N° 1632

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 février 2019

 

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

ET À LA DÉCENTRALISATION

 

 

SUR LA PROPOSITION DE LOI, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT,

 

portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires (n° 1393),

 

et

 

SUR LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT,

 

relative à la nomination du directeur général de l’Agence nationale
de la cohésion des territoires (n° 1394).

 

 

PAR M. Didier MARTIN

 

Député

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Voir les numéros : 1393 et 1394.


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

I. L’AGENCE DOIT PERMETTRE LA MISE EN œuvre D’UNE VÉRITABLE DÉCONCENTRATION EN MATIèRE D’INGéNIERIE AU SERVICE DE LA CENTRALISATION

A. L’INGéNIERIE, UNE NOTION PROTéIFORME AU cœur DES ENJEUX

1. Les différentes formes d’ingénierie

2. Le désengagement progressif de l’État

a. Les conventions hors code des marchés publics

b. La loi MURCEF

c. La fin de l’ATESAT

3. Les territoires se sont dotés de structures diverses pour pallier ce désengagement

B. UNE AGENCE DE L’éTAT AU SERVICE DES PROJETS TERRITORIAUX GRâCE à UN APPROFONDISSEMENT DE LA DéCONCENTRATION

1. Un cadre d’intervention ciblé et reposant sur le principe de subsidiarité

2. Le rôle d’ « assemblier » confié au représentant de l’État dans le département

3. L’appui aux projets issus des territoires

II. LEs TEXTEs adoptÉs par le sénat

1. La proposition de loi créant l’ANCT

 ARTICLE 2 – Missions de l’ANCT

 ARTICLE 3 Mode de gouvernance et d'administration de l’ANCT

 ARTICLE 4 Article supprimé

 ARTICLE 5 Organisation territoriale de l’ANCT

 ARTICLE 6 Ressources de l’ANCT

 ARTICLE 6 bisPossibilités de l’ANCT en matière de droit des sociétés

 ARTICLE 7 – Conclusion de conventions pluriannuelles

 ARTICLE 8 – Statuts des personnels de l'agence

 ARTICLE 9 – Présence de représentants de l'Agence aux conseils d'administration respectifs de l’ADEME et du CEREMA

 ARTICLE 9 bisNomination du directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires

 ARTICLE 10 – Dissolution de l'EPARECA

 ARTICLE 11 – Modalités d’application

 ARTICLE 12 – Gage de charge

2. La proposition de loi organique relative à la nomination du Directeur Général de l’ANCT

ARTICLE UNIQUE – Avis public des commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat pour la nomination du directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires

liste des amendements proposÉs

liste des personnes entendues par le groupe de travail

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION


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   INTRODUCTION

 

La Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (DCTD) a décidé de se saisir pour avis de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires qui fait l’objet d’un examen au fond au sein de la commission du Développement durable et de l’aménagement du territoire et de la proposition de loi organique, adoptée par le Sénat, relative à la nomination du directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, qui fait l’objet d’un examen au fond au sein de la commission des Lois. Ces deux textes font l’objet de la procédure accélérée.

La saisine pour avis de la DCTD a été complétée par la création, en son sein, d’un groupe de travail ouvert à l’ensemble des membres de la Délégation et animé par votre rapporteur. Ce groupe de travail, qui s’est réuni à deux reprises, a permis à votre rapporteur en amont de l’examen des propositions de loi par la Délégation, d’associer à ses travaux l’ensemble des délégués.

La création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) est un engagement du Président de la République, notamment exprimé dans le cadre de la Conférence des territoires. Après un rapport de préfiguration rédigé par M. Serge Morvan, nommé Commissaire général à l'égalité des territoires au mois d’avril 2018, le Gouvernement avait déposé devant le Sénat un amendement au projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) afin d’être habilité à légiférer par ordonnance en vue de la création de l’Agence, mais cet amendement a été rejeté car il intervenait tardivement et sans concertation.

C’est finalement une proposition de loi déposée au Sénat par le groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) qui a permis que cet important sujet soit examiné par le Parlement. Pour s’assurer de la qualité juridique du texte, le Président du Sénat  a saisi le Conseil d’État de cette proposition de loi comme lui en offre la possibilité le dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution. Il n’a, en revanche, pas été produit d’étude d’impact de ce texte.

Le texte de la proposition de loi a été considérablement enrichi à la suite de son examen au Sénat. Il n’en demeure pas moins incomplet à bien des égards, ce qui suscite de nombreuses interrogations quant au fonctionnement concret de la future Agence.

 

 

 

L’objet de cette saisine pour avis, la seconde initiée par la DCTD, est de mettre en avant les préoccupations des collectivités territoriales, en premier lieu du bloc communal qui est le principal investisseur local. Il convient également de veiller à la bonne articulation des compétences des différents échelons territoriaux pour un fonctionnement optimal de l’Agence au service des projets des territoires.

D’une manière générale, votre rapporteur considère que la création de l’Agence nationale de cohésion des territoires doit permettre d’apporter l’attention et le soutien nécessaires à la mise en œuvre de projets élaborés par les élus au bénéfice de leurs territoires.

Il s’agit d’une nouvelle initiative destinée à faciliter la vie des collectivités territoriales et à leur permettre, dans le respect de la décentralisation, de disposer d’une administration déconcentrée au service des élus et de leurs projets de développement territorial.

 

 

 

 

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*     *

 

 

 


I.   L’AGENCE DOIT PERMETTRE LA MISE EN œuvre D’UNE VÉRITABLE DÉCONCENTRATION EN MATIèRE D’INGéNIERIE AU SERVICE DE LA CENTRALISATION

Texte très attendu, en témoigne le nombre de commissions qui se sont saisies pour avis, la création de l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) suscite énormément d’attentes chez les élus locaux mais aussi, force est de le reconnaitre, quelques inquiétudes parmi les organismes appelés à y être intégrés ou à collaborer de manière étroite avec elle, ainsi qu’au sein des nombreuses structures publiques ou privées qui interviennent dans le champ de l’ingénierie territoriale.

Il est assez naturel que l’irruption d’un nouvel acteur provoque de telles réactions. Les auditions conduites par votre rapporteur ont permis de lever ces incertitudes et d’apporter un peu de chair au texte de la proposition de loi, qui est assez peu disert sur le fonctionnement concret de l’Agence, ce qui est d’ailleurs normal puisque celui-ci relève essentiellement de textes réglementaires.

La création de l’ANCT rappelle un peu celle de la Banque publique d’investissement en 2012, elle suscite beaucoup d’attentes, sans doute trop car son intervention sera subsidiaire et ne remettra pas en cause les compétences des différents ministères non plus que des agences et établissements publics intéressés.

Le texte de la proposition de loi est en effet assez peu détaillé sur les modalités d’intervention de l’Agence, les principes de subsidiarité, de contrat unique ou de refonte de la politique contractuelle avec les territoires n’y figurent pas. Ces grandes orientations, qui étaient présentes dans le rapport de préfiguration[1], demeurent-elles d’actualité ?

En quoi l’Agence telle qu’elle est présentée dans le texte, incluant le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), l’Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) et l’Agence du numérique et prévoyant des conventions avec d’autres opérateurs que sont l’Agence nationale de l'habitat (ANAH), l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) apporte-t-elle une valeur ajoutée par rapport à la situation actuelle ? Apportera-t-elle une simple rationalisation ou également une capacité d’impulsion ?

Ce sont là tous les enjeux du débat devant notre assemblée qui mobilise trois commissions permanentes et la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Il convient tout d’abord de rappeler l’historique du désengagement de l’État en matière d’ingénierie locale, les réponses que les collectivités territoriales ont dû y apporter et d’expliciter les différentes formes d’ingénierie requises pour la réussite d’un projet.

A.   L’INGéNIERIE, UNE NOTION PROTéIFORME AU cœur DES ENJEUX

Les auditions qu’a menées votre rapporteur ont confirmé que la carence en matière d’ingénierie est l’obstacle principal à l’éclosion de projets d’investissement dans de nombreuses collectivités. Le contexte financier est en revanche orienté favorablement, en dépit de situations très hétérogènes, puisque les collectivités territoriales ont dégagé une capacité de financement en 2017 et que l’accès à l’emprunt est facilité par des taux d’intérêt encore très faibles. L’accent doit donc être mis sur le soutien aux différentes formes d’ingénierie.

