N° 2247

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 septembre 2019

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

en conclusion des travaux d’une mission d’information (1)

sur le suivi des blessés

ET PRÉSENTÉ PAR

Mmes Anissa KHEDHER et Laurence TRASTOUR-ISNART,

Députées.

——

 

(1)   La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La mission d’information sur le suivi des blessés est composée de :

– Mmes Anissa Khedher et Laurence Trastour-Isnart, rapporteures ;

– MM. André Chassaigne, Yannick Favennec Becot, Jean-Jacques Ferrara, Jean‑Marie Fievet, Mmes Séverine Gipson, Josy Poueyto, M. Joaquim Pueyo, membres.


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

Introduction

PREMIÈRE PARTIE : Un constat liminaire

I. Les militaires blessés : Une notion à circonscrire

A. Un métier singulier

B. Qu’est-ce qu’un blessé militaire ?

C. Combien sont-ils ?

1. Chaque entité en charge du soin ou du suivi des blessés les comptabilise selon ses propres besoins, critères et méthodes

2. Quelques chiffres toutefois

a. Les blessés et les décès en OPEX

b. Deux séries de chiffres prenant en compte l’ensemble des blessures réparties par entités

3. Des efforts sont faits pour avoir une vision claire de la santé du militaire

a. La mise en place de l’Observatoire de la santé des militaires

b. Un relais assuré par l’Observatoire de la santé des vétérans

4. Mais la blessure en OPEX tend à occulter les autres contextes

a. Des environnements aussi dangereux que les OPEX

b. Les gendarmes et les pompiers effectuent sur le territoire national des missions dangereuses par nature

5. Un rapport inclusif

6. Le nombre de blessés est toutefois une donnée stratégique

II. Les mesures en faveur des blessés occupent une place croissante au sein de la politique de défense

A. Une prise de conscience graduelle issue de la conflictualitÉ post-guerre froide

B. D’importants progrès législatifs et extra législatifs ont été réalisés

C. Mais certains sujets précédemment identifiés demeurent sans solution satisfaisante

III. Les dispositifs sont nombreux mais leur lisibilité est faible

A. Le parcours du blessé

1. Un parcours pourtant bien fléché désormais

2. Mais un écosystème complexe

3. Il est illusoire de penser pouvoir répondre à la diversité des situations individuelles

4. Des améliorations sont possibles

B. L’information peine à parvenir à ses destinataires

1. D’importants efforts ont pourtant été réalisés en la matière

2. Le blessé n’est pas toujours en mesure de recevoir l’information

3. Les moyens utilisés doivent s’adapter à la génération des jeunes blessés et à l’évolution des modes de communication

4. Les personnels en charge du suivi des blessés doivent être mieux informés de l’évolution des dispositifs dont ils n’ont pas directement la charge

C. La prise en compte de la blessure psychique

1. Différents plans d’action

2. La prévention

3. Un soutien psychologique propre à chaque armée

4. Le numéro vert « Écoute défense »

5. De nombreuses initiatives

Deuxième partie : Les acteurs du suivi assurent une prise en charge très performante

I. Le service de santé des armées, expert de la prise en charge initiale

A. Le service de santé des armées comporte cinq composantes indissociables

1. La médecine des forces

a. Une organisation revue

b. Un rythme de projection plus important que prévu

c. Des difficultés de recrutement et de fidélisation

d. Le système d’information Axone et la télé-expertise

2. Les hôpitaux d’instruction des armées

a. Assurer la projection

b. Mais répondre à des injonctions paradoxales

3. L’approvisionnement en produits de santé

4. La recherche

5. Les écoles du service de santé des armées

B. Le soutien santé joue un rôle opérationnel majeur

1. Le soutien médical est intégré à la phase de planification des opérations

2. L’organisation du soutien

a. Les différents rôles

b. Le sauvetage au combat

i. Les différents niveaux

ii. Les premiers secours psychologiques

c. Des personnels fortement sollicités

d. Les évacuations sanitaires

i. Les moyens aériens

ii. Vers une nouvelle répartition des patients entre plateformes hospitalières nord et sud

iii. Les vecteurs routiers

e. La coopération avec les structures médicales étrangères

f. L’aide médicale à la population

II. Le sas de fin de mission : un dispositif mature

A. Une organisation au cordeau

B. Un programme éprouvé

C. Mais toujours perfectible

III. Le service de santé des armées doit demeurer le pivot du suivi après la phase initiale

A. La médecine des forces au cœur des unités

B. le Bureau offre de soins

C. Les différents acteurs

1. La coordination est un facteur déterminant

2. Le commandement de proximité et l’unité d’appartenance

3. La famille

4. Les cellules d’aide aux blessés

a. La cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre

b. La cellule d’aide aux blessés, malades et familles de l’armée de l’air

c. La cellule d’aide aux blessés et d’assistance à la famille de la marine

d. La cellule d’aide de la gendarmerie nationale

e. La cellule d’aide des malades et des blessés du service de santé des armées

5. Les acteurs du secrétariat général pour l’administration

a. Le chargé de mission auprès du secrétaire général

b. L’action sociale des armées

c. La Caisse nationale militaire d’assurance maladie

d. L’Agence de reconversion de la défense

e. Deux entités en charge de la réparation et de la reconnaissance

6. Les aumôniers

7. Les associations

8. Le Centre national des sports de défense

9. L’action de l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre en faveur de ses ressortissants

a. Qui sont les ressortissants de l’ONACVG ?

i. La carte du combattant

ii. Le titre de reconnaissance de la Nation

b. Le suivi des militaires blessés

c. La reconversion

10. L’Institution nationale des Invalides

Troisième partie : Un régime en adéquation avec la singularité militaire

I. Les différents types de congés

A. Les congés d’activité

1. Le congé de maladie

2. Le congé du blessé

B. Les congés de non-activité

1. Le congé de longue durée pour maladie

2. Le congé de longue maladie

II. La mise à la retraite en raison d’une invalidité

III. Des mesures au titre de la rÉparation et de la reconnaissance

A. La pension militaire d’invaliditÉ

1. Un processus long et complexe qui cristallise un certain mécontentement

a. Un changement de structure et une déflation du personnel

b. L’établissement du lien avec le service et le recueil des éléments le justifiant

c. Un délai nécessaire à la stabilisation de la blessure

d. Le recours à un expert privé

e. Un afflux de demandes initiales rejetées

f. Le renouvellement

2. La dématérialisation des demandes initiales

3. Les délais actuels

4. Le montant des pensions militaires d’invalidité est un complément de revenus

5. La réforme du contentieux des pensions militaires d’invalidité

B. Les missions déléguées À la caisse nationale militaire de securité sociale

1. Les déclarations d’affections présumées imputables au service, des données à exploiter

2. Les soins médicaux aux invalides pensionnés

3. Une sous-utilisation du dossier unique OPEX pour le financement d’aides complémentaires dans le cadre une blessure

4. La commission des secours et des prestations complémentaires et les prothèses de nouvelle génération

C. L’indemnisation de préjudices complémentaires

1. Une confusion fréquente avec la pension militaire d’invalidité

2. Le dépôt et le traitement des dossiers

3. Vers une fusion avec la pension militaire d’invalidité ?

4. La dématérialisation et l’information

5. Le cas des militaires de la Brigade des pompiers de Paris

D. Létablissement public des fonds de prévoyance

1. Les indemnités versées en 2018

2. Une forte hausse des demandes

3. L’attribution de secours, une disposition en sommeil

4. La dématérialisation des demandes d’allocations

E. L’assurance santé complémentaire et les contrats de prÉvoyance

F. Les mutuelles militaires d’accompagnement social

IV. Mais Des mesures susceptibles d’accentuer l’isolement du blessÉ

A. La position de non-activitÉ

1. Que recouvre la position de non-activité ?

2. La gestion administrative des personnels en congé maladie de longue durée est assurée par des formations distinctes des unités

a. Les missions du groupement de gestion du personnel isolé

b. Le service d’administration du personnel isolé de l’armée de terre

c. Le maintien de la carte de circulation ferroviaire à tous les blessés en service en congés maladie de non-activité

3. L’éloignement de l’unité d’origine

a. Le problème du logement

b. L’affaiblissement naturel du lien

c. La responsabilité du commandement

4. La durée des congés, un avantage mais un obstacle à la réinsertion et à la reconversion ?

B. La précocité des démarches administratives

V. La reconstruction par le sport et les stages de réinsertion

A. La reconstruction par le sport

B. Proposer d’autres activités que le sport

C. Les stages de réinsertion

1. Le Centre ressources des blessés de l’armée de Terre

2. Les sessions post-CREBAT

3. Le stage monitorat secourisme

4. Le dispositif Oméga

D. La sécurisation juridique des activités de reconstruction et de réinsertion

VI. La reprise d’activité et la reconversion

A. Dans les armées et les services

B. Dans le secteur civil

1. Le Centre militaire de formation professionnelle

2. L’action du MEDEF

3. L’insertion d’une clause sociale dans les marchés publics

Quatrième partie : Plusieurs points d’attention et quelques axes d’amélioration

I. Un besoin de reconnaissance et d’équité fortement exprimé

A. Les circonstances de la survenue de la blessure sont ressenties comme discriminantes

1. Revoir le périmètre des OPEX ?

2. Vers une nouvelle extension du congé du blessé ?

3. Le rayon d’action des cellules d’aide aux blessés

4. Préciser la règle et harmoniser les pratiques en matière d’homologation de la blessure de guerre

a. Des textes imprécis

b. Une prérogative du commandement de proximité

5. L’avancement et les décorations

a. L’avancement usuel

b. L’avancement à titre exceptionnel

c. Les décorations

6. Les dérogations

B. Mais les autorités militaires estiment indispensable de maintenir des règles différenciées en fonction des circonstances de la blessure

1. L’OPEX doit conserver une prééminence sur les autres opérations

2. Mais il est aussi demandé d’étendre certains droits initialement réservés aux blessés en OPEX

3. Une situation contrastée

II. Le défi du suivi dans la durée

A. Les anciens militaires blessés peuvent s’adresser à la médecine des forces

B. Quel suivi pour les blessés non-ressortissants de L’ONACVG ?

1. Le renforcement de l’implication de l’action sociale de la défense dans le suivi de ce public

2. Assurer la formation continue des assistants de service social au suivi des blessés et augmenter leur nombre

C. Favoriser le maintien du lien avec les unités d’appartenance

1. Envisager la remise en question de la gestion administrative des blessés et des malades en position de non-activité par des entités spécifiques

2. Réaffirmer que le maintien de ce lien est une responsabilité du commandement

3. Sensibiliser le commandement des zones militaires et les autorités locales

D. L’exemple de la légion étrangère

E. Le projet de « Maison du combattant »

III. Accélérer la numérisation des procédures et de l’information en cohérence avec une simplification administrative

A. Adopter une politique numérique ambitieuse

B. Tout en se gardant du tout numérique

C. Le point sur la maison numérique des blessés et des familles

D. Multiplier les points d’accès à l’information

1. Exploiter les canaux existants pour diffuser l’information et faciliter l’accès à l’accompagnement

2. Développer des applications

E. Et faire tomber le mur Administratif

IV. Former et soutenir les acteurs du soutien

A. Professionnaliser l’accompagnement et former au soutien humain

B. Savoir lâcher prise

V. Renforcer le lien avec les familles

VI. Renforcer l’implication des administrations et des entreprises dans la reconversion des blessés

A. La nécessité d’une participation des organisations professionnelles des entreprises de défense

B. Les administrations doivent participer au recrutement de militaires blessés

1. Devenir civil de la défense

2. Les emplois réservés

VII. Porter une attention particulière aux personnels du service de santé des armées

A. Les soignants sont des militaires comme les autres

B. Recruter et fidéliser

a. Un déficit touchant plusieurs composantes et métiers

b. Les raisons sont de plusieurs ordres

i. Une politique de ressources humaines déflationniste depuis des années

ii. Une démographie médicale nationale globalement déficitaire associée à des évolutions sociétales

iii. Des rémunérations peu attractives face au secteur civil

iv. Des sujétions importantes

c. Les pistes d’amélioration

i. La nécessité d’une politique de ressources humaines adaptée et attractive

ii. La formation

iii. En matière de sujétions

iv. En matière de rémunération

v. Proposer des évolutions de carrière aux auxiliaires sanitaires

vi. Encourager le recrutement de réservistes

C. Dégager des ressources en dÉchargeant les praticiens militaires des expertises d’indemnisation complémentaire

VIII. Encourager les innovations dans le domaine de la santé mais également dans celui du soutien des anciens militaires blessés et des familles

IX. Ne pas faire du soldat une victime

X. S’assurer du suivi des réservistes

XI. Mettre en place un indicateur de suivi des visites post-opex

XII. Être attentif aux difficultés des blessés en matière de transport

XIII. Améliorer les conditions de la projection des personnels isolés

Synthèse des recommandations

EXAMEN EN commission

Avis séparé de Mme Laurence Trastour-Isnart

ANNEXES

auditions de la mission d’INFORMATION

1. Liste des personnes auditionnées par les co-rapporteures

2. Déplacements


—  1  —

   Introduction

 

« La guérison n’est jamais si prompte que la blessure »

 Proverbe français

 

« Un blessé de guerre n'est jamais un infirme. Il n'a pas perdu son bras ; il l'a donné ».

Sacha Guitry

 

Le sujet des militaires blessés s’est peu à peu imposé, d’abord au sein du ministère de la défense et ensuite pour le grand public, en corrélation avec la montée du terrorisme et les opérations extérieures menées par la France accompagnées de leur triste cortège de militaires décédés ou gravement blessés. Parallèlement, alors que la société s’intéresse de plus en plus aux risques psychosociaux, la médiatisation des blessures psychiques et particulièrement du syndrome post-traumatique a permis de faire découvrir des troubles qui existent au sein de nos armées mais qui étaient, jusqu’à lors, invisibles et innomés.

La représentation nationale ne s’est saisie de ce sujet que tardivement. Il a fallu en effet attendre 2014 et le rapport d’information sur la prise en charge des blessés des députés Émilienne Poumirol et Olivier Audibert-Troin pour qu’un état des lieux soit dressé et des lacunes identifiées. Leur travail, qu’il ne s’agissait pas de dupliquer, a servi de base à celui des rapporteures qui ont voulu mesurer les nombreuses évolutions intervenues depuis tout en évaluant les défis qu’il reste à relever dans l’accompagnement de nos militaires blessés. Au fil des quelque 45 auditions effectuées par les rapporteures et de leurs 17 déplacements, il leur est rapidement apparu que le suivi des blessés n’était pas un sujet monolithique et qu’il se caractérisait par une grande diversité de fonctions, de dispositifs et d’acteurs. Un examen superficiel aurait pu conduire à les juger trop nombreux et à vouloir en réduire le nombre. Les échanges avec leurs interlocuteurs ont convaincu les rapporteures qu’ils avaient tous leur raison d’être et que leur diversité permettait de répondre à des situations tout aussi diverses. Cette constatation s’est néanmoins accompagnée d’une évidence : la nécessité de rendre l’ensemble plus lisible et de le simplifier.

Il ne s’agit pas de fermer des portes qui doivent rester ouvertes pour accueillir à la fois le blessé en manque d’institution militaire et celui qui la rejette. Il s’agit de fluidifier le parcours, d’accélérer l’instruction des dossiers et d’alléger la charge administrative qui pèse lourdement sur les épaules des blessés et de leur famille. C’est pourquoi les rapporteures préconisent la numérisation d’un maximum de procédures et la mise en place de coffres-forts numériques individuels en complément de l’accompagnement humain.

Les rapporteures ont également rouvert le chapitre qui clôturait le travail de leurs prédecesseurs et souhaité, comme ils en avaient exprimé le désir et déploré l’absence, obtenir des chiffres consolidés leur indiquant le nombre des blessés et les circonstances de leur blessure. Si les données obtenues ne sont globalement pas exhaustives et si elles gardent un caractère stratégique, les rapporteures ont pris acte de signes encourageants et de la mise en place de dispositif permettant d’avoir un tableau statistique plus complet.

La situation du service de santé des armées, qui n’est pas à proprement parler l’objet de ce rapport, est toutefois une préoccupation majeure des rapporteures car le service est le socle et l’ossature du suivi du blessé. La réforme du service, toujours en cours et un contexte général et national d’une baisse de la démographie médicale ne doivent pas fragiliser un service reconnu pour son excellence et indispensable à la capacité opérationnelle.

Une autre préoccupation des rapporteures est la demande d’équité exprimée par les militaires blessés. La distinction, créatrice de droits, entre les opérations extérieures, intérieures, la préparation opérationnelle, les exercices, les manœuvres, l’entraînement, autant de circonstances susceptibles de provoquer blessure ou décès, semble de plus en plus mal acceptée par les blessés et leur famille. C’est pourquoi les rapporteures se sont intéressées à toutes les blessures et pas seulement aux blessures au combat revêtues d’une charge symbolique qu’il convient de conserver au demeurant. Il leur semble important de ne pas creuser un fossé entre combattants et non combattants qui n’agissent que solidairement. Les non combattants paient eux aussi un lourd tribut comme en témoigne le décès du médecin principal Marc Laycuras au Mali le 2 avril 2019.

Les recommandations, les observations et les questions formulées par les rapporteures ne visent qu’à contribuer à améliorer un système, récent, puisqu’il est en place depuis moins de dix ans, mais qui fonctionne déjà de façon très satisfaisante. À défaut de faire plus, il convient dans l’immédiat de s’attacher à faire mieux dans la préservation de la cohésion indispensable à la vie de nos armées.

Les rapporteures adressent enfin leurs remerciements à tous leurs interlocuteurs auditionnés à l’Assemblée nationale ou rencontrés sur le terrain qui ont, tous, eu à cœur de partager leur expérience, l’amour de leur métier et parfois leurs souffrances et leurs interrogations. Leur concours a été précieux.


—  1  —

PREMIÈRE PARTIE : Un constat liminaire

 

I.   Les militaires blessés : Une notion à circonscrire

A.   Un métier singulier

L’article L.4111-1 du code de la défense définit ainsi la condition militaire :

« L'armée de la République est au service de la Nation. Sa mission est de préparer et d'assurer par la force des armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation.

L'état militaire exige en toutes circonstances esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu'au sacrifice suprême, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité. Les devoirs qu'il comporte et les sujétions qu'il implique méritent le respect des citoyens et la considération de la Nation.

Le statut énoncé au présent livre assure à ceux qui ont choisi cet état les garanties répondant aux obligations particulières imposées par la loi. Il prévoit des compensations aux contraintes et exigences de la vie dans les forces armées et formations rattachées. Il offre à ceux qui quittent l'état militaire les moyens d'un retour à une activité professionnelle dans la vie civile et assure aux retraités militaires le maintien d'un lien avec l'institution.

La condition militaire recouvre l'ensemble des obligations et des sujétions propres à l'état militaire, ainsi que les garanties et les compensations apportées par la Nation aux militaires. Elle inclut les aspects statutaires, économiques, sociaux et culturels susceptibles d'avoir une influence sur l'attractivité de la profession et des parcours professionnels, le moral et les conditions de vie des militaires et de leurs ayants droit, la situation et l'environnement professionnels des militaires, le soutien aux malades, aux blessés et aux familles, les conditions de départ des forces armées et formations rattachées ainsi que les conditions d'emploi après l'exercice du métier militaire. […] »

Il ressort de cet article que le risque inhérent de verser son sang est bien au cœur de la singularité militaire et la distingue de toute autre condition. La Nation donne en effet au militaire, un citoyen ordinaire, le pouvoir extraordinaire de faire usage de la force en son nom et d’accepter, pour ce faire, de mettre en jeu son intégrité physique et/ou psychique, et jusqu’à sa vie. La loi lui garantit en retour reconnaissance, soutien – étendu à sa famille ‑ et permanence du lien avec l’institution.

Cette particularité de la condition militaire a été mise en mots par le Général de Gaulle le 8 février 1968 dans l’allocution qu’il a prononcée à Toulon lors de la cérémonie d’hommage aux victimes de la Minerve disparue le 27 janvier 1968 : « Des marins sont morts en mer. Ils étaient des volontaires. C'est à dire qu'ils avaient d'avance accepté le sacrifice et qu'ils avaient conclu un pacte avec le danger ».

De cette singularité et de ces exigences fixées par la loi, découle un corpus de mesures d’accompagnement et de reconnaissance, d’ordre humain et financier, déclinant le soutien de la Nation à ses soldats.

B.   Qu’est-ce qu’un blessé militaire ?

Le risque attaché aux différentes fonctions exercées par les militaires entraîne inévitablement un nombre de blessures qu’il est important de caractériser. En effet, si bien évidemment aucune différence n’est faite dans les soins prodigués par le service de santé des armées (SSA) qui sont d’excellente qualité, l’accompagnement et les compensations financières varient en fonction des circonstances dans lesquelles est survenue la blessure.

S’agissant des blessures, il est apparu aux rapporteures que leurs interlocuteurs ne s’appuyaient pas tous sur la même définition, n’en avaient pas tous la même perception, et, souvent, n’évoquaient pas la totalité d’entre elles. Si l’on se réfère à la définition générique de la blessure proposée par le dictionnaire Larousse en ligne, la blessure est une : « Lésion produite en un point quelconque du corps par un choc, un coup, une arme ou un corps dur quelconque ; atteinte morale profonde et douloureuse ». La définition du Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL), « Lésion faite volontairement ou par accident à un organisme vivant à la suite d'un coup, d'un choc, d'une brûlure, au moyen d'une arme, d'un instrument tranchant ou contondant […] souffrance morale » introduit, elle, la notion de circonstance. Le caractère délibéré ou fortuit de l’atteinte, couplé à la nature des actions menées et à leur périmètre géographique sont aujourd’hui des éléments estimés discriminants au sein même des armées, une position qui ne fait toutefois pas l’unanimité.

C.   Combien sont-ils ?

Les rapporteurs de la précédente mission d’information traitant des blessés ([1]) en 2014 s’étaient heurtés à la difficulté, voire à l’impossibilité, d’obtenir des données centralisées satisfaisantes en matière de nombre de blessés et avaient souligné cette lacune. Cinq ans plus tard, une prise de conscience en la matière a effectivement eu lieu et des projets sont en cours.

Le ministère des Armées, lorsqu’il évoque les blessés, fait état des blessures en opérations extérieures (OPEX) par armes ou engins explosifs et des primo-déclarations de troubles psychiques en relation avec un événement traumatisant que le SSA lui transmet trimestriellement. Le Haut comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM) publie ces chiffres dans sa revue annuelle.

Les chiffres communiqués se concentrent donc sur la blessure de guerre, qui n’est de loin, et fort heureusement, pas la plus fréquente. Or la blessure de guerre elle-même ne fait l’objet d’aucune définition législative ou réglementaire et se trouve seulement précisée dans des instructions relatives à l’homologation de la blessure de guerre relevant de chacune des armées, dont on verra plus loin qu’elles comportent quelques différences significatives ([2]). L’état-major des armées confirme qu’« il n’existe pas de définition générique et partagée de ce qu’est un blessé militaire. Il est par conséquent défini par ses effets (droits acquis…).» ([3])

Il est peu question des blessures dans des circonstances autres que l’OPEX.

Toutefois les rapporteures de la présente mission ne sont toujours pas en mesure de brosser un panorama complet tenant compte de l’ensemble des informations disponibles au sein des différentes entités du ministère des Armées concernant les blessés et les circonstances dans lesquelles est survenue la blessure. Le chef du bureau « condition du personnel » à la direction des ressources humaines de l’armée de terre le confirme, en réponse au questionnaire des rapporteures : « Le suivi des blessés de l’armée de terre fait intervenir plusieurs acteurs ayant chacun leur périmètre d’action et de comptabilisation. […] Le schéma d’ensemble apparaît alors compartimenté et il demeure encore aujourd’hui difficile d’établir des données chiffrées consolidées et unifiées

Certes, le militaire ayant, comme tout citoyen, le libre choix de son praticien ([4]), hors opérations extérieures, certaines données échappent aux armées. Ainsi, certains militaires, par habitude ou par crainte de l’inaptitude totale ou partielle, ou encore souhaitant protéger leur sphère privée, privilégient les soins en dehors des structures du service de santé des armées. Il existe donc une sous-déclaration des pathologies, difficile à évaluer, mais dont les plus graves peuvent toutefois difficilement échapper aux visites médicales obligatoires.

Mais le libre choix du praticien n’est pas la raison majeure de cet état de fait qui relève de plusieurs facteurs. Cette absence de comptabilisation s’explique par la conception des systèmes d’information, obsolètes pour certains, qui ne communiquent pas entre eux, associée à une certaine réticence à partager des informations.

1.   Chaque entité en charge du soin ou du suivi des blessés les comptabilise selon ses propres besoins, critères et méthodes

Les chiffres existent. Ils sont même très nombreux, partiels, et se recoupent souvent. Mais est-il question de stock ou de flux ? S’agit-il de blessés déjà identifiés ou de primo-déclarations ? Quand cesse-t-on de considérer un blessé comme tel ? Quid des anciens militaires blessés ? Considère-t-on le blessé en service ou hors service ?

Ainsi, le nombre de titulaires d’une pension d’invalidité indique un volume de blessés en service mais seulement ceux qui en ont fait la demande, ce qui est certes majoritairement le cas, mais seulement ceux dont l’invalidité atteint un pourcentage ouvrant droit à pension. Ces mêmes blessés seront, le cas échéant, également comptabilisés par les cellules d’aide, les antennes médicales du SSA ou les hôpitaux d’instruction des armées (HIA), par l’Office nationale des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG) s’ils en sont ressortissants et la caisse nationale militaire de sécurité sociale qui aura enregistré la déclaration d’affection présumée imputable au service (DAPIAS) établie par le médecin militaire. Les évacuations sanitaires concernent les blessés en service, en OPEX et à l’étranger, rapatriés en métropole, mais pas les blessés soignés sur place qui ont repris leur activité. Les congés de longue durée concernent les blessés en et hors service…

Les cellules d’aide aux blessés détiennent des chiffres fiables mais ne prennent pas les blessés en charge au même moment de leur parcours. De plus, certaines suivent également les blessés hors service. Les chiffres ne sont donc pas superposables.

Un certain nombre de pathologies (trouble psychique en relation avec un événement traumatisant, conduite auto-agressive, blessure par armes ou engins explosifs, blessures physiques en OPEX, et décès toutes causes) fait par ailleurs l’objet d’une déclaration obligatoire par les médecins du SSA auprès du centre d’épidémiologie et de santé publique des armées (CESPA). Le CESPA publie chaque semaine le Bulletin épidémiologique des armées qui suit l’évolution de 60 affections soumises à surveillance épidémiologique.

À titre d’exemple, la gendarmerie interrogée par les rapporteures sur le nombre d’évacuations en et depuis la Guyane a indiqué qu’elle n’était pas en mesure de répondre « en l’absence d’indicateur de suivi spécifique par le SSA »[5]. La même réponse a été faite quant à la nature des blessures les plus fréquentes chez les gendarmes.

Le bilan social annuel publié par le ministère des Armées donne des informations chiffrées sur les blessés et les malades. Mais c’est certainement la caisse nationale militaire de sécurité sociale qui est mesure de donner les informations les plus précises en fonction des demandes spécifiques qui lui sont faites.

2.   Quelques chiffres toutefois

La situation des blessés ne peut s’appréhender à partir de tableaux de bord, comme l’ont expliqué les cellules d’aide aux rapporteures. Il est pourtant nécessaire de disposer de chiffres pour apprécier les volumes et, partant, le recours potentiel aux différents dispositifs. Des chiffres, figurant dans les alinéas suivants, ont donc été communiqués aux rapporteures à leur demande.

a.   Les blessés et les décès en OPEX

Les blessés en OPEX par armes ou engin explosif sont les chiffres le plus fréquemment cités ; ils présentent des variations importantes en fonction du contexte opérationnel. On notera que l’intitulé a été modifié et qu’il est désormais question d’arme, et non plus d’arme à feu, afin de prendre en compte un mode d’agression plus large. Ils sont 20 en 2019 ([6])et étaient 52 en 2018. Leur armée d’appartenance n’est pas précisée mais la majorité des blessés en opérations est issue de l’armée de terre.

nombre de blessés en opex par armes ou engins explosifs de 2007 à mai 2019

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

(au 12/05/ 2019)

5

94

55

91

168

40

24

51

41

51

29

52

20

Source : SSA - surveillance épidémiologique des armées.

 

Au 17 septembre 2019, les décès en OPEX sont au nombre de trois, tous par armes ou engins explosifs ; ils étaient deux en raison de ces mêmes causes sur six décès en 2018. Trois décès en OPINT sont également déplorés à cette même date.

b.   Deux séries de chiffres prenant en compte l’ensemble des blessures réparties par entités

Les chiffres ne sont comparables que s’ils recouvrent un même périmètre. Les rapporteures ont estimé que les données les plus pertinentes étaient celles parues dans le bilan social 2018 et celles de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) concernant les déclarations d’accident présumé imputable au service (DAPIAS).

Répartition des militaires ayant connu un accident de service avec arrêt en 2017

Employeur

Militaires

Dont décès

Nombre de journées perdues

Armée de terre

 

511

7

12 937

Marine nationale

385

0

8 177

 

Armée de l’air

 

481

0

7 250

Service d’infrastructure de la défense (SID)

 

29

0

570

Direction générale de l’armement (DGA)

 

7

0

10

État-major des armées (EMA)

 

261

0

3 256

Direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information de la Défense (DIRISI)

 

37

0

647

Service de santé des armées (SSA)

 

25

0

735

Service du commissariat des armées (SCA)

 

269

0

7 667

Service des essences des armées (SEA)

 

30

0

836

Service interarmées des munitions (SIMU)

 

10

0

491

Direction du Renseignement et de la Sécurité de la Défense (DRSD)

 

6

0

200

Total

2 051

7

42 776

Source : D’après le bilan social 2018 du ministère des Armées.

Le nombre de nouvelles DAPIAS, figurant dans le tableau ci-dessous, indique un volume annuel est très stable, bien supérieur aux chiffres du tableau précédent. On peut logiquement en déduire que la grande majorité des accidents de service ne donne pas lieu à un arrêt de travail et n’est donc pas très grave. En revanche, la moyenne des arrêts de travail, calculée à partir du tableau ci-dessus, est de 25 jours, indiquant des pathologies plus sérieuses.

 

Nouvelles dapias ouvertes par année et par appartenance de 2015 à 2018

 

2015

2016

2017

2018

Gendarmerie

6 702

6 275

6 345

6 350

Terre

13 835

13 749

13 519

13 611

Air

2 577

2 824

2 942

2 800

Marine

2 482

2 406

2 254

2 292

Autre

1 120

1 480

1 511

1 749

Total

26 716

26 734

26 571

26 802

Source : CNMSS.

3.   Des efforts sont faits pour avoir une vision claire de la santé du militaire

« Les rapporteurs estiment anormal et tout à fait incompréhensible que le SSA ne soit pas en mesure de leur fournir des données chiffrées concernant la totalité des blessés, offrant une cartographie complète de toutes les armées indiquant nombre, type de blessure, unité, circonstance de la blessure, cohorte… Une exploitation statistique permettrait d’en tirer des enseignements essentiels pour le suivi des blessés, des cohortes et pour les orientations à venir… ». Telle était la conclusion du rapport d’information sur le suivi des blessés de 2014. qui semble avoir été partiellement entendue. En effet, la réflexion a progressé sur ce point et une amorce de solution devrait voir le jour prochainement.

Les rapporteures sont d’avis qu’il convient de viser un objectif ambitieux et de regrouper l’ensemble des données existantes sur les blessés permettant afin d’avoir, à un échelon central, à la fois une vue d’ensemble et la possibilité de répondre, par exemple, à une question simple : Combien y a-t-il de blessures de sport, de blessures à l’entraînement ou en manoeuvre dans telle compagnie de tel régiment durant une période donnée ?

Elles espèrent que les outils envisagés le permettront afin d’adapter la politique de prévention, d’identifier d’éventuelles difficultés et d’orienter les politiques de soutien médico-social.

a.   La mise en place de l’Observatoire de la santé des militaires

Afin d’établir l’état de santé des militaires, la ministre des Armées a confié au SSA, en avril 2018, la mise en place de l’Observatoire de la santé des militaires (OSM) qui doit être pleinement opérationnel avant fin 2021. Coordonné par le centre d’épidémiologie et de santé publique des armées (CESPA), il devra s’articuler à terme avec l’observatoire de la santé des vétérans (OSV) qui assurera le suivi de la santé des anciens militaires.

En effet, les caractéristiques de la population militaire, jeune, sportive et en bonne santé, associées aux impératifs d’un métier dangereux, éprouvant physiquement et psychologiquement, la distinguent de la population générale et nécessitent l’acquisition et l’analyse de données spécifiques. Ces données sont collationnées dans toutes les structures de soins du SSA lors de la prise en charge des militaires. Elles échappent en revanche au ministère lorsque les militaires recourent à leur médecin de famille, une pratique fréquente hors OPEX, et aux structures de soin publiques.

Tels qu’exposés dans la réponse au questionnaire des rapporteures adressé à la directrice centrale du SSA, les objectifs de collecte, de validation et d’analyse des données de santé des militaires sont les suivants :

« - décrire l’état de santé, le parcours de soins et les comportements des militaires en matière de santé ;

- identifier des relations entre cet état de santé et certaines caractéristiques socio-professionnelles afin d’approcher les liens entre santé et exposition à des risques ;

- évaluer l’efficience et l’efficacité des actions de santé mises en œuvre par le ministère des armées ;

- organiser et ajuster l’offre de soins, y compris en matière de prévention, de promotion de la santé et d’accompagnement médico-social ;

- réaliser des analyses médico-économiques concernant le coût des affections et des parcours de soins. »

Les données alimentant l’OSM proviennent de plusieurs sources de données complémentaires disponibles au sein du SSA :

- la surveillance épidémiologique dans les armées (SEA), mise en œuvre grâce à l’outil de surveillance épidémiologique dans les armées (OSEA) dont les résultats sont publiés annuellement ou bisannuellement ;

- l’enquête nouvelle génération (ENG), une enquête par questionnaire réalisée par le SSA et la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) auprès des militaires, de leur famille, des anciens militaires et des professionnels de santé. Elle a pour objectif d’évaluer l’état de santé, dont la santé perçue, les parcours de soins, dont le renoncement aux soins, et les besoins de prévention. La collecte des données a débuté en février 2019 ;

- le projet CSESaM (consommation de soins et état de santé des militaires), un rapprochement des données de santé du Système national des données de santé (SNDS) et des données de ressources humaines. Il permettra de décrire l’état de santé des militaires au travers de leur consommation de soins (médicaments, examens biologiques, radiologiques, etc.), des hospitalisations et des causes médicales de décès. Il concernera également la gendarmerie. En cours de développement, le déploiement du système est prévu fin 2021 ;

- le système de suivi des blessés et des malades (SSBM) qui consiste à rapprocher des données de prise en charge et de suivi des militaires blessés ou malades pour analyser les types de pathologies, leur prise en charge et leur évolution, et améliorer ainsi les pratiques tout en rendant compte du devenir des patients. Le premier module fonctionne depuis janvier 2019. Il rassemble les données de prise en charge par le SSA (registre santé de l’avant, patient movement request et données d’hospitalisation) des militaires ayant nécessité une évacuation stratégique d’un théâtre d’opération (STRATEVAC). Il est prévu de restituer les premiers résultats au cours du premier semestre 2020.

 

Les rapporteures souhaitent que le SSBM s’étende petit à petit à l’ensemble des blessés et ne se limite pas aux blessés en OPEX.

- des enquêtes ponctuelles telles que déterminants des conduites addictives des militaires (DéCAMil), comportements Sexuels des Militaires (CoSeMil)…

- des pensions militaires d’invalidité (PMI), pour lesquelles les démarches d’accès aux données n’ont pas encore été initiées ;

- des suivis de cohortes déterminées qui seront mis en œuvre ultérieurement.

b.   Un relais assuré par l’Observatoire de la santé des vétérans

L’Observatoire de la santé des vétérans est un organisme à vocation interministérielle rattaché au secrétariat général pour l’administration (SGA) du ministère des Armées. Dirigée par un médecin du SSA, cette petite structure, dotée d’un conseil scientifique composé de représentants d’organismes scientifiques et de santé publique, réalise, avec l’intervention de partenaires extérieurs, des études dont les principales ont porté sur les conséquences des essais nucléaires sur les vétérans et sur la mortalité des équipages de sous-marins nucléaires.

Un projet de veille sanitaire, dit Galatée, au profit des personnels quittant l'institution militaire est actuellement en conception. Il est composé de deux modules :

-         un suivi périodique de la mortalité concernant l'ensemble des personnels ayant quitté l'institution reposant sur l’extraction d’informations issues des systèmes d’information des ressources humaines des armées et de la gendarmerie et l’interrogation périodique des fichiers de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et du Centre épidémiologique sur les causes médicales de décès (CépiDc). La population considérée sera incrémentée chaque année des nouveaux sortants, autour de 25 000 militaires et 5 000 gendarmes ;

-         le suivi d’une cohorte de sortants tirés au sort, et volontaires, surveillée durant au moins 30 ans concernant notamment leurs affections médicales, leurs problèmes familiaux et leur insertion professionnelle.

L’ensemble des collectes de données s’effectue dans le respect la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et sous réserve de l’obtention des autorisations nécessaires.

 

Les rapporteures souhaitent que l’ensemble des données collectées fasse l’objet d’une exploitation permettant un véritable suivi des militaires revenus à la vie civile.

4.   Mais la blessure en OPEX tend à occulter les autres contextes

Il est très rarement évoqué les blessures en préparation opérationnelle ou à l’entraînement. Or, la préparation opérationnelle, effectuée dans des conditions les plus proches possibles de celles de l’OPEX, voire dans certains cas plus sévères, expose à des risques qui ne sont pas négligeables. L’entraînement et la pratique sportive sont également de grands pourvoyeurs de blessés. Les blessures de sport peuvent paraître anodines mais leur accumulation peut générer des incapacités durables préjudiciables aux individus et aux forces.

Seuls les décès mettent tristement en lumière la dangerosité des activités quotidiennes des militaires dont la vocation est de se tenir prêts à intervenir sur ordre à tout moment et donc de s’y préparer en permanence. Il n’est que de citer le sous-marin Minerve disparu en 1968 et retrouvé le 21 juillet 2019 ou, plus près de nous, l’accident aérien d’Albacete en 2015, le crash d’hélicoptères de l’ALAT en 2018 ou celui d’un mirage dans le Jura en janvier 2019. Autant de morts, de blessés qui n’évoluaient pas en OPEX mais se trouvaient bien au service de leur pays au moment du drame.

a.   Des environnements aussi dangereux que les OPEX

L’opération Harpie de lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane, par exemple, se déroule dans un milieu naturel particulièrement accidentogène, qu’il s’agisse de la circulation sur pistes, de la navigation fluviale ou de la progression pédestre dans la forêt équatoriale auxquelles s’ajoutent la violence des parties prenantes et les risques présentés par les opérations de destruction des installations illégales qui ont, pour citer un exemple récent, causé le décès de trois militaires et la blessure de plusieurs autres militaires du 19e régiment du génie de Besançon, le 19 juillet dernier. Cette opération intérieure (OPINT) présente un niveau de risque que l’on peut légitimement estimer équivalent à celui d’une OPEX.

L’opération Harpie devrait, comme cela est envisagé, être concernée par l’élargissement des bénéficiaires du congé du blessé durant lequel le blessé reste attaché à son unité.

b.   Les gendarmes et les pompiers effectuent sur le territoire national des missions dangereuses par nature

La brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) a enregistré en 2018 1 390 blessures dont 228 en intervention ; ce nombre auquel s’ajoutent quatre décès est en augmentation constante, de 4,06 % par rapport à 2017.

Indépendamment du danger intrinsèque à leur métier, et du risque dont ils sont des techniciens, les militaires de la BSPP font face à d’autres difficultés. La BSPP a indiqué qu’il se produisait au moins une agression par jour ainsi que des détériorations de matériel. Étant souvent l’unique service public à se déplacer en certains points d’Île-de-France, ils sont, plus souvent qu’à leur tour, le déversoir de l’aigreur et de la violence verbale et physique des personnes qu’ils sont venus secourir, si tant est que leur intervention ait été justifiée.

Les rapporteures se sont rendues à la BSPP et ont ressenti le malaise exprimé par ces militaires de l’armée de terre qui ont le sentiment d’être à la marge et d’être lésés au regard d’un certain nombre de dispositifs.

Sur le territoire national, les gendarmes constatent également une montée de la violence à leur encontre. Ainsi, au cours des cinq dernières années, le nombre total de gendarmes blessés a augmenté de 15,8 %, les blessures consécutives à une agression ayant, elles, progressé de 30 %. Cette augmentation des agressions a été plus forte dans les territoires d’outre-mer, où elle a atteint 111 %, qu’en métropole où elle a été de 32 %. Cette tendance est en grande partie la conséquence d’une forte poussée des agressions avec arme, plus importante en outre-mer, 186 %, qu’en métropole, 57 %.

En 2018, 2 306 gendarmes ont été blessés du fait d’agressions physiques. L’augmentation de 12,4 % du nombre des agressions physiques s’accompagne d’une hausse du nombre de blessures de 19,7 %.

Évolution des agressions et du nombre de gendarmes blessés depuis 2014

 

 

2014

2015

2016

2017

2018

Nombre d’agressions physiques contre AFP

2 377

3 019

3 006

3 045

3424

Nombre d’agressions verbales avec dépôt de plainte

1 934

1 994

2 061

2 336

3002

Blessés en mission

3 941

3 789

4 079

4 222

4788

       dont agressions

1 769

1 807

1 984

1 926

2306

         dont accident de la circulation routière

299

239

176

239

190

      dont environnement opérationnel

1 873

1 743

1 919

2 057

2292

Blessés en service

2 496

2 870

2 688

2 990

2665

       dont accident de la circulation routière (hors mission)

51

74

175

129

114

     dont accident de sport

1 721

1 977

1 704

1 872

1691

        dont environnement de soutien

724

819

809

989

860

TOTAL DES BLESSÉS

6 437

6 659

6 767

7 212

7453

Source : DGGN, en réponse au questionnaire des rapporteures.

Les violences avec arme représentent 44 % des agressions physiques. Si le nombre de faits de violence avec arme à feu ou arme blanche diminue d’environ 20 %, les agressions perpétrées avec un véhicule ou par jets de projectile augmentent respectivement de 5 % et 87 % !

Évolution du nombre de gendarmes décédés dans l'exercice de leurs fonctions depuis 2014

 

2014

2015

2016

2017

2018

Décès en mission

2

2

14

0

9

 dont agressions

0

1

2

0

2

 dont accident de la circulation routière

1

1

6

0

7

 dont environnement opérationnel

1

0

6

0

0

Décès en service

4

6

4

8

5

                     dont accident de la circulation routière

(hors mission)

1

2

1

4

1

              dont accident de sport

0

0

1

1

0

             dont environnement de soutien

3

4

2

3

4

TOTAL DES DÉCÈS

6

8

18

8

14

Source : DGGN, réponse au questionnaire des rapporteures.

Les cinq premiers mois de 2019 enregistrent un nombre de blessés en mission, 1 544, comparable à celui de la même période en 2018. Le nombre total de blessés est de 2 019 au 31 mars. On note une très légère baisse de blessures consécutives à une agression. Il est déploré le décès de deux gendarmes dans l’exercice de leur fonction au cours du premier semestre 2019.

Environ 150 gendarmes sont projetés chaque année en OPEX où ils remplissent diverses fonctions auprès des forces, dont la prévôté. Les blessures en OPEX sont rares compte tenu de leur mission, et ont concerné sept gendarmes depuis 2016, dont une victime d’engin explosif improvisé (IED) à bord d’un véhicule de l’avant blindé (VAB), les autres atteintes résultant principalement d’accidents. Si l’on excepte la notion de danger global propre à l’OPEX, un gendarme court donc moins de risques en OPEX qu’en OPINT et que dans son activité quotidienne sur le territoire national.

Le bataillon des marins-pompiers de Marseille est un contre-exemple. Plus grande unité de la marine, sa mission le place face à tous les risques usuels de sécurité civile, dont les feux de forêt et les risques urbains, dans une cité portuaire comportant une forte proportion de population pauvre en grande demande de secours. Il est enregistré autour de 2 400 accidents de service chaque année, dont un tiers sont des accidents de sport, mais peu d’accidents graves, six, en 2018, occasionnant plus de 60 jours d’arrêt. 18 agressions ont entraîné des blessures. Les accidents en service sont toutefois en baisse constante depuis 2012 grâce à un travail sur la prévention, aux équipements de qualité, aux procédures, à une réflexion sur les violences urbaines et à la discipline militaire avec pour maxime « entraînement difficile, guerre facile ».

5.   Un rapport inclusif

Pour toutes les raisons exposées, les rapporteures, qui saluent en l’espèce la précision des éléments transmis par la gendarmerie, ont choisi de considérer l’ensemble des blessés et des malades ainsi que la diversité des circonstances. Par commodité les rapporteures utiliseront dans leur travail souvent le terme générique « blessés » qui inclut bien évidemment les malades.

6.   Le nombre de blessés est toutefois une donnée stratégique

Les rapporteures entendent tout à fait le message que peuvent véhiculer les chiffres recensant le nombre de blessés tant vis-à-vis des soldats dont le moral doit être préservé, que vis-à-vis de l’ennemi qui doit, autant que faire se peut, ignorer les faiblesses de son adversaire.

La communication consiste là en un équilibre délicat entre la vérité des faits, qu’il n’est ni possible, ni souhaitable d’occulter, et que, désormais, les réseaux sociaux se chargent inévitablement de transmettre en la distordant, le cas échéant, et le message institutionnel rendu public.

Par ailleurs, il ne serait peut-être pas judicieux d’alimenter les tableaux de bord d’acteurs privés tels que les organismes de crédit, par exemple, par des données chiffrées qui pourraient être interprétées de façon préjudiciable aux militaires.

Ces considérations s’écartent de l’objet de ce rapport, mais en insistant à leur tour sur la nécessité de connaître et d’analyser le plus finement possible les données concernant les blessés, les rapporteures souhaitent s’assurer que ces informations essentielles sont bien disponibles, au moins, en interne.


—  1  —

II.   Les mesures en faveur des blessés occupent une place croissante au sein de la politique de défense

A.   Une prise de conscience graduelle issue de la conflictualitÉ post-guerre froide

Le droit à réparation né de la première guerre mondiale, et toujours en vigueur aujourd’hui, ainsi que les décorations ont longtemps été les seules marques de considération institutionnelle en direction des combattants. Les guerres de décolonisation ou la guerre du Liban avec l’attaque contre le poste français Drakkar à Beyrouth en 1983, n’ont pas suscité d’avancée marquée quant à la condition des soldats, notamment en matière de blessure psychique dont ont souffert de nombreux rescapés. La première guerre du Golfe, en 1990, a toutefois conduit à l’engagement de psychiatres militaires sur le terrain et le travail du service de santé des armées menait à l’inscription du syndrome post-traumatique dans le guide barème des pensions militaires d’invalidité en 1992. La guerre en ex-Yougoslavie, dont on sait aujourd’hui qu’elle a généré de grandes souffrances chez les soldats, n’a pas engendré d’évolution notable dans le soutien. Il a fallu le 11 septembre 2001, l’opération Pamir en Afghanistan et le choc provoqué par l’embuscade d’Uzbin le 18 août 2008, entraînant la mort de dix soldats et les blessures de 21 de leurs camarades, pour que se déclenche une prise de conscience de la nécessité de mieux accompagner les militaires blessés et leur famille. Les prémices du sas de fin de mission étaient alors posées s’inspirant de pratiques canadiennes et américaines. Le sujet des blessés demeure depuis une préoccupation constante des gouvernements successifs et des états-majors. Le suivi des blessés est devenu un élément essentiel de la condition militaire dans le contexte actuel de succession des opérations.

