peur d’être sanctionnées dans la suite de la procédure judiciaire, par manque d’information sur le déroulement de cette procédure ou en raison de l’emprise exercée par leur agresseur. Il convient pourtant de rappeler que la médiation n’est absolument pas obligatoire.

De même qu’il l’a recommandé pour les procédures de divorce ([40]), votre Rapporteur considère que l’existence de violences au sein du couple ou intrafamiliales interdit nécessairement le recours à la médiation quel que soit le litige concerné. Le code civil est d’ailleurs très clair sur ce point : en cas de violences commises par l’un des parents sur l’autre parent ou sur l'enfant, le juge aux affaires familiales ne peut pas enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur familial, même s’il ne s’agit dans un premier temps que de les informer sur l’objet et le déroulement de la médiation ([41]).

Compte tenu de l’importance de cet enjeu, qui s’inscrit pleinement dans la lutte contre toutes les violences faites aux femmes et constitue un engagement fort du Gouvernement, votre Rapporteur insiste sur la nécessité d’éclaircir la manière de prendre en compte ces violences dans l’ensemble des procédures civiles. Quel que soit le litige concerné, votre Rapporteur considère que dès lors que des violences sont avérées ou simplement dénoncées, il convient d’interdire le principe même d’un recours à la médiation familiale.

Recommandation n° 18 : clarifier la prise en compte des problématiques de violences au sein du couple et intrafamiliales, ainsi que leurs conséquences, en excluant tout recours à la médiation familiale dans le cadre de la procédure civile dès lors que des violences sont avérées ou dénoncées.

 


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Votre Rapporteur souligne également que les médiateurs et tout particulièrement les médiateurs familiaux doivent être spécifiquement formés sur la question des violences au sein du couple et intrafamiliales. Ce module viendrait utilement compléter le module sur l’égalité entre les femmes et les hommes. Il est en effet nécessaire qu’un médiateur soit attentif à ce sujet pour être capable de repérer au mieux les cas d’emprises ou de violences dissimulées afin de stopper immédiatement la médiation et de renvoyer le plus rapidement possible les parties devant le juge.

Recommandation n° 19 : compléter la certification de médiateur par la reconnaissance de spécialisations, en particulier pour les affaires familiales qui nécessitent une formation initiale et continue complémentaire.

Introduire dans la formation initiale et continue des médiateurs familiaux un module obligatoire sur l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi qu’un module obligatoire sur la détection et la prise en charge des cas de violences au sein du couple ou intrafamiliales.

3.   La dynamique d’élargissement du recours à la médiation proposée par le projet de loi

En articulation avec les articles 12 et 18, l’article 2 du projet de loi du Gouvernement propose d’étendre le recours à la médiation. Dans certains cas, le projet de loi prévoit que le juge peut soit enjoindre les parties à rencontrer un médiateur qui leur expliquera cette procédure, soit proposer aux parties de recourir à une médiation.

● En cohérence avec la suppression de la phase de conciliation dans le cadre des procédures de divorces contentieux, l’article 2 supprime l’interdiction qui était faite au juge de désigner un médiateur pour procéder aux tentatives préalables de conciliation prescrites par la loi en matière de divorce et de séparation de corps ([42]).

Cet article étend également le pouvoir du juge en lui permettant d’enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur « en tout état de la procédure, y compris en référé, lorsqu’il estime qu’une résolution amiable du litige est possible » ([43]).

Étant donné que toute tentative de médiation est impossible en cas de violences au sein du couple ou intrafamiliales, qu’elles soient psychologiques, physiques ou de toute autre forme, votre Rapporteur propose de compléter ce dispositif par une interdiction claire d’enjoindre les parties à rencontrer un médiateur (y compris pour une simple séance de présentation de la procédure de médiation) en cas de violences condamnées ou avérées. Compte tenu de la difficulté de prouver certains types de violences, votre Rapporteur considère en outre que, sur simple déclaration de violences de la part d’une des parties, le juge doit renoncer à enjoindre les parties à se tourner vers la médiation.

Afin de faciliter un exercice consensuel de l’autorité parentale, l’article 18 et l’article 2 prévoient également que le juge peut proposer aux parents « une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, [de] désigner un médiateur familial pour y procéder » lorsqu’il prononce une décision statuant définitivement sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale ([44]).

Votre Rapporteur considère que ce type de médiation post‑sentencielle est de nature à améliorer l’acceptation par les deux parties de la décision du juge en matière d’autorité parentale et de limiter des conflits entre les parents qui seraient extrêmement dommageables pour les enfants. Comme précédemment, votre Rapporteur considère qu’il importe d’interdire tout recours à la médiation en cas de violences au sein du couple ou intrafamiliales, y compris dans la décision statuant définitivement sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

Plus généralement, ce projet de loi est l’occasion d’affirmer clairement dans notre droit qu’au cours de toute procédure civile, le juge ne doit jamais enjoindre à rencontrer un médiateur, ni proposer une médiation lorsqu’existent, ont existé ou sont suspectées des violences au sein du couple ou intrafamiliales.

Recommandation n° 20 : préciser dans les dispositifs prévus par le projet de loi qu’en cas de violences au sein du couple ou intrafamiliales, le juge ne doit ni enjoindre les parties à rencontrer un médiateur, ni leur proposer d’avoir recours à une médiation.

● Le II de l’article 2 du projet de loi étend le champ de l’obligation de tentative de règlement amiable des litiges préalablement à la saisine du juge. Depuis l’entrée en vigueur de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, une obligation de tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice est prévue pour les contentieux de l’instance lorsque la saisine du tribunal a lieu par déclaration au greffe ([45]). L’article 2 du projet de loi élargit cette obligation aux litiges portés devant le tribunal de grande instance lorsque la demande n’excède pas un montant défini par décret en Conseil d’État ou lorsqu’elle a trait à un conflit de voisinage. Est également prévue une diversification des modes de règlement amiable des litiges, puisque seraient dorénavant admises comme préalable à la saisine du juge une tentative de conciliation menée par un conciliateur de juge, une tentative de médiation ou une tentative de procédure participative.

Votre Rapporteur adhère au développement des modes alternatifs de résolution des différends proposé par le II de l’article 2 du projet de loi. Il rappelle toutefois que l’article 7 de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle prévoyait aussi un dispositif proche de celui que vise à élargir le présent projet de loi mais spécifiquement pour les affaires familiales.

