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N° 2248

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 septembre 2019.

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

 

au nom de la dÉlÉgation aux outre-MER (1)

sur la situation des CHU de la Guadeloupe et de La Réunion

PAR

MM. David LORION et Olivier SERVA

 

 

Députés

——

 

 

 


 

 

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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

I. un constat PARTICULIÈREMENT PrÉoccupant

A. La situation particulière à la Guadeloupe

B. La situation particulière de La Réunion

II. Des solutions d’urgence pour un apaisement du climat social local en Guadeloupe

A. La fin immédiate des ruptures d’approvisionnement

B. rétablir la confiance entre la structure hospitalière et les fournisseurs

III. Les perspectives d’un redressement financier : une évolution indispensable des outils financiers à La Guadeloupe et à La Réunion

A. Le passage d’une tarification à l’acte à une tarification à la qualité

B. La majoration du coefficient géographique

C. Le basculement en Missions d’intérêt général et d’aides à la contractualisation (MIGAC)

IV. La mise en place de solutions nouvelles

A. Une nécessaire réorganisation interne au sein du CHU de la Guadeloupe

1. La mise en place du Plan de retour aux fondamentaux de gestion

2. Une restructuration nécessaire de l’offre de soins sur l’ensemble du territoire : le fonctionnement effectif du Groupement Hospitalier de la Guadeloupe

B. Un plan de retour à l’équilibre améliorant nettement la situation financière du CHU de La Réunion mais ne prenant pas en compte les particularités sanitaires de ce territoire

CONCLUSION

PERSONNES AUDITIONNÉES

RECOMMANDATIONS des rapporteurs

 


 

 

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INTRODUCTION

 

Bien que géographiquement très éloignés, les deux départements de la Guadeloupe et de La Réunion sont confrontés depuis quelques mois à de graves difficultés mettant en cause le fonctionnement de leurs CHU.

Dans le courant de l’été 2019, la situation est devenue particulièrement préoccupante. C’est la raison pour laquelle le président de la Délégation aux outre-mer, M. Olivier Serva, en collaboration avec son collègue député de La Réunion M. David Lorion, a souhaité mettre rapidement en place une mission d’information.

L’unique objectif de cette mission, qui a travaillé dans l’urgence et qui rend ses conclusions quelques semaines seulement après sa création, est de proposer des pistes de solution à ces deux crises dont des caractéristiques pourraient bien se retrouver dans d’autres collectivités ultra-marines.

 

 


 

 

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I.    un constat PARTICULIÈREMENT PrÉoccupant

A.    La situation particulière à la Guadeloupe

Depuis le mois de juillet 2019, le département de la Guadeloupe est rythmé par un mouvement de grève des différents services du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre. Ce mouvement a débuté le 10 juillet 2019 au sein du service des urgences puis s’est étendu de manière quasi contagieuse au service de la maternité pour enfin se généraliser à l’ensemble de la structure.

Il a été ponctué par une forte mobilisation de la population guadeloupéenne lors des différentes manifestations qui ont eu lieu dans les rues de l’île en soutien au personnel en grève.

Si cette crise s’inscrit dans un contexte national difficile illustrée par la grève des urgences qui se déroule actuellement dans l’hexagone, elle revêt cependant, un caractère singulier dans le département de la Guadeloupe.

En effet, elle survient alors qu’un incendie a touché le CHU de Pointe‑à‑Pitre le 28 novembre 2017, impactant notamment des services essentiels à son bon fonctionnement : les urgences ou encore la maternité. Ce sinistre a abouti à une désorganisation de l’offre de soin sur l’ensemble du territoire et alimente encore de nombreuses difficultés pour le personnel soignant. Il entrave l’accès à des soins de qualité pour les patients et inquiète profondément la population.

Cependant, il ne faudrait pas réduire les facteurs de la crise actuelle à l’incendie et à ses conséquences.

L’incendie a surtout agi comme le révélateur de trop nombreux dysfonctionnements structurels de l’établissement.

Le CHU de Pointe-à-Pitre fait face depuis plus d’une dizaine d’années à une situation financière dégradée.

Ces difficultés financières sont dues à plusieurs facteurs tels que les surcoûts liés à l’insularité, le manque criant de recettes et la baisse de la fréquentation du centre mais également des problématiques de maîtrise des dépenses.

Un autre facteur de difficultés consiste dans le fait que cet outil indispensable de l’offre de soin de la Guadeloupe a été conçu comme un amortisseur social permettant de lutter contre le chômage endémique de la Guadeloupe grâce à un emploi public non maîtrisé.

À cela s’ajoute une instabilité managériale et des problèmes organisationnels, notamment causés par le sureffectif dans certains secteurs.

Paradoxalement, le personnel soignant est en sous-effectif. Les rapporteurs ont en effet regretté d’apprendre, qu’en l’espace de moins d’un an, le nombre de médecins aux urgences a chuté, passant de 16 à 4 médecins. Ce qui traduit au surplus un déficit de plus en plus manifeste d’attractivité du CHU de la Guadeloupe pour du personnel soignant qualifié que ne parvient pas à compenser la diversité et le nombre des cas cliniques du territoire.

L’ensemble de ces facteurs a eu pour conséquence une rupture d’approvisionnement au cours de la période s’étalant entre juin et août 2019. Ces difficultés résultent principalement de l’incapacité pour le CHU de payer ses multiples fournisseurs. Ceux-ci, ayant perdu confiance à l’égard de leur débiteur, ont décidé de cesser de livrer certains de leurs produits.

Ce sont des éléments aussi essentiels et élémentaires que la morphine ou le paracétamol qui ont cessé d’être administrés aux patients.

Or, cette impossibilité de payer les fournisseurs est directement liée à l’accroissement de la dette fournisseur, qui s’élève selon la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) du ministère des solidarités et de la santé à environ 50 millions d’euros et à la désorganisation interne du CHU (système d’information et de facture défaillants, etc.).

Il était donc impossible pour le personnel soignant et encadrant de délivrer des soins de qualité.

Pire, l’audition de ces derniers par les rapporteurs a révélé que ceux-ci devaient parfois prendre des risques dans leur pratique professionnelle. Une réalité confirmée par les auditions de l’administration.