B.   D’importants progrès législatifs et extra législatifs ont été réalisés

Les précédentes lois de programmation militaire, les lois de finances successives et la loi de programmation militaire en cours ont apporté des améliorations à la condition du blessé, son environnement et celui de sa famille. Il s’agit par exemple, pêle-mêle et de façon non exhaustive, du congé du blessé et de son extension possible à d’autres circonstances que l’OPEX, de l’ouverture des emplois réservés de catégorie A, de la revalorisation de la rémunération des expertises médicales privées, de la modification de l’accès aux emplois réservés, de l’indemnisation intégrale du préjudice des réservistes opérationnels, de l’extension du congé de reconversion à tous les militaires blessés sans condition d’ancienneté, de la réforme du contentieux des PMI, de la présomption d’imputabilité au service dans le cadre des demandes de PMI, de la médaille des blessés de guerre et des mesures annoncées dans le rapport annexé à la dernière loi de programmation militaire, dont l’encadré ci-dessous donne les grandes lignes desquelles découlent notamment le Plan Famille et la dématérialisation des procédures.

 

Loi de programmation militaire 2019-2025

Rapport annexé, point 3.1.2.2. Reconnaître les contraintes et les sujétions

 

[…] En outre, les militaires blessés ou malades en service et les familles des militaires morts au combat feront l’objet d’un soutien renforcé, qui s’inscrira dans la durée. Ainsi, la procédure d’indemnisation des préjudices, élément fondamental du droit à réparation et de la reconnaissance de la Nation, sera modernisée et simplifiée. À l’occasion de la journée d’hommage à tous les morts pour la France, une liste des militaires morts pour la France dans les douze mois précédents sera transmise par le ministère des armées à chaque commune de France pour que leur nom, leur âge et leur unité soient énoncés pendant les commémorations du 11 novembre. Le nombre et l’âge de leurs enfants seront également transmis. Les démarches administratives et médicales seront allégées et dématérialisées dans le cadre d’un « parcours du blessé », réduisant la charge incombant au militaire concerné ou à sa famille et permettant d’accélérer le traitement du dossier. La prise en charge des blessés psychiques autant que physiques sera améliorée et les conditions de bénéfice de congé du blessé seront étendues selon des modalités définies par ordonnance. En matière de reconversion, les militaires devenus inaptes à la suite de blessures ou de dommages subis en service pourront bénéficier d’un congé de reconversion sans obligation d’avoir effectué un temps de service de quatre ans révolus. Enfin, le ministère des armées poursuit activement la politique de prévention, de dépistage, de suivi et d’accompagnement des syndromes post-traumatiques. Les blessés pourront bénéficier des nouveaux soins dispensés, au terme de sa transformation, par l’Institution nationale des Invalides, notamment le centre de réhabilitation post-traumatique pour les blessés psychiques et physiques. Le service de santé des armées continuera de jouer un rôle essentiel au service de l’efficacité opérationnelle du moral des forces armées. Il participera à l’amélioration de la détection et de la prise en charge des blessures psychiques, au bénéfice des militaires en activité et des anciens militaires, rendue nécessaire par le contexte opérationnel actuel. […]

Source : Légifrance.

Il s’agit encore de la création du poste de chargé de mission blessé auprès du SGA, de la création successive des cellules d’aide aux blessés, dont les dernières furent celles du SSA et de la gendarmerie, de la fusion des dispositifs Écoute Défense et Écoute Familles, de la création du passeport du blessé, de la signature de conventions entre entités participant à l’accompagnement des blessés, de la rédaction du guide du blessé et des familles et de sa révision, de la généralisation des commissions de suivi dans les HIA, initiée à l’HIA Percy, ainsi que dans les unités, de la création de la Maison des familles à Percy et, dernièrement à l’HIA Sainte‑Anne à Toulon, du renouvellement des congés de longue maladie (CLM) et des congés de longue durée pour maladie (CLDM) passé de trois à six mois, des mesures en direction des familles issues du Plan Famille, des kits destinés aux enfants pendant l’absence de leur parent, de l’extension du financement des prothèses nouvelle génération, de la transformation de l’INI…

Enfin, le monument témoignant de la reconnaissance de la Nation envers le sacrifice des combattants morts pour la France engagés depuis 1963 sur les différents théâtres d’opérations extérieures sera inauguré par le Président de la République le 11 novembre de cette année.

Ces différentes mesures témoignent de la reconnaissance des sujétions et des sacrifices consentis ; mais elles revêtent aussi un intérêt opérationnel de préservation et de valorisation du capital humain. Recruter, fidéliser, conserver les personnels formés, faire revenir à l’emploi le personnel malade ou blessé, toutes ces actions remplissent ce double objectif.

C.   Mais certains sujets précédemment identifiés demeurent sans solution satisfaisante

En dépit de souhaits réitérés, le suivi dans la durée des anciens militaires blessés ou malades et de leur famille n’a guère progressé, pas plus que celui des blessés et des malades en position de non-activité qui constitue toujours une rupture. Le barème des infirmités des PMI devrait être revu à nouveau, le dossier unique OPEX est sous-utilisé, le projet de Maison des familles proche des Invalides semble au point mort, si ce n’est abandonné, le suivi des blessés psychiques peut être amélioré…


—  1  —

III.   Les dispositifs sont nombreux mais leur lisibilité est faible

La complexité et le nombre des dispositifs, tous utiles, ainsi que la multiplicité des acteurs sont parfois évoqués sous la forme d’un mille-feuilles et, le plus souvent, sous celle d’un mur administratif, une expression que les rapporteures ont entendue à maintes reprises lors des auditions et sur le terrain.

L’amélioration de la lisibilité s’inscrit dans le plan de déconcentration et de simplification administrative voulu par la ministre des Armées. La Maison numérique des blessés et des familles, dont il sera question plus avant ([7]), en est un élément central.

A.   Le parcours du blessé

1.   Un parcours pourtant bien fléché désormais

Le parcours du blessé est double, voire triple. Il consiste en un parcours de soins coordonné par le médecin des forces, des soins aigus jusqu’à la guérison ou la consolidation des blessures, en passant par les soins de rééducation, réadaptation et de réhabilitation physique et psychique.

Sur ce premier parcours se greffe un second parcours administratif et médico-statutaire indissociable, dont chaque étape emporte des conséquences importantes pour le blessé :

- la rédaction par le commandement d’un rapport circonstancié décrivant les circonstances de survenue de la blessure et l’inscription au registre des constatations ; bien que d’autres documents puissent être utilisés, ces deux éléments sont essentiels pour établir un lien de la blessure avec le service ;

- l’ouverture d’une déclaration d’affection présumée imputable au service (DAPIAS) par le médecin des forces de rattachement afin de permettre, le cas échéant, la prise en charge de soins en milieu civil. La présomption de lien au service est établie conjointement par le commandant d’unité du militaire et le médecin qui adresse la déclaration à la caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS). La DAPIAS est renouvelée semestriellement après consultation d’un médecin militaire jusqu’à la guérison ou la consolidation des blessures, voire jusqu’à l’obtention d’une pension militaire d’invalidité (PMI) pour l’affection concernée ;

- le placement éventuel en l’un des quatre congés statutaires liés à l’état de santé des militaires ;

- la reprise du service avec ou sans restriction, ou la radiation en cas d’inaptitude définitive, après présentation devant une commission de réforme.

Ces deux parcours sont incontournables. Il peut s’y ajouter, en fonction des souhaits du blessé et de son état de santé, un parcours de reconstruction par le sport et un parcours de reconversion professionnelle, souvent associés avec un parcours de réinsertion sociale mêlant diverses activités. Ces différents parcours, dont l’organisation temporelle est différente pour chaque blessé, se déroulent parallèlement au parcours de soins avec lequel ils doivent s’articuler. Ce point pose actuellement un problème sur lequel les rapporteures reviendront ([8]).

Le parcours de reconnaissance et de réparation financière se déroule simultanément et en lien étroit avec l’évolution du parcours de soins, mais à la demande expresse du blessé. Il s’agit de la pension militaire d’invalidité et/ou de l’indemnisation de préjudices complémentaires de droit commun relevant de la jurisprudence Brugnot ainsi que du fonds de prévoyance. Le volet pécuniaire s’étend aux partenaires privés en fonction des choix assurantiels faits par le blessé.

2.   Mais un écosystème complexe

Si schématiquement, les différentes phases du parcours global sont bien la prise en charge initiale, le soin et la convalescence, la reconstruction et la réinsertion avec reprise d’activité ou reconversion, auxquelles s’ajoutent les démarches administratives de réparation, il ressort de l’alinéa précédent que ces étapes ne se déroulent pas les unes après les autres et que certaines doivent être initiées à des moments différents en fonction de l’état physique et psychologique de chaque blessé. Il peut être, par exemple, salutaire d’évoquer la reprise d’activité ou la reconversion avec un blessé alors que cette seule mention peut représenter une souffrance pour un autre. Il est donc indispensable d’adapter et de coordonner ce parcours au cours duquel interviennent les nombreux acteurs de cet accompagnement transverse et multidisciplinaire par nature.

C’est bien ce que font les commissions de suivi mises en place dans tous les HIA, pour lesquelles Percy a été le pionnier, et les commissions tenues sur le terrain dans les armées qui suivent, au niveau des unités, la situation de chaque blessé. Les participants varient selon les endroits et les besoins mais il s’agit généralement des soignants d’HIA ou d’antennes médicales, de représentants du commandement, d’un représentant de la cellule d’aide, de l’assistant de service social, d’un représentant de l’agence de reconversion de la défense (ARD), et, de plus en plus souvent, d’un représentant de l’ONACVG.

Par ailleurs, il convient de tenir compte des rechutes qui peuvent jalonner un parcours, notamment dans le cas du syndrome post-traumatique, et nécessiter le retour à une étape précédente.

3.   Il est illusoire de penser pouvoir répondre à la diversité des situations individuelles

Bien que le suivi s’apparente aujourd’hui souvent à du « sur mesure », il est impossible d’anticiper la totalité des difficultés et la variété des situations individuelles qui dépendent, pour partie, de facteurs extérieurs. Le ministère et ses partenaires externes s’efforcent de répondre, autant qu’ils le peuvent, aux sollicitations dans le cadre des dispositifs existants dont certains sont appliqués avec une très grande souplesse.

L’absence de réponse institutionnelle, déplorée dans certains cas, tient souvent à l’ignorance de certains états de détresse par les structures prévues à cet effet. C’est notamment en cela que le tissu associatif est extrêmement précieux car il peut contribuer à orienter vers l’accompagnement et le soin un blessé ou une famille qui ont perdu tout contact avec les armées. Il arrive également que le système se grippe et génère des délais d’instruction ou une absence de réponse insupportables.

Par ailleurs, certains blessés, certaines familles, meurtris, demeureront à jamais insatisfaits et estimeront que rien n’est suffisant pour compenser la perte d’un conjoint, d’un parent, d’un enfant ou, pour les blessés, de leur intégrité. La blessure et la mort ont beau faire partie des corollaires potentiels de la condition militaire, ni le militaire ni sa famille ne sont préparés à affronter ces épreuves. Et quel que soit le soutien déployé, il est des maux que rien ne peut apaiser. Cette souffrance doit être entendue et comprise.

4.   Des améliorations sont possibles

Néanmoins, il est toujours possible de faire mieux, et le ministère des Armées s’est organisé, au fil des années, pour mettre en place des capteurs lui permettant de faire évoluer sa politique d’accompagnement, représentants de catégorie, conseiller facteur humain, conseils de la fonction militaire (CFM), conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), commissions de suivi des blessés. La loi[9] a d’ailleurs installé à cet effet, en 2005, le Haut conseil d’évaluation de la fonction militaire (HCECM) chargé de procéder à une revue annuelle de la condition militaire dans laquelle « il formule des avis et peut émettre des recommandations », accompagnée d’un rapport thématique dont le thème est cette année « La maladie, la blessure, la mort », preuve s’il en est que l’objet de ce rapport d’information est d’actualité.

 

La représentation nationale, dans sa fonction de contrôle de l’action du Gouvernement, tient un rôle similaire et les rapporteures entendent par ce rapport suggérer des pistes d’amélioration des dispositifs et soulever des questions suscitées par leurs observations sur le terrain, à la rencontre des militaires.

 

Il est important d’écouter les personnels dont la fonction est l’accompagnement. Ils sont les seuls à pouvoir faire certaines suggestions susceptibles d’apporter une solution à des problèmes non identifiables par le commandement.

Il convient toutefois d’éviter en la matière l’écueil que représenteraient des mesures par trop catégorielles ou la formalisation de mesures trop précises allant dans un grand souci de détail. Paradoxalement, elles pourraient avoir pour effet la contraction des dispositifs plus que leur ouverture, en excluant les particularités qui n’auraient pas été prises en compte. La politique de prise en charge et d’accompagnement du ministère doit rester à un échelon permettant de se préoccuper du plus grand nombre tout en ménageant la possibilité de s’adapter avec flexibilité aux situations individuelles.

B.   L’information peine à parvenir à ses destinataires

Les rapporteures ont constaté que seuls les militaires et le personnel civil rouages de l’accompagnement – le commandement étant en première ligne- ou eux-mêmes blessés, connaissaient les dispositifs de soutien, parfois imparfaitement. Ceci leur semble tout à fait normal, car qui se préoccupe dans le détail des moyens à l’œuvre pour pallier les conséquences d’un événement dont il est espéré qu’il ne se produira jamais ?

Donc, militaire du rang, sous-officier ou officier, le militaire ne sait rien, ou peu de choses, du parcours du blessé, de l’aide qu’il peut attendre et des démarches qu’il devra entreprendre qui ne sont jamais anticipées. L’information générale délivrée aux militaires ne gagne donc rien à être trop précise et peut se borner à leur rappeler qu’ils seront, sa famille et lui, bien accompagnés et à indiquer la personne ou la structure à contacter en cas de besoin ou si des renseignements sont souhaités. En revanche, des informations thématiques se concentrant sur un sujet ciblé, tel que les signes d’alerte en matière de blessure psychique, par exemple, semblent utiles.

1.   D’importants efforts ont pourtant été réalisés en la matière

L’information, que de nombreux blessés disent ne pas connaître, existe pourtant et se trouve facilement disponible. Le « Guide du parcours du militaire blessé et de sa famille », édité en 2015, mis à jour en 2018, est accessible sur le site internet du ministère des Armées et il est également diffusé sous format papier. Ce guide complet, fort clair, semble aujourd’hui plutôt utilisé par les aidants que par les blessés. Le site du ministère comporte également un onglet infos blessés famille très complet.

2.   Le blessé n’est pas toujours en mesure de recevoir l’information

De l’avis unanime des blessés rencontrés par les rapporteures, il ne sert à rien d’informer les blessés sur leurs droits et les démarches afférentes aux tout premiers temps de leur blessure et de leur arrivée dans une structure de soin.

Ceci génère parfois une incompréhension de la part des accompagnants institutionnels qui estiment avoir délivré l’information nécessaire alors qu’elle a été totalement occultée par le blessé qui, non seulement ne l’a pas retenue, mais ne se souvient pas l’avoir entendue et peut de ce fait, et de bonne foi, affirmer ne pas avoir été dûment renseigné. La temporalité et la répétition de l’information doivent donc être adaptées à la réceptivité de chaque blessé, ce qui exige souplesse et patience de la part des accompagnants. La famille, sous le choc, peut également se trouver dans ce cas de figure.

Indépendamment des soins, le plus important est, si cela n’a pas été indiqué préalablement, de demander au blessé nouvellement hospitalisé quelles personnes il souhaite voir à son chevet afin que l’assistant de service social de l’hôpital se charge d’organiser leur venue. Le reste des informations doit venir en temps utile sans noyer le blessé sous un flot de renseignements susceptibles de créer une inquiétude plutôt qu’un apaisement.

Cette observation peut paraître mineure ou relever de l’évidence mais elle a été exprimée si fréquemment que les rapporteures souhaitent qu’elle soit prise en compte.

3.   Les moyens utilisés doivent s’adapter à la génération des jeunes blessés et à l’évolution des modes de communication

Les blessés sont jeunes et utilisent les moyens et les modes de communication de leur génération Beaucoup n’ont pas d’ordinateur fixe ou portable mais tous ont un smartphone. Il semble aux rapporteures indispensable de créer des applications pour pouvoir les toucher.

L’armée de Terre l’a bien compris qui propose aux candidats au recrutement une application de préparation des candidats désirant rejoindre l’armée de Terre.

Dans le cadre de la Mission pour l’innovation participative, une application dénommée APP2RBO, que certains blessés ont conservée sur leur smartphone, comme ont pu le voir les rapporteures sur le terrain, a connu un premier stade de développement au sein de l’HIA Percy en 2017. Il s’agissait notamment de donner des informations de manière simple et accessible sur le parcours du blessé et les démarches à accomplir sous forme de check-list... Le projet, certainement perfectible, est actuellement au point mort. S’il devait être repris, il conviendrait peut-être de l’envisager comme un complément mobile de la Maison numérique du blessé. Les rapporteures trouvent que cette initiative va dans le bon sens et estiment qu’il serait dommage de ne pas capitaliser sur le travail effectué.

4.   Les personnels en charge du suivi des blessés doivent être mieux informés de l’évolution des dispositifs dont ils n’ont pas directement la charge

L’accompagnement est un processus transverse au cours duquel de nombreux acteurs, spécialistes de leur domaine, sont susceptibles d’intervenir. Il est indispensable que chacun d’entre eux soit au fait des évolutions intervenant, dans le champ élargi du soutien du blessé, concernant la législation, la réglementation et les pratiques qui, toutes, évoluent. La dématérialisation entraîne des changements dont les accompagnants doivent être informés. Les réunions de suivi pourraient, par exemple, se prêter à des informations collectives au cours desquelles des mises à jour des connaissances seraient effectuées par les participants dans leur domaine de compétence. Ceci n’exclut par des actions institutionnelles.

C.   La prise en compte de la blessure psychique

1.   Différents plans d’action

La blessure psychique a fait l’objet de plusieurs plans d’action depuis 2011.

Le dernier plan d’action en date, 2015-2018, a permis des avancées importantes en matière de formation des praticiens du SSA et de définition du contenu pédagogique des premiers secours psychologiques. Il est toutefois constaté qu’une directive de l’état-major des armées portant sur la sensibilisation et la formation des militaires à la prévention du stress opérationnel n’a pas connu l’application attendue.

Un nouveau plan d’action au niveau ministériel 2019-2022 définit trois axes prioritaires, le renforcement des actions de sensibilisation et de prévention des militaires et de leur famille, un effort en faveur d’une meilleure réhabilitation psycho-sociale des blessés psychiques et la consolidation des dispositifs d’accompagnement vers l’emploi. La sensibilisation de la famille est primordiale car elle est souvent, avant de devenir l’aidant, la sentinelle détectant les changements de comportements susceptibles d’indiquer l’apparition d’un trouble psychique post-traumatique.

La première déclaration de ces troubles fait désormais l’objet d’une fiche de suivi épidémiologique adressée par le médecin militaire au CESPA. On observe une nette baisse des déclarations en 2017 et 2018 semblant indiquer une stabilisation, ce que confirmera éventuellement le chiffre de 2019.

Primo déclarations de troubles psychiques en relation avec un événement traumatisant de 2009 à 2018

 

Cas déclarés

 en :

Terre

Marine

Air

Gendarmerie

Services communs

Total

2009

n.d.

n.d.

n.d.

n.d.

n.d.

55

2010

n.d.

n.d.

n.d.

n.d.

n.d.

133

2011

246

7

12

20

12

297

2012

236

2

6

28

11

283

2013

306

4

20

39

12

384

2014

245

12

24

20

10

311

2015

310

11

21

40

9

391

2016

285

17

26

28

14

370

2017

153

4

13

20

12

202

2018

147

9

13

18

10

199

Source : SSA - surveillance épidémiologique des armées.

Le lien avec le service est parfois difficile à établir et peut générer des incompréhensions.

 

Une amélioration pourrait consister à étudier la mise en place de commissions d’examen du lien au service réunissant médecins et représentants du commandement pour étudier les cas litigieux et dissiper certains malentendus. ([10])

2.   La prévention

Les individus aspirant à entrer dans la fonction militaire sont le reflet de la population et présentent des vulnérabilités identiques dont certaines peuvent être incompatibles avec la lourde responsabilité que la Nation s’apprête à leur confier. C’est pourquoi il est important de s’assurer au moment du recrutement, qu’en dehors des capacités physiques, la personnalité des postulants ne présente pas de caractéristiques rédhibitoires.

Les armées utilisent pour cela différentes méthodes faisant appel à des tests psychotechniques et un entretien avec un psychologue, systématique dans la marine, notamment.

La gendarmerie évalue la santé mentale des candidats officiers et sous-officiers au statut militaire. Les psychologues du travail utilisent pour ce faire deux inventaires de la personnalité, l’un explorant les ressources et les potentialités et l’autre les tendances dysfonctionnelles, complétés par un entretien avec un psychologue. Les postulants gendarmes adjoints volontaires et les réservistes sont, eux, soumis uniquement au second inventaire et, en fonction des résultats obtenus, à un entretien avec un psychologue du travail. La direction générale de la gendarmerie nationale estime ce dispositif très fiable.

La prévention primaire des troubles psychiques post-traumatiques semble toutefois difficile, si ce n’est illusoire. Elle réside néanmoins dans la sélection, et donc l’expertise médicale, l’information, la préparation opérationnelle, la compréhension du contenu de la mission, la cohésion et la qualité du commandement. Le cumul des missions représente vraisemblablement un facteur de fragilité supplémentaire.

La recherche est active dans ce domaine. Les troubles psychiques post-traumatiques constituent une priorité identifiée au sein du domaine d’étude « traumatisme et usure » dans le plan d’orientation de la recherche et de l’innovation (PORI) du SSA. Plus de vingt projets ont débuté depuis 2017. Ils concernent la recherche fondamentale, l’évolution des outils de repérage, l’évolution épidémiologique des affections psychiques dans les armées, les recherches médicamenteuses, des suivis de cohortes de militaires et de leur famille en lien avec les missions opérationnelles, l’impact psychique des missions opérationnelles chez les soignants des CMA et des HIA, etc. Un projet concernant l’assistance robotisée aux personnes atteintes de troubles de stress post-traumatiques est aussi à l’étude.

Si le sujet des troubles psychiques, et particulièrement le syndrome post-traumatique, est aujourd’hui régulièrement abordé et l’objet de beaucoup d’attention, les rapporteures n’ont pas acquis la certitude que les militaires qui en sont atteints, ne font plus l’objet d’une stigmatisation de la part de leurs camarades ou de leur hiérarchie. L’incompréhension et la crainte suscitées par ces affections – je pourrais moi aussi être atteint – suscitent souvent une forme d’exclusion.

En OPEX, les troubles du comportement sont à l’origine de la majeure partie des évacuations pour motif psychologique. Il s’agit à la fois de protéger l’individu et la sécurité de la mission.

3.   Un soutien psychologique propre à chaque armée

La médecine des forces dispose de 21 psychologues, un nombre qui semble encore insuffisant. Les psychiatres sont tous affectés dans les HIA et sont sollicités par la médecine des forces pour la mise en place de suivi spécialisé de proximité au profit des militaires.

L’armée de l’air dispose de la cellule de soutien médico-psychologique de l’armée de l’air du service médical de psychologie clinique appliquée à l’aéronautique (SMPCAA), la marine de la cellule de soutien médico-psychologique du service de psychologie de la marine (SPM) comportant 14 services locaux de psychologie appliquée (SLP) et l’armée de terre de la cellule d’intervention et de soutien psychologique de l’armée de terre (CISPAT). Leurs champs d’action sont différents, certaines cellules menant des actions individuelles ou uniquement collectives, comme c’est le cas de la CISPAT. Les cellules de l’armée de l’air et de la marine comptent des psychologues cliniciens.

La gendarmerie a mis en place le Dispositif d’accompagnement psychologique (DAPSY) rattaché à la direction générale. Il repose sur un ensemble de 39 psychologues cliniciens répartis sur le territoire métropolitain et ultra-marin. Deux postes ont été créés, en Guyane en 2016 et en Nouvelle-Calédonie en 2018. Leurs missions recouvrent notamment le conseil au commandement, des actions de prévention, sensibilisation et d’accompagnement ainsi que le suivi psychothérapeutique des personnels et de leur famille dans le cadre d’un événement traumatisant. En 2018, les psychologues ont réalisé 561 interventions consécutives à des événements et 16 800 entretiens individuels.

Les rapporteures se demandent toutefois si le nombre de psychologues est suffisant pour répondre aux besoins de la gendarmerie, compte tenu de la population des gendarmes et de leur famille et de leur répartition sur le territoire, parfois dans des unités de petite taille.

4.   Le numéro vert « Écoute défense »

En cinq années d’existence, le 08 08 800 321 fonctionnant sept jours sur sept et 24 heures sur 24 grâce aux psychologues du SSA, a vu doubler le nombre d’appels reçus, passés de 330 à 666 par an. Initialement centré sur le syndrome post-traumatique (SPT) des militaires, le numéro s’est ouvert au harcèlement, à la discrimination ou la violence à caractère sexuel en 2014, aux familles de militaires et au harcèlement moral au travail en 2015.

Sur 612 appels relatant une souffrance psychologique, 183 ont décrit des symptômes de SPT. Les appelants attendent, par ordre décroissant, un suivi, des conseils, une écoute, des renseignements ; parmi eux 159 ont été orientés vers des soins dont 83 vers une nouvelle voie. Il s’agit de militaires, d’anciens militaires, de conjoints ou de civils. 114 appels ont concerné le bénéficiaire lui-même, principalement issu de l’armée de terre, et 67 des tiers dont 54 familles, 9 soignants et 4 camarades. Parmi les familles, les appelants étaient par ordre décroissant, les conjoints, les parents, les enfants et la fratrie. 62 personnes se sont vues proposer un suivi dans le cadre d’une déclaration d’affection en lien avec l’activité du militaire (DALAM). 48 dossiers ont été traités à fin 2017.

La DALAM résulte d’une convention entre la caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS), la direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRH-MD), et le SSA dans le cadre d’un soutien psychologique des familles de militaires et de civils en opérations extérieures, missions intérieures – Vigipirate et Harpie – et lors d’événements graves, proposant le financement de 12 consultations dans le cadre d’une psychothérapie. La CNMSS gère la prise en charge des familles, correspondant en 2017, à 24 bénéficiaires pour 126 séances et 5 908 €, et en 2018 à 51 bénéficiaires pour 234 séances et 12 737 €.

5.   De nombreuses initiatives

Il existe un foisonnement d’initiatives gravitant autour des troubles psychiques en lien avec un événement traumatisant qui touchent bien d’autres publics que les militaires, ceux-ci étant toutefois plus exposés en raison des particularités de leur condition. Les associations jouent un rôle important, qu’il convient d’encourager, en matière d’information et d’orientation de militaires, d’anciens militaires et de leur famille vers des structures de soin militaires ou civiles face à des symptômes laissant supposer le déclenchement d’un SPT.

Les rapporteures sont en revanche beaucoup plus dubitatives lorsque intervient une volonté de soin en dehors des structures institutionnelles, notamment venant de blessés psychiques guéris ou en voie de guérison souhaitant aider leurs semblables. Si ce désir est tout à la fois louable et compréhensible, l’appui d’un service médical leur paraît indispensable afin de ne faire courir de risque ni à l’aidant ni à l’aidé.

Mais de bons exemples existent. Ainsi l’association Ad Augusta  ([11])accompagne « par devoir de reconnaissance », « des hommes et des femmes blessés alors qu’ils étaient au service de la Nation ». Hors de toute démarche médicale, mais en lien avec le SSA et les armées et avec notamment le soutien financier de l’Union des blessés de la face et de la tête (UBFT), l’association vise à aider des militaires, pompiers et gendarmes souffrant d’un traumatisme psychique à retrouver confiance en eux et définir un projet de vie. Des actions se sont organisées notamment autour du chantier de rénovation d’un voilier, suivi d’une traversée de la Manche, et de celle d’un canon de la première guerre mondiale. Un séminaire est organisé pour les familles des malades. Les résultats sont encourageants et l’association a reçu en 2018 le prix spécial « Valeurs européennes » ([12]) conjointement avec son association partenaire britannique « Help for heroes » ainsi que le premier prix Tégo de la solidarité 2018 pour son action en direction des familles.

Le SSA a introduit un processus de labellisation concernant les stages et les activités de reconstruction dont il assure le soutien médical, par ailleurs.

 

 

 

 

 

   Deuxième partie : Les acteurs du suivi assurent une prise en charge très performante

 

I.   Le service de santé des armées, expert de la prise en charge initiale

La prise en charge initiale joue un rôle décisif pour l’avenir du blessé qui doit pouvoir se rétablir avec des séquelles potentielles aussi peu invalidantes que possible. Cette préoccupation, avec celle de sauver le maximum de vies, préside à la prise en charge et au traitement de bout en bout.

https://www.defense.gouv.fr/var/dicod/storage/images/base-de-medias/images/sante/organisation-ssa/infographie-chiffres-cles/4243472-10-fre-FR/infographie-chiffres-cles.png

Source : https://www.defense.gouv.fr/sante/le-ssa/chiffres-cles/effectifs-et-composantes, chiffres au 8 juin 2018.

 

A.   Le service de santé des armées comporte cinq composantes indissociables

1.   La médecine des forces

Au plus près du quotidien des militaires, les antennes médicales et les centres médicaux des armées assurent des missions de différente nature :

 

    le soutien opérationnel d'activités militaires qui regroupe le soutien santé en opérations extérieures, en missions de courte durée, lors d'opérations sur le théâtre national ou lors d'exercices majeurs ;

    les actes de soins et les consultations de médecine générale et de médecine d'urgence ;

    la préparation des forces par l’expertise et l’ensemble des visites obligatoires rythmant la vie du militaire : visite d’aptitude médicale initiale et d'incorporation, visite médicale périodique, visites ante et post OPEX mais également vaccinations, mesures de prophylaxie, éducation sanitaire propre à la zone de déploiement, etc…

    la préparation opérationnelle du personnel relevant du SSA et la formation continue comprenant des gardes d'urgence hospitalière ou de SMUR

    conseil au commandement, hygiène et prévention, aide à la population en OPEX

a.   Une organisation revue

Depuis l'été 2019 la médecine des forces dispose de 197 antennes médicales (AM) regroupées au sein de 16 centres médicaux des armées (CMA) et de trois chefferies du service de santé (CSS) pour les forces spéciales, la force d’action navale et les forces sous-marines. Les antennes médicales sont implantées à proximité géographique des unités des armées et de la gendarmerie nationale, au sein des emprises des différentes bases de défense. La CSS pour les forces spéciales est implantée à Villacoublay, à proximité de l'état-major du commandement des opérations spéciales, la CSS pour la force d'action navale à Toulon avec une composante à Brest et la CSS pour les forces sous-marines à Brest, avec une composante à Toulon pour les sous-marins nucléaires d'attaque. Le service de protection radiologique des armées à Clamart est également un établissement santé de la médecine des forces.

Ces formations sont sous l'autorité organique de la récente direction de la médecine des forces (DMF) créée en septembre 2018 et implantée à Tours sur la base aérienne 105. Cette direction a remplacé les six directions régionales qui dirigeaient les 55 CMA, ramenés aujourd’hui à 16, avec une simplification du commandement, une harmonisation des pratiques et un basculement d’une part des postes vers les antennes médicales.

En outre, les huit directions interarmées du service de santé implantées en outremer ou à l’étranger relèvent techniquement de la direction de la médecine des forces : Polynésie française, Nouvelle Calédonie, Guyane, Antilles et La Réunion-Mayotte pour les forces de souveraineté et Djibouti, Côte d'Ivoire et Émirats Arabes Unis pour les forces de présence.

Un CMA soutient en moyenne 25 000 personnes appartenant aux armées et à la gendarmerie nationale, il compte autour de 250 personnels militaires et civils et une quinzaine d'antennes médicales. Une antenne médicale dispose en moyenne de trois médecins, quatre infirmiers, sept militaires du rang auxiliaires sanitaires et un personnel civil de la défense.

b.   Un rythme de projection plus important que prévu

Les personnels de la médecine des forces sont le vivier principal des personnels médicaux projetés et du soutien médical de l’avant. La fréquence de projection est théoriquement d'une mission tous les deux ans, mais elle varie en fonction de la ressource disponible et de la projection des unités soutenues par l'antenne médicale. Elle est particulièrement soutenue pour les forces spéciales.

La projection pèse sur les personnels en mission mais également sur les personnels non projetés qui doivent réaliser les tâches habituelles en effectifs réduits, dont certains sont particulièrement en tension, tout en se préparant, le cas échéant, à leur propre départ en OPEX.

c.   Des difficultés de recrutement et de fidélisation

Le recrutement et la fidélisation des personnels sont le problème majeur de la médecine des forces. Seule une ressource suffisante peut permettre d’assurer un soutien de qualité dans des conditions acceptables pour le personnel sur le moyen et le long terme. Les rapporteures reviendront sur ce sujet et les mesures mises en œuvre dans la quatrième partie de leur rapport.

d.   Le système d’information Axone et la télé-expertise

Futur système d’information métier de la médecine des forces, Axone, du nom du prolongement du neurone conduisant l’influx nerveux, remplacera à terme, pour la gestion des dossiers médicaux, le logiciel unique médico-militaire et médical (LUMM) actuellement en fonction, qui, c’est un euphémisme, ne semble guère plébiscité par ses utilisateurs en raison notamment de lenteurs et d’arrêts intempestifs. Tous les CMA devraient en être équipés d’ici à fin 2019. La traçabilité des soins devrait s’en trouver améliorée sans charge administrative supplémentaire et de nouveaux services seront proposés tels que les rendez-vous en ligne ou la télé-médecine.

La télé-expertise en OPEX est effective depuis le 1er janvier 2018, avec le déploiement du Centre de Télé Expertise Médicale (CTM) intégré au projet info structure santé (ISSAN). Le CTM relie actuellement le théâtre d’opérations Barkhane, un bâtiment de la marine nationale, le porte-hélicoptères d’assaut Tonnerre, et bientôt le centre médico-chirurgical interarmées (CMCIA) de Djibouti avec les deux ensembles hospitaliers militaires nord et sud. Les rapporteures ont pu mesurer à Gao combien la possibilité d’une interprétation à distance des clichés de scanner était précieuse. Elle s’effectue grâce à un scanner, dont les utilisateurs ont tenu à souligner qu’il était d’une qualité équivalente à celle des meilleurs appareils de la métropole. Ceci est particulièrement utile aux chirurgiens devant pratiquer une opération ne relevant pas de leur spécialité.

La direction du SSA indique que la cible est, à terme, de disposer d’un système interopérable de télémédecine prenant en compte le territoire national, les forces prépositionnées, les bâtiments de la marine nationale et les OPEX.

 

2.   Les hôpitaux d’instruction des armées

Le projet « SSA 2020 » a redessiné la géographie hospitalière du SSA. Les huit HIA ont été répartis en deux groupes. Les établissements hospitaliers militaires (EHM), les deux HIA franciliens et les HIA Lavéran à Marseille et Sainte-Anne à Toulon, et les établissements hospitaliers civilo-militaires (EHCM) que sont désormais les HIA Desgenettes à Lyon, Robert Picqué à Bordeaux, Clermont-Tonnerre à Brest et Legouest à Metz. Les EHM composent deux plateformes nord et sud. Les EHCM travaillent en binôme avec un établissement hospitalier civil local mais tous les HIA sont intégrés au territoire de santé local. Les HIA Percy et Sainte-Anne ont été labellisés trauma center de niveau 1 par les agences régionales de santé (ARS) et les HIA Bégin et Laveran sont des pôles de référence en infectiologie.

Implantation des huit hôpitaux d’instruction des armées

Source : Direction des hôpitaux, SSA.

La patientèle civile représente environ 80 % de la patientèle des HIA. Elle leur est indispensable afin de maintenir une activité suffisante pour entretenir et développer les compétences nécessaires à l’exercice de la médecine militaire. Rarement évoqués sous cet angle, les hôpitaux militaires sont un formidable lien armée-Nation.

Les HIA ont mis en place un accueil personnalisé dans le cadre de circuits internes réservés aux militaires et à leur famille et des dispositifs pour faciliter la prise de rendez-vous. L’HIA Sainte-Anne a présenté aux rapporteurs son salon de sortie. Pour répondre aux besoins des familles, l’HIA Laveran propose de son côté une consultation destinée aux enfants et réfléchit à différents projets, tels qu’une consultation d’aide à la parentalité, à des consultations décentralisées.

a.   Assurer la projection

Tous les HIA participent aux OPEX dans des proportions variables. Les EHM assurent la plus grande partie du contrat opérationnel et ont vu leurs effectifs légèrement augmenter à ce titre alors que les EHCM ont vu une partie de leurs effectifs transférés vers des établissements civils.

Participation aux opex par hôpital d’instruction des armées

Source : SSA, direction des hôpitaux.

 

Les projections concernent principalement les infirmiers généraux, de bloc opératoire et anesthésistes, les aides-soignants et les chirurgiens viscéraux et orthopédiques.

b.   Mais répondre à des injonctions paradoxales

Les personnels projetés sont absents, non seulement durant le temps de leur projection mais également durant celui de leur préparation opérationnelle et de leur régénération au retour. Il est parfois difficile de conserver une patientèle dans ces conditions, plus encore dans un hôpital civil où certains chirurgiens militaires auraient d’ailleurs du mal à se voir aménager des créneaux d’opérations.

Le niveau d’activité en opérations ne suffit pas au maintien des compétences. Pour cette raison, les postes à mandat réduit, autour de 60 jours, sont privilégiés en ce qui concerne les chirurgiens qui sont néanmoins absents quatre à cinq mois.

La chirurgie est aujourd’hui très spécialisée. Un chirurgien orthopédiste peut n’opérer que la main ou le genou. La polyvalence est au contraire indispensable sur le théâtre d’opérations où le chirurgien peut être amené à intervenir dans une spécialité qui n’est pas la sienne. En opérations, les deux chirurgiens d’une antenne chirurgicale réalisent l’ensemble des interventions.

Alors que les effectifs sont contraints, un HIA doit pouvoir être en sureffectifs par rapport à un établissement civil pour pouvoir assurer l’ensemble de ses missions militaires et civiles. Le recours à la réserve est indispensable.

3.   L’approvisionnement en produits de santé

La Direction des approvisionnements en produits de santé des armées (DAPSA) à Orléans se procure pour l’ensemble du SSA, médicaments et matériels et assure le soutien en opérations. Depuis le fuseau ouest de Barkhane est effectuée une commande mensuelle, par exemple, dont l’acheminement depuis Marseille peut prendre 45 jours. Les produits sanguins, dont le plasma lyophilisé, parviennent régulièrement toutes les trois semaines. En cas d’urgence une collecte de sang total peut être organisée, à titre dérogatoire OPEX, grâce à des volontaires qui se sont préalablement déclarés. La possibilité d’acheminer du sang total réfrigéré est actuellement à l’étude.

La pharmacie centrale des armées fabrique des médicaments spécialement pour le besoin des armées notamment dans les domaines chimique et nucléaire.

4.   La recherche

La recherche est une composante indispensable du SSA. Elle s’effectue à l’institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) mais également dans les hôpitaux d’instruction des armées, au centre de transfusion sanguine des armées (CTSA), au centre d’épidémiologie et de santé publique des armées (CESPA) et dans les centres médicaux des armées. Des recherches portent sur des aspects opérationnels très concrets comme le sommeil, la déshydratation, le coup de chaleur, la mesure de l’usure opérationnelle…

5.   Les écoles du service de santé des armées

Le SSA dispose de trois écoles. Les deux écoles militaires de santé de Lyon-Bron, l’école de santé des armées (ESA) et l’école du personnel paramédical des armées forment respectivement médecins et infirmiers (EPPA). L’école du Val-de-Grâce à Paris fédère l’enseignement, avec l’IRBA et les HIA, et propose des formations complémentaires pour les médecins et les personnels paramédicaux.

Les élèves reçoivent une formation en milieu civil et une formation militaire. En décembre 2018, l’ESA comptait 586 élèves et l’EPPA 252. Le SSA développe des spécialités non reconnues dans le secteur public telles que la médecine aéronautique, les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC)…

La formation à l’ESA est dimensionnée pour accroître la résilience du médecin, développer des capacités de leadership, des capacités physiques, des compétences techniques notamment grâce à la simulation.

Le concours d’entrée à l’école de santé est sélectif et voit s’inscrire environ 1 200 candidats pour une centaine de places offertes. Les avis sont partagés quant aux effets de la suppression du numerus clausus et de la première année commune aux études de santé (PACES) qui sera effective dès la rentrée 2020. Certains craignent pour l’attractivité de l’école qui était choisie par certains élèves plus pour le taux de réussite, réputé élevé, au concours de fin de première année que pour la militarité, d’autres pensent qu’au contraire la vocation militaire des nouveaux élèves sera plus affirmée et qu’ils seront aussi nombreux qu’aujourd’hui.

B.   Le soutien santé joue un rôle opérationnel majeur

La présence du SSA est la condition indispensable à l’entrée en premier que seuls sont à même d’assurer aujourd’hui de manière autonome la France et les États-Unis. Selon son contrat opérationnel, le SSA doit être en capacité de soigner jusqu’à 700 blessés par jour.

1.   Le soutien médical est intégré à la phase de planification des opérations

Le chef d’état-major opérationnel santé est placé auprès du centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), comme les états-majors air, terre et marine. Il est parallèlement en liaison avec le directeur médical du théâtre, qui représente la directrice centrale sur le théâtre, et l’adjoint opérationnel de la direction centrale du SSA.

Les états-majors opérationnels s’assurent que les forces et les matériels sont bien fournis à hauteur des besoins requis par le CPCO pour la conduite des opérations. Le CPCO gère la partie interarmées et les états-majors opérationnels conseillent et gèrent leurs spécificités et mais c’est le CPCO qui dirige les opérations, fait les choix et assume le risque acceptable.

 

2.   L’organisation du soutien

Il n’y a pas de manœuvre santé mais une partie santé dans la manœuvre. Le rôle de l’état-major opérationnel santé (EMOS) est de planifier, de participer à l’analyse des risques et de proposer des solutions.

Le soutien consiste en la médicalisation de l’avant, la réanimation et la chirurgicalisation de l’avant, la  « damage and control surgery » qui consiste à effectuer seulement les gestes indispensables à la survie et à la mise en condition pour l’évacuation précoce et systématique vers un HIA.

a.   Les différents rôles

Ils ne sont définis ni par leur taille, il existe de grands rôles 1 et de petits rôles 2, ni leur allure extérieure (tente, construction en semi-dur ou dur) mais par leur fonction. Le rôle 1 assure l’évaluation et la prise en charge initiale, il ne dispose pas de moyens chirurgicaux ; le rôle 2 est une antenne chirurgicale où le blessé est mis, le cas échéant, en condition d’évacuation ; le rôle 3 est un hôpital sur le théâtre, un choix que n’a pas fait la France actuellement, et le rôle 4 est un HIA sur le territoire français vers lequel le patient est évacué.

Le sauvetage au combat

chaine sante 2016

 Source : SSA, direction des hôpitaux.

 

La mise en œuvre de cette chaîne, qui ne comporte actuellement pas de rôle 3 dans le cadre de l’opération Barkhane, dirige les blessés directement du rôle 2 au rôle 4, et permet d’atteindre un taux de survie de 97 %, qui était, pour mémoire, de 30 % pendant la première guerre mondiale et de 50 % durant la seconde. Le blessé arrive en moyenne en 35 heures au rôle 4.

Sur le terrain le medical command & control commence au niveau de la cellule PECC (patient evacuation coordination cell or center), qui, comme l’ont vu les rapporteures à N’Djamena, reçoit les informations en même temps que la conduite des opérations (CO), formule la demande d’évacuation au moyen de la fiche « 9 line medevac request » et met en œuvre les aéronefs, dirige et trace le patient.

Les forces spéciales disposent d’un directeur médical et de moyens que leur fournit le directeur médical du théâtre.

b.   Le sauvetage au combat

i.   Les différents niveaux

Le sauvetage au combat de niveau 1 (SC1) est assuré par le blessé lui-même ou son camarade, équipés, comme chaque militaire, de la trousse individuelle du combattant (TIC). Elle comprend des pansements compressifs d'urgence, un garrot tourniquet, des bandes en caoutchouc pour les garrots d'appoint, un dispositif d'auto-injection de morphine, un rouleau d'adhésif microporeux, des compresses, des dosettes d'antiseptique, des petits pansements, un nécessaire à perfusion composé d'une poche à base de soluté de chlorure de sodium hypertonique, d'un kit de perfuseur stérile avec site d'injection, et des cathéters et seringues nécessaires à sa mise en place et son maintien. Cet équipement permet d’effectuer les premiers gestes qui sauvent, le plus grand risque étant l’hémorragie. Après la mise en sécurité, ces gestes sont la pose du garrot tourniquet, la mise en posture d’attente, et si nécessaire la réalisation d’un pansement compressif et la piqûre de morphine. La durée prescrite pour cette phase est de 10 minutes.

Le sauvetage au combat de niveau 2 (SC2) est réalisé par un auxiliaire sanitaire qui réalise des gestes de mise en condition de survie pour lesquels ils ont été formés (points de suture, perfuser par voie veineuse périphérique ou intra-osseuse, prendre en charge une détresse respiratoire en mettant en place l’oxygénation par un masque ou bien par la trachée en cas d’obstruction des voies aériennes supérieures…). Ces actions ne doivent pas excéder une heure.

Le sauvetage au combat de niveau 3 (SC3) incombe à un médecin ou un infirmier formés spécifiquement qui font les gestes complémentaires préparant le blessé à l’évacuation, et catégorisent les blessés, s’ils sont plusieurs, en Alpha, à évacuer en 90 minutes, Bravo en 4 heures et Charlie dans les 24 heures.

Il va de soi que les interventions réalisées tiennent toujours compte du contexte tactique.

ii.   Les premiers secours psychologiques

Ils ont vocation à devenir le versant psychologique de la trousse du combattant. Leur formation commence à être diffusée. Ils peuvent permettre par des actions faciles de garder le contact et de rassurer un camarade victime de sidération ou d’une autre manifestation de détresse psychologique entraînant une incapacité opérationnelle ; il peut, par exemple, s’agir d’un contact visuel, d’un contact de la main, de la demande d’une réponse à un ordre simple. Ces secours devraient à terme être enseignés à tous les militaires.

c.   Des personnels fortement sollicités

Autour de 200 personnels santé sont déployés en permanence dans le cadre de l’opération Barkhane et travaillent sous l’autorité d’un directeur médical. Plus de vingt métiers sont représentés : chirurgiens, médecins, psychiatre, dentistes, pharmaciens, vétérinaires qui s’occupent de l’hygiène en opérations et de la qualité de l’eau, psychologues, infirmiers, aides-soignants, auxiliaires sanitaires, techniciens de maintenance des matériels santé, brancardiers, secouristes, la liste n’étant pas exhaustive…

Une moyenne de 70 à 80 équipes médicales et de cinq à sept équipes chirurgicales est projetée en permanence. La sujétion est acceptée mais la chronicité engendre une fatigue opérationnelle, ou war fatigue, compte tenu du déficit en ressources humaines, notamment en ce qui concerne la chirurgie et la médecine des forces. 350 personnels du SSA sont en alerte permanente.

d.   Les évacuations sanitaires

Il convient d’évoquer en premier lieu les évacuations tactiques sur le théâtre, avant les évacuations stratégiques. Les vecteurs sont pluriels : CasaNurse, hélicoptères Caïman ou Cougar.

Les HIA Bégin et Percy sont alternativement d’astreinte une semaine sur deux pour aller chercher un patient dans le cadre des évacuations sanitaires (STRATEVAC), les médecins anesthésistes-réanimateurs devant pouvoir se rendre à l’aéroport de Villacoublay en moins d’une heure. Dans le cadre d’une éventuelle utilisation du kit MORPHEE, une équipe plus large mettant tous les HIA à contribution est d’astreinte durant un mois.

i.   Les moyens aériens

Le module MORPHEE est un moyen d’évacuation médicalisée collective permettant la prise en charge de six patients lourds ou quatre patients lourds et huit patients couchés. Les armées disposent de deux kits MORPHEE qui peuvent être mis en œuvre, conjointement par l’armée de l’air et le SSA, dans un C135, un appareil se trouvant en alerte permanente sous 24 heures.

Avec le concours de l’armée de l’air, le SSA a entrepris d’adapter ces deux kits au MRTT Phénix d’ici à la fin 2019. Cette capacité sera remplacée à l’horizon 2 030 par le nouveau système de médicalisation des aéronefs tactiques et stratégique (SyMATS), qui pourra être installé selon différentes configurations sur plusieurs types de vecteurs stratégiques et tactiques, à la différence du kit actuel qui s’est avéré peu flexible.

ii.   Vers une nouvelle répartition des patients entre plateformes hospitalières nord et sud

Le tableau ci-dessous indique la répartition des 786 MEDEVAC réalisées en 2018. Parmi elles, 29 ont concerné des patients P1, les plus graves ; les avions gouvernementaux de type Falcon ont été utilisés 51 fois.

nombre de medevac effectuées en 2018

Source : SSA, direction des hôpitaux, données de l’état-major opérationnel santé.