Expérimentation d'une médiation obligatoire préalable aux contentieux familiaux

L’article 7 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle prévoit l’expérimentation suivante :

« À titre expérimental et jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant celle de la promulgation de la présente loi, dans les tribunaux de grande instance désignés par un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, les dispositions suivantes sont applicables, par dérogation à l'article 3732­13 du code civil

Les décisions fixant les modalités de l'exercice de l'autorité parentale ou la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant ainsi que les stipulations contenues dans la convention homologuée peuvent être modifiées ou complétées à tout moment par le juge, à la demande du ou des parents ou du ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non

À peine d'irrecevabilité que le juge peut soulever d'office, la saisine du juge par le ou les parents doit être précédée d'une tentative de médiation familiale, sauf :

 Si la demande émane conjointement des deux parents afin de solliciter l'homologation d'une convention selon les modalités fixées à l'article 373-2-7 du code civil ;

 Si l'absence de recours à la médiation est justifiée par un motif légitime ;

 Si des violences ont été commises par l'un des parents sur l'autre parent ou sur l'enfant ».

Il est important de rappeler que les cas touchant aux affaires familiales visés par cette expérimentation encore en cours doivent être exclus du périmètre du nouveau dispositif prévu par le II de l’article 2 du présent projet de loi. Par ailleurs, au cours de ses auditions, l’attention de votre Rapporteur a été attirée par la Fédération nationale Solidarité femmes (FNSF) sur les risques auxquels une obligation de tentative de règlement à l’amiable des différends familiaux peut exposer les femmes victimes de violences conjugales ou intrafamiliales. Bien que l’expérimentation exclue explicitement les situations de violences, la FNSF considère en effet que cela pose des difficultés pratiques car le texte ne définit pas dans quelle mesure ces violences sont prises en compte par le juge aux affaires familiales (JAF). Pour la FNSF, « il est essentiel de définir des critères clairs afin d’unifier les pratiques dans la prise en compte par les JAF de la présence de violences conjugales (en ne les limitant pas aux violences condamnées et en prenant en compte des faisceaux de preuves) ».

Votre Rapporteur considère que, dans une logique de précaution, cette obligation d’une tentative de médiation préalable aux contentieux familiaux doit exclure fermement tous les cas de violences au sein du couple ou intrafamiliales, y compris dans les cas où celles-ci n’ont pas fait l’objet d’une condamnation. Compte tenu de l’ampleur des violences conjugales non signalées et non sanctionnées, il est impératif de mettre en œuvre la médiation familiale avec une très grande prudence afin de garantir la protection de toutes les victimes. Dans cette perspective, l’expérimentation en cours dans onze tribunaux de grande instance jusqu’au 31 décembre 2019 devra être évaluée en détail et au regard de cet enjeu fondamental de protection des femmes victimes de violences.

Recommandation n° 21 : prévoir l’évaluation de l’expérimentation de la médiation obligatoire préalable aux contentieux familiaux (en cours dans onze tribunaux de grande instance jusqu’au 31 décembre 2019) et veiller dans cette évaluation à porter une attention toute particulière à la protection des victimes de violences au sein du couple ou intrafamiliales.

C.   Autres dispositions du projet de loi

D’autres articles de la première partie du projet de loi portant sur la procédure civile concernent les affaires familiales et votre Rapporteur a souhaité les analyser du point de vue des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes.

1.   Le recueil du consentement en matière d’assistance médicale à la procréation

L’article 5 du projet de loi du Gouvernement propose, entre autres mesures visant à limiter l’intervention du juge aux cas litigieux, de confier uniquement aux notaires le recueil du consentement en matière d’assistance médicale à la procréation.

Dans sa rédaction actuelle, l’article 311-20 du code civil prévoit en son premier alinéa que « les époux ou les concubins qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l'intervention d'un tiers donneur, doivent préalablement donner, dans des conditions garantissant le secret, leur consentement au juge ou au notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation » ([46]).

L’article 5 du projet de loi propose que seuls les notaires recueillent les consentements à l’assistance médicale à la procréation. Dans la mesure où cette démarche n’implique pas de contrôle des conditions légales posées pour recourir à l’assistance médicale à la procréation et considérant qu’il entre dans les missions traditionnelles du notaire d’informer les parties, de recueillir leur consentement et de dresser des actes authentiques, une telle évolution semble tout à fait pertinente.

Lors de son audition par votre Rapporteur, le conseil supérieur du notariat a en outre fait valoir que cet article confortait le rôle que le notaire joue déjà très largement dans la réception du consentement aux actes importants qui touchent à la vie intime des individus et de familles pour lesquels nos concitoyens préfèrent souvent éviter de devoir recourir au juge.

En outre, le coût de cette mesure pour les particuliers serait limité puisque, conformément à l’arrêté du 26 février 2016 ([47]), l’émolument fixe serait de 76 euros. Votre Rapporteur est donc favorable à cette évolution.

2.   La procédure de changement de régime matrimonial

L’article 7 du projet de loi du Gouvernement propose de modifier la procédure de changement de régime matrimonial prévue à l’article 1 397 du code civil. Cette réforme poursuit deux objectifs principaux : supprimer le délai de deux ans pendant lesquels les parents ne peuvent modifier leur régime matrimonial et supprimer l’exigence d’homologation par le juge en présence d’enfants mineurs.

Votre Rapporteur considère opportun de supprimer ce délai de deux ans qui visait à empêcher les époux de modifier des contrats de mariage organisés par leurs familles et qui est aujourd’hui totalement obsolète. En outre cela permettra de corriger un décalage entre la situation des couples mariés et celles des couples pacsés. En raison de l’accélération et la diversification des parcours professionnels, votre Rapporteur souligne que la suppression de ce délai permettra aux couples de modifier rapidement et quand ils le souhaitent leur régime matrimonial, notamment lorsqu’il s’agit de l’adapter à une nouvelle situation professionnelle pour protéger leur famille.

Votre Rapporteur considère par ailleurs que la suppression de l’exigence d’homologation par le juge en présence d’enfants mineurs ne pose pas de difficultés particulières du point de vue des droits des femmes, ni de l’égalité entre les femmes et les hommes.

3.   L’exécution des décisions du juge en matière d’affaires familiales

L’article 18 du projet de loi du Gouvernement vise à doter le juge aux affaires familiales (JAF) d’un panel gradué d’outils pour s’assurer de la bonne exécution de la décision judiciaire. Il prévoit ainsi trois niveaux de mesure.

 Comme cela a été évoqué précédemment, l’article 18 du projet de loi prévoit que le juge peut proposer une mesure de médiation, y compris après avoir définitivement statué sur l’exercice de l’autorité parentale. Il pourrait également enjoindre aux parties, dans cette décision finale, de rencontrer un médiateur familial pour recevoir une information sur l’objet et le déroulement d’une médiation familiale.

