N° 2342

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 octobre 2019.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)

sur la réforme européenne du droit d’asile

ET PRÉSENTÉ

par M. Ludovic MENDES et Mme Marietta KARAMANLI

Députés

——

 

(1)    La composition de la commission figure au verso de la présente page.

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Sabine THILLAYE, présidente ; MM. Pieyre-Alexandre ANGLADE, Jean-Louis BOURLANGES, Bernard DEFLESSELLES, Mme Liliana TANGUY, vice‑présidents ; M. André CHASSAIGNE, Mme Marietta KARAMANLI, M. Christophe NAEGELEN, Mme Danièle OBONO, secrétaires ; MM. Damien ABAD, Patrice ANATO, Mme Aude BONO-VANDORME, MM. Éric BOTHOREL, Vincent BRU, Mmes Fannette CHARVIER, Yolaine de COURSON, Typhanie DEGOIS, Marguerite DEPREZ-AUDEBERT, M. Benjamin DIRX, Mmes Coralie DUBOST, Françoise DUMAS, Frédérique DUMAS, MM. Pierre-Henri DUMONT, Alexandre FRESCHI, Bruno FUCHS, Mmes Valérie GOMEZ‑BASSAC, Carole GRANDJEAN, Christine HENNION, MM. Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Mme Caroline JANVIER, MM. Christophe JERRETIE, Jérôme LAMBERT, Mmes Constance Le GRIP, Nicole Le PEIH, MM. Jean-Claude LECLABART, David LORION, Ludovic MENDES, Thierry MICHELS, Xavier PALUSZKIEWICZ, Damien PICHEREAU, Jean‑Pierre PONT, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Mme Maina SAGE, MM. Benoit SIMIAN, Éric STRAUMANN, Mme Michèle TABAROT.


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SOMMAIRE

 Pages

Introduction

I. La crise des réfugiés a révélé les défaillances de la politique Migratoire et du droit dasile de lUnion européenne

A. Le défaut danticipation de lUnion européenne face à la crise des années 2015-2016

1. Un échec du plan de relocalisation des demandeurs d’asile porteur de conséquences

2. Le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures de lUnion européenne ou la tentation du repli national

3. Les difficultés de mise en œuvre dun droit dasile européen harmonisé

B. Les propositions de réforme de la Commission européenne pour une politique commune et intégrée en matière dasile

1. Les faiblesses intrinsèques du régime dasile européen commun en temps de crise migratoire

2. Les priorités de la réforme proposée par la Commission européenne

a. Le recours à des règlements plutôt quà des directives pour renforcer la convergence entre les États membres

b. La recherche dune solidarité européenne accrue

c. Lutter contre les mouvements secondaires

d. Offrir plus de garanties aux demandeurs dasile

e. Accélérer le traitement des demandes dasile et renforcer la sécurité de lUnion européenne

C. Le blocage des négociations sur « le paquet asile »

1. La méthode retenue du « paquet asile » a pu être préjudiciable

2. Le maintien d’un blocage institutionnel

II. LUnion Européenne se trouve face à des choix politiques en matière migratoire et pour garantir le droit dasile

A. La nécessité d’un accord sur les objectifs

1. Un consensus incertain sur le périmètre dune politique commune de lAsile et des migrations

2. Un droit dasile européen réellement harmonisé ?

a. Le rapprochement des outils

b. La nécessaire prudence dans la définition de pays sûrs

B. Pour un mécanisme de solidarité entre les États membres

1. Le partage des charges liées à la garantie d’une Europe qui protège

2. Le renforcement de la coopération en matière opérationnelle et judiciaire

C. Quelles missions pour lAgence européenne de lAsile ?

1. Doter l’Agence européenne de l’asile de véritables moyens opérationnels et d’un droit de regard sur les centres d’accueil

2. Créer une culture commune du droit d’asile

3. Fixer aux États membres l’objectif d’une reconnaissance mutuelle, à terme, des décisions relatives à l’asile

D. Assurer des voies sécurisées et légales darrivée en Europe

1. Diversifier les possibilités extra territoriales daccès à lasile

2. Des visas humanitaires pour solliciter une demande dasile ?

Conclusion

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Audition de Mme Cécilia Wikström par la commission des affaires européennes

Communication devant la commission des affaires européennes sur le déplacement effectué en Grèce

PRÉSENTATION DU RAPPORT D’INFORMATION DE M. LUDOVIC MENDES ET MME MARIETTA KARAMANLI ET EXAMEN DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE SUR LA RÉFORME EUROPÉENNE DU DROIT D’ASILE

Proposition de rÉsolution europÉenne initiale

Amendements examinés par la commission

Proposition de rÉsolution europÉenne

Annexe  1 : Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs

Annexe n°  2 : Liste des propositions

Annexe N° 3 : Glossaire et définitions


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   Introduction

 

Mesdames, Messieurs,

 

« La réflexion est, par excellence, la force antagoniste de la routine, et la routine est l'obstacle aux progrès nécessaires. »

Emile Durkheim

La gestion des demandes d’asile est, une fois de plus, au cœur de l’actualité européenne ; elle fait aussi partie des préoccupations nationales, comme l’a illustré le débat qui s’est tenu en octobre 2019 à l’Assemblée nationale.

Confrontée à la crise migratoire des années 2015 et 2016, l’Union européenne a réussi à faire face au défi de l’arrivée de plus 1,2 million de demandeurs d’asile durant ces deux années consécutives ([1]). Dans l’urgence, elle a adopté des mesures concrètes pour parvenir à accueillir les naufragés dans les hotspots ; elle a su mobiliser des moyens financiers conséquents pour accompagner les États européens les plus exposés aux flux migratoires. En revanche, l’Union n’est pas parvenue à trouver des solutions pérennes pour moderniser le droit d’asile en s’appuyant sur la solidarité entre États et en gardant comme boussole les droits humains.

Les États membres n’ont pas réussi à adopter la réforme du régime d’asile européen commun, que la Commission européenne a proposée en mai 2016. Pour des raisons de politique intérieure, plusieurs d’entre eux ont systématiquement adopté une attitude de défiance et cherché à différer l’adoption du paquet asile jusqu’au changement de législature.

Cette réforme ambitieuse comporte sept propositions de textes portant refonte de l’intégralité du régime d’asile européen commun, dont celle du texte le plus connu, le règlement dit « Dublin III ([2]) ». Cet ensemble de textes, le « paquet asile », a fait l’objet de longues négociations depuis 2016 aussi bien au Parlement européen que dans le cadre des Conseils de l’Union européenne regroupant les ministres de l’intérieur des États membres. À partir du Conseil européen de juin 2018, un raidissement politique très net a été constaté. Pour des raisons de politique intérieure, plusieurs États membres ont choisi de bloquer l’avancée des négociations sur le paquet.

L’enlisement de la réforme européenne sur le droit d’asile a pourtant des conséquences dramatiques pour toutes les personnes en besoin de protection et qui risquent leur vie en mer pour atteindre le territoire de l’Europe.

Bien que les flux de demandeurs d’asile soient aujourd’hui loin des niveaux observés en 2015, puisqu’ils ont diminué de moitié, la tendance de moyen terme reste à la hausse. Il est dès lors essentiel que l’Union européenne dispose des outils diversifiés dont elle aura besoin dans les années à venir : un partenariat solide avec les pays d’origine et de transit, des ressources financières nécessaires, ainsi qu’un cadre législatif et des capacités opérationnelles qui prennent correctement en compte l’équilibre entre solidarité et responsabilité, qui doit être au cœur de l’approche globale des migrations pour l’Union européenne.

Il est urgent de réformer le régime d’asile européen commun, de mettre à niveau le corps européen de gardes-frontières et de garde-côtes, tout en dégageant des moyens financiers suffisants dans le cadre financier pluriannuel actuellement en négociation pour adopter une politique migratoire européenne réellement ambitieuse.

Les rapporteurs souhaitent que ce rapport éclaire les enjeux de cette réforme complexe qui, si elle s’insère dans la problématique plus large des flux migratoires, doit être traitée distinctement d’une politique européenne des migrations.

 

Le droit dasile : de quoi parle-t-on ?

 

Les demandeurs d’asile peuvent bénéficier de plusieurs types de protection. Les critères de la protection internationale sont établis au niveau européen par la directive « Qualification ([3])».

 Le statut de réfugié

La Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, dite Convention de Genève, a été ratifiée par tous les États membres de l’Union européenne.

Elle prend en compte les craintes de persécution du demandeur d’asile fondées sur cinq motifs possibles : la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques imputées par le persécuteur et l’appartenance à un groupe social. Ce dernier motif impose que le pays traitant la demande reconnaisse le groupe social en question. Ainsi, la France reconnaît comme groupes sociaux, dans certains pays, les personnes LGBT et les femmes exposées à l’excision.

En France, le statut de réfugié est reconnu par l’OFPRA en application de l’article premier A2 de la Convention de Genève qui stipule que :

« le terme de réfugié sapplique à toute personne craignant avec raison dêtre persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays »

Les personnes reconnues réfugiées sont placées sous la protection juridique et administrative de l’OFPRA ; elles ont vocation à bénéficier d’une carte de résident valable dix ans en application de l’article L. 314-11 du CESEDA.

 Lasile constitutionnel

L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est compétent pour reconnaître la qualité de réfugié « à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté » (article L. 711-1 du CESEDA, dont la formulation est inspirée de l’alinéa 4 du préambule de la Constitution de 1946).

Les critères essentiels d’admission au statut de réfugié sur ce fondement sont les suivants :

- l’existence d’une persécution effectivement subie dans le pays d’origine, et pas seulement d’une crainte de persécution ;

- être démuni de protection de la part de l’État dont le demandeur a la nationalité ou, à défaut de la nationalité établie, du pays de résidence habituelle ;

- un engagement actif en faveur de l’instauration d’un régime démocratique ou pour défendre les valeurs qui s’y attachent, telles que la liberté d’expression et d’opinion, la liberté d’association, la liberté syndicale ;

- un engagement dicté par des considérations d’intérêt général et non d’ordre personnel.             


 

Les personnes susceptibles de relever de cette catégorie sont par exemple des journalistes, militants associatifs ou syndicaux, artistes, intellectuels.

 

Quel que soit le fondement juridique sur lequel est accordé le statut de réfugié (constitutionnel ou conventionnel – au sens de la Convention de Genève), le régime de protection est identique : le réfugié bénéficiera de tous les droits attachés au statut de réfugié tel que défini en droit français.