1.   Les différentes formes d’ingénierie

La notion d’ingénierie telle qu’elle est employée couramment correspond à une grande variété de sens et d’activités.

La définition traditionnelle de l’ingénierie est historiquement liée à la construction ou aux travaux publics. Au-delà du champ lexical des travaux publics, force est de constater que dans la représentation des élus, des agents publics et des citoyens, la définition de l’ingénierie s’est considérablement élargie[2].

Le dictionnaire Larousse va en ce sens, puisque le terme d’ingénierie y désigne « l’étude d'un projet industriel sous tous ses aspects (techniques, économiques, financiers, monétaires et sociaux) et qui nécessite un travail de synthèse coordonnant les travaux de plusieurs équipes de spécialistes. ».

C’est dire qu’aujourd’hui, elle recouvre à la fois l’ingénierie non seulement technique (études préalables, assistance technique à maitrise d'ouvrage) mais également administrative (l’assistance infor­matique, juridique ou encore financière pour l’octroi de subventions). Par ailleurs, une ingénierie « de projet », plus globale, croise plusieurs types d’expertises, en matière de planification des projets de territoire, de concep­tion de politiques publiques ou de projets d’aménagement.

Généraliste, l’ingénierie territoriale n’est donc plus réservée aux ingénieurs, mais implique aussi des animateurs, des assistants techniques, des développeurs, des coordonnateurs. La traduction de cette diversité se retrouve  d’ailleurs dans la rédaction de l’article L. 5511-1 du Code général des collectivités territoriales, relatif aux agences techniques départementales (ATD), lesquelles peuvent apporter une assistance d'ordre technique, juridique ou financier aux collectivités territoriales et aux établissements publics intercommunaux du département qui le demandent.

Le terme regroupe donc, potentiellement, à la fois une partie du champ de la maîtrise d’ouvrage (assistance à maîtrise d’ouvrage – AMO –, conseil en amont, conduite d’opérations), et celui de la maîtrise d’œuvre (études depuis l’esquisse jusqu’au projet). Il peut donc s’agir de prestations qui peuvent être effectuées conformément à la jurisprudence « in house »[3], les marchés de prestations internes, mais aussi d’autres qui relèvent du champ concurrentiel et du code des marchés publics.

2.   Le désengagement progressif de l’État

L’intervention de l’État en matière d’ingénierie publique est symbolisée par la création du corps des Ponts et Chaussées en 1716.

Pour se rapprocher de l’époque contemporaine, l’évolution est manifeste entre l’État aménageur dans les années 60, qui, par l’intermédiaire de ses grands corps d’État et de la DATAR intervenait directement sur les territoires pour structurer leurs réseaux ou leurs grands équipements, et l’actuel retrait des services d’ingénierie stratégique et technique à disposition des collectivités.

La montée en puissance de l’offre d’ingénierie publique proposée par les collectivités territoriales s’explique par ce retrait progressif de l’État des missions qu’il exer­çait précédemment. Ce retrait s’est tout d’abord opéré dans le champ concurrentiel, puis dans celui de la solidarité.

a.   Les conventions hors code des marchés publics

Si la loi de décentralisation de 1982 prévoyait la possibilité pour les départements de créer une agence technique au bénéfice des collectivités et groupements, celle-ci n’a été que très peu utilisée dans les premiers temps. Il s’agissait en effet d’un contexte totalement  différent, marqué par l’omniprésence de l’État et la revendication, de la part des collectivités territoriales et établissements publics intercommunaux, d’autonomie et du droit à gérer eux‑mêmes leur expertise face à une impression de tutelle étatique.

La question de l’assujettissement des prestations d’ingénierie publique au code des marchés publics a connu une série d’évolutions.

Jusqu'en 2001, deux dispositions législatives organisaient les conditions dans lesquelles une collectivité publique pouvait apporter à une autre collectivité publique son concours technique :

- l'article 12 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État prévoyait que les services de l’État, des départements  et des  régions pouvaient apporter leur concours technique aux communes qui le demandaient pour l'exercice de leurs compétences ;

- l'article 7 de la loi n° 92-125 du 6 février 1992 d'orientation relative à l'administration territoriale de la République disposait que les services déconcentrés de l’État  pouvaient apporter leur appui technique aux collectivités territoriales  et à leurs établissements publics de coopération pour la réalisation de leurs projets de développement économique, social et culturel.

Ainsi, deux types de prestations d'ingénierie publique étaient envisageables :

- la première, prévoyant l'apport d'un appui technique par plusieurs prestataires (État, départements, régions) en faveur d'une seule collectivité publique (commune) ;

- la seconde, prévoyant l'apport d'un appui technique par les services déconcentrés de l’État en faveur de plusieurs collectivités publiques (communes, départements, régions et leurs établissements publics de coopération).

Dans les deux cas, l'appui technique était encadré par une convention entre le prestataire et le bénéficiaire. Jusqu'en 2001, et quel que soit leur montant, les conventions passées en application de l'article 12 de la loi du 7 janvier 1983 et de l'article 7 de la loi du 6 février 1992 ne faisaient pas l'objet d'une mise en concurrence dans la mesure où il n'était pas précisé que ces conventions constituaient des marchés publics.

b.   La loi MURCEF

La montée en puissance du droit de la concurrence au cours des années 1990, accompagnée par la Cour des comptes, explique la rédaction de l'article 1er de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, dite loi MURCEF, qui modifie les deux articles susmentionnés.

La loi distingue désormais deux champs dans l’ingénierie publique : le champ concurren­tiel et le champ de la solidarité.

En ce qui concerne le champ concurrentiel, les prestations d’ingénierie susceptibles d’être fournies par des prestataires privés devaient être réalisées dans les conditions fixées par le Code des marchés publics (CMP), et le doivent désormais dans celles fixées par l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics. Les bénéficiaires des prestations doivent passer des marchés avec le prestataire (l’État, les Régions ou les Départements). Les services prestataires doivent respecter le droit de la concurrence en proposant des offres tenant compte de l’ensemble des coûts directs et indirects.

En ce qui concerne ce premier champ, l’État a choisi  à partir de 2007 et dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), de s’en désengager, en particulier de la maîtrise d’œuvre, pour se recentrer sur des missions d’expertise, en particulier dans le champ du développement durable, ainsi que sur des missions de solidarité en faveur des petites communes.

En ce qui concerne le champ de la solidarité, la loi MURCEF a créé l’assistance technique de l’État pour des raisons de solida­rité et d’aménagement du territoire (ATESAT) qui permet à l’État d’intervenir,  pour ces raisons, hors du cadre des marchés publics.

Ce dispositif s’adressait aux com­munes et EPCI ne disposant pas, du fait de leur taille et de leurs ressources, des moyens humains et financiers nécessaires à l’exercice de leurs compétences dans les domaines de la voirie, de l’aménagement et de l’habitat. Ces petites col­lectivités pouvaient bénéficier d’une assistance technique fournie par les services de l’État, dans des conditions définies par une convention passée entre le représentant de l’État et, selon le cas, le maire ou le président du groupement.

c.   La fin de l’ATESAT

Encadrée par un décret du 27 septembre 2002, et définies par convention entre l’État et les collectivités bénéficiaires, l’ATESAT comprenait des prestations dites de base (assistance à la gestion de la voierie et de la circulation, à la passation des marchés pour l’entretien de la voierie ou des ouvrages d’art, conseil sur la faisabilité d’un projet dans les domaines de l’aménagement et de l’habitat) et, pour une grande majorité d’entre elles, des prestations optionnelles telles que l’assistance à l’élaboration d’un diagnostic de sécurité routière ou l’élaboration d’un programme d’investissement.

On estime que « sur la période 2010-2012, plus de 80 % des communes éligibles et 33 % des groupements éligibles étaient encore signataires d’une convention ATESAT ».[4]

L’article 123 de la loi de finances pour 2014 a mis fin au dispositif de l’ATESAT au 31 décembre 2013 avec la possibilité résiduelle de signer des « conventions d’achèvement » pour 2014, voire 2015.

Les raisons avancées pour la suppression de ce dispositif ont été la création, dans près de la moitié des départements, de structures d’appui pouvant répondre aux besoins de ces collectivités, la généralisation de l’intercommunalité et la nécessité de recentrer l’appui apporté par l’État aux collectivités territoriales sur une expertise à plus haute valeur ajoutée.