Ce type de médiation post‑sentencielle peut être utile aux parents pour leur permettre de dialoguer à partir de la décision prise par le juge et d’en organiser au mieux la bonne exécution. Cette mise en contact des parents après la phase judiciaire, l’instauration d’un espace neutre de dialogue et la présence d’un médiateur sont de nature à faciliter l’acceptation par les deux parents de la décision du JAF et donc d’en favoriser ensuite une meilleure exécution par ceux‑ci.

Sous réserve des précautions nécessaires pour protéger les victimes de violences au sein du couple et intrafamiliales ([48]), votre Rapporteur considère que ce type de médiation peut en effet permettre d’améliorer la bonne exécution des décisions du JAF en matière d’autorité parentale et prévenir ainsi des situations conflictuelles dommageables pour les parents et les enfants.

 Le projet de loi prévoit également de permettre aux juges de fixer des astreintes et des amendes financières pour sanctionner la non‑exécution de ses décisions relatives à l’exercice de l’autorité parentale. « Lorsqu’il apparaît au juge aux affaires familiales que la situation sur laquelle il statue présente des risques d’inexécution de la décision, il pourra prévoir d’assortir l’une ou l’autre des dispositions de sa décision d’une astreinte si l’un des parents ne respecte pas les modalités prévues » ([49]). Le 2° du II de l’article 18 du projet de loi du Gouvernement complète cette mesure par la possibilité pour le juge de condamner l’un des parents au paiement d’une amende civile d’un montant qui ne peut excéder 10 000 euros lorsque celui-ci fait « délibérément obstacle de façon grave ou renouvelée à l’exécution d’une décision » ou d’une convention homologuée ou de divorce par consentement mutuel non judiciaire fixant les modalités d’exercice de l’autorité parentale. L’étude d’impact précise également que ces dispositions sont conçues avant tout pour avoir un impact dissuasif.

Votre Rapporteur considère que ce type de sanctions financières est tout à fait approprié pour améliorer l’efficacité de l’exécution des décisions du JAF en matière d’exercice de l’autorité parentale. Elles auront un effet dissuasif en amont et constitueront une sanction adaptée en aval.

 En dernier lieu, l’article 18 prévoit que la personne concernée par la non‑exécution d’une décision du juge en matière d’exercice de l’autorité parentale ou le JAF lui‑même pourra saisir le procureur de la République pour « requérir directement le concours de la force publique pour faire exécuter une décision du juge aux affaires familiales, une convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire ou une convention homologuée fixant les modalités d’exercice de l’autorité parentale ». L’étude d’impact précise que cette mesure « constitue une voie d’exécution ultime réservée à certaines situations seulement » ([50]).

C’est ce troisième et dernier niveau de réponse proposé par l’article 18 du projet de loi du Gouvernement qui a été le plus discuté, voire critiqué, au cours des auditions de votre Rapporteur.

D’une part, l’intervention de la force publique dans le cadre familial est de nature à créer un véritable traumatisme pour les enfants. D’autre part, plusieurs associations auditionnées par votre Rapporteur considèrent que l’application de ce dispositif pourrait se traduire par une mise en danger de certaines femmes victimes de violences.

La Fédération nationale Solidarité femmes (FNSF) explique en effet que les sanctions financières et le recours à la force publique pourraient facilement être utilisés par un ex‑conjoint violent contre les femmes qui cherchent seulement à protéger leurs enfants face au danger qu’ils encourent auprès de l’autre parent. La FNSF dénonce également le fait que l’étude d’impact n’évoque que les cas d’un « parent qui ne peut exercer son droit de visite du fait de la mauvaise volonté de l’autre parent » ([51]), ce qui se référerait principalement à la mauvaise volonté des femmes puisque ce sont principalement elles qui sont en charge des enfants après la séparation. La FNSF rappelle avec force et conviction que tout parent qui ne satisfait pas à son obligation de présenter son enfant à l’autre parent n’est pas automatiquement un parent malveillant ou défaillant : « en effet, les associations Solidarité Femmes sont quotidiennement confrontées aux situations dans lesquelles les mères victimes de violences conjugales et/ou dont les enfants sont victimes d’abus ou de maltraitances du père n’ont pas été entendues par le/la juge ». Ces femmes font souvent le choix de protéger leurs enfants en ne les remettant pas au père et la FNSF craint de voir l’intervention des forces de l’ordre s’ajouter à la violence déjà exercée par l’ex‑conjoint. La FNSF appelle donc « à la vigilance du législateur quant au risque d’une lecture unique et erronée des raisons qui motivent certains parents à ne pas remettre les enfants à l’autre parent titulaire d’un droit de visite et d’hébergement ».

La FNSF souligne par ailleurs que l’étude d’impact ne fait aucune mention des très nombreux cas dans lesquels c’est le parent titulaire d’un droit de visite et d’hébergement en vertu d’une décision de justice (en majorité des hommes) qui ne l’applique pas. Les sanctions financières auraient alors comme effet de contraindre un homme non désireux de voir et de s’occuper de ses enfants à appliquer son droit de visite et d’hébergement tel que prévu dans une décision de justice. La FNSF estime que cela conduirait à « une aggravation de violences conjugales ou de violences sur les enfants (ou leur apparition) ».

Alerté sur ces différentes problématiques, votre Rapporteur estime néanmoins que ces nouveaux outils visant à la bonne exécution des décisions du JAF en matière d’exercice de l’autorité parentale permettraient également de résoudre de nombreuses situations dans lesquelles ce sont principalement les mères qui sont mises en difficultés.

Votre Rapporteur considère en effet qu’il ne faut pas oublier que la non‑exécution de certaines décisions du JAF a des conséquences très graves pour les enfants et souvent aussi pour le parent qui en a la garde principale, c’est‑à‑dire majoritairement la mère. « Dans une matière où les conflits s’enveniment rapidement, le recours au juge est perçu comme l’intervention nécessaire pour marquer une limite, trancher un litige et assurer à la fois la protection des plus vulnérables et le respect des droits de chacune des parties. L’absence d’effectivité de certaines décisions est alors souvent vécue de façon dramatique par ceux dont les droits ont été reconnus mais ne peuvent pour autant pas s’exercer » ([52]).

Les points de vigilance de la FNSF ont amené votre Rapporteur à s’inquiéter des cas extrêmement problématiques dans lesquels des femmes, déjà victimes de violences non sanctionnées par la justice, seraient de nouveau victimes d’une mauvaise application de ces outils. Il considère en effet qu’il est impensable de voir ainsi s’appliquer ce dispositif civil d’exécution d’une manière aussi contraire à la volonté du Gouvernement et du législateur.