Les rapporteurs observent que les facteurs conjoncturels se sont inévitablement ajoutés à ces difficultés structurelles existantes et persistantes au sein du CHU de Pointe-à-Pitre.

L’incendie de novembre 2017 a aggravé l’état et le fonctionnement de l’établissement tandis que le Plan de réorganisation de l’offre de soin mis en place depuis lors, par l’État avait pour ambition de choisir la solution la plus optimale pour l’équilibre de l’offre de soin du territoire tout en respectant les exigences règlementaires et sanitaires telle que la présence d’un plateau technique à proximité immédiate des blocs opératoires.

Cette réorganisation de l’offre de soin sur l’ensemble du territoire a été soutenue par le gouvernement à hauteur de 54 millions d’euros et s’est notamment caractérisée par la relocalisation de la maternité au sein de la polyclinique et au sein du Centre hospitalier de la Basse-Terre (CHBT).

Elle a toutefois été mal accueillie par les acteurs du système de soins et la population considérant que la réorganisation avait pour effet d’offrir des conditions de travail au personnel soignant et des conditions de soins pour les patients plus difficiles.

L’épuisement du personnel hospitalier et des usagers a été accentué par le retard dans la livraison du pôle parents / enfants qui constitue un engagement de l’État à hauteur de 25 millions d’euros au sein du Centre gérontologique situé à Palais Royal, aux Abymes.

Aujourd’hui, l’instabilité au sein du système sanitaire de la Guadeloupe et l’exaspération des personnels et de la population guadeloupéenne ont appelé d’une part la mise en œuvre de mesures d’urgence visant à assurer la continuité d’un service de soins performant et, d’autre part, au lancement d’un plan de transformation plus profond et global du système de santé en Guadeloupe.

La Délégation aux Outre-mer, en lançant cette mission d’information sur la situation du CHU de la Guadeloupe, a souhaité apporter des solutions concrètes aux difficultés que rencontre ce territoire.

B.    La situation particulière de La Réunion

Le CHU de La Réunion est un établissement récent puisqu’il regroupe depuis seulement février 2012 le Centre Hospitalier (ex Félix Guyon) de Saint‑Denis et le Groupe Hospitalier Sud Réunion de Saint-Pierre.

Avec environ 8 000 professionnels, il assure quatre missions principales : les soins et la prévention, l’enseignement avec les trois premières années d’études médicales, la recherche et l’innovation, la coopération régionale et internationale.

Il dispose d’une large offre de spécialités médicales : anesthésie et réanimation ; médecine ; chirurgie et chirurgie ambulatoire cardiaque et vasculaire, infantile et néonatale, neurochirurgie, grands brulés, cancérologie, etc. Certaines de ces spécialités peuvent être positionnées sur des sites distincts afin d’assurer un maillage géographique de l’Ile.

C’est un centre sanitaire de référence pour l'ensemble de la population de La Réunion mais aussi pour celle de Mayotte. L’établissement rayonne plus largement dans l'Océan Indien.

Avec un budget consolidé d’environ 700 millions d’euros en 2017, le centre hospitalier universitaire (CHU) de La Réunion est le douzième par le budget et le quinzième par l’activité, sur les 32 CHU que compte notre pays. Il bénéficie d’une aide nationale à l’investissement de 40 millions d’euros provenant du ministère des solidarités et de la santé pour la reconstruction du bâtiment principal sur le site de Saint-Pierre. Cette aide vient en complément d’un soutien financier de 50 millions d’euros sur quatre ans déjà décidé par la ministre de la santé en août 2017.

 

Malgré ces aides substantielles, l’établissement connait des difficultés budgétaires importantes. Aussi, un Plan de retour à l’équilibre (PRE) pour quatre ans a été mis en place par la direction et validé par le comité interministériel de la performance et de la modernisation de l'offre de soins hospitaliers (COPERMO) en janvier 2018. Pour la direction du CHU, le PRE est sur une bonne trajectoire mais cela s’est fait au prix fort avec des fermetures de sites et l’apparition de tensions sociales au sein de l’hôpital et de la population.

Malgré le satisfecit de la direction, la conduite de ce plan parait inadaptée pour réduire le déficit qui est désormais essentiellement structurel. Ainsi, le PRE n’intègre pas le coût réel des prises en charge qui nécessiterait une revalorisation du coefficient géographique à La Réunion. Il ne prend pas non plus en compte les particularités sanitaires propres à ce territoire. Sans la prise en considération de ces éléments structurels, les seuls critères financiers conduiront malheureusement de manière inéluctable à un abaissement continu de la qualité des soins de l’établissement public réunionnais.

 

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*          *

 

Dans le cadre de ces travaux, la mission d’information conduite à La Réunion par M. David Lorion, député de la quatrième circonscription, a auditionné M. Lionel Calenge, directeur général du CHU ainsi que Mme Martine Ladoucette, directrice générale de l’Agence régionale de santé recouvrant la zone de l’Océan indien.

De son côté, M. Olivier Serva, député de la première circonscription de la Guadeloupe et président de la Délégation aux outre-mer, a pour sa part auditionné respectivement le directeur-général du centre hospitalier de Pointe-à-Pitre en la personne de M. Gérard Cotellon ainsi que la directrice générale de l’Agence régionale de Santé de la Guadeloupe, Mme Valérie Denux. Des experts de la santé (les docteurs André Atallah et Michel Eynaud). Des représentants de la Direction générale de l’offre de soins du ministère des solidarités et de la santé ont également été entendus. Les co-rapporteurs tiennent à remercier l’ensemble de ces différents interlocuteurs pour leur disponibilité et leur collaboration à la rédaction de ce rapport.

Les deux députés ont souhaité proposer des pistes de solutions aux difficultés rencontrées en Guadeloupe et à La Réunion. Les autres territoires ultra‑marins peuvent rencontrer des difficultés similaires sur le plan structurel.