Il ressort clairement une disproportion entre nord et sud. La répartition entre plateformes nord et sud devrait évoluer à l’avenir lorsque les MRTT Phénix se poseront à Istres. Il est toutefois vraisemblable qu’une grande partie des évacuations individuelles en Falcon, stationnés à Villacoublay, se dirigera toujours vers l’Île-de-France.

iii.   Les vecteurs routiers

L’arrivée à Barkhane du VBCI San qui remplacera à terme le VABSan est saluée positivement. Ses 28 tonnes protégeront les équipes médicales régulièrement prises pour cibles bien que les véhicules soient dorénavant désilhouettés. Le kit développé pourra aussi équiper le VAB Ultima.

e.   La coopération avec les structures médicales étrangères

Les rapporteures ont eu l’occasion de visiter le rôle 1 du service de santé de l’armée allemande implanté dans le camp de la MINUSMA à Gao. Elles ont été impressionnées par la qualité des infrastructures, des équipements techniques et des vecteurs routiers rutilants. Il semble toutefois qu’un corpus de règles diverses est actuellement un frein à une collaboration institutionnelle fluide. Mais, comme souvent, dans l’adversité, les femmes et les hommes du terrain trouvent des solutions et parviennent à s’apporter l’aide nécessaire. Des conventions de partenariat pourraient permettre de progresser dans le sens d’une meilleure utilisation, voire de la mutualisation de certains équipements.

f.   L’aide médicale à la population

Elle représente une spécificité constante des armées françaises présentée aux rapporteures à N’Djamena. Lien indispensable avec la population, elle est aussi utile aux praticiens pour l’entretien de leurs compétences souvent, et heureusement, sous-sollicitées en OPEX. Les rapporteures saluent l’esprit dans lequel se déroule cette aide, dans la préoccupation du réseau de soins local, qu’il convient de ne pas désorganiser, dans le respect de la culture et des habitudes locales, en calibrant les interventions chirurgicales en fonction des soins de suite susceptibles d’être apportés sur place.

II.   Le sas de fin de mission : un dispositif mature

À la fois dispositif de reconnaissance et, dans une moindre mesure, de prévention, le sas de fin de mission s’est durablement inscrit dans le déroulement des opérations, dont il fait pleinement partie, et ni son utilité, ni sa pérennisation ne sont plus discutées aujourd’hui.

Le sas de fin de mission n’est pas un dispositif médical. Géré par l’armée de terre, il est un espace matériel et immatériel de transition entre les opérations extérieures et la vie quotidienne, destiné à favoriser le repos et la désactivation temporaire des mécanismes à l’œuvre en opérations, associée à la séparation du groupe, afin de faciliter le retour du militaire.

Afin d’en appréhender la portée, les rapporteurs ont participé au déroulement d’un sas, durant une rotation complète de trois jours, avec des militaires de retour d’opérations.

A.   Une organisation au cordeau

Les prestations matérielles, hôtellerie, restauration, transports, loisirs font l’objet d’un marché public attribué à un prestataire unique qui met en place une équipe locale avec laquelle l’organisation militaire travaille étroitement durant le séjour.

L’organisation militaire du sas requiert des spécialistes et des généralistes de tout niveau pour faire fonctionner le dispositif. Il est, dans la mesure du possible, fait appel à des personnels issus des unités auxquelles appartiennent les bénéficiaires attendus. Les spécialistes sont : quatre psychologues, un infirmier, trois conseillers facteur humain, quatre moniteurs de techniques d’optimisation du potentiel (TOP), deux chargés d’administration et de finances, une équipe de commandement de deux officiers, trois membres du détachement de transit interarmées (DéTIA) pour la planification des vols. Douze généralistes assurent l’accueil et la conciergerie.

Les rotations se succèdent rapidement. Le déroulement d’un sas est un mécanisme d’horlogerie demandant l’adhésion et l’investissement des équipes d’encadrement dont l’implication est un facteur important de la réussite du séjour. Les équipes peuvent avoir à faire face à des circonstances non maîtrisées, telles que des aléas aériens et climatiques, un nombre de participants supérieurs au volume annoncé. Elles doivent savoir faire preuve de réactivité, tout comme les équipes du prestataire. Les rapporteures ont pu constater sur place l’énergie déployée et la qualité du travail individuel et collectif effectué dans la bienveillance et le respect des objectifs du sas.

Compte tenu de la logistique impliquée, le commandant du théâtre concerné doit formuler sa demande d’activation du sas au plus tard neuf semaines avant la date envisagée, ce délai étant une clause du marché. Un sas peut être ouvert pour 50 personnes.

De 2009 à 2018, le sas de fin de mission a accueilli 57 983 militaires. Après avoir été installé à Chypre et au Sénégal, il l’est aujourd’hui à Chania, en Crète. Le taux de satisfaction moyen exprimé par les 9 890 bénéficiaires de 2018 atteint 90,70 %. Le coût unitaire d’un séjour est de 646 €.

B.   Un programme éprouvé

Les objectifs du sas sont les suivants :

-         le repos individuel,

-         la préparation et l’accompagnement au retour,

-         la prévention des comportements inadaptés au retour et des difficultés d’ordre psychologique,

-         l’identification et orientation du personnel pouvant avoir quelques difficultés,

-         la reconnaissance de la mission effectuée.

Le contenu du sas a évolué depuis sa mise en place et s’est graduellement allégé en se tournant résolument vers l’avenir et le retour, l’évocation de la mission étant laissée au libre choix de chacun auprès des personnels compétents, sauf pour les encadrants pour lesquels est prévu un entretien avec un psychologue. La tenue militaire a été abandonnée et les activités de loisirs sont désormais entièrement facultatives, avec toutefois l’obligation de suivre celles pour lesquelles une inscription a été enregistrée. Ainsi un militaire qui souhaite se reposer au calme à l’écart du groupe pourra ne participer qu’aux activités obligatoires. La discipline n’est pas oubliée et des règles sont indiquées en matière de sortie, de consommation d’alcool et de comportement.

La durée du sas est de trois jours ; un sas prolongé, en raison d’un problème de transport aérien par exemple, fait chuter drastiquement l’indice de satisfaction. Un sas écourté ne produit pas les effets attendus. Le lieu est important, un hôtel de qualité, avec une salle de sport, une piscine, situé dans un lieu agréable, idéalement en bord de mer, sous des cieux cléments et dans un environnement sûr. La qualité des prestations, très appréciée, joue un rôle majeur en termes de considération.

Le sas débute impérativement par un repos d’une durée incompressible de sept heures quels qu’aient été les aléas aériens. Les militaires sont en tenue civile et peuvent faire laver leurs effets militaires. Le programme se décompose en un petit nombre d’activités obligatoires, facultatives, en loisirs et en repos.

Les réunions et activités obligatoires sont :

-         Le premier jour : la présentation du sas et les consignes, l’information post OPEX sur la prévention des conduites inadaptées (consommation d’alcool excessive, irritabilité, conduite routière inappropriée…), une information commune des psychologues et des conseillers facteur humain par groupes, la première séance de TOP

-         Le deuxième jour : la deuxième séance de TOP

-         Le troisième jour : la troisième séance de TOP et l’évaluation individuelle du séjour

Les réunions et activités facultatives sont : les entretiens psychologiques individuels, le massage, le sport organisé ou non (footing, musculation, foot, tennis, basket…), les animations en soirée, les visites culturelles, les activités à l’extérieur (karting, bowling, par exemple), l’information collective sur les enjeux du retour en famille.

Le retour, et le retour en famille en particulier, sont l’objet simultanément de désir et de crainte. L’anticipation idéalisée du retour se heurte souvent à une réalité différente. Le bonheur partagé de se retrouver peut s’accompagner de décalages qui se dissipent avec le temps. Il est important que l’attention du militaire soit attirée sur ses réactions éventuelles et celles de son conjoint et de ses enfants afin de réintégrer la vie familiale de la manière la plus sereine possible. Au cours du séjour des rapporteures, les militaires, relativement peu nombreux, qui ont assisté à cette réunion et à la présentation, non dénuée d’humour, ont regretté que leurs conjoints ne reçoivent pas cette même information. Il leur semble en effet qu’une information provenant de l’institution serait bénéfique et mieux perçue que par leur intermédiaire. Les rapporteures observent à ce propos que cet objectif est normalement rempli par les réunions d’informations en direction des familles organisées avant et durant la projection.

 

Les techniques d’optimisation du potentiel

Le centre national des sports de la défense (CNSD) forme des moniteurs aux techniques d’optimisation du potentiel. Présentées comme une boîte à outils dans laquelle puiser afin de donner le meilleur de soi en fonction des circonstances, ces techniques poursuivent différents objectifs dont voici les principaux :

- favoriser la récupération physique et mentale,

- se dynamiser avant une activité, physiquement et psychologiquement,

- se réguler durant l’action.

Elles ont recours à la respiration, l’imagerie mentale et la relaxation. Durant le sas, la première séance est consacrée à la relaxation musculaire directe, la deuxième à la relaxation posturale et aux étirements et la troisième à la relaxation musculaire indirecte.

Les moniteurs de techniques d’optimisation du potentiel (TOP) formés, dont ce n’est pas la fonction principale, sont actuellement au nombre de 400.

Le volet prévention est assuré par les rendez-vous individuels avec un psychologue, pour ceux qui le souhaitent, et par une information collective sur les comportements qui, pour être éventuellement présents au retour (agressivité, autoritarisme, isolement, hypervigilance, conduite automobile inadaptée…) doivent disparaître rapidement. Des difficultés de sommeil, de réadaptation, des rêves en lien avec l’OPEX, la perte d’intérêt et de motivation, une consommation d’alcool excessive doivent alerter. Il est indiqué aux militaires les différents interlocuteurs vers lesquels ils peuvent se tourner.

L’avenir du sas de fin de mission :

Si les effets bénéfiques du sas sont reconnus, sa pérennité dépend toutefois de nombreux facteurs extérieurs, dont le choix d’un lieu approprié dans des conditions économiques acceptables. Le lieu choisi doit répondre aux caractéristiques évoquées plus haut, mais aussi se situer à proximité d’un aéroport. Des prospections sont organisées, notamment pour tenter de se rapprocher de la France, mais trouver un lieu adéquat disponible à 90 jours pour un nombre de personnes variable est une gageure.

Les rapporteures sont convaincues de bien-fondé de ce dispositif et insistent sur la nécessité de le maintenir.

C.   Mais toujours perfectible

Le transport aérien est certainement un axe d’amélioration, et, notamment, le retour à Paris qui se fait à Roissy aux petites heures de la nuit, alors qu’aucun transport en commun ne circule. Les unités viennent généralement chercher leurs collègues. Mais ce n’est pas le cas pour les personnels isolés ou des réservistes qui se trouvent sans autre possibilité que le taxi.

De nombreux personnels isolés échappent, par ailleurs, au sas, soit parce que leur calendrier ne correspond pas à celui des rotations prévues, soit parce qu’ils peuvent être oubliés. Les rapporteures estiment qu’il convient de veiller à ce que l’ensemble des militaires projetés, dont ceux qui relèvent de la fonction santé, passe impérativement par le sas de fin de mission.


—  1  —

III.   Le service de santé des armées doit demeurer le pivot du suivi après la phase initiale

A.   La médecine des forces au cœur des unités

Les médecins des antennes médicales connaissent les militaires qu’ils reçoivent régulièrement ainsi que les contraintes attachées à la fonction qu’ils exercent dans un environnement spécifique. Cette proximité avec le terrain associée au dossier médical unique font du médecin des forces le pivot du suivi du patient et de son parcours. Les CMA disposent pour ce faire, au sein de leur cellule de commandement, de personnels paramédicaux en charge du suivi et de la coordination du parcours de soins des malades et blessés en service, en lien avec les HIA et la médecine civile.

Un progrès important a été réalisé avec le transfert du dossier médical des militaires en congé de longue maladie (CLM) ou en congé de longue durée pour maladie (CLDM), des organismes de gestion des personnels isolés aux CMA. Outre le secret médical désormais pleinement respecté, la prise de rendez-vous en HIA pour le renouvellement semestriel du congé est facilitée et le blessé dispose d’un interlocuteur à même de l’aider et de l’orienter dans son parcours. Le CMA peut être celui du lieu de résidence du blessé.

B.   le Bureau offre de soins

Créé en 2012, le bureau « Offre de soins – parcours de santé » du SSA été rattaché à la division « Expertise et stratégie santé de défense » en 2018. Il veille à la cohérence et la continuité des parcours entre les établissements du SSA et le secteur civil de santé avec pour objectif la volonté d’organiser une prise en charge globale, continue et coordonnée. Il est, au SSA, l’interlocuteur des différents acteurs du suivi des blessés au sein du ministère.

C.   Les différents acteurs

1.   La coordination est un facteur déterminant

La liste des acteurs est longue et la clef de la réussite d’un accompagnement réside principalement dans sa coordination. Le médecin imprime le rythme en indiquant à quel moment l’état de santé physique et psychologique du blessé lui permet de passer à l’étape suivante. Les acteurs doivent se coordonner et n’oublier aucun pan du soutien tout en veillant à éviter les redondances. Des commissions de suivi se sont mises en place dans tous les HIA et dans les unités, rassemblant de plus en plus d’intervenants.

2.   Le commandement de proximité et l’unité d’appartenance

Le commandement local est le premier maillon du soutien et le demeure institutionnellement au long de la convalescence du blessé, jusqu’au passage en CLM ou CLDM, lorsque le blessé quitte administrativement son unité. Le commandement met en œuvre les leviers du soutien dont le principal est l’action sociale des armées. Il lui revient d’établir le rapport circonstancié et l’inscription de l’événement au registre des constatations, deux actes qui revêtent un caractère central dans les démarches ultérieures qui seront entreprises par ou pour le blessé.

En cas d’événement grave, il a la lourde charge de prévenir la famille d’un décès ou d’une blessure. Les visites du commandement et des camarades au blessé sont citées comme des marques de considération très attendues et appréciées.

Le déroulement du parcours du blessé est suivi à intervalles réguliers par des commissions locales ad hoc rassemblant les acteurs de l’accompagnement. Au cours de leurs déplacements sur le terrain, les rapporteures ont rencontré des personnels très investis dans cette tâche faisant preuve comme l’a exprimé le général Paccagnini aux rapporteures lors de son audition d’un « attachement viscéral à aider et à accompagner ceux qui souffrent [13] ».

3.   La famille

À la fois soutenant et soutenu, acteur et sujet de l’accompagnement, la famille joue un rôle central dans le rétablissement du blessé. Les difficultés rencontrées par sa famille peuvent en effet compromettre le bon rétablissement du blessé et le priver du soutien qu’elle devrait être en mesure de lui apporter. La dimension de l’importance de la famille dans la vie du militaire est de mieux en mieux prise en compte comme en témoignent le Plan Famille ou les maisons des familles des HIA. Des dispositions sont prises pour que la Maison numérique des blessés et des familles soit dans un avenir proche accessible sur internet afin de faciliter l’accès à certaines démarches et à l’information.

Le rôle de la famille est essentiel à plusieurs titres : pour le soutien actif qu’elle apporte au blessé et parce qu’un blessé, certain que sa famille est, elle aussi, soutenue et à l’abri de difficultés, notamment financières, est plus serein et se rétablit plus vite.

C’est dans cet esprit que la prise en charge des frais liés à la présence des accompagnants au chevet du blessé a été revue en 2018 et concerne désormais six personnes au maximum, au lieu de deux précédemment, désignées soit par le blessé, soit par le service social parmi sa famille ou ses proches. Elle a été étendue de 21 à 56 jours calendaires, soit huit semaines, et peut être prolongée à titre exceptionnel. Le plafonnement des frais, financés pour moitié par l’Établissement public des fonds de prévoyance (EPFP), est le suivant :

 

Type de prestation

Montant

Hébergement

125 € par nuitée et par chambre, maximum

Restauration

15.25 € par repas, deux repas par jour

Transport A/R

Prise en charge de deux allers-retours du domicile à l’hôpital durant le séjour

Stationnement

72 heures maximum durant le séjour

Transports urbains

42 € à l'ouverture des droits, par accompagnant, puis 21 € par semaine au-delà de 2 semaines jusqu'à 6 semaines

Source : e-social des armées.

 

Il ressort de ces montants que malgré les améliorations, bienvenues, la prise en charge de deux allers-retours en huit semaines est tout à fait insuffisante et surtout inadaptée à la situation d’un conjoint et parent actif professionnellement qui se déplace durant les week-ends. Le transport reste donc le poste le plus lourd, sans parler des familles de blessés originaires de l’outre-mer, certaines hospitalisations durant par ailleurs bien au-delà de huit semaines.

Les malades hospitalisés, dont la maladie est en lien avec le service, en raison d’un coup de chaleur ou du paludisme contracté en OPEX par exemple, ne bénéficient pas de cette prise en charge, qui ne concerne nommément que les blessés dans la circulaire du 6 avril 2018 ([14]) la définissant. Les rapporteures s’interrogent sur les fondements de cette exclusion qu’elles recommandent de revoir.

Le financement associatif contribue à la prise en charge de ce poste de dépenses dont l’impact est particulièrement important pour les familles.

4.   Les cellules d’aide aux blessés

Les cellules d’aide aux blessés sont un maillon essentiel du soutien des blessés et des malades dont elles connaissent les difficultés concrètes dans tous les aspects de la vie. Elles sont une source précieuse d’informations pour l’adaptation des mesures institutionnelles et constituent un point d’accès indispensable pour les blessés, les malades et les familles. Si leur fonctionnement est identique dans les grandes lignes, elles ont toutes des particularités dues à leur histoire, à la culture de l’armée ou du service pour lequel elles agissent, qu’il convient de respecter pour que le blessé se trouve en quelque sorte chez lui lorsqu’il les contacte. Néanmoins, on ne peut qu’encourager les synergies rendues possibles par l’implantation géographique des cellules aux Invalides et que l’évolution de l’Institution nationale des Invalides devrait encore renforcer.

a.   La cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre

Créée le 1er septembre 1993, la CABAT accompagne le blessé en service à partir de son passage en CLM ou CLDM et prend le relais de l’unité. Elle est toutefois informée en cas de rapatriement sanitaire et d’hospitalisation pouvant entraîner une indisponibilité supérieure à 30 jours. La CABAT est destinataire des comptes rendus établis par les commissions de suivi trimestrielles qui se déroulent dans les unités et peut ainsi poursuivre et initier les mesures adéquates après le passage de témoin. Son effectif est de 29 personnes.

La CABAT est en mesure de fournir des chiffres très précis concernant les militaires qu’elle suit. Des chiffres transmis aux rapporteures, il peut être établi que, sur les 940 blessés suivis par elle en congé du blessé, CLM ou CLDM :

-         704 sont des blessés en OPEX, 214 en métropole et 14 en OPINT,

-         757 sont des militaires du rang, 163 des sous-officiers et 20 des officiers,

-         900 sont des hommes et 40 des femmes,

-         les armes les plus touchées sont l’infanterie avec 281 blessés, les troupes de marine, avec 198 blessés, le génie avec 98 blessés et l’arme blindée cavalerie avec 91 blessés.

La CABAT indique n’avoir pas les moyens de suivre également les blessés hors service. Elle est toutefois en capacité de les orienter si des besoins sont identifiés par des acteurs locaux de l’accompagnement.

b.   La cellule d’aide aux blessés, malades et familles de l’armée de l’air

La CABMF a été créée en 2007. Elle accompagne les familles endeuillées et les blessés en service et hors service en CLM et CLDM, voire en congé du blessé et en congé initial. Elle emploie neuf personnes.

Les chiffres communiqués par la CABMF indiquent qu’elle accompagne autour de 500 blessés et malades dont environ 400 de façon continue. Parmi eux, en juillet 2019, 122 étaient en CLM, 290 en CLDM et 46 en congé du blessé.

En régions, les cellules locales d’aide et de suivi du soutien (CLASS) contribuent à l’accompagnement du personnel isolé demeurant dans le périmètre d’action de la base aérienne.

En 2018, la CABMF a organisé son premier stage de reconstruction par le sport, JESP’AIR, devant être reconduit en 2019.

c.   La cellule d’aide aux blessés et d’assistance à la famille de la marine

La CABAM a été créée en 2011. « Chaque marin compte » : la CABAM accompagne donc l’ensemble des blessés en et hors service, à leur passage en CLM et CLDM ainsi que les cas les plus graves dès qu’elle reçoit l’information. Le chef de la CABAM est membre des commissions locales de suivi.

La CABAM indique suivre 450 dossiers mais être de plus en plus souvent sollicitée par des cas anciens. Parmi les nouveaux blessés et malades en service suivis en 2018, seuls cinq sont des blessés en OPEX, une catégorie qui ne correspond guère à l’activité de la marine, qui compte en revanche 38 blessés en missions opérationnelles.

Les marins-pompiers peuvent disposer de toutes les structures de la marine dont la CABAM mais ont créé le comité de suivi du personnel en indisponibilité de longue durée (CSPILD) en 2016 dont la mission est d’assurer le contact avec le personnel au-delà du 60ème jour d’arrêt et de maintenir le lien avec les familles endeuillées.

d.   La cellule d’aide de la gendarmerie nationale

Créée fin 2015, la CABGN a adopté un mode de fonctionnement déconcentré et ne compte que deux personnes. Informée de la survenue d’un événement, elle évalue la gravité et les conséquences potentielles de la blessure. Elle contacte ensuite le chef de bureau de l’accompagnement du personnel ou le bureau des ressources humaines de la formation administrative dont relève le blessé. La CABGN traite directement certains graves ou sensibles.

La gendarmerie a déployé un outil numérique de recensement des blessés en service dans le système d’information de ressources humaines permettant de s’assurer de la bonne mise en œuvre des mesures d’accompagnement.

2 736 gendarmes ont été blessés de janvier à fin mai 2019 dont 1 544 en mission et deux gendarmes ont péri ([15]). Si le nombre de blessés est comparable à la même période de 2018, les accidents de sports sont en très forte progression, peut-être due au nouveau mode de comptabilisation.

e.   La cellule d’aide des malades et des blessés du service de santé des armées

La CABMSSA a été créée en 2016. Les personnels du SSA étaient auparavant soutenus par la CABAT. La CABMSSA accompagne les militaires en CLM et CLDM ainsi que les familles de militaires décédés en service mais vient en appui du commandement lorsqu’elle est sollicitée, dans le cadre du congé du blessé, par exemple. Elle est également amenée à accompagner des anciens militaires blessés non ressortissants de l’ONACVG, plus nombreux au SSA en raison de la nature des activités du service.

L’accompagnement s’étend à la chaîne santé et la cellule accompagne les militaires de l’armée auxiliaires sanitaires, les militaires techniciens de l’armée de l’air et les commissaires du service du commissariat des armées ancrage santé selon l’instruction du 21 mars 2016. Son personnel est au nombre de trois et estime suivre autour de 520 personnes.

Au 1er juillet 2019, la CABMSSA accompagnait 475 militaires du SSA atteints d’une affection survenue du fait ou à l’occasion du service, dont 315 (66 %) pour lesquels l’affection est survenue en OPEX.

Nombre de militaires atteints d’une affection survenue du fait d’une opex accompagnés par la CABMSSA au 30 juin 2019

Blessés et malades en service

Praticiens

MITHA ([16])

Professions à ancrage santé ([17]

Autres

Total

Physiques

15

35

35

6

91

Psychiques

33

54

92

23

202

Malades

4

7

8

3

22

Total

52

96

135

32

315

Source : Direction centrale du SSA.

La légion étrangère et la brigade des sapeurs-pompiers de Paris disposent également d’une cellule d’aide aux blessés, un dispositif qui a fait ses preuves et s’est généralisé.

5.   Les acteurs du secrétariat général pour l’administration

Le secrétariat général pour l’administration joue un rôle majeur dans le suivi des blessés.

a.   Le chargé de mission auprès du secrétaire général

Dialoguant et menant une réflexion avec tous les acteurs du soutien, internes et externes, le chargé de mission placé auprès du secrétaire général pour l’administration, est responsable de l’animation et de la coordination de la politique ministérielle en faveur des militaires blessés et des familles endeuillées. Il dispose d’une vue d’ensemble lui permettant d’agir en faveur de l’amélioration des dispositifs. Force de proposition, il est en lien avec le cabinet de la ministre des Armées. Il a été notamment chargé de la coordination du projet de Maison numérique des blessés et des familles.

Il représente un rouage essentiel assurant une communication fluide entre les attentes exprimées et la décision politique. Il est important que ce poste soit pérennisé, ce qui ne semble pas mis en question à l’heure actuelle.

b.   L’action sociale des armées

Le réseau de l’action sociale des armées est constitué de 631 postes d’assistants de service social et de conseillers techniques de service social répartis dans sept centres territoriaux, dans les hôpitaux d’instruction des armées ainsi que dans des structures en outremer et à l’étranger. L’assistant de service social fait appel, face à une difficulté exprimée, à l’ensemble des dispositifs de droit commun et aux dispositifs institutionnels du ministère en coordination avec l’ensemble des acteurs du soutien, tout particulièrement dans le cadre de la blessure et du deuil.

Lors de la survenue d’une blessure grave ou d’un décès, l’assistant de service social est, avec le chef de corps, un des premiers intervenants auprès des familles dont il analyse les besoins afin de mettre en œuvre les actions et les secours éventuellement nécessaires. Les assistants de service social en poste en HIA suivent le blessé pendant son séjour, organisent la venue de ses proches et actionnent la prise en charge correspondante dans les conditions fixées par la règlementation. Une tension dans les effectifs d’assistant de service social dans les HIA a été relevée.

L’assistant de service social participe aux commissions de suivi des blessés dans les unités et deux conseillers techniques de service social sont en poste auprès des cellules d’aide regroupées aux Invalides. Ils sont le lien avec les assistants de terrain.

Dans la volonté revendiquée par différentes autorités d’améliorer le maintien du lien avec le blessé en congé maladie de longue durée ou à son départ de l’institution, l’assistant de service social joue un rôle clef car il est l’unique pôle de stabilité parmi des unités et des encadrants en mouvement perpétuel. Il est donc important que lui parviennent les informations concernant les blessés demeurant dans la zone géographique dont il a la charge.

Les séances de sensibilisation destinées aux familles

L’action sociale des armées organise avec un prestataire extérieur des séances collectives de sensibilisation animée par un psychologue autour des OPEX destinées aux familles. Avant le déploiement, les thèmes abordés sont :

-         la gestion de l'absence,

-         la séparation et ses effets sur la famille et les enfants,

-         la gestion du contexte difficile des opérations extérieures, Harpie et Vigipirate,

-         l'impact sur les familles des informations diffusées par les médias,

-         la présentation du dispositif mis à leur disposition.

Après le déploiement et avant le retour du militaire, les thèmes abordés entrent en résonance avec l’information donnée aux militaires durant le sas de fin de mission, à savoir :

-         comprendre les réactions consécutives au stress opérationnel,

-         gérer les répercussions de l’absence dans la sphère privée et professionnelle,

-         prévenir les effets sur le comportement et le moral,

-         aider à la réadaptation à la vie de famille,

-         rappeler la mise à disposition d’Écoute Défense.

Les rapporteures observent toutefois que ces réunions dont le programme semble tout à fait adapté ont touché un public restreint puisqu’il s’en est tenu seulement 38 en 2018 (67 en 2017, 110 en 2014). S’agit-il de l’absence de demandes de la part du commandement local, d’un désintérêt des familles, d’un contenu décevant ?

Les rapporteures préconisent que ces réunions se tiennent de façon systématique dans chaque unité projetant des effectifs.

Les rapporteures sont convaincues du rôle déterminant des travailleurs sociaux dans le suivi des blessés, un rôle qu’elles souhaiteraient voir encore affirmé. Elles reprennent à leur compte le sentiment des auteurs du rapport de 2014 selon lequel la synergie entre l’action sociale et les acteurs du soutien des blessés pourrait être encore améliorée. Les travailleurs sociaux sont en effet les mieux à même de connaître les dispositifs de droit commun et les dispositifs internes au ministère des Armées et à pouvoir articuler leur mise en œuvre en fonction des cas individuels. Les rapporteures souhaitent voir les assistants de service social se saisir encore davantage du suivi des blessés.

c.   La Caisse nationale militaire d’assurance maladie

L’action sociale des armées exerce la tutelle de la CNMSS. Les militaires sont affiliés à la CNMSS, qui, pour être un régime spécial, ne propose pas de prestations supérieures à celles du régime général auquel elle est intégrée financièrement. Compte tenu du rythme de mutation des militaires, la caisse présente la particularité, et l’immense avantage, d’être une caisse unique quel que soit le lieu de résidence des militaires et de leur famille, y compris outre-mer et à l’étranger, leur épargnant ainsi de longues démarches administratives de changement de caisse de rattachement

La CNMSS participe à des actions d’information et de prévention et propose aides à domicile et secours à ses assurés. Elle joue un rôle essentiel dans le parcours du blessé et celui des pensionnés invalides de guerre.

Les pompiers de la BMPP et les marins du BMPM relèvent de la CNMSS mais non du dispositif des affections présumées imputables au service (APIAS), mission déléguée par le ministère de la défense, évoquée plus avant.

 

d.   L’Agence de reconversion de la défense

L’agence de reconversion de la défense offre un panel de services complet aux militaires en reconversion. Depuis 2015, elle s’est organisée pour améliorer l’accompagnement des blessés vers l’emploi. Le nombre de référents blessé est passé de 13 à 50 et un élément de liaison a été mis en place aux Invalides auprès des cellules d’aide et de l’ONACVG. Ce réseau est composé de personnel formé et animé par une référente nationale qui lui est consacrée. L’ARD participe désormais aux commissions de suivi des HIA. L’avis des médecins est essentiel en matière de reconversion. En effet, la transition professionnelle représente souvent un traumatisme pour un militaire valide. Elle peut, chez un militaire présentant une fragilité être le moment où apparaissent des symptômes de SPT. Si, en règle générale, une reconversion doit être anticipée entre 12 et 18 mois avant le départ de l’institution, elle doit l’être entre 18 et 24 mois chez un blessé.

Les performances de l’agence s’en sont trouvées accrues et sont passées de cinq blessés reclassés en 2013 et 13 en 2014 à 174 de 2016 à aujourd’hui. L’ARD estime que ce chiffre est toutefois loin d’être satisfaisant et que les efforts doivent se poursuivre pour faire connaître l’agence à la fois chez les militaires et chez les employeurs. Les rapporteures soulignent au passage que la double appellation Défense Mobilité et Agence de reconversion de la défense est source de confusion.

L’ARD finance des stages de formation mais pas les frais de déplacement inhérents pour lesquels il est recouru au financement associatif.

Par ailleurs, les rapporteures se félicitent du renforcement des offres de prestations d’accompagnement de Défense mobilité en faveur des conjoints de militaires prévu par le Plan Famille. En fonction de leur projet professionnel et de conditions d’éligibilité, les conjoints peuvent désormais bénéficier du cofinancement de formations professionnelles longues en complément de Pôle Emploi et du financement de formations courtes.

e.   Deux entités en charge de la réparation et de la reconnaissance

Parmi les services relevant du SGA figurent également la sous-direction des pensions, responsable des pensions militaires d’invalidité et la sous-direction du contentieux, responsable de l’indemnisation complémentaire.

Ces deux sous-directions n’assurent pas un suivi à proprement parler mais jouent un rôle déterminant dans le cadre des démarches administratives inhérentes aux suites de la blessure. Les rapporteures reviendront plus avant sur l’instruction de ces dossiers ([18]).

6.   Les aumôniers

Les aumôniers des cultes catholique, israélite, musulman et protestant recrutés par les armées doivent suivre la formation initiale des aumôniers militaires (FIAM) à l’École des commissaires des armées (ECA). Le décret n° 2017-756 du 3 mai 2017 relatif aux aumôniers militaires, hospitaliers et pénitentiaires impose en outre, pour les aumôniers rémunérés ou indemnisés nouvellement recrutés, la détention d’un diplôme de formation civile et civique, portant notamment sur la laïcité et les valeurs de la République.

Sur les 220 aumôniers d’active et les 70 aumôniers de réserve ([19]), une dizaine est déployée en permanence. Les aumôniers sont également présents dans les unités et dans les HIA. Leur rôle ne se limite pas à la dimension cultuelle. Ils offrent un accompagnement humain, spirituel et moral à l’ensemble des militaires et à leur famille indépendamment des croyances et des convictions de chacun.

Les aumôniers sont projetés avec les soldats, vivent avec eux, se trouvent confrontés aux mêmes questions et doivent gagner leur confiance. Ils sont une possibilité d’écoute complémentaire, une oreille bienveillante hors hiérarchie. Les militaires peuvent s’ouvrir d’une faiblesse, d’un malaise sans la crainte d’une stigmatisation, d’une sanction ou d’une inaptitude. L’OPEX est souvent pour le soldat, loin de sa famille et de son quotidien, un environnement propice à l’introspection, à la réflexion sur le sens de la mission, le sens de sa vie. L’aumônier peut l’y aider. Son soutien moral est important dans le contexte d’un décès ou d’une blessure, à la fois sur place en OPEX et auprès de la famille à laquelle il peut rendre visite.

L’aumônier catholique auditionné par les rapporteures a attiré leur attention sur un stress, une blessure psychologique occultée dont les aumôniers sont souvent les confidents : la blessure affective. Les messages de rupture avant le retour sont une atteinte dont les militaires ont du mal à s’ouvrir à un médecin ou à un psychologue et qui peut avoir des conséquences susceptibles de constituer un trouble de l’adaptation motivant une évacuation.

Le conseil au commandement entre dans les fonctions de l’aumônier. Il peut s’agir d’un éclairage sur les différences culturelles sur le territoire de l’OPEX. L’aumônier visite également les hôpitaux et les orphelinats locaux, contribuant au lien avec la population. Il peut, anonymement, attirer l’attention du commandement sur des situations d’injustice, de harcèlement au sein des forces.

Les aumôniers catholique, musulman et protestant rencontrés à N’Djamena par les rapporteures ont fait plusieurs observations. Leur participation à la cellule de crise dès son installation leur permet de s’investir efficacement. Ils regrettent par ailleurs de ne pas être systématiquement informés de l’arrivée d’un blessé dans la structure de soin. Il leur semble également utile, dans le cadre du travail d’équipe que constitue le suivi du blessé, de participer, aux commissions de suivi des blessés, ce qui se pratique déjà en certains points. Leur participation à des entraînements de secours aux blessés, de cellule de crise pourrait contribuer à faire évoluer leur image auprès des soldats qui les associent souvent uniquement à la mort et aux cérémonies religieuses d’obsèques. Leur proximité s’en trouverait favorisée.

Ainsi que l’a exprimé l’aumônier israélite auditionné par les rapporteures à Paris : « L’aumônier est le soldat de la parole ». En l’espèce, les aumôniers ont émis le souhait de pouvoir bénéficier d’une formation à l’écoute et à la sensibilisation aux blessures psychiques, Ils sont bénéficiaires du sas de fin de mission à l’instar des militaires projetés.

7.   Les associations

Leur action est déterminante et complète l’action institutionnelle qui ne couvre pas l’ensemble des besoins des blessés et des familles endeuillées. Les actions des cellules d’aide nécessitant un financement reposent entièrement sur la solidarité des associations puisqu’elles ne disposent d’aucun budget. Les associations sont également une porte d’entrée pour les blessés et les familles qui sont en rejet de l’institution. Elles peuvent aussi agir en sentinelles pour pointer des cas nécessitant une aide spécifique et le suivi d’un parcours de soins.

Chaque année, la direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRH-MD) organise une réunion d’information des associations à vocation sociale pour les informer des évolutions concernant les militaires blessés. Le chargé de mission présente à cette occasion un point sur les travaux en cours et les perspectives.

Les associations ont récemment relevé une baisse des dons vraisemblablement en lien avec la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune mais aussi avec, l’individualisation de l’aide et la nouvelle pratique que constituent les cagnottes en ligne ouvertes pour un événement donné. Par ailleurs, l’Union des blessés de la face et de la tête et la Fédération Maginot, qui contribuent notamment au financement de divers dispositifs, dont la recherche, se sont dites préoccupées par le projet de privatisation de la Française des jeux et la préservation des ressources qui leur reviennent aujourd’hui.

Les rapporteures recommandent la labellisation des associations qui coopèrent avec le ministère des Armées.

8.   Le Centre national des sports de défense

Le CNSD, à Fontainebleau, est un acteur central du parcours du blessé. Le 6 de l’article 3 de l’arrêté du 3 juin 2016 fixant les missions du Centre national des sports de la défense et les attributions spécifiques du commissaire aux sports militaires précise : « [le Centre national des sports de la défense] contribue à la réinsertion par le sport des militaires blessés ». Le centre forme notamment des spécialistes en entraînement physique, militaire et sportif (EPMS) pour l’encadrement des blessés. Il bénéficie d’installations de grande qualité accessibles aux blessés qui peuvent s’y entraîner dans de bonnes conditions.

Le CNSD organise le challenge Ad Victoriam et adresse des participants aux Invictus games.

Le nombre de participants aux stages de reconstruction et de préparation aux compétitions augmente beaucoup depuis 2014. Ils étaient 652 en 2018, contre 252 en 2016 et 61 en 2014. 280 d’entre eux ont participé à des stages de préparation à la compétition, 160 au challenge Ad Victoriam, 148 à des stages d’équitation adaptée et 64 aux rencontres militaires blessure et sport (RMBS).

Le CNSD développe dans le cadre du plan Sport 2 025 le projet de construction du « Village des blessés » pour accueillir des blessés pratiquant les parasports ainsi que leur famille.

La première édition des Heroes Military Games (HMG), organisés par le CNSD, se dérouleront en 2021 à Fontainebeau. La compétition laissera la place à la découverte et à la participation de blessés et valides pratiquant une dizaine de sports différents.

9.   L’action de l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre en faveur de ses ressortissants

L’action de l’ONACVG s’articule autour de la politique mémorielle, de la reconnaissance et de la réparation ainsi que du soutien à ses ressortissants. L’office a également la compétence administrative de délivrer cartes, titres et mentions de combattant et victime de guerre, ainsi que d'établir les cartes d'invalidité des pensionnés anciens combattants.

a.   Qui sont les ressortissants de l’ONACVG ?

Les quelque 2,4 millions de ressortissants de l’ONACVG en 2019 sont : les combattants et anciens combattants titulaires de la carte du combattant et/ou du titre de reconnaissance de la Nation, les blessés et les invalides de guerre, les veuves de guerre et les veuves d’anciens combattants, les pupilles de la Nation et les orphelins de guerre, les déportés du second conflit mondial, les victimes civiles de la guerre, les victimes d’actes de terrorisme.

i.   La carte du combattant

Les conditions nécessaires, non cumulatives, à la délivrance de la carte du combattant sont les suivantes et doivent être documentées :

-         une présence de 90 jours en unité combattante ;

-         la participation à neuf actions de feu ou de combat de l'unité ;

-         la participation à cinq actions individuelles de combat ;

-         l’évacuation pour blessure ou maladie survenue en unité combattante ;

-         une blessure de guerre ou une citation individuelle avec croix ;

-         la détention par l’adversaire et la privation de la protection des conventions de Genève ;

-         une durée de service d’au moins quatre mois (ou 120 jours) dans une ou plusieurs OPEX.

De 1926, date de création de la carte, au 31 décembre 2018, plus de 9 100 869 cartes ont été délivrées dont 176 107 au titre des OPEX.

ii.   Le titre de reconnaissance de la Nation

Il est attribué aux militaires ayant participé pendant au moins 90 jours consécutifs ou non, à un ou plusieurs conflits. Il est de plein droit aux titulaires de la carte du combattant et aux personnes évacuées pour blessures ou maladies. Au 31 décembre 2018, 2 063 873 titres ont été délivrés dont 258 755 pour les OPEX.

b.   Le suivi des militaires blessés

L’ONACVG annonce suivre à ce jour 274 blessés dans le cadre de la transmission du passeport du blessé en vertu des conventions signées avec les trois armées et la gendarmerie. Mais l’office suit également, en dehors de ces conventions, 1 147 blessés connus de ses 105 services départementaux, encore en activité ou n’ayant jamais été en contact avec les cellules d’aide. L’ONACVG tient à la disposition des cellules d’aide les informations concernant ces 1 421 blessés.

Il est désormais organisé cinq réunions de suivi par an avec les cellules d’aide aux blessés et l’Agence de reconversion de la défense, qui permettent d’adapter les réponses aux besoins des blessés en fonction leur situation.

L’ONACVG participe à toutes les réunions de suivi des blessés, cellule de réadaptation et de réinsertion des blessés en opération (C2RBO) à Percy et Comités multidisciplinaires des blessés en service (CMBS) à Begin. Les directeurs des services départementaux sont désormais associés aux réunions de suivi des blessés dans les régiments.

Les rapporteures s’étonnent du très faible nombre de blessés suivis dans le cadre des conventions. Il conviendrait certainement d’évaluer le dispositif du passeport du blessé. Le passeport du blessé documente le parcours du blessé et énumère toutes les actions entreprises pour le blessé, qu’il s’agisse de prises en charge financières ou de son parcours administratif. Il est généré par la cellule d’aide au blessé dont relève le blessé. Il convient de s’interroger sur les raisons de sa non transmission. La marine le trouve, par exemple, trop lourd et trop complexe et ne l’estime pas opérationnel. Ce passeport n’est toutefois pas tout à fait complet puisqu’il n’y figure pas les actions entreprises avant le suivi par la cellule d’aide.

Il est donc suggéré d’initier le passeport du blessé plus précocement par l’unité d’appartenance, dès la prise en charge initiale. Les rapporteures souscrivent à cette suggestion

L’action sociale de l’ONACVG auprès de ses ressortissants se traduit par des prestations variées : secours, aides, participations, avances remboursables et prêts sociaux. Il semble que les critères d’attribution de ces secours varient d’une direction départementale à l’autre engendrant des disparités notamment dans la prise en compte des besoins des jeunes générations qui seraient parfois incompris.

c.   La reconversion

L’ONACVG propose à ses ressortissants des prestations de reconversion. Ainsi, 331 d’entre eux ont bénéficié d’une aide à la formation professionnelle en 2017 pour un montant total de 482 882 euros. Dans le cadre d’une réponse adaptée aux besoins de ses jeunes ressortissants, l’office propose des prestations d’accompagnement délivrées par AFPA Transitions, une aide à la reconversion et non une formation professionnelle. Les bénéficiaires prioritaires, qui ne se limitent pas aux anciens combattants, sont en grande difficulté sociale et notamment des victimes de syndromes de stress post-traumatique liés aux engagements des forces armées ou aux actes de terrorisme. Une attention particulière est portée à la gestion du stress, à la reprise de la confiance en soi et au développement de l’efficacité personnelle.

À la date du 31 juillet 2018, avaient été commandés 75 modules au profit de 51 ressortissants de la quatrième génération du feu, neuf pupilles de la Nation et deux orphelins de guerre, dix victimes du terrorisme et trois veuves d’ancien combattant.

Les rapporteures insistent sur la nécessité d’une bonne coordination avec les cellules d’aide et l’ARD afin d’éliminer les risques de doublons en ce qui concerne les anciens militaires.

10.   L’Institution nationale des Invalides

L’Institution nationale des Invalides (INI) se trouve aujourd’hui à un tournant de son histoire dans le cadre d’un nouveau projet d’établissement l’intégrant au parcours de soins des blessés en tant que post-rôle 4 intervenant après une première rééducation en HIA.

Le nouveau projet médical consiste à créer un pôle de « réhabilitation post-traumatique de la défense » dans le cadre d’une prise en charge globale, physique et psychique, dans laquelle interviendront le SSA, avec les HIA Percy et Bégin, et l’INI.

Le centre d'études et de recherche sur l'appareillage des handicapés (CERAH) rejoindra les locaux de l’INI et le centre des pensionnaires sera conservé.

Dans cette perspective, la Maison des blessés et des familles envisagée par le Plan Famille s’avère toujours nécessaire alors que le projet semble au point mort pour des raisons de coût de l’immobilier aux abords de l’institution. D’autres solutions pourraient être envisagées : une partie des anciens locaux du ministère de la défense rue Saint-Dominique idéalement situés ou encore une partie des locaux libérés de l’hôpital du Val-de-Grâce, bien que plus éloignés ?


—  1  —

   Troisième partie : Un régime en adéquation avec la singularité militaire

I.   Les différents types de congés

Il existe quatre types de congé : deux congés dits d’activité, le congé de maladie initial et le congé du blessé, et deux congés dits de non-activité, le congé de longue maladie et le congé de longue durée pour maladie. Ces deux derniers sont communs à l’ensemble de la fonction publique.

 

Les différents types de congé pour maladie

https://www.defense.gouv.fr/var/dicod/storage/images/base-de-medias/images/blesses-images/guide-du-blesse-2018/010-les-conges-lies-a-l-etat-de-sante/9235969-2-fre-FR/010-les-conges-lies-a-l-etat-de-sante.jpg

Source : ministère des Armées.

A.   Les congés d’activité

1.   Le congé de maladie

Il s’agit du congé maladie initial, d’une durée maximum de six mois. Ce congé est un congé d’activité durant lequel le militaire conserve l’entièreté de sa solde et reste rattaché à son unité d’appartenance.

2.   Le congé du blessé

Le congé du blessé ([20]) est attribué à l’issue du congé de maladie initial pour une durée maximale de 18 mois, renouvelable par périodes de six mois. Il ne concerne pas l’ensemble des militaires blessés en service car il est soumis à plusieurs conditions :

-         Les circonstances de la survenue de la blessure ou de la maladie : les opérations ouvrant droit à ce congé sont les opérations de guerre, les OPEX et les opérations « mobilisant des capacités militaires, se déroulant sur le territoire national ou hors de celui-ci, visant à la défense de la souveraineté et des intérêts de la France, à la préservation de l'intégrité de son territoire ou à la protection de ressortissants, d'une intensité et d'une dangerosité particulières assimilables à celles d'une opération extérieure ». La liste des opérations concernées sera déterminée par arrêté interministériel.

-         Le blessé doit présenter « une probabilité objective de réinsertion ou de reconversion au sein du ministère de la défense ou, pour les militaires de la gendarmerie nationale, au sein du ministère de l'intérieur ».

Ce texte fait donc référence à deux notions dont la définition est sujette à interprétation :

-         d’une part, l’appréciation par le ministère de l’intensité et de la dangerosité d’une opération,

-         d’autre part, l’appréciation par le commandement de proximité d’une probabilité objective de réinsertion.

Les critères d’attribution de ce congé peuvent prêter à discussion et laissent aux autorités une marge de manœuvre importante.

Le militaire conserve, comme pour le congé initial, l’entièreté de sa solde et reste rattaché à son unité d’appartenance.

B.   Les congés de non-activité

1.   Le congé de longue durée pour maladie

Les malades souffrant d’affections cancéreuses, de déficit immunitaire grave et acquis ou de troubles mentaux et du comportement peuvent se voir attribuer un congé de longue durée pour maladie (CLDM). Comme pour le congé suivant, les conditions de durée et de rémunération varient en fonction de plusieurs critères : le statut, l’ancienneté et le lien avec le service.

 

 

Les conditions d’attribution du CLDM

Source : ministère des Armées.

 

 

 

2.   Le congé de longue maladie

Le congé de longue maladie (CLM) est attribué en présence d’affections graves et invalidantes ne relevant pas du CLDM.

Les conditions d’attribution du CLM

Source : ministère des Armées.

Les militaires en CLM ou CLDM sont rattachés au centre médical des armées le plus proche de leur domicile pour éviter toute rupture dans leur parcours de soins.


—  1  —

II.   La mise à la retraite en raison d’une invalidité

En cas de radiation pour réforme définitive pour infirmité, le droit à pension de retraite est acquis sans condition de durée de service. Elle peut se cumuler avec la PMI.

La pension militaire de retraite peut être élevée au montant minimum garanti, soit 50 % de la solde brute, en présence d’un taux d’infirmité au moins égal à 60 %. Ce montant est élevé à 80 % de la solde si l’infirmité est la conséquence de blessures de guerre, d’un attentat ou d’une lutte dans l’exercice des fonctions ou encore d’un acte de dévouement dans un intérêt public ou pour avoir exposé ses jours pour sauver la vie d’une ou de plusieurs personnes.