De la même manière qu’il a précédemment recommandé que la médiation soit totalement proscrite dès qu’une violence au sein du couple ou intrafamiliales serait condamnée, établie, signalée ou déclarée, votre Rapporteur souhaite que les deux autres types d’outils créés par les I et II de l’article 18 du projet de loi du Gouvernement soient en sus dotés de garde-fous concernant leur application en cas de violences. Il propose pour cela que le JAF intègre systématique la question des violences ou du risque de violences dans sa réflexion pour fixer des astreintes ou des amendes financières. Par ailleurs, il lui semble nécessaire de réfléchir par exemple à la possibilité que toute demande par une personne directement intéressée adressée au procureur de la République pour requérir à la force publique fasse l’objet d’un avis préalable du JAF qui pourrait ainsi vérifier qu’elle ne pose pas de difficultés au regard des violences et des risques de violences conjugales ou intrafamiliales. Toute demande au procureur de recours à la force publique émanerait ou serait contrôlée par le JAF qui garantirait ainsi la bonne prise en compte de ces enjeux qui sont absolument fondamentaux du point de vue de la sécurité des parents et des enfants.

Recommandation n° 22 : préciser la procédure de mise en œuvre des nouveaux outils visant à renforcer l’efficacité des décisions prises en matière d’exercice de l’autorité parentale afin que celle‑ci intègre systématiquement la question des violences ou du risque de violences et garantisse ainsi la sécurité des parents et des enfants.

 

 

III.   la nÉcessaire amÉlioration de la prise en charge des victimes de violences sexuelles et sexistes

Le titre IV du projet de loi du Gouvernement propose plusieurs dispositions portant simplification et renforcement de l’efficacité de la procédure pénale. Ces dispositions visent à faciliter le travail de chacun des acteurs de la chaîne pénale, à renforcer l’efficacité des enquêtes et des instructions, ainsi qu’à clarifier les règles applicables. Ces évolutions auront certainement un impact important sur le traitement de toutes les affaires pénales touchant aux droits des femmes et à l’égalité des sexes, notamment sur la sanction des auteurs de violences sexistes et sexuelles.

Au-delà de ces conséquences qui concerneront finalement tous les jugements de délits et de crimes, votre Rapporteur a souhaité porter un intérêt spécifique à deux dispositifs extrêmement important pour améliorer le traitement judiciaire des violences sexistes et sexuelles : l’expérimentation de tribunaux criminels départementaux et la consécration de la possibilité de porter plainte en ligne, ce dernier élément ayant été évoqué par la Délégation dans plusieurs de ses rapports ([53]).

A.   Le traitement judiciaire du viol

Les crimes sexuels représentent plus d’un tiers des condamnations prononcées par les cours d’assises. Toutefois les délais d’attente sont souvent très longs et de nombreux viols se voient requalifiés en agressions sexuelles et renvoyés vers le tribunal correctionnel. Cette situation n’est satisfaisante ni pour les professionnels de la justice, ni pour les victimes, ni pour les accusés. Le projet de loi du Gouvernement propose une expérimentation de tribunaux criminels départementaux pour répondre à ces problématiques.

1.   L’expérimentation de tribunaux criminels départementaux : une solution pour lutter contre la correctionnalisation des viols

 Le II de l’article 42 du projet de loi du Gouvernement autorise l’expérimentation du tribunal criminel départemental. Il prévoit que les personnes majeures accusées d’un crime puni de quinze à vingt ans de réclusion criminelle et qui n’est pas commis en état de récidive légale puissent être jugées en premier ressort par le tribunal criminel départemental (TCD) qui se compose de cinq magistrats professionnels. Les cours d’assises resteront compétentes pour juger les crimes passibles de peines plus lourdes ou commis en état de récidive.

Comme l’a expliqué la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice lors de son audition par votre Rapporteur, le TCD aura un fonctionnement très proche de celui des cours d’assises, à l’exception bien sûr des règles concernant les jurés. Il siègera dans les mêmes locaux et sera présidé soit par un président de chambre soit par un conseiller à la cour d’appel, c’est‑à‑dire les mêmes magistrats que ceux qui sont en position de présider une cour d’assises et qui donc auront, concrètement, dans les TCD les mêmes pratiques que dans les cours d’assises.

Les audiences se dérouleront ainsi comme celles prévues devant la cour d’assises spéciale composée uniquement de magistrats, comme le prévoit l’article 698‑6 du code de procédure pénale dont s’inspire directement l’article 42 du projet de loi ([54]). À la différence des jurés en cour d’assises, tous les membres du TCD auront accès au dossier en amont et pendant l’audience. Cela atténuera l’oralité des débats, mais permettra de raccourcir les audiences et garantira une bonne maîtrise du dossier par les magistrats. De plus, le délai maximum d’audiencement des accusés détenus sera réduit de deux ans à un an.

En cas d’appel, le dossier sera jugé comme actuellement par une cour d’assises composée de trois magistrats et de neuf jurés.

Votre Rapporteur considère que cette expérimentation, qui devrait concerner environ 57 % des affaires relevant des cours d’assises ([55]), permettra certainement d’accélérer les délais qui sont aujourd’hui insupportables aussi bien pour les victimes que pour les mis en cause. Selon les statistiques du ministère de la Justice, le stock d’affaires en attente de jugement par une cour d’assises est passé de 1 891 dossiers en 2010 à 2 411 dossiers en 2016, soit une augmentation d’environ 27 %. Cet engorgement des cours d’assises n’est plus tenable et il est impératif de proposer des solutions innovantes pour y remédier. Compte tenu toutefois de l’important changement qu’implique la mise en place de TCD, en rupture avec la tradition ancienne des cours d’assises avec des jurés populaires, votre Rapporteur souligne l’intérêt de procéder par expérimentation afin de mesurer au mieux les avantages et inconvénients d’une telle réforme.

● Les crimes pour lesquels le quantum encouru est de quinze ou de vingt années de réclusion criminelle représentent près de 60 % des condamnations prononcées par les cours d’assises et les cours d’assises des mineurs. Parmi ces affaires, les crimes sexuels représentent 66,5 % des condamnations prononcées pour un quantum encouru de quinze ans et 58,2 % pour un quantum encouru de vingt ans ([56]). Ces crimes sexuels, pour lesquels 80 % des victimes sont des femmes ([57]), constituent donc une part importante des affaires qui pourront être traitées au niveau des TCD.

Votre Rapporteur considère que le traitement judiciaire des crimes sexuels par les TCD permettra de ménager les victimes, qui sont trop souvent malmenées pendant un procès aux assises que nombre d’avocats et de psychologues qualifient de traumatisme supplémentaire. Cela devrait également réduire les délais de jugement, au plus grand bénéfice des victimes qui vivent plusieurs années en attendant que justice puisse leur être rendue.