 

 La protection subsidiaire

 

Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne dont la situation ne répond pas à la définition du statut de réfugié mais pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’elle courrait dans son pays un risque réel de subir l’une des atteintes graves suivantes :

 

- la peine de mort ou une exécution ;

 

- la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

 

- pour des civils, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle résultant d’une situation de conflit armé interne ou international (article L. 712-1 du CESEDA).

 

Les bénéficiaires de la protection subsidiaire sont placés sous la protection juridique et administrative de l’OFPRA. Ils ont vocation à se voir délivrer une carte de séjour temporaire d’une durée d’un an renouvelable et portant la mention « vie privée et familiale », en application de l’article L. 313-13 du CESEDA.

 

 Les autres types de protection :

 

- la protection humanitaire : 23 des 28 États membres de l’Union européenne l’ont introduite dans leur droit national et peuvent l’octroyer de façon discrétionnaire ;

 

- un dispositif de protection immédiat et temporaire (un an renouvelable pour deux ans supplémentaires) adopté par l’Union européenne en 2001 à la suite des conflits dans les Balkans et destiné à « faire face à un afflux massif, dans l’Union européenne, de ressortissants étrangers qui ne peuvent rentrer dans leur pays d’origine, notamment en raison d’une guerre, de violences ou de violations des droits de l’Homme », qui n’a jamais été utilisé (Directive « Protection temporaire » 2001/55/CE) ;

 

- la protection des victimes de trafic d’êtres humains, prévue par la directive 2011/36/UE à la suite de l’adoption de la Convention de Varsovie en 2005.

 


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I. La crise des réfugiés a révélé les défaillances de la politique Migratoire et du droit d’asile de l’Union européenne

Au cours du printemps 2015, les autorités politiques européennes ont dû prendre en urgence des décisions pour organiser les secours maritimes en Méditerranée et organiser l’accueil des demandeurs d’asile qui arrivaient massivement en Grèce et en Italie. Toutefois, le Conseil européen lors de sa réunion extraordinaire du 23 avril 2015, tout comme le Parlement européen à travers sa résolution adoptée le 29 avril 2015 ([4]), ont souligné la nécessité de combiner des mesures urgentes pour faire face à la crise au Moyen-Orient avec une stratégie de moyen et long terme pour traiter les causes profondes des migrations.

Pour répondre à cette commande politique, la Commission européenne a présenté, le 13 mai 2015, une communication ([5]) intitulée « Un agenda européen en matière de Migration » qui visait à présenter une nouvelle stratégie migratoire pour l’Union européenne avec une approche globale, traitant à la fois du volet interne de la gestion des flux migratoires entre les États membres et du volet externe de la politique étrangère de l’Union européenne et tendant à renforcer la coopération avec les pays d’origine ou de transit des migrants. De plus, ce document de programmation présentait un plan d’action immédiat pour soulager les États membres les plus exposés à la pression migratoire, mais affirmait aussi la nécessité d’organiser une politique commune des migrations et du droit d’asile.

Ce document définissait quatre piliers pour assurer une meilleure gestion des migrations :

Régulièrement, la Commission européenne a publié des bilans de l’état d’avancement de la mise en œuvre de cet agenda en matière de migration. Il ressort de sa dernière communication ([7]) avant les élections européennes, datée de mars 2019, que les principales réussites de l’Union européenne sont axées sur le contrôle des frontières, à travers notamment le renforcement du rôle de l’Agence Frontex.

En revanche, l’Union européenne s’est révélée impuissante à réformer son régime d’asile européen commun. En effet, de fortes divergences politiques opposent le Parlement européen et le Conseil européen, mais ce sont surtout les États membres qui demeurent divisés sur l’idée même de parachever cette politique commune. Au cours de ces deux dernières années, l’accent a été mis sur les mesures urgentes, tout particulièrement la gestion des débarquements des migrants secourus en mer, sans adopter de mesures de long terme. Le bilan de la législature est ainsi inexistant dans le domaine de la migration professionnelle.

A.   Le défaut d’anticipation de l’Union européenne face à la crise des années 2015-2016

L’Union européenne a déjà été confrontée à des crises migratoires et à de fortes augmentations de demande de protection internationale : du fait des conflits en ex-Yougoslavie, l’Allemagne a accueilli 350 00 réfugiés entre 1991 et 1993. Plus récemment, lors des printemps arabes en 2011, elle a très mal anticipé les conséquences de la déstabilisation de la Syrie et de l’Irak ainsi que la guerre civile en Libye.

Face à l’arrivée massive de demandeurs d’asile à la fin de l’année 2014 mais surtout au cours de l’année 2015, le Conseil européen a adopté deux mesures exceptionnelles de solidarité pour répondre à la situation de la Grèce et de l’Italie, confrontées à un problème de moyens.

1.   Un échec du plan de relocalisation des demandeurs d’asile porteur de conséquences

Pour soulager les pays du pourtour méditerranéen les plus exposés à l’arrivée des migrants, la Commission européenne a proposé d’adopter des mesures exceptionnelles en mettant un œuvre un dispositif de relocalisation visant à répartir, en deux ans, 120 000 demandeurs d’asile accueillis en Grèce et en Italie, exprimant ainsi la solidarité des États membres qui n’étaient pas directement exposés aux flux migratoires.

Ce plan de relocalisation ([8]) avait pour base juridique l’article 78 paragraphe 3 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui prévoit : « Au cas où un ou plusieurs États membres se trouvent dans une situation durgence caractérisée par un afflux soudain de ressortissants de pays tiers, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut adopter des mesures provisoires au profit du ou des États membres concernés. Il statue après consultation du Parlement européen ».

L’adoption de ces mesures de solidarité extraordinaires a été possible malgré l’opposition de certains États, dès lors que la procédure prévue par les traités permettait un vote à la majorité qualifiée.

Toutefois, ce mécanisme de relocalisation devait s’appliquer aux seuls demandeurs d’asile dont la demande était largement reconnue comme valide par les États membres ([9]). Pour d’autres nationalités (Afghans, Soudanais, notamment), le mécanisme ne s’appliquait pas. La recrudescence, en 2016 et 2017, des arrivées sur son territoire de personnes non susceptibles de prise en charge solidaire, alors que l’Italie réclamait depuis 2013 que son effort spécifique pour accueillir les personnes secourues en mer soit davantage partagé, a été l’une des raisons de l’insatisfaction des autorités italiennes.

Ce mécanisme de solidarité s’est heurté à diverses difficultés de mise en œuvre ([10]). Son échec relatif aura un impact sur le long terme ([11]). En effet, ce mécanisme obligatoire de quotas de demandeurs d’asile, déterminé selon la population et la richesse de chaque État membre, a suscité un rejet de principe de la part des États appartenant au « groupe de Visegrád ([12]) ». Par la suite, ces États se sont opposés systématiquement à toute procédure organisée de solidarité entre les États membres, soulignant que le mécanisme d’urgence n’a jamais été opérationnel ([13]).

À ce titre, on rappellera que la Hongrie et la Slovaquie se sont fermement opposées au mécanisme de relocalisation et ont introduit un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne. L’arrêt du 6 septembre 2017 ([14]), relatif à la décision « Relocalisation » du 22 septembre 2015 précitée, a conduit la Cour à prendre position sur les positions nationalistes revendiquées par certains gouvernements.

Dans cette affaire, le gouvernement hongrois a soulevé une atteinte au principe de proportionnalité par la décision Relocalisation « en raison des effets particuliers de la décision attaquée sur la Hongrie ». Le gouvernement polonais a contesté le principe même d’une politique commune de l’asile et soutenu que les effets des contingents étaient particulièrement lourds pour les États membres qui, afin de remplir leurs obligations de relocalisation, « devraient fournir des efforts et supporter des charges bien plus importantes que dautres États daccueil ». Il en irait ainsi des États membres qui sont « presque ethniquement homogènes comme la Pologne » et dont « la population différerait, dun point de vue culturel et linguistique, des migrants devant être localisés sur leur territoire » ([15]).

La Cour de justice a ainsi eu l’occasion de préciser la portée juridique du principe de solidarité, qui « régit » la politique d’asile, tel qu’il est énoncé par l’article 80 du TFUE : « Les politiques de lUnion visées au présent chapitre ([16])  et leur mise en œuvre sont régies par le principe de solidarité et de partage équitable de responsabilités entre les États membres, y compris sur le plan financier. »

La Cour de justice considère que si la relocalisation devait être strictement conditionnée par l’existence de liens culturels ou linguistiques entre les demandeurs d’asile et les États de relocalisation, cela compromettrait toute chance de faire fonctionner le mécanisme de relocalisation. Elle précise surtout que « des considérations liées à lorigine ethnique » des demandeurs d’asile « ne peuvent pas être prises en compte en ce quelles seraient, de toute évidence, contraires au droit de lUnion et notamment à larticle 21 de la Charte des droits fondamentaux ([17]) ».

Le caractère obligatoire du principe de solidarité au sein des politiques migratoires de l’Union européenne est donc clairement affirmé. Malgré cette jurisprudence, les États de Visegrád, rejoints par l’Autriche et l’Italie au cours de l’année 2018 à la suite des changements de majorité politique, ont continué à contester la légitimité d’une répartition équitable entre États membres des demandeurs d’asile.

L’ampleur de la crise des migrants au cours de l’été 2015 aurait pu provoquer une prise de conscience sur la nécessité d’une gestion coordonnée ; cependant, face à ce qu’ils percevaient d’abord comme une menace sécuritaire, les États ont réagi en ordre dispersé en se repliant sur leurs frontières nationales.

2.   Le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures de l’Union européenne ou la tentation du repli national

Les arrivées massives de demandeurs d’asile vers l’Europe durant l’année 2015 ont provoqué une crise de confiance entre les États membres participant à l’Espace Schengen. Cet espace de libre circulation des personnes reposait sur un postulat de confiance entre les États participants. Chaque État acceptait de déléguer une partie de sa souveraineté au pays de première entrée de l’étranger dans l’Espace Schengen, en lui confiant la responsabilité du contrôle de la frontière extérieure de l’Union européenne.

Toutefois, l’augmentation des flux migratoires a mis à l’épreuve ce système. Au cours de l’année 2015, les demandes d’asile ont augmenté de 23 % en France pour atteindre près de 80 000 demandes. Le nombre de demandes déposées en Allemagne a été sans commune mesure, puisqu’il a dépassé un million, contre 200 000 demandes en 2014 ([18]).

 Soumises à une pression migratoire de plus en plus forte, la Grèce et l’Italie ont été débordées et ont laissé entrer sur leur territoire des demandeurs d’asile sans les identifier ni les enregistrer, en violation du code frontières Schengen.

Plusieurs États membres ont alors décidé de réintroduire des contrôles aux frontières intérieures de l’Union ([19]). Ces décisions ont démontré la difficulté de faire face aux épisodes de forte pression migratoire en l’état de la législation européenne. Cette situation non-coopérative appelait donc une réponse appropriée, qui a pris la forme du paquet asile en 2016.

3.   Les difficultés de mise en œuvre d’un droit d’asile européen harmonisé

En octobre 1999, le Conseil européen réuni à Tampere en Finlande décide de poser les fondements d’une politique européenne de l’asile. Il s’agissait d’une ambition de long terme ; si, vingt ans après, le bilan de l’action législative de l’Union européenne en matière de droit d’asile est loin d’être négligeable, il semble que les États membres ne soient plus vraiment convaincus de la nécessité de construire un espace européen de protection.

L’histoire récente montre que l’ambition initiale d’un régime d’asile européen commun intégré a été remise en cause, bien que la Commission européenne continue à afficher cet objectif.

La coopération européenne en matière d’asile voit le jour avec l’instauration d’un espace de libre circulation en Europe, une liberté fondamentale prévue par le traité de Rome. Les discussions entre États membres à propos de l’asile aboutissent aux conventions de Schengen et de Dublin en 1990, qui posent, pour la première fois, le principe selon lequel un demandeur d’asile ne peut solliciter la protection que d’un seul État membre. Le traité de Maastricht adopté en 1992 place l’asile dans le cadre institutionnel de l’Union européenne mais toujours sur un mode intergouvernemental ([20]).

Le traité d’Amsterdam de 1997 introduit une modification essentielle en communautarisant la politique de l’asile. Dans le cadre de la mise en place d’un espace de liberté, de sécurité et de justice, il prévoit l’adoption de normes minimales relatives aux conditions d’exercice du droit d’asile. Le traité d’Amsterdam donne ainsi le coup d’envoi à l’harmonisation du droit d’asile en Europe.

Les conclusions du sommet de Tampere, un des premiers à être consacré aux problématiques migratoires, soulignaient ainsi : « LUnion se doit donc délaborer des politiques communes dans les domaines de lasile et de limmigration, tout en tenant compte de la nécessité dexercer aux frontières extérieures un contrôle cohérent afin de stopper limmigration clandestine et de sopposer à ceux qui lorganisent et commettent ainsi des infractions relevant de la criminalité internationale ».

Cette politique commune devait reposer sur le respect absolu du droit de demander l’asile et aboutir à la « mise en place dun régime dasile européen commun (RAEC) ([21]) », fondé sur l’application intégrale de la Convention de Genève et du principe de non-refoulement, pour aboutir à l’établissement d’une « procédure dasile commune et un statut uniforme, valable dans toute lUnion, pour les personnes qui se voient accorder lasile ([22]) ».

Les rapporteurs soulignent que l’innovation institutionnelle majeure a été apportée en 2007 par le TFUE ([23]), avec le passage à la procédure législative ordinaire qui permet d’adopter des décisions sans que l’unanimité des États membres soit nécessaire : une majorité qualifiée est désormais requise au Conseil de l’Union européenne.

Le traité de Lisbonne a aussi représenté une étape fondamentale avec la reconnaissance de la force contraignante pour les États membres de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Or, l’article 18 de la Charte consacrait la garantie du droit d’asile dans l’Union européenne comme un droit fondamental, « dans le respect des compétences et des tâches de lUnion, ainsi que du principe de subsidiarité ».

La consécration de ce principe a eu des effets directs sur la politique de l’asile des États membres ([24]). Ainsi, en application de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la Cour de justice de l’Union européenne a condamné, en 2011, l’application non conforme du droit de l’Union par un État membre qui transférait les demandeurs d’asile vers la Grèce, au motif que ce pays pouvait leur garantir l’asile, sans qu’il soit tenu compte des « défaillances systémiques de la procédure dasile et des conditions daccueil des demandeurs dans cet État membre ([25]) ».

L’émergence d’une politique commune de l’asile dans l’Union européenne a été lente. Le chercheur Matthieu Tardis qualifie les négociations sur la première vague de textes législatifs d’harmonisation de « longues et laborieuses ([26]) ». Elles aboutissent à l’adoption de trois directives en 2003, 2004 et 2005, portant respectivement sur les conditions d’accueil des demandeurs d’asile, les critères de qualification à une protection internationale (statut de réfugié et protection subsidiaire) ainsi que le contenu de ces protections. Ces textes laissent une marge de manœuvre importante aux États membres contradictoire avec l’instauration d’un régime d’asile commun.

Les derniers textes sont adoptés en juin 2013. Ils comprennent quelques avancées en termes de garanties aux demandeurs d’asile et d’encadrement des pratiques nationales « mais les multiples compromis créent un dispositif dont la transposition est extrêmement complexe, voire impraticable sur certains points ([27]) ».

Ce point de vue critique sur l’élaboration inachevée d’un régime d’asile européen commun est partagé par Cecilia Wikström ([28]), une des parlementaires européennes ayant joué un rôle majeur dans l’adoption du texte emblématique du droit d’asile, le règlement de Dublin (plusieurs fois révisé depuis son adoption initiale en 2000, cf. notre encadré sur les textes formant le régime d’asile européen commun).

Ainsi, les négociations relatives au règlement Dublin ont toujours été très délicates. Il a par exemple fallu près de cinq ans de négociations pour réformer le règlement Dublin II et faire adopter, en 2013, le nouveau règlement Dublin III.

B.   Les propositions de réforme de la Commission européenne pour une politique commune et intégrée en matière d’asile

1.   Les faiblesses intrinsèques du régime d’asile européen commun en temps de crise migratoire

Après avoir adopté des mesures d’urgence au cours de l’automne 2015, comme le plan de relocalisation susmentionné ou la mise en place des centres d’enregistrement pour le premier accueil des réfugiés arrivés sur le sol européen, la Commission européenne a voulu proposer, en avril 2016, une réforme ambitieuse pour mieux gérer les flux migratoires à moyen et long terme.

Dans le cadre de sept propositions législatives présentées entre mai et juillet 2016 (cf. notre encadré récapitulatif), elle a recherché un équilibre entre les objectifs de solidarité, d’humanité et de sécurité.

Dans sa communication ([29]) présentant les objectifs de sa réforme, elle souligne ainsi : « Lobjectif global est de passer dun système qui, par sa conception ou sa mauvaise mise en œuvre, fait peser une responsabilité disproportionnée sur certains États membres et encourage des flux migratoires irréguliers et incontrôlés, à un système plus équitable proposant aux ressortissants de pays tiers qui ont besoin dune protection ou qui peuvent contribuer au développement économique de lUnion européenne des voies dentrée organisées et sûres. »

La Commission européenne admet que le règlement Dublin III est devenu inadapté, en particulier en période de forte pression migratoire. Il établit des critères hiérarchisés ([30]) pour déterminer quel est l’État membre responsable de l’instruction de la demande d’asile (ou selon les termes du règlement « de protection internationale ») ([31]). Dans la pratique, le pays d’arrivée du demandeur d’asile sera, dans la majorité des cas, considéré comme responsable de cette instruction. Ce critère a été adopté dès la première version du règlement Dublin, pour responsabiliser les pays de première entrée et les inciter à surveiller efficacement leur portion de frontière extérieure de l’Union européenne.

Au cours du pic de la crise migratoire, le système Dublin a connu une congestion : les pays du pourtour méditerranéen ont dû faire face à une charge totalement disproportionnée par rapport à leur capacité administrative et logistique.

La Commission constate que le respect des règles de l’asile faiblit en 2015 et 2016 : « Les migrants refusent aussi souvent dintroduire leur demande dasile ou de se conformer aux obligations didentification dans lÉtat membre de première entrée, puis se rendent dans lÉtat membre où ils souhaitent sinstaller et y demandent lasile. Ces mouvements secondaires ont donné lieu à lintroduction de nombreuses demandes dasile dans des États membres qui ne sont pas ceux du premier point dentrée, situation qui, à son tour, a conduit plusieurs États membres à réintroduire des contrôles aux frontières intérieures afin de maîtriser larrivée soudaine de nombreux migrants. »

L’application du règlement Dublin est également mise en cause par les divergences d’interprétation entre États membres.

Ces divergences portent d’abord sur les critères de responsabilité pour déterminer quel sera l’État chargé de l’instruction de la demande. La Commission constate ainsi « les difficultés dobtenir et de définir dun commun accord des éléments prouvant la responsabilité dun État membre pour examiner une demande dasile, doù une augmentation du nombre de refus de faire droit à des demandes de transfert de demandeurs. Même lorsque les États membres acceptent les demandes de transfert, seul un quart de ces dossiers environ débouchent sur des transferts effectifs et, une fois le transfert effectué, les cas de mouvements secondaires vers lÉtat membre ayant procédé au transfert sont fréquents ».

De plus, les règles en vigueur du règlement Dublin III sont restrictives sur la durée de responsabilité de l’État de première entrée. La Commission souligne ainsi : « Les dispositions actuelles, qui prévoient un déplacement de responsabilité entre États membres après un certain délai, nuisent encore un peu plus à lefficacité du système. Dès lors, si un demandeur senfuit pendant suffisamment longtemps sur le territoire dun État membre sans être effectivement transféré, cet État membre deviendra finalement responsable. »

Le système Dublin génère des coûts de gestion administrative très importants pour un très faible nombre de personnes effectivement transférées dans le pays de première entrée ([32]). En France par exemple, en 2018, 33 % des demandeurs d’asile ont été placés sous procédure Dublin, soit environ 45 000 demandes sur un total de 139 320. Entre 2014 et 2018, le nombre de placements sous procédure Dublin a été multiplié par neuf, alors que sur la même période, le nombre de premières demandes enregistrées à l’OFPRA a été multiplié par deux.

Malgré des efforts conséquents du ministère de l’intérieur pour améliorer l’efficacité de ces transferts, le taux de transfert effectif n’atteint que 7,7 %. Plusieurs facteurs expliquent cet écart entre le nombre de personnes sous procédure Dublin et celles effectivement transférées : refus des États sollicités, annulations des décisions de transfert par les tribunaux administratifs, fuite des demandeurs d’asile, ou encore non-respect des délais requis ([33]).

Pour les demandeurs d’asile, être placé sous procédure Dublin est lourd de conséquences. Les autorités sollicitent alors l’État responsable afin de réaliser le transfert, mais disposent pour ce faire d’un délai limité à six mois. Si la personne est déclarée « en fuite ([34]) », le délai peut être prolongé de douze mois par la préfecture, soit dix-huit mois au total durant lesquels la personne ne peut effectivement déposer sa demande auprès de l’OFPRA. Cet allongement entre l’arrivée sur le sol français et la fin du délai de transfert est finalement contre-productif puisque dans 90 % des cas, ce sera l’administration française qui devra instruire la demande d’asile.

Enfin, les chances pour un demandeur d’asile de se voir attribuer le statut de réfugié varient très fortement entre les États membres, y compris pour une même nationalité d’origine. En 2018, le taux de protection des Afghans varie de 6 % à 98 % selon l’État responsable ; les autorités allemandes estiment par exemple qu’une partie du territoire afghan est sûr, appliquant le concept d’asile interne, contrairement à la France. Pour les Irakiens, le taux varie de 8 % à 98 %. De fait, l’expression « loterie de l’asile » vise à souligner la part d’arbitraire dans ces divergences d’appréciation ([35]).

La Commission a donc souhaité proposer une réforme globale, d’où le terme de « paquet asile », la réforme comportant sept textes, étroitement interdépendants.

 

 

La réforme du régime dasile européen commun

 

I — Les textes européens relatifs au droit dasile actuellement applicables

Conformément à la convention de Genève, l’Union européenne a le devoir de protéger les personnes ayant besoin d’une protection internationale. Par conséquent, l’Union a mis en place en 2013 un régime d’asile européen commun qui constitue le cadre juridique couvrant tous les aspects de la procédure d’asile.

Bien que la responsabilité de l’examen des demandes d’asile incombe aux États membres, le système prévoit des normes minimales communes concernant le traitement des demandeurs d’asile.

 

Le régime dasile européen commun (RAEC) tel qu’il est applicable aujourd’hui comprend les textes suivants :

 le règlement « Dublin III » qui définit un ensemble de critères permettant de déterminer l’État membre responsable de l’instruction les demandes d’asile (règlement (UE) nº 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de lÉtat membre responsable de lexamen dune demande de protection internationale introduite dans lun des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou règlement de Dublin) ;

Rappelons que ce règlement fixe des critères hiérarchisés pour déterminer quel est l’État responsable du traitement de la demande. Les critères de détermination de l’État responsable sont, outre la situation familiale du demandeur d’asile qui prévaut en tout état de cause, le pays de première entrée et le lieu de dépôt de la demande d’asile.

 le règlement Eurodac qui a instauré un traitement de données personnelles à l’échelle de l’Union européenne, comprenant un système automatisé de reconnaissance d’empreintes digitales (Règlement (CE)  2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système « Eurodac » pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de lapplication efficace de la convention de Dublin) ;

 la directive sur les procédures dasile, dite directive « Procédures », qui fixe les normes communes pour les procédures d’asile, elle encadre les délais d’instruction, les conditions d’appel, les garanties d’équité et d’assistance auxquelles ont droit les demandeurs ainsi que les droits spécifiques des personnes « vulnérables » (par exemple les mineurs non accompagnés). Ce texte rappelle le principe du non-refoulement permettant aux demandeurs de rester dans le pays auprès duquel la demande d’asile a été déposée jusqu’à ce qu’une décision soit rendue en première instance. (directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour loctroi et le retrait de la protection internationale) ;

 la directive qui fixe les critères à remplir pour bénéficier d’une protection internationale et précise les formes que peut prendre cette protection, dite directive « Qualification » : statut de réfugié au sens de la Convention de Genève de 1951 ; protection subsidiaire ; statut humanitaire au profit de personnes qui ne réunissent pas les conditions pour se voir accorder les protections ci-dessus énoncées mais qui ne peuvent être éloignées sur la base d’obligations internationales relatives aux droits de l’homme : personnes gravement malades, mineurs isolés (directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier dune protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection) ;

 la directive sur les conditions daccueil dite directive « Accueil » qui fixe les normes minimales concernant l’accueil des personnes demandant une protection internationale en matière d’hébergement, d’accès aux soins ou au marché du travail ou encore d’allocation sociale (directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale).

 le règlement établissant un fonds d’assistance aux migrations (FAMI) destiné à aider les États membres à se doter des capacités d’accueil, de contrôle et de traitement des demandes d’asile en vue de se conformer aux directives du RAEC.

 le règlement portant création dun Bureau européen dappui en matière dasile (Règlement UE n° 439/2010 du 19 mai 2010). Cette agence européenne (EASO en anglais) vient en appui aux administrations nationales qui mettent en œuvre le RAEC et intervient directement depuis 2015 en appui des États de première ligne, tels que la Grèce, l’Italie et l’Espagne, pour les aider dans leurs fonctions d’accueil, d’enregistrement et d’information des personnes, la procédure d’instruction de l’asile restant de la responsabilité des États

 

II — Le projet de réforme du RAEC

Le 6 avril 2016, dans une communication intitulée « Vers une réforme du régime dasile européen commun et une amélioration des voies dentrée légale en Europe », la Commission européenne a fixé ses priorités en vue d’une réforme structurelle du cadre européen en matière d’asile et de migration.

Le 4 mai 2016, la Commission a présenté une première série de propositions visant à réformer le RAEC, qui portait sur les priorités définies dans la communication précitée :

 une proposition de règlement établissant un système de Dublin juste et durable pour la détermination de l’État membre responsable de l’examen des demandes d’asile (projet de règlement « Dublin IV » – COM/2016/0270 final) ;

 une proposition de règlement renforçant le système Eurodac afin de surveiller les mouvements secondaires de manière plus efficace et de faciliter la lutte contre la migration irrégulière (projet de règlement « Eurodac » COM/2016/0272 final) ;

 une proposition de règlement portant création dune de l’Agence de l’Union européenne pour lasile afin de veiller au bon fonctionnement du régime d’asile européen (projet de règlement COM/2016/0271 final).

 

Le 13 juillet 2016, la Commission a adopté une deuxième série de propositions (quatre propositions supplémentaires) venant compléter la réforme du RAEC :

 une proposition remplaçant la directive relative aux procédures d’asile par un règlement instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l’Union, qui harmonise les règles de procédure actuellement disparates de tous les États membres. L’objectif principal de ce texte est d’instituer une procédure commune pleinement harmonisée en vue de réduire les divergences des taux de reconnaissance entre États membres et ainsi de décourager les mouvements secondaires (projet de règlement « Procédures » COM/2016/0467 final) ;

 une proposition remplaçant la directive relative aux conditions que doivent remplir les demandeurs d’asile par un règlement, qui établit des normes uniformes relatives à la reconnaissance des personnes ayant besoin dune protection internationale et aux droits accordés aux bénéficiaires d’une telle protection (projet de règlement « qualifications » COM/2016/0466 final) ;

 une proposition de refonte de la directive relative aux conditions daccueil en vue d’harmoniser le traitement des demandeurs d’asile dans toute l’Union, d’accroître leurs perspectives d’intégration et de réduire les mouvements secondaires (projet de directive « conditions daccueil » COM/2016/0465 final) ;

 une proposition de règlement établissant un cadre structuré de lUnion pour la réinstallation, en vue de parvenir à une meilleure gestion de la protection internationale au sein de l’Union et de garantir des voies d’accès ordonnées et sûres à l’Union européenne pour les personnes ayant besoin d’une protection internationale, afin de réduire progressivement les incitations à des arrivées irrégulières (projet de règlement Cadre de lUnion européenne pour la Réinstallation COM/2016/0468 final).

 

Selon la Commission européenne, l’objectif de la réforme consiste à mettre en place des procédures rapides permettant d’octroyer une protection aux personnes qui en ont besoin et d’assurer un traitement égal et équitable des demandeurs dans toute l’Union. Elle vise en outre à diminuer le risque de mouvements secondaires entre les États membres de l’Union et les abus du régime d’asile. La réforme entend garantir la solidarité et la responsabilité partagée entre les États membres en cas d’arrivée aux frontières extérieures d’un grand nombre de personnes ayant besoin d’une protection internationale. Les nouvelles règles du RAEC visent également à garantir des voies d’accès à l’Union ordonnées et sûres pour les personnes ayant besoin d’une protection internationale, en organisant dans un cadre européen des missions de réinstallation.

Concernant la question des pays dorigine « sûrs », rappelons que le projet de Règlement définissant une liste européenne commune de « pays d’origine sûrs » a été retiré à la mi-octobre 2016 en raison des oppositions entre le Parlement européen et le Conseil. Le principe était acquis de définir une liste commune européenne, les listes nationales devant à terme disparaître ; des désaccords sont cependant apparus lorsqu’il s’est agi de définir une méthode pour établir cette liste des pays d’origine sûrs. Les discussions sur le sujet de la liste commune se sont poursuivies dans le cadre du projet de règlement « Procédures ».

2.   Les priorités de la réforme proposée par la Commission européenne

Dans sa volonté de réformer la politique d’asile européenne, la Commission européenne a tenté de concilier des objectifs contradictoires. Il s’agissait d’instaurer une procédure pleinement harmonisée au niveau de l’Union européenne, avec de nouvelles garanties pour les demandeurs, tout en mettant en place des mécanismes de contrainte pour lutter contre les mouvements secondaires et décourager l’arrivée de flux migratoires.

Il est délicat de trouver le point d’équilibre entre les objectifs de solidarité européenne, de garanties offertes aux demandeurs d’asile et les impératifs d’efficacité et de sécurité de la politique d’asile. La réforme de grande ampleur du droit d’asile se heurte à la réticence des États membres ([36]) soucieux de maintenir leurs prérogatives de souveraineté.

a.   Le recours à des règlements plutôt qu’à des directives pour renforcer la convergence entre les États membres

Au plan de la méthode juridique, la Commission européenne a choisi de renforcer l’intégration du régime d’asile européen commun en proposant des règlements plutôt que des projets de directive. Vos rapporteurs se félicitent de ce choix, qui permet, grâce à l’applicabilité directe des règlements européens dans les ordres juridiques nationaux, de réformer rapidement certaines politiques.

Le paquet asile est ainsi constitué de six projets de règlements, un seul texte, relatif aux conditions matérielles d’accueil, restant sous forme de directive. Compte tenu de la diversité des organisations administratives et des systèmes de protection sociale, il paraissait sur ce point peu réaliste de proposer un règlement qui s’appliquerait uniformément dans tous les États membres.

b.   La recherche d’une solidarité européenne accrue

Afin de soulager les États membres du pourtour méditerranéen, la Commission européenne a cherché à modifier le règlement Dublin III pour proposer un mécanisme de solidarité permettant de transférer dans l’ensemble des États membres certains demandeurs d’asile, notamment en cas d’afflux. Toutefois, la Commission a proposé une mesure de compromis.

Rappelons que le principe de responsabilité de l’État de première entrée pour l’examen des demandes d’asile, inscrit dès le premier règlement Dublin adopté en 2000, se justifie dans la mesure où l’espace Schengen est en principe un espace de libre circulation. Il est ainsi nécessaire de traiter les demandes d’asile de manière coordonnée, de façon à éviter le phénomène des « mouvements secondaires », coûteux pour les États membres et qui contraint les multidemandeurs d’asile à recourir à des stratégies d’évitement.

Ce principe a été mis à mal en 2015 : avec respectivement 154 000 et 885 000 entrées irrégulières, selon les statistiques de l’Agence Frontex, l’Italie et la Grèce, qui, en tant que pays de première entrée, réclamaient plus de solidarité européenne, n’ont pas respecté leurs obligations relatives à la surveillance des frontières extérieures de l’Union. En effet, ces deux pays n’ont enregistré respectivement que 83 000 et 11 000 demandes d’asile ([37]).

Certains États membres, par choix politique, comme les États du Groupe de Visegrád, ou parce qu’ils sont moins affectés par les flux migratoires, sont très attachés au principe de responsabilité des États de première entrée dans le contrôle des frontières extérieures communes. Au plus fort de la crise migratoire, comme après, ils ont considéré que s’il fallait aider les pays en première ligne, ce devait être surtout pour rendre plus efficace la surveillance des frontières, et non pour mieux répartir les demandeurs d’asile.

Cette opposition entre les États membres explique la solution proposée par la Commission européenne, pour définir un mécanisme dit « d’équité », en demi-teinte.

Alors que les États les plus exposés réclamaient un mécanisme permanent de relocalisation des demandeurs d’asile, au titre de la solidarité entre tous les États membres, la Commission européenne a proposé un mécanisme correcteur qui ne sera activé qu’en période de crise migratoire.

La future agence européenne de l’Asile aura notamment pour mission de gérer le système qui décomptera le nombre de demandes d’asile afin de déterminer si un pays traite un nombre disproportionné de demandes par rapport au nombre total des demandes déposées dans l’Union européenne. La clé de répartition entre les États membres devait reposer sur les critères de la taille de la population et sur le PIB de chaque parys. Lorsqu’un pays recevra un nombre de demandes d’asile qui dépasse sa part de référence à plus de 150 %, les nouveaux demandeurs seront répartis dans l’ensemble des États membres, jusqu’à ce que le nombre de demandes retombe en dessous du seuil de référence. Le mécanisme d’équité tiendra également compte des efforts déployés par chaque État pour réinstaller des personnes ayant besoin d’une protection internationale directement au départ d’un pays tiers.

c.   Lutter contre les mouvements secondaires

L’enjeu des négociations est de faire converger les pratiques européennes en matière de reconnaissance de l’asile, de responsabilité et de conditions matérielles d’accueil, afin de réduire les incitations aux mouvements secondaires. La Commission européenne et certains États membres comme la France, l’Allemagne et les Pays Bas, principaux pays destinataires des mouvements secondaires de demandeurs d’asile, attachent une importance notable à cette question. Les rapporteurs souhaitent expliquer les raisons de ce choix et ses sous-jacents politiques.

Pourquoi les mouvements secondaires devraient‑ils être proscrits alors que le demandeur d’asile, une fois entré sur le territoire de l’Union européenne pourrait bénéficier du droit de libre circulation et du droit au séjour dans tout État membre, sans préjudice de l’examen de sa demande d’asile qui resterait instruite par un État membre spécifique ?

Le régime d’asile européen commun repose sur un paradoxe ([38]) : le corpus juridique définissant le régime de l’asile dans l’Union européenne est largement défini dans le cadre communautaire, mais le droit d’asile est accordé souverainement par chaque pays européen, selon des traditions nationales très différentes. Le réfugié doit se trouver sur le territoire d’un État pour entrer, selon une approche territoriale et individuelle, dans une procédure de détermination de son besoin éventuel de protection, et bénéficier de droits, parmi lesquels le droit au séjour.

Les rapporteurs estiment important de rappeler que les conditions d’accueil et d’accompagnement diffèrent aussi fortement d’un pays à l’autre. Certains pays proposent par exemple un hébergement à tous les demandeurs d’asile, tandis que d’autres privilégient la mise en centre de rétention ou une forme d’assignation à résidence le temps de l’instruction de la demande d’asile. Enfin, même si tous les États sont liés par la Convention de Genève et la législation européenne, les chances d’obtenir une protection internationale n’y sont pas les mêmes.

En raison de l’application du principe de responsabilité de l’État de première entrée, des réfugiés se sont ainsi trouvés bloqués dans des pays où les perspectives d’intégration locale sont faibles voire inexistantes, en raison de l’environnement juridique, des conditions économiques ou du contexte sécuritaire ([39]).

À titre d’exemple, il était difficile pour les demandeurs d’asile de demeurer en Bulgarie, alors même que l’afflux migratoire en provenance de Syrie a déstabilisé l’organisation administrative de cet État au point qu’il ne pouvait plus répondre aux besoins les plus élémentaires de ces personnes. On peut aussi rappeler qu’en 2014, 80 à 90 % des 43 000 demandeurs d’asile enregistrés en Hongrie ont quitté le pays au bout de quelques semaines, sans que les autorités hongroises cherchent à les retenir pour remplir leurs obligations au titre de l’instruction des demandes d’asile.

Pour justifier son approche coercitive des mouvements secondaires, la Commission européenne met en avant le fait que les services nationaux chargés d’instruire les demandes d’asile sont fortement encombrés de demandes a priori sans fondement, les demandeurs d’asile déposant successivement plusieurs demandes après avoir été déboutés dans un premier État ([40]).

Plusieurs dispositions dans le projet de règlement Dublin IV et le projet de règlement « Procédures » visent à limiter les mouvements secondaires au sein de l’Union européenne. La Commission a voulu imposer des sanctions aux demandeurs d’asile qui ne restent pas dans le pays où ils ont déposé une demande d’asile, en prévoyant la perte ou la restriction de l’accès aux conditions matérielles d’accueil ([41]).

La Commission estimait par ailleurs que des sanctions proportionnées devraient être appliquées lorsqu’un demandeur manque à son obligation de rester dans l’État membre responsable. Tous les pays européens seraient tenus de renvoyer vers l’État membre responsable les demandeurs d’asile qui l’auraient quitté ; à leur retour, ces derniers y feraient l’objet d’une procédure d’examen accélérée au cours de laquelle ils ne bénéficieraient pas automatiquement d’un droit de séjour en attendant l’issue de leur recours, sans préjudice du principe de non-refoulement et du droit à un recours effectif. En outre, un demandeur qui a quitté le territoire pourrait se voir imposer des conditions restrictives dans sa liberté d’aller et venir ou être placé en rétention si nécessaire.

Dans le projet de règlement « Procédures », il était prévu des obligations plus strictes à la charge des demandeurs d’asile. À cet égard, l’examen d’une demande de protection internationale était subordonné à l’introduction d’une demande, au relevé des empreintes digitales, à la fourniture des précisions nécessaires à l’examen de la demande, ainsi qu’à la présence et au séjour dans l’État membre responsable.

La Commission proposait que le manquement à une seule de ces obligations puisse entraîner le rejet d’une demande au motif qu’il y a été renoncé conformément à la procédure de retrait implicite.

Elle proposait aussi de rendre obligatoires les instruments procéduraux, jusqu’ici facultatifs, permettant de sanctionner les comportements abusifs des demandeurs, notamment en cas de mouvements secondaires ou de demandes manifestement infondées. En particulier, la proposition prévoyait des listes exhaustives et obligatoires des raisons pour lesquelles une demande doit faire l’objet d’un examen accéléré et des motifs de rejet des demandes manifestement infondées.

Enfin, avec le même objectif de restreindre les possibilités d’abus du droit d’asile, la Commission européenne proposait d’harmoniser strictement la liste des pays d’origine considérés comme des pays sûrs : lorsque les demandeurs n’ont manifestement pas besoin de protection internationale parce qu’ils proviennent d’un pays démocratique sur le territoire duquel ne se déroule pas de conflit armé, leur demande doit être rapidement rejetée et leur retour doit être promptement organisé, selon une procédure accélérée.

La Commission proposait de passer progressivement à une harmonisation complète dans ce domaine, et de remplacer les listes nationales de pays sûrs par des listes européennes ou des désignations au niveau de l’Union dans les 5 ans.

d.   Offrir plus de garanties aux demandeurs d’asile

Souhaitant présenter une réforme de l’asile qui apparaisse équilibrée, la Commission européenne a cherché à concilier des impératifs d’efficacité dans le traitement des demandes d’asile et le souci de garantir de nouveaux droits aux personnes qui sollicitent une protection internationale.

Ainsi, la proposition de révision de la directive « Accueil » promeut le renforcement de l’autonomie des demandeurs d’asile et de leurs perspectives d’intégration en ouvrant leur accès au marché du travail dans un délai de six mois, contre neuf mois dans la directive actuelle. La proposition de règlement « Procédures » comporte des avancées significatives en rendant obligatoire une meilleure information des demandeurs d’asile, et en garantissant leur accès à une représentation gratuite.

Enfin, la proposition de règlement « Qualification » n’exige plus que la famille ait été constituée dès le pays d’origine. Le demandeur d’asile pourra faire valoir une demande pour les membres de sa famille dès lors que ces liens familiaux auront été contractés avant l’arrivée dans un État membre. Il s’agit là d’une avancée très importante, que vos rapporteurs souhaitent saluer, car la situation personnelle des demandeurs peut avoir fortement évolué au cours d’un parcours d’exil qui peut, dans certains cas, durer plusieurs années.

L’amélioration essentielle porte sur l’ouverture de voies légales et sûres d’accès à l’Union européenne.

Il convient de rappeler que dans l’urgence, l’Union européenne a mis en place deux mécanismes de réinstallation. Le premier a été instauré en juillet 2015 en étroite collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et a permis à des personnes installées dans des camps de réfugiés au Moyen Orient, en Afrique du Nord et dans la Corne de l’Afrique de pouvoir légalement venir en Europe et de bénéficier ultérieurement d’un statut de réfugié. Le principal avantage de ce mécanisme est d’éviter aux réfugiés de devoir entreprendre des voyages périlleux pour atteindre le territoire européen, et d’éviter ainsi de devoir recourir à des réseaux de passeurs pour organiser leur arrivée irrégulière sur le territoire de l’Union européenne.

Le deuxième mécanisme de réinstallation mis en place par l’Union européenne a été beaucoup plus contesté. Il a été institué dans le cadre de la Déclaration Union européenne – Turquie du 18 mars 2016. Ce mécanisme visait à mettre fin aux flux irréguliers de migrants partis des côtes turques pour rejoindre la Grèce.

Comme annoncé dans la déclaration du 18 mars adoptée entre les États membres et la Turquie, un mécanisme a été institué afin de substituer, aux franchissements irréguliers et périlleux de migrants qui partent de la Turquie pour gagner les îles grecques, un canal légal de réinstallation de la Turquie vers l’Union européenne. Pour chaque Syrien, ou autre migrant irrégulier renvoyé en Turquie, un autre Syrien serait réinstallé de la Turquie vers l’Union européenne. Ce mécanisme s’est très rapidement déséquilibré, les autorités judiciaires grecques ayant pris très peu de décisions de retour pour séjour irrégulier en Grèce, tandis que certains États membres ont refusé de participer à ce mécanisme de réinstallation. Au total, ce sont seulement 13 300 Syriens qui ont été réinstallés depuis la Turquie dans le cadre de cette procédure ([42]).

L’absence de voies légales d’accès à l’Union européenne pour les demandeurs d’asile est régulièrement dénoncée, non seulement par les ONG, mais aussi par le Conseil de l’Europe et les Nations Unies ([43]). La Commission européenne, tout en cherchant à renforcer la surveillance des frontières extérieures de l’Union européenne contre les flux migratoires irréguliers, souhaite aussi trouver des solutions pour permettre aux personnes en besoin de protection d’accéder effectivement au territoire de l’Union européenne, pour être en mesure de déposer une demande d’asile.

Aussi, la Commission européenne a proposé, en juillet 2016 un projet de règlement relatif à la création d’un cadre permanent de réinstallation ([44]). Ce mécanisme totalement nouveau avait pour vocation l’harmonisation des conditions dans lesquelles les États membres pouvaient réinstaller des réfugiés ou demandeurs d’asile depuis des pays tiers. Dans la mesure où les réinstallations avaient jusque-là relevé d’accords bilatéraux entre le HCR et les États membres, ces derniers sont attachés à ce que leurs contributions à ce mécanisme s’effectuent sur une base purement volontaire. Ainsi, alors que la Commission européenne espère 50 000 réinstallations avant octobre 2019, elle n’avait reçu, selon un dernier bilan effectué en mars 2019, que 24 000 engagements effectifs.

Du fait des réticences grandissantes des opinions publiques et de mouvements politiques en faisant un argument de campagne, de nombreux pays européens se sont peu à peu refusés à s’impliquer plus fortement dans ce cadre de réinstallation au niveau de l’Union, estimant prudent de limiter l’accès à leurs systèmes d’asile saturés par des flux spontanés ([45]).

Les rapporteurs estiment qu’il faudrait renforcer les mécanismes de réinstallation dans un cadre européen comme bilatéral afin de décourager les réseaux de passeurs et de traite des êtres humains, qui profitent de la situation actuelle, caractérisée par une très grande difficulté d’atteindre le territoire de l’Union européenne pour les personnes en besoin de protection internationale.

e.   Accélérer le traitement des demandes d’asile et renforcer la sécurité de l’Union européenne

La réforme du paquet asile est surtout inspirée par une volonté d’efficacité accrue dans l’instruction des demandes d’asile et par le souci de renforcer la sécurité de l’Union européenne en contrôlant de manière plus approfondie le profil des demandeurs d’asile et des migrants irréguliers.

L’accélération des procédures vise à limiter l’encombrement des systèmes d’asile des États membres avec des demandes qui auraient peu de chances d’aboutir, tout en épargnant aux demandeurs d’asile de longues périodes d’incertitude. C’est pour cette raison que la Commission européenne a proposé de considérer comme irrecevables, et de ne pas examiner au fond, les demandes d’asile de personnes ayant transité par un pays considéré comme « sûr ».

Cette proposition a suscité de fortes réserves car elle restreindrait fortement le champ de la protection internationale dans l’Union et ferait peser sur les pays de son voisinage une charge considérable.

Cette approche suppose que les personnes déplacées aspirent à rentrer dans leur pays d’origine, et vise à leur éviter des voyages périlleux vers l’Union européenne. Elle nécessite toutefois de s’assurer que lesdits pays tiers soient vraiment « sûrs ». L’exemple de l’évolution politique de la Turquie est à ce titre emblématique.

Dans le cadre de la déclaration conjointe Union européenne ‑ Turquie de mars 2016, ce pays était considéré comme sûr par la Commission européenne, alors que de nombreuses voix se sont élevées pour souligner les risques de non-respect des droits fondamentaux des personnes déplacées hébergées en Turquie et ressortissants de pays non européens. Après la tentative de coup d’État de juillet 2016, la Turquie a connu une remise en cause de son État de droit, ce qui a conduit l’Union européenne à nuancer sa position sur la manière de considérer un État tiers comme « sûr ».

Cette position de la Commission européenne suppose aussi que les États tiers considérés comme sûrs acceptent de réadmettre des ressortissants de pays tiers, en plus de leurs propres nationaux ([46]), moyennant des compensations qu’ils pourraient chercher à monnayer.

Cette tentation de faire reporter sur les pays du pourtour méditerranéen la charge des personnes en besoin de protection comporte de véritables risques de déstabilisation de ces pays d’accueil. Il semble très important de tenir compte des « fragilités » de certains de ces pays (Liban, Jordanie, Turquie, mais aussi Libye, Tchad, Niger), qui comptent déjà un nombre important de réfugiés et migrants et qui ne sont pas à l’abri de mouvements sociaux de rejet de la part de leurs populations.

Certaines mesures proposées, comme l’irrecevabilité des demandes d’asile dans le cas de transit par un pays tiers dit « sûr », l’application obligatoire de la notion d’asile interne – deux mesures que la France n’applique pas jusqu’à présent –, le réexamen périodique des décisions accordant le droit d’asile de protection et les sanctions des mouvements secondaires attestent en revanche d’une volonté de réduire l’attractivité du régime d’asile européen commun ([47]) .

Les préoccupations sécuritaires sont aussi très présentes dans le paquet asile. La Commission européenne a ainsi proposé de renforcer le système Eurodac pour en faire un outil de lutte contre l’immigration irrégulière et pour faciliter les opérations de retour forcé.

Le système Eurodac et les empreintes digitales conservées dans cette base de données permettent aux États membres de déterminer avec certitude si un demandeur de protection internationale ou un migrant en situation irrégulière se trouvait sur le territoire d’un État membre avant d’arriver dans un autre État membre, et contribuent à l’application du règlement de Dublin. La Commission a donc proposé que les modifications apportées au régime de Dublin soient répercutées dans le système Eurodac afin que ce dernier permette d’obtenir les preuves dactyloscopiques nécessaires à son fonctionnement.

Le projet de réforme du règlement Eurodac élargit pour sa part sa mission en vue de faciliter les retours et de contribuer à lutter contre l’immigration irrégulière. Les États membres se voient accorder la possibilité de stocker des données appartenant à des ressortissants de pays tiers ou à des apatrides qui ne sont pas demandeurs de protection internationale et qui franchissent les frontières de l’Union de manière irrégulière ou qui se trouvent en séjour irrégulier dans l’Union, et d’effectuer des recherches sur ces données, de manière à ce que ces personnes puissent être identifiées à des fins de retour et de réadmission. Le stockage des empreintes digitales de ces personnes et de leurs données à caractère personnel dans Eurodac permettra aux États membres d’identifier les ressortissants de pays tiers en situation irrégulière ou les demandeurs d’asile, sans avoir à demander des informations à un autre État membre.

Le 30 mai 2017, la commission LIBE du Parlement européen a adopté un rapport ([48]) sur la question et a voté un mandat de négociation avec le Conseil. Ce rapport demande d’étendre l’utilisation d’Eurodac aux ressortissants de pays tiers et aux apatrides réinstallés afin de suivre et de prévenir les mouvements secondaires et exprime une préférence pour l’utilisation des données à caractère personnel biométriques en lieu et place des empreintes digitales, comme le proposait la Commission.

Enfin, le paquet asile avait aussi pour objectif de renforcer les missions et les moyens du Bureau européen d’appui en matière d’asile pour le transformer en Agence européenne de l’asile. La Commission a considéré que pour permettre une véritable convergence des systèmes nationaux d’asile, il fallait renforcer le mandat de cette agence afin qu’elle soit en mesure d’impulser une véritable politique commune de l’asile. Dressant le bilan de son rôle opérationnel joué durant la crise migratoire auprès de la Grèce et de l’Italie, la Commission a souhaité transformer son statut pour lui donner de nouvelles marges de manœuvre et inscrire des attributions qui apparaissaient comme exceptionnelles comme des compétences durables de la nouvelle Agence européenne de l’asile.

Les rapporteurs, estimant que ce point de la réforme est tout à fait central, feront des propositions dans la deuxième partie de ce rapport à ce sujet.

C.   Le blocage des négociations sur « le paquet asile »

1.   La méthode retenue du « paquet asile » a pu être préjudiciable

L’approche retenue, celle d’une réforme globale « par paquet » composée de textes fortement interdépendants, se justifie d’un point de vue technique par le fait que l’asile est une chaîne, et doit donc être réformé de manière cohérente dans son ensemble. La situation de crise permettait en outre de penser qu’une adoption rapide des propositions était possible ([49]), ce qui a justifié la démarche ambitieuse de la Commission européenne.

Il semblerait toutefois que cette approche ait pu avoir pour conséquence de ralentir l’adoption de la réforme. En effet, les pays les plus opposés ont pu refuser de continuer à négocier y compris sur certains textes consensuels. Ces difficultés étaient en partie prévisibles au vu des cinq années qui avaient été nécessaires pour adopter le règlement Dublin III.

Dans le cas d’une adoption échelonnée de la réforme, le règlement dit Eurodac ou le règlement relatif à la future agence européenne de l’Asile, textes à la portée politique plus modeste, auraient pu connaître une adoption plus rapide, voire même avant les élections européennes.

En tout état de cause, la Commission européenne a renoncé à la méthode du paquet à l’occasion d’une communication en décembre 2018. Un échelonnement des négociations apparaît à ce stade comme la seule porte de sortie, à moins de revenir totalement sur le contenu du « paquet asile », qui pose en l’état des difficultés politiques complexes.

2.   Le maintien d’un blocage institutionnel

Les positions ont connu un raidissement au Conseil, conduisant à une tension croissante dans les discussions, puis à un gel des avancées sur la réforme de l’asile, auquel seul le changement de législature semblait susceptible de mettre un terme.

Depuis 2018, les négociations entre les États membres n’ont pas permis de dégager un accord. Si la présidence bulgare au premier semestre 2018 se caractérisait par une tentative de compromis, l’arrivée de la présidence autrichienne a signifié une insistance plus poussée sur le renforcement des frontières ([50]). Les discussions sur la réforme du règlement Dublin ont été interrompues.

La Commission européenne a alors tenté de faire adopter les seuls textes les plus consensuels par de nouvelles propositions faisant suite au discours sur l’État de l’Union du président Juncker en septembre 2018 ([51]).

La Commission a notamment suggéré des modifications à sa proposition initiale concernant l’Agence de l’Union européenne pour l’asile, en vue d’une extension de l’assistance opérationnelle et technique qui peut être apportée par l’agence aux États membres, pour un coût de 1,3 milliard d’euros sur cinq ans.

Elle a également formulé une proposition de renforcement majeur des ressources et des missions de l’agence européenne de garde-côtes et garde-frontières, ainsi qu’une nouvelle adaptation de la directive « Retour ».

Le Parlement européen s’est toutefois opposé à une adoption échelonnée des textes par la voix de son président ([52]). Il a appelé à ne pas remettre en question la logique de paquet, et s’est déclaré prêt à adopter les cinq propositions ayant fait l’objet d’un accord à condition que le Conseil approuve un mandat de négociation sur les deux propositions restantes, à savoir le règlement Dublin et le règlement Procédures ([53]).

La présidence roumaine a considéré qu’il n’était pas réaliste d’attendre des progrès rapides sur la réforme de Dublin et a cherché à faire avancer, autant que possible, les autres dossiers de la réforme du régime d’asile. Toutefois, une minorité de blocage s’est formée lors de trois réunions successives au comité des représentants permanents (COREPER), au cours desquelles l’Espagne a rejoint le camp de l’opposition. Par la suite, les discussions se sont arrêtées sur tous les textes à l’exception du règlement « Procédures ».

Les discussions ont alors surtout porté sur l’article 41 de ce règlement, relatif à la procédure d’asile « à la frontière. » Destinée à traiter les arrivées aux frontières extérieures de migrants demandant l’asile, cette procédure permettrait de placer les personnes en zone d’attente fermée. Bien que, dans l’actuelle directive « Accueil », la rétention doive être envisagée en dernier recours, les autorités françaises semblent soutenir l’inscription dans le droit européen de la rétention obligatoire. À ce stade, vos rapporteurs souhaitent sans ambiguïté affirmer leur opposition à un tel procédé privatif de liberté des personnes demandant l’asile, en particulier dans la mesure où il pourrait être appliqué à des mineurs.

Devant les difficultés liées au processus législatif, des moyens de négociation alternatifs se mettent en place, lesquelles prennent la forme de coopérations renforcées entre États volontaires. Aussi, à l’occasion d’un mini-sommet à La Valette le 23 septembre 2019, la France, l’Allemagne, l’Italie et Malte ont trouvé un préaccord en vue de la création d’un mécanisme temporaire de répartition automatique des demandeurs d’asile empruntant la route de Méditerranée centrale. Toutefois, lors du Conseil « Justice et affaires intérieures » des 7 et 8 octobre, cette proposition n’a pas suscité d’adhésion forte chez les autres États membres. Une dizaine de pays seulement sont prêts à coopérer dans le cadre de cette initiative.

Désormais, le retrait d’une partie des textes est évoqué, bien que la commissaire désignée aux Affaires intérieures, Mme Yvla Hohansson, ait d’ores et déjà indiqué qu’elle n’estimait pas que cela serait une solution pour sortir de l’impasse de la réforme. Une communication de la Commission est attendue à la fin de la présidence finlandaise, afin que la présidence croate du Conseil de l’Union européenne puisse être l’occasion d’un nouveau départ pour la réforme de l’asile.

   II. L’Union Européenne se trouve face à des choix politiques en matière migratoire et pour garantir
le droit d’asile

A.   La nécessité d’un accord sur les objectifs

1.   Un consensus incertain sur le périmètre d’une politique commune de l’Asile et des migrations

L’année 2018 a marqué une régression au sujet de la nécessité d’une approche européenne à la fois de la politique migratoire, du contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne et du droit d’asile.

Sous l’influence des États de Visegrád et de l’Italie, le Conseil européen s’est orienté vers une politique sécuritaire fondée sur la lutte contre l’immigration clandestine et une meilleure efficacité de la politique des retours pour les déboutés du droit d’asile et les migrants irréguliers.

Le droit d’asile devient de plus en plus difficile à exercer faute de possibilité d’accéder au territoire de l’Union européenne. Aussi, vos rapporteurs préconisent de revenir à l’approche équilibrée de l’ « agenda européen en matière de migration » de 2015 ([54]) qui prévoyait une approche globale des questions migratoires, tout en opérant une distinction nette entre ce qui relève de la politique de l’asile et de la politique des migrations. Une gestion organisée des flux migratoires légaux doit avoir deux composantes d’une part, un droit d’asile européen et intégré d’une part, une politique d’immigration légale d’autre part. Celle-ci implique que les États membres demeurent maîtres de leur quota de visas de long séjour (travail ou suite à un regroupement familial), mais avec des instruments communs à l’ensemble de l’Union européenne.

Ainsi, le projet de carte bleue européenne a été lancé en octobre 2007 et concrétisé à travers la directive 2009/50/CE ([55]). Inspirée de la « carte verte » américaine, elle est destinée aux personnes hautement qualifiées issues d’un pays tiers, auxquels elle permet de circuler, séjourner et travailler sur le territoire de l’Union. Toutefois, la carte bleue est concurrencée par des dispositifs nationaux, à l’image du « passeport talents » en France ([56]).

Vos rapporteurs estiment que les propositions de la Commission européenne allant dans le sens du renforcement des voies de migration légales, autres que celle de la demande d’asile, permettront de limiter les détournements de la procédure d’asile. Aussi, elles ne doivent pas s’adresser qu’aux travailleurs hautement qualifiés. En septembre 2018, la Commission invitait notamment à renforcer la coopération avec les pays tiers, notamment en mettant en place des projets pilotes en matière de migration légale avec les principaux pays africains, ce que vos rapporteurs souhaitent saluer.

En effet, une politique de gestion des flux migratoires légaux doit nécessairement passer par un renforcement des liens diplomatiques avec les pays d’origine. Un sommet ambitieux associant les deux rives de la Méditerranée devrait pouvoir avoir lieu afin de traiter ces questions de manière concertée avec les principaux pays concernés.

2.   Un droit d’asile européen réellement harmonisé ?

a.   Le rapprochement des outils

La Commission européenne estime primordial de faire évoluer le RAEC vers un droit d’asile réellement intégré grâce à l’adoption de règlements directement applicables dans les États membres, ce qui limite les marges d’interprétation des États membres en matière d’asile.

Cette hypothèse peut toutefois être nuancée. En effet, ce sont les autorités nationales de l’asile qui déterminent réellement les conditions d’instruction des demandes ; or, ces structures administratives nationales sont très disparates. Certaines n’ont aucune autonomie vis-à-vis du ministère de l’intérieur et appliquent des consignes liées à la politique migratoire de leur pays, d’autres jouissent d’une réelle autonomie, comme c’est le cas de l’OFPRA en France.

Une autre source de disparités tient à ce que certaines autorités nationales de l’asile sont aussi chargées de toute la politique d’accueil des demandeurs d’asile, à partir de l’enregistrement en passant par l’instruction puis par l’intégration sociale des demandeurs ayant obtenu l’asile. Dans le modèle français, les garanties procédurales sont importantes mais les demandeurs d’asile sont confrontés à de multiples structures administratives pour gérer les différents aspects de leur situation (accès à un logement, à des soins, au travail…).

Aussi, vos rapporteurs estiment qu’il serait pertinent d’harmoniser, au sein de l’Union, l’organisation des structures administratives en charge de l’instruction des demandes d’asile. En effet, pour aboutir à un droit de l’asile protégé et mis en œuvre de la même manière par les États membres, il faudrait réfléchir à l’organisation administrative de la chaîne de l’asile et prévoir des autorités nationales chargées de l’instruction disposant d’une réelle autonomie juridique par rapport aux autorités ministérielles définissant la politique migratoire.

Enfin, vos rapporteurs souhaitent qu’une approche intégrée de la situation particulière des mineurs non accompagnés ([57]) soit définie dans un cadre européen. Les pratiques des États membres restent divergentes en termes de procédures d’évaluation de l’âge, de droits aux services médicaux et sociaux ou encore au regroupement familial ([58]). Si le droit français interdit par exemple le refoulement de ces mineurs, ce n’est pas nécessairement le cas des autres droits nationaux ([59]). Au vu de la vulnérabilité particulière de cette catégorie de personnes en besoin de protection, les procédures d’asile doivent être adaptées, notamment en termes d’information, et se voir donner un cadre européen cohérent.

b.   La nécessaire prudence dans la définition de pays sûrs

La question se pose différemment selon qu’on évoque la situation du pays d’origine du demandeur d’asile, qui est traditionnellement au cœur des critères d’attribution d’une protection internationale, et les pays tiers ou de transit sur le territoire desquels la présence du demandeur a pu être recensée avant son arrivée sur le territoire européen.

Le concept de « pays d’origine sûr » est déjà présent dans la directive « Procédures » du 26 juin 2013, et en droit français ([60]). S’il ne permet pas d’écarter a priori une demande, il est de nature à en permettre un traitement accéléré et fortement dérogatoire sur le plan procédural. Vos rapporteurs estiment qu’une liste européenne consolidée devrait pouvoir rassembler le plus petit dénominateur commun des listes de pays établies par les autorités nationales, tout en permettant aux États membres de maintenir des listes nationales parallèles.

Toutefois, le concept de « pays tiers sûr » n’a pas été intégré en droit français ; il violerait potentiellement des dispositions relevant de l’ordre constitutionnel français, qui l’obligent à protéger les étrangers « persécutés en raison de leur action en faveur de la liberté ([61]) ». Or, ce motif pourrait être retenu comme fondement pour qualifier les risques de persécution dans de nombreux cas de demandes d’asile ([62]).

Aussi, la France veille, dans le cadre des négociations du règlement « Procédures », à ce que ce concept reste d’application facultative. Vos rapporteurs soutiennent cette position, car ils estiment que l’Union européenne ne saurait reporter la charge de l’accueil sur des pays du pourtour méditerranéen. De plus, le transit par un pays tiers, même démocratique, ne garantit aucune possibilité réelle d’installation dans ce pays.

B.   Pour un mécanisme de solidarité entre les États membres

La façon dont les États membres organisent leur gestion commune de l’asile dépend de choix politiques orientés par des considérations pratiques. L’équilibre entre responsabilité et solidarité peut notamment être réalisé de manière à prendre en compte les caractéristiques réelles des flux migratoires.

1.   Le partage des charges liées à la garantie d’une Europe qui protège

L’objectif d’un mécanisme de solidarité ambitieux et adapté que vos rapporteurs appellent de leurs vœux doit avoir pour objectif de répartir au mieux les charges afférentes au traitement des demandes d’asile entre les États membres.

Aussi, l’affirmation du principe de responsabilité du pays de première entrée est en décalage avec la réalité des mouvements secondaires. En effet, il existe des raisons objectives pour les migrants de souhaiter demander l’asile dans un État membre en particulier. La présence, sur un territoire donné, d’une diaspora bien implantée, est une dimension essentielle. La connaissance de la langue du pays, condition indispensable à une intégration sur le marché du travail et dans la société, doit également pouvoir être prise en compte. Enfin, des liens familiaux existants sont une autre raison qui pousse à demander l’asile ailleurs que dans l’État d’arrivée sur le territoire européen.

La réforme du règlement Dublin pourrait ainsi mieux prendre en compte ces diverses raisons pour permettre aux demandeurs d’asile, dans des cas plus nombreux, de déposer une demande dans un État autre que celui de première entrée. L’ouverture plus large de cette possibilité permettrait de réduire l’énergie consacrée à la lutte contre les mouvements secondaires au sein de l’Union.

Cette possibilité doit toutefois nécessairement avoir pour contrepartie un nouveau mécanisme de solidarité entre les États membres. La situation humanitaire dans les centres contrôlés des îles grecques rend indispensable une répartition de la charge d’accueil, bien que les discussions à ce sujet demeurent informelles et que l’échec de 2015 pèse encore politiquement.

La France, qui soutient la relocalisation, estime que tous les États membres devraient accueillir des personnes relocalisées mais est prête à envisager une certaine flexibilité dans les formes et les modalités de la solidarité. Lors d’une rencontre le 18 septembre 2019, le Président Macron et le chef du gouvernement italien Conte ont affiché une volonté commune de mettre en place un mécanisme automatique de répartition des migrants, auxquels tous les pays devraient participer « d’une façon ou d’une autre », sous peine de pénalités financières ([63]).

Vos rapporteurs se félicitent d’une telle prise de position, mais souhaitent souligner qu’un seul appui logistique aux États de première entrée ne saurait se substituer à l’accueil, par tous les pays de l’Union, de demandeurs d’asile sur leur sol. En effet, un refus de participer à cet accueil serait en opposition avec les valeurs fondatrices de l’Union, et méconnaîtrait également la charge particulière que représente l’accueil des personnes pour les autorités des pays concernés.

Les autorités françaises comme allemandes estiment que la solidarité entre États membres pourrait prendre une forme alternative à la relocalisation à titre dérogatoire, à condition que les mesures (pécuniaires, logistiques ou humaines) prises soient significatives.

Un mécanisme permanent de répartition des demandeurs d’asile entre États membres, fondés sur des critères objectifs liés à la prospérité et à la population des pays, suppose de renforcer la future Agence de l’Asile, qui devra gérer l’outil statistique permettant de suivre les quotas de réfugiés par État. Cette agence devrait aussi assurer la logistique des transferts entre États membres.

2.   Le renforcement de la coopération en matière opérationnelle et judiciaire

L’architecture à venir du régime d’asile européen commun a vocation à impliquer davantage l’agence Frontex. Les personnes déboutées du droit d’asile se trouvent en effet dans une situation similaire aux autres étrangers ne disposant pas d’un titre de séjour pour demeurer sur le sol de l’Union européenne.

Aussi, le nouveau projet de règlement relatif à Frontex ([64]) présenté en 2018 vise à renforcer le mandat de cette agence. Elle pourra ainsi apporter un soutien technique et opérationnel plus important aux États membres dans la phase du retour des ressortissants de pays tiers.

La proposition de règlement précise que Frontex a notamment pour mission de coopérer étroitement avec l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (voir infra), dont la compétence se termine lorsque les personnes voient leur demande de protection internationale rejetée. Vos rapporteurs soutiennent l’idée qu’une accélération et une amélioration des conditions dans lesquelles sont traitées les demandes d’asile doit avoir pour corollaire une politique de retour dotée de moyens plus importants.

La coopération européenne doit également progresser en matière de lutte contre les trafics de personnes. Le commerce criminel des passeurs et la traite opérée par les réseaux aux frontières extérieures de l’Union européenne sont des phénomènes à l’égard desquels la plus grande fermeté doit être attendue.

L’actuelle absence de coopération judiciaire pour épauler la coopération policière en matière de poursuite des trafiquants est une lacune dans l’arsenal européen. Aussi, vos rapporteurs appellent à la création d’un service européen spécifique contre les voies de passeurs. Ils rappellent que l’Assemblée nationale s’était prononcée pour l’élargissement des pouvoirs confiés au parquet européen, dont le mandat est, pour l’heure, limité aux atteintes aux intérêts financiers de l’Union européenne ([65]).

C.   Quelles missions pour l’Agence européenne de l’Asile ?

1.   Doter l’Agence européenne de l’asile de véritables moyens opérationnels et d’un droit de regard sur les centres d’accueil

La crise migratoire de 2015-2016 a contraint l’Union européenne à mettre en place des solutions d’urgence, et donc nécessairement imparfaites, pour soutenir les pays les plus exposés aux flux migratoires.

Le Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO), qui était une modeste agence européenne, s’est trouvé confronté à des missions opérationnelles de gestion de crise dans les hotspots en Grèce et en Italie. Il a démontré l’utilité d’avoir une agence européenne capable d’apporter un soutien logistique et juridique pour permettre aux États d’enregistrer correctement toutes les personnes migrantes arrivant sur leur sol.

Le retour d’expérience des hotspots a suggéré que l’EASO devait devenir une agence beaucoup plus opérationnelle et plus structurée pour disposer d’équipes de professionnels stables. Ainsi, les pratiques entre les différents hotspots, actuellement très divergentes, pourraient être harmonisées entre les pays.

Vos rapporteurs suggèrent qu’à terme, des centres d’accueil aux standards européens soient créés sur le territoire des États membres volontaires pour participer à la solidarité en matière d’accueil des demandeurs d’asile.

Les demandeurs d’asile y seraient hébergés dans l’attente du traitement de leur demande par les autorités nationales, épaulées par la future EASO. Un soin particulier doit être porté à ce que les personnes y bénéficient d’une information complète et accessible sur leurs droits et sur les voies de recours qui leur sont offertes, à rebours de ce qui a pu être observé par les rapporteurs dans les centres existants. Une attention particulière devrait être portée aux possibilités d’accès à la formation durant ces périodes d’attente, en particulier par des cours de langues, qui sont fondamentaux dans l’accès ultérieur au marché du travail et une intégration réussie.

L’harmonisation de la gestion des centres d’accueil sur le territoire européen ne doit pas conduire à se désintéresser des hotspots situés en dehors de l’Union. Vos rapporteurs souhaitent que les pays européens puissent, à travers l’EASO, porter un regard exigeant sur ces hotspots, dans lesquels les conditions devraient être, a minima, alignées sur celles des camps du HCR.

Le projet de réforme du règlement sur la future agence européenne de l’asile est fortement inspiré par le nouveau statut de l’agence Frontex. Toutefois, dans ses propositions de septembre 2018, la Commission franchit une étape supplémentaire, en prévoyant que cette agence pourra jouer un rôle quasiment juridictionnel. Elle pourrait ainsi aider les États, en particulier la Grèce, qui ne parviennent pas à instruire les demandes d’asile dans des délais raisonnables, à rédiger des décisions d’appel. Formellement, ce sont toujours les juridictions des État membres qui seraient responsables des décisions mais il s’agit bien d’une quasi-substitution aux autorités nationales.

2.   Créer une culture commune du droit d’asile

L’EASO a déjà un rôle important de formation des professionnels de l’asile et contribue à l’harmonisation des pratiques dans tous les États membres. Elle produit notamment des rapports d’analyse et de synthèse sur les situations dans les pays d’origine.

Il faut renforcer ce rôle de « soft law », qui consiste à établir des standards à travers du droit souple ; la future agence de l’asile pourra contribuer, par des groupes de travail réunissant les différentes autorités des États membres, à définir des normes communes à toute l’Union européenne. C’est ainsi, par exemple, que l’EASO a déjà participé à une approche commune sur l’évaluation des vulnérabilités.

L’Agence devrait aussi jouer un rôle majeur pour collecter des informations sur les États d’origine des demandeurs d’asile pour suivre l’évolution géostratégique de certains pays en crise. Les risques de persécution évoluent rapidement selon les pays et il paraît très important que les États membres puissent mutualiser les informations recueillies sur ces pays. Ce partage d’informations contribuera à réduire les disparités entre États membres sur les taux de reconnaissance du droit d’asile selon les nationalités.

L’Agence européenne pourrait également être chargée d’une définition de la liste européenne, non-contraignante, des « pays d’origine sûrs » regroupant les pays d’origine des demandeurs d’asile considérés par tous les États membres comme ne posant pas de problèmes. Chaque pays pourrait à titre transitoire conserver une liste nationale de « pays d’origine sûrs », et aurait la faculté de faire des exceptions.

Elle pourrait également définir une méthode pour surveiller l’évolution géopolitique et le contexte de régional de ces pays. L’évolution de la situation intérieure en Turquie illustre