Il est actuellement constaté, en matière d’instruction des dossiers de réforme en raison d’une invalidité, un délai entre le dernier mois de solde et le premier mois de pension de retraite pouvant aller jusqu’à six ou huit mois, imputable, semble-t-il, au retard dans l’élaboration et la transmission de documents administratifs à la sous-direction des pensions. Un dispositif palliatif existe sous la forme d’un prêt à taux zéro mis en place par l’action sociale en réponse aux difficultés financières engendrées. De plus, en l’absence d’un document attestant de la radiation des contrôles, il est impossible de signer un contrat de travail ou de percevoir des indemnités chômage. Les rapporteures souhaitent qu’une solution soit trouvée rapidement.

 

III.   Des mesures au titre de la rÉparation et de la reconnaissance

A.   La pension militaire d’invaliditÉ

Investie d’une puissance symbolique majeure, la pension militaire d’invalidité est l’élément central de la reconnaissance et de la réparation.

Le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) organise le droit à réparation des militaires blessés ou malades en service qui peuvent, le cas échéant, bénéficier d’une pension militaire d’invalidité de laquelle découle la prise en charge des soins et de l’appareillage.

Il convient de souligner en préambule que certaines dispositions du CPMIVG dérogent au droit commun et sont plus favorables aux militaires que d’autres dispositifs de réparation ; il s’agit :

-         de l’existence de règles en faveur des grands invalides de guerre,

-         de l’absence de prescription pour effectuer une demande de pension ou d’aggravation,

-         du versement de la pension sans attendre la consolidation,

-         de la non-révision à la baisse d’une pension acquise définitivement.

1.   Un processus long et complexe qui cristallise un certain mécontentement

Parmi les démarches citées au titre du « mur administratif » évoqué par les blessés et les accompagnants, la pension militaire d’invalidité est systématiquement citée en première position. Il existe des raisons de plusieurs ordres à ces délais.

a.   Un changement de structure et une déflation du personnel

La sous-direction des pensions, dont les PMI représentent le quart de l’activité, a été un service malmené, fréquemment montré du doigt en raison de délais d’instruction des PMI qui ont pu atteindre 680 jours dans le passé, ce qui a, on le dit rarement, généré une souffrance chez ses agents qui n’étaient pas responsables des contraintes qui leur étaient imposées.

Les dossiers de PMI étaient autrefois traités localement avant d’être centralisés dans une structure créée à La Rochelle en 2010. Le transfert de 10 km d’archives, la nécessaire formation du personnel, dont le nombre a été fortement réduit, une préparation sans doute insuffisante, ont eu pour conséquence la création d’un stock de dossiers dont les délais de traitement n’ont cessé d’augmenter. Une solution a été recherchée en 2014 auprès d’un prestataire extérieur en organisation du travail qui a recommandé l’industrialisation des processus, c’est-à-dire l’arrêt du traitement d’un dossier de bout en bout. Résultat d’une déflation prématurée de 25 % des effectifs et de décisions managériales erronées, un stock de dossiers s’est formé qui n’est toujours pas résorbé entièrement malgré des mesures prises en ce sens et des progrès notables

Des mesures ont en effet été prises depuis le constat fait dans le rapport d’information de 2014. Il avait été décidé, sous la précédente législature, de traiter les dossiers OPEX dans un délai maximum de six mois, une pratique toujours en cours aujourd’hui. Par ailleurs, une organisation revue permet désormais de traiter parallèlement le flux et le stock de dossiers évalué à quelque 7 000 dossiers. Le traitement des nouveaux dossiers n’est donc pas retardé par la nécessaire instruction des dossiers les plus anciens.


—  1  —

Le processus actuel ([21]) d’instruction d’une pension militaire d’invalidité

 

Source : d’après le Guide d’une pension militaire d’invalidité pour le militaire en activité de service, le Ministère des Armées, DRHMD, SGA.


—  1  —

b.   L’établissement du lien avec le service et le recueil des éléments le justifiant

Il est parfois complexe de rassembler les pièces nécessaires lorsque des demandes sont déposées longtemps après la date du fait générateur. C’est notamment le cas en présence de syndromes post-traumatiques.

La LPM 2019-2025 a introduit la notion de présomption d’imputabilité au service, renversant ainsi la charge de la preuve. C’est donc dorénavant à la SDP d’apporter, le cas échéant, la preuve de l’absence de lien avec le service. Le demandeur n’est toutefois pas dispensé de prouver la matérialité des faits tant médicaux que circonstanciels. Cette mesure n’a donc pas contribué à l’allègement de la charge administrative pour le blessé.

c.   Un délai nécessaire à la stabilisation de la blessure

La PMI évalue les infirmités en fonction d’une gêne fonctionnelle. Or il n’est pas possible d’estimer l’ampleur de la gêne fonctionnelle aux tout premiers temps de la blessure, sauf dans des cas tels que des amputations, par exemple. Il convient donc d’attendre le moment idoine, propre à chaque blessé, que l’on qualifie souvent de stabilisation, voire de stabilisation relative, un état antérieur à la consolidation.

Mais le CPMIVG n’emploie aucun de ces deux termes et ne donne pas d’indication quant au moment auquel doit se dérouler l’expertise. Conformément à l’article L.152-2, le droit à pension doit être accordé à compter de la date de dépôt de la demande, l’expertise devant s’en rapprocher au plus près mais en tenant compte des dispositions de l’article L.151-6 disposant que l’évaluation doit faire ressortir la gêne fonctionnelle.

En tout état de cause, il existe un délai incompressible propre à chaque blessé et indépendant de la procédure administrative. Cette donnée est souvent mal comprise.

d.   Le recours à un expert privé

La SDP a traité 2 833 envois en expertise en 2018 concernant uniquement des demandes initiales. La SDP adresse au demandeur les coordonnées d’un expert, désigné par les médecins de la sous-direction, avec lequel prendre rendez‑vous. Le délai constaté entre la date d’envoi de la lettre au demandeur lui indiquant l’expert désigné avec lequel prendre rendez-vous et celle de la date de remise du rapport d’expertise est en moyenne de trois ou quatre mois.

Ces délais peuvent toutefois être supérieurs. Nonobstant l’agenda des experts qui peut induire un délai, allant jusqu’à six mois dans certaines spécialités, il arrive souvent que les demandeurs tardent ou même oublient de prendre rendez‑vous ce qui immobilise l’instruction du dossier. Une piste, suggérée par la SDP, pourrait être l’introduction d’un délai dans le CPMIVG.

Il arrive également que le demandeur ne se rende pas au rendez-vous fixé pour l’expertise, pour des raisons qui peuvent être justifiées, mais sans en prévenir l’expert. Or, si le régime général prévoit le versement d’honoraires de carence, ce n’est pas le cas du ministère des Armées. Cela met la SDP en difficulté.

Par ailleurs, la lettre de convocation à l’expertise ne mentionne actuellement pas l’objet précis de l’expertise, en l’occurrence la région anatomique des infirmités concernées. Cela pourrait permettre au demandeur de soumettre à l’expert des documents médicaux non transmis à la SDP et de vérifier qu’aucune infirmité n’a été omise.

La SPD s’appuie un vivier d’experts civils qui était constitué au 27 mai 2019 de 425 médecins experts dont 56 psychiatres dans 45 départements. Les déficits d’experts dans certains points du territoire coïncident avec les déserts médicaux. La SDP lance des campagnes de recrutement en fonction des besoins identifiés. La revalorisation de la rémunération des experts en décembre 2018 facilite le recrutement. Les honoraires des psychiatres, neuropsychiatres et neurologues sont passés de 138 euros à 175,50 euros, ceux des cardiologues de 167,06 euros à 214,79 euros et ceux des médecins généralistes et autres spécialistes de 80,50 euros à 138 euros. La qualité des rapports produits est par ailleurs régulièrement évaluée.

e.   Un afflux de demandes initiales rejetées

Il est souvent conseillé au militaire, par prudence, de déposer une demande de PMI au moment de l’ouverture d’une DAPIAS pour des blessures dont il est peu vraisemblable qu’elles laisseront des séquelles entraînant une gêne fonctionnelle et un taux d’invalidité ouvrant droit à pension, à savoir 10 % pour les blessures et 30 % pour les maladies. Ces demandes encombrent la sous-direction et pourraient, certes au risque de perdre quelques mois d’indemnisation, être différées et introduites en fonction de l’évolution de l’état de santé.

En 2018, 52,60 % des demandes ont abouti à une concession de pension.

Les motifs de rejet sont de plusieurs ordres.

En 2018, sur les 6 170 demandes initiales traitées : 187 ont fait l’objet d’un rejet direct, 33 d’une confirmation de rejet et 2 976 d’un rejet après instruction en raison d’un taux d’invalidité inférieur à 10 % ou 30 %, d’un défaut d’imputabilité ou d’une infirmité inexistante.

Sur les 1 316 demandes d’aggravation traitées : six ont fait l’objet d’un rejet direct, deux d’une confirmation de rejet et 857 d’un rejet après instruction.

f.   Le renouvellement

La pension initiale concédée l’est à titre temporaire pour une période de trois ans. Elle doit, le cas échéant, faire l’objet d’une demande de renouvellement six mois avant l’échéance à l’initiative du pensionné. Elle peut alors être réévaluée, diminuée ou supprimée en l’absence de séquelles. Son montant ne pourra plus être minoré par la suite. Les pensionnés souhaiteraient que cette démarche leur soit rappelée en temps utile.

Les rapporteures recommandent qu’un message rappelant l’échéance du renouvellement de la pension temporaire soit systématiquement adressé aux pensionnés.

2.   La dématérialisation des demandes initiales

Accessible depuis Intradef depuis mars 2018, le portail PMI permet d’effectuer des demandes initiales et des demandes d’infirmité nouvelle. Il est déployé dans toutes les bases de défense. 1 800 demandes ont été faites à fin mai 2019. Les utilisateurs sont satisfaits du portail qu’ils estiment clair, simple et facile à utiliser.

Le système a amélioré la transmission et la constitution du dossier ainsi que les échanges entre acteurs et il a permis d’identifier les difficultés et les retards dans la chaîne de traitement. Les demandes seront bientôt possibles depuis les HIA pour les blessés inconscients ainsi que pour les renouvellements et les aggravations d’infirmités.

Il est prévu à terme d’inciter les demandeurs à recourir prioritairement au portail numérique.

3.   Les délais actuels

Le délai de traitement moyen de l’ensemble des dossiers papier de moins de deux ans était de 219 jours en 2018. Celui des dossiers numériques est un peu plus long, 256 jours en moyenne, car il s’agit de premières demandes donnant systématiquement lieu à une expertise alors que ce n’est pas le cas pour les dossiers portant sur les réversions de pension, par exemple.

4.   Le montant des pensions militaires d’invalidité est un complément de revenus

De nombreuses déceptions sont liées au montant de la pension concédée selon un taux d’invalidité, fixé selon le guide-barème du CPMIVG, et transformé en points dont la valeur unitaire annuelle est de 14,45 euros depuis 2017.

 

exemple de Décompte d’infirmités au taux du soldat

Désignation des infirmités

Taux d’invalidité

Montant annuel de la PMI en euros

Montant mensuel de la PMI en euros

Séquelles d’entorse du genou droit

30 %

2 080,80

173,40

État de stress post-traumatique

60 %

4 161,60

346,80

Amputation de la cuisse

95 %

14 861,83(1)

1 238,49

(1)     comprend les allocations grands invalides et grands mutilés.

Source : d’après des éléments fournis par la sous-direction des pensions en réponse au questionnaire des rapporteures.

Il est fréquemment attendu des versements mensuels plus élevés mais il convient de considérer que ces montants sont une rente versée tout au long de la vie du blessé, réévalués au taux du grade après le départ des armées. Par exemple, ces montants, non réévalués et pour une période de 30 ans, représentent, dans les cas cités dans le tableau ci-dessus respectivement 62 424, 124 848 et 445 855 euros, non soumis à l’impôt sur le revenu.

 

5.   La réforme du contentieux des pensions militaires d’invalidité

 

À compter du 1er novembre 2019, le contentieux des pensions militaires d’invalidité sera transféré des tribunaux des pensions aux tribunaux administratifs ([22]). Les modalités de la procédure de recours administratif préalable obligatoire ont été précisées parallèlement. ([23])

Les décisions de la SDP ou du SRE pourront être contestées devant la Commission de recours de l’invalidité (CRI) dans un délai de six mois, majoré pour les résidents outremer ou à l’étranger. Ce recours est obligatoire faute de pouvoir saisir le tribunal administratif qui examine non la décision de la SDP ou du SRE mais celle de la CRI.

La commission sera présidée par un officier général ou contrôleur général des armées, elle comptera un médecin général, un représentant du SRE, un représentant de la DRHMD, un représentant des forces et deux représentants des associations de pensionnés. La CRI siègera dans les locaux de l’Institution nationale des Invalides et devra se prononcer dans un délai de quatre mois.

La mise en œuvre de cette réforme devrait permettre une réduction des délais allant d’un à trois mois grâce à la suppression de deux phases de l’instruction ; l’envoi du constat provisoire et le recours devant la commission de réforme des pensions militaires d’invalidité (CRPMI), qui disparait.

B.   Les missions déléguées À la caisse nationale militaire de securité sociale

Le département soin et suivi du blessé et du pensionné (DSBP) de la CNMSS gère, par délégation, deux missions du ministère des Armées :

-         les affections présumées imputables au service (APIAS) et le règlement des soins inhérents effectués en milieu civil ;

-         les soins médicaux, ex-soins médicaux gratuits, aux invalides pensionnés, l’appareillage et la prise en charge de l’hospitalisation en établissement psychiatrique ainsi qu’en disposent les articles L. 212-1, L. 213-1 et L. 221-1 du CPMIVG.

1.   Les déclarations d’affections présumées imputables au service, des données à exploiter

Les APIAS font l’objet d’une déclaration d’affection présumée imputable au service (DAPIAS), si des soins dans le milieu civil sont envisagés. Elle est effectuée par un médecin militaire et transmise à la CNMSS qui procède à l’ouverture des droits, en informe le blessé et procède au remboursement des soins facturés par les professionnels de santé civils. Les soins sont pris en charge à 100 % des tarifs conventionnés. Les DAPIAS sont valables six mois et doivent être renouvelées, le cas échéant, toujours par un médecin militaire. Si les soins en lien avec l’affection initiale se poursuivent, la DAPIAS en cours demeure active et peut être reconduite une fois le militaire réformé. Il doit pour cela se rendre dans un CMA. Les DAPIAS concernent l’ensemble des affections en lien avec le service, des plus bénignes aux plus graves.

Nonobstant les soins effectués directement en milieu civil non déclarés à un médecin militaire, les DAPIAS fournissent des informations utiles sur l’accidentologie.

Bilan d’activité apias de 2016 à 2018

 

2016

2017

2018

Nombre de déclarations APIAS traitées

47 595

41 328

41 914

Nombre de dossiers de soins payés

79 269

82 652

83 726

Montant des dépenses de soins (en €)

12 265 258

12 839 237

11 789 690

Source : CNMSS.

Les déclarations de nouvelles affections font preuve d’une relative stabilité sur plusieurs années. Le volume total des APIAS traitées annuellement se répartit en moyenne à 65 % de nouvelles affections et 35 % de renouvellements, donc de pathologies dont le traitement s’étend au-delà de six mois. Dans le cadre des APIAS, ont été financées 325 séances de soins psychologiques en 2017, au profit de 39 bénéficiaires pour un montant de 17 115 euros et 230 séances, pour 32 bénéficiaires et un montant de 12 595 euros en 2018.

Les accidents de trajet représentent autour de 15 % des DAPIAS.

Les DAPIAS en lien avec le sport représentent, elles, 53,7 % du total des DAPIAS. 58 % d’entre elles sont déclarées par des militaires issus de l’armée de terre et 18,6 % le sont en situation de manœuvre. Les données recueillies par la CNMSS lui permettent d’établir un classement des disciplines les plus accidentogènes, la DAPIAS proposant 71 circonstances différentes.

EntraÎnement militaire physique Militaire et Sportif (EPMS)

Disciplines sportives les plus accidentogènes en 2018

Source : CNMSS.

Les données de la CNMSS sont exploitées mais pourraient l’être davantage encore, notamment pour des actions de prévention. La caisse est sollicitée par des unités qui veulent, par exemple, connaître le nombre de traumatismes sonores dans leurs rangs.

2.   Les soins médicaux aux invalides pensionnés

Les invalides bénéficiant de soins dans le cadre de la PMI sont exonérés, pour les soins en relation avec leurs infirmités pensionnées, de tout ticket modérateur, de la participation forfaitaire d’un euro, des franchises médicales, du forfait journalier hospitalier, de la participation forfaitaire pour actes lourds de 18 euros. Pour les autres soins, ils sont exonérés du ticket modérateur et du forfait de 18 euros. Les pensionnés ont bénéficié du remboursement de soins psychologiques, soit 220 séances en 2017 et 331 en 2018.

Soins aux invalides de guerre en application de l’article L. 121-5 du CPMIVG

Bilan d’activité 2016-2018

Source : CNMSS.

3.   Une sous-utilisation du dossier unique OPEX pour le financement d’aides complémentaires dans le cadre une blessure

Outil numérique, géré par la CNMSS, conçu pour consigner et coordonner les concours financiers apportés dans le cadre du parcours du blessé par différents partenaires, le dossier unique OPEX (DU) est sous-exploité et moins de 300 dossiers ont été reçus en trois ans.

Le militaire le complète dans sa formation avant un départ en OPEX et donne son consentement à la transmission des informations aux partenaires du DU. Les contributions financières, quand il y en a, ne sont souvent pas déclarées. Cela est regrettable car le DU, bien utilisé, constituerait un outil de suivi précieux.

4.   La commission des secours et des prestations complémentaires et les prothèses de nouvelle génération

Cette commission contribue à l’amélioration de la prise en charge de prestations partiellement ou non remboursées, telles que des aides techniques ou des aménagements de véhicule. En 2018, 484 dossiers ont été présentés et 423 acceptés, générant une diminution moyenne du reste à charge de 82 %.

En ce qui concerne les blessés en OPEX, 24 dossiers sur 26 ont été acceptés en 2018 par la DRHMD pour un montant de 136 753 euros ainsi que trois prothèses nouvelles génération pour un montant de 467 761 euros. La prise en charge des prothèses nouvelle génération associe plusieurs partenaires institutionnels, DCSSA, INI, EMA, DGGN, DRHMD et CNMSS, signataires d’une nouvelle charte le 10 avril 2019. Les prothèses NG, qu’il convient de renouveler périodiquement et d’entretenir, sont désormais prises en charge tout au long de la vie du blessé dans le cadre de sa réinsertion professionnelle interne ou externe au ministère. Les prothèses de sport ne sont pas prises en charge et leur financement repose aujourd’hui sur le milieu associatif.

C.   L’indemnisation de préjudices complémentaires

L’indemnisation complémentaire dite « Brugnot », du nom de l’arrêt éponyme ([24]), indemnise en l’absence de faute de l’État, des préjudices tels que les souffrances endurées, le préjudice esthétique, le préjudice d’établissement, le préjudice d’agrément ou le préjudice moral résultant d’une blessure ou d’un décès en lien avec le service. En présence de faute de l’État, la règle est la réparation intégrale des préjudices.

1.   Une confusion fréquente avec la pension militaire d’invalidité

L’indemnisation complémentaire est distincte de la pension militaire d’invalidité, ne répond pas aux mêmes critères, n’est pas instruite par les mêmes services et ne répare pas les mêmes préjudices. L’indemnisation est assortie d’un délai prescription contrairement à la PMI. La demande d’indemnisation complémentaire doit être formulée dans un délai de quatre ans à compter du premier jour de l’année suivant celle de la date de consolidation des blessures, c’est-à-dire la date à laquelle le médecin considère que les séquelles n’évoluent plus, ou du décès, sous peine d’être prescrite.

Il y a souvent une confusion entre les dispositifs de la PMI et de l’indemnisation complémentaire, notamment en ce qui concerne la temporalité. Il est possible de présenter une demande de « Brugnot » en l’absence de demande ou de concession de PMI. Un dossier de PMI rejeté peut donner lieu à une indemnisation complémentaire ; ainsi un préjudice esthétique n’occasionnant aucune gêne fonctionnelle pourra donner lieu à une indemnisation complémentaire alors qu’il ne sera pas considéré dans le cadre d’une demande de PMI. Dans la pratique, le moment où se déroulent les expertises étant différents, le dossier de PMI est généralement présenté avant le dossier « Brugnot ».

2.   Le dépôt et le traitement des dossiers

Autre source de confusion, les points d’entrée sont multiples en fonction de la nature du dossier. Le dossier est déposé :

-         auprès d’un des quatre services locaux du contentieux (SLC) s’il concerne une blessure ou maladie contractée hors mission opérationnelle au sens de l’article R. 121-1 du CPMIVG, c’est-à-dire hors « opérations extérieures et les missions effectuées à l'étranger au titre d'unités françaises ou alliées ou de forces internationales conformément aux obligations et engagements internationaux de la France, opérations d'expertise ou d'essai, y compris les évaluations techniques et les vérifications de matériels et d'équipements, civils ou militaires, opérations d'assistance menées par les forces armées dans le cadre de catastrophes naturelles, technologiques ou matérielles, opérations de maintien de l'ordre et celles menées pour assurer la sécurité des personnes et des biens ; exercices ou manœuvres de mise en condition des forces, escales » ;

-         auprès du centre d’expertise du soutien juridique (CESJUR) s’il concerne une blessure ou une maladie contractée en mission opérationnelle au sens de l’article précité ;

-         auprès d’un des quatre services locaux du contentieux (SLC) s’il concerne un décès survenu hors article précité ;

-         auprès de la direction des affaires juridiques s’il s’agit d’un décès survenu en mission opérationnelle au sens du même article.

Une expertise réalisée par un médecin du SSA est diligentée. Considérant la progression régulière des demandes d’indemnisation complémentaire, bien que le dispositif soit encore très mal connu, et les ressources humaines du SSA en tension, le SSA pourrait ne plus être en mesure de réaliser cette prestation. Le recours à des experts privés devrait pouvoir être envisagé, à l’instar des PMI.

Les demandes sont de l’ordre de 900 par an, dont 36 à l’échelon central. Les indemnisations ont atteint 4,8 millions d’euros en 2018. Le versement d’une allocation provisionnelle avant consolidation est possible dans certains cas. Le traitement d’un dossier est long, en raison de l’attente de la consolidation, et atteint entre 200 et 250 jours. Il est en revanche plus rapide dans le cas d’un décès et du préjudice moral d’un ayant droit. Des demandes pour aggravation sont possibles, faisant alors repartir un nouveau délai de prescription.

3.   Vers une fusion avec la pension militaire d’invalidité ?

Les lourdeurs bureaucratiques, la multiplication des expertises, les délais de traitement, la complexité des procédures, le mur administratif évoqué par les blessés nourrissent l’idée d’une fusion des deux dispositifs. Il faudrait alors impérativement revoir la temporalité de l’expertise et les conditions de la prescription. La PMI devrait alors s’aligner sur le moment de la consolidation pour une seule et même expertise, ce qui aurait pour effet de retarder la concession de la pension définitive. La prescription est un sujet encore plus délicat. Sauf à revoir complètement les bases et les modalités des deux dispositifs pour les fondre en un seul, il semble difficile de trouver une solution rapidement.

 

Les rapporteures estiment néanmoins qu’il conviendra certainement, à terme, de réaliser cette fusion mais dans le respect des droits des pensionnés tant en matière de pension militaire d’invalidité que d’indemnisation « Brugnot ».

4.   La dématérialisation et l’information

Les demandes d’indemnisation complémentaire devraient intégrer la Maison numérique des blessés et des familles et y être accessibles autour de février 2020.

Il est par ailleurs indispensable de mener des actions d’information à destination des acteurs accompagnant le parcours du blessé pour préciser les caractéristiques du dispositif et dissiper les confusions avec la PMI.

5.   Le cas des militaires de la Brigade des pompiers de Paris

Les membres de la BSPP sont des militaires de l’armée de terre dont l’employeur est la préfecture de police de Paris qui les rémunère sur un budget spécial abondé par la ville de Paris, au titre de la municipalité et du département, et par les départements de la petite couronne au profit desquels intervient la BSPP.

Les demandes d’indemnisation complémentaire « Brugnot » n’avaient, jusqu’à une période récente, pu aboutir ni auprès du ministère des Armées qui n’est pas l’employeur de ces militaires ni auprès de la préfecture de police de Paris. Une décision du tribunal administratif de Paris ([25]) a donné raison à un pompier de la BSPP et condamné son employeur à lui verser des indemnités « en réparation des préjudices extrapatrimoniaux résultant de l’accident de service dont il a été victime le 18 août 2012 ». Les demandes d’indemnisation en instance devraient donc connaître une issue plus favorable en raison de cette jurisprudence.

D.   L’établissement public des fonds de prévoyance

Les missions de l’EPFP ont été définies par l’article 1er du décret n° 2015‑690 du 18 juin 2015, codifié sous l’article R3417-3 du code de la défense. Dans ce cadre, l’EPFP a notamment pour mission de :

- « verser aux personnels affiliés au fonds de prévoyance militaire ou au fonds de prévoyance de l’aéronautique ou à leurs ayants cause les allocations instituées par voie réglementaire ou des secours ;

- percevoir le produit des cotisations instituées par voie réglementaire, rassembler les moyens de financement de ces allocations et en diriger la gestion en veillant à préserver l’équilibre du résultat d’exploitation de l’établissement public, hors circonstances exceptionnelles ;

- participer au logement des personnels militaires, notamment par l’acquisition de biens immobiliers et par l’octroi de prêts aux organismes de logement social contre réservation de logements ;

- accorder, pendant la durée de l’hospitalisation, des aides permettant d’accompagner les familles des militaires hospitalisés à la suite d’une blessure liée au service. »

L’EPFP verse des allocations, des aides et des secours à partir de ressources détenues par deux fonds de prévoyance : le Fonds de prévoyance militaire (FPM) et le Fonds de prévoyance de l’aéronautique (FPA) alimentés par des cotisations obligatoires de 2 % sur l’indemnité pour charge militaire (ICM) pour les affiliés au FPM, et de 1,5 % sur les indemnités pour service aérien pour ceux affiliés au FPA. En outre, les excédents accumulés au cours du temps, du fait d’allocations inférieures aux cotisations et des produits financiers issus du placement des avoirs financiers, ont permis de constituer des réserves financières qui s’élèvent fin 2018 à 600 millions d’euros.

L’EPFP cofinance pour moitié avec l’IGESA, le séjour de la famille auprès du blessé hospitalisé dans des limites évoquées plus haut. Il verse une indemnité aux blessés en OPEX encore en activité dont les montants sont en moyenne de 10 000 euros ; une indemnité est également versée aux blessés en OPEX réformés du fait de leur invalidité, l’allocation étant différentielle si le blessé a bénéficié de la précédente.

 

1.   Les indemnités versées en 2018

- Dans le cadre des accidents relevant des risques exceptionnels spécifiques au métier militaire (RESM) et des risques aériens (RA) au sens des dispositions de l’article D 4123-9 du code de la défense, entrainant la mise à la retraite ou la réforme définitive, les chiffres sont les suivants :

     au cours de l’exercice, 29 décès et 219 invalidités ont été indemnisés pour un montant global de 22,97 millions d’euros, soit 76,6 % du montant total des allocations versées au cours de l’exercice ;

     parmi ces dépenses, celles afférentes aux décès et invalidités résultant de la participation à une OPEX sont de 12,4 millions d’euros, soit 54 % du montant des allocations versées.

- Dans le cadre des blessures en OPEX sans radiation des cadres : 125 dossiers ont donné lieu à une indemnisation pour un montant de 1,33 million d’euros soit 4,43 % du montant total des allocations.

- Dans le cadre des accidents imputables au service (art. D 4123-4 et D4123-6 du code de la défense) : trois décès et 13 invalidités ont donné lieu à indemnisation en 2018 pour 0,706 million d’euros soit 2,34 % du montant total des allocations.

- Dans le cadre des accidents en relation avec le service (art. D 4123-10 du code de la défense) : 112 décès (maladies, suicides, accidents) et 15 invalidités ont été indemnisés à hauteur de 4,97 millions d’euros soit 16,6 % du montant total.

2.   Une forte hausse des demandes

Il a été constaté une forte hausse du niveau des allocations depuis 2016, passé de 19,9 millions d’euros en 2016 à 30 millions d’euros en 2018, principalement en raison des allocations du fait d’invalidités pour risques exceptionnels spécifiques au métier militaire. Le résultat comptable de l’année 2018 s’est avéré de ce fait déficitaire de 6,7 millions d’euros.

Les militaires blessés en OPEX, victimes de stress post traumatique, radiés pour infirmité, constituent une catégorie de bénéficiaires expliquant une grande part de cette hausse. De plus, si les blessures sont plus nombreuses, elles sont aussi plus invalidantes avec un taux de PMI plus élevé et concernent des personnels ayant des situations de famille, conjoint et enfants, engendrant des allocations plus fortes.

Les militaires sont très attachés à ce fonds de prévoyance entièrement financé par des prélèvements sur leur solde que l’EPFP fait fructifier en les investissant dans l’immobilier et des produits financiers.

3.   L’attribution de secours, une disposition en sommeil

La réglementation dispose (art. D. 4123.11 et R. 4123.28 du code de la défense) que des secours peuvent être accordés, en fonction de la situation des bénéficiaires, notamment dans les cas suivants :

 relation de cause à effet entre le service et l’accident ou la maladie ayant causé l’invalidité ou le décès ne pouvant être établie avec suffisamment de certitude et le droit aux allocations du FPM ou du FPA reconnu ;

 conditions des prestations du FPM ou du FPA ne permettant pas de tenir compte de certaines situations de famille ;

 après allocations du FPM ou du FPA, situation particulière du demandeur justifiant l’octroi d’un secours complémentaire.

Le dispositif semble avoir été oublié au cours des dernières années. En effet un seul secours a été attribué en 2014 pour un montant de 3 000 euros, aucun en 2015, deux en 2016 et 2017 pour des montants respectifs de 7 000 et 3 000 euros et aucun en 2018.

L’année 2019 s’annonce mieux puisque, au terme des deux réunions des formations de la commission des fonds de prévoyance tenues en 2019, trois secours ont été attribués pour un total de 25 112 euros.

4.   La dématérialisation des demandes d’allocations

L’établissement s’inscrit dans la transformation numérique du ministère et les demandes d’allocations seront intégrées à la Maison numérique des blessés et des familles où elles devraient être accessibles courant 2 020.

E.   L’assurance santé complémentaire et les contrats de prÉvoyance

Il convient tout d’abord de préciser que les soins sont délivrés à titre gratuit dans les antennes médicales, que l’affection en cause soit ou non liée au service, ainsi que dans les HIA pour les militaires présentant une affection liée au service. Les soins prodigués dans le secteur civil dans le cadre d’une DAPIAS sont entièrement pris en charge hormis la participation forfaitaire d’un euro. Le coût des soins échappe donc à leurs bénéficiaires.

Il n’est pas non plus inutile de rappeler que, si les employeurs privés ont désormais l’obligation de proposer à leurs salariés un contrat collectif de protection complémentaire santé, qu’ils financent pour moitié, ce n’est pas le cas des employeurs publics. Ils peuvent néanmoins participer au financement des garanties souscrites par leurs agents mais seulement dans le cadre de contrats « garantissant la mise en œuvre de dispositifs de solidarité entre les bénéficiaires, actifs et retraités ([26])».

En conformité avec cette disposition, une procédure d’appel d’offres en matière de protection complémentaire et de garantie prévoyance couplées lancée par le ministère des Armées a conduit en 2018 au référencement pour sept ans de quatre organismes : Fortégo, Harmonie Fonction Publique, Intériale et Unéo. Lors du précédent référencement Unéo avait été la seule mutuelle sélectionnée.

Ce changement a généré une certaine confusion et produit quelques effets indésirables.

La multiplication des mutuelles, qui présentent toutes un socle référencé de garanties communes, a entraîné la fin du prélèvement de la cotisation sur la solde. Les adhérents ont donc dû faire une démarche auprès de leur mutuelle pour assurer le paiement de leur cotisation, le processus générant une certaine déperdition.

Les adhérents de la mutuelle historique ont été nombreux à ne pas ressentir le besoin d’abandonner leur contrat en cours pour souscrire à l’offre référencée par le ministère. Les mutuelles nouvelles venues concentrent donc les adhésions à l’offre référencée. Le volume de ces adhésions étant inférieur à celui anticipé, la participation financière du ministère reposant sur les transferts de solidarité versés aux mutuelles est faible (12,7 millions d’euros en 2017 et 14,4 en 2018). Le mécanisme de cette contribution institutionnelle est par ailleurs inconnu des adhérents.

Des séances d’information, dites de mutualisation, au cours desquelles est présentée l’offre référencée, sont organisées en enceintes militaires dans le respect des règles de la concurrence, ce qui, semble-t-il, ne prévient pas de certaines dérives.

Il est observé une nette baisse des adhésions des jeunes militaires, en bonne santé, célibataires, sans enfants, pour la plus jeune partie d’entre eux, qui ne voient guère l’utilité d’une couverture santé complémentaire. Le taux de primo-souscriptions aurait chuté d’environ 13 %. Il est du devoir de leur hiérarchie de leur en rappeler l’utilité que la plupart ignorent. En effet, si le militaire fait le choix de la médecine civile par crainte d’une perte d’aptitude, par exemple, l’absence de couverture santé complémentaire peut conduire à un renoncement aux soins en raison de leur coût et affecter la santé du militaire et, partant, la capacité opérationnelle.

Par ailleurs, les rapporteures suggèrent de réfléchir à l’extension à la fonction publique des obligations des employeurs privés en matière de protection complémentaire santé de leurs salariés.

F.   Les mutuelles militaires d’accompagnement social

Les mutuelles militaires d’accompagnement social sont au nombre de trois et sont adossées à UNEO qui en est l’émanation santé. Elles relèvent du livre III du code de la mutualité. Il s’agit de la Mutuelle nationale militaire, 615 000 adhérents, de la Caisse nationale du gendarme, 350 000 adhérents, et de la Mutuelle de l’armée de l’air, 170 000 adhérents. Elles délivrent toutes trois des aides financières adaptées aux différentes étapes de la vie du militaire et de sa famille et prodiguent des conseils, une activité que la Mutuelle de l’armée de l’air estime être une valeur ajoutée précieuse. Les principales demandes de conseil concernent la vie sociale et familiale, les services à la personne et le logement

La cotisation à ces mutuelles est aussi modeste que leur identité historique est forte mais elles semblent rencontrer des problèmes de recrutement, leur public potentiel, et spécialement, le jeune public ne les connaissant pas et ne comprenant guère leur objet. La question d’une possible fusion se pose pour assurer leur pérennisation.


—  1  —

IV.   Mais Des mesures susceptibles d’accentuer l’isolement du blessÉ

A.   La position de non-activitÉ

 

1.   Que recouvre la position de non-activité ?

Généralement associée aux congés maladie de longue durée, cette position couvre toutefois un panel de conditions beaucoup plus large dont la santé n’est qu’une partie. Définie par l’article L.438-11 du code de la défense, elle concerne les personnels se trouvant dans les situations suivantes :

-         congé de longue durée pour maladie,

-         congé de longue maladie,

-         congé parental,

-         situation de retrait d’emploi,

-         congé pour convenances personnelles,

-         disponibilité,

-         congé complémentaire de reconversion,

-         congé du personnel navigant.

 

2.   La gestion administrative des personnels en congé maladie de longue durée est assurée par des formations distinctes des unités

Une fois écoulés le congé maladie initial de 180 jours et, le cas échéant, le congé du blessé, d’une durée maximum de 18 mois, le blessé quitte administrativement son unité et relève d’entités de gestion des personnels isolés. Il s’agit :

    du groupement de soutien des personnels isolés (GSPI) et précisément du service d’administration du personnel isolé de l’armée de terre (SAP-PIT) pour l’armée de terre, situé à Saint-Germain-en-Laye, ce dernier étant en cours de relocalisation à Tours,

    du département administration du personnel en position spéciale (DAPPS) pour l’armée de l’air, situé à Tours,

    du centre d’expertise des ressources humaines (CERH) et précisément de la cellule d’administration des congés des marins (CADCOM), situés à Toulon, pour la marine,

    du centre expert d'administration des ressources humaines du service de santé des armées (CEARH SSA), également situé à Toulon, pour le SSA,

    du bureau de l’accompagnement du personnel (BAP) au sein de chaque formation administrative de rattachement, pour la gendarmerie nationale,

    de la section d’administration du personnel isolé (SAI) pour la légion étrangère,

    du groupement des soutiens et de secours (GSS) pour la brigade des sapeurs-pompiers de Paris.

Ces formations deviennent alors l’autorité hiérarchique dont dépend le blessé et effectuent les opérations d’administration et de gestion des ressources humaines, notamment en matière de renouvellement des congés, de notation, d’avancement et de discipline. Ce passage est également, pour les militaires de l’armée de terre, le moment où, s’ils ne l’étaient déjà en fonction de la gravité de leurs blessures, leur suivi passe de l’unité d’appartenance à la CABAT. Cette double transition est souvent vécue comme un arrachement.

L’armée de terre étant celle qui compte le plus grand nombre de blessés, les rapporteures se sont interrogées sur le fonctionnement du GSPI, plus particulièrement du SAP-PIT, et du service rendu à ses administrés.

a.   Les missions du groupement de gestion du personnel isolé

Le GSPI est un organisme interarmées sous la tutelle du service du commissariat des armées (SCA) depuis septembre 2015. Les missions du GSPI, si elles gravitent autour de la notion de personnel isolé, vont toutefois bien au-delà de la gestion des personnels en congé de longue durée de l’armée de terre, qui sera évoquée plus avant. Les autres missions du GSPI sont :

 

-         l’administration du personnel en poste permanent à l’étranger, soit environ 1 600 administrés des trois armées,

-         le soutien achats et finances des postes permanents à l’étranger,

-         l’embarquement par voie aérienne militaire ou civile de certains personnels, le transport de fret par voie aérienne civile au profit de l’armée de terre, l’accueil et le transit des jeunes engagés en provenance de l’outremer et des stagiaires étrangers, la délivrance d’armement au profit des isolés parisiens partant en OPEX.

b.   Le service d’administration du personnel isolé de l’armée de terre

Appartenant au GSPI, le SAP-PIT relève fonctionnellement de l’armée de terre. Il a rejoint la direction des ressources humaines de l’armée de terre, à Tours, le 1er juillet 2019. Il gère les personnels temporairement sans emploi, en CLM/CLDM, en congé pour convenances personnelles et en disponibilité, soit environ 1 700 personnes, ainsi que les personnels en détachement dans les fonctions publiques d’état, territoriale et hospitalières, soit 1 400 personnes.

Le nombre de personnels en congé pour raison de santé soutenus par le GSPI connait une croissance régulière.

Nombre de personnels en CLM et CLDM administres par le GSPI

2014

2015

2016

2017

2018

2019

1 152

1 341

1 410

1 522

1 664

1 770

Source : réponse du GSPI au questionnaire des rapporteures.

Le nombre de dossiers gérés fluctue quotidiennement en fonction des entrées et des sorties de congé maladie. La moyenne annuelle des mouvements est de l’ordre de 946 entrées en congé et de 764 sorties, 387 en raison d’une réforme et 377 en raison d’une reprise d’activité.

Il est à noter que bien que l’inaptitude médicalement constatée entraîne normalement la présentation du militaire en commission de réforme, celle-ci n’intervient dans la pratique qu’à la demande des militaires en CLM/CLDM et non à celle de l’administration, y compris pour les militaires sous contrat, qui voient, au besoin, leur contrat prorogé jusqu’au terme desdits congés[27]. Les demandes de réforme émanant des blessés sont principalement motivées par le constat d’une inaptitude définitive interdisant tout retour dans les forces, souvent associé au passage en demi-solde.

 

c.   Le maintien de la carte de circulation ferroviaire à tous les blessés en service en congés maladie de non-activité

Les transports pour se rendre aux rendez-vous médicaux obligatoires étaient une procédure lourde tant pour l’organisme émetteur des bons de transport que pour le blessé. La carte de circulation SNCF est considérée par ailleurs comme appartenant au statut du militaire et son retrait dans le cadre des congés de non-activité et d’une blessure hors service, seuls les blessés en OPEX pouvant alors la conserver, était ressentie comme une punition supplémentaire. Il a été mis fin à cette différence de traitement fin 2018 ([28]), tous les blessés en service pouvant désormais la conserver.

3.   L’éloignement de l’unité d’origine

« Le passage en position de non-activité doit être géré par le commandement avec une grande précaution » ([29]). Les rapporteures ont toutefois l’impression que le passage en position de non-activité, basé sur un avis médical mais résultant d’une décision du commandement, est quasiment automatique au terme de la durée prévue des différents types de congés pour maladie et qu’il relève rarement d’un arbitrage.

Le congé du blessé est à ce titre une excellente mesure en ce qu’il permet à des militaires, répondant à certains critères, d’éviter ce passage et, dans le meilleur des cas, de reprendre leur activité au cours de cette période. Mais le congé du blessé ne concerne pas l’ensemble des blessés et des malades et le passage en position de non-activité demeure inévitable pour un grand nombre d’entre eux.

a.   Le problème du logement

Les militaires en position de non-activité peuvent, s’ils le souhaitent, continuer à bénéficier du logement défense qu’ils occupent dans le secteur de leur unité d’appartenance initiale au moment de leur versement aux organismes de gestion des personnels en congé de longue maladie. Mais cela n’a rien d’automatique et ils doivent pour cela adresser une demande au commandant de la base de défense correspondante qui peut, à titre exceptionnel, leur accorder le maintien dans les lieux.

Les gendarmes bénéficient d’un logement concédé par nécessité absolue de service. Ils doivent, à leur passage en CLM ou CLDM, quitter le logement qu’ils occupent. Toutefois, cette situation présentant souvent une difficulté majeure pour le gendarme blessé ou sa famille, en cas de décès, les modalités d’un « sursis à évacuation », précaire et révocable, ont été définies ([30])mais demeurent soumises à l’appréciation du commandement de la formation administrative. Le sursis est d’une durée maximum de six mois mais peut être porté à dix mois pour les gendarmes en CLM/CLDM, ou le conjoint d’un gendarme décédé, qui doivent durant cette période s’acquitter d’une redevance s’apparentant à un loyer, dont le montant est fixé en fonction des ressources des occupants.

Les rapporteures recommandent de faire preuve de la plus grande bienveillance quant à l’application de ces mesures qui peuvent ajouter un traumatisme important pour le blessé et sa famille ou celle d’un militaire décédé.

b.   L’affaiblissement naturel du lien

Il est difficile pour un militaire en position de non-activité de conserver un lien avec son unité, quand bien même il le voudrait. La durée des congés, la mobilité du commandement, les mutations et le départ des armées de ses camarades, font qu’au bout de quelques années, il ne connaît plus grand monde et se trouve lui-même et son histoire inconnus d’un nouveau commandement qui ne le gère pas. De plus, son lieu de résidence familiale peut se trouver éloigné géographiquement de son unité.

c.   La responsabilité du commandement

Le maintien d’un lien avec les blessés en position de non-activité est un défi de taille pour le commandement. La transmission de l’information au sein de l’encadrement est essentielle en la matière. Si les cellules d’aide prennent alors le relais du commandement pour la coordination du suivi, les échanges entre l’unité et la cellule d’aide devraient être plus fréquents.

Les commissions de suivi des blessés internes aux unités d’appartenance pourraient être informées au moins une fois par an par les cellules d’aide de l’avancement du parcours du blessé et, le cas échéant, prendre contact avec lui. Les militaires en congé de non-activité pourraient être systématiquement invités aux célébrations au sein de leur unité d’origine ; tous ne seraient pas en mesure de s’y rendre mais le fait d’être convié matérialise le maintien d’un lien.

4.   La durée des congés, un avantage mais un obstacle à la réinsertion et à la reconversion ?

Cette hypothèse a été évoquée. Les congés pouvant aller jusqu’à dix ans, toutes formes de congés maladie cumulés ([31]), une rupture d’activité professionnelle durant une période aussi longue désactive inévitablement certains mécanismes.

Le GSPI enregistre chaque année entre 300 et 400 réformes à la demande des intéressés dont 78 correspondent à un épuisement total des congés. Le passage en demi-solde, au bout de un, trois ou cinq ans de congé de non-activité, selon les situations, entraîne souvent soit un déclic, soit une intensification des problèmes financiers et une pente descendante vers toujours plus de difficultés.

Une reprise de l’activité avant le passage en demi-solde, si l’état de santé du blessé le permet, semble devoir être privilégiée. Il semble que chaque fois que l’état du patient le permet, le passage en CLM/CLDM devrait être évité en passant, le cas échéant, par l’aménagement d’une reprise d’activité.

B.   La précocité des démarches administratives

Il a été indiqué aux rapporteures que le dépôt précoce d’un dossier de PMI pouvait dans certains cas être préjudiciable au rétablissement du patient dans la mesure où la vision de son avenir pouvait de ce fait s’articuler autour de la notion d’invalidité.

La PMI, dont il convient de rappeler qu’elle est aussi un droit, étant versée, une fois l’expertise réalisée et le dossier instruit, rétroactivement à la date du dépôt de la demande, retarder la demande équivaut à renoncer éventuellement à quelques mois ou quelques années d’indemnisation.

Les avis sont tranchés en la matière. Il conviendrait, selon certains, de veiller à ce que les procédures administratives, et pas seulement la PMI, n’éloignent pas le blessé des soins alors qu’il nourrit avant tout l’espoir de reprendre son travail. Idéalement la démarche d’indemnisation ne devrait venir que dans un second temps mais les aides financières jouent un rôle de premier plan pour le blessé et sa famille.

Inversement, il est souligné que la reprise de poste ou la reconversion ne sont pas évoquées suffisamment tôt dans le parcours du blessé et interviennent trop tard alors qu’un processus de désocialisation est déjà à l’œuvre.

V.   La reconstruction par le sport et les stages de réinsertion

Le blessé qui le souhaite peut bénéficier d’un parcours de reconstruction par le sport et de reconversion professionnelle adapté et articulé avec son parcours de soins dès lors que son état de santé est compatible.

A.   La reconstruction par le sport

Le soldat a un rythme d’entrainement équivalent à celui d’un athlète. Il reste souvent un sportif une fois blessé. La compétition handisport est pour certains un épanouissement dans des disciplines pratiquées autrement ou complètement nouvelles. Le Cercle sportif de l’Institution nationale des invalides (CSINI) qui ne compte plus les médailles gagnées aux Jeux paralympiques par ses champions, organise des stages interarmées pour les blessés physiques et psychiques, de ski de fond, de paraski, le Raid du cercle, un stage blessés et famille, un stage mer et vent.

Les rencontres militaires blessures et sports (RMBS), organisées par la CABAT, ont lieu tous les ans au mois de juin. Il s’agit d’un stage interarmées, financé par le mécénat, proposant des activités multiples et permettant aux blessés de se rencontrer, afin de rompre l’isolement et de découvrir des sports qu’ils pourront pratiquer ensuite.

Le stage Sport, mer et blessure à Bidart, créé par le précédent chef de la CABAT et le professeur Éric Lapeyre, chef du service de médecine physique de rééducation de l’HIA Percy, s’adresse principalement aux blessés physiques et notamment aux blessés amputés des membres inférieurs, nombreux suite à l’engagement en Afghanistan. Il permet par l’utilisation du surf et de pirogues hawaïennes de travailler l’équilibre avec des résultats estimés très intéressants.

Les Marine corps trials sont une compétition internationale à laquelle participent dix blessés militaires français dont certains poursuivent la compétition avec le CNSD.

Le CNSD organise des stages. Il s’agit notamment de stages d’équitation adaptée, bénéfique pour les blessés psychiques.

La gendarmerie propose un stage intitulé « Ad refectio -blessés et famille » accueillant une vingtaine de blessés et leur famille, conviée au mitan du stage. Il est encadré par un officier chargé de reconstruction par le sport, des moniteurs spécialisés, deux psychologues cliniciens de la gendarmerie, un kinésithérapeute du SSA, un personnel détaché du ministère des Sports, un personnel référent familles du bureau de l’action sociale de la gendarmerie et deux personnels de la Fondation Maison de la gendarmerie qui assure le soutien financier du stage avec la Mutuelle de la gendarmerie nationale.