Par ailleurs, votre Rapporteur rappelle qu’à l’heure actuelle de nombreuses associations dénoncent avec force et conviction la pratique de la correctionnalisation des viols.

La correctionnalisation des viols

La correctionnalisation d’un viol consiste à requalifier le « viol », un crime jugé en cour d’assises, en « agression sexuelle », un délit jugé par le tribunal correctionnel.

Cette pratique fait l’objet d’une critique très forte de la part de nombreuses associations, dénonçant une forme de banalisation du viol, une non-reconnaissance du crime subi par la victime et faisant peser sur l’accusé des peines moins lourdes. Lors de son audition par la Délégation le 9 novembre 2017, la présidente du collectif féministe contre le viol (CFCV), Mme Emmanuelle Piet, s’est inscrite clairement contre toute forme de correctionnalisation, affirmant que les audiences au tribunal correctionnel sont très courtes et ne permettent pas de donner du sens à la justice : le fait d’aller aux assises permet selon elle d’exprimer et de comprendre.

Dans son Avis pour une juste condamnation sociétale et judiciaire du viol et autres agressions sexuelles, le HCE explique en effet que « le viol est un crime qui constitue la plus grave des violences sexuelles. Or, il fait trop souvent l’objet de disqualification en agression sexuelle constitutive d’un délit. Cette pratique judiciaire de correctionnalisation des viols est souvent justifiée pour des motifs d’opportunité afin que l’affaire soit jugée plus rapidement devant le tribunal correctionnel. De surcroît, raison moins avouable, elle permet de désengorger les Cours d’assises ».

Le HCE estime toutefois que « si la disqualification n’a pas pour but de nuire aux intérêts des victimes, qui peuvent d’ailleurs s’opposer au renvoi de l’affaire devant le tribunal correctionnel, elle minimise la gravité du viol et remet en cause le principe d’égalité devant la justice.

Les témoignages de femmes fortement encouragées par leur avocat.e à accepter cette requalification sont nombreux. Selon que l’affaire est traitée au pénal ou en correctionnelle, les conséquences diffèrent significativement : délais de prescription, accompagnement de la victime, prise en compte par le tribunal de la parole de la victime, prise de conscience de la gravité de son acte par l’auteur, dommages et intérêts, pédagogie sociale, etc. […] ».

Source : Rapport d’information n° 721 de Mmes Sophie Auconie et MariePierre Rixain sur le viol, 22 février 2018

Il apparaît pourtant que la pratique de correctionnalisation n’est pas rare : une étude sur les viols et les agressions sexuelles jugés en 2013 et 2014 réalisée par l’observatoire des violences envers les femmes du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis révélait qu’au tribunal correctionnel 46 % des agressions sexuelles jugées sont des viols correctionnalisés ([58]).

Votre Rapporteur estime que la création de TCD contribuera à réduire cette pratique de correctionnalisation qui minimise la gravité des crimes de viols et doit absolument être bannie de notre système judiciaire.

Comme l’a toutefois souligné la Fédération nationale Solidarité femmes (FNSF) dans ses échanges avec votre Rapporteur, il n’est pas à ce stade possible d’être certain que les magistrats cessent de proposer aux victimes des correctionnalisations. Pour éviter cela, votre Rapporteur propose qu’une circulaire pénale accompagne le déploiement de cette expérimentation des TCD d’instructions claires pour que la qualification criminelle du viol soit dorénavant systématiquement retenue.

Recommandation n° 23 : accompagner le déploiement de cette expérimentation des tribunaux criminels départementaux d’instructions claires pour que la qualification criminelle du viol soit dorénavant systématiquement retenue.

Le collectif féministe contre le viol (CFCV) a également attiré l’attention de votre Rapporteur sur le risque d’un raccourcissement trop important des délais de jugement des crimes de viols en dehors du cadre d’une cour d’assises avec un jury populaire. Sa présidente Mme Emmanuelle Piet met en garde contre « l’abattage d’affaires » avec des audiences de quelques minutes seulement comme c’est parfois le cas en tribunal correctionnel. Elle souligne que pour juger correctement un viol et prendre en compte la souffrance extrême des victimes, il est nécessaire d’accorder du temps aux audiences.

Votre Rapporteur adhère à ce point de vue et rappelle lui aussi qu’il faut que la justice prenne le temps nécessaire pour juger et condamner les crimes sexuels qui ont des conséquences très destructrices pour les victimes. Il tient à souligner que l’expérimentation envisagée à l’article 42 du projet de loi du Gouvernement prévoit que l’audiencement, c’est-à-dire le rythme de succession des affaires à juger, sera fixé conjointement par le président du TCD et le procureur de la République. À défaut d’accord, c’est le premier président de la cour d’appel qui en décidera. Votre Rapporteur estime que cette organisation de l’audiencement devrait a priori garantir de laisser à chaque affaire le temps nécessaire.

2.   Une expérimentation qui devra faire l’objet d’une évaluation minutieuse

Au cours de ses auditions, plusieurs associations ont interpellé votre Rapporteur sur la possibilité que la création des TCD conduise à distinguer les crimes « graves » qui iront en cour d’assises et les crimes « moins graves » qui iront au TCD. Votre Rapporteur considère qu’il ne s’agit pas là de l’esprit de cette expérimentation, bien au contraire. Il rappelle d’ailleurs que les crimes terroristes sont eux aussi jugés par une cour d’assises spéciale composée uniquement de magistrats professionnels, sans jury populaire, alors qu’il est évident que personne ne considère les crimes terroristes comme des crimes « moins graves ». De la même manière, il n’est en rien question de considérer que les crimes qui seront renvoyés devant les TCD sont moins importants que ceux qui resteront du ressort des cours d’assises.

Votre Rapporteur considère néanmoins que le nom de « tribunal criminel départemental » prête à confusion et conduit à penser qu’il s’agit là d’un lieu moins important, moins solennel que la cour d’assises. Il lui semble donc préférable de lui donner l’appellation, bien plus en adéquation avec son rôle, de « cour criminelle ». Tout comme une cour d’assise, sa compétence sera départementale, mais ce détail organisationnel n’a aucun besoin de figurer dans son nom.

Recommandation n° 24 : changer l’appellation de « tribunal criminel départemental », dont l’expérimentation est prévue par l’article 42 du projet de loi, en « cour criminelle ».

La FNSF a également souligné l’importance, dans les procès pour violences sexuelles, du principe d’oralité des débats qui, en plus d’être l’un des trois principes d’organisation de la procédure criminelle, est nécessaire pour revenir avec précision sur les faits, sur le déroulé de l'instruction, pour entendre les témoins et les experts, etc. Pour la FNSF, l’atténuation trop importante de l’oralité des débats conduirait à une réduction des droits des victimes au procès.