Les départements se sont positionnés dès 2014 pour prendre le relais de l’État, entrainant la création de plusieurs nouvelles agences techniques départementales, mais la contribution au redressement des finances publiques et l’augmentation du coût des allocations individuelles de solidarité (AIS) les ont considérablement freinés.

3.   Les territoires se sont dotés de structures diverses pour pallier ce désengagement

Dans le contexte de retrait des services de l’État, et face à la complexité croissante des enjeux et des réglementations, les conseils généraux et les EPCI ont donc été amenés à déve­lopper une offre d’ingénierie au profit des petites collectivités. En effet, la montée en puis­sance des enjeux transversaux dans les politiques publiques, comme le développement durable, l’accessibilité, la participation citoyenne et les montages juridiques de plus en plus complexes nécessitent une expertise dont ne dis­posent souvent pas les communes de petite taille.

Selon un décompte effectué par la DREAL Bretagne[5], 77 départements métropolitains étaient dotés d’une agence technique départementale (ATD) en 2018. La forme juridique, les compétences et les modes de rémunération des prestations fournies varient considérablement d’un département à un autre.

Une étude[6] réalisée sur un plus petit nombre d’ATD (66) montre qu’elles utilisent cinq types de statuts pour apporter une offre d’ingénierie départementale aux collectivités rurales :

- 34 agences utilisent le statut d’Établissement Public Administratif (EPA) ;

- 20 agences utilisent le statut de Régie ;

- 7 agences utilisent le statut de Société Publique Locale (SPL) ;

- 3 agences sont sous forme de Syndicats Mixtes ;

- 2 agences ont le statut d’Association.

Toujours selon cette étude, « les agences techniques départementales se positionnent principalement sur des prestations de trois formes : des prestations de conseil pour près de 100% d’entre elles, parfois accompagnées d’autres types de prestations ; des prestations d’assistance à maîtrise d’ouvrage, pour 85% d’entre elles. Elles sont en revanche plus frileuses pour s’engager dans des prestations de maîtrise d’œuvre. Seulement 33% d’entre elles en proposent. En effet, les prestations de maîtrise d’œuvre sont, selon les différentes agences interrogées, fortement susceptibles de s’inscrire dans le champ concurrentiel. ».

Quant au financement de ces agences, il s’agit d’un mixte entre subvention départementale, cotisation forfaitaire de leurs adhérents et, parfois, rémunération des prestations.

Les EPCI peuvent, en fonction de leur taille, être des adhérents et les plus importants contributeurs à une ATD, voire de véritables partenaires s’ils disposent de compétences et de services en matière d’ingénierie. Les Conseils d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement (CAUE) figurent également parmi les partenaires des ATD.

L’offre d’ingénierie du secteur privé est très largement constituée par celle des bureaux d’études qui maillent, plus ou moins densément, le territoire. Il arrive en effet, selon l’étude de l’AdCF et de l’ADF précitée, que le secteur privé soit quasiment absent. Dans le cas contraire, et en dépit des craintes de concurrence déloyale formulées par les bureaux d’études privés, la coexistence des deux offres peut s’avérer positive. Ainsi de nom­breux acteurs publics de l’ingénierie défendent la complémentarité entre les champs du public et du privé : « l’ingénierie publique aide à structurer la commande des maîtres d’ouvrage à destina­tion du secteur privé et crée un besoin d’offre privée »[7].

B.   UNE AGENCE DE L’éTAT AU SERVICE DES PROJETS TERRITORIAUX GRâCE à UN APPROFONDISSEMENT DE LA DéCONCENTRATION

L’ANCT est une institution nationale publique, créée sous la forme d’un établissement public de l’État. Mais la réussite de l’Agence reposera sans doute sur sa capacité à modifier le paradigme d’intervention de l’État, afin qu’il se mette à l’écoute des territoires, et sur son agilité, c’est-à-dire sa capacité à constituer des équipes dédiées pour chaque projet avec un animateur/coordonnateur des différentes agences publiques impliquées.

 

1.   Un cadre d’intervention ciblé et reposant sur le principe de subsidiarité

L’ANCT n’a pas vocation à s’immiscer dans les projets territoriaux pilotés par des pays, des PETR ou des EPCI qui disposent de leur ingénierie propre et qui fonctionnent bien. Elle n’aura pas non plus à arbitrer entre plusieurs projets concurrents, ni même à décider de la pertinence de tel projet pour tel territoire.

Son champ d’intervention est plus modeste et repose sur le principe de subsidiarité, il s’agit d’aider à l’émergence et à la définition de projets auprès des communes et EPCI qui ne disposent pas des capacités humaines et matérielles adéquates. La décentralisation a permis à de nombreuses collectivités et groupements de mener leurs projets de territoire de manière autonome, c’est une avancée qui doit être confortée et en aucun cas limitée.

Votre rapporteur souhaite que le principe d’un ciblage prioritaire des actions de l’ANCT, qui a été introduit lors des débats au Sénat, soit maintenu et développé pour faire apparaitre explicitement les territoires qui présentent un déficit dans les différents secteurs de l’ingénierie en raison de leurs caractéristiques structurelles. Il en va ainsi des les territoires sous-denses, des territoires insulaires, des territoires présentant un fort taux de pauvreté, des territoires dépourvus de pôles de centralité ou présentant des difficultés d’accès aux services publics.

Mais, parce que ce transfert de compétence de l’État aux collectivités territoriales, dont nous avons rappelé les étapes dans la première partie du rapport, s’est opéré de manière progressive, sans véritable visibilité et, surtout, sans compensation financière, il est absolument nécessaire d’améliorer l’accessibilité aux différentes agences et à leurs subventions (ANRU, ADEME, ANAH, CEREMA notamment) et aux multiples appels à projet (fonds structurels européens, SGPI, dispositifs contractuels nationaux).

Cette amélioration passe nécessairement par un approfondissement de la déconcentration.

2.   Le rôle d’ « assemblier » confié au représentant de l’État dans le département

L’ANCT disposera d’une structure nationale organisée autour de plusieurs pôles et de délégués territoriaux en la personne des représentants de l’État dans les départements. Le texte issu du Sénat ne prévoit pas d’associer l’échelon régional au fonctionnement de l’Agence.

Le préfet, représentant de l’État dans le département, apparait clairement comme l’interlocuteur idoine pour effectuer le travail de coordinateur ou d’ « assemblier » au soutien des projets des territoires. Le préfet pourra déléguer cette fonction à ses sous-préfets d’arrondissement ou encore, comme le prévoyait le rapport de préfiguration pour les quinze à vingt départements qui nécessitent une action renforcée, à un sous-préfet dédié au développement territorial.

Le préfet de département est déjà fortement impliqué en matière d’investissements et donc de projets des communes  et EPCI.  C’est lui qui est en charge des dotations de l’État que sont la Dotation d'Équipement des Territoires Ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local des communes et de leurs groupements (DSIL),  en lien avec le préfet de région, ou encore, du Fonds National d'Aménagement et de Développement du Territoire (FNADT).

Son rôle consistera à écouter les élus, à les conseiller le cas échéant et à faciliter le montage des projets d’investissement en mobilisant l’ensemble des dotations dont il assure la gestion, en assurant la coordination des services et agences de l’État entrant dans le périmètre du projet, ainsi que le suivi des projets afin de réduire les délais et améliorer l’information des élus.

Votre rapporteur considère néanmoins que l’échelon régional, en charge notamment du développement économique et de l’aménagement du territoire via une série de schémas territoriaux, doit être partie prenante de l’action déconcentrée de l’ANCT et que les élus de la région doivent être associés aux vigies que seront les comités de la cohésion territoriale au sein de chaque département.

3.   L’appui aux projets issus des territoires

Il ressort des travaux de préfiguration et des auditions que l’ANCT interviendra en pratique dans deux cas de figure.

Le premier est celui, déjà existant, des programmes nationaux que sont le plan « Action cœur de ville » qui concerne 222 villes moyennes, le dispositif « territoires d’industrie » qui concerne 124 territoires, ou les 1514 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Ces contrats territorialisés sont aujourd’hui pilotés, au moins pour partie, par le commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) qui intégrera l’ANCT, à l’exception des agents assurant les fonctions relatives à  l’élaboration et au suivi de la politique de l’État en matière de cohésion des territoires.

Le second, plus novateur et qui répond comme nous l’avons vu au déficit d’ingénierie de certaines collectivités, consistera à conseiller, assister et faciliter l’émergence de projets issus des territoires, de leurs élus et des populations concernées. Le niveau pertinent d’élaboration de ces projets peut être l’intercommunalité, la communauté de communes notamment, ainsi que le suggère le rapport de préfiguration[8].