 

 


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II.    Des solutions d’urgence pour un apaisement du climat social local en Guadeloupe

Les rapporteurs observent que l’évolution positive de la situation du Centre Hospitalier Universitaire de la Guadeloupe passe par la fin immédiate des ruptures d’approvisionnement qui ne saurait survenir sans une confiance renouvelée entre l’établissement et ses fournisseurs.

Dans cette perspective, ils observent que seule la mise en place de solutions d’urgence devrait permettre un apaisement du climat social local pour la Guadeloupe.

A.    La fin immédiate des ruptures d’approvisionnement

Les rapporteurs observent que le poids que représente le CHU pour l’emploi en Guadeloupe fait de celui-ci un véritable élément transformateur du climat social de l’ensemble du département.

Cela a pour conséquence que l’identification rapide d’une issue au conflit lié aux ruptures d’approvisionnement au sein du CHU de la Guadeloupe constitue la condition d’un apaisement du climat social global sur le territoire.

Or, ces ruptures d’approvisionnement sont la conséquence d’une part d’un déficit de fonctionnement chronique ayant généré une dette fournisseur lourde qui empêchait la structure d’effectuer des paiements pour des produits pourtant essentiels et d’autre part, de dysfonctionnements internes persistants.

Afin de répondre le plus rapidement possible aux besoins de la structure, une ligne exceptionnelle de trésorerie remboursable d’un montant de 20 millions d’euros a été allouée à l’établissement. Il appartient toutefois à l’Agence régionale de santé de mobiliser celle-ci en fonction des demandes du CHU.

Face à la mobilisation des personnels soignants et des élus, dans un courrier commun envoyé le 6 août 2019 aux parlementaires, Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer et Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, confirmaient la décision du Président de la République en juin 2019 de transformer cette aide exceptionnelle de trésorerie supplémentaire de 20 millions d’euros en une subvention directe non remboursable afin de pouvoir régler les dépenses urgentes.

Ce montant s’ajoute aux enveloppes d’aides annuelles exceptionnelles délivrées par le ministère des solidarités et de la santé au CHU de la Guadeloupe à la fin de chaque année. En effet, le CHU de la Guadeloupe a reçu 332 millions d’euros d’aides exceptionnelles de 2012 à 2018 afin « d’assurer son fonctionnement courant et, notamment, ses approvisionnements ».

Suite au versement de ces 20 millions d’euros, une « task force achat urgent » a été mise en place par l’Agence régionale de santé de la Guadeloupe afin de réunir l’ensemble des fournisseurs et d’aboutir au paiement des commandes urgentes.

Face à l’urgence de la rupture d’approvisionnement et au montant de la dette fournisseur qui s’élève aujourd’hui à 50 millions d’euros, les rapporteurs estiment que l’enveloppe exceptionnelle de 20 millions d’euros est insuffisante. Il est donc indispensable que les indemnités d’assurance, s’élevant à environ 40 millions d’euros, puissent parvenir à l’établissement afin d’apurer dans son intégralité la dette fournisseur, en complément de ces 20 millions d’euros.

Recommandation n°1 : Assurer la bonne délivrance des indemnités d’assurance évaluées entre 30 et 40 millions d’euros, ce qui permettrait d’apurer totalement la dette, en complément des 20 millions d’euros de l’État.

Par ailleurs, les rapporteurs ont souligné durant leurs auditions la présence de matériels défaillants ou obsolètes au sein de l’établissement. Afin de pallier cette difficulté, ils préconisent le déploiement d’un plan d’équipement d’urgence afin de renouveler les équipements obsolètes du CHU de la Guadeloupe.

La livraison de ces nouveaux équipements permettra de remplacer les matériels manquants ou défaillants au sein de l’établissement. Ces équipements seront par la suite transférés dans le nouveau CHU, à son ouverture.

Lors de leur échange avec le ministère des solidarités et de la santé, les rapporteurs ont reçu la confirmation que cette anticipation des investissements pourrait se concrétiser rapidement.

Recommandation n°2 : Garantir le déploiement d’un plan d’équipement d’urgence afin de renouveler les équipements obsolètes ou défaillants au sein du CHU de la Guadeloupe. Ces équipements seront par la suite transférés dans le nouveau CHU, à son ouverture.

B.    rétablir la confiance entre la structure hospitalière et les fournisseurs

La récente crise du CHU de la Guadeloupe a mis en évidence des relations difficiles entre la structure et ses fournisseurs.

L’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), dont le rôle est d’accompagner les professionnels de santé des établissements et services sanitaires et médico-sociaux dans l’évolution de leurs organisations afin d’améliorer le service rendu à l’usager, et qui travaillait de concert avec le CHU de Pointe-à-Pitre avant même l’incendie de 2017, apporte aujourd’hui son aide afin de revoir les procédures d’achat au sein du CHU de la Guadeloupe.

Cependant, une relation beaucoup plus étroite et collaborative entre les acteurs de santé et les fournisseurs est aujourd’hui nécessaire.

Lors de nos entretiens, la DGOS a estimé à environ 180 jours le délai de paiements des fournisseurs du CHU de la Guadeloupe, un « délai moyen » selon eux, comparativement à d’autres régions de France hexagonale. Malgré une forte réduction de ces délais depuis l’incendie de 2017, la DGOS nous indique qu’un travail important de pédagogie reste nécessaire avec les fournisseurs afin qu’ils appréhendent mieux ces délais de paiement.

Les rapporteurs de cette mission, qui mènent parallèlement un travail important sur la réduction des délais de paiement au sein des collectivités territoriales ultramarines et autres établissements publics, restent critiques face à cette préconisation et interpellent sur la nécessité de réduire considérablement les délais de paiements auprès des fournisseurs, notamment lorsque les dettes en cause concernent de petites ou moyennes entreprises locales ou des entreprises de taille intermédiaire également locales.

Toujours dans le temps court, d’autres mesures d’urgence devront être suivies de manière attentive, telles que la livraison effective d’un nouveau pôle parents/enfants au sein du Centre Hospitalier Gérontologique de Palais Royal, aux Abymes.

Sur ce point précis, les représentants de la DGOS ont indiqué lors de leur audition que ce dernier devrait être livré horizon octobre 2020.