Votre Rapporteur considère qu’il faudra porter une attention toute particulière à ce point lors de l’évaluation de cette expérimentation prévue au III de l’article 42 du projet de loi. Il insiste également sur la nécessité de prendre en compte dans cette évaluation l’évolution des peines prononcées (elles sont en moyenne de huit ans de réclusion criminelle pour les viols condamnés en cour d’assises), les délais d’audiencement et la durée des audiences qui sont les principaux points d’inquiétude des associations. Par ailleurs, compte tenu de l’importance de cette expérimentation pour améliorer la sanction des crimes sexuels, votre Rapporteur estime que cette évaluation prévue par la loi devra inclure spécifiquement ces enjeux en lien direct avec l’égalité entre les femmes et les hommes, grande cause nationale du quinquennat.

Recommandation n° 25 : inclure dans l’évaluation de l’expérimentation de la cour criminelle des critères précis pour mesurer si ce nouvel organe judiciaire permet effectivement de mieux lutter contre les crimes sexuels.

B.   Plaintes et prÉ‑plaintes en ligne

L’article 26 du projet de loi consacre la possibilité pour les victimes de porter plainte en ligne, en précisant les conséquences juridiques d’une telle démarche.

1.   La consécration de la possibilité de déposer plainte en ligne

Le I de l’article 26 crée un nouvel article 15‑3­1 dans le code de procédure pénale permettant le dépôt de plaintes et de signalements en ligne pour certaines infractions. Il prévoit que tout dépôt de plainte donne lieu à l’établissement d’un procès-verbal et à la remise immédiate d’un récépissé à la victime et renvoie à un décret le soin de préciser la liste des infractions concernées ainsi que les modalités de mise en œuvre de ce dispositif.

L’intention du Gouvernement n’est pas d’autoriser le recours à la voie dématérialisée pour toutes les infractions. S’agissant par exemple de fraudes à la carte bancaire ou d’escroqueries en ligne, le dépôt de plainte par Internet ne pose pas de difficultés. Votre Rapporteur souligne toutefois que pour des crimes et délits graves contre les personnes, cette procédure dématérialisée n’est pas forcément adaptée et il conviendra d’étudier avec précaution les infractions pour lesquelles la plainte en ligne sera possible.

Votre Rapporteur considère que la possibilité du dépôt de plainte en ligne est une véritable avancée qui conduira à simplifier le parcours judiciaire des victimes.

2.   Une pré‑plainte en ligne pour faciliter la dénonciation des violences sexuelles et sexistes et améliorer la prise en charge des victimes

L’ampleur des violences sexistes, des violences au sein du couple et des violences sexuelles qui ne font l’objet d’aucun dépôt de plainte de la part des victimes conduit votre Rapporteur à proposer d’intégrer au projet de loi la possibilité de déposer une préplainte en ligne pour ce type de délits et de crimes.

Le dépôt d’une plainte pour des crimes ou délits aussi graves et touchant directement à l’intégrité physique et morale des personnes ne peut en effet se faire de manière totalement dématérialisée. Il s’agit de situations souvent complexes qui demandent une enquête approfondie. Concernant les violences physiques et sexuelles, une constatation ou un prélèvement des preuves matérielles par des professionnels assermentés peut être nécessaire pour faire condamner l’auteur de l’agression.

L’insuffisante dénonciation de ces violences sexistes et sexuelles incite toutefois à s’interroger : comment faire concrètement pour que les victimes se tournent plus facilement vers les forces de l’ordre et pour ainsi permettre de sanctionner plus systématiquement les auteurs de ces violences faites très majoritairement aux femmes ?

Votre Rapporteur pense que la possibilité de déposer une pré‑plainte en ligne offrirait aux victimes un espace d’expression et leur permettrait de se tourner plus facilement vers les forces de l’ordre. Comme l’a souligné le rapport sur le viol de Mmes Sophie Auconie et Marie‑Pierre Rixain ([59]), il peut exister des dysfonctionnements, ponctuels ou structurels, dans l’accueil des victimes par les forces de l’ordre qui nuisent directement au dépôt de plainte. Plusieurs associations expliquent en effet qu’il est extrêmement difficile pour une victime de porter plainte sur des sujets aussi intimes que le viol ou les violences conjugales : l’arrivée à un guichet, dans une gendarmerie ou un commissariat bondé, sans aucune confidentialité, pour indiquer qu’on a subi ce type de violences est souvent très mal vécue par les victimes. En outre, certaines violences (comme le viol conjugal par exemple) sont mal connues, voire minimisées. « Mme Françoise Brié, directrice générale de la Fédération nationale Solidarité femmes, qui regroupe une soixantaine d’associations et accompagne chaque année plus de 30 000 femmes victimes, évoque ainsi " ce policier qui ne prend pas une plainte au motif que le viol conjugal n’existerait pas ; ou cette femme qui dit être tétanisée pendant l’acte sexuel, et à laquelle un policier répond qu’il ne s’agit pas d’un viol tant qu’elle ne démontre pas son absence de consentement" » ([60]).

Lors de son audition par votre Rapporteur, Mme Emmanuelle Piet, présidente du collectif féministe contre le viol a elle aussi rappelé ces difficultés récurrentes pour les victimes, considérant que le dépôt de plainte s’apparente « à un parcours du combattant et à une loterie » selon le niveau de formation du policier ou du gendarme sur ces questions spécifiques des violences sexuelles et sexistes.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, votre Rapporteur estime que la prise en charge de ces victimes doit se faire de manière spécifique. Il propose de leur permettre de déposer en ligne une pré‑plainte qui sera suivie d’un rendez-vous avec un policier ou un gendarme spécialement formé à la prise en charge des victimes de violences sexistes et sexuelles.

Ce dispositif de pré‑plainte en ligne doit se doubler d’un système de message permettant d’alerter les personnes qui y ont recours sur la nécessité de procéder à des constatations et à des prélèvements auprès d’une unité de médecine légale si l’agression vient d’avoir lieu. Il est également essentiel de fournir immédiatement aux victimes, selon leur emplacement géographique, une liste des acteurs locaux susceptibles de leur fournir une assistance matérielle et psychologique.

Recommandation n° 26 : envisager le déploiement d’un dispositif de pré‑plainte en ligne pour les victimes de violences sexistes et sexuelles qui sera suivie d’un rendez-vous avec un policier ou un gendarme spécialement formé à la prise en charge de ces situations.