Votre rapporteur considère que l’action de l’Agence ne doit exclure, a priori, aucun type de territoire mais que des priorités doivent être définies par la loi, comme il a été indiqué précédemment. Dans la pratique, certains projets pourront n’émaner que d’une ou deux communes et être structurants à leur échelle ; ils devront être accompagnés si leurs élus le souhaitent. D’autres projets seront portés par des intercommunalités et plus généralement par les groupements de collectivités territoriales énumérés à l’article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales[9].

Au titre des intercommunalités, se pose la question des métropoles qui disposent toutes des services et des compétences requises pour l’élaboration et la mise en œuvre de projets d’investissements structurants. Le texte n’exclut pas pour autant que l’ANCT puisse apporter son concours à des projets portés par des métropoles, même si ce cas de figure sera sans doute marginal en raison des moyens en termes d’ingénierie dont dispose ce type d’EPCI.

Votre rapporteur approuve cette possibilité mais souhaite qu’à l’instar de ce qui se pratique déjà dans le cadre des « contrats de réciprocité ville‑campagne » et qui est également présent dans les appels d’offre du Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) comme « Territoires d’innovation », l’éligibilité de tels projets soit davantage encadrée.

Il pourrait ainsi être précisé que seuls les projets présentant une démarche collaborative et des résultats partagés sur l’ensemble des territoires pourront être retenus. Il apparait en outre important de prévoir que les projets portés par des métropoles puissent avoir un impact positif sur les communes environnantes car de tels projets peuvent dépasser les périmètres administratifs. Les territoires se caractérisent en effet par des relations d’interdépendance, par exemple entre les métropoles et les espaces périurbains de leurs couronnes périphériques, et au-delà, avec les villes petites et moyennes proches.


 

II.   LEs TEXTEs adoptÉs par le sénat

1.   La proposition de loi créant l’ANCT

 ARTICLE 1er - Création d’une institution publique nationale dénommée « Agence nationale de la cohésion des territoires » (ANCT)

Cet article crée une institution publique nationale dénommée « Agence nationale de la cohésion des territoires » (ANCT), qui revêt le caractère d'un établissement public de l'État.

Il précise que l’ANCT est une institution nationale publique (et non une institution publique nationale comme dans la proposition de loi initiale), le seul exemple d’institution similaire est Pôle emploi. Il s’agit plus précisément d’un établissement public, sans précision de son caractère administratif ou industriel et commercial. En fait l’ANCT aura l’un ou l’autre de ces caractères en fonction de son activité. Le fait que ce soit un établissement public entraine sa personnalité morale sans qu’il soit nécessaire de le préciser.

Modifications apportées par le Sénat :

-         La commission a procédé à la codification de la proposition de loi dans le CGCT en créant un Titre III au sein du Livre II.

-         En séance, le Sénat a adopté, avec un avis de sagesse du Gouvernement,  un amendement présenté par le rapporteur de la commission du développement durable qui précise que l’action de l’Agence cible prioritairement les territoires caractérisés par des difficultés en matière démographique, économique ou d’accès aux services publics.

Commentaire : La Ministre, Mme Jacqueline Gourault, a indiqué en séance que l’Agence doit « cibler les territoires les plus fragiles ». L’énumération fermée adoptée par le Sénat peut donner lieu à des interprétations divergentes ou donner à penser que l’on exclut des priorités, certains territoires urbains notamment. Le critère démographique ne semble pas le plus pertinent en matière d’investissements et le critère économique est très large et peut recouvrir des situations très différentes. Seul le critère de l’accès aux services publics apparait opérationnel même s’il est large.

Le rapport de préfiguration était opposé à l’idée « d’ajouter un nouveau zonage, une nouvelle cartographie qui constituerait la géographie d’intervention de l’Agence ». Au contraire, son action doit bénéficier à tous les territoires, en tenant compte de la demande locale comme des priorités définies par l’État.

Votre rapporteur propose de préciser les caractéristiques des territoires au profit desquels l'Agence nationale de cohésion des territoires devra cibler prioritairement son action en mettant l’accent sur le déficit en matière d’ingénierie territoriale.

Proposition n° 1 : Cibler prioritairement l’action de l’ANCT sur les territoires sous‑denses, les territoires insulaires, les territoires présentant un fort taux de pauvreté, les territoires dépourvus de pôles de centralité ou présentant des difficultés d’accès aux services publics qui ne disposent pas des moyens suffisants dans les différents domaines de l’ingénierie territoriale.

 ARTICLE 2 – Missions de l’ANCT

Cet article a pour objet de définir les missions de l'Agence nationale de la cohésion des territoires.

La proposition de loi initiale indiquait que l'ANCT intervient sur le territoire national à des fins d'aménagement et de cohésion des territoires. Elle doit favoriser le développement de l'action territoriale de l'État, conduire des programmes nationaux territorialisés, accompagner les collectivités territoriales et les « acteurs locaux » dans leurs projets « y compris numériques », fournir une offre d'ingénierie aux porteurs de projets et participer au renforcement territorial de l'accès aux soins.

Le II de l’article transfère à l'ANCT les missions assignées à l'EPARECA par l'article L. 325-1 du code de l'urbanisme.

Le III de l’article confère à l'ANCT tout ou partie des missions assignées à l'Agence du numérique par le décret du 3 février 2015.

Modifications apportées par le Sénat : Le Sénat a considérablement modifié cet article, aussi bien en commission qu’en séance publique.

- La commission du développement durable a procédé à la codification de ces dispositions dans le CGCT. Elle a précisé les missions de l’Agence : l’Agence nationale de la cohésion des territoires a pour mission, en tenant compte des particularités, des fragilités et des besoins de chaque territoire, de soutenir les collectivités territoriales dans la définition et la mise en œuvre de leurs projets, notamment en faveur du maintien des services publics, de la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, de la transition écologique, de la lutte contre le changement climatique, de l’accès aux soins et du numérique. À ce titre, elle propose une offre d’ingénierie adaptée aux porteurs de projets et apporte un concours humain et financier aux collectivités territoriales. Elle assure la mise en œuvre de la politique de l’État en matière d’aménagement durable et de cohésion des territoires et la coordination des interventions de l’État et des établissements publics, en conduisant des programmes nationaux territorialisés.

Elle a adopté un amendement précisant l'inclusion, dans le périmètre des interventions de l'ANCT relatives à l'aménagement et à la restructuration des espaces commerciaux, de l'ensemble des zones caractérisées par les handicaps géopolitiques, économiques ou sociaux mentionnées à l'article 42 de la loi n° 95‑115 du 4 février 1995 et des zones de revitalisation rurale (article 1465 A du code général des impôts). Elle a également adopté un amendement conférant à l'ANCT les mêmes prérogatives que celles précédemment dévolues à l'EPARECA.

Enfin, elle a adopté un amendement prévoyant, au regard des enjeux opérationnels liés au transfert de l'Agence du numérique, de reporter son intégration au 1er janvier 2021, laissant le soin aux ministres chargé de l'aménagement et de la cohésion des territoires et chargé du numérique de définir les modalités de ce transfert par voie conventionnelle pour garantir une intégration réussie de l'Agence du numérique à l'ANCT.

En séance, le Sénat a également adopté plusieurs amendements importants :

Un amendement a précisé que l’exercice des missions de cette agence s’effectue sans préjudice des compétences dévolues aux collectivités territoriales et à leurs groupements et en articulation avec ceux-ci. Un autre a précisé que les EPCI pourront également saisir l'agence, au même titre que les communes, les départements ou les régions.  Un troisième a ajouté à la liste des projets pouvant être soutenus ceux en matière de dépollution des sols, qui constitue l’un des volets des politiques en matière de transition écologique (avec un avis de sagesse de la commission et une demande de retrait du Gouvernement). La Ministre a indiqué à ce sujet qu’il fait « naturellement partie des compétences de l’ANCT au titre de la transition écologique. Ensuite, si l’on spécifie la dépollution des sols, il va falloir ajouter tous les cas de figure qui peuvent se présenter dans de nombreux domaines. Je demande donc aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer, sinon le Gouvernement y serait défavorable. »

Un amendement est venu préciser que l’Agence mobilise une offre d’ingénierie publique ou privée dans l’optique que l’ANCT ne puisse développer son offre d’ingénierie que dans le cas où serait observée objectivement une carence de l’offre privée dans les territoires. Contre l’avis défavorable du gouvernement, le Sénat a adopté un amendement disposant que l’Agence peut être consultée sur l’impact des politiques publiques nationales et des projets de lois et de décrets en termes d’aménagement du territoire.