B.   Proposer d’autres activités que le sport

L’attention des rapporteures a été attirée sur le fait que si la reconstruction par le sport dans le cadre d’une activité de loisirs pouvait concerner un nombre important de blessés, la compétition ne s’adressait, elle, qu’à un très petit nombre d’entre eux. La compétition et son corollaire, l’éventualité d’échouer, seraient même tout à fait contre-indiquées dans certains cas. C’est pourquoi l’activité sportive, surtout si elle implique des compétitions, doit être considérée comme un élément du parcours de reconstruction et bénéficier d’un avis médical portant tant sur les aspects physiques que psychologiques.

D’autres activités, plus éloignées de la militarité que le sport, doivent pouvoir être proposées : médiation équine, cours de langue, théâtre, travaux de la terre …

C.   Les stages de réinsertion

Proposés par les cellules d’aide aux blessés et certaines associations, mêlant souvent activités sportives et resocialisation, ces stages permettent de renouer avec soi-même et le collectif. Il en est de plusieurs sortes, telles que les actions menées par Hanvol et par Ad Augusta citées plus loin ou encore La voile pour se reconstruire et il en existe certainement bien d’autres.

1.   Le Centre ressources des blessés de l’armée de Terre

Point d’entrée dans le dispositif d’immersion professionnelle Oméga, le CReBAT est un stage de ressources humaines. Il est destiné aux blessés psychiques désireux d’acquérir les moyens de transposer et de valoriser leurs compétences militaires en ressources adaptées au milieu de l’entreprise. Ce stage est financé par Terre Fraternité. Le CReBAT se déroule habituellement à Beuil, dans les Alpes-Maritimes en s’appuyant sur les infrastructures de la 6ème brigade légère blindée. Un CReBAT s’est déroulé en septembre 2018 sur l’Île de Malte dans le cadre d’un projet de recherche de l’IRBA autour de la plongée pleine conscience. Les stages évoqués ci-après sont organisés par la CABAT.

2.   Les sessions post-CREBAT

La session post-CReBAT s’inscrit dans la continuité des travaux menés au CReBAT afin d’entretenir une dynamique et/ou de parfaire la définition d’un projet professionnel. Elle s’adresse aux blessés en CLDM ayant déjà suivi un CReBAT et dont le parcours professionnel reste incertain. Cette session, d’une à trois journées, se déroule sur le site de l’hôtel national des Invalides, elle est également financée par Terre Fraternité. Actuellement une session d’une journée est proposée systématiquement un mois après la fin du CReBAT.

3.   Le stage monitorat secourisme

Le stage monitorat secourisme est le résultat d’un accord tripartite Ordre de Malte/Terre Fraternité/INI. Il permet à une dizaine de blessés en service de bénéficier d’une formation hautement qualifiante dans le cadre de leur projet de reconversion professionnelle.

4.   Le dispositif Oméga

Lancé par la CABAT en 2013, Omega est un dispositif de réinsertion basé sur le travail en entreprise.

En liaison avec les praticiens hospitaliers, l’opération Oméga consiste, après une phase de détermination et de définition du projet professionnel et d’appropriation des ressources individuelles à placer les blessés en immersion dans des entreprises de différents secteurs. Ces stages sous tutorat, d’une durée d’un mois à un an sont un véritable compagnonnage qui permet de retrouver confiance en soi, de remettre le pied à l’étrier ou de déterminer un projet de formation et, dans la mesure du possible, d'aboutir à la signature d'un contrat de travail.

La CABAT indique que ce dispositif, créé il y a quatre ans, fonctionne remarquablement, et connaît un vif succès aujourd’hui car il permet une reprise très progressive, sans rompre le parcours de soins participant pleinement au parcours de santé. Défense mobilité peut prendre à sa charge les formations parfois nécessaires des militaires blessés engagés dans le dispositif Oméga. L’objectif primaire n’est pas le retour à l’emploi, bien qu’à l’issue de ces stages des CDI aient été signés dont le nombre est passé de quatre en 2016 à 27 en 2018. Les entreprises partenaires signataires d’une charte avec la CABAT sont au nombre de 127 dont dix en lien avec la défense ou les collectivités territoriales. 66 immersions ont été réalisées en 2018 et 60 en 2017, sur un total de 174 depuis 2015.

Des échecs se produisent mais les parcours sont réversibles et l’échec est analysé par la CABAT. Il est par ailleurs important de s’assurer que ces stages restent bien des stages et ne soient pas dévoyés par des employeurs qui y verraient une main-d’œuvre peu onéreuse.

Il est souhaitable que soit organisé et formalisé le retour d’expérience de ces stages avec le SSA et les entités participantes afin d’en tirer les enseignements.

D.   La sécurisation juridique des activités de reconstruction et de réinsertion

Le militaire placé en congés de non-activité, CLM et CLDM, n’est autorisé à pratiquer que des activités médicalement prescrites, ainsi qu’en dispose l’article R.4138-54 du code de la défense :

« Le militaire placé en congé de longue durée pour maladie peut exercer des activités prescrites et contrôlées médicalement au titre de la réadaptation.

Dans cette situation, le montant du cumul éventuel des rémunérations perçues par le militaire ne peut être supérieur à celui de sa rémunération en position d'activité, à l'exception des primes et indemnités attachées à l'exercice effectif de l'emploi. »

La direction des affaires juridique du ministère et le SSA considèrent que les stages de reconstruction, de réadaptation, de réinsertion ou d’immersion, quelles que soient leur nature et leur dénomination, proposés par les cellules d’aide aux blessés et par le CNSD, n’ont pas de vocation thérapeutique et ne font, à ce titre, pas partie du parcours de soin et ne peuvent donc faire l’objet d’une prescription médicale.

« Les stages de reconstruction par le sport ont pour objectif de faire découvrir aux militaires blessés des activités sportives adaptées à leur handicap temporaire ou définitif. Ils n’ont pas d’objectif thérapeutique, n’entrent pas dans le parcours de soins des blessés. Les stages d’immersion en entreprise proposés par les cellules d’aide aux blessés entrent dans le cadre de la découverte et/ou de l’apprentissage de nouveaux métiers dans l’objectif d’une reconversion professionnelle dans le secteur civil. Ils n’ont pas d’objectif thérapeutique, n’entrent pas dans le parcours de soins des blessés mais bien dans un parcours de reconversion. » ([32])

En l’espèce, les rapporteures observent que le texte permet une lecture différente. Son second alinéa mentionne explicitement la possibilité d’une rémunération et d’un emploi. Il est donc logique de déduire que les activités évoquées dans le premier alinéa peuvent être professionnelles. Ces activités devant faire l’objet d’une prescription médicale, il est tout aussi logique d’en déduire qu’elles peuvent avoir une visée thérapeutique.

On relèvera également que les stages de reconstruction par le sport organisés par le Centre national des sports de la défense (CNSD) font l’objet d’une labellisation par le SSA qui assure le soutien médical de leur déroulement.

Les rapporteures soulignent par ailleurs qu’il règne un flou sémantique quant aux notions de reconstruction, réadaptation, réhabilitation, réinsertion, immersion et même reconversion qu’il serait utile de préciser afin de s’assurer que les différents interlocuteurs évoquent tous la même chose.

Pour mémoire, la prescription médicale d’une activité physique ([33]), adaptée et encadrée, est autorisée dans le cadre du parcours des soins des patients atteints d’une affection de longue durée ; les militaires blessés peuvent bénéficier d’une telle prescription selon les modalités prévues par la réglementation nationale, indépendamment de leur position statutaire.

Quoiqu’il en soit le SSA a rappelé à ses praticiens que les activités non thérapeutiques, d’immersion professionnelle ou de reconstruction par le sport ne relevaient pas de la prescription médicale. Par ailleurs, il estime, que si elles se déroulent, le certificat médical d’aptitude aux activités professionnelles proposées et le suivi des activités d’insertion professionnelle incombent à la médecine du travail des employeurs. Les activités sportives peuvent donner lieu à un certificat médical de non contre-indication à la pratique du sport concerné, conformément au code du sport ([34]).

Or c’est bien durant la période de congés de non-activité, d’une durée maximum de trois à huit ans, que les blessés physiques, mais peut-être surtout psychiques, ont besoin de se voir proposer des activités leur permettant de renouer avec le collectif et de préparer leur avenir. L’application stricte de ce texte va donc à l’encontre du but recherché et place le blessé dans une situation d’incertitude juridique au regard de sa position statutaire et en cas d’accident subi ou provoqué par lui ou par un tiers lors de ces activités.

Les stages continuent à se dérouler néanmoins en se basant sur l’avis des commissions de suivi des HIA, dans lesquelles siègent des médecins qui proposent les blessés pour lesquels ce type de stage serait bénéfique à un moment donné de leur parcours, qu’il faut bien appeler de soins, puisqu’ils sont en congé maladie.

Cette situation n’est pas satisfaisante et les directeurs des ressources humaines des armées se sont saisis de ce sujet et ont transmis au directeur des ressources humaines du ministère un projet de décret modifiant le code de la défense, à l’étude actuellement. Les rapporteures n’ont pas eu connaissance de son contenu mais la substitution d’un simple avis médical à la prescription pourrait permettre de sortir de cette impasse temporairement. Il faudrait néanmoins formaliser cet avis, peut-être autrement que dans les procès-verbaux de commission de suivi, dont il a été indiqué aux rapporteures qu’ils ne sont parfois disponibles que très longtemps après la réunion. Les rapporteures préconisent donc, que dans l’attente d’une solution solide juridiquement, un délai maximum soit fixé pour la rédaction et la diffusion de l’avis de la commission de suivi.

VI.   La reprise d’activité et la reconversion

Il est estimé qu’autour de 75 % des blessés physiques reprennent durablement le service, alors que les blessés psychiques ne sont que 25 %. Les modalités de la reprise d’activité posent parfois problème car si le certificat d’aptitude est un document médical indiquant que l’état de santé est compatible avec un retour à l’emploi, la décision est d’ordre administratif. Elle peut mettre entre un et deux mois à parvenir à l’unité concernée.

A.   Dans les armées et les services

Le retour d’un militaire blessé s’organise en fonction de ses aptitudes, de ses souhaits et dans la mesure des possibilités offertes par les unités, dans des conditions parfois aménagées spécialement pour lui. Il peut s’agir d’une réorientation temporaire ou définitive au sein de l’unité ou encore d’une mobilité professionnelle.

En théorie le temps partiel n’existe pas car les militaires doivent être, selon leur statut, disponibles en tout temps et en tout lieu. Pourtant, comme l’a indiqué un militaire aux rapporteures « les militaires, en dehors des exercices, des missions, des OPEX et des urgences ont des horaires, comme tout le monde. »

Dans la pratique, en fonction de l’avis du SSA, la reprise est souvent progressive et s’apparente à un mi-temps thérapeutique sans en porter le nom. Ainsi l’armée de terre dispose depuis 2013, chaque année, de 50 postes ([35]), dits « cellules blessés », qui ne sont pas comptabilisés dans les effectifs. Ces postes sont parfois une étape de transition nécessaire à l’acceptation d’une reconversion dans la vie civile.

En réponse à la question des rapporteures, sur l’extension de ce dispositif à d’autres entités, l’état-major des armées indique que le besoin ne se ressent pas dans les autres armées et dépend en tout état de cause leur direction des ressources humaines et de la gestion qu’elle entend faire des postes dont elle dispose. La possibilité est donc laissée au bon-vouloir du commandement local et, ainsi qu’on pu le constater les rapporteures lors de leurs déplacements, cela semble bien fonctionner dans les forces spéciales.

Les rapporteures s’interrogent sur la nécessité d’institutionnaliser plus avant le dispositif de l’armée de terre, ce qui, d’une part, aurait l’avantage d’identifier et de figer des possibilités, qui peut-être n’existent pas aujourd’hui, mais, d’autre part, pourrait avoir l’inconvénient de retirer un peu de la souplesse indispensable à l’élaboration de solutions sur mesure.

Par ailleurs, les rapporteures saluent les efforts, dont elles ont eu l’écho sur le terrain, faits pour conserver dans leurs unités les camarades blessés souhaitant reprendre leur service ; ils sont une expression concrète de la solidarité entre frères d’arme et de la valorisation du capital humain par le commandement.

B.   Dans le secteur civil

La reconversion, au-delà des « moyens d'un retour à une activité professionnelle dans la vie civile » prévus par la loi  ([36]) est considérée par certains militaires comme un devoir de l’institution s’imposant aux employeurs publics et privés. La réalité est plus complexe. Si la reconversion est bien un devoir du ministère des Armées, il n’est en revanche pas possible d’imposer à des acteurs extérieurs, qui plus est privés, l’emploi d’anciens militaires valides ou blessés. Seules une information ciblée et une sensibilisation peuvent faire progresser les choses.

1.   Le Centre militaire de formation professionnelle

Avec l’agence de reconversion de la défense, le ministère des Armées a mis en place un outil performant complété par un centre de formation professionnelle.

Le centre militaire de formation professionnelle (CMFP) de Fontenay-le-Comte s’adresse prioritairement à des militaires en transition professionnelle vers le civil qui n’ont ni formation ni titre professionnel et dont les compétences ne sont pas transposables dans le civil, sous réserve d’un minimum de quatre ans de service. La population est donc plutôt une population fragile dont les blessés font partie, sans condition de durée de service pour ce qui les concerne.

Mais le CMFP n’est pas destiné aux blessés qui ne suivent pas une filière qui leur serait réservée et sont intégrés aux formations ouvertes à tous. Le centre s’organise toutefois pour les accueillir en adaptant les infrastructures, avec un bâtiment aux normes personnes à mobilité réduite (PMR), et un accompagnement humain et sportif. Des séances de reconstruction par le sport, équestre notamment, sont mises en place et le centre a entrepris le recrutement d’un psychologue réserviste.

Le centre a accueilli :

    en 2017, 36 blessés dont 9 blessés physiques, 23 blessés psychiques et quatre blessés physiques et psychiques ;

    en 2018, 41 blessés dont 9 blessés physiques, 30 blessés psychiques et trois blessés physiques et psychiques ;

    en 2019, 35 blessés dont 12 blessés physiques et 23 blessés psychiques.

La finalité est la réussite à la qualification professionnelle, avec 97,3 % de succès, et l’emploi, avec 90 % de retours à l’emploi dont 37 % de contrat à durée indéterminée à six mois. Il est proposé aux nombreux stagiaires, 1 545 en 2018 dont 500 sont présents en permanence, des ateliers bilan formation, des remises à niveau scolaires et des formations professionnelles. Les stages durent de deux à onze mois et incluent des périodes en entreprise. Les 43 formations proposées en 2018 appartiennent aux domaines de l’aéronautique, du bâtiment, du génie climatique, de l’industrie, de la maintenance, des réseaux, des télécommunications et de l’informatique, de la sécurité, du tertiaire et du service à la personne et enfin du transport et de la logistique.

L’encadrement humain est déterminant et le milieu militaire assure une transition fluide vers la vie civile qui effraie certains. Il s’agit de conserver le savoir-être du militaire tout en gagnant autonomie et confiance en soi.

Les rapporteures ont été très favorablement impressionnées par la qualité des équipements d’apprentissage professionnels mis à la disposition des stagiaires, par leur encadrement et par la flexibilité avec laquelle les formations été abandonnées ou mises en place afin de suivre les métiers en tension. La façon de considérer les blessés exactement comme les autres stagiaires, mais avec une attention particulière à leurs besoins, leur a également semblé remarquable.

2.   L’action du MEDEF

Les entreprises sont de plus en plus sensibles à la ressource que représentent les anciens militaires. Ainsi, le Mouvement des entreprises France (MEDEF) a compris la nécessité d’informer ses adhérents sur les possibilités méconnues offertes par Défense mobilité pour le recrutement d’anciens militaires blessés. Ainsi a été lancé, il y a deux ans, un groupe de travail portant sur la reconversion des militaires blessés. Ces réflexions ont débouché sur la rédaction d’un livret intitulé « Recruter dans vos équipes un militaire blessé : un engagement pour l’entreprise » et un colloque sur ce thème qui s’est tenu le 27 mars 2019. L’accent est mis sur les qualités intrinsèques du militaire : solidarité, esprit d’équipe, loyauté, rigueur, discipline, disponibilité, éthique… et les dispositifs d’accompagnement de l’institution qui sont une garantie pour l’entreprise. Le MEDEF ne peut toutefois rien imposer à ses adhérents et il conviendra de voir si ces intentions sont relayées localement et si elles se concrétisent. Il n’est en tout état de cause fixé aucun objectif à atteindre.

3.   L’insertion d’une clause sociale dans les marchés publics

Il conviendra d’analyser les résultats de l’expérimentation de l’insertion d’une clause sociale dans les marchés publics menée par le SGA.

En la matière, M. Joël Barre, délégué général pour l’armement, auditionné par la commission de la défense le 2 juillet 2019, a indiqué, que la direction générale de l’armement avait « lancé fin 2018 une première expérimentation pour un projet de clause dans le cadre d’une procédure de mise en concurrence ». L’expérimentation n’étant pas arrivée à son terme en juillet, les leçons ne pourraient, selon M. Barre, pas en être tirées avant plusieurs mois. Cette expérimentation devrait permettre, en lien avec le conseil des industries de défense françaises (CIDEF), d’établir si l’insertion d’une telle clause est adaptée à la prise en compte de l’insertion des soldats blessés ou si d’autres approches doivent être envisagées.

Les rapporteures préconisent l’insertion d’une clause sociale ([37]) relative à l’emploi de militaires blessés dans l’ensemble des marchés publics du ministère des Armées et suivront avec intérêt les conclusions tirées des différentes expérimentations.

Les rapporteures reviennent dans la quatrième partie du rapport sur les progrès souhaités en matière de recrutement.

 

   Quatrième partie : Plusieurs points d’attention et quelques axes d’amélioration

I.   Un besoin de reconnaissance et d’équité fortement exprimé

Si les identités des différentes armées et des différents services, empreintes d’histoire et de traditions, demeurent intangibles et constituent le creuset de la cohésion, les opérations extérieures se mènent dans un contexte interarmées. Les militaires se rencontrent, se parlent au sein du nouveau siège du ministère des Armées et se comparent, tout comme le font les familles de blessés dans les HIA, les maisons des blessés, dans les associations ou sur les forums internet. Des différences de traitement, souvent réelles, mais parfois supposées, sont relevées.

A.   Les circonstances de la survenue de la blessure sont ressenties comme discriminantes

1.   Revoir le périmètre des OPEX ?

L’ouverture des droits afférents à la participation à une OPEX résulte d’un arrêté interministériel. Il est complété « s'agissant du champ géographique de l'opération, d'un arrêté interministériel non publié. L'entrée en vigueur de cet arrêté est subordonnée à son enregistrement dans un recueil spécial, dispensé de toute publication ou diffusion et tenu par le ministre de la défense ».  ([38])

En raison de la nature de leurs activités la marine et l’armée de l’air rentrent difficilement dans ce périmètre physique, ce qui exclut les aviateurs et les marins des dispositifs liés à la blessure en OPEX, alors même que leurs actions y contribuent. Les rapporteures recommandent donc de revoir, si ce n’est la délimitation géographique des OPEX, la notion d’OPEX en tant que créatrice de droits, et de l’élargir, comme cela vient d’être fait pour le congé du blessé.

 

2.   Vers une nouvelle extension du congé du blessé ?

L’ordonnance n° 2018-1127 du 12 décembre 2018 ([39]) modifie ainsi l’article L.4138-3-1 du code de la défense dont les dispositions sont désormais les suivantes.

 

 

Article L. 4138-3-1 du code de la défense

[…] - Le congé du blessé, d'une durée maximale de dix-huit mois, est attribué, sauf faute détachable du service, après épuisement des droits à congés de maladie fixés à l'article L. 4138-3, au militaire blessé ou ayant contracté une maladie, s'il se trouve dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions et s'il présente une probabilité objective de réinsertion ou de reconversion au sein du ministère de la défense ou, pour les militaires de la gendarmerie nationale, au sein du ministère de l'intérieur, dans les cas suivants :

« 1° En opération de guerre ;

« 2° Au cours d'une opération qualifiée d'opération extérieure, dans les conditions prévues à l'article L. 4123-4 ;

« 3° Au cours d'une opération mobilisant des capacités militaires, se déroulant sur le territoire national ou hors de celui-ci, visant à la défense de la souveraineté et des intérêts de la France, à la préservation de l'intégrité de son territoire ou à la protection de ressortissants, d'une intensité et d'une dangerosité particulières assimilables à celles d'une opération extérieure.

« La liste des opérations mentionnées au 3° est fixée par arrêté interministériel. La détermination du champ géographique de l'opération peut faire l'objet d'un arrêté interministériel non publié dans les conditions prévues à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 4123-4. » […]

Source : Légifrance.

L’extension du congé de blessé est une demande forte exprimée au sein des armées notamment par les pompiers de la BSPP, par les militaires appartenant aux forces de sécurité civile mais également au sein de la gendarmerie et des trois armées pour ce qui concerne les opérations n’entrant pas dans le cadre des OPEX et les blessures occasionnées par un entraînement ou une préparation opérationnelle.

Plusieurs questions se posent en la matière notamment quant à la nature même du congé du blessé. Le congé du blessé est-il seulement un dispositif de reconnaissance ? En quoi son extension viendrait-elle ternir le prestige de l’OPEX ? À quel moment sera établie la dangerosité d’une opération ? Cette qualification pourra-t-elle être rétroactive ?

La notion de probabilité objective de réinsertion ou de reconversion au sein du ministère de la défense ou du ministère de l’intérieur en fait également un dispositif de gestion des ressources humaines. Il est établi que le passage du congé maladie initial au congé de position de non-activité induit des conséquences négatives pour de nombreux blessés qui s’éloignent de l’institution, souvent définitivement.

Les rapporteures estiment qu’il serait utile de faire un bilan du congé du blessé, qui est un dispositif récent, et d’établir :

-         le nombre de congés du blessé accordés (197 auraient été accordés en 2017),

-         la durée effective des congés,

-         le nombre de reprises d’activité au cours et à l’issue de la durée maximale du congé,

-         le nombre de reconversions au sein des ministères des Armées ou de l’Intérieur,

-         le nombre de passage en CLM et CLDM,

-         son impact en termes de fidélisation.

3.   Le rayon d’action des cellules d’aide aux blessés

Toutes les cellules ne couvrent pas le même périmètre. Certaines prennent en compte les blessés en service et hors service, dès la survenue de la blessure ou au passage en congé de longue durée. Dans les faits, le séquençage ou le public ciblé ne sont pas si nettement définis. Si la place est laissée au commandement local durant les 180 premiers jours de congé maladie, toutes les cellules sont présentes dès le départ en cas de décès ou de blessure grave. De plus, aucune cellule d’aide ne refuse de répondre à une demande d’information.

Une déconcentration des missions induisant une synergie interarmées :

Une expérimentation de déconcentration des missions de la CABAT a été menée en 2017 par le personnel de l’armée de terre en charge de l’environnement humain au sein de l’état-major de la zone de défense de Bordeaux. Il s’est agi pour lui de rendre visite et d’apporter un soutien moral à des militaires hospitalisés à l’HIA Robert Picqué de Bordeaux. Les retours ayant été encourageants, cette démarche a été étendue à l’échelon national en 2018.

Il pourrait donc paraître utile de reproduire ce schéma dans les autres armées dont les blessés sont hospitalisés en région. Or cette extension se heurte principalement à une question d’effectifs et n’est donc pas prévue à ce jour. Les cellules d’aide aux blessés du SSA et de l’armée de l’air expriment le besoin d’avoir des relais sur le territoire et des personnels qui pourraient se déplacer dans les régions.

Mais, et c’est là une évolution intéressante, alors que la couleur de l’uniforme est toujours présentée comme un facteur essentiel du contact avec le blessé, les militaires de la CABAT rendent également visite sur le territoire aux militaires des autres armées et transmettent les informations recueillies aux cellules d’aide correspondantes.

Les rapporteures saluent cette initiative qui privilégie la formation et la compétence du personnel à la couleur de l’uniforme et constitue peut-être les prémices de la mise en commun de certains moyens.

 

4.   Préciser la règle et harmoniser les pratiques en matière d’homologation de la blessure de guerre

L’homologation de la blessure de guerre compte au nombre des insatisfactions exprimées par certains blessés, qu’elle ait été refusée, que le traitement de la demande s’étire dans le temps ou que les pratiques des armées soient estimées différentes.

a.   Des textes imprécis

La règle repose sur une instruction de l’armée de terre[40] appliquée par les autres armées, services et directions, mais récemment déclinée dans la marine[41] et l’armée de l’air[42] avec quelques différences notables.

L’instruction de l’armée de terre caractérise ainsi la blessure de guerre et constitue une sorte de tronc commun aux trois instructions, à quelques légères différences près, la marine ajoutant la notion d’opération extérieure, tout comme l’armée de l’air qui emploie en sus les termes de guerre et d’action de feu :

« Il faut entendre par blessure de guerre au sens de la réglementation applicable à l’homologation des blessures de guerre toute atteinte à l’intégrité physique ou psychique présentant un certain degré de gravité résultant d’une action extérieure se rattachant directement à la présence de l’ennemi, c’est-à-dire au combat, ou s’y rattachant indirectement en constituant une participation effective à des opérations de guerre, préparatoires ou consécutives au combat. »

Au chapitre des divergences, l’instruction de l’armée de terre précise que « L'inscription des blessures de guerre doit être effectuée au vu de la fiche descriptive des infirmités portant décision d'attribution d'une pension militaire d'invalidité, ou à défaut du constat provisoire » alors que celle de l’armée de l’air indique que « le critère de gravité [n’est] pas lié à un quelconque niveau d’invalidité ».

Ainsi, le terrien doit donc théoriquement attendre l’instruction de sa pension militaire d’invalidité, au mieux six mois pour un blessé en OPEX, pour voir sa blessure homologuée alors que l’aviateur n’est pas soumis à cette contrainte.

L’instruction de l’armée de l’air se veut plus précise dans sa définition de la blessure : « Sont exclues les atteintes à l’intégrité physique ou psychique résultant d’une maladie, fut-elle contractée dans les circonstances définies ci-après. Il doit s’agir d’une blessure présentant un certain degré de gravité, excluant de facto les atteintes bénignes d’ordre physique (contusions, plaies légères...) ou psychiques (atteinte thymique légère et passagère...). L’inaptitude peut constituer un élément d’appréciation de ce caractère de gravité. Ainsi, une blessure de guerre entraînant, pour le militaire, une inaptitude définitive à servir dans les armées ou dans sa spécialité sera réputée répondre au critère de gravité susmentionné. Mais l’absence d’inaptitude n’exclut pas pour autant d’emblée le caractère de gravité de la blessure. » On notera qu’hormis l’inaptitude définitive, la notion de gravité demeure vague. En revanche l’armée de l’air ne laisse aucun doute quant aux circonstances : « La blessure doit avoir été subie à la guerre ou à l’occasion d’une opération extérieure. Sont donc exclues les blessures subies lors d’opérations intérieures, missions intérieures, exercices, ou missions de préparation opérationnelle ». L’armée de terre précise que « Les contusions simples n'ayant laissé aucune trace ne doivent pas être mentionnées. »

La marine introduit une dimension intéressante en matière de contexte géographique en indiquant que « La qualification « blessure de guerre » n’est pas limitée à la survenance sur la zone d’opérations mais s’étend aux activités de prise et cessation des dispositions de combat ainsi que des activités de soutien imposées par la mission à proximité de la zone d’opérations, ou directement en lien avec l’opération. »

L’imprécision des textes en matière de critère de gravité introduit une donnée subjective qui pose logiquement problème au SSA et bloque certaines demandes. Si l’on ajoute à cela les variantes des différentes instructions, le processus génère inévitablement des iniquités que les militaires, se comparant, relèvent tout aussi inévitablement. Cette notion gagnerait donc à être précisée ou remplacée. Les rapporteures soulignent toutefois qu’une clarification ne devrait pas induire un caractère d’automaticité, le commandement devant conserver une marge d’appréciation en fonction du contexte.

b.   Une prérogative du commandement de proximité

La décision d’homologation relève de la compétence de l’autorité militaire de premier niveau. Dans l’idéal, la démarche est faite au plus près du fait générateur, au moment où le lien peut être établi de manière indubitable. Le dossier nécessite un constat établi par le SSA et l’un ou plusieurs des documents suivants : rapport circonstancié, extrait des journaux de marche et opérations, fiche post-opérationnelle, déclarations sur l’honneur, témoignages… Cette énumération non exhaustive induit à elle seule un premier délai après l’événement générateur.

En ce qui concerne les blessés en CLM et CLDM, l’homologation relève du commandement de leur formation administrative de rattachement. Le GSPI indique traiter pour sa part une trentaine de demandes par an, un chiffre en augmentation en raison des SPT, dont environ 90 % connaissent une issue favorable.

La situation se complique pour les blessés psychiques dont la blessure se déclare alors qu’ils ont quitté l’institution et/ou s’ils ne sont pas en mesure de documenter le lien avec le fait générateur. Les rapporteures soulignent à ce propos, d’une part, l’importance de la qualité de la rédaction des documents relatant les actions auxquelles ont participé les militaires et, d’autre part, la nécessité de veiller à ce qu’une copie des documents soit remise au militaire à son départ de l’institution.

La fiche de suivi post-opérationnelle, systématiquement remplie désormais, s’avère essentielle.

5.   L’avancement et les décorations

a.   L’avancement usuel

Autre source de mécontentement et de frustration, certains blessés en CLM et CLDM tendent à se penser bloqués dans leur avancement, ce que la chef du GSPI a contesté lors de son audition par les rapporteures, précisant que ce point faisait au contraire l’objet d’une grande attention. Chaque cas est étudié individuellement sur la base des notations précédentes et repose sur des critères objectifs, les administrés n’étant pas connus de leur hiérarchie.

Mais cette préoccupation semble relativement récente, ainsi qu’en témoigne le tableau d’avancement des sous-officiers de l’armée de terre qui ne comptait que 12 blessés en 2016, mais 19 en 2017, 39 en 2018 et 43 en 2019.

Les dispositions des articles L. 4138-12 et L. 4138-13 du code de la défense définissent deux cas de figure. L’ensemble des militaires placés en CLM et CLDM continue à concourir pour l’avancement à l’ancienneté mais seuls les militaires souffrant d’affections en lien avec l'exercice des fonctions ou à la suite de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27[43] du code des pensions civiles et militaires de retraite, sont en lice pour l’avancement au choix.

L’avancement de l’ensemble des militaires du rang s’effectuant uniquement au choix, les militaires du rang blessés hors service placés en en CLM ou CLDM se trouvent en théorie exclus de toute possibilité d’avancement.

La période en CLM et CLDM est prise en compte dans l’ancienneté.

b.   L’avancement à titre exceptionnel

L’article L. 4136-1 code de la défense dispose que « l'avancement de grade a lieu soit au choix, soit au choix et à l'ancienneté, soit à l'ancienneté. Sauf action d'éclat ou services exceptionnels, les promotions ont lieu de façon continue de grade à grade et nul ne peut être promu à un grade s'il ne compte dans le grade inférieur un minimum de durée de service, fixé par voie réglementaire ».

Le décret n° 2008-958 du 12 septembre 2008 relatif à l'avancement à titre exceptionnel des militaires en fixe les modalités. Ainsi, « une action d’éclat ou un acte de bravoure dûment constatés » peuvent faire l’objet d’un avancement à « l’un des échelons supérieurs du grade [détenu] ou au grade immédiatement supérieur ». Il en va de même pour les militaires « grièvement ou mortellement blessés ».

La décision relève de la ministre des Armées et, une fois sa décision transmise à l’état-major, son application ne connaît généralement aucun retard.

c.   Les décorations

Le décret ([44]) concernant la médaille des blessés de guerre est paru en 2016 au terme de longs atermoiements. Elle peut être portée en témoignage de « la reconnaissance de la Nation aux militaires blessés à la guerre ou à l'occasion d'une opération extérieure » par « les militaires atteints d'une blessure de guerre, physique ou psychique, constatée par le service de santé des armées et homologuée par le ministre de la défense ; les prisonniers de guerre blessés physiquement ou psychiquement au cours de leur détention ».

Les textes ne prévoient pas de cérémonie officielle de remise de la médaille mais elle se pratique dans certaines unités. Les rapporteures encouragent la tenue de tels événements qui donnent un poids supplémentaire à la reconnaissance.

Le décret n° 2019-124 déterminant le rang protocolaire de la médaille des blessés de guerre est paru le 22 février 2019, la plaçant au neuvième rang, derrière la médaille de la gendarmerie nationale et avant la médaille de la résistance française ([45]).

La demande de reconnaissance est très vive. Les blessés, qui n’ont pas été blessés au combat en OPEX, mais l’ont été gravement dans d’autres missions ou dans des activités en lien avec la mission, dont la préparation opérationnelle, voudraient voir leur sacrifice, bien réel, reconnu

Il existe la médaille de la défense nationale qui récompense ainsi qu’en dispose l’article 1 du décret n° 2014-389 du 29 mars 2014 relatif à la médaille de la défense nationale : « les services particulièrement honorables rendus par les militaires d'active et de la réserve opérationnelle à l'occasion de leur participation aux activités opérationnelles ou de préparation opérationnelle des armées, notamment les manœuvres, exercices, services en campagne, ainsi que les interventions au profit des populations ». Cette récompense peut être dans certains cas décernée à des blessés bien qu’elle n’ait pas été créée précisément pour cela.

Il devrait également être tenu compte des états de service dans l’attribution des récompenses, étant entendu que le cumul des missions et des opérations génère certes une expérience et une résilience mais également une vulnérabilité accrue.

Il convient toutefois de souligner que, si la majorité des blessés souhaitent se voir reconnaître en tant que tels, notamment par la remise de la médaille des blessés de guerre, ce n’est pas le cas de tous. Certains blessés, une fois rétablis, souhaitent laisser cet état temporaire derrière eux et ne demandent ni pension militaire d’invalidité, à laquelle ils pourraient prétendre, ni décoration. Pour eux, la reconnaissance s’exprime par d’autres voies.

6.   Les dérogations

Les dérogations dans le cadre des récompenses sont un sujet très sensible. Les politiques varient en fonction des ministères de la défense successifs et suscitent parfois des incompréhensions.

Qu’elles soient estimées effectuées de manière trop libérale ou trop restrictive, leur effet est toujours identique. Bienvenues pour ceux qui en bénéficient, elles provoquent un sentiment d’injustice chez ceux qui espéraient pouvoir y prétendre.

B.   Mais les autorités militaires estiment indispensable de maintenir des règles différenciées en fonction des circonstances de la blessure

La crainte de voir l’harmonisation des droits découlant de la participation à une OPEX entraîner la banalisation de l’engagement combattant est au cœur de cette position.

Au cours des auditions qu’elles ont menées et de leurs visites dans les formations, les rapporteures ont entendu deux discours difficilement conciliables, parfois tenus par les mêmes personnes.

1.   L’OPEX doit conserver une prééminence sur les autres opérations

Il a été à de maintes reprises rappelé aux rapporteures que l’OPEX est bien le cœur du métier de militaire. Il est donc important de conserver une « échelle de valeur » entre les opérations et les missions qui n'ouvrent pas toutes les mêmes droits.

2.   Mais il est aussi demandé d’étendre certains droits initialement réservés aux blessés en OPEX

Il est notamment souhaité une extension plus large de l’attribution du congé du blessé, que celle envisagée pour certaines OPINT :

-         aux pompiers de l’armée de terre et de la marine ainsi qu’aux personnels de la sécurité civile et aux gendarmes,

-         aux blessés dans le cadre d’autres missions que l’OPEX, préparation opérationnelle ou entraînement, par exemple.

3.   Une situation contrastée

Les blessés, tout d’abord, tiennent aussi à la force symbolique de la blessure de guerre. Mais ils semblent attacher également une grande importance à leurs souffrances partagées. Les circonstances de la survenue de la blessure passent au second plan et sont moins souvent mentionnées que les souffrances endurées et l’inquiétude quant à leur avenir. Une extension de certains droits ne semble pas leur poser de question majeure.

Il a été également régulièrement rappelé aux rapporteures que les blessures imputables au service ne pouvaient être considérées comme des accidents du travail et ressortaient à ce titre du CMPIVG qui, dans son article L.121-1, mentionne comme ouvrant droit à pension « les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. »

Les rapporteures observent par ailleurs que tous les militaires participant à une OPEX ne sont pas des combattants et, si l’on fait abstraction du risque général lié à une OPEX, des blessures peuvent se produire durant une OPEX, à l’entraînement, lors des activités de soutien, de sport ou simplement quotidiennes dans des circonstances comparables à celles de l’activité en métropole. Il ne s’agit certes pas de blessures de guerre mais bien de blessures en OPEX qui ouvrent des droits spécifiques en raison du lieu dans lequel elles sont survenues.

Qu’une blessure en service, et non au combat, ouvre des droits différents parce qu’elle est survenue en OPEX est une source d’interrogations que comprennent les rapporteures. Des réponses doivent être recherchées sans porter atteinte à la notion de combattant.

Une réflexion serait actuellement en cours au sein du ministère quant à l’élargissement des droits en cas de blessure conséquence de l’acte volontaire d’un tiers, hors OPEX.

II.   Le défi du suivi dans la durée

Ainsi que l’a déclaré le général Bruno Paccagnini, sous-chef Performance au sein de l’état-major des armées lors de son audition par les rapporteures : « Tout manquement à l’égard de nos blessés, et d’ailleurs de leur famille, porte atteinte à l’édifice tout entier ».

Le général Bosser, ancien chef d’état-major de l’armée de terre, a, pour sa part, exprimé à de multiples reprises sa crainte du risque de déshérence et de délitement du lien social potentiellement couru par d’anciens militaires blessés.

De tous les défis, il s’agit certainement du plus difficile à relever car il comporte beaucoup d’inconnues qui ne dépendent plus des armées. La simplification administrative, par exemple, pour complexe qu’elle apparaisse, peut trouver des solutions et répondre à des directives à caractère obligatoire nécessitant la modification d’habitudes parfois bien ancrées. Mais suivre des individus avec lesquels le lien est rompu, et qui, pour certains rejettent l’institution, est une entreprise semée d’embûches. Le rejet peut d’ailleurs ne pas être définitif.

Rien ne peut être imposé en l’occurrence et il s’agit peut-être simplement de ne pas fermer de portes afin de ménager les possibilités d’une reprise de contact dans une démarche pro-active venant de l’institution.

Le GSPI indique perdre le contact avec environ dix personnels par an qu’il essaie de retrouver en se mettant en relation avec leurs proches mais parfois sans succès.

A.   Les anciens militaires blessés peuvent s’adresser à la médecine des forces

Dans le cadre d’un accident présumé imputable au service (APIAS) en cours de prise en charge ou durant une période relais suivant la radiation, parfois nécessaire à la mise en place du suivi par un médecin traitant du secteur civil, le militaire peut, s’il le souhaite, continuer à être suivi dans un établissement de la médecine des forces. Lors de la visite de fin de service, des documents permettant d’informer son médecin traitant lui sont remis afin de permettre la continuité du parcours de soins.

Les anciens militaires blessés peuvent faire renouveler, ou ouvrir une DAPIAS en cas de survenue d’une affection potentiellement en lien avec le service ([46]), dans l’établissement de la médecine des forces le plus proche de leur domicile, et doivent pouvoir y être conseillés et, le cas échéant, orientés vers les HIA ou la médecine civile locale.

Une convention signée avec l’ONACVG en 2006 permet à ses services départementaux d’adresser directement un ressortissant à un CMA si des difficultés dans son parcours de soins sont décelées, notamment relatives à des souffrances psychiques non suivies médicalement.

Les rapporteures estiment utile de rappeler que la possibilité de s’adresser aux établissements de la médecine des forces est un élément essentiel du suivi dans la durée et qu’ainsi d’anciens militaires en rupture de soins peuvent être dirigés vers une prise en charge.

B.   Quel suivi pour les blessés non-ressortissants de L’ONACVG ?

Il est impossible de connaître le nombre de militaires et d’anciens militaires non ressortissants de l’ONACVG, soit qu’ils ne remplissent pas les conditions, soit qu’ils n’aient pas fait la demande de la carte du combattant ou du titre de reconnaissance de la Nation par méconnaissance, négligence ou phobie administrative. La CABAT estime, par exemple, leur proportion à environ 10 % sur les 1 035 blessés qu’elle suit actuellement.

Les jeunes blessés ont du mal à se reconnaître dans l’ONACVG et ne se considèrent pas comme des anciens combattants ; ils se voient plutôt comme des vétérans par mimétisme avec les soldats américains. Peut-être conviendra-t-il de réfléchir à la dénomination de l’office ?

Le suivi des anciens militaires blessés est du ressort de l’action sociale de la défense ; ils peuvent faire appel à elle leur vie durant. Le rôle de l’action sociale est donc déterminant en la matière.

L’ONACVG indique toutefois répondre dans ses services départementaux à des non ressortissants dans le cadre de demandes d’information, d’aide à la constitution et à la transmission de dossiers de PMI et d’inscription sur les listes d’emplois réservés.

1.   Le renforcement de l’implication de l’action sociale de la défense dans le suivi de ce public

Comme cela vient d’être rappelé plus haut, l’action sociale est « le bras armé » du ministère dans le suivi des anciens militaires blessés.

Il convient de veiller à la transmission du passeport du blessé.

Si en vertu de conventions signées avec les cellules d’aide aux blessés, le passeport du blessé, consignant son parcours et les actions entreprises, est parfois transmis à l’ONACVG concernant ses ressortissants, le sort de ce passeport est incertain pour ce qui concerne les non-ressortissants.

Renseignements pris, il arrive qu’il soit transmis à l’action sociale de la défense mais rien n’est officialisé en ce sens. Indépendamment des réserves exprimées plus haut, l’action sociale étant l’interlocuteur désigné de l’ancien militaire blessé, les rapporteures estiment qu’il est absolument indispensable de formaliser la transmission systématique de ce passeport à l’action sociale et de le faire suivre à l’assistant de service social du lieu de résidence du blessé. Il serait également utile qu’il se fasse connaître afin que le blessé sache vers qui se tourner en cas de besoin. Les conseillers techniques de service social en poste auprès des cellules d’aide aux Invalides signalent, le cas échéant, des situations aux assistants sociaux locaux.

2.   Assurer la formation continue des assistants de service social au suivi des blessés et augmenter leur nombre

De l’avis général, les assistants de service social fournissent un travail indispensable. Ils sont également perçus comme étant « débordés ». Nonobstant leur lourde charge de travail, dont les actions au profit des blessés ne constituent qu’une partie, il est impératif de les former dans le détail aux évolutions des différents dispositifs et, c’est une remarque qui a été régulièrement faite aux rapporteures, de les acculturer à l’environnement militaire. Le suivi du blessé qui a quitté l’institution non-ressortissant de l’ONACVG doit être au cœur de leurs préoccupations.

Les conseillers techniques de service social en poste auprès des cellules d’aide aux Invalides assurent le relais avec l’échelon social de proximité dans les deux sens. Ils centralisent notamment les demandes d’aide sociale complémentaires afin de transmettre aux associations concernées uniquement des demandes validées dont le dossier a été étudié et d’éviter ainsi les redondances. Leur rôle d’information et de formation de leurs collègues à la spécificité du suivi des blessés et leur rôle d’animation du réseau social autour de cette thématique, qu’ils assument déjà en partie, pourrait être utilement renforcé.

Les rapporteures sont convaincues que le suivi des militaires blessés, et surtout celui des militaires blessés ayant quitté le service actif, est en premier lieu l’affaire des assistants de service social et que leur rôle doit être rappelé et mis en cohérence avec les moyens humains et matériels accordés à la sous-direction dont ils relèvent.

C.   Favoriser le maintien du lien avec les unités d’appartenance

De l’avis général, maintenir un lien avec l’unité d’appartenance est bénéfique pour le blessé. Il s’agit d’en organiser la possibilité.

1.   Envisager la remise en question de la gestion administrative des blessés et des malades en position de non-activité par des entités spécifiques

Cette gestion administrative, comme cela a été évoqué précédemment, éloigne durablement et parfois définitivement, le militaire blessé de son unité et des armées. Il semble que, compte tenu du nombre de militaires en CLM et CLDM, une gestion déconcentrée de ce flux serait peut-être envisageable.

Les rapporteures souhaitent que cette option soit étudiée. Elle aurait l’avantage de réintroduire la possibilité d’un contact physique avec un gestionnaire identifié et irait, de plus, dans le sens de la déconcentration mise en œuvre par la CABAT.

2.   Réaffirmer que le maintien de ce lien est une responsabilité du commandement

L’exercice de cette responsabilité se heurte à la mobilité du commandement qui, compte tenu de son propre rythme de mutation et de la durée des congés de non-activité, ne connait la plupart du temps pas les blessés les plus anciens. Le bureau environnement humain, ou son équivalent, pourrait se signaler, comme cela se fait déjà dans certaines unités, une fois par an auprès du blessé ou de la famille, les inviter à des événements… Un échange de bonnes pratiques serait certainement utile.

Il s’agit également de maintenir un équilibre entre passé, présent et avenir. Les unités ont le devoir de suivre les blessés et les familles mais doivent également se projeter dans de nouvelles opérations.

3.   Sensibiliser le commandement des zones militaires et les autorités locales

Les préfets qui président les conseils départementaux de l’ONACVG devraient être en mesure de convier les anciens militaires blessés, les veuves de guerre et les orphelins aux cérémonies officielles. Le commandement des zones militaires de défense pourrait les y aider et entreprendre également des actions visant au maintien ou à la restauration du lien.

D.   L’exemple de la légion étrangère

« Tu n’abandonnes jamais ni tes morts, ni tes blessés ». En conformité avec l’article 7 du code d’honneur du légionnaire, la légion étrangère soutient ses soldats, dont les blessés, et, ce, jusqu’à la fin de leurs jours, s’ils le souhaitent.

Une Commission de suivi des blessés de la légion étrangère (CSBLE) a été présentée aux rapporteures en déplacement à Aubagne ; le cas des blessés y est examiné quelle que soit la circonstance de la maladie ou de la blessure, y compris hors service. Les blessés en CLM et CLDM sont affectés administrativement au 1er régiment étranger à Aubagne où ils relèvent de la Situation administrative des isolés (SAI) le temps de leur prise en charge médicale. Des emplois de type sas thérapeutique, permettant de combiner soins et activité, peuvent leur être proposés avant le passage en CLM/CLDM. La légion suivait au 13 mai 2019, 188 légionnaires affectés au SAI, 10 pour maladie, 59 pour des affections psychologiques sans lien au service, 20 pour stress post-traumatique, 70 pour accident en service, 22 pour accidents hors service et 7 blessés en opérations. Les rapporteures ont été marquées par la bienveillance et l’attention avec lesquelles étaient traités les dossiers des blessés et malades hors service pour lesquels des solutions professionnelles et familiales étaient recherchées.

Les demandes de naturalisation sont peu nombreuses, autour de 300 par an. Paradoxalement, la procédure instituée par la loi n° 99-1141 du 29 décembre 1999 modifiant les conditions d'acquisition de la nationalité française par les militaires étrangers servant dans l'armée française, dite « Français par le sang versé » s’avèrerait plus longue que la procédure classique, ce dont les rapporteures s’étonnent.

La légion étrangère, via son action sociale, a la particularité de disposer d’une variété de modes d’hébergement susceptibles de répondre à de multiples situations dont celle des blessés.

 

 

Solidarité et reconnaissance : les hébergements de la légion étrangère

 

Le centre des convalescents et permissionnaires de la légion étrangère (CCPLEM) de La Malmousque à Marseille héberge des légionnaires célibataires en permission et des convalescents. Des chambres d’une capacité d’une ou deux personnes, récemment rénovées, peuvent les accueillir pour une période limitée. Des navettes sont organisées avec l’HIA Laveran pour permettre la poursuite des soins.

Le centre d’hébergement et d’accueil de la légion étrangère (CHALE) à La Ciotat, n’est pas destiné à l’accueil des blessés mais lors de la visite de la mission d’information, la moitié des chambres étaient occupées par des blessés en convalescence que leur famille pouvait rejoindre, une possibilité que n’offre pas le CCPLEM. Une chambre y a été spécialement aménagée pour un légionnaire paraplégique hébergé au CHALE et pour lequel est étudiée la possibilité d’un emploi sur place.