Recommandation n°3 : Respecter les délais de mise en place du nouveau pôle parents/enfants au sein du Centre Hospitalier Gérontologique, aux Abymes.

Il apparaît cependant aux Rapporteurs que les solutions de court terme ne permettront pas, à elles seules de résoudre les difficultés structurelles qui grèvent le fonctionnement du CHU de la Guadeloupe de manière historique.

Une mise sous perfusion constante à travers l’envoi d’aides annuelles de l’État ne pourra pas non plus garantir une transformation profonde et durable des usages au sein de l’établissement.

Il est donc fondamental de mettre en place un plan de réorganisation et de redressement pérenne du CHU de la Guadeloupe et, dans une plus grande mesure, un plan de restructuration global de l’offre de soins en Guadeloupe.

 


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III.    Les perspectives d’un redressement financier : une évolution indispensable des outils financiers à La Guadeloupe et à La Réunion

Parmi les nombreux facteurs structurels qui expliquent le dysfonctionnement actuel des CHU de la Guadeloupe et de La Réunion, il est important de mettre en exergue l’inefficacité de la tarification à l’activité (dite T2A) ainsi que la faiblesse du taux du coefficient géographique appliqué à la Guadeloupe et de La Réunion.

A.    Le passage d’une tarification à l’acte à une tarification à la qualité

En 2003, le lancement du « Plan Hôpital 2007 » visant à réformer la gouvernance hospitalière et à renforcer la coordination entre les médecins et les responsables administratifs a abouti à la publication de l’ordonnance n°2005-406 du 2 mai 2005 mettant en place la tarification à l’activité.

Ce dispositif « consiste à financer les établissements de santé en fonction de leur activité ».

Chaque établissement et chaque médecin doivent dorénavant facturer les prestations à l’assurance maladie sur la base de tarifs nationaux spécifiques. Cette modification du mode de financement des hôpitaux avait pour objectif, entre autre, de responsabiliser les acteurs du système de santé.

Les ressources des établissements de santé viennent donc en partie d’une tarification par l’activité médicale.

Au sein de certains départements ultramarins, et notamment en Guadeloupe et à La Réunion, la tarification à l’activité montre aujourd’hui ses limites. En effet, ce mode de financement se révèle inadapté aux réalités spécifiques des territoires ultramarins.

Ses limites ont également été mises en évidence au niveau national dans le rapport de la task force « Réforme du financement du système de santé » réalisé dans le cadre de la réforme « Ma santé 2022 » lancée par la ministre des solidarités et de la santé.

Lors des différentes auditions et rencontres avec le personnel soignant, les interlocuteurs ont par exemple fait part des difficultés rencontrées lors du codage pour la T2A.

Souvent, les actes médicaux ne sont pas facturés à leur juste valeur en raison d’une méconnaissance du système de codage.

Cela entraîne souvent un hiatus entre les facturations et le coût réel des activités médicales.

Les docteurs André Atallah et Michel Eynaud soulignent d’ailleurs, dans le cas de la Guadeloupe, que « les ressources liées à la tarification à l’activité ne permettent pas de payer tous les salaires ».

De nombreuses préconisations sont effectuées dans le rapport de la Task Force « Réforme du financement du système de santé » telles que le passage d’une tarification à l’activité à une tarification à la qualité.

La tarification à la qualité « répond à une double nécessité : la première est de faire une place plus importante aux résultats pour les patients, et de pouvoir ainsi garantir à chacun une prise en charge de qualité. En particulier, la prise en compte des résultats apportés par les patients eux-mêmes permet de considérer avec une égale attention la qualité purement clinique des actes et la qualité ressentie par les patients. La seconde nécessité est que les soins réalisés soient pertinents et centrés sur l’intérêt du patient, au regard des connaissances médicales les plus récentes ». (Cf. Rapport de la task force).

La notion de la tarification à la qualité a également été mise en avant lors de l’audition des représentants de la DGOS.

La mise en place d’une tarification à la qualité permettrait donc de recentrer l’activité sur la qualité des soins tout en réduisant le déficit des établissements ultramarins, dans la mesure où un retour aux fondamentaux serait pleinement appliqué et effectif au sein de la structure.

Recommandation n°4 : Expérimenter en outre-mer la mise en place de modèles alternatifs à la T2A tels qu’un panachage des ressources des établissements de soins entre une tarification à l’activité, une tarification à la qualité et une dotation annuelle en fonction des besoins réels des établissements. Cette solution permettrait de revenir au sein des établissements publics à une dynamique de soins de qualité plutôt que de poursuivre un objectif de rentabilité uniquement.

B.    La majoration du coefficient géographique

À côté des dysfonctionnements et de la mauvaise adaptation de la T2A à nos systèmes de santé s’ajoutent la trop faible valeur du coefficient géographique au sein des territoires ultramarins.

Selon le ministère des solidarités et de la santé, « les coefficients géographiques s’appliquent aux tarifs nationaux de prestations des établissements implantés dans des régions dont le niveau des coûts est plus élevé en raison d’un environnement spécifique ».

L’article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale dispose que les coefficients géographiques sont implantés « dans certaines zones afin de tenir compte d’éventuels facteurs spécifiques, qui modifient de manière manifeste, permanente et substantielle le prix de revient de certaines prestations dans la zone considérée ».

Selon la DGOS, les principaux postes de surcoûts identifiés et liés à la zone géographique sont :

-       le surcoût du personnel ;

-       le prix des médicaments auxquels s’ajoutent les frais d’approche ;

-       les surcoûts de « titre 3 » (hôtellerie, énergie, alimentation) ;

-       les surcoûts liés à l’immobilier (hypothèses moins solide néanmoins).

Les coefficients géographiques appliqués à la T2A sont actuellement dans les départements ultramarins les suivants :

-       27% en Guadeloupe et en Martinique ;

-       29% en Guyane ;

-       31% à La Réunion.

En 2016, des travaux ont été conduits afin de mettre à jour les coefficients géographiques avec la mise en place d’un groupe de travail consacré à l’actualisation pour les départements d’outre-mer. Ces travaux ont conduit à une réévaluation du coefficient géographique en Guadeloupe (passant de 26% à 27%) à partir de 2017.