Un amendement du Gouvernement précise que l’ANCT peut, parmi les missions qui lui sont confiées, assurer la maîtrise d’ouvrage de certaines opérations en matière d’aménagement des espaces commerciaux après accord notamment des organes délibérants des syndicats mixtes aussi bien ouverts que fermés.

 

Avec un avis défavorable de la commission mais un avis favorable du Gouvernement et du rapporteur à titre personnel, le Sénat a adopté un amendement visant à supprimer le report de l'intégration de l'Agence du numérique au sein de l'Agence nationale de la cohésion des territoires au 1er janvier 2021.

Avec des avis défavorables de la commission et du Gouvernement, le Sénat a adopté un amendement ajoutant à l’agence la mission « d’accompagner et de favoriser les flux de population », c’est-à-dire favoriser l’installation dans les espaces les moins denses des populations qui souhaiteraient le faire.

Commentaire :

Le texte initial de la proposition de loi indiquait que l’Agence agissait « en soutenant et accompagnant les projets, y compris numériques, portés par les collectivités territoriales et les autres acteurs locaux, à des fins d’aménagement et de cohésion des territoires ». Il s’agissait d’une définition générale qui ne fermait a priori pas la porte aux champs dans lesquels s’inscrivent les projets des collectivités territoriales. Le Sénat lui a substitué une énumération, certes non limitative, mais qui s’expose à l’ajout d’autres domaines plus ou moins spécialisés où l’Agence pourrait intervenir. L’exemple de la dépollution des sols en est l’illustration, alors que les projets de dépollution des cours d’eau ou de l’air ambiant pourraient tout autant mériter d’être soutenus par l’Agence.

Votre rapporteur propose un amendement de précision rédactionnelle qui supprime également la lutte contre la pollution des sols, domaine trop précis pour figurer parmi les projets prioritaires des territoires.

Proposition n° 2 : Préciser que le soutien de l’ANCT aux projets des collectivités et de leurs groupements porte notamment sur ceux en faveur de l’accès aux services publics, aux soins et aux transports, de la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, de la transition écologique et de la lutte contre le changement climatique, ou du développement du numérique.

L’ANCT a pour vocation première d’intervenir de manière subsidiaire en faveur des collectivités territoriales qui ne disposent pas des moyens financiers ou humains pour mener à bien leurs projets.

 Le texte n’exclut pas pour autant que l’Agence puisse apporter son concours à des projets portés par des métropoles, même si ce cas de figure sera sans doute marginal en raison des moyens en termes d’ingénierie dont dispose ce type d’EPCI.

 Votre rapporteur propose un amendement précisant l’éligibilité de tels projets afin que seuls ceux présentant une démarche collaborative et des résultats partagés sur l’ensemble des territoires puissent être retenus.

Proposition n° 3 : Exiger, en ce qui concerne les projets présentés par une métropole définie à l’article L. 5217-1 du code général des collectivités territoriales, que l’ANCT porte une attention particulière aux projets élaborés conjointement avec ses communes membres, qui prévoient la mise en commun de moyens entre les différents territoires engagés et le bénéfice des actions à l’ensemble de ces territoires et, le cas échéant, aux communes environnantes.

Comme nous l’avons souligné dans la première partie du rapport, l’ingénierie est un terme qui recouvre une grande diversité d’actions et de compétences. Votre rapporteur propose de préciser les différents champs d’intervention de l’ANCT. Il importe également de sécuriser la situation des groupements de collectivités territoriales concernés, dont les pôles d’équilibre territoriaux et ruraux (PETR). Il propose également de préciser que ce concours financier s’exerce via un fonds d’amorçage permettant d’initier le tour de table des financements.

Proposition n° 4 : Préciser que l’ANCT facilite l’accès des porteurs de projets aux différentes formes d’ingénierie juridique, financière et technique, publiques ou privées.  Préciser en outre qu’elle apporte un concours humain et financier aux collectivités territoriales et à leurs groupements énumérés à l’article L. 5111-1. Ce concours financier peut prendre la forme d’un fonds d’amorçage.

D’une manière générale, les prestations d’un établissement public d’État ne donnent pas lieu à facturation. Pour autant, la grande diversité des actions que l’ANCT sera amenée à réaliser pour soutenir et accompagner les projets des collectivités territoriales et leurs groupements conduit à préciser le champ d’application du principe de gratuité des prestations de l’Agence.

Votre rapporteur propose un amendement précisant que seules les prestations se situant dans le secteur concurrentiel donneront lieu à facturation conformément aux principes du droit de la concurrence.

Proposition n° 5 : Préciser que les prestations de l’Agence intervenant en dehors du secteur concurrentiel sont réalisées à titre gratuit.

Le fait que l’Agence puisse être consultée sur l’impact des politiques publiques nationales et des projets de lois et de décrets en termes d’aménagement du territoire est, sur la forme, peu efficient car il s’agit d’une faculté pour le Gouvernement, et, sur le fond, un peu baroque car comme l’a indiqué la Ministre, « on imagine mal un établissement public rattaché à l’État et sur lequel un ministre, quel qu’il soit, exerce une tutelle se prononcer sur l’opportunité et le contenu des politiques publiques en matière d’aménagement du territoire ».

Votre rapporteur propose un amendement de suppression de cette faculté.

Proposition n° 6 : Supprimer la consultation de l’ANCT sur l’impact des politiques publiques nationales et les projets de lois et de décrets en termes d’aménagment du territoire.

Comme l’a relevé le rapporteur du texte au Sénat, la mission « d’accompagner et de favoriser les flux de population » apparait peu réaliste car la mobilité des ménages est déterminée par de très nombreux facteurs allant au-delà de la volonté politique. En revanche, cet amendement pourrait être, indirectement, satisfait par l’effet des actions de l’agence. Si l’ANCT parvient à faire renouer des territoires en difficulté avec l’attractivité, de nouvelles populations viendront s’y installer.

Votre rapporteur propose là encore un amendement de suppression de cette compétence.

Proposition n° 7 : Supprimer de la liste des missions de l’ANCT celle consistant à accompagner et à favoriser les flux de population.

Votre rapporteur considère que l’action de l’ANCT doit faire l’objet d’un bilan annuel qui permette aux élus d’évaluer sa conformité aux objectifs et aux priorités inscrits dans la loi.

Proposition n° 8 : Prévoir la remise chaque année d’un rapport d'activité au Gouvernement et au Parlement.

 ARTICLE 3 Mode de gouvernance et d'administration de l’ANCT

Cet article précise le mode de gouvernance et d'administration de l'Agence nationale de la cohésion des territoires

Il prévoyait, dans sa rédaction initiale, que l'agence est administrée par un conseil d'administration, qui règle par ses délibérations les « affaires de l'établissement », cette expression incluant l'ensemble des questions liées à la gestion des personnels, des finances, de la stratégie de l'agence ainsi que ses relations avec d'autres organismes.

Ce conseil d'administration comprend d'une part, au moins pour la moitié de ses membres, des représentants de l'État et, d'autre part, un député, un sénateur, des représentants des collectivités territoriales (communes, établissements publics de coopération intercommunale, départements, régions) et de la Caisse des Dépôts et consignations ainsi que des salariés et des agents publics de l'agence.

Des représentants de l'ANRU, de l'ANAH, de l'ADEME et du CEREMA siègent au conseil d'administration, avec voix consultative.

Le nombre maximum de membres du conseil d'administration est fixé à dix-sept.

Le président du conseil d'administration est élu parmi les membres représentants les collectivités territoriales.

Modifications apportées par le Sénat : Le Sénat a considérablement modifié cet article, aussi bien en commission qu’en séance publique.

- La commission a procédé à la codification de ces dispositions dans le CGCT. Elle a adopté un amendement modifiant la gouvernance de l’Agence afin de renforcer le rôle des élus. Il prévoit que le conseil d'administration comprendra en nombre égal, d'une part, des représentants de l'État et de ses établissements publics et, d'autre part, des représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements, deux députés et deux sénateurs, ainsi que des représentants du personnel. A été supprimée la disposition relative aux représentants d'établissements publics siégeant avec voix consultative, d'ordre réglementaire. A également été adopté un sous-amendement visant à instaurer la parité homme-femme au conseil d'administration.