L’Institution des invalides de la légion étrangère (IILE) à Puyloubier est un endroit étonnant dans un cadre naturel superbe au pied de la montagne Sainte-Victoire, entouré d’un domaine viticole et de champs d’oliviers. Elle accueille d’anciens légionnaires de tous âges, ponctuellement ou pour très longtemps. L’institution n’est pas non plus destinée à accueillir les blessés, la santé des pensionnaires devant être compatible avec la structure médicale existante, à savoir une infirmerie et des vacations de médecins généralistes certains jours de la semaine. Une partie des chambres peut accueillir des personnes handicapées. Outre la présentation d’un certificat de bonne conduite, le pensionnaire doit participer aux activités proposées dont la reliure, la céramique et les travaux des champs. Les anciens légionnaires sans ressources y sont admis. Les pensionnaires y évoluent dans une ambiance familiale en quelque sorte dans laquelle une communauté de vie et d’expérience est perceptible.

La Maison du légionnaire à Auriol complète le dispositif sous la forme d’un établissement plus classique accueillant des légionnaires retraités.

Le financement de l’action sociale repose essentiellement sur le Foyer d’entraide de la légion étrangère (FELE) et le Cercle mixte de la légion étrangère (CMLE). Les ressources du FELE sont majoritairement constituées de dons et legs mais également des recettes issues de la vente du vin et de l’huile d’olive produits sur le Domaine du capitaine Danjou, des réalisations des ateliers de reliure et de céramique de l’IILE et des abonnements au magazine mensuel Képi Blanc. Le FELE finance des actions sociales individuelles, collectives et solidaires. Il a, par exemple, financé le dispositif AlterG, un tapis de course anti-gravité qui réduit le poids de corps de 80 % utilisé dans le réapprentissage de la marche, en fonction à l’HIA Laveran.

E.   Le projet de « Maison du combattant »

Le général Bosser, alors chef d’état-major de l’armée de terre, a présenté ainsi à la commission de la défense, le 5 juin dernier, son projet de structure destinée à des militaires convalescents : « Je transmettrai également à mon successeur un projet ambitieux de « maison des blessés » afin de compléter l’accueil et la reconstruction des soldats en situation de handicap, pendant la période située entre la fin des soins donnés par le service de santé des armées et le retour à l’emploi, qui peut durer entre zéro et trois ans. Pendant ce temps, nos garçons et nos filles sont des convalescents militaires ou des militaires convalescents, qui ne trouvent pas forcément dans les congés de longue maladie passés à domicile un cadre propice à retrouver un emploi le moment venu.

J’ai acquis la conviction que la cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre, la CABAT que tout le monde connait, est un outil sous-dimensionné au regard des besoins. Au travers de la Maison du combattant, que j’imagine pour demain, je souhaiterais restructurer les leviers du soutien au service de nos blessés que constituent les associations, Terre Fraternité, les entraides, les donateurs, et l’armée de terre qui reste le premier contributeur de l’action menée par l’intermédiaire de la CABAT. Un projet est en cours. Il est complexe juridiquement dans un domaine commun à l’armée de terre et au service de santé des armées. Des textes doivent être aménagés pour que les soldats bénéficient d’une protection juridique lorsqu’ils sont placés en congés maladie de longue durée. J’espère que ce projet aboutira, notamment pour les blessés psychiques pour lesquels il ne semble pas se produire beaucoup d’évolutions. Mais cinq ans est peut-être une durée trop brève pour apprécier les résultats, la guérison de ce type de blessures étant souvent très lente. Je suis toutefois convaincu que rester dans l’ambiance militaire serait bénéfique à nos jeunes soldats qui n’ont parfois pas de famille et que vivre dans les maisons que j’envisage serait un bon facteur de réinsertion. »

Le chargé de mission nommé par le CEMAT a été auditionné par les rapporteures et leur a apporté un éclairage sur les grandes lignes du projet.

L’idée part du constat qu’entre les soins prodigués par le SSA et la reconversion par l’ARD, il existe un vide occupé dans le civil par des structures post-hospitalières, des établissements spécialisés, des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Tous les blessés n’ont pas une famille sur laquelle compter, capable ou désireuse de les accueillir. Certains conjoints sont dépassés et le blessé est parfois rejeté par sa famille qui ne comprend pas la blessure invisible. Le contact se perd, notamment avec les enfants, et certains blessés courent le risque de devenir sans domicile fixe, une hantise souvent exprimée par le général Bosser.

Cette structure, tantôt dénommée Maison des blessés, du vétéran ou du combattant, serait non-institutionnelle pour permettre l’accueil de blessés dans le rejet de l’institution et de son système de soins. Elle viendrait en complément de l’existant, se destinant aux blessés en phase de consolidation et de réinsertion psycho-sociale avant leur prise en charge par l’ARD ou une structure de reconversion civile et, surtout à ceux qui « passent entre les mailles du filet ». Les blessés en service et hors service y seraient accueillis car ces derniers sont, on l’oublie trop souvent, des militaires que la malchance a frappés mais des militaires avant tout.

Le lieu serait ambulatoire mais comprendrait quelques hébergements d’urgence dans un lieu distinct. Les pensionnaires, entre 15 et 20, assureraient par leur participation le fonctionnement pratique de la structure. L’encadrement pourrait compter, par exemple, trois salariés, un directeur, un adjoint logistique, un gestionnaire de cas (case manager) ainsi que des psychologues stagiaires.

La prise en charge durerait entre 40 et 60 jours, évaluée à 5 000 jours/blessés par an, et serait composée de trois modules de durée variable : un module d’inclusion centré sur la parole et l’ouverture, un module de réadaptation notamment cognitive, sportive et un module d’immersion professionnelle consistant en des stages en entreprise.

Les locaux défense seraient prêtés, le coût de fonctionnement d’une maison, il en serait prévu trois, est évalué à 800 000 euros pour une année, masse salariale comprise. Il proviendrait pour moitié de subventions publiques et de fonds issus de dons et d’actions de mécénat, éventuellement collectés dans le cadre d’une fondation regroupant des associations.

Ce projet, qui reprend certains aspects de dispositifs existants, OMEGA, CREBAT et autres stages de reconstruction, a le grand mérite de mettre le doigt sur le besoin d’accompagnement psycho-social de blessés laissés à eux-mêmes, quand bien même ils poursuivent leur parcours de soins, en proie à la rupture des liens sociaux et aux difficultés matérielles qui sont un facteur aggravant des pathologies et un obstacle à la réinsertion.

Sans exprimer d’avis tranché sur ce projet qui connaîtra certainement des inflexions, les rapporteures souhaitent en suivre l’évolution.

III.   Accélérer la numérisation des procédures et de l’information en cohérence avec une simplification administrative

A.   Adopter une politique numérique ambitieuse

Les rapporteures ont toutefois acquis la conviction que si la transmission des données issues des divers systèmes d’information n’est pas simple, voire automatique, le danger est grand qu’elle ne se fasse pas, ou alors imparfaitement. Ceci rejoint d’ailleurs le point 3.11 « Axe d’effort : administration et support » du Document d’orientation de l’innovation de défense 2 019 préconisant d’« automatiser les tâches répétitives et chronophages […] et de développer des capacités de partage de données en temps réel ». Une difficulté consistera à rendre des informations textuelles calculables.

Les rapporteures ont déjà évoqué la mise en place de coffres-forts numériques individuels dans lesquels pourraient être versées et prélevées les différentes pièces administratives afin d’alléger le mur administratif auquel se heurtent les blessés et les familles. Il semble d’ailleurs, considérant les réactions de leurs interlocuteurs, que point n’est besoin d’être blessé pour s’y trouver confronté. La numérisation doit impérativement aller de pair avec la simplification des procédures.

B.   Tout en se gardant du tout numérique

Les rapporteures insistent toutefois sur le fait qu’il convient de se garder d’une focalisation sur le tout numérique dont il serait attendu une solution globale aux problèmes rencontrés par les administrés face à leurs dossiers. Si presque tous les jeunes jouent aux jeux vidéo, ils ne sont pas pour autant tous à l’aise face à un formulaire en ligne. S’ajoutent à cela la non possession de certains équipements, ordinateur, scanner ou imprimante, et les zones blanches encore nombreuses en France. Les militaires du rang n’ont, par exemple, pas d’accès individuel à Intradef et parfois difficilement accès à un poste informatique leur permettant de faire une demande de PMI.

La numérisation des procédures ne saurait donc faire l’économie d’un accompagnement humain, faute de décevoir les utilisateurs.

C.   Le point sur la maison numérique des blessés et des familles

En cohérence avec le programme « Action publique 2022 » dont l’objectif est l’accès en ligne de la totalité des démarches administratives à l’horizon 2022, le portail PMI a été déployé durant le premier semestre 2018 dans toutes les bases de défense. 1 800 dossiers ont été déposés en 2019, soit une centaine par mois. La constitution du dossier et sa transmission à la SCP ont pris 59 jours au lieu de 100 pour un dossier papier. Le délai se répartit entre les CMA à 47 %, le groupement de soutien de base de défense à 21 %, l’unité à 20 % et le demandeur à 12 %. Les usagers étaient 83 % à se déclarer satisfaits en 2018.

Le portail Indemnisation complémentaire devrait être déployé début 2020 et les travaux pour les demandes d’allocations du fonds de prévoyance sont en cours. Il est également réfléchi à l’accessibilité sur internet et à un module de services en ligne destiné aux familles endeuillées.

D.   Multiplier les points d’accès à l’information

1.   Exploiter les canaux existants pour diffuser l’information et faciliter l’accès à l’accompagnement

Multiplier les points d’accès à l’information pourrait contribuer à la rendre plus visible. Des portails mis en place par le ministère, accessibles par internet, existent déjà.

Le e-social des armées, en fonction depuis juin 2018 (6 800 connexions en 2018) donne des informations dans son champ de compétences et renvoie vers d’autres sites tels que ceux de la CNMSS, des mutuelles, des associations, de l’IGESA. Un onglet « Offres aux blessés en service et leur famille » présente l’aide au séjour de la famille auprès d’un ressortissant de l'action sociale des armées blessé en service, avec un formulaire téléchargeable, et le séjour gratuit dans les centres de vacances IGESA au profit des blessés en opérations et du conjoint survivant. Un lien vers le guide du blessé et de sa famille semblerait approprié et, plus tard, vers la Maison numérique des blessés et des familles lorsqu’elle sera accessible par internet.

Le portail Eurêka, également accessible par internet, est un portail d’accès au soutien, qui renvoie notamment vers le e-social ; il comporte un onglet « Mes démarches administratives » qui devrait lui aussi, à terme, pouvoir diriger vers la Maison numérique des blessés et des familles. Là aussi un lien vers le guide du blessé pourrait être mis en place.

Le numéro vert Écoute Défense devrait figurer sur tous les portails du ministère.

Un autre dispositif a été mis en place par le Service du commissariat des armées. Il s’agit des espaces ATLAS pour « Accès en tout Temps, tout Lieu Au Soutien » qui sont des guichets physiques, situés dans des lieux fréquentés et tenus par des permanents, et numériques, donnant accès à Eurekâ, Intradef-café, et e-ATLAS. Ils sont destinés à faciliter l’accès à des prestations aussi variées que des renseignements ou documents en matière de ressources humaines, les services sociaux, des catalogues de prestations de restauration et d’hôtellerie, l’habillement, la réception de courrier, de colis commandés en VPC, des billetteries d’offres de loisirs… Leur accès sera autorisé aux familles, une expérimentation étant en cours à Cherbourg ; il en est ouvert 80 et il est prévu d’en ouvrir 207 entre 2019 et 2020.

Les rapporteures estiment qu’il serait regrettable de ne pas utiliser cet outil qui pourrait être un moyen d’orientation précieux pour le blessé et sa famille, en adaptant l’information et sélectionnant les démarches qui pourraient être entreprises par ce canal conçu comme une simplification de l’accès au soutien.

2.   Développer des applications

Les rapporteures ont déjà évoqué ce sujet et estiment qu’il sera indispensable de s’adapter aux nouveaux modes de communication. Le e-social des armées est, par exemple, déjà accessible depuis un smartphone.

E.   Et faire tomber le mur Administratif

« Chaque nouveau papier remet le blessé face à un échec », « sentiment de se battre contre le système », « se justifier d’être blessé », « Cette complexité administrative, les délais associés, la multitude des acteurs, le manque d’informations sur l’état d’avancée du dossier génèrent de l’inquiétude, de la frustration et de la colère qui nuisent au soin et à la reconstruction ». « Des procédures administratives rebutantes ». Les rapporteures souhaitent ne plus avoir à entendre ces mots à l’avenir. Elles ont été marquées par la lassitude exprimée par les blessés face à la transmission de documents identiques à différents services, face aux dossiers à remplir, face à la répétition de leur histoire.

IV.   Former et soutenir les acteurs du soutien

En dehors des assistants de service social qui sont des professionnels de l’accompagnement social, il est apparu aux rapporteures que les personnels en charge de l’accompagnement humain étaient peu nombreux à bénéficier d’une formation. Il n’est pas non plus proposé à ceux qui le souhaiteraient un parcours professionnel prenant en compte leur expérience.

Le service médical de psychologie clinique appliquée à l’aéronautique (SMPCAA), par exemple, anime trimestriellement un groupe d’analyse des pratiques au profit des personnels de la cellule d’aide aux blessés de l’armée de l’air. Un soutien individuel ou collectif peut être proposé en fonction des événements.

A.   Professionnaliser l’accompagnement et former au soutien humain

Il n’existe pas de filière accompagnement permettant à des militaires d’y poursuivre une deuxième ou une troisième partie de carrière de façon cohérente. L’appétence pour le domaine et l’implication personnelle font toute la différence. Il est donc important de n’y affecter que des personnels volontaires et présentant les qualités nécessaires. Une formation devrait leur être systématiquement dispensée.

Il n’existe, par exemple, pas de formation institutionnelle pour le poste de chef du bureau environnement humain, ou équivalent dans les autres formations. L’armée de terre les forme localement.

Les conseillers facteur humain de l’armée de terre bénéficient, eux, d’une formation d’adaptation d’une durée de plusieurs semaines, comportant un passage dans un HIA. Le conseiller facteur humain n’est en revanche pas nécessairement le chef du bureau environnement humain.

Mais il serait faux de dire que rien n’est fait. Une sensibilisation est conduite lors des journées des présidents de catégorie. Un stage annuel « environnement humain » est organisé aux écoles de Saint-Cyr-Coëtquidan.

Une formation d’une journée, dite « Cellule de crise », animée par un psychologue de la section études psychologiques du bureau condition du personnel-environnement humain de la DRHAT existe pour les personnels appelés à participer aux cellules de crise activées lors de la survenue d’un événement majeur, décès ou blessure grave. Elle a pour objectif de mettre en lumière les facteurs psychologiques en jeu et, notamment de préparer les personnels concernés à l’exercice difficile qu’est l’annonce d’un décès ou d’une blessure.

Quant aux cellules d’aide aux blessés, tout repose sur la bonne volonté et l’engagement personnel. Soutenir, accompagner des personnes en souffrance est exigeant et demande un savoir-faire particulier (écoute active, empathie…), dans l’intérêt de la personne accompagnée et de l’accompagnateur qui doit se protéger et ne pas absorber la détresse ou la colère exprimées, au risque d’une fatigue compassionnelle, que le psychologue Charles Figley définit comme un état d'épuisement et de dysfonctionnement biologique, psychologique et émotionnel, résultat d'une exposition prolongée au stress de la compassion...

Une formation à l’écoute et une sensibilisation à la blessure psychique, évoquées précédemment pour les aumôniers, devraient leur être dispensées.

Hormis la formation, les personnels doivent pouvoir recevoir un soutien psychologique collectif et individuel si nécessaire.

Compte tenu de l’ensemble de ces observations, les rapporteures ont un avis réservé quant aux suggestions de parrainage d’un blessé par une personne référente au sein des unités. L’agence de reconversion de la défense a cité aux rapporteures l’exemple de conseillers, blessés eux-mêmes, que leur métier mettrait en danger, et celui de conjoints ou des parents de blessés qui finiraient par abandonner ce même métier ayant besoin de rétablir une séparation entre leur situation personnelle et professionnelle.

Les rapporteures sont d’avis qu’il est indispensable de former ces personnels sur lesquels l’administration se repose pour le suivi du parcours des blessés et du soutien des familles. Les cellules ne doivent pas non plus, cela peut être une tentation, se voir confier de tâches administratives. Ce n’est pas leur rôle. Elles ne remplacent pas non plus les professionnels du soin.

B.   Savoir lâcher prise

Les situations individuelles engendrent des réactions très diverses face à la blessure et la mort. Il faut savoir à la fois rattraper des individus ou des familles en rupture qui sont simultanément en demande de soutien et laisser partir les blessés qui ne se considèrent plus comme tels et veulent être autonomes.

Quelle que soit sa bienveillance, l’accompagnant représente un lien avec la blessure et ses circonstances. Il doit savoir ne pas retenir le blessé ou la famille et s’effacer pour laisser le champ libre à une nouvelle histoire tournée vers l’avenir. Ainsi que le formulait un interlocuteur du CSFM : « Il faut tenir la main du blessé jusqu’à ce qu’il décide de la lâcher ».

V.   Renforcer le lien avec les familles

Si le militaire emmène sa famille dans son paquetage, les évolutions de la société, avec notamment le travail des femmes, les séparations, l’étanchéité croissante entre vie professionnelle et vie privée entraînent la distension des liens des familles avec l’institution militaire. Pourtant que des liens soient établis ou non, toutes les familles sont touchées par l’activité opérationnelle du militaire, le risque et ses absences longues et fréquentes.

Il arrive régulièrement que les informations dont dispose le commandement sur la famille, nom, adresse, contact téléphonique ou messagerie électronique, ne soient pas à jour. Cela est particulièrement dommageable lorsque se produit un événement grave dont les proches peuvent être de ce fait informés par les médias et les réseaux sociaux avant d’avoir pu être contactés par l’institution. Il est donc impératif que le commandement insiste sur la nécessité de disposer de coordonnées valides, absolue avant un départ en opérations. Cette mise à jour doit s’étendre aux contrats d’assurance et de prévoyance dont les bénéficiaires peuvent varier au gré de la vie sentimentale des jeunes militaires, plongeant parfois certaines familles dans des situations difficiles.

Les mesures du Plan Famille facilitant l’accès des familles à certaines implantations militaires, permettant l’établissement de procurations pour certaines démarches, augmentant les crédits des commandements locaux pour l’organisation d’actions de cohésion vont dans le bon sens. Tout comme le kit destiné aux enfants permettant de mieux appréhender l’absence de leur parent. Conçu par deux épouses de militaires, en lien avec l’action sociale de la défense, financé par les mutuelles et édité à 20 000 exemplaires, il a été particulièrement apprécié, suscitant par ailleurs la déception de ceux dont les enfants ne l’ont pas reçu.

Nombre de kits enfants distribués en 2018

Armée de terre : 11 000

Marine nationale : 3 200

Armée de l’air : 3 200

Gendarmerie nationale : 2 200

Service de santé des armées : 99

Service des essences : 99

Source : ministère des Armées.

 

Les rapporteures souhaitent que ce dispositif soit généralisé et pérennisé.

Le Guide du militaire blessé et de sa famille représente un support précieux dont il pourrait être fait des déclinaisons synthétiques ou thématiques disponibles sur internet et sur des applications.

Il s’avère difficile de mobiliser les conjoints pour les réunions organisées à leur intention avant, pendant et après les OPEX. L’emploi du temps des conjoints qui travaillent rend complexe le choix d’une date et l’intérêt manque chez certains. Une assistante sociale rencontrée par les rapporteures leur indiquait appeler les familles une à une pour les convier à la réunion organisée avant le départ en OPEX, avec davantage de succès que par d’autres canaux, une pratique qu’il conviendrait de généraliser.

L’HIA Sainte-Anne à Toulon organise, par exemple, des conférences à destination des familles dites « Les jeudis de Sainte-Anne » traitant notamment de sujets en lien, avec l’absence.

VI.   Renforcer l’implication des administrations et des entreprises dans la reconversion des blessés

Évoquant notamment le partenariat avec le MEDEF, le général François Lecointre, chef d’état-major des armées, a déclaré lors de son audition par la commission de la défense le 11 juin 2019 : « Il faut que nous encouragions les partenaires à venir chercher et à embaucher des blessés militaires. Je pense qu’ils l’ont compris. Nous nous mettons en ordre de bataille pour être plus visibles et offrir une meilleure compréhension de nos circuits de reconversion, de façon à ce que les industriels ou les chefs d’entreprise puissent facilement venir chercher chez nous des blessés à embaucher. »

A.   La nécessité d’une participation des organisations professionnelles des entreprises de défense

Le groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), réunissant des entreprises s’adressant au secteur civil et à celui de la défense, est à l’initiative de la création de l’association Hanvol qui « favorise la formation et l'insertion de personnes handicapées dans le cadre de contrats d'alternance, pour l'industrie aéronautique et spatiale »[47]. Ses membres sont notamment Dassault, MBDA, Safran, Thales, Airbus et, bien sûr le GIFAS. Des formations et des recrutements sont menés dans ce cadre avec succès depuis 2010.

Les rapporteures suggèrent que le Groupement des industries de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (GICAT) et le Groupement des industries de construction et activités navales (GICAN) s’inspirent de ce modèle et, au-delà, que les groupements professionnels se mobilisent pour informer leurs adhérents des possibilités de formation et de recrutement d’anciens militaires blessés. À l’instar de l’action menée par le MEDEF, le conseil des industries de défense françaises (CIDEF) pourrait utilement se saisir du sujet de la reconversion des militaires blessés.

Il est important que les expériences positives soient relayées. Ainsi, en réponse à des questions des rapporteures lors de son audition par la commission le 15 mai 2019, M. Stéphane Mayer, président directeur général de Nexter, a indiqué qu’il attachait, à titre personnel et professionnel, une importance particulière au sujet des blessés dont l’accueil par une entreprise de la communauté de défense constituait pour lui un devoir. Le renouvellement de la convention Oméga avec la CABAT a été signé le 23 juin 2018, à l’occasion de la Journée des blessés de l’armée de terre organisée aux Invalides à laquelle l’accompagnaient les deux blessés actuellement présents chez Nexter. En lien avec la CABAT, dans le cadre du dispositif Oméga, l’intégration de ces deux militaires présentant des blessures psychiques a été très progressive. L’un des deux occupe actuellement un poste dans le domaine de la maintenance l’amenant à être en contact avec des unités opérationnelles, à sa grande satisfaction car, selon les propos de M. Mayer, il continue de se sentir utile et de servir la France autrement. Il s’agit pour Nexter d’expériences concluantes, riches humainement tant pour le blessé que pour l’entreprise, appelées à se renouveler.

B.   Les administrations doivent participer au recrutement de militaires blessés

Qu’il s’agisse d’anciens militaires blessés ou de militaires valides, des progrès restent à faire en matière de recrutement dans la fonction publique d’État. Le ministère des Armées est logiquement le premier recruteur, suivent la fonction publique de l’État, dont le ministère des Armées à 60 %, puis le ministère de l’Intérieur et les ministères de la Justice, de la Transition écologique et solidaire, de l’Éducation nationale et enfin les douanes. Les fonctions publiques territoriales et hospitalières ne doivent pas être en reste en la matière.

1.   Devenir civil de la défense

Le général Lecointre, chef d’état-major des armées, le déclarait à la commission de la défense le 11 juin dernier : « Enfin, il existe l’article L. 4139-2 du code de la défense et les articles qui permettent de réembaucher des militaires comme civils de la défense dans nos propres structures. Ce système fonctionne bien et nous continuons à le mettre en œuvre. Ce sujet reste une priorité et nous continuerons à y veiller avec attention. »

Abandonner son statut de militaire au profit de celui de civil de la défense n’est pas simple pour autant. L’ancien militaire se sent toujours militaire et côtoyer professionnellement des collègues militaires peut se révéler compliqué. Il peut également exister une certaine stigmatisation des bénéficiaires d’emplois réservés, blessés militaires ou conjoints de militaires décédés ; il leur serait fait une faveur alors qu’il s’agit bien d’un droit et d’une mesure de reconnaissance. Il est essentiel que les mentalités évoluent sur ce point.

2.   Les emplois réservés

Les dispositifs dérogatoires d’accès à la fonction publique ouverts aux militaires connaîtront une évolution majeure à partir du 1er janvier 2020 ([48]) puisqu’ils seront réservés au seul public prioritaire que seront les blessés. En 2018, l’ARD indique que seules 20 personnes issues d’un public prioritaire ont été recrutées par la voie des emplois réservés. La marge de progression est importante et les résultats de l’application de cette nouvelle réglementation seront observés avec attention.

VII.   Porter une attention particulière aux personnels du service de santé des armées

A.   Les soignants sont des militaires comme les autres

Le personnel du SSA bénéficie des mêmes dispositions que l’ensemble des personnels des forces armées et des formations rattachées. Toutefois, en tant que soignant et soutenant, il a pu avoir la sensation d’être négligé. Or, les femmes et les hommes de ce service exercent dans des conditions difficiles, sont confrontés aux effets de la violence et le paient parfois de leur vie.

Lors de son audition, a directrice du SSA a assuré aux rapporteures accorder une grande importance à ce sujet. À son initiative s’est déroulée le 18 octobre 2018 la première journée des blessés du SSA et de leurs familles, renouvelée le 28 septembre 2019. Son attention a été récemment appelée sur la nécessité de maintenir un lien de proximité entre le soignant blessé, sa famille et le commandement local, en complément de l’accompagnement prodigué par la CABMSSA. Il a donc été décidé la mise en place d’un groupe de travail, associant notamment des membres du conseil de la fonction militaire du SSA, devant proposer avant la fin du second semestre 2019 les contours d’un dispositif garantissant le maintien du lien institutionnel avec les militaires blessés. Mis en place dans l’ensemble des établissements du service, il pourra s’inspirer des commissions de suivi locales organisées au sein de l’armée de Terre. Les rapporteures se félicitent de cette initiative qu’elles trouvent tardive au demeurant.

Une attention particulière doit être portée au personnel projeté à plusieurs reprises durant plusieurs années et qui a été confronté à la prise en charge de blessés de guerre en situation difficile. La notion de « pause opérationnelle » est à prendre en considération, pour le personnel fortement sollicité, celui qui accompagne les forces spéciales notamment.

Par ailleurs, les médecins du SSA se trouvent dans une position parfois inconfortable vis-à-vis de leurs collègues pour lesquels ils représentent à la fois un soignant et un censeur en matière d’aptitude.

B.   Recruter et fidéliser

Selon les informations communiquées par la directrice centrale du SSA, le service, au cours de la précédente loi de programmation militaire a été marqué par une déflation de 10 % de ses effectifs en cinq ans, soit 1 611 personnes. Au 31 décembre 2018, les effectifs réalisés s’élevaient à 14 529 personnes, composés de 70 % de militaires et de 30 % de civils. La composante hospitalière emploie environ 6 900 personnes.

La nouvelle LPM prévoit une stabilisation immédiate des effectifs, suivie d’une remontée progressive au cours des dernières années visant une cible d’environ 14 820 postes en 2025.

Évolution des effectifs du SSA de 2008 à 2018 ([49])

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

22018

 

15 641

15 707

15 941

15 975

16 239

16 140

15 847

15 296

14 766

14 487

114 529

 

Source : direction centrale du SSA.

a.   Un déficit touchant plusieurs composantes et métiers

Actuellement environ 100 postes de médecins généralistes de la composante médecine des forces sont vacants, sur un volume total théorique de 860. La résorption de ce sous-effectif est un impératif majeur.

La composante hospitalière est également touchée par des effectifs critiques de chirurgiens, notamment orthopédiques et viscéraux, d’anesthésistes-réanimateurs et de radiologues.

Les professions para-médicales comptent également un nombre insuffisant d’infirmiers de bloc opératoires diplômés d’état (IBODE) et de masseurs kinésithérapeutes diplômés d’état (MKDE).

Les infirmiers, et la population des militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA) dans son ensemble, quittent le plus souvent l’institution lorsqu’ils atteignent l’ancienneté offrant la possibilité d’une retraite à jouissance immédiate. Les flux de départ sont soutenus tout en restant très stables, de l’ordre de 6 % de l’effectif moyen, à l’exception notable de l’année 2017 marquée par de faibles départs en raison du tarissement de l’octroi de leviers financiers. La reconversion dans une carrière civile ne pose généralement pas de problème pour ces catégories de métiers.

Ne relevant pas du SSA, mais appartenant à la chaîne santé, les militaires de l’armée de terre auxiliaires sanitaires auraient récemment rejoint les métiers atteignant des seuils préoccupants.

b.   Les raisons sont de plusieurs ordres

i.   Une politique de ressources humaines déflationniste depuis des années

Révision générale des politiques publiques, réforme des soutiens, loi de programmation militaire 2014-2019, fermeture de l’HIA du Val-de-Grâce, attribution de leviers de départ et annonce du projet SSA 2020 sont autant de facteurs ayant entraîné des départs de médecins militaires de carrière. Il s’agit de départs dits maîtrisés, atteinte de la limite d’âge et utilisation desdits leviers de départ, et non-maîtrisés, démission, réforme, retraite à jouissance immédiate ou décès. Leur nombre reste important mais stable, entre 100 et 125 départs annuels, avec un point haut enregistré en 2014.

La population des médecins sous contrat reste à un niveau constant, mais insuffisant, tout en se renouvelant rapidement.

ii.   Une démographie médicale nationale globalement déficitaire associée à des évolutions sociétales

Le SSA est, à l’instar de toutes les structures de santé, tributaire de la démographie médicale nationale en tension pour tous les métiers de la santé, générant une concurrence féroce entre les employeurs potentiels publics et privés. Ainsi, le directeur de la médecine des forces a indiqué aux rapporteures qu’il a fallu 30 entretiens pour recruter quatre médecins en 2018. Il suffirait toutefois de recruter un candidat par faculté de médecine pour remplir les objectifs de recrutement en 2019.

La directrice centrale du SSA l’a exprimé ainsi lors de son audition par la commission de la défense le 17 janvier 2018 : « Un autre facteur que je souhaitais évoquer est l’évolution du contexte sociétal et les difficultés liées à la démographie médicale. Le contexte de la santé publique a beaucoup évolué ces dernières années. Il se caractérise par une démographie des médecins libéraux généralistes en baisse, une féminisation croissante, une tendance à l’exercice de groupe et le souhait d’une bonne qualité de vie, tant professionnelle que personnelle. Ces évolutions ont pour conséquence d’attiser la concurrence entre le SSA et le secteur civil envers une ressource globalement limitée. Le SSA est ainsi confronté au défi de fidéliser ses personnels, notamment praticiens, y compris des jeunes en formation initiale, fortement marqués par l’évolution sociétale. Le maintien d’une attractivité vis-à-vis de praticiens ou de militaires infirmiers et techniciens (MITHA) contractuels est également un facteur majeur pour permettre la réussite de la transformation en cours. »

iii.   Des rémunérations peu attractives face au secteur civil

Elles supportent difficilement la comparaison avec le secteur civil. Si des mesures pécuniaires sont effectivement mises en place pour fidéliser et recruter des personnels, les attraits majeurs demeurent une vocation militaire et l’intérêt pour des conditions d’exercice hors norme.

iv.   Des sujétions importantes

En 2018, le SSA a projeté 1 846 militaires en OPEX et mission de courte durée (MCD) sur des postes relevant de la fonction « Santé », parmi eux 433 médecins, dont 312 généralistes, 77 chirurgiens, 37 anesthésistes réanimateurs et 7 psychiatres. Le nombre de personnels projetés s’élève à 873 pour le premier semestre 2019. Environ 2 000 personnels sont chaque jour en opérations, d’astreinte, de garde ou d’alerte. . Le sous-effectif est associé de façon chronique à une pression opérationnelle très forte qui pèse sur les mêmes populations : médecine des forces, spécialités chirurgicales et infirmiers spécialisés. Il est parfois complexe d’armer les postes. Cela conduit dans certains cas à des projections plus rapprochées que prévu et à une usure opérationnelle. Des rythmes de projection très soutenus ont été évoqués sur le terrain en présence des rapporteures.

C’est également ce qu’a dit la directrice à la commission lors de la même audition : « Ce haut niveau d’engagement, s’il est soutenable sur de courtes périodes, conduit, lorsqu’il est amené à se prolonger, à une usure prématurée du personnel, avec ses conséquences néfastes sur la fidélisation. Il conduit également à se concentrer sur les activités de court terme, indispensables à la réponse aux attentes des forces armées, en utilisant comme variable d’ajustement des aspects à plus long terme, comme la formation continue ou la préparation opérationnelle de nos personnels. Ceci fait peser un risque important sur le maintien des compétences, parce que cette situation est durable. » 

c.   Les pistes d’amélioration

i.   La nécessité d’une politique de ressources humaines adaptée et attractive

Le recrutement initial via la filière scolaire ne pose pas de problème, les écoles faisant le plein. En revanche, la fidélisation des personnels et le recrutement de médecins sous contrat doivent faire l’objet de mesures ciblées, dont certaines sont déjà initiées.

Le SSA a défini une nouvelle politique de ressources humaines destinée à accroître l’attractivité et la fidélisation, notamment par la valorisation des parcours professionnels et des rémunérations, l’égalité femmes-hommes, l’aménagement de la parentalité… L’objectif est de parvenir à 70 % de médecins issus de l’école de santé des armées et 30 % de médecins sous contrat ou commissionnés. Un médecin commissionné est recruté pour trois ans, ou plus, sans possibilité d’avancement ni d’évolution de grade, de salaire ou de poste.

Une communication et une visibilité accrues devraient aider le SSA à parvenir à ses objectifs.

ii.   La formation

La rénovation de la formation initiale des médecins, avec l’école du Val‑de-Grâce et le pôle pédagogique de Bron, devrait permettre de l’adapter à l’évolution des besoins du SSA tant au plan du contenu médical qu’au plan militaire. Il s’agit en effet de former, au prorata des besoins des armées, des praticiens, infirmiers et aides-soignants performants, résilients et capables d’agir dans différents types de milieux et de circonstances en mettant en œuvre des compétences particulières. Il convient pour ce faire d’articuler formation médicale en milieu civil (facultés de médecine et de pharmacie, instituts de formation en sciences infirmières et institut de formation des aides-soignants), formation médicale opérationnelle spécifique et formation militaire.

Tout en s’adaptant aux évolutions des cursus civils, la formation rénovée des praticiens vise à établir des standards et notamment à développer la simulation en augmentant le réalisme des mises en situation. La connaissance du milieu se base sur des conférences, des visites d’unités, la participation à des stages et le passage de brevets militaires. Les capacités physiques font l’objet d’un entraînement militaire et sportif ainsi que de stages d’aguerrissement. Le commandement, le management et la prise de décision, essentiels sur le terrain, sont également un objet de l’enseignement.

Le rapprochement géographique des écoles de formation de médecins et d’infirmiers permet de mettre l’accent sur le travail du binôme médecin-infirmier.

La qualité et la modernité de la formation sont un enjeu majeur de fidélisation des étudiants au cours de leur cursus, des passerelles devant par ailleurs permettre à des étudiants civils d’accéder à l’École de santé des armées (ESA) durant leur formation. Pour ce faire, l’ESA doit pouvoir proposer de bonnes conditions d’études, tant en matière d’hébergement (construction d’un nouveau bâtiment en 2019 et rénovation nécessaire des infrastructures existantes) que de qualité et de nombre des personnels d’encadrement.

Les rapporteures ont relevé la volonté d’imprimer à la formation initiale un esprit bienveillant axé sur des mises en situation et l’acquisition de réflexes en mode ludique.

Par ailleurs, les passerelles devant être à double sens, les infirmiers militaires confirmés devraient pouvoir bénéficier d’une équivalence avec le diplôme d'État d'infirmier en pratique avancée délivré par les universités. En effet, le décret du 18 juillet 2018 autorise les infirmiers en pratique avancée à effectuer certains actes relevant jusqu’à lors de la compétence exclusive des médecins.

Les rapporteures préconisent que la qualification d’infirmier en pratique avancée soit reconnue d’office aux infirmiers militaires.

iii.   En matière de sujétions

Des solutions sont recherchées pour atténuer l’impact des sujétions. Des postes à mandat réduit, de deux mois, sont identifiés. La programmation des missions est, dans la mesure du possible, effectuée à plus long terme. La prospection est centralisée.

iv.   En matière de rémunération

Le SSA octroie des bourses d’étude à des internes de médecine générale ou de spécialités hospitalières, ainsi qu’à des étudiants paramédicaux civils, en contrepartie d’un engagement à souscrire un contrat dont la durée est deux fois celle des études financées ([50]) ;

Un rapprochement des règles d’indemnisation des gardes et astreintes hospitalières des praticiens des armées avec celles en vigueur au sein de la fonction publique hospitalière a été effectué ([51]) ;

L’intégration récente du SSA dans le dispositif de primes de lien au service lui permet de proposer aux candidats à un engagement sous contrat des primes d’engagement et de fidélisation d’un montant équivalent à celles proposées par d’autres acteurs publics, ainsi que des primes de fidélisation à des praticiens de carrière relevant de spécialités critiques ([52]).

Le personnel des militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA) bénéficie de la mise en application du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » dans des conditions similaires à celles de la fonction publique hospitalière. Depuis 2011, des primes sont attribuées au personnel dont les compétences sont à fidéliser

Le SSA est par ailleurs associé aux travaux relatifs à la revalorisation des soldes servies aux praticiens militaires, dans le cadre des travaux autour de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) menés par la DRH-MD.

v.   Proposer des évolutions de carrière aux auxiliaires sanitaires

La ressource en auxiliaires sanitaires fait l’objet d’un groupe de travail conjoint du SSA et de l’armée de terre portant sur les évolutions de la doctrine d’emploi, la valorisation et la modernisation de ce métier au regard des évolutions stratégiques opérationnelles anticipées, notamment dans le cadre du programme Scorpion, et des métiers paramédicaux civils.

La création du métier d’assistant médical et de 4 000 postes correspondants dans le cadre de la stratégie « Ma santé 2022 » mise en œuvre par le ministère des solidarités et de la santé est une opportunité que souhaite saisir le SSA pour ouvrir des postes dans les antennes médicales, en premier lieu, et libérer ainsi du temps médical. Les assistants médicaux, qui auront été formés pour cela, pourront être chargés de fonctions administratives telles que l’accueil, la mise à jour du dossier médical, mais aussi techniques telles que la prise de constantes comme le poids, le pouls, la tension artérielle, la réalisation d’examens simples comme les bandelettes urinaires, les audiogrammes et les électrocardiogrammes ... Une réflexion active est en cours sur ce sujet, en lien avec le ministère en charge de la santé.

La création de ce nouveau métier permettra de proposer, notamment aux auxiliaires sanitaires déjà en charge de ces activités au sein des CMA, un nouveau parcours professionnel ainsi que des possibilités de reconversion, alors que leur métier n’est aujourd’hui pas transposable en milieu civil.

vi.   Encourager le recrutement de réservistes

Le SSA ne pourrait remplir ses missions aujourd’hui sans le recours à la réserve opérationnelle. Au 31 décembre 2018, le SSA comptait 3 054 réservistes opérationnels. La médecine des forces s’est vu attribuer les trois quarts des journées de réserve. Les projections ont concerné 66 réservistes, en OPEX ou MCD : il s’est agi de 47 médecins, chirurgiens, pharmaciens, dentistes, ces derniers ayant assuré 50 % des missions, et de 19 infirmiers de soins généraux, de bloc opératoire et anesthésistes.

Le SSA s’emploie à la fidélisation de ses réservistes opérationnels auxquels sont proposés un accès aux mêmes formations que le personnel d’active et une flexibilité d’emploi accrue, facteur d’intérêt des missions.

 

C.   Dégager des ressources en dÉchargeant les praticiens militaires des expertises d’indemnisation complémentaire

Les expertises d’indemnisation complémentaire, dites Brugnot, sont aujourd’hui demandées par le service des affaires juridiques aux praticiens militaires. Une expertise est un exercice qui répond à des règles précises et les médecins de CMA qui la pratiquent doivent être titulaires d’un diplôme civil en réparation juridique en dommages corporels (RJDC). Ils sont en nombre réduite, en général un ou deux par CMA, et ces expertises nécessitent beaucoup de temps entre l’étude du dossier, l’examen clinique et la rédaction du rapport, allant de plusieurs heures à la journée entière. Or, bien que de nombreux bénéficiaires potentiels ignorent encore l’existence de cette indemnisation, les expertises sont de plus en plus nombreuses.

Les rapporteures ne voient aucune raison pour laquelle l’évaluation d’un préjudice esthétique ou sexuel ne pourrait pas être effectuée par un expert civil, comme c’est d’ailleurs le cas pour la PMI et l’évaluation de la gêne fonctionnelle. En effet l’article L. 4132-1 du code de la défense dispose que l’expertise médicale est une mission exclusive du SSA dans le cadre de la détermination d’aptitude des militaires servant dans les forces armées. Les actes effectués règlementairement par un médecin militaire sont donc en relation avec les visites d'expertises médicales concernant l’aptitude médicale initiale, la visite d'incorporation, la visite médicale périodique, la visite de fin de service, la commission de réforme des militaires. L’évaluation d’un préjudice ne ressortant d’aucune des expertises précitées, il ne semble exister aucun frein réglementaire à sa réalisation par un médecin civil.

Des contacts seraient pris entre le SSA et la DRH-MD pour étudier cette possibilité.

 

VIII.   Encourager les innovations dans le domaine de la santé mais également dans celui du soutien des anciens militaires blessés et des familles

Le Document d’orientation de l’innovation de défense 2019 dessine les objectifs poursuivis par le ministère des Armées en matière de recherche au rang desquels figure la santé du combattant, portant notamment sur les performances physiques et cognitives, les risques en lien avec l’aptitude, le diagnostic et la prise en charge en fonction des différents milieux, l’ergonomie des systèmes d’armes…

Les rapporteures souhaitent que la mission confiée à l’Agence de l’innovation de défense intègre également des recherches portant sur l’amélioration du suivi des anciens militaires, dont les militaires blessés, et notamment des blessés psychiques, qui est le problème majeur se posant aujourd’hui dans le cadre du modèle performant mis en place par le ministère des Armées au cours des dernières années.

Ainsi, Anciens combattants Canada, l’organisme fédéral en charge des vétérans, dispose d’un Fonds pour le bien-être des vétérans et de leur famille mettant à disposition un financement de 12 millions de dollars canadiens sur quatre ans pour les idées, les recherches et les projets visant à améliorer le bien-être des vétérans et de leur famille.

IX.   Ne pas faire du soldat une victime

Le général Bosser, alors chef d’état-major de l’armée de terre, a déclaré lors de son audition par la commission de la défense le 5 juin 2019 : « […] nos morts et nos blessés ne sont pas des victimes mais bien des héros, dont le sacrifice nous oblige. »

Les responsables militaires auditionnés par les rapporteures dans le cadre de leur mission ont quasiment tous tenu des propos similaires repoussant, parfois avec véhémence, l’idée selon laquelle un militaire tombé ou blessé dans l’exercice de son devoir pouvait être considéré comme une victime.

Cette réaction presque unanime de la part des autorités militaires vient en écho à un amendement gouvernemental [53] adopté en janvier 2019 dans le cadre de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Cet amendement modifie les articles L. 126-1 du code des assurances et 706-3 du code de procédure pénale en précisant la qualité des bénéficiaires d’indemnisation par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) dans le premier cas et par la Commission d’indemnisation des victimes d’infraction (CIVI) dans le second.

 

Articles modifiés par l’article 64 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice

Article L. 126-1 du code des assurances

Les victimes d'actes de terrorisme commis sur le territoire national, les personnes de nationalité française victimes à l'étranger de ces mêmes actes, y compris tout agent public ou tout militaire, ainsi que leurs ayants droit, quelle que soit leur nationalité, sont indemnisés dans les conditions définies aux articles L. 422-1 à L. 422-3.

La réparation peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime.

Article L. 706-3 du code de procédure pénale

Toute personne, y compris tout agent public ou tout militaire, ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque sont réunies les conditions suivantes […]

Source : https://www.legifrance.gouv.fr

Il s’agit d’un amendement de précision dont l’objectif était de garantir une égalité de traitement entre victimes du terrorisme, d’une part, et, par cohérence, victimes d’infractions, d’autre part, au motif que certains agents publics, dont des policiers, se seraient vus refuser une indemnisation par le FGTI en vertu des dispositifs d’indemnisation accordés par leur administration dans le cadre de leur fonction.

On remarquera que l’absence de cette précision n’excluait de fait ni les agents publics, ni les militaires et que, sous réserve qu’un même préjudice ne soit pas indemnisé deux fois, rien n’interdisait dans les textes une indemnisation par le fonds de garantie.

Dans le cas des militaires, celui des agents publics en général et des policiers en particulier n’entrant pas dans le périmètre de la commission de la défense, cette nouvelle rédaction suscite plusieurs observations :

-         le terme et le statut de victime entrent en contradiction avec l’éthique et la symbolique militaires. Un militaire accomplit son devoir ; il meurt ou il est blessé en combattant et demeure l’adversaire de son ennemi et non sa victime. Par ailleurs, porter la médaille nationale de reconnaissance aux victimes du terrorisme au côté de décorations militaires, semble difficilement concevable pour les militaires ;

-         la notion de victime d’acte de terrorisme à l’étranger ouvre la porte à une interprétation très large compte tenu de la nature des conflits actuels. En effet, la lettre du texte n’interdit pas la possibilité de considérer qu’un militaire blessé en OPEX par un engin explosif improvisé est la cible d’action terroriste ;

-         la volonté d’équité qui a présidé à la modification des articles concernés est néanmoins tout à fait justifiée. Il ne serait en effet pas acceptable qu’un militaire soit, le cas échéant, moins bien indemnisé qu’un civil dans des circonstances équivalentes ;

-         le militaire en dehors sa fonction est une victime civile du terrorisme comme les autres et bénéficie des droits afférents à cette condition. Il a souvent été cité aux rapporteures le cas de deux pompiers présents lors de l’attentat du Bataclan, l’un en service, l’autre spectateur et tous deux blessés. Le premier est un blessé en service et le second une victime civile de guerre avec des droits estimés supérieurs, ce que les rapporteures n’ont pas été en mesure de vérifier ;

-         la loi reconnaît aux victimes d’actes de terrorisme commis depuis le 1er janvier 1982 le statut de victimes civiles de guerre. Les victimes civiles du terrorisme relèvent à ce titre du ministère des Armées et peuvent solliciter une pension militaire d’invalidité dont le montant ne peut toutefois se cumuler avec celui de l’indemnisation du FGTI mais peut donner lieu au versement d’une rente différentielle et autorise le bénéfice de la prise en charge des soins médicaux et de l’appareillage. Les victimes de guerre sont ressortissantes de l’ONACVG. Il existe donc déjà un lien entre les deux modes indemnitaires.

Les craintes exprimées mentionnent la possible fragilisation du statut militaire et du droit à réparation ainsi que la complexification d’un système d’indemnisation dont le processus est déjà estimé trop lourd. La gendarmerie ne semble, en revanche, pas partager ces craintes et estime au contraire cette évolution « de prime abord, très positive ([54]) ».

En conséquence, les rapporteures estiment qu’il conviendra à terme de modifier ces articles, mais seulement à l’issue d’une étude approfondie évaluant, selon diverses situations individuelles, les dispositifs financiers d’indemnisation et de reconnaissance du ministère des Armées destinés aux militaires (pension militaire d’invalidité, indemnisation complémentaire Brugnot, fonds de prévoyance militaire et aéronautique…) et l’indemnisation par le FGTI qui repose sur le principe de la réparation intégrale des préjudices, dont la perte de revenus. Il s’agit d’un travail complexe en raison des conditions associées à chaque système d’indemnisation, mais indispensable.

D’une manière générale, les rapporteures recommandent d’effectuer des évaluations périodiques afin de s’assurer de l’adéquation des dispositifs d’indemnisation et de la cohérence de leur format au regard de l’évolution des dispositifs d’indemnisation de droit commun.

X.   S’assurer du suivi des réservistes

La visite médicale post-OPEX à trois mois doit, en principe, toujours être effectuée au sein des antennes médicales de rattachement, y compris pour les personnels isolés ou les réservistes opérationnels. Le commandement est responsable de la convocation des personnels à cette visite réglementaire et les personnels de la réserve opérationnelle sont placés en position d’activité pour l’effectuer.