Cependant, les deux co-rapporteurs considèrent que le taux du coefficient géographique pour la Guadeloupe et La Réunion reste aujourd’hui insuffisant et ne peut pas contenir l’ensemble des dépenses des établissements.

En effet, ce taux est actuellement insuffisant par rapport aux surcoûts réels des activités de la structure.

Lors de leur audition, les docteurs André Atallah et Michel Eynaud ont par exemple préconisé une revalorisation du coefficient géographique pour la Guadeloupe avoisinant 35%.

Le CHU de La Réunion souffre aussi clairement d’une insuffisance structurelle de financement liée à un coefficient géographique trop faible au regard des facteurs spécifiques – dont notamment l’insularité et l’isolement géographique – qui pèsent négativement sur le prix de revient de certaines prestations.

Depuis 2006, l’ensemble des territoires ultra-marins a bien bénéficié d’un relèvement de ce coefficient mais La Réunion a vu son taux connaitre une quasi-stagnation passant de 30% à 31% en 2013, soit + 1% en treize ans.

 

Pourtant, les différentes charges (majorations légales de salaires, coûts des travaux plus élevés en raison de l’insularité, surcoût de l’acheminement des produits et matériels de santé, partie hôtelière, droits d’octroi, etc.) sont plus importantes au regard des recettes que pour les autres établissements français. Il apparait que ces surcoûts n’ont pas été initialement bien évalués par les autorités sanitaires.

Dès lors, le CHU de La Réunion se retrouve à devoir supporter des dépenses structurelles supérieures aux CHU métropolitains.

Pour compenser ces charges, sur la base d’un niveau d’activité et de recettes équivalent à celui de 2017, il faudrait porter le niveau du coefficient géographique de 31 à 35%.

C’est le résultat d’une étude approfondie menée en 2018 par les cabinets Ernst and Young et Verso consulting pour le compte de la FHF de l’Océan indien.

Cette revalorisation du coefficient géographique à raison des surcoûts objectivables, permettrait par ailleurs de diminuer la fréquence et le montant des aides ponctuelles en trésorerie allouée par le ministère de la santé à ces établissements de soins en outre- mer.

Une actualisation de la liste des missions d’intérêt général (MIG) bénéficiant de ce coefficient serait également une hypothèse à envisager selon les rapporteurs bien que, pour certains experts, cela risque de poser un problème juridique.

Les deux co-rapporteurs souhaiteraient obtenir l’accord du gouvernement pour obtenir cette hausse durant l’examen de la prochaine loi pour le financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020.

Recommandation n° 5 : Les coefficients géographiques des départements ultramarins étant sous-évalué, augmenter le taux du coefficient géographique en calculant le plus exactement possible les surcoûts de fonctionnement par grandes catégories de dépenses.

C.    Le basculement en Missions d’intérêt général et d’aides à la contractualisation (MIGAC)

Dans le cadre d’une transformation et d’une rationalisation du système de paiement actuel, le passage du CHU de la Guadeloupe en missions d’intérêt général (dit MIG) pourrait contribuer au financement de certaines activités trop coûteuses et par conséquent, accompagner le renforcement de l’offre de soins.

Selon le ministère des solidarités et de la santé, les missions d’intérêt général recouvrent des activités spécifiques et bien identifiées qui ne peuvent être financées à l’activité (via la T2A) soit en raison de l’absence d’une classification adaptée soit compte tenu de leur rattachement impossible à un patient donné.

Ces activités peuvent être classées en deux grandes catégories :

-         les missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation (MERRI) précisées au 1° de l’article D. 162-6 du code de la sécurité sociale ;

-         Les autres missions qui figurent aux 2°, 3° et 4° de l’article D. 162-7 du code de la sécurité sociale parmi lesquelles les missions de vigilance et de veille épidémiologique, la veille sanitaire, la prévention et la gestion des risques, l’intervention des équipes pluridisciplinaires et la coordination pour certaines pathologies spécifiques.

Les crédits finançant les MIG représentent aujourd’hui un montant de 5,4 milliards d’euros auxquels s’ajoutent les 1,3 milliards transférés au sein du Fonds d’intervention régional (FiR) depuis 2012.

Un passage du CHU de la Guadeloupe en MIG permettrait d’inclure, selon les docteurs André Atallah et Michel Eynaud, certaines activités de recours isolées telles que la réanimation, la chirurgie cardiaque, les grands brûlés ou encore la neurochirurgie et certaines spécialités chirurgicales.

Concernant un possible basculement en MIG, les représentants de la DGOS ont indiqué aux rapporteurs que le CHU de la Guadeloupe devrait d’abord effectuer un important travail de traçage de l’ensemble de son activité réelle avant de pouvoir solliciter un passage en MIG auprès de l’Agence régionale de santé de la Guadeloupe.

De leurs côtés, docteurs André Atallah et Michel Eynaud invitent l’ARS et la Direction générale de la structure à mettre en place rapidement un groupe de travail qui permettra « d’objectiver les besoins en financement ».

Recommandation n° 6 : Financer certaines activités trop coûteuses à travers les missions d’intérêt général (MIG).

 

 

 


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IV.    La mise en place de solutions nouvelles

Parallèlement au déploiement de ces mesures d’urgence, dans le cas de la Guadeloupe, il est important de mettre en place des solutions permettant de ramener le centre hospitalier vers un fonctionnement vertueux et ce avant l’entrée en activité de la nouvelle structure hospitalière de Perrin aux Abymes prévue entre 2022 et 2023.

Cela passera notamment par la mise en place de logiciels de gestion des stocks et la révision des processus afin de mieux gérer les stocks de sécurité et de fiabiliser les processus d’approvisionnement et de passation des commandes et plus globalement par la mise en place d’un plan de retour aux fondamentaux de gestion et d’une restructuration de l’offre de soin au sein du groupement hospitalier du territoire de la Guadeloupe.

A.    Une nécessaire réorganisation interne au sein du CHU de la Guadeloupe

1.   La mise en place du Plan de retour aux fondamentaux de gestion

Après des années de difficultés internes au sein du CHU de la Guadeloupe et suite à l’incendie de 2017, un plan de retour aux fondamentaux de gestion a été élaboré et est actuellement piloté par la direction générale du CHU. Ce plan est également suivi par l’Agence régionale de santé de la Guadeloupe.

Ce plan a pour objectif de redresser la situation financière et organisationnelle de la structure en travaillant sur différents domaines classés par degré d’importance. Dans le cadre de ces travaux, le CHU est accompagné par plusieurs parties prenantes dans le cadre d’une « task force ».

a.   L’amélioration de la qualité du service rendu par le système d’information

Le CHU de la Guadeloupe ne dispose pas d’un système d’information performant.

Ce chantier spécifique est la première priorité de l’établissement dans le cadre du plan de retour aux fondamentaux de gestion : selon la DGOS, l’établissement bénéficie d’une aide « double » sur ce dossier.

Exemple de mesures : selon la DGOS, un diagnostic organisationnel est un préalable indispensable pour pouvoir ensuite déployer le dossier patient, assurer un codage exhaustif au sein des blocs, mettre en place une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et dématérialiser les pièces requises dans le processus d’achat.

b.   Les ressources humaines

Lors des auditions, il a par exemple été mis en évidence l’existence de paiements de salaires de personnes étant déjà à la retraite, voir même décédées (la direction du CHU parle d’une dizaine de cas relevés depuis avril 2019). L’objectif est de revenir aux bases de la gestion des ressources humaines afin d’améliorer les conditions de travail.

Exemple de mesures : la mise à jour des tableaux prévisionnels des effectifs rémunérés (TPER) ou encore la mise en place d’un tableau de suivi des départs à la retraite.

c.   La gestion budgétaire et financière et l’optimisation des recettes

L’objectif est de pallier au manque de fiabilité des données comptables et financières produites par le CHU. La DGOS a indiqué aux rapporteurs que l’établissement s’était engagé dans un plan de fiabilisation de ses données comptables et financières qui s’articulent autour de deux axes :

1) la production de la donnée ;

2) la diffusion de ces données.

Par ailleurs, la fiabilisation des données comptables et financières aura aussi un impact vis-à-vis des partenaires de l’institution qui bénéficieront d’une juste appréciation de la situation.

Exemple de mesures : la relance d’un dialogue de gestion fiabilisé avec les pôles pour lesquels des objectifs d’atterrissage clairs seront fixés tels que le traitement des impayés en priorisant les débiteurs les plus importants ou l’optimisation du codage des séjours à travers la mise en place d’un assistant au codage auprès de chaque pôle.

d.   Les achats

Il existe aujourd’hui une insuffisance de couverture des achats du CHU de Pointe-à- Pitre.

Exemple de mesures : une formalisation du cycle achat en cartographiant les processus d’achat, la mise en place d’un tableau de suivi des marchés, une réduction du nombre de centres de gestion et d’habilitation pour l’achat afin de centraliser et rationaliser l’achat d’exploitation et d’investissement.

e.   L’optimisation de la gestion de la logistique

L’objectif est d’avoir une meilleure efficience dans la prise en charge des patients et dans les conditions d’exercice des professionnels. La plupart des commandes sont actuellement passées alors que les opérateurs ignorent le niveau réel du stock des produits commandés, ce qui génère des surcouts en matière de fret, de stockage et de gestion des stocks.

Exemple de mesures : la réalisation d’inventaires tournants et réguliers, la rationalisation des moyens d’impression.

f.   L’optimisation de la gestion de la pharmacie et de la stérilisation

La DGOS a indiqué aux rapporteurs que les dysfonctionnements recensés par les audits successifs ont des impacts tant sur la prise en charge des patients que sur la situation financière de l’établissement.

Exemple de mesures : l’amélioration de la traçabilité des molécules onéreuses, les dispositifs médicaux et les dispositifs médicaux implantables

Dans le cadre des différents chantiers du plan de retour aux fondamentaux de gestion, le CHU est accompagné par plusieurs parties prenantes dans le cadre d’une « task force ». L’ANAP apporte son aide au CHU dans le cadre du maintien ou de la restauration de la qualité des soins et de la qualité de vie au travail mais également la normalisation progressive de la situation financière à l’horizon 2022 au plus tard.

L’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (APHP) effectuera un appui spécifique sur le développement du système d’information. Quant au RESAH, groupement d’intérêt public ayant pour objectif d’appuyer la mutualisation et la professionnalisation des achats, sa mission sera de mettre en place un plan d’actions visant une centralisation des achats et la création d’une direction des achats.

Lors de l’audition de la DGOS, ses représentants ont indiqué aux rapporteurs que la situation du CHU fera l’objet d’un examen en Comité interministériel de performance et de la modernisation de l’offre de soins (COPERMO) au premier semestre 2020 afin d’évaluer l’avancement des réorganisations et leurs impacts.

Dans ce cadre, et pour aller dans le sens de la proposition faite par certains parlementaires guadeloupéens en juillet 2019 de créer un plan de convergence entre les différentes parties prenantes du territoire, les rapporteurs suggèrent que les mesures qui suivront ce COPERMO soient prise en compte par l’ARS, la direction générale du CHU, le conseil départemental et le conseil régional de la Guadeloupe.

Cela pourrait prendre la forme d’un contrat de convergence associant le conseil régional de la Guadeloupe et le conseil départemental dans le cadre de la mise en œuvre d’une offre de soins plus efficace. Le conseil régional pourrait par exemple participer à la mise en œuvre de plans de formation.

Cette nouvelle relation de travail permettrait d’une part de rétablir un lien de confiance entre la population et les acteurs et autres décideurs dans le secteur de la santé et d’autre part, de mettre en place un plan de retour de fondamentaux incluant l’ensemble des parties prenantes du territoire.

Recommandation n° 7 : Inviter la direction du CHU de la Guadeloupe, son personnels, la direction de l’Agence régionale de santé de la Guadeloupe à présenter un plan de retour aux fondamentaux de gestion impliquant l’ensemble des acteurs, et notamment le conseil départemental et le conseil régional de la Guadeloupe.

Enfin, les rapporteurs préconisent que le Plan de retour aux fondamentaux puisse prendre en compte une meilleure gestion des carrières, notamment à travers la régularisation des contractuels actuellement employés au sein du CHU de la Guadeloupe.

En effet, selon les chiffres de la direction du CHU, on estime à 577 le nombre de contractuels au sein de l’établissement.

Cela peut passer notamment par la mise en place de plans de formation permettant d’aboutir à la titularisation ou « cdi-sation » de contractuels sur les court, moyen et long termes, notamment par l’occupation des postes de ceux partant à la retraite. Les rapporteurs soulignent qu’aucun licenciement, concernant notamment les contractuels, ne doit avoir lieu.

Par ailleurs, le nombre beaucoup plus important d’employés dans certains services (notamment au sein des services techniques et administratifs) devrait être compensé par un vaste plan de formation permettant au personnel de devenir personnel soignant.

Recommandation n° 8 : Mettre en place un programme de formation et de montée en gamme des compétences afin de titulariser les contractuels sous la forme d’une « Task Force Formation ».

Recommandation n° 9 : Remplacer, dans la mesure du possible, un départ à la retraite par la titularisation ou le passage en CDI de contractuels formés.

2.   Une restructuration nécessaire de l’offre de soins sur l’ensemble du territoire : le fonctionnement effectif du Groupement Hospitalier de la Guadeloupe

Sous l’impulsion de la directrice générale de l’Agence régionale de santé de la Guadeloupe, le conseil régional de la Guadeloupe a mis en place le 1er janvier 2019 son groupement hospitalier de territoire (GHT) regroupant les établissements publics de santé de la Guadeloupe tels que le CHU de la Guadeloupe, le centre hospitalier gérontologique, le centre hospitalier de la Basse-Terre ou encore celui de Pointe- Noire.

Ce GHT sera associé au GHT des îles du Nord comprenant Saint-Martin et Saint- Barthélémy. Quant à l’Établissement public de santé mentale, il sera dans un premier temps associé au GHT avant une intégration complète au 1er janvier 2021.

La mise en place d’un GHT véritablement effectif facilitera la mutualisation des fonctions support sur le territoire de la Guadeloupe et permettra d’atteindre un équilibre territorial en matière de soins.

Dans le cadre de son déploiement, l’Agence régionale de santé a souhaité que le RESAH accompagne le CHU afin qu’il devienne en 2020 établissement support du GHT : la fonction achat mutualisée du GHT sera donc portée par le CHU.

De plus, l’avènement d’un GHT véritablement performant permettra de renforcer l’attractivité du système de soins de la Guadeloupe au niveau national et régional, notamment afin de faciliter l’arrivée de nouveaux médecins. En effet, l’évolution démographique en Guadeloupe pèsera lourdement dans les prochaines années sur la densité médicale du territoire. Selon des statistiques publiées par la DRESS élaborées à partir du répertoire ADELI des professions de santé, en 2030, les docteurs André Atallah et Michel Eynaud estiment qu’il y aura un déficit de 1 140 médecins dans les Antilles-Guyane en comparaison avec la France hexagonale (cf. page 20 de leur rapport) alors même que la demande de soins augmentera.

Aujourd’hui, le GHT de la Guadeloupe a une dimension plus administrative que médicale, selon les docteurs André Atallah et Michel Eynaud. Il est donc nécessaire, selon eux, de « donner tout son sens au GHT en renforçant » sa dimension médicale.

Les rapporteurs préconisent donc le démarrage effectif du GHT de la Guadeloupe avec l’ensemble des partenaires du territoire.

Enfin, les représentants de la DGOS, revenant sur le caractère très hospitalo-centré de l’offre de soins en Guadeloupe, incitent à développer davantage de liens avec la médecine de ville ou le secteur dit ambulatoire pour une meilleure continuité des soins.

Recommandation n° 10 : Assurer le bon fonctionnement du groupement hospitalier de territoire de la Guadeloupe afin de mettre en place une véritable mutualisation des fonctions support du territoire et d’accroître l’attractivité de l’archipel guadeloupéen.

B.    Un plan de retour à l’équilibre améliorant nettement la situation financière du CHU de La Réunion mais ne prenant pas en compte les particularités sanitaires de ce territoire

g.   Un PRE à l’équilibre mais au prix de fermetures de sites et de tensions sociales au sein de l’Hôpital et de la population.

Pour la période 2018-2022, il a été mis en place un plan de retour à l’équilibre (PRE) financier pour le CHU de La Réunion validé par le Comité interministériel de performance et de la modernisation de l’offre de soins (COPERMO) fin janvier 2018.

 

Ce PRE se décline en un plan de maîtrise de la masse salariale, par la poursuite du virage ambulatoire et la révision de l’offre capacitaire, un plan de maitrise de la prescription médicale, la rationalisation des installations logistiques, l’optimisation des recettes et la rénovation des outils de pilotage. L’objectif affiché par le Ministère de la santé et la direction du CHU serait de parvenir à un objectif de 50 millions d’euros d’économie en quatre ans.

Cependant, la mise en place du PRE a entrainé une dégradation de la prise en charge médicale de proximité de la population avec des temps d'attente supplémentaire à l'hôpital et du personnel moins disponible.

En effet, malgré un déficit de l’établissement ramené à 12 millions d’euros contre 35,5 en 2016 et 21 en 2017. Ce résultat comptable a cependant été obtenu au prix d’efforts très importants accomplis notamment par le personnel. Le PRE a imposé la suppression de 155 postes, non- remplacés dans le cadre d'un plan de départ volontaire à la retraite. Des fermetures de lits d'hospitalisation ont aussi été décidées. C’est le cas par exemple dans le sud de l’île où certains services du CHU comme ceux de la chirurgie infantile ou de la gastro- entérologie ont été partiellement transférés dans le nord rendant l’accès aux soins et à l’hospitalisation plus difficile et onéreuse pour les patients des bassins géographiques concernés.

 

h.   Un PRE qui doit prendre plus en compte les particularités sanitaires propres à La Réunion.

En effet, le CHU prend en charge certaines pathologies plus coûteuses notamment en raison d’affections de longue durée plus fréquentes sur l’île qu’en métropole (maladies des appareils respiratoires et circulatoires, pathologies métaboliques et chroniques). Par exemple, c’est à La Réunion que l’on compte le plus de diabétiques de type I et II, soit 7 350 cas pour 100 000 habitants.

De plus, La Réunion continue à connaître une mortalité périnatale beaucoup plus importante qu’en métropole. Le taux de mortalité infantile est ainsi de 7,1 pour 1000 contre 3,4 en France métropolitaine. Quant à la mortalité maternelle, le taux est de 26,4 pour 100 000 contre 9,6 dans l’hexagone.

Le CHU doit aussi faire face à un afflux de patients liés à des traitements épidémiques. Notre île connait depuis plus d’un an une importante épidémie de Dengue qui a touché plus de 40 000 personnes dont environ 800 ont dû être hospitalisées. Il y a quelques années, l’établissement avait été confronté à des cas nombreux de Chikungunya.

Le financement de la santé mentale est quant à lui le grand sacrifié de la politique sanitaire publique à La Réunion. Alors que l’offre de soins privés dans ce domaine est déjà faible (hors SSR) sur l’île, ce secteur souffre très clairement d’une sous-dotation. Ainsi, la dotation annuelle de fonctionnement de la psychiatrie (DAF-PSY) est inférieure de 20 % à la moyenne nationale, soit la plus basse de France et d’outre-mer. Quantitativement, c’est un écart de 600 euros par patient avec la métropole. Un rattrapage nécessiterait entre 16 et 17 millions d’euros (Etudes EY) supplémentaires au titre de la DAF-PSY.

En se basant sur le cas de La Réunion, les rapporteurs appellent donc à la vigilance quant à la mise en place du Plan de retour aux fondamentaux en Guadeloupe afin qu’il soit respectueux des personnels soignants et qu’il prenne en compte les particularités sanitaires propres au territoire.

 

 

 


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CONCLUSION

Les deux rapporteurs estiment essentiel de prendre en compte les besoins objectifs de nos territoires tout en tenant compte de leurs spécificités pour ensuite y affecter les financements nécessaires.

Dans l’intérêt de la santé des citoyens ultramarins et au vu de la nécessité de mettre en lumière les difficultés profondes que connaissent les départements de la Guadeloupe, de La Réunion et plus généralement de l’ensemble des outre-mer, les rapporteurs ont souhaité effectuer des préconisations ciblées afin de consolider le système de santé global et durable au sein de leurs territoires.

La mise en place de mesures de court terme telles que la revalorisation du coefficient géographique et le passage d’une tarification à l’acte à une tarification à la qualité est aujourd’hui indispensable pour un fonctionnement pérenne de ces structures.

Dans le cas précis de la Guadeloupe, le rapporteur Olivier Serva a également souhaité souligner qu’aucun licenciement, notamment des contractuels, ne devrait avoir lieu au sein de ce territoire. Par ailleurs, le rapporteur souhaite que le passage du CHU de la Guadeloupe en COPERMO (Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers) aboutisse à la mise en place d’un contrat de convergence associant les collectivités telles que le conseil régional et le conseil départemental à travers, par exemple, des plans de formation.

Les futurs résultats de l’enquête « santé Dom » initiée par l’Europe en juillet dernier visant à évaluer l’état de santé général de nos populations, le recours aux soins, à comparer les résultats des départements d’outre-mer entre eux, avec l’hexagone et avec les autres pays européens pourraient être des indicateurs importants à prendre en compte dans la définition d’objectifs sanitaires et de moyens nécessaires pour les atteindre.

 

 

 


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PERSONNES AUDITIONNÉES

 

En Guadeloupe

 

 

À Paris

 

 

À La Réunion

 

 

 


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RECOMMANDATIONS des rapporteurs

Recommandation n° 1 : Assurer la bonne délivrance des indemnités d’assurance évaluées entre 30 et 40 millions d’euros, ce qui permettrait d’apurer totalement la dette en complément des 20 millions d’euros de l’État.

Recommandation n° 2 : Garantir le déploiement d’un plan d’équipement d’urgence afin de renouveler les équipements obsolètes ou défaillants au sein du CHU de la Guadeloupe. Ces équipements seront par la suite transférés dans le nouveau CHU, à son ouverture.

Recommandation n° 3 : Respecter les délais de mise en place du nouveau pôle parents/enfants au sein du centre hospitalier gérontologique, aux Abymes.

Recommandation n° 4 : Expérimenter en outre-mer la mise en place de modèles alternatifs à la T2A tels qu’un panachage des ressources des établissements de soins entre une tarification à l’activité, une tarification à la qualité et une dotation annuelle en fonction des besoins réels des établissements. Cette solution permettrait de revenir au sein des établissements publics de soins à une dynamique de soins de qualité plutôt que de poursuivre un objectif de rentabilité uniquement.

Recommandation n° 5 : Les coefficients géographiques des départements ultramarins étant sous-évalués, augmenter le taux du coefficient géographique en calculant le plus exactement possible les surcoûts de fonctionnement par grandes catégories de dépenses.

Recommandation n° 6 : Financer certaines activités trop coûteuses à travers les missions d’intérêt général (MIG).

Recommandation n° 7 : Inviter la direction du CHU de la Guadeloupe, ses personnels et la direction de l’Agence régionale de santé de la Guadeloupe à présenter un plan de retour aux fondamentaux de gestion impliquant l’ensemble des acteurs et, notamment, le conseil départemental et le conseil régional de la Guadeloupe.

Recommandation n° 8 : Mettre en place un programme de formation et de montée en gamme d’amélioration des compétences afin de titulariser les contractuels sous la forme d’une « Task Force Formation ».

Recommandation n° 9 : Remplacer, dans la mesure du possible, un départ à la retraite par la titularisation ou le passage en CDI de contractuels formés.

Recommandation n° 10 : Assurer le bon fonctionnement du groupement hospitalier de territoire de la Guadeloupe afin de mettre en place une véritable mutualisation des fonctions support du territoire et d’accroître l’attractivité de l’archipel guadeloupéen.

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