- En séance, le Sénat a adopté les amendements suivants : avec avis défavorable du gouvernement, un amendement qui modifie une nouvelle fois la composition du conseil d’administration puisqu’il dispose qu’il comprend en nombre égal, d'une part, des représentants de l’État, de ses établissements publics et du personnel de l'agence et, d'autre part, des représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements ainsi que deux députés et deux sénateurs.

Le Sénat a également adopté, avec avis favorable du Gouvernement, un amendement indiquant que le conseil d’administration doit être composé de manière à favoriser une juste représentation de tous les territoires et notamment des territoires ruraux.

 Commentaire : En ce qui concerne la gouvernance de l’Agence, le rapport de préfiguration envisageait deux solutions pour associer les élus locaux : soit leur participation au conseil d’administration selon une proportion à définir, soit la création d’un conseil stratégique dans lequel ils seraient majoritaires et donneraient un avis préalable à l’examen des délibérations stratégiques du conseil d’administration (pour illustration : budget annuel, détermination des programmes globaux d’intervention).

La solution retenue par la proposition de loi consistait à donner la majorité aux représentants de l’État au motif, rappelé vigoureusement en séance par la Ministre, qu’il s’agit d’une institution publique nationale.

 Il convient de rappeler que le Président de ce conseil d’administration sera choisi parmi les représentants des collectivités territoriales. Le Directeur général sera quant à lui nommé par décret après procédure de consultation du Parlement selon l’article 13 de la constitution. Le nombre de membres du conseil d’administration ne figure plus dans la loi puisqu’il relève du pouvoir réglementaire. Ce nombre devrait être pair selon le texte adopté par le Sénat puisqu’il y aurait parité entre les représentants de l’État et de ses établissements publics et les représentants des collectivités territoriales, en cas d’égalité de voix le Président pourrait disposer d’une voix prépondérante et ainsi donner la majorité aux collectivités territoriales. Sans doute n’est-il pas opportun d’opposer les deux catégories de représentants qui d’une part ne seront pas forcément homogènes et d’autre part seront guidées par la nécessité de faire fonctionner efficacement l’Agence. Une question se pose par ailleurs sur le choix du Sénat de ne plus faire figurer la Caisse des dépôts es qualité mais au titre des établissements publics de l’État. La Caisse n’est en effet pas un tel établissement puisqu’elle est placée sous la protection du Parlement. L’article L. 518-2 du code monétaire et financier dispose que « la Caisse des dépôts et consignations est placée, de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative ».

On peut également s’interroger sur la capacité du conseil d’administration pour assurer une juste représentation de tous les territoires et notamment des territoires ruraux. D’une part l’accent mis sur les territoires ruraux peut être discuté, d’autre part le nombre de représentants des collectivités territoriales est limité, a priori, à quatre.

Votre rapporteur a envisagé de proposer que le conseil d’administration de l'ANCT soit composé de trois collèges disposant du même nombre de voix et comprenant pour le premier, des représentants de l’État et des établissements publics concernés par l’action de l’Agence, pour le deuxième, des représentants des collectivités territoriales, dont un représentant au titre des territoires ultramarins, et pour le troisième, un représentant de la Caisse  des dépôts qui est placée, de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative, des parlementaires et des personnalités qualifiées.

Cette composition par collèges avec parité des voix s’inspire de la composition des conseils d’administration de l’ANRU et de l’ANAH qui assure une parité de voix entre l’État et les collectivités territoriales, tout en permettant la recherche de majorité permettant la co‑construction des orientations poursuivies par ces établissements et un enrichissement des débats grâce à la présence de personnalités qualifiées.

Mais, à ce stade de la discussion, votre rapporteur attend de connaître les propositions du Gouvernement en la matière.

 ARTICLE 4 Article supprimé

Cet article, supprimé par la commission du développement durable, visait à préciser d'une part le mode de nomination du directeur général de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) lequel a été transféré à l’article 3, et, d'autre part, la composition du « comité d'action territoriale », réuni par le directeur général pour assurer la coordination des actions de l'agence avec d'autres établissements publics intervenant sur des périmètres connexes et complémentaires.

 ARTICLE 5 Organisation territoriale de l’ANCT

Cet article a pour objet de prévoir les modalités d'organisation de l'action de l'Agence nationale de la cohésion des territoires dans les circonscriptions administratives de l'État et de créer un comité local de la cohésion des territoires.

Il précise que le représentant de l'État dans le département est le délégué territorial de l'agence et que les préfets peuvent subdéléguer leurs compétences ou leurs signatures dans des conditions définies par décret.

Votre rapporteur propose un amendement ayant pour objet de faire apparaitre le rôle du préfet de région qui exercera nécessairement une fonction de coordination des initiatives prises par les préfets de son ressort. La région qui exerce la compétence en matière de développement économique et d’aménagement du territoire constitue l’échelon pertinent pour que ces différentes initiatives s’inscrivent dans une stratégie plus globale et plus structurante.

Proposition n° 9 : Préciser que le préfet de département, délégué territorial de l’Agence, exerce ses compétences en lien avec le représentant de l’État dans la région qui assure la coordination de l’action de l’Agence à l’échelon régional.

Modifications apportées par le Sénat :

- La commission a adopté un amendement du rapporteur qui complète cet article pour  préciser que les délégués territoriaux de l’Agence veillent à assurer la cohérence de ses actions, d'une part, avec les soutiens apportés aux projets locaux par l'agence départementale mentionnée à l'article L. 5511-1 et, d'autre part, avec les décisions prises au sein de la conférence territoriale de l'action publique mentionnée à l'article L. 1111-9-1. Ce même amendement a créé dans chaque département un comité de la cohésion territoriale qui réunit les représentants des collectivités et de leurs groupements ainsi que les autres acteurs locaux publics ou privés intéressés. Ce comité, co‑présidé par le représentant de l'État dans le département et un élu désigné à chaque séance, assure le suivi de l'exécution des projets soutenus par l'Agence. Il s’agit selon le rapporteur de répondre à la demande des élus locaux d’être associés au suivi des actions de l’Agence au plus près du terrain.

- En séance, le Sénat a adopté, contre l’avis défavorable du Gouvernement, un amendement précisant que ces comités sont informés des demandes d’accompagnement des projets locaux émanant des collectivités territoriales et de leurs groupements.

Les comités de cohésion territoriale sont des instances d’information, de discussion et de concertation réunissant les différentes parties prenantes à l’échelon départemental. Leur composition ne leur permet pas selon votre rapporteur d’assurer le suivi des projets soutenus par l’Agence. Ils doivent être tenus régulièrement informés des projets et de leur déroulement et peuvent, le cas échéant, alerter le délégué de l’Agence à ce sujet.

Votre rapporteur propose un amendement indiquant que ces comités n’assurent pas le suivi de l’exécution des projets mais sont informés régulièrement, au moins deux fois par an, des demandes d’accompagnement émanant des collectivités territoriales et de leurs groupements, des suites qui leur sont données et, le cas échéant, de la mise en œuvre des projets concernés

Proposition n° 10 : Fixer une périodicité régulière pour l’information des comités de cohésion territoriale.

Votre rapporteur propose un amendement ayant pour objet de permettre, d'une part, à un représentant de la région et, d'autre part, aux parlementaires élus dans le département de participer aux réunions des comités de cohésion territoriale départementaux.

Proposition n° 11 : Permettre à un représentant de la région et aux parlementaires élus dans le département de participer aux réunions des comités de cohésion territoriale départementaux.

Le texte pose le principe d’une présidence conjointe par le représentant de l’État dans le département et un élu désigné à chaque séance. Il s’agit d’une mesure conforme à la prise en considération des élus locaux.

Votre rapporteur propose un amendement précisant que la co-présidence des comités de la cohésion territoriale par un élu doit permettre une représentation équitable des territoires.

Proposition n° 12 : Prévoir que la co-présidence des comités de la cohésion territoriale par un élu respecte le principe d’une rotation équitable entre les différents échelons territoriaux.

 ARTICLE 6 Ressources de l’ANCT

Cet article prévoit les catégories de ressources dont bénéficie l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Il prévoit que l'Agence nationale de la cohésion des territoires pourra bénéficier des ressources suivantes : des subventions de l'État et, le cas échéant, d'autres personnes publiques ou privées ; des financements participatifs ; des crédits apportés par les entreprises aux fondations territoriales au titre de leur engagement en faveur de leur responsabilité territoriale ; le produit des contrats et des conventions ; les revenus des biens meubles et immeubles ; les dons et legs ; le produit des aliénations ; d'une manière générale, toutes les recettes autorisées par les lois et règlements.