Mais la réalisation de la visite dépend de la venue du réserviste. Les rapporteures n’ont pas de chiffres concernant la tenue effective de ces consultations mais il leur semble vraisemblable qu’une partie n’est pas honorée en raison d’indisponibilité professionnelle, d’éloignement géographique ou d’oubli. Or un réserviste opérationnel de retour de projection est susceptible de présenter des vulnérabilités car, militaire par intermittence, il est moins bien préparé, ne dispose pas à son retour du soutien de ses camarades et de l’encadrement, reprend son activité professionnelle rapidement et se retrouve seul avec son vécu militaire récent, éventuellement traumatisant.

Le recrutement de réservistes allant croissant, les rapporteures souhaitent qu’une attention particulière leur soit portée et qu’ils constituent une catégorie identifiée dans les indicateurs de suivi médicaux et psycho-sociaux.

XI.   Mettre en place un indicateur de suivi des visites post-opex

Les visites post-OPEX dans les trois mois suivant le retour d’opérations sont obligatoires. Elles sont un moyen utile de détection d’un mal-être pouvant laisser suspecter des troubles psychiques. Elles permettent également de détecter des pathologies éventuellement contractées en opérations, dont le paludisme, et de faire un point sur la présence dans le dossier individuel des documents médico-administratifs indispensables à l’ouverture de droits dans le cadre de la déclaration d’une blessure.

Les armées, les services et le SSA doivent pouvoir s’assurer qu’elles sont bien effectuées dans le laps de temps imparti. Les rapporteures estiment qu’il est indispensable de mettre en place un indicateur de suivi de ces visites, global et en temps réel, qui permettrait de convoquer les personnels qui y auraient éventuellement échappé.

XII.   Être attentif aux difficultés des blessés en matière de transport

Les rapporteures ont été alertées à plusieurs reprises au sujet de la prise en charge des modes et des frais de transports des blessés se rendant à des visites médicales en HIA et des blessés quittant l’HIA à l’issue de leurs soins ou de leur convalescence. Si la prescription d’un transport est la règle, il semble qu’elle ne soit toutefois pas systématique. Il semble également que la prescription ne tient souvent compte que du transport de gare à gare, par exemple, et pas du transport entre le domicile et la gare et entre la gare et l’HIA. Or ces trajets sont problématiques pour certains blessés, soit parce qu’ils demeurent loin de tout mode de transport public, soit parce qu’ils sont incapables d’emprunter un transport public, soit parce qu’ils sont perdus dans les agglomérations dans lesquelles sont implantés les HIA. Les rapporteures estiment qu’il est important de faire un effort en ce sens et d’accorder une plus grande attention aux situations individuelles en la matière.

XIII.   Améliorer les conditions de la projection des personnels isolés

Les personnels projetés isolément courent plusieurs risques :

-         celui d’effectuer une préparation opérationnelle tronquée surtout si le personnel accompagne une unité distante de son propre lieu de travail,

-         celui de ne pas passer par le sas de fin de mission,

-         et, enfin, celui de se remettre au travail au retour sans période de récupération.

La condition de ces personnels doit être un point de vigilance.

 


—  1  —

   Synthèse des recommandations

 

Les chiffres et les données relatives à la blessure :

Regrouper l’ensemble des données existantes sur les blessés afin d’avoir à la fois une vue d’ensemble et de pouvoir répondre à des questions précises sur les blessés des différentes armées et formations.

Utiliser ces outils pour adapter la politique de prévention, identifier d’éventuelles difficultés et orienter les politiques de soutien médico-social.

Étendre le système de suivi des blessés et des malades (SSBM) petit à petit à l’ensemble des blessés

Exploiter l’ensemble des données collectées pour un véritable suivi des militaires revenus à la vie civile.

 

L’information :

Privilégier les informations thématiques sur un sujet ciblé aux généralités en matière d’information sur les dispositifs mis en place pour le soutien des blessés.

Adapter l’information délivrée au blessé à sa capacité de la recevoir.

Développer des applications pour adapter la communication en direction des blessés et des familles aux modes de communication actuels.

Exploiter les canaux existants (maison numérique des blessés et des familles, esocial des armées, portail Eurêka, espaces ATLAS…) pour diffuser l’information sur les dispositifs de prise en charge et les démarches associées afin de faciliter l’accès à l’accompagnement.

Faire figurer le numéro vert Écoute Défense sur tous les portails du ministère

 

Le lien de la blessure avec le service :

Envisager la mise en place de commissions d’examen du lien au service réunissant médecins et représentants du commandement pour étudier les cas litigieux et dissiper d’éventuels malentendus quant à la relation entre la blessure et le service.

Veiller à la qualité de la rédaction des documents relatant les actions auxquelles ont participé les militaires et à en remettre systématiquement une copie au militaire.

 

Le suivi des blessés :

Mettre en place un indicateur de suivi des visites post-OPEX.

Évaluer le dispositif du dossier unique OPEX (DU OPEX) sous utilisé.

Étudier la possibilité d’une gestion administrative différente des blessés placés en congé de non-activité afin d’éviter leur isolement.

Être attentif aux difficultés des blessés en matière de transport.

Responsabiliser le commandement dans le rôle qu’il tient dans le maintien du lien avec les blessés en congé de non-activité, notamment en les invitant à des célébrations.

Apprécier avec la plus grande bienveillance le maintien dans un logement défense des militaires en congé de non-activité et des familles de militaires décédés.

Poursuivre la déconcentration des cellules d’aide aux blessés initiée par la CABAT.

Initier le passeport du blessé plus précocement, au stade de l’unité d’appartenance, dès la prise en charge initiale. Évaluer le dispositif.

Rappeler que le suivi des militaires blessés, et surtout celui des militaires blessés ayant quitté le service actif, est en premier lieu l’affaire des assistants de service social.

Rappeler que les assistants de service social sont à l’heure actuelle le seul point d’accès au ministère des Armées pour les anciens militaires blessés non-ressortissants de l’ONACVG. Prendre les mesures nécessaires pour qu’un contact puisse être établi.

Mettre en cohérence les moyens humains et matériels accordés à la sous-direction des affaires sociales avec cet objectif.

S’assurer du suivi des réservistes et en faire une catégorie identifiée dans les indicateurs de suivi médicaux et psycho-sociaux.

Rappeler que les anciens militaires peuvent s’adresser à la médecine des forces pour être dirigés vers une prise en charge adaptée.

Remédier au délai de plusieurs mois constaté entre le dernier mois de solde et le versement du premier mois de retraite.

Les opérations :

Améliorer les conditions de la projection des personnels isolés.

Veiller à ce que l’ensemble des militaires projetés en OPEX, dont ceux qui relèvent de la fonction santé, passe impérativement par le sas de fin de mission.

Le lien avec la famille :

Renforcer le lien avec les familles.

Organiser de façon systématique des séances de sensibilisation des familles dans chaque unité projetant des effectifs.

Augmenter, dans le cadre du séjour de la famille au chevet du blessé en service hospitalisé, le nombre d’allers-retours pris en charge, deux allers-retours en huit semaines s’avérant insuffisants.

Élargir cette prise en charge aux familles de malades hospitalisés en raison d’une pathologie en lien avec le service.

Généraliser et pérenniser le kit enfants.

Sensibiliser le commandement des zones militaires et les autorités locales à la situation des veuves et des orphelins de militaires et les inviter aux cérémonies officielles.

 

 

 

La reconstruction et la réinsertion :

Sortir de l’impasse de la sécurisation juridique des stages de reconstruction par le sport et des stages d’immersion en entreprise destinés aux blessés.

Déterminer précisément pour quelles activités une prescription médicale est requise. Dans l’attente d’une solution juridiquement solide, formaliser les avis des commissions de suivi des blessés et fixer un délai pour leur diffusion.

Encourager la pratique sportive de loisirs tout en prenant garde à la compétition qui ne convient pas à tous les blessés.

Organiser systématiquement un retour d’expérience des stages de reconstruction/réinsertion organisés par les cellules d’aide avec le service de santé des armées.

Proposer aux militaires blessés d’autres activités de reconstruction que le sport.

 

La reconversion :

Assurer une bonne coordination entre les cellules d’aide et l’agence de reconversion de la défense afin d’éliminer les risques de doublons.

Insérer une clause sociale relative à l’emploi de militaires blessés dans l’ensemble des marchés publics du ministère des Armées.

Renforcer l’implication des administrations et des entreprises dans la reconversion des blessés.

Inciter les organisations professionnelles des entreprises de défense à se saisir du sujet de la reconversion et de l’emploi des anciens militaires blessés.

Évaluer les résultats de l’application de la nouvelle réglementation réservant les emplois réservés au seul public prioritaire.

 

La pension militaire d’invalidité et l’indemnisation complémentaire :

Adresser systématiquement aux pensionnés un message leur rappelant l’échéance du renouvellement de la pension temporaire et les démarches afférentes.

Encourager le recours à la demande de pension militaire d’invalidité en ligne dans le cadre de la Maison numérique des blessés et des familles.

Réfléchir à la fusion de la pension militaire d’invalidité et de l’indemnisation complémentaire « Brugnot » dans le respect des droits des pensionnés dans chacun des dispositifs.

 

La couverture santé complémentaire :

Rappeler aux jeunes militaires l’intérêt de la couverture santé complémentaire et des contrats de prévoyance.

Réfléchir à l’extension à la fonction publique des obligations des employeurs privés en matière de protection complémentaire santé de leurs salariés.

Revoir, si ce n’est la délimitation géographique des OPEX, la notion d’OPEX en tant que créatrice de droits et l’étendre à d’autres circonstances.

 

La blessure de guerre :

Préciser la règle et harmoniser les pratiques en matière d’homologation de la blessure de guerre.

Organiser une cérémonie pour la remise de la médaille du blessé de guerre afin de donner un poids supplémentaire à la reconnaissance.

 

Le congé du blessé :

Entendre les demandes d’équité émanant des forces.

Faire un bilan du congé du blessé afin d’établir quels sont ses résultats en matière de retour à l’emploi des blessés dans les forces et de prévention de l’isolement.

Réfléchir à une nouvelle extension du congé du blessé. 

 

La numérisation :

Accélérer la numérisation des procédures et de l’information en cohérence avec simplification administrative.

Mettre en place des coffres-forts numériques individuels dans lesquels pourraient être versées et prélevées les pièces administratives.

Ne pas sacrifier l’accompagnement humain au profit du numérique.

 

Les acteurs du soutien :

Former et soutenir les acteurs du soutien.

Professionnaliser l’accompagnement et offrir des perspectives de carrière.

Proposer des évolutions de carrière aux auxiliaires sanitaires.

 

Le service de santé des armées :

Porter une attention particulière aux personnels du service de santé des armées

Mettre en œuvre une politique de ressources humaines adaptée et attractive pour recruter et fidéliser.

Reconnaître d’office la qualification d’infirmier en pratique avancée aux infirmiers militaires.

Encourager le recrutement de réservistes.

Dégager des ressources en déchargeant les praticiens militaires des expertises d’indemnisation complémentaire.

 

L’innovation :

Encourager les innovations dans le domaine de la santé mais également dans celui du soutien des anciens militaires blessés et des familles

 

L’indemnisation des militaires par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions :

Ne pas considérer le soldat comme une victime.

Réfléchir aux correctifs possibles de l’évolution législative ayant rendu les militaires explicitement éligibles à une indemnisation par le FGTI.

Effectuer des évaluations périodiques afin de s’assurer de l’adéquation des dispositifs d’indemnisation et de la cohérence de leur format au regard de l’évolution des dispositifs d’indemnisation de droit commun.

 

Labelliser les associations qui coopèrent avec le ministère des Armées.


—  1  —

   EXAMEN EN commission

La commission procède à l’examen du rapport de la mission d’information relative au suivi des blessés au cours de sa réunion du 17 septembre 2019.

 

M. Jean-Jacques Bridey, président. Nous allons commencer cette première audition de la session extraordinaire 2019-2020 avec la présentation du rapport d’information de Mmes Anissa Khedher et Laurence Trastour-Isnart sur le suivi des blessés. Ce sujet était à l’honneur du défilé traditionnel du 14 juillet, comme l’avait voulu le Président de la République. C’est un sujet d’actualité et nous sommes impatients de vous écouter.

Mme Anissa Khedher, co-rapporteure. C’est un honneur pour nous que de vous présenter le rapport de la mission d’information relative au suivi des blessés à l’occasion de la première réunion de la commission de la défense de cette nouvelle session parlementaire. Il y a plusieurs mois maintenant, j’interpellais notre président, cher Jean-Jacques, sur la question des blessés et de leur suivi, jugeant opportun d’évaluer à nouveau les dispositifs de prise en charge des militaires blessés cinq ans après la publication du dernier rapport sur ce sujet. Ces dernières années, avec le ministère des Armées, les armées elles-mêmes, les institutions militaires, les associations, nombreux sont les acteurs à avoir travaillé pour améliorer la prise en charge des blessés. Une considération particulière pour nos militaires blessés, le sacrifice qu’ils ont consenti pour notre pays, a été exprimée très justement par le Président de la République au cours des cérémonies de la dernière fête nationale. Ce deuxième rapport sur ce sujet s’inscrit dans la continuité de la première mission d’information réalisée en 2014 par nos anciens collègues, Mme Émilienne Poumirol et M. Olivier Audibert-Troin. Nous avons travaillé de manière à faire un point sur les dispositifs de prise en charge et de suivi des blessés et sur les mesures qui ont été mises en place ces dernières années pour formuler des préconisations sur ce qu’il est possible, ou que nous jugeons essentiel, de mettre en œuvre à l’avenir pour mieux accompagner et mieux suivre nos blessés dans la durée. Entre 2014 et ce nouveau rapport, notre pays a été durement touché par le terrorisme. L’engagement militaire de la France s’est renforcé tant sur son territoire qu’à travers le monde. Je ne citerai que les opérations extérieures, Chammal et Barkhane, toujours en cours ou encore l’opération Sentinelle qui se poursuit également pour assurer notre sécurité face à la menace terroriste sur notre territoire. Et je pense, chers collègues, que vous nous autorisez à adresser un message d’encouragement et de soutien à l’ensemble des forces armées engagées dans le monde et sur nos territoires. Parce que toute opération extérieure peut conduire à des blessures, voire à des décès au sein de nos forces armées, ce contexte géopolitique est l’une des raisons qui justifient que nous considérions celles et ceux qui, au cours de leur engagement, ont subi une blessure physique et/ou psychique. Évoquer la prise en charge des blessés militaires, le parcours qu’ils doivent suivre jusque dans la durée est pour nous une forme de reconnaissance. En ce sens, je remercie le Bureau de la commission, ainsi que vous tous, pour la confiance que vous nous avez accordée et l’intérêt que vous portez à cette cause et à notre rapport. Plus personnellement, en tant que cadre de santé, en tant qu’infirmière, j’ai très rapidement, en intégrant la commission de la défense, porté un intérêt à la question du militaire blessé et à l’organisation du service de santé des armées. Cette attention, je l’ai développée d’autant plus rapidement que j’ai l’honneur d’avoir sur le territoire de la septième circonscription du Rhône la très reconnue École de santé des armées de Bron et d’être à proximité de l’hôpital d’instruction des armées (HIA) Desgenettes. Au contact de ces institutions d’excellence au début de mon mandat, après avoir échangé avec des blessés, notamment au cours des universités d’été de la défense en 2017 et après avoir pris connaissance des préconisations du rapport de 2014, cette mission d’information s’inscrivait pour moi dans la continuité de mon engagement pour les militaires blessés et leur famille. Avant de rentrer dans le vif du sujet, nous avons une pensée particulière pour les militaires que nous avons croisés et avec qui nous avons longuement échangé. Merci à ces femmes et ces hommes qui ont partagé avec nous leurs connaissances, leur expérience, leur expertise pour nous permettre de mener à bien cette mission. Avant de lui passer la parole, j’aimerais rappeler l’engagement de ma collègue Laurence Trastour-Isnart. Nous nous sommes retrouvées dans notre volonté commune de donner du temps, de l’attention et de la considération à nos militaires blessés et à toutes celles et tous ceux qui les soignent et les accompagnent quotidiennement. Cette mission, c’est pour eux que nous l’avons portée, pour nos militaires, pour les familles et pour toutes les personnes, au sein des associations notamment, qui accordent une attention toute particulière aux blessés.

Mme Laurence Trastour-Isnart, co-rapporteure. Monsieur le président, chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier Mme Anissa Khedher puisque nous avons travaillé en toute coordination toutes les deux sur un sujet très sensible. On ne choisit pas un tel sujet par hasard. Que l’on soit guidé par des raisons professionnelles, personnelles, ce sujet fait écho à des préoccupations quasi philosophiques. Il interroge sur la place que l’on tient dans la société et sa propre contribution à la vie de ses concitoyens. En tant que simple citoyenne, puis élue de ma commune, puis de ma région et aujourd’hui de la Nation je me suis évidemment posé cette question. Nos militaires, pourquoi donnent-ils leur vie, pourquoi donnent-ils leur sang et que leur devons-nous en échange ? Devant ces femmes et ces hommes qui choisissent de devenir militaires et acceptent de faire don de leur intégrité physique ou de leur vie si leur devoir l’exige, cette question s’est imposée avec force. Ma réponse est ce travail qui, j’espère, apportera une contribution, certes modeste, à l’amélioration de la condition militaire, des militaires blessés en particulier, et celle de leur famille. Nous avons toutes les deux suivi les mêmes auditions, fait les mêmes déplacements ; nos perceptions pourront être différentes parfois. Mais nous avons travaillé ensemble sur tous les sujets. Je renouvelle mes remerciements à l’ensemble des personnes qui nous ont reçues, qui ont été très attentives, les militaires, les civils, et qui ont vraiment donné de leur temps pour répondre à nos questions.

Mme Anissa Khedher, co-rapporteure. Je vais aborder la notion de blessure militaire qui n’a pas de définition précise. Nous nous sommes rendu compte que chaque armée n’évoquait pas la blessure de la même manière, ce qui peut conduire dans certains cas à des différences de traitement en fonction de l’armée d’appartenance. Blessé de guerre, blessé en service, blessé en mission opérationnelle, blessé en mission intérieure, nous avons décidé de nous intéresser à tous les blessés. Les différentes définitions conduisent à des disparités dans le recueil du nombre des blessés dans les différentes armées. À ce jour, les chiffres les plus fiables semblent être ceux de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale. Le service de santé des armées (SSA), qui a conscience de cette limite, travaille à établir des données chiffrées consolidées et unifiées. Cette difficulté s’explique en partie, par le libre choix de son praticien laissé au militaire. Elle devrait être levée par la mise en place, à la demande du ministère des Armées, de l’observatoire de la santé du militaire qui dressera un état des lieux de la santé des militaires. Il devrait être pleinement opérationnel d’ici à la fin de l’année 2021 et permettra d’optimiser la stratégie de santé de défense grâce au regroupement et au croisement de l’ensemble des données existantes. Le regroupement des données sous l’égide du Centre épidémiologique et de santé publique des armées (CESPA) permettra d’affiner l’évaluation et d’anticiper la nature des soins à prodiguer et d’identifier les catégories de personnels les plus touchées. Je salue à ce propos la modernisation du système d’information du SSA avec le projet Axone qui, performant et interconnecté, vise à simplifier et unifier les pratiques dans les centres médicaux des armées avec la création d’un dossier médical dématérialisé sécurisé. Je tiens à souligner à titre personnel ce travail de dématérialisation et de simplification car j’avais moi-même déposé un amendement en ce sens lors de la loi de programmation militaire 2019-2025.

Je vais maintenant aborder la prise en compte des troubles psychiques au sein des armées. La guerre d’ex-Yougoslavie puis les combats en Afghanistan et surtout le choc provoqué par l’embuscade d’Uzbin en 2008 ont déclenché une prise de conscience quant à la nécessité de mieux accompagner les militaires blessés psychiques et leur famille. C’est d’ailleurs à la suite de cet événement qui a marqué l’armée française qu’un dispositif de fin de mission a été évoqué s’inspirant des pratiques canadiennes et américaines. La prise en charge de la blessure psychique au sein des armées françaises est relativement récente tout comme, plus globalement, celle des troubles psychiques et de l’ensemble des troubles psycho-sociaux dans la société française. On ne parle que depuis peu du burn-out au travail, par exemple. Ce n’est donc pas une spécificité des armées mais une évolution générale. Dès 2011, plusieurs plans d’action ont été déployés visant à améliorer la formation des praticiens et les dispositifs de prévention et d’accompagnement à destination des familles de militaires souffrant de troubles psychiques post-traumatiques. Le plan en cours définit trois axes prioritaires : le renforcement des actions de sensibilisation et de prévention des militaires et de leur famille, un effort en faveur d’une meilleure réhabilitation psycho-sociale des blessés psychiques et la consolidation des dispositifs d’accompagnement vers l’emploi. Ces différents plans ont permis des avancées significatives. Une chaîne fonctionnelle a été mise en place afin de détecter le plus rapidement possible les premiers troubles chez un militaire. D’ailleurs, depuis 2016, un psychiatre est déployé en permanence en opérations extérieures (OPEX), comme c’est le cas à Barkhane où il peut mieux appréhender le vécu de ses frères d’arme en opérations. Dans les trois mois après leur retour d’OPEX, les militaires bénéficient d’un entretien avec un médecin visant à déceler d’éventuels troubles psychiques. La plateforme téléphonique Écoute Défense créée en 2013 a pour mission d’apporter un soutien aux militaires et à leurs proches confrontés à la difficulté d’exprimer leur souffrance ou celle d’une personne de leur entourage. Elle a prouvé son utilité puisque le nombre d’appels a doublé en quelques années. Le sas de fin de mission est un autre dispositif essentiel en la matière.

Mme Laurence Trastour-Isnart, co-rapporteure. Le sas de fin de mission est un endroit dans lequel les militaires de retour de Barkhane passent trois jours. Ils y sont accueillis par d’autres militaires qui ont souvent déjà fait des OPEX et qui connaissent leur vécu en mission. La première préoccupation est le repos. Quelle que soit l’heure d’arrivée de l’avion à Chania, en Crète, le sas débute par un repos de sept heures. L’environnement est très agréable ; il s’agit d’un hôtel avec piscine et vue sur la mer. Ce confort n’a rien de choquant et permet aux soldats, à l’issue de quatre mois en mission, de dormir dans un vrai lit et de prendre une vraie douche… Ces trois jours de repos sont ressentis comme une marque de reconnaissance de la Nation avant le retour sur le territoire national. Le programme comprend des réunions collectives avec un psychologue et un conseiller facteur humain qui préparent au retour à une vie « normale » après la mission. Des séances de techniques d’optimisation du potentiel favorisent la détente et la distanciation avec la mission. Il est proposé une réunion très intéressante sur le retour en famille et la façon d’appréhender le contact avec le conjoint et les enfants, en fonction de leur âge et de leurs réactions potentielles. Il existe la possibilité d’entretiens individuels avec des psychologues. Le sas existe depuis dix ans et ses bénéfices sont établis. Le point noir est le retour à Paris avec une arrivée en plein milieu de la nuit à Roissy 3. Les unités viennent chercher les leurs mais les personnels projetés isolément ou certains réservistes se retrouvent seuls sans transport en commun à trois heures du matin. Le bénéfice du sas peut s’en trouver amoindri. En neuf ans, le sas a accueilli 57 983 militaires ayant exprimé un taux de satisfaction moyen supérieur à 90 % en 2018. Il faut souligner que si le sas dure plus de trois jours, en raison de problèmes de transport, par exemple, l’effet est inverse à celui attendu et le militaire dont le retour en famille est retardé vit très mal ce délai.

Mme Anissa Khedher, co-rapporteure. Je vais évoquer le service de santé des armées, l’acteur majeur de la prise en charge et du suivi de longue durée du blessé. Le service de santé des armées français est reconnu au sein du monde militaire pour l’excellence de la médecine de l’avant qu’il a développée, et pour son extrême efficacité dans la prise en charge des blessés, un modèle qui a sauvé de nombreuses vies. On rappellera que la France est la seule, avec les États-Unis, à pouvoir assurer une entrée en premier grâce à sa chaîne santé autonome qui permet de pratiquer le sauvetage au combat dans les meilleures conditions. Nous nous sommes rendues sur le théâtre de Barkhane avec ma collègue pour appréhender les conditions de vie des militaires et les conditions d’exercice des personnels de santé. Le SSA est également reconnu pour la qualité de la formation prodiguée, je le dis avec d’autant plus de fierté que les écoles de santé des armées sont situées dans ma circonscription à Bron. La qualité de la prise en charge de nos militaires blessés en opérations est garantie par la formation obligatoire de tous les militaires du rang qui ont la capacité de pratiquer des gestes de survie dans les premières minutes. La chaîne de soutien en opérations commence ainsi par le sauvetage au combat de niveau 1 assuré par le camarade du blessé grâce à la trousse individuelle du combattant. Dans les mois qui viennent, les militaires vont être formés aux premiers secours psychologiques, le defusing.

Le sauvetage de niveau 2 fait intervenir un auxiliaire sanitaire qui, souvent, doit exécuter des gestes qu’il n’aurait pas le droit de faire en France. Le sauvetage de niveau 3 est effectué par un médecin ou un infirmier pour les soins de réanimation ou de traumatologie. L’objectif est de mettre le patient en situation d’être transporté par hélicoptère ou vecteur routier, dont le tout nouveau VBISan que nous avons vu en fonction à Gao. Ensuite entrent en jeu différentes structures mises en place dans les zones d’opérations de manière à prendre le blessé en charge très rapidement et à effectuer les interventions médicales nécessaires à sa survie. Le rôle 1 est une structure légère et mobile qui réceptionne le patient et établit un premier bilan avant l’intervention du rôle 2, l’antenne chirurgicale, dont il existe deux versions. L’une correspond à une unité chirurgicale légère que nous avons pu voir à Gossi et l’autre, la version étendue, comporte au minimum un bloc opératoire et une salle de réanimation permettant l’exécution de gestes chirurgicaux complexes, ou damage control, afin de stabiliser le patient avant son éventuelle évacuation. Les hôpitaux médicaux-chirurgicaux, rôle 3, sont des hôpitaux à même de prendre en charge sur le terrain des interventions lourdes. Aucun n’est déployé dans le cadre de l’opération Barkhane. Les HIA, ou rôles 4, au nombre de huit, sont répartis en deux catégories, les établissements hospitaliers militaires (EHM), une plateforme nord avec Bégin et Percy et une plateforme sud avec Laveran et Sainte-Anne, et les établissements hospitaliers civilo-militaires, Desgenettes, Legouëst, Clermont-Tonnerre et Robert Picqué qui travaillent chacun en binôme avec un hôpital civil. La patientèle civile représente 80 % de leur activité ; elle est très utile aux médecins militaires qui, sans elle, ne pourraient ni entretenir, ni développer leurs compétences. Il faut le dire et l’encourager, nous aidons les militaires en nous faisant soigner dans les hôpitaux militaires qui sont un formidable lien armée-Nation.

Il existe deux types d’évacuations sanitaires. L’évacuation tactique, d’un rôle 1 à un rôle 2, s’appelle MEDEVAC. L’évacuation stratégique, STRATEVAC, vers la France, utilise différents vecteurs aériens en fonction de la gravité de l’état du patient, le plus souvent en Falcon avec un atterrissage à Villacoublay pour une prise en charge par les HIA franciliens. Une partie des STRATEVAC se posera à Istres à l’avenir et les blessés seront dirigés vers les HIA de la plateforme sud qui accueilleront plus de blessés en OPEX qu’aujourd’hui.

Mme Laurence Trastour-Isnart, co-rapporteure. Effectivement, comme cela vient d’être dit, les rôles 1 et 2 sont très bien équipés en matériel médical et disposent de tous les produits nécessaires. L’approvisionnement en produits de santé se fait à intervalles réguliers et permet aux bases avancées de tenir plusieurs semaines. Nous avons été impressionnées par la pharmacie de la base de Niamey et les containers de lutte contre le virus Ebola avec tous les protocoles d’intervention. Les produits sanguins parviennent toutes les trois semaines. La pharmacie centrale fabrique des médicaments spécialement destinés aux armées afin de répondre aux risques nucléaires et chimiques.

La recherche s’effectue dans presque tous les établissements du service de santé des armées mais principalement à l’institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), au centre épidémiologique et de santé publique des armées (CESPA), au centre de transfusion sanguine des armées (CTSA) et dans les HIA. Elle est indispensable à l’évolution de la prise en charge. Le plasma lyophilisé est un immense succès. La prochaine avancée sera le sang total réfrigéré. De plus, les attentes sont grandes en matière de recherches autour de la blessure psychique portant sur une intervention rapide dans le cadre des blessures et traumatismes d’ordre psychique.

Mme Anissa Khedher, co-rapporteure. Enfin, nos militaires peuvent compter sur les médecins des forces qui font tourner les antennes médicales et les centres médicaux des armées tout en projetant une partie de leur personnel qui assure le sauvetage au combat en OPEX. Un centre médical soutient environ 25 000 personnes.

Je souhaite évoquer les problèmes de recrutement et de fidélisation au sein du SSA. Il manque aujourd’hui cent médecins dans la médecine des forces et il a été procédé, avec beaucoup de difficultés, à quatre recrutements l’année dernière. La démographie médicale est un problème général qui touche également le secteur civil. Des réservistes sont recrutés sans lesquels le SSA ne pourrait pas fonctionner, ainsi que des médecins sous contrat et des médecins commissionnés. Le SSA doit à la fois savoir conserver sa ressource et attirer de nouveaux talents. L’enjeu est de taille et il est nécessaire d’y prêter une grande attention compte tenu du temps nécessaire à la formation d’un médecin civil ou militaire et à la concurrence dans ce secteur. Parce que le SSA a déployé un modèle reconnu mondialement avec une capacité d’intervention qui lui permet de sauver de nombreuses vies, parce qu’il a su développer une formation de qualité, il mérite d’être mieux connu, valorisé et nous profitons de cette présentation pour remercier tous les militaires du SSA qui nous ont permis de réaliser cette mission.

 

Nous allons à présent aborder le « mur administratif » tel que le nomment les blessés. Sur le parcours de soin se greffe le parcours administratif. Fragilisés par leur blessure, les blessés sont souvent désemparés face à l’ampleur de la tâche qui s’annonce. Le mille-feuille administratif représente un problème supplémentaire pour la vulnérabilité du blessé. Cela commence en général avec la pension militaire d’invalidité (PMI) qui cristallise un certain mécontentement. Le dossier peut être déposé sous deux formes, soit le portail de la Maison numérique des blessés et des familles, soit le dossier papier classique. Le portail est plébiscité par les utilisateurs qui le trouvent pratique et simple d’accès. Accessible sur Intradef aujourd’hui, il est prévu de le déployer à terme sur internet. Mais quel que soit le support, il faut fournir des documents que l’administration détient par ailleurs. Notre idée est que chaque blessé, voire chaque militaire, puisse idéalement disposer d’un coffre-fort numérique dans lequel seraient archivés des documents demandés plusieurs fois, allant de la carte vitale au rapport circonstancié. Cela peut paraître anodin, mais cela ne l’est pas : les blessés ressentent cette répétition comme une punition, comme un nouvel échec, comme s’il leur fallait se justifier d’être blessés, autant de sentiments négatifs pouvant aller jusqu’à nuire à la reconstruction. La Maison numérique des blessés et des familles est un grand progrès en la matière car les documents versés une première fois peuvent être utilisés pour une autre démarche sur ce portail qui hébergera à terme la demande d’indemnisation complémentaire et la demande d’allocation du fonds de prévoyance. Par ailleurs, pour avoir été témoin de la réaction des jeunes militaires blessés face au Guide du parcours du militaire blessé et de sa famille sous sa forme papier, au demeurant très complet et très bien fait, il nous est apparu qu’il fallait adapter les moyens de communication à la société actuelle, les jeunes ont un smartphone, mais beaucoup n’ont ni ordinateur, ni tablette, et créer des applications pour rendre l’information accessible.

Mme Laurence Trastour-Isnart, co-rapporteure. Après une évacuation aérienne le blessé est accueilli dans un HIA où il est soigné, aujourd’hui principalement les HIA franciliens. Préalablement au rapatriement, le chef de corps est averti et se charge d’informer la famille. Il est important de le souligner car la hantise des militaires est que la famille soit informée d’une blessure ou d’un décès par les médias avant que l’institution n’ait pu le faire. C’est pour cette raison que l’identité des blessés n’est pas révélée tout de suite.

La venue de la famille est organisée et ainsi que la prise en charge financière pour six personnes au maximum. Les familles sont hébergées, le cas échéant, dans la maison des familles de l’HIA Percy, par exemple. On peut à ce propos déplorer le nombre de voyages pris en charge car seuls deux aller-retour le sont. Ils suffisent rarement, les blessés étant souvent hospitalisés plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Le soutien financier associatif assure alors le relais.

 

Une commission de suivi est mise en place dans l’HIA réunissant tous les acteurs, soignants, cellule d’aide des blessés, assistant social, représentant de l’ONAC, de Défense mobilité, aumônier … Il y est évoqué l’opportunité d’introduire telle ou telle mesure pour le blessé. Parallèlement, le chef de corps organise le soutien local avec la famille, l’assistant de service social local, l’aumônier… Des représentants de l’unité se mobilisent pour aller visiter le blessé. Une commission locale de suivi des blessés suit l’évolution du blessé et celle de ses besoins.

L’Institution nationale des Invalides, dont la transformation a débuté, agira à l’avenir en tant que post-rôle 4, en coordination avec les hôpitaux d’instruction des armées franciliens, en tant que centre de rééducation post-traumatique des blessés physiques et psychiques. Nous avons visité l’INI et avons trouvé les installations et le dispositif actuels remarquables.

Le premier congé dont bénéficie le blessé est de 180 jours. Si le médecin est d’avis que le blessé ne peut pas reprendre son poste, deux possibilités s’offrent à lui, soit, dans un premier temps, le congé du blessé de 18 mois maximum, s’il peut y prétendre, durant lequel il reste attaché à son unité. S’il n’est toujours pas guéri à l’issue du congé du blessé, il passe, dans un second temps, en congé de longue maladie ou en congé de longue durée pour maladie en fonction de la nature de son affection. Ces derniers congés sont dits de non-activité contrairement aux deux premiers qui sont des congés d’activité. Il est alors géré par un organisme de gestion des personnels isolés présent dans chaque armée. Il s’agit d’une transition douloureuse souvent vécue comme un arrachement. Nous suggérons d’ailleurs d’étudier la révision de ce mode de gestion et celle de ces types de congé pour éviter cet isolement. C’est généralement à ce moment-là qu’interviennent les cellules d’aide selon le fonctionnement propre à chacune d’elles. Ces congés sont d’une durée maximum très longue, 3 ans pour l’un et 8 ans pour l’autre. Le passage en demi-solde au cours de ces congés constitue un autre choc et dans certains cas le début de la précarisation. Mais il peut aussi faire l’effet inverse et inciter à initier un parcours de reconversion après un des stages de reconstruction que proposent les cellules d’aide.

Le blessé est toujours suivi par la commission et peut bénéficier de secours en fonction de sa situation. Plusieurs possibilités existent : soit le blessé reprend son travail, éventuellement sur un poste adapté, pour l’identification duquel beaucoup d’efforts sont mis en œuvre, soit il est réformé, soit il va jusqu’au bout de son congé. Une fois qu’il a quitté l’institution, il peut se tourner soit vers l’ONACVG, s’il en est ressortissant, soit vers l’action sociale de la défense s’il ne l’est pas. Il peut entreprendre un parcours sportif dans le cadre du Centre national des sports de défense. Il peut simultanément recourir sans limite de temps aux prestations de Défense Mobilité qui s’est organisée pour mieux accompagner les blessés et enregistre des résultats. Les entreprises publiques et privées doivent se mobiliser pour recruter des militaires blessés et il conviendra de suivre le résultat de l’insertion de clauses sociales dans les marchés du ministère des Armées, comme cela se fait dans les collectivités pour la réinsertion des jeunes.

Voilà de façon non exhaustive le parcours type d’un blessé dont la convalescence est très longue. Tous ne sont malheureusement pas réinsérés et il faut veiller à ne pas « perdre » les blessés une fois qu’ils ont quitté l’institution au regard des divers risques encore encourus dont celui de l’alcoolisme, la blessure psychique étant par ailleurs souvent associée à la blessure physique.

L’expérience tend à montrer qu’il vaut mieux, chaque fois que l’état de santé du blessé le permet, éviter le passage en congé de non-activité et l’isolement qui en découle. L’extension du congé du blessé à des opérations dangereuses se déroulant sur le territoire national et à l’étranger, désormais actée, est une bonne chose en la matière. Une demande similaire, assez générale, est exprimée notamment par les pompiers de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris et les personnels militaires des Unités d’instruction et d’intervention de la sécurité civile. L’octroi du congé du blessé étant par ailleurs assorti d’une « probabilité objective de réinsertion ou de reconversion au sein du ministère », il conviendra d’évaluer la portée de ce congé en termes de reprise effective du travail au sein du ministère pour en mesurer l’impact en matière de ressources humaines et de fidélisation.

La coordination est la clef de réussite de ce parcours, tous les acteurs devant être vraiment impliqués. Je dirais que cela était effectivement le cas pour 98 % des acteurs que nous avons rencontrés. Nous avons observé que si l’un des rouages du soutien grippe, le blessé réagit vivement et porte une appréciation négative sur l’institution dans son ensemble. Le soutien moral est essentiel ainsi que la cohésion et « l’esprit de famille » propre aux armées. C’est la raison pour laquelle il est difficile qu’un blessé se retrouve isolé.

Mme Anissa Khedher, co-rapporteure. Je vais aborder un sujet différent, à savoir l’article 64 de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Cet article rend explicitement tout agent public ou tout militaire victime d’actes de terrorisme commis sur le territoire national ou à l’étranger éligible à l’indemnisation par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI). Il existe une contradiction profonde entre la notion de victime et les valeurs du militaire combattant. L’affaire est complexe et il convient d’y réfléchir.

Mme Laurence Trastour-Isnart, co-rapporteure. Je vais revenir au parcours du militaire blessé. Son intérêt est de demander une pension militaire d’invalidité dont l’instruction est longue et nécessite une expertise médicale. Il convient de rappeler comme cela a été dit précédemment que le blessé est démuni face au volume de documents administratifs qui lui sont demandés, une exigence qu’il vit très mal. Il vit également très mal les différentes expertises médicales au cours desquelles il doit relater à nouveau les circonstances de la blessure et revenir sur ses souffrances. Nous nous posons la question de la possibilité de ne réaliser qu’une seule expertise pour la PMI et l’indemnisation complémentaire « Brugnot ». Cela semble difficile car elles ne sont pas effectuées au même moment, mais il convient tout de même d’y réfléchir. Par ailleurs, il faudrait éviter, autant que faire se peut, de revenir toujours sur les circonstances de la blessure y compris durant les rendez-vous médicaux.

Nous voudrions attirer l’attention sur la situation des accompagnants qui, en dépit du guide du parcours du militaire blessé et sa famille, se sentent en manque d’informations. Les accompagnants institutionnels reçoivent toute la colère et la douleur du blessé, qu’il s’agisse des soignants, des cellules d’aide ou des autres acteurs du soutien. Ils ont besoin de pouvoir s’ouvrir de leur vécu au risque de souffrir de fatigue compassionnelle, si le terme est exact. Il est normal que cette colère s’exprime mais il faut être en mesure de la recevoir. Je remercie d’ailleurs ce personnel qui est très à l’écoute et prend beaucoup sur lui. Il est également important que ces intervenants aient une formation.

Je vais aborder un problème qui devra trouver une solution législative ou réglementaire. Il s’agit de stages destinés aux blessés physiques et aux blessés psychiques mêlant activités sportives et réapprentissage du lien social et reprise de la confiance en soi. Il s’agit notamment du CREBAT ou du dispositif OMEGA qui est un stage d’immersion en entreprise. Ces stages donnent de bons résultats et s’adressent à des militaires blessés ou malades généralement placés en congé de longue durée. Ils se déroulent dans le cadre de l’article R.4138-4 du code de la défense qui dispose que « le militaire placé en congé de longue durée pour maladie peut exercer des activités prescrites et contrôlées médicalement au titre de la réadaptation ». Or le service de santé des armées a rappelé à ses praticiens que ces activités n’avaient pas de vocation thérapeutique et ne pouvaient de ce fait pas faire l’objet d’une prescription. Il faudrait améliorer le texte existant et légiférer car il est important que ces stages d’immersion en entreprise puissent se poursuivre et que nos militaires blessés puissent se réinsérer dans le monde du travail.

Les médailles et l’avancement ont une grande importance. Dans le périmètre de la reconnaissance, dont celle de l’institution, nous pensons que devrait exister à côté de la médaille des blessés de guerre, une médaille des blessés destinée aux militaires blessés dans des exercices, des manœuvres, des entraînements en lien avec les opérations. En effet, les préparations opérationnelles se déroulent dans des conditions parfois plus dures que dans les opérations et les militaires blessés dans ce contexte se sentent peu reconnus. De même, les militaires décédés dans ces conditions devraient se voir attribuer la mention « Mort pour le service de la Nation ». Je sais que cela ne fait pas l’unanimité mais le texte dit que cette mention peut être attribuée de circonstances exceptionnelles, ce qui a été fait dans le passé. Une clarification est nécessaire. Il serait trop long d’énumérer l’ensemble de nos recommandations. Nous avons évoqué les blessés et peu les militaires décédés. Il nous est apparu au cours de notre travail que des difficultés existaient pour les jeunes veuves de guerre et les orphelins et nous avons estimé que ce sujet était trop grave et trop sérieux pour n’en faire qu’une partie de notre travail. Je recommande donc à nos collègues, qui voudraient s’emparer de ce sujet d’en faire l’objet d’une prochaine mission d’information.

Je dirai en conclusion que nous avons rencontré sur le terrain et en auditions des femmes et des hommes qui sont mobilisés, impliqués au service de notre pays. Le soutien des blessés fonctionne bien et fera l’objet de perfectionnements, car il faut toujours chercher à s’améliorer. Le suivi est essentiel et il est vraiment pris en charge par l’ensemble de la chaîne militaire de soin et d’accompagnement. Cette mission a été très enrichissante, nous avons rencontré des personnes qui nous ont touchées humainement. Et tout au long de la chaîne, des personnes tendent la main avec beaucoup d’humanité. Merci beaucoup pour votre écoute.

Mme Anissa Khedher, co-rapporteure. En six mois, au cours de chaque audition ou en déplacement dans les institutions militaires ou en opérations, nous avons pu mesurer le total engagement de nos soldats, la très grande capacité d’adaptation des médecins et des infirmiers militaires. Nous avons aussi pu partager lors de nos visites de terrain la fraternité qui s’exprime au sein des armées et être témoin de l’attention que porte l’institution militaire à ceux qui, pour notre pays, notre sécurité, ont été victimes d’un traumatisme physique et/ou psychique. Nous savons que ce rapport est attendu, attendu par les blessés et leur famille, attendu par les soignants du SSA, attendu par tous les acteurs de la prise en charge et du suivi des blessés. Suivre le blessé dans la durée est un enjeu de taille. Permettre au blessé de trouver des solutions de reconversion, les accompagner, eux et leur famille, dans la période de reconstruction, difficile parfois, loin de leurs frères d’arme, leur apporter une reconnaissance légitime, sont des défis humains auxquels dans certains cas la première réponse administrative semble ne pas être à la hauteur. Pour autant, lorsqu’on évoque les blessés, si le mur administratif apparaît souvent comme le principal problème, nous avons pu constater à quel point les blessés ne sont pas seuls. Collectivement de nombreux acteurs s’engagent pour apporter des réponses aux difficultés entendues. Le ministère des Armées, les armées et leurs cellules d’aide aux blessés, les associations, certaines entreprises s’engagent. Il existe au sein des armées françaises un véritable esprit de corps, une sincère fraternité sur laquelle les blessés peuvent s’appuyer pour se reconstruire. La journée nationale des blessés de l’armée de terre en est l’un des exemples les plus marquants.

Pour conclure, je voudrais adresser mes vifs remerciements à tous les militaires, tous les acteurs associatifs, aux soignants qui ont partagé leur expertise, pour l’écoute et le soutien qu’ils nous ont apportés au cours de cette mission d’information. Merci.

M. le président Jean-Jacques Bridey. Merci, Mesdames les députées, pour ces mots et ces préconisations que nous découvrirons dans votre rapport. Je donne d’abord la parole à ceux de vos collègues qui faisaient partie de la mission d’information.

Mme Séverine Gipson. Dans le contexte de la multiplication des opérations extérieures au cours des dernières décennies, de plus en plus de militaires dévoués à notre Nation sont blessés dans l’exercice de leur fonction. En cas de blessure, les assistants de service social locaux, sont immédiatement prévenus, prennent contact avec la famille et assurent un accompagnement en étroite collaboration avec le commandement, les acteurs sociaux institutionnels et externes au ministère. Ils apportent des conseils, des orientations, un grand soutien administratif et financier, mais surtout un soutien psychosocial. Ce soutien doit s’effectuer dans la durée afin de soutenir et pérenniser les efforts accomplis par les proches des blessés, notamment des conjoints et des enfants. Ces derniers sont souvent les plus sensibles et vulnérables aux changements et évolutions intervenant dans la vie de famille. Quel accompagnement leur est destiné ? Par ailleurs, quelles sont vos préconisations afin que cet accompagnement permette aux enfants de retrouver une vie qui soit la plus sereine possible ?

M. Jean-Jacques Ferrara. Je souhaiterais revenir sur un point, et pas des moindres, celui des blessés psychiques. J’ai eu l’occasion de vous accompagner lors de votre visite à l’hôpital Bégin – première visite depuis mon service militaire –, où nous avons rencontré plusieurs blessés dans ce cas. Je souhaiterais connaître votre sentiment sur la prise en charge de ces blessés, aujourd’hui dans nos armées, eu égard au retard accusé face aux Américains et aux Australiens, lié à leur engagement antérieur. J’ai bien compris que tout était mis en œuvre pour améliorer la détection, la prise en charge et le reclassement de ces blessés.

Ensuite, au regard de l’intensité des combats actuels, je souhaiterais vous interroger sur la question, peut-être un peu hors du cadre de votre rapport, de l’anticipation. Nos commandos aéroportés sont aujourd’hui certains de faire action de feu à chaque saut, ce qui n’est pas anodin. Sont-ils efficacement préparés à cette intensité, qui n’ira vraisemblablement pas en diminuant ? A-t-on fait des progrès dans ce domaine ? Par ailleurs, au-delà du sas de fin de mission, qui fonctionne très bien, quels sont les autres mécanismes de détection des blessures psychiques ? Avez-vous le sentiment que nous avons rattrapé le retard, par rapport à nos alliés, dans le domaine de la prise en charge de ces blessures ? Vous avez pointé les limites du cadre du retour de ces militaires, pouvez-vous nous préciser les choses ?

M. Joaquim Pueyo. Dans le guide du parcours du militaire blessé et de sa famille, un chapitre prévoit la sortie du militaire des forces armées. Ce guide vous paraît-il toujours adapté ou doit-il être amélioré ? Faites-vous de nouvelles propositions dans votre rapport pour améliorer la reconversion des militaires qui peuvent être handicapés à la suite de leurs blessures ? Pensez-vous que l’accompagnement de ces militaires et de leurs familles, qui sont également concernées lors d’une blessure, que ce soit l’épouse ou les parents, est suffisant ?

M. André Chassaigne. Je voudrais vous interroger sur les capacités du service de santé des armées, sujet peut-être un peu marginal par rapport à l’objet de votre rapport. Au cours de vos travaux, votre attention a-t-elle été appelée sur les conséquences pour la chaîne sanitaire des fermetures de plusieurs hôpitaux militaires, décidée il y a quelques années, ainsi que sur les difficultés de recrutement des médecins et sur le problème du sous-effectif ? Vous a-t-on informées de difficultés dans la prise en charge par l’Institution nationale des invalides ? Enfin, dernier point : chacun sait que le terrorisme est aujourd’hui assimilé à un acte de guerre, et donc traité par la médecine de guerre (explosions, poly-criblage, brûlures et plaies balistiques). Les victimes civiles du terrorisme sont-elles reconnues comme des blessés de guerre et traitées à ce titre par le service de santé des armées ?