Votre Rapporteur souligne également l’importance de la prise en charge médicale des victimes de violences sexistes et sexuelles. Reprenant à son compte la recommandation n° 13 du rapport de Mmes Sophie Auconie et Marie‑Pierre Rixain ([61]), il propose de généraliser le modèle du centre d’accueil d’urgence des victimes d’agressions (CAUVA) du centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux.

 

Le CAUVA

Le centre d’accueil d’urgence des victimes d’agression (CAUVA) a mis en place des procédures de recueil et de conservation de preuves sans dépôt de plainte, dans le cadre d’une convention signée avec le parquet en 1999. Comme l’a expliqué la Dr Nathalie Grosleron, responsable médicale du CAUVA, cette entité assure un accueil en urgence des victimes d’agression avec une logique d’unité de lieu et de temps et une approche pluridisciplinaire. L’équipe du CAUVA est en effet composée de sept psychologues, une assistante socio-éducative, d’un cadre, de huit médecins légistes, de deux secrétaires et de quatre infirmiers, dont deux spécialisés en puériculture. Les locaux du CAUVA sont ouverts de 9 heures à 19 heures ; la nuit une astreinte est prévue pour que les médecins légistes prennent en charge les viols récents.

Dans les cas où une victime de viol se présente au CAUVA sans avoir préalablement déposé plainte, les prélèvements légaux sont effectués. Puis deux types de procédures de dépôt de plainte existent :

− soit le dépôt de plainte se fait ensuite en commissariat ou en gendarmerie lors d’un rendez-vous fixé en amont ;

− soit le dépôt de plainte se fait sur place, le plus souvent parce que la victime doit être hospitalisée.

 

Enfin, une troisième procédure est appliquée pour les cas dans lesquels la victime ne veut pas porter plainte, ou du moins pas immédiatement : l’examen médico-légal est alors pratiqué hors procédure pénale et les prélèvements sont mis sous scellés ; un dossier conservatoire, contenant les données psychologiques, médico-légales et sociales, est également établi ; la victime est aussi prise en charge de manière pluridisciplinaire et il lui est expliqué qu’elle a la possibilité d’engager des poursuites pendant trois ans, période pendant laquelle les relevés médico-légaux sont conservés.

Source : Rapport d’information n° 721 de Mmes Marie‑Pierre Rixain et Sophie Auconie sur le viol, 22 février 2018.

 

Recommandation n° 27 : S’inspirer du modèle du centre d’accueil d’urgence des victimes d’agressions (CAUVA) de Bordeaux pour améliorer la prise en charge des victimes dans les UMJ et permettre le recueil de preuves sans dépôt de plainte.

 

 


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   TRAVAUX DE LA dÉlÉgation

 

Lors de sa réunion du 30 octobre 2018 sous la présidence de Mme Marie‑Pierre Rixain, la Délégation a adopté le présent rapport et les recommandations présentées supra (page 9).

La vidéo de cette réunion est accessible en ligne sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : http://assnat.fr/3h2CSg

 

 


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   annexe : Liste des personnes auditionnÉes par lA dÉlÉgation et par le RAPPORTEUR

I.   PERSONNES ENTENDUES PAR LA DÉLÉGATION

 Mercredi 17 octobre 2018

– Mme Christine Passagne, juriste au sein de la fédération nationale des centres d’information sur les droits des femmes et des familles (FNCIDFF) ;

– Mme Françoise Brié, directrice générale de la fédération nationale Solidarité femmes (FNSF), accompagnée de Mme Joan Auradon, chargée de mission ;

 Mme Raphaëlle Rémy-Leleu, porte-parole d’Osez le féminisme.

 

Les vidéos de ces auditions sont disponibles en ligne sur le site de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale, à l’adresse suivante : http://assnat.fr/iOp6P3.

 

II.   PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

● Jeudi 18 octobre 2018

 M. Pascal Koerfer, avocat, représentant de l’association Divorcé(e)s de France ;

– Mme Valérie Delnaud, adjointe au directeur des affaires civiles et du Sceau du ministère de la Justice ; M. Naïl Bouricha, conseiller chargé de la prospective et de l’attractivité du droit au cabinet de Mme la garde des Sceaux et M. Eric Thiers, conseiller spécial en charge des questions constitutionnelles au cabinet de Mme la garde des Sceaux, ministre de la Justice ;

– M. Jonathan Ouaknine, représentant de l’association nationale des médiateurs ;

− Mme Emmanuelle Piet, présidente du collectif féministe contre le viol (CFCV) ;

− Mme Carine Denoit‑Benteux, présidente de la commission « Textes » du conseil national des barreaux (CNB) ; Mme Élodie Mulon, secrétaire du bureau du CNB ; Mme Régine Barthélémy, membre du bureau du CNB ; Mme Élisa Abhervé‑Gueguen, chargée des relations institutionnelles du CNB ;

 M. François Devos, directeur des affaires juridiques du conseil supérieur du notariat.

 Vendredi 19 octobre 2018

– Mme Marie‑Christine Davrincourt, directrice de l’agence nationale de recouvrement des pensions alimentaires ; Mme Mariette Daval, responsable du département insertion et cadre de vie de la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) ; Mme Patricia Chantin, responsable des relations parlementaires de la CNAF ;

 M. Manuel Rubio-Gullon, sous-directeur de la négociation et de la législation pénales et M. Francis Le Gunehec, chef du bureau de la législation pénale générale au sein de la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice et M. Eric Thiers, conseiller spécial en charge des questions constitutionnelles au cabinet de Mme la garde des Sceaux, ministre de la Justice ;

 M. Marc Pichard, professeur des universités en droit privé, membre du programme REGINE (projet de recherche et d’études sur le genre et les inégalités dans les normes en Europe), Université Paris Nanterre.

 

 


([1]) Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice, discussion générale du projet de loi, première lecture, Sénat, 9 octobre 2018.  

([2]) Insee Références, édition 2017 - Dossier - Formations et ruptures d’unions.

([3]) Audition du 17 octobre 2018 – voir la vidéo.

([4]) Articles 229 à 232 du code civil.

([5]) Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

([6]) Articles 233 et 234 du code civil.

([7]) Articles 237 et 238 du code civil.

([8]) Articles 242 à 246 du code civil.

([9]) Cette estimation est issue des résultats de l’enquête de victimation annuelle « Cadre de vie et sécurité » (INSEE-ONRP-SSM-SI). Il s’agit d’une estimation minimale. L’enquête n’interrogeant que les personnes vivant en ménages ordinaires, elle ne permet pas d’enregistrer les violences subies par les personnes vivant en collectivités (foyers, centres d’hébergement, prisons...) ou sans domicile fixe. De plus, seules les personnes vivant en France métropolitaine sont interrogées. En outre, ce chiffre ne couvre pas l’ensemble des violences au sein du couple puisqu’il ne rend pas compte des violences verbales, psychologiques, économiques ou administratives.