Modifications apportées par le Sénat :

- La commission a adopté un amendement du rapporteur ayant pour objet d’énumérer les catégories de ressources dont pourra bénéficier la future Agence nationale de la cohésion des territoires, en tirant notamment les conséquences de l'intégration en son sein de l'Établissement public de restructuration des surfaces commerciales et artisanales.

- En séance, le Sénat a adopté un amendement visant à préciser que les prestations de service susceptibles d'être facturées sont celles qui correspondent aux missions industrielles et commerciales de l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration de espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA).

 ARTICLE 6 bisPossibilités de l’ANCT en matière de droit des sociétés

Ce nouvel article, adopté en commission à l’initiative du rapporteur, prévoit la possibilité pour l'ANCT de créer ou céder des filiales, d'acquérir, d'étendre ou de céder des participations dans des sociétés, groupements ou organismes actifs dans ses domaines de compétence. L'association de l'ANCT au capital de sociétés locales, par exemple, est de nature à accélérer la mise en œuvre des programmes locaux de développement économique et social durable.

En séance, deux amendements de suppression de cet article présentés par les groupes Socialiste et Communiste ont été rejetés au motif que seul l’EPARECA pourrait avoir accès à la création de filiales pour permettre une restructuration commerciale afin de continuer son action après son entrée dans l’agence.

Cette disposition a été critiquée aux motifs que cette possibilité serait contraire à la volonté affichée par les promoteurs de cette Agence de lisibilité et de clarification de l’action publique et, subsidiairement, parce qu’elle permettrait la mise en place d’une privatisation rampante et par tranche des services de l’État et de ses opérateurs.

 Il semble pourtant que cette disposition soit nécessaire à l’action de l’Agence correspondant aux missions de l’EPARECA qui doit créer des filiales d’investissement.

Votre rapporteur propose de limiter la possibilité de créer ou de céder des filiales au seul champ des  missions de l’EPARECA.

Proposition n° 13 : Restreindre la possibilité de créer ou de céder des filiales à la mission mentionnée au II de l’article L. 1231-2 du code général des collectivités territoriales.

 ARTICLE 7 – Conclusion de conventions pluriannuelles

Cet article vise à prévoir que des conventions pluriannuelles sont conclues entre l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), l'État et les établissements publics mentionnés à l'article 4 de la présente proposition de loi (ANRU, ANAH, ADEME, CEREMA) dans les trois mois à compter de sa promulgation, pour définir les objectifs et les moyens et modalités de financement des actions menées par l'ANCT.

Il prévoit que les conventions pluriannuelles conclues entre l'Agence nationale de la cohésion des territoires, l'État et les opérateurs mentionnés à l'article 4 de la présente proposition de loi (ANRU, ANAH, ADEME et CEREMA) déterminent les « objectifs et les moyens partagés mis en œuvre dans les territoires ».

Il précise le contenu de ces conventions : elles doivent prévoir les conditions dans lesquelles les établissements susmentionnés participent au financement et à la mise en œuvre d'actions sur les territoires de projet de l'Agence. Ces conventions devront être conclues dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente proposition de loi.

Modifications apportées par le Sénat :

- La commission a adopté un amendement de rédaction globale du rapporteur, d'une part, pour tirer les conséquences de la suppression de l'article 4, et, d'autre part, pour renforcer l'importance du comité d'action territoriale et des conventions pluriannuelles susmentionnées. Ces dernières feront ainsi l'objet d'une transmission aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat. Cette transmission permettra aux parlementaires de suivre effectivement les projets pluriannuels de l'agence et d'adresser au Premier ministre tout commentaire sur leur exécution.

Enfin, ce même amendement prévoit, pour des motifs de sécurité juridique et d'organisation administrative, que le délai de trois mois prévu pour la conclusion de ces conventions, à compter de la promulgation de la présente loi, soit calculé à partir de la publication du décret nommant le directeur général de l'agence.

- En séance, le Sénat a adopté un amendement précisant que ces conventions prévoient les conditions dans lesquelles ces établissements participent au financement et à la mise en œuvre d'actions sur les territoires de projet de l'agence. Le rapporteur a indiqué que l’objet de telles conventions conclues entre des établissements publics et l’État est précisément de définir dans quelle mesure et selon quelles modalités ces établissements participent au financement et à la mise en œuvre de projets communs. Cet amendement a été sous-amendé par M. Dallier pour indiquer que l’Agence  nationale pour  la  rénovation urbaine (ANRU) ne participe pas au financement des projets. Ce sous-amendement a été adopté malgré l’avis défavorable du gouvernement qui a indiqué que le programme et la gestion de l’ANRU lui sont propres et que l’Agence ne prendra donc pas l’argent de l’ANRU.

 ARTICLE 8 – Statuts des personnels de l'agence

Cet article détermine les statuts des personnels que l'Agence peut employer ainsi que leurs institutions représentatives.

Tirant les conséquences du caractère hybride du nouvel établissement public créé par la présente proposition de loi, l’article prévoit que l'Agence peut employer des agents de droit public (fonctionnaires de l'État et contractuels) et des salariés soumis au droit du travail.

 ARTICLE 9 – Présence de représentants de l'Agence aux conseils d'administration respectifs de l’ADEME et du CEREMA

Cet article vise à prévoir la présence de représentants de l'Agence nationale de la cohésion des territoires aux conseils d'administration respectifs de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA).

 ARTICLE 9 bisNomination du directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires

Ce nouvel article, adopté en commission à l’initiative du rapporteur, vise à tirer dans la loi ordinaire les conséquences de la proposition de loi organique n° 43 (2018-2019) relative à la nomination du directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, présentée par nos collègues sénateurs Hervé MAUREY et Jean‑Claude REQUIER.

En raison de l’importance de l’Agence pour la nation et le développement des territoires, le pouvoir de nomination du Président de la République sur la direction générale de la future Agence doit s’exercer après avis public des commissions du Parlement compétentes en matière d’aménagement du territoire.

 

 ARTICLE 10 – Dissolution de l'EPARECA

L'article a pour objet de prévoir la dissolution de l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux et le transfert de ses personnels, ainsi qu'une partie de ceux du Commissariat général à l'égalité des territoires et de l'Agence du numérique.

Il organise d'une part, la dissolution de l'EPARECA et, d'autre part, le transfert, à l'Agence nationale de la cohésion des territoires, des personnels travaillant au sein du Commissariat général à l'égalité des territoires, à l'EPARECA et à l'Agence du numérique.

L’article prévoit, notamment,  que l'EPARECA est dissous au 1er janvier de l'année qui suit la promulgation de la loi et que les fonctionnaires précédemment détachés au sein des établissements et services susmentionnés sont détachés d'office au sein de l'ANCT jusqu'au terme prévu de leur détachement.

Modifications apportées par le Sénat :

- Sans remettre en cause l'économie générale du dispositif prévu par les auteurs de la proposition de loi et afin de tenir compte des remarques formulées par le Conseil d'État, la commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur, deux amendements procédant à des précisions rédactionnelles permettant de le sécuriser et visant à effectuer les coordinations juridiques consécutives à la dissolution de l'EPARECA dans les codes et les lois en vigueur.

En cohérence avec le report au 1er janvier 2021 de l'entrée en vigueur des dispositions relatives à la reprise par l'ANCT des missions dévolues actuellement à l'Agence du numérique, la commission a adopté un amendement prévoyant le transfert des personnels de ce service à compétence nationale à l'ANCT le 1er janvier 2021. La commission a adopté un amendement rédactionnel et de simplification des instances de représentation du personnel.

- En séance, le Sénat a adopté un amendement présenté par le Gouvernement visant à préciser les modalités d’intervention de l’ANCT dans le cadre d’opérations d’ensemble, pour lesquels il est aujourd’hui de plus en plus fréquent d’avoir des programmes mixtes de logements intégrant des rez‑de‑chaussée commerciaux. Dans ces hypothèses, l’EPARECA acquiert actuellement les volumes commerciaux auprès du promoteur de logement (privé ou organisme de logement social).

Il a également adopté un amendement de coordination avec la volonté des auteurs de la proposition de loi d'intégrer l'Agence du numérique à l'Agence nationale de la cohésion des territoires dès le départ.

 

 

 

 ARTICLE 11 – Modalités d’application

Cet article prévoit qu'un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application de la présente loi.

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

 

 ARTICLE 12 – Gage de charge

Cet article prévoit un gage de charge pour compenser les éventuelles conséquences financières de la proposition de loi.

La commission a supprimé cet article au motif que la création de l’Agence a été largement annoncée par le Gouvernement et que cette intention permet de rendre cette proposition recevable au titre de l’article 40. Cette solution est d’autant plus logique qu’il n’est pas possible de gager une charge.

 

2.   La proposition de loi organique relative à la nomination du Directeur Général de l’ANCT

ARTICLE UNIQUE – Avis public des commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat pour la nomination du directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires

Cet article unique a pour objet de prévoir que la nomination du directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires s’exerce après avis public de la commission compétente de chaque assemblée. Comme le prévoit le dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution, les emplois ou fonctions pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, ne peuvent être pourvus par le Président de la République qu’après un avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée.

Celles-ci ont la possibilité de s'opposer à une nomination aux trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.

La loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution recense, en annexe, la liste des emplois ou fonctions pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République doit s’effectuer dans les conditions prévues au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution.

 

 

Comme cela est prévu par l’article 9 bis de la proposition de loi portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires (n° 1393), le pouvoir de nomination du Président de la République sur la direction générale de la future agence doit s’exercer après avis public des commissions du Parlement compétentes en matière d’aménagement du territoire.

Votre rapporteur est bien entendu favorable à cette disposition.


   liste des amendements proposÉs

 

Proposition n° 1 à l’article 1er : Cibler prioritairement l’action de l’ANCT sur les territoires sous-denses, les territoires insulaires, les territoires présentant un fort taux de pauvreté, les territoires dépourvus de pôles de centralité ou présentant des difficultés d’accès aux services publics qui ne disposent pas des moyens suffisants dans les différents domaines de l’ingénierie territoriale.

Proposition n° 2 à l’article 2 : Préciser que le soutien de l’ANCT aux projets des collectivités et de leurs groupements porte notamment sur ceux en faveur de l’accès aux services publics, aux soins et aux transports, de la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, de la transition écologique et de la lutte contre le changement climatique, ou du développement du numérique.

Proposition n° 3 à l’article 2 : Exiger, en ce qui concerne les projets présentés par une métropole définie à l’article L. 5217-1 du code général des collectivités territoriales, que l’ANCT porte une attention particulière aux projets élaborés conjointement avec ses communes membres, qui prévoient la mise en commun de moyens entre les différents territoires engagés et le bénéfice des actions à l’ensemble de ces territoires et, le cas échéant, aux communes environnantes.

Proposition n° 4 à l’article 2 : Préciser que l’ANCT facilite l’accès des porteurs de projets aux différentes formes d’ingénierie juridique, financière et technique, publiques ou privées.  Préciser en outre qu’elle apporte un concours humain et financier aux collectivités territoriales et à leurs groupements énumérés à l’article L. 5111-1du code général des collectivités territoriales. Ce concours financier peut prendre la forme d’un fonds d’amorçage.

Proposition n° 5 à l’article 2: Préciser que les prestations de l’Agence intervenant en dehors du secteur concurrentiel sont réalisées à titre gratuit.

Proposition n° 6 à l’article 2: Supprimer la consultation de l’ANCT sur l’impact des politiques publiques nationales et les projets de lois et de décrets en termes d’aménagement du territoire.

Proposition n° 7 à l’article 2 : Supprimer de la liste des missions de l’ANCT celle consistant à accompagner et à favoriser les flux de population.

Proposition n° 8 à l’article 2 : Prévoir la remise chaque année d’un rapport d'activité au Gouvernement et au Parlement.

 

 

Proposition n° 9 à l’article 5 : Préciser que le préfet de département, délégué territorial de l’Agence, exerce ses compétences en lien avec le représentant de l’Etat dans la région qui assure la coordination de l’action de l’Agence à l’échelon régional.

 Proposition n° 10 à l’article 5 : Fixer une périodicité régulière pour l’information des comités de cohésion territoriale.

Proposition n° 11 à l’article 5 : Permettre à un représentant de la région et aux parlementaires élus dans le département de participer aux réunions des comités de cohésion territoriale départementaux.

Proposition n° 12 à l’article 5 : Prévoir que la co-présidence des comités de la cohésion territoriale par un élu respecte le principe d’une rotation équitable entre les différents échelons territoriaux.

Proposition n° 13 à l’article 6 bis : Restreindre la possibilité de créer ou de céder des filiales à la mission mentionnée au II de l’article L. 1231-2 du code général des collectivités territoriales.

 

 


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   liste des personnes entendues
par le groupe de travail

 

Jeudi 10 janvier 2019

     Mme Martine BOUTILLAT, vice-présidente de l’ANPP, présidente du Pays d’Épernay ;

     M. Michael RESTIER, directeur de l’ANPP.

     M. Jules NYSSEN, délégué général ;

     M. Pascal GRUSELLE, Conseiller affaires européennes, aménagement du territoire et Outre-mer ;

     Mme  Marie-Reine DU BOURG, conseillère parlementaire.

     M. Serge MORVAN, commissaire général ;

     M. Éric LAJARGE, directeur de cabinet ;

     Mme Alice TAKACS, cheffe de Cabinet.

     Mme Naomi PERES, secrétaire générale adjointe ;

     M. Nicolas DESFORGES, préfet, directeur du pôle territorial.

 

 


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   TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION

Lors de sa réunion du 5 février 2019, sous la présidence de M. Jean-René Cazeneuve, la Délégation examine le présent rapport d’information (M. Didier Martin, rapporteur).

 

Cette réunion ne fait pas l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/frBmmH

 

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[1] « France Territoires, Un engagement au service des dynamiques territoriales », Mission de préfiguration de l’Agence nationale de cohésion des territoires, M. Serge Morvan, juin 2018.

[2] Voir notamment les développements qui y sont consacrés dans l’étude conduite par l’AdCF et ADF en 2015 « Territoires ingénieux, l’ingénierie au service de l’autonomie locale »,

https://www.adcf.org/files/ouvrages/ADCF-ADF-EtudeTerritoireIngenieux-150107-web.pdf

[3] Avant d’être reprise par le Code des marchés publics puis à l’article 17 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, la notion de contrat « in house » est apparue avec la jurisprudence communautaire vers la fin des années 1990, notamment dans un arrêt « Teckal » de la Cour de Justice des Communautés européenne (CJCE) en date du 18 novembre 1999. Par la suite, la jurisprudence européenne a été suivie par le Conseil d’État. Dans un arrêt « CAMIF », la Haute Juridiction administrative a ainsi admis que certains marchés pouvaient être conclus hors des dispositions prévues par le Code des marchés publics.

Pour qu’un contrat puisse bénéficier de la qualification de « marché de prestations internes », la jurisprudence pose deux conditions cumulatives :

– en premier lieu, le contrôle effectué par la personne publique sur le cocontractant doit être de même nature que celui qu’elle exerce sur ses services propres (une simple relation de tutelle ne suffisant pas) ;

– en second lieu, le cocontractant doit travailler essentiellement pour la personne publique qui lui confie l’exécution du marché. Ainsi, la part des activités réalisées par le prestataire au profit d’autres clients doit demeurer marginale.

 

 

[4] Annexe n° 23 Égalité des territoires, logement et ville : Logement, rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2014 (n° 1395), par M. Christophe Caresche, Rapporteur spécial.

[5] http://www.bretagne.developpement-durable.gouv.fr/les-agences-techniques-departementales-atd-a3627.html

[6] Quelle ingénierie territoriale en milieu rural pour les Yvelines ? Polytech Tours, Adeline Broc, 2015

[7] « Territoires ingénieux, l’ingénierie au service de l’autonomie locale », page 38.

[8] « France Territoires, Un engagement au service des dynamiques territoriales », Mission de préfiguration de l’Agence nationale de cohésion des territoires, M. Serge Morvan, juin 2018, page 26.

[9]   Forment la catégorie des groupements de collectivités territoriales les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes, mentionnés aux articles L. 5711-1 et L. 5721-8, les pôles métropolitains, les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux, les agences départementales, les institutions ou organismes interdépartementaux et les ententes interrégionales.