Mme Anissa Khedher, co-rapporteure. Je commencerai par répondre à la question de Mme Séverine Gipson concernant l’accompagnement des enfants. Le ministère des Armées assure la prise en charge financière d’un accompagnement psychologique pour les enfants, allant jusqu’à deux fois six séances. Le dispositif Écoute Défense peut également recevoir des appels d’enfants, mais ils sont trop jeunes pour faire ce type de démarche. À titre personnel, je souhaiterais mettre en avant le « kit OPEX » destiné aux enfants, Actuellement en phase d’expérimentation, il a été distribué à 20 000 exemplaires. Lors de nos auditions et de nos déplacements, ceux qui ont pu le recevoir ont témoigné de la praticité de ce kit pour les enfants. Il explique ce que sont les opérations extérieures, ainsi que l’absence de l’un ou l’autre des parents. À titre personnel, je pense qu’il faut développer ce dispositif. Enfin, la cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre (CABAT) produit également des livrets pour enfants, afin d’expliquer ce que sont les blessures, y compris les blessures psychiques.

Mme Laurence Trastour-Isnart, co-rapporteure. Par exemple, une médecin militaire spécialisée en pédopsychiatrie peut suivre des enfants à l’HIA Laveran à Marseille. Le service de santé des armées démontre une véritable volonté de suivre les enfants, par le dispositif d’Écoute défense et par la prise en charge des séances de psychologie qui sont proposées aux familles dès le retour du militaire blessé.

Concernant les blessés psychiques et le reclassement, le Medef a organisé un colloque très intéressant sur le reclassement des blessés psychiques en entreprises, auquel nous avons assisté. Le problème soulevé est la réticence des entreprises à embaucher des blessés psychiques, blessures plus effrayantes à leurs yeux que les blessures physiques. Le Medef incite alors les entreprises à accueillir sur des temps courts des blessés psychiques. L’un d’eux a créé une entreprise favorisant elle-même l’insertion d’autres blessés.

Au sujet de l’anticipation, la blessure psychique demeure difficile à anticiper et cela même avec les tests approfondis qui sont conduits aujourd’hui, et qui peuvent avoir lieu avant le recrutement, comme c’est le cas au sein de l’armée de l’air et de la marine. Ces tests ne sont pas infaillibles. Il est en effet possible de se croire prêt à affronter certains événements et ne pas parvenir à les surmonter. J’ai rencontré des blessés qui m’ont particulièrement touchée. Leur vie est bouleversée par ce qu’ils ont vécu et ils doivent prendre une autre direction que celle qu’ils avaient anticipée.

Mme Anissa Khedher, co-rapporteure. J’ajoute qu’au moment du recrutement, chaque armée soumet les recrues potentielles à des tests psychotechniques. La marine, par exemple, soumet ses recrues à un entretien avec un psychologue. Malgré ces dispositifs, il demeure compliqué d’anticiper et de détecter un syndrome post-traumatique. L’armée de terre, a par exemple, lancé un plan de prévention en ligne, expliquant ce qu’est le syndrome post-traumatique. La mise en condition lors de la préparation opérationnelle joue également un rôle important.

Par ailleurs, il ne me semble pas que nous ayons du retard sur les Américains et les Australiens dans ce domaine, bien au contraire. Nous nous sommes justement inspirés de leur exemple pour le sas, modèle exceptionnel qui porte ses fruits. Par ailleurs, tous les militaires du rang vont être formés à gérer dans l’immédiateté du choc, le stress et l’angoisse de leurs collègues.

Concernant la question de notre collègue Joaquim Pueyo, à propos du guide du blessé, celui-ci existe aujourd’hui en format « papier », ainsi qu’en format numérique. À titre personnel, je suis convaincue que ces informations devraient être présentées dans le cadre d’une application pour téléphone portable. D’autant que ce guide nécessite une actualisation régulière.

À propos de la reconversion, je note que le colloque organisé par le Medef a mis en lumière que la qualité des militaires la plus recherchée par les entreprises est le « savoir être ». J’ajoute que les associations jouent aussi un rôle d’accompagnement. Enfin, il convient de citer, dans le cadre de la réadaptation, le dispositif OMEGA, un stage d’immersion en entreprise mis en place par la cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre.

Mme Laurence Trastour-Isnart, co-rapporteure. L’agence Défense Mobilité offre également aux blessés un accompagnement à la reconversion, réalisé par des conseillers spécialisés. En outre, il est possible de se reconstruire par la pratique d’un sport. Cette reconstruction ne s’effectue pas obligatoirement dans le cadre de compétitions. Les Invictus Games sont souvent mis en avant. Si certains blessés souhaitent entrer dans ce genre de compétition, d’autres ont aussi envie de redevenir sportifs et simplement de participer à des manifestations sportives.

Mme Anissa Khedher, co-rapporteure. Le centre national du sport de la défense souhaite mettre en place, dès l’année prochaine, une manifestation non compétitive interarmées nommée Heroes Military Games, pour la valorisation de la pratique sportive des blessés souffrant d’un handicap.

Pour répondre à la question d’André Chassaigne, sur la capacité du service de santé des armées à assurer ses missions, des difficultés de fidélisation et de recrutement existent, qui ne sont cependant pas spécifiques au SSA mais concernent l’ensemble du monde de la santé. La réforme Santé 2022 votée récemment supprime, entre autres, le numerus clausus. Nous avons noté dans le rapport qu’il conviendra d’observer les conséquences de cette suppression sur l’attractivité des écoles de santé des armées. Les cursus actuels des étudiants et la future réforme prévoient des passerelles dans la formation. Certains étudiants qui ne souhaitent pas rester dans leur formation initiale pourront, s’ils le souhaitent, profiter de ces passerelles pour devenir infirmier militaire, par exemple. La difficulté du service de santé des armées réside aujourd’hui dans la sur-sollicitation de certains personnels, comme les chirurgiens orthopédiques, les chirurgiens traumatologiques et les médecins généralistes. En dépit d’un vivier annuel de réservistes fort d’environ 3 400 personnes, une des difficultés, conséquence de cette sollicitation opérationnelle, réside dans le délai du préavis pour les projections en opérations extérieures. L’enjeu pour un chirurgien ou un médecin est de connaître sa date de déploiement, ainsi que la durée de son mandat, afin de pouvoir gérer parallèlement sa patientèle en HIA. Les déploiements de longue durée peuvent également comporter, notamment pour les chirurgiens, un risque de perte de compétences.

Mme Laurence Trastour-Isnart, co-rapporteure. En 2018, l’armée avait besoin de plus d’une quarantaine de médecins, pour seulement quatre recrutements effectués. Il y a en effet, une réelle pénurie. Le service de santé fait également face à des difficultés de fidélisation ; les opérations de quatre mois sont considérées comme trop longues. C’est pourquoi le SSA a ouvert la possibilité de moduler ses missions, afin de permettre des déploiements sur des temps plus courts. Ce système est plus motivant pour les médecins, dont un plus grand nombre accepte ainsi de partir en opération extérieure.

Mme Sereine Mauborgne. J’ai été sensible à vos arguments sur les blessés de guerre. Le chef d’état-major de l’armée de terre Jean-Pierre Bosser nous avait invités ici même, en audition, à ne pas les considérer comme des victimes mais comme des héros de la Nation. C’est ce que font tous les députés qui sont ici, qui témoignent de leur fidélité à nos blessés par leur présence, et vont porter cette voix dans l’écosystème de défense et plus largement, dans la société. Je voulais aussi aborder un sujet en rapport avec l’innovation en matière de santé grâce aux blessés de guerre. Il y a en effet beaucoup de motivation pour innover dans la fabrication de prothèses. J’aimerais que vous nous en disiez un mot.

M. Laurent Furst. Merci pour ces informations – nombreuses – sur les blessés, auxquels nous rendons tous hommage. Le ministère des Armées communique sur le nombre de morts. Nous avons déjà interrompu nos travaux en séance, un soir, en apprenant le décès d’un de nos soldats en opération. En revanche, sauf erreur de ma part, les armées ne communiquent pas sur le nombre de blessés. Nous avons du mal à appréhender l’importance du phénomène. Au cours de vos travaux, avez-vous pu obtenir le nombre de personnes concernées et, parmi elles, la part des blessés graves et celle des blessés plus légers ?

M. Fabien Lainé. Je remercie les rapporteures pour ce rapport utile à une armée comme la nôtre, qui est aguerrie, qui fait la guerre et donc, qui a des blessés. J’ai appris beaucoup de choses. Il me semble que vous avez voulu montrer l’efficience du système français mais peut-on parler véritablement d’efficience sans se comparer avec d’autres pays ? Vous avez fait allusion à la prise en charge des syndromes post-traumatiques par les Australiens et les Américains. Un format OTAN a-t-il été défini sur la prise en charge globale, depuis la prise en charge en opération extérieure, le rapatriement, la prise en charge dans les hôpitaux militaires, la rééducation, la réintégration dans l’emploi jusqu’à l’accompagnement dans la formation ? A-t-on des choses à apprendre de nos alliés ou sommes-nous un modèle ?

Mme Sandrine Josso. Dans quelle mesure le traitement psychologique des blessés et de leurs familles est-il aujourd’hui suffisant ? Les moyens affectés à cette prise en charge doivent-ils selon vous être améliorés ?

Mme Patricia Mirallès. Ce sujet me touche beaucoup. J’ai moi-même rencontré beaucoup de militaires et d’anciens militaires blessés. Avez-vous une cartographie des cellules d’aide aux blessés dans chaque armée, le cas échéant ? Certaines sont-elles des créations récentes ?

Mme Marianne Dubois. Vous avez rappelé l’importance de simplifier les procédures administratives, et notamment de la demande d’une pension d’invalidité. Combien de temps faut-il pour obtenir une telle pension et quel est le volume de dossiers en attente ?

Mme Aude Bono-Vandorme. À l’occasion d’une semaine en immersion avec les gendarmes en Guyane, mon attention a été attirée sur le fait que les opérations intérieures (OPINT) sont moins bien soutenues sur le plan sanitaire que les opérations extérieures (OPEX) alors qu’elles présentent, dans certains cas, des dangers similaires. Les effectifs du service de santé des armées déployés y sont moindres tandis que le théâtre d’opération est mal identifié et le terrain, difficile d’accès. Je pense bien évidemment à la lutte contre l’orpaillage illégal dans le cadre de laquelle nous avons eu à déplorer, depuis le début de l’opération Harpie, plusieurs militaires blessés et décédés. Dans ce domaine, la distinction entre OPINT et OPEX apparaît un peu artificielle. Avez-vous, au cours de vos auditions, abordé la question du renforcement du soutien sanitaire pour certaines OPINT ? Quelles sont vos recommandations ?

M. Jean-Louis Thiériot. Le sort de nos blessés est un de ceux qui nous préoccupent le plus. Ils ont droit à toute la reconnaissance nationale et, comme vous l’avez dit très justement, ce ne sont pas des victimes. Un certain nombre d’entre eux sont obligés de quitter le service des armes après une blessure et nous avons tous croisés dans nos vies d’anciens militaires qui n’ont pas réussi à se réinsérer, avec les tragédies que vous évoquiez. Les emplois réservés font actuellement l’objet d’une réforme. Début 2020, l’article L. 4 139-3 du code de la défense entrera en vigueur dans une nouvelle version, qui doit contribuer à donner un accès plus facile aux emplois de la fonction publique. Qu’en est-il exactement ? Pensez-vous que ces dispositifs sont suffisants ? Par ailleurs, vous évoquiez l’importance pour les entreprises de contribuer à la réinsertion de nos blessés dans la vie civile en proposant au ministère des Armées des clauses d’insertion spécifiques dans les marchés publics. Pourquoi se limiter au ministère des Armées et ne pas inciter toutes les collectivités locales, notamment les communes et les départements, à faire ce même geste de solidarité nationale et de reconnaissance ?

Mme Françoise Dumas. Chères collègues, merci pour ce travail exhaustif sur un sujet qui nous concerne toutes et tous, qui nous ramène à la fois à notre condition humaine et à celle de nos soldats, et au prix qu’ils payent, eux et leur famille, au cours de leur vie. Lors de l’Université d’été de la défense, qui a eu lieu sur la base aérienne d’Avord, le service de santé des armées nous a montré ce qu’il pouvait mettre en œuvre comme première réponse psychologique en OPEX, au sein d’un ensemble de procédures qui constitue le sauvetage de premier niveau, adapté au domaine psychiatrique. Cela permet de détecter les premiers symptômes chez un patient et d’apporter une réponse en amont de l’intervention d’un médecin psychiatre. Ce dispositif sera expérimenté par les cadres de contact et surtout par les soldats projetés en OPEX. Il y aura certainement des adaptations en fonction des retours du terrain. Est-ce que cette question a été évoquée lors de vos travaux ?

M. Jean-Pierre Cubertafon. Je n’ai pas de question mais je voudrais faire une remarque. Ce rapport ne concerne pas, en fait, les blessés de la gendarmerie…

Mme Anissa Khedher, co-rapporteure. Si ! Ce sont des militaires.

M. Jean-Pierre Cubertafon. En tous cas, nous en avons peu parlé. Je suppose que les hôpitaux militaires offrent des soins identiques aux blessés de la gendarmerie ?

M. le président Jean-Jacques Bridey. Je peux vous assurer qu’il est bien question des blessés de la gendarmerie dans le rapport.

Mme Manuela Kéclard-Mondésir. Nous sommes tous d’accord sur l’importance de ce rapport qui concerne des hommes et des femmes engagés au service de la Nation. Je souhaite revenir sur la question de la réinsertion. Pourquoi sensibiliser les entreprises privées et pas, dans un premier temps, les ministères et les collectivités publiques qui pourraient donner l’exemple ?

Mme Anissa Khedher, co-rapporteure. Je réalise que nous n’avons pas répondu à la question de notre collègue André Chassaigne sur la prise en charge des victimes d’attentats. Ces dernières sont évidemment prises en charge par les hôpitaux militaires ainsi qu’au sein de l’Institution nationale des Invalides.

Pour répondre à la question de notre collègue Sereine Mauborgne sur les prothèses, je confirme que l’excellence du SSA s’est manifestée à l’occasion du développement de plusieurs dispositifs. Pour ma part, j’ai été impressionnée par la miniaturisation du matériel médical sur le théâtre de l’opération Barkhane, conditionné pour être déployé vers un camp de l’avant, à Gossi. Il permet d’opérer comme dans un hôpital ou de pratiquer d’autres soins. Nous avons aussi pu visiter un Casa Nurse et un Caïman équipés. La plateforme-désert de Gao est équipée d’un scanner et des spécialistes peuvent être appelés, au besoin, pour interpréter les résultats, grâce à la télémédecine. Concernant les prothèses, il faut citer plusieurs centres d’excellence, comme le Centre d’études et de recherche sur l’appareillage des handicapés (CERAH), au sein de l’Institution nationale des Invalides, ou l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA).

Mme Laurence Trastour-Isnart, co-rapporteure. Monsieur Furst, s’agissant du nombre de blessés, je dois vous dire que nous avons collecté beaucoup de chiffres mais que ceux-ci sont difficiles à consolider pour réaliser une synthèse simple et cohérente. Chaque entité tient en effet une comptabilité qui lui est propre. Les chiffres les plus fiables seraient ceux de la sécurité sociale des armées. De même lorsque plusieurs arrêts de travail se succèdent, on ne sait pas s’ils sont tous imputables à la même affection. Nous recommandons d’améliorer le suivi statistique des différentes pathologies, ne serait-ce que pour progresser, comme certaines entreprises y parviennent, en suivant attentivement le nombre et le type des accidents de travail. Les pompiers de Paris ont par exemple mené une étude sur les conduites dangereuses. D’autres études portent sur le sport. Je peux toutefois vous dire que nous avons déploré 52 blessés en OPEX en 2018 contre 20, à ce jour, pour 2019.

Mme Anissa Khedher, co-rapporteure. En qui concerne les chiffres, je précise qu’un observatoire de santé va être mis en place mais il faut aussi accepter que les informations sur le nombre de blessés revêtent aussi un caractère stratégique. Le plus important, c’est que le service de santé des armées et le ministère aient ces chiffres. L’observatoire de la santé du militaire, le logiciel Axone, permettront prochainement de croiser les données ; c’est ce qui manque aujourd’hui et ce qui contribuera à l’amélioration de la politique de prévention et de prise en charge des blessés.

Pour répondre à notre collègue Fabien Lainé, à propos de l’excellence du modèle français, je confirme que cette excellence est reconnue, notamment par l’OTAN. Les évacuations sont d’ailleurs effectuées conformément aux normes de l’OTAN. Des rencontres internationales ont lieu régulièrement sur ce sujet. Les modèles anglo-saxon et israélien sont aussi souvent cités en exemple mais nous n’avons pas à rougir de notre système, qui est une référence.

Mme Laurence Trastour-Isnart, co-rapporteure. Je vais essayer de répondre à Madame Josso. Chère collègue, les moyens mobilisés sont importants. Les chercheurs demandent toujours plus, ce en quoi ils en raison. Mais nos budgets sont limités. Des avancées significatives sont toutefois obtenues grâce à la recherche, et notamment au sein du service de santé des armées.

Mme Anissa Khedher, co-rapporteure. Madame Mirallès, outre la cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre (CABAT), créée dès 1993, la cellule d’aide aux blessés, malades et familles de l’armée de l’air (CABMF) a été mise en place en 2007, suivie par la cellule d’aide aux blessés et aux familles de la marine (CABAM) en 2011. Il existe également une cellule pour les gendarmes : la CABGN, créée en 2015. Une cellule a été créée pour les soignants eux-mêmes, et pour lesquels je voudrais avoir une pensée particulière, parce que ce sont parfois les cordonniers qui sont les plus mal chaussés : la cellule d’aide aux blessés et malade du service de santé des armées (CABMSSA). Enfin, la Légion étrangère a ses propres dispositifs, tout comme les pompiers militaires de Paris et de Marseille.

Mme Laurence Trastour-Isnart, co-rapporteure. J’en viens à la question de notre collègue Marianne Dubois sur les pensions militaires d’invalidité. Pour les demandes de pension formées il y a moins de deux ans, le délai moyen de traitement s’élève à 250 jours. Cependant, le stock de dossiers en attente de traitement est considérable ; pour nombre de dossiers, l’instruction dure deux ans, et on nous a même rapporté un cas dans lequel ce délai s’est élevé jusqu’à trois ans, ce qui correspond au délai de renouvellement des demandes ! Les services sont conscients de ces difficultés et un important travail de traitement des dossiers est fait. Le portail numérique pour les demandes de pensions militaires d’invalidité devrait permettre d’accélérer les choses. De façon générale, il faut miser sur la numérisation des procédures pour simplifier le parcours des demandeurs de pensions.

Mme Anissa Khedher, co-rapporteure. Madame Bono-Vandorme évoquait le soutien sanitaire en opération intérieure en Guyane ; nous n’avons pas abordé la question du dimensionnement du soutien sanitaire.

Mme Laurence Trastour-Isnart, co-rapporteure. Pour répondre à Monsieur Thiériot sur les emplois réservés aux anciens militaires, je confirme que les dispositifs actuels sont bien mis en œuvre dans les services de l’État et je partage tout à fait son opinion sur l’intérêt qu’il y aurait à développer le même type d’emplois réservés dans les collectivités territoriales.

Il faut ajouter que les associations d’anciens combattants ont souvent des réseaux d’influence suffisamment développés pour aider au placement de blessés dans des entreprises privées. Tel est le cas, notamment, dans les entreprises d’espaces verts – secteur dans lequel beaucoup de blessés apprécient de travailler – et dans le secteur du froid commercial, dans lequel des formations spécifiques sont offertes aux militaires. Globalement, entre les soutiens institutionnels et les soutiens associatifs, les blessés souhaitant reprendre un travail sont bien accompagnés sur le chemin de la réinsertion.

Mme Anissa Khedher, co-rapporteure. J’ajoute qu’à mes yeux, encore faut-il faire connaître ces dispositifs avant de chercher à les imposer.

Concernant la question de Madame Dumas sur les premiers secours psychiatriques, il s’agit de gestes simples comme la contention physique et, comme je le disais tout à l’heure, tous les militaires du rang y seront formés, au même titre qu’ils le sont, par exemple, à la pose d’un garrot.

Mme Laurence Trastour-Isnart, co-rapporteure. Monsieur Cubertafon nous a interrogées sur le soutien psychologique au sein des forces de gendarmerie. Nous n’avons pas manqué de prendre en compte cette force dans nos travaux. Il en ressort qu’elle a déployé un réseau de psychologues de proximité, qui a pour mission notamment de prévenir le stress post-traumatique et les pathologies de ce type. En effet, celles-ci ne sont pas l’apanage des militaires engagés en OPEX ; sur la route, les gendarmes ou les pompiers sont confrontés à des situations traumatisantes, par exemple lorsque des accidents mortels impliquent des enfants. Permettez-moi d’ailleurs d’en rapporter un témoignage, celui d’un gendarme qui a assisté à la chute d’un jeune de quinze ans depuis une falaise ; le gendarme, qui avait un enfant du même âge, en a été profondément traumatisé.

S’agissant de la blessure post-traumatique, j’ajoute qu’elle advient souvent lorsqu’un événement de notre vie éveille soudainement l’écho d’un moment traumatisant. C’est pour cela que souvent, elle n’apparaît pas immédiatement ; c’est généralement un événement ultérieur qui entre en résonance avec un choc passé, vécu par exemple en OPEX, qui réveille la blessure. Dans ces conditions, difficile d’évaluer le moment où la blessure se manifestera.

M. le président Jean-Jacques Bridey. Je m’associe aux félicitations que nos collègues ont adressées aux rapporteures sur ce rapport. Ce rapport sera rendu public prochainement et pourra ainsi, peut-être, intégrer certaines des questions de nos collègues.

À l’unanimité, la commission autorise la publication du rapport.


—  1  —

   Avis séparé de Mme Laurence Trastour-Isnart

 

Certaines problématiques ont émergé au cours des auditions et des déplacements effectués dans le cadre de l’élaboration de ce rapport pour lesquelles la rapporteure souhaite formuler des observations et des recommandations complémentaires.

 

1)     La création d’une nouvelle catégorie de ressortissants de l’ONACVG

En effet, parmi les blessés réformés ou mis à la retraite pour infirmité, un certain nombre ne remplit pas les conditions d’attribution de la carte du combattant ou du titre de reconnaissance de la Nation. Une nouvelle catégorie, peu nombreuse compte tenu du contexte opérationnel, pourrait concerner l’un des cas de figure suivants :

 

  dans l’hypothèse maximum, l’ensemble des blessés et malades en service et hors service,

  seulement les blessés en service,

  seulement les blessés en préparation opérationnelle, à l’entraînement ou dans d’autres circonstances en lien avec la préparation ou la conduite d’une opération ou d’une mission quelle qu’en soit la nature,

  seulement les blessés en service dont la blessure présente une gravité, basée, par exemple, sur le taux d’invalidité retenu pour l’attribution d’une pension militaire d’invalidité, ce qui exclurait les blessures les moins graves.

Ces blessés ne seraient pas éligibles aux avantages fiscaux et financiers concédés aux titulaires de la carte du combattant et du titre de reconnaissance de la Nation, tels que la rente mutualiste ou la retraite du combattant mais pourraient peut-être bénéficier de certains secours de l’ONACVG, pour les plus démunis d’entre eux.

La rapporteure a été marquée par le décalage entre les nombreux discours invoquant la grande famille des armées et une forme de mise à l’écart de ceux qui, frappés par la fatalité d’une blessure ou d’une maladie, souvent au début de leur engagement, n’ont pu, alors que tous les militaires le souhaitent ardemment, participer à une OPEX. En faire des ressortissants de l’ONACVG serait en quelque sorte la reconnaissance de leur statut militaire et du service qu’ils ont rendu, ou voulu rendre, à la Nation durant leur vie professionnelle au sein des armées.

 

Les Forces armées canadiennes considèrent d’ailleurs tous les anciens militaires comme des anciens combattants et leur remettent lorsqu’ils sont libérés, le terme qu’emploient les canadiens pour réformés, une « carte de service des anciens combattants » portant la mention de vétéran et leur permettant d’accéder aux nombreuses prestations destinées aux anciens militaires dans le cadre de leur transition vers la vie civile. Point n’est besoin pour cela de dérouler son passé militaire, il suffit d’avoir « réussi l’instruction de base et été libéré honorablement des Forces armées canadiennes ».

De plus, compte tenu de la baisse naturelle du nombre de ses ressortissants, ceci pourrait également contribuer à la pérennisation de l’activité de l’ONACVG, que la rapporteure estime essentielle. En effet, une projection effectuée en 2014 portant sur le nombre de ressortissants de l’ONACVG en 2023, issue d’un rapport du contrôleur général des armées Jean Tenneroni, indiquait une vraisemblable érosion de 38,5 % de leur nombre durant cette période, ayants droits et ayants cause confondus. Au cours des années passées, l’ONACVG a démontré sa capacité à accueillir de nouveaux ressortissants avec les victimes civiles du terrorisme. Un nouveau public, au demeurant peu nombreux, devrait pouvoir être intégré sans grande difficulté.

La rapporteure espère ainsi initier une réflexion sur ce sujet, partant du principe qu’un militaire est, par définition, au service de son pays dans tous les actes de sa vie professionnelle.

 

2)     Une nouvelle décoration pour les blessés en service

 

Dans le même esprit, la rapporteure propose que soit créée une décoration spécifique destinée aux blessés graves en service, mais non au combat, non éligibles de ce fait à la médaille du blessé de guerre. Il lui semble en effet normal que ces blessés puissent être décorés en tant que tels et récompensés pour leur sacrifice, ce qui n’est pas la vocation première de la médaille de la défense nationale créée en 1982 pour récompenser les services particulièrement honorables rendus par les militaires à l’occasion de leur participation aux activités opérationnelles ou de préparation opérationnelle des armées, tels les manœuvres, exercices, services de campagne, ou les interventions au profit des populations.

 

3)     Une ouverture plus large de l’industrie de la défense aux militaires blessés en reconversion

 

En matière de reconversion des blessés, il est apparu à la rapporteure que si l’ensemble des organismes publics et des entreprises privées devaient se mobiliser pour recruter des militaires blessés, les entreprises du secteur de la défense devraient être en pointe dans ce domaine et, en quelque sorte, montrer l’exemple. En effet, ces entreprises, dont le principal, voire, pour certaines d’entre elles, le seul, client est le ministère des Armées, devraient être les premières à déployer des stratégies afin d’offrir des possibilités de reconversion aux militaires blessés ne pouvant plus servir dans les forces. La rapporteure est d’avis que tous les efforts n’ont pas encore été faits en ce sens.

 

4)     Le durcissement des peines sanctionnant les agressions contre les personnels de secours

 

Dans un autre domaine, la rapporteure souhaite que les sanctions frappant les personnes agressant les pompiers et les personnels de la sécurité civile soient aggravées. Les pompiers de la BSPP déposent systématiquement plainte lors qu’ils sont victimes de ces actes. Il est temps que les sanctions deviennent vraiment dissuasives.

 

5)     Une future mission d’information sur la condition des veuves et des orphelins de militaires

 

Enfin, le décès n’est pas le thème de ce rapport, il a pourtant pu y être fait allusion ponctuellement. Certaines auditions ont interpellé la rapporteure qui a identifié un sujet nécessitant une étude approfondie. Elle recommande donc à ses collègues de se saisir du sort des familles de militaires décédés, conjoints et orphelins, et d’en faire le thème d’un prochain rapport d’information.

 

6)     L’attribution de la mention « Mort pour le service de la Nation » aux militaires morts en service

 

Emportant des conséquences pour le conjoint et les orphelins de militaires décédés, l’octroi des mentions « Mort pour la France » et « Mort pour le service de la Nation » revêt une grande importance à la fois symbolique et matérielle. Si la mention « Mort pour la France » ne suscite guère de discussions, ce n’est pas le cas de la mention « Mort pour le service de la Nation ».

L’article L. 513-1du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre dispose que :

« Le ministre compétent peut décider que la mention " Mort pour le service de la Nation " est portée sur l'acte de décès :

1° D'un militaire tué en service ou en raison de sa qualité de militaire ;

 

2° D'un autre agent public tué en raison de ses fonctions ou de sa qualité […] »

 

Le décret n° 2016-331 du 18 mars 2016 a modifié l’article précité, et dévoyé l’esprit de la loi, en introduisant les notions de décès « des suites de l'acte volontaire d'un tiers » et de « circonstances exceptionnelles ». Ainsi sont introduits une restriction, avec l’acte volontaire d’un tiers, modérée par une ouverture, les circonstances exceptionnelles, laissée à la libre appréciation des ministres successifs, donc à l’arbitraire. Il semble en l’occurrence à la rapporteure que les décisions antérieures prises par un ministre devraient en quelque sorte faire jurisprudence.

Ainsi les décisions prises par le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian ont pu concerner des militaires décédés à l’entraînement ou victimes d’accidents sans qu’entre en jeu la volonté d’un tiers. Un accident est par définition toujours la conséquence d’une circonstance exceptionnelle sans laquelle il ne serait pas produit. L’actuelle ministre des Armées semble se tenir strictement à la lettre du décret et avoir une vision très restrictive des circonstances exceptionnelles, ce qui induit un fort sentiment d’iniquité chez les familles de militaires décédés en service, mais non au combat.

Or il est de notoriété publique que les entraînements, destinés à être une préfiguration du combat, s’effectuent dans des conditions les plus réelles possibles et comportent de véritables dangers que l’on peut qualifier d’exceptionnels.

Par ailleurs, le ministère de l’intérieur, semble accorder beaucoup plus largement la citation à l’ordre de la Nation aux policiers et personnels civils décédés en service. Cette citation procure des avantages à la famille et notamment le statut de pupille de la Nation pour les enfants qui ont perdu leur père ou leur mère. Il est souvent objecté que les orphelins de militaires décédés à l’entraînement peuvent bénéficier de la protection particulière mais, outre les avantages qui en découlent, la charge symbolique est sans comparaison.

 

En conséquence, la rapporteure préconise une modification législative permettant d’attribuer la mention « Mort pour le service de la Nation » aux militaires décédés de mort violente du fait de l’accomplissement de leur service et donc de leur devoir.

 


—  1  —

   ANNEXES

auditions de la mission d’INFORMATION

(Par ordre chronologique)

1.   Liste des personnes auditionnées par les co-rapporteures

 M. le général de corps aérien Alain Ferran, directeur des ressources humaines de l’armée de l’air, Mme le lieutenant-colonel Isabelle Ménager, assistant militaire du DRHAA, M. le commandant Gaëtan Bernard, chef de la cellule d’aide aux blessés, malades et familles de l’armée de l’air, Mme le capitaine Lydie Lopez, adjointe au chef de la cellule d’aide aux blessés.

 M. le commissaire en chef Alexandre Coyo, chargé de mission au cabinet du secrétaire général pour l’administration.

 M. le médecin en chef Erik Czerniak, chef de l’état-major opérationnel.

 M. le colonel Paul Gèze, chef du bureau condition du personnel, direction des ressources humaines de l'armée de terre, M. Julien Hermitte, adjoint du colonel, M. le lieutenant-colonel Jobic Le Gouvello de la Porte, officier en charge des relations parlementaires pour l’état-major de l’armée de terre.

 M. le colonel Antoine Brulé, chef de la cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre.

 Conseil supérieur de la fonction militaire : M. le maréchal des logis-chef Pascal Buring, M. le caporal-chef de 1ère classe David De Sousa, M. le sergent-chef Mickaël Di Vora, M. l’infirmier en soins généraux de 2ème grade Stéphane Huttin, Mme l’infirmière cadre de santé paramédical Sophie Martin-Perez, M. l’ingénieur principal des études et techniques d’armement Thomas Verchère, M. le maréchal des logis-chef Michel Vuillerminaz, membres du CSFM, M. le contrôleur général des armées Olivier Schmit, secrétaire général du CSFM, M. le commandant Jean Bölling, adjoint communication.

 M. le capitaine de vaisseau Hervé Lamielle, chef du bureau condition du personnel de la marine, Mme l’enseigne de vaisseau de 1ère classe Laure Courtois, cheffe de la cellule d’aide aux blessés de la marine, M. le capitaine de vaisseau Antoine Vibert, chargé des liaisons parlementaires au sein du cabinet du chef d’état-major de la marine.

 M. le colonel Stéphane Chauffert-Yvart, chef du bureau de l’accès à l’emploi en entreprise de l’agence de reconversion de la défense, Mme la lieutenante-colonelle Valérie Lefèvre, adjointe au chef de bureau, Mme Amélie Denis, référente nationale en charge des blessés au sein de l’ARD.

 Mme le médecin général inspecteur Anne Sailliol, directrice de l’Institut de recherche biomédicale des armées, Mme le médecin chef des services Nathalie Koulmann, directrice-adjointe de l’IRBA, M. le médecin chef Frédéric Canini, chef de la division santé du militaire en opération, M. le médecin chef des services Frédéric Dorandeu, chef de la division défense nucléaire radiologique biologique chimique, M. le médecin chef Sébastien Banzet, chef du département soutien médico-chirurgical des forces, Mme le médecin chef Marion Trousselard, chef de département adjoint neurosciences et sciences cognitives.

 Mme le commissaire en chef de 1ère classe Maryse Laurent, officier considération auprès de la directrice centrale du service de santé des armées.

 M. le médecin général inspecteur Pierre Lécureux, directeur de la médecine des forces, Mme le médecin en chef Nola Doaré, chef du bureau aptitudes médicales et recours médico-statutaires de la division métier.

 M. l’administrateur civil hors classe Jean-Joël Clady, sous-directeur de l’action sociale des armées, secrétariat général pour l’administration, Mme Valérie Meunier, inspectrice technique en charge de la direction technique et professionnelle du réseau social.

 M. le médecin-chef Yann Andruetan, chef du service de psychologie de la marine.

 M. le général (2S) Jean Eudes Barau, délégué général de Solidarité Défense.

 Mme le médecin général inspecteur Geneviève Fidelle, directrice des hôpitaux du service de santé des armées, Mme le médecin en chef Marie-Dominique Colas, chef du service psychiatrie de l’hôpital d’instruction des armées Percy, M. le commissaire en chef de 1ère classe Mohamed-Ali Bouharb, conseiller communication de la directrice.

 M. le médecin en chef Laurent Martinez, coordonnateur national du service médico-psychologique des armées.

 Mme le médecin chef des services Arielle Thimon-Lechevalier, cheffe du bureau offre de soins-parcours de santé de la division expertise & stratégie santé de défense, Mme le médecin en chef Lénaïck Ollivier, cheffe du bureau plans de la division.

 Mme l’infirmière cadre de santé Isabelle Roulin, cheffe de la cellule d’aide aux blessés et malades du service de santé des armées, Mme l’assistant médico-administratif Amanda Pegliasco, référent blessés.

 Mme le médecin en chef Marie Couvert, cheffe du bureau médico-statutaire à l’inspection du service de santé des armées.

 Mme Rose-Marie Antoine, directrice générale de l’office national des anciens combattants et victimes de guerre, Mme Emmanuelle Double, cheffe du département de la solidarité, M. le lieutenant-colonel (er) Jacques Allavena, chef du bureau des blessés et de la reconversion professionnelle.

 M. Youssef El Kosseifi, aumônier catholique des armées.

 M. David El Fassi, aumônier israélite des armées.

 M. le général de corps aérien Bruno Paccagnini, sous-chef performance à l’état-major des armées, M. le colonel Rodolphe Hardy, bureau condition du personnel-formation, M. le lieutenant-colonel Étienne Krier, M. Pierre-Louis Barbery, bureau coordination – synthèse.

 M. le chef d’escadron Fabrice de Chaignon, secrétaire général, comité de liaison « Défense-Medef », Mme Laurence Chavatte, chargée de mission du comité de liaison.

  M. Stéphane Imbert, président de Sica Group.

 Mme Florence Lendroit, présidente nationale de l’association nationale des femmes de militaires, Mme Sabrina Verrier, responsable des veuves et des orphelins, M. Jean- François Montoya.

 M. le général de division Patrick Bréthous, sous-chef d’état-major opérations aéroterrestres de l’état-major de l’armée de terre.

M. le général d’armée (2S) Éric Margail, président de Terre Fraternité.

 M. le médecin général Édouard Halbert, adjoint opérations, chef de la division opérations de la direction centrale du service de santé des armées.

 M. Serge Pinson, sous-directeur des pensions, secrétariat général pour l’administration, M. le médecin en chef Thierry Quintard, chef du bureau des expertises et analyses médicales, M. l’attaché d’administration hors classe Éric Renaud, chef du bureau invalidités, réversions, contentieux.

 M. Daniel Maguin, secrétaire général de la mutuelle de l’armée de l’air, M. Jean-Pierre Lukan, directeur.

 Mme la commissaire en chef Dominique Moreau, cheffe du groupement de soutien des personnels isolés (GSPI).

 M. le général (2S) Vincent Leroi, chargé de mission auprès du directeur des ressources humaines de l’armée de terre.

 M. Olivier Serre, sous-directeur du contentieux, direction des affaires juridiques, secrétariat général pour l’administration, Mme Séverine Cuisinier, chef du bureau du contentieux de la responsabilité.

 Mme le médecin général des armées Maryline Gygax Généro, directrice centrale du service de santé des armées, Mme le commissaire de 1ère classe Marine Daoudal, adjointe au chef d’état-major de la direction centrale du service de santé des armées.

 M. Alain Clerc, vice-président fédéral et président de la commission de défense des droits de la Fédération nationale André Maginot.

 M. Patrice Paulet, président-directeur général de l’AGPM, Mme Véronique Florin Humann, directeur des assurances et des risques de l’AGPM, M. Gilles Lemoine, secrétaire général du GMPA, M. JeanMichel Egalon, direction de la protection Sociale du GMPA.

 M. le général de division Armando de Oliveira, directeur des personnels militaires de la gendarmerie nationale, M. le général de brigade Patrick Aubert, sous-directeur de l’accompagnement du personnel.

 Mme Delphine Hédary, présidente du conseil d’administration de l’Établissement public des fonds de prévoyance militaire et aéronautique, M. Bruno Bordone, directeur.

 M. Henry de Bonnaventure, président de l’Union des blessés de la face et de la tête (UBFT), M. Olivier Roussel, directeur.

 M. le médecin chef des services Yann Dassé, conseiller santé de l’armée de terre.

 M. le médecin chef des services Jean-Baptiste Meynard, directeur du centre d’épidémiologie et de santé publique des armées (CESPA), M. le médecin en chef Gaëtan Texier, chef du service état de santé des militaires.

 M. l’amiral Philippe Hello, directeur des ressources humaines du ministère des Armées, M. le lieutenant-colonel Pierre-Yves Mesplède, chargé de mission.

 M. le général (2S) Paul Dodane, président du comité d'entente des grands invalides de guerre (CEGIG).

M. le général de corps aérien (2S) Jean-François Furet-Coste, président d’UNEO, M. Quentin Bériot, directeur général, M. Anton Camp, responsable des relations extérieures.

 M. Francis Lamy, président du Haut comité d’évaluation de la condition militaire, M. le contrôleur général des armées Olivier Maigne, secrétaire général.

 

2.   Déplacements

 Visite à l’hôpital d’instruction des armées Bégin à Saint-Mandé, le 11 décembre 2018.

 Visite à la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris, le 30 janvier 2019.

 Participation au sas de fin de mission à Chania, Crète, du 5 au 10 février 2019.

 Déplacement à Bron, Lyon, Marseille, Istres et Toulon, du 25 février au 1er mars 2019 : Fédération nationale des anciens des missions extérieures (FNAME OPEX), écoles de santé des armées et HIA Desgenettes à Bron et Lyon, base aérienne 125 à Istres, Bataillon des marins-pompiers de Marseille et HIA Laveran à Marseille, base navale (ALFAN), HIA Sainte-Anne et Caisse nationale militaire de sécurité sociale à Toulon.

 Visite à la cellule d'aide aux blessés, malades et familles de l’armée de l’air (CABMF Air), Hôtel national des Invalides, le mercredi 13 mars 2019.

 Déplacement à Orléans-Bricy, base aérienne 123 et CPA 10 (commando des parachutistes de l’air), le 21 mars 2019.

 Déplacement à Lorient, force maritime des fusiliers marins et commandos (FORFUSCO), les 25 et 26 mars 2019.

 Déplacement à Fréjus, 21ème régiment d’infanterie de marine (21ème RIMa) de l’armée de terre, les 3 et 4 avril 2019.

 Déplacement à La Valbonne, régiment médical de l’armée de terre, le 16 avril 2019.

 Déplacement à Aubagne, commandement de la Légion étrangère, les 12, 13 et 14 mai 2019.

 Déplacement à Fontenay-le-Comte, Centre militaire de formation professionnelle (CMFP), le 20 juin 2019.

 Visite du Centre national des sports de la défense (CNSD) à Fontainebleau, le 9 juillet 2019.

 Visite à l’hôpital d’instruction des armées Percy à Clamart, le 10 juillet 2019.

 Visite de l’Institution nationale des Invalides, le 11 juillet 2019.

 Déplacement à N’Djamena, Gao et Niamey, opération Barkhane, du 24 juillet au 28 juillet 2019.

 


([1])  Rapport d’information n° 2470 de M. Olivier Audibert-Troin et Mme Emilienne Poumirol sur la prise en charge des blessés, en date du 16 décembre 2014.

([2]) Voir 4ème partie,I,A,4.

([3]) Réponse au questionnaire des rapporteures adressé à l’état-major des armées.

([4]) Article L.1110-8 du code de la santé publique : « Le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé et de son mode de prise en charge, sous forme ambulatoire ou à domicile, […], est un principe fondamental de la législation sanitaire. »

[5] Réponse de la gendarmerie nationale au questionnaire des rapporteures.

([6]) Au 12 mai 2019.

([7]) Voir 4ème partie, III, C.

([8])  Voir 3ème partie, IV, D.

[9] Articlse L4111-1 et D4111-2t du code de la défense.

([10]) « Reconnaissance, réparation et réhabilitation des blessés psychiques en service : enjeux et perspectives ? » G. Thomas, E. Le Pape, E. Mèle, G. Tourinel, Médecines & armées, 2019, 47, 1, 049-054.

([11])  https://adaugusta.fr.

([12])  Ce prix a été remis dans le cadre du prix européen « Civisme, sécurité et défense » récompensant des actions remarquables au profit du développement du civisme européen et de la conscience européenne de sécurité et de défense, organisé par l’association « Civisme Défense Armées Nation » (CiDAN) en collaboration avec l’Association européenne interparlementaire de sécurité et de défense.

[13] Général Bruno Paccagnini, sous-chef performance à l’état-major des armées, audition du 9 avril 20I9.

([14]) Circulaire n° 9406/ARM/SGA/DRH-MD relative à l’aide au séjour des familles de ressortissants de l’action sociale du ministère des armées blessés et hospitalisés.

([15]) Au 20 juin 2019.

([16]) Militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées.

 

([17]) Relevant de l’armée de terre.

([18]) Voir 3ème partie, II, A et C

([19]) Chiffres de 2017.

([20])  Article L.4138-3-1 du code de la défense.

 

([21]) Jusqu’au 1er novembre 2019, date à laquelle entrera en vigueur la réforme du contentieux des pensions militaires d’invalidité.

([22]) Décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

([23]) Décret n° 2018-1292 du 28 décembre 2018.

([24]) C.E, 1er juillet 2005.

([25]) TA Paris, 8 sept. 2016, Tardieu.

([26]) Article 22 bis de la loi n° 2007-148 du 2 février 2007de modernisation de la fonction publique.

[27] Article L.4138-11 du code de la défense : « Pour les militaires servant en vertu d'un contrat placés dans l'une de ces situations, le congé n'affecte pas le terme du contrat, à l'exception des congés de longue durée pour maladie, de longue maladie et du personnel navigant prévu à l'article L.4139-6, pour lesquels le contrat est prorogé si nécessaire, jusqu'à la date d'expiration de ces congés, dans la limite de la durée de service. »

([28])  Circulaire n° 230494/DEF/SGA/DRH-MD/SRRH/SDFM/FM2 relative à l'attribution de la carte de circulation donnant droit au tarif militaire sur les lignes exploitées par la société nationale des chemins de fer français du 27 décembre 2018.

([29]) Général Bruno Paccagnini, état-major des armées, lors de son audition par les rapporteures le 9 avril 2019.

([30])  Instruction n° 35 000/GEND/DSF du 13 décembre 2018.

([31])  Pour mémoire : 180 jours de congé maladie initial, 18 mois de congé du blessé, 8 ans de congé de longue durée pour maladie.

([32])  Réponse de la cheffe du bureau « Offre de soins-Parcours de santé » de la direction centrale du SSA au questionnaire des rapporteures.

([33])  Article L. 1172-1du code de la santé publique : « Dans le cadre du parcours de soins des patients atteints d'une affection de longue durée, le médecin traitant peut prescrire une activité physique adaptée à la pathologie, aux capacités physiques et au risque médical du patient. Les activités physiques adaptées sont dispensées dans des conditions prévues par décret. »

([34]) Réponse de la direction centrale du SSA au questionnaire des rapporteures.

([35])  Il s’agit de postes proposés pour six mois, renouvelables tous les trois mois, soit un an au maximum.

([36])  Article L.4111-1 du code de la défense.

([37]) Conformément à l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et au décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.

([38])  Art. L.4123-4 du code de la défense.

([39]) Selon l’article 30 de la loi n° 2018-607 de programmation militaire 2019-2025 habilitant le Gouvernement à prendre toute mesure relevant du domaine de la loi visant à étendre le congé du blessé à d’autres hypothèses que celles prévues à l’article L.4138-3-1 du code de la défense.

[40] Point 2.6.1 de l’instruction n° 15500/DEF/DRH-AT/BCP-EH/SYNTHESE relative à l’établissement et à la mise à jour des dossiers et des états de service du 12 septembre 2015.

[41] Instruction n° 0-8422-2019/ARM/DPMM/CPM relative à l'homologation des blessures de guerre du personnel de la marine nationale du 20 mars 2019.

[42] Instruction n° 61/DRH-AA/DIR relative à l’homologation des blessures de guerre dans l’armée de l’air du 5 mars 2019.

[43] Les circonstances exceptionnelles sont définies ainsi : « […] soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes […] ».

([44])  Décret n° 2016-1130 du 17 août 2016 relatif à la médaille des blessés de guerre.

([45])  Le rang protocolaire des ordres nationaux est désormais le suivant : Légion d’honneur, ordre de la Libération, Médaille militaire, ordre national du Mérite, Médaille nationale de reconnaissance aux victimes du terrorisme, Croix de guerre (1939-1945, T.O.E.), Croix de la valeur militaire, Médaille de la gendarmerie nationale, Médaille des blessés de guerre, Médaille de la Résistance française, ordre des Palmes académiques, ordre du Mérite agricole, ordre du Mérite maritime, ordre des Arts et lettres, Médaille des évadés, Croix du combattant volontaire (1939-1945, de la Résistance, Indochine, Corée, A.F.N., OPEX), Médaille de l’aéronautique, Croix du combattant, Médaille de la reconnaissance française, Médaille d’outre-mer (ex Médaille coloniale), Médaille de la défense nationale, Médaille des services militaires volontaires, médailles d’honneur ressortissant aux différents départements ministériels, Médaille d’Afrique du Nord et Médaille de la reconnaissance de la nation, médailles commémoratives diverses et assimilées.

([46]) Après s’être adressés à la direction centrale du SSA.

[47] http://www.hanvol-insertion.aero/association.php

 

([48]) Ordonnance n° 2019-4 du 4 janvier 2019 portant simplification des dispositifs de reconversion des militaires et des anciens militaires dans la fonction publique civile et décret n° 2019-5 du 4 janvier 2019 portant application de l’ordonnance n° 2019-4 du 4 janvier 2019 portant simplification des dispositifs de reconversion des militaires et des anciens militaires dans la fonction publique civile.

([49]) 2008 à 2011 : effectif moyen réalisé. À partir de 2012 : effectif au 31 décembre de l’année considérée.

([50])  Décret n° 2017-1663 du 6 décembre 2017.

([51])  Arrêté du 8 juin 2018, mis en application le 1er septembre 2018.

([52])  Décret n°2019-47012 du 20 mai 2019.

[53] http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/1548/AN/804

([54]) Réponse au questionnaire des rapporteures.