([10]) L’enquête Violences et rapports de genre (Virage) de l’institut national des études démographiques (INED) a été réalisée par téléphone en 2015, auprès d’un échantillon de 27 000 femmes et hommes, représentatif de la population âgée de 20 à 69 ans, vivant en ménage ordinaire, en France métropolitaine.

([11]) Audition du 17 octobre 2018 – voir la vidéo.

([12]) Source : ministère de l’Intérieur, SSMSI - base des crimes et délits enregistrés par la police et la gendarmerie ; le terme « partenaire » désigne ici les personnes ayant un lien conjugal au sens du code pénal, c’est-à-dire les époux, concubins ou pacsés ou « ex » de chacune de ces catégories.

([13]) Cette catégorie ne couvre pas l’ensemble des infractions commises contre le partenaire : les crimes, homicides volontaires et viols, ainsi que les délits d’agression sexuelle, de menace et de harcèlement entre partenaires, ne sont pas inclus.

([14]) Loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.

([15]) Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.

([16]) Les situations où la décision ne statue pas sur la demande regroupent les cas de désistement de la partie demanderesse, de radiation ou d’irrecevabilité de la demande.

([17]) Article 515-12 du code civil.

([18]) Audition du 17 octobre 2018 – voir la vidéo.

([19]) Audition du 17 octobre 2018 – voir la vidéo.

([20]) INSEE Références, édition 2015 – Dossier – Les variations de niveau de vie des hommes et des femmes à la suite d'un divorce ou d'une rupture de Pacs.

([21]) Toutes situations confondues, l’écart de salaires entre les femmes et les hommes est estimé à environ 25 % ; à poste parfaitement égal, cet écart est estimé à 9 %.

([22]) Article 252 du code civil : « Le juge cherche à concilier les époux tant sur le principe du divorce que sur ses conséquences ».

([23]) Article 255 du code civil.

([24]) Étude d’impact du projet de loi sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, p° 97.

([25]) Loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce.

([26]) Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

([27]) Article 1175 du code civil.

([28]) Selon l’INSEE, environ 210 000 enfants mineurs sont concernés par la séparation de couples en union libre et environ 169 000 enfants mineurs sont concernés par le divorce ou la rupture de PACS de leurs parents. (source : Insee Références, édition 2017 – Dossier – Formations et ruptures d’unions libres). Ces chiffres constituent une moyenne sur les années 2011-2014 2009 et de 2015 qui permet de mesurer l’importance de cette question.

([29]) Insee Références, édition 2015 – Vue d’ensemble – Couples et familles : entre permanences et rupture.

([30]) Article 371-2 du code civil.

([31]) Article 41 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017.

([32]) Décret n° 2018-656 du 24 juillet 2018 relatif à l'allocation de soutien familial et à la délivrance du titre exécutoire prévu à l'article L. 582-2 du code de la sécurité sociale.

([33]) Article 373-2-13 du code civil : « Les dispositions contenues dans la convention homologuée ou dans la convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d'un acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d'un notaire ainsi que les décisions relatives à l'exercice de l'autorité parentale peuvent être modifiées ou complétées à tout moment par le juge, à la demande des ou d'un parent ou du ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non ».

([34]) Ibid.

([35]) Pour plus de détail sur le fonctionnement de l’ARIPA, se référer au site Internet de l’agence.

([36]) Insee Références, édition 2015 – Dossier – Résidence et pension alimentaire des enfants de parents séparés : décisions initiales et évolutions : « En 2014, environ sept parents divorcés sur dix indiquent que la décision du juge en vigueur prévoit le versement d’une pension alimentaire, le plus souvent du père à la mère (95 % des pensions alimentaires). La très grande majorité des divorcés (82 %) déclarent que cette pension alimentaire est actuellement versée systématiquement et dans son intégralité. Ils sont 6 % à déclarer qu’elle est versée irrégulièrement ou partiellement, et 12 % à affirmer qu’elle n’est que rarement ou jamais versée ».

([37]) Audition du 17 octobre 2018 – voir la vidéo.

([38]) Audition du 17 octobre 2018 – voir la vidéo.

([39]) Ibid.

([40]) Voir recommandation n° 9 du présent rapport.

([41]) Article 373‑2‑10 du code civil.

([42]) L’alinéa 2 de l’article 2 du projet de loi supprime le premier alinéa de l’article 22‑1 de la loi n° 95‑125 du 8 janvier 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

([43]) Troisième alinéa de l’article 2 du projet de loi.

([44]) Le III de l’article 18 du projet de loi modifie en ce sens l’article 373-2-10 du code civil portant sur le pouvoir du juge aux affaires familiales de proposer ou d’enjoindre à une médiation. Les alinéas 5 et 6 de l’article 2 modifient en conséquence l’article 22-3 de la loi n° 95‑125 du 8 janvier 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

([45]) Article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

([46]) Cette disposition est reprise à l’article L. 2141‑10 du code de la santé publique.

([47]) Arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des notaires.

([48]) À ce sujet, voir la deuxième partie du présent rapport.

([49]) Étude d’impact du projet de loi sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, p. 142.

([50]) Étude d’impact du projet de loi sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, p. 143.

([51]) Étude d’impact du projet de loi sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, p. 139.

([52]) Ibid.

([53]) Rapport d’information n° 721 de Mmes Sophie Auconie et Marie‑Pierre Rixain sur le viol, 22 février 2018 et rapport d’information n° 895 de M. Erwan Balanant et Mme Marie‑Pierre Rixain sur le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, 19 avril 2018.

([54])  Étude d’impact du projet de loi sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, p. 368.

([55])  Ibid, p. 362.

([56]) Source : exploitation statistique du casier judiciaire national par la direction des affaires criminelles et des grâces / pôle d’évaluation des politiques pénales.

([57]) H Guedj, « Viols, tentatives de viol et attouchements sexuels », in Interstats Analyse 18 – 2017.

([58]) Étude sur les viols et agressions sexuelles jugés en 2013 et 2014 en Cour d’Assises, au Tribunal Correctionnel et au Tribunal pour enfants, réalisée par l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis et Bertille Bodineau, démographe, en partenariat avec le tribunal de grande instance de Bobigny.

([59]) Rapport d’information n° 721 de Mmes Sophie Auconie et Marie‑Pierre Rixain sur le viol, 22 février 2018.

([60]) Source citée dans Le Monde, « Violences sexuelles : porter plainte, l’autre épreuve des victimes » par Julia Pascual, 23 novembre 2017.

([61]) Rapport d’information n° 721, op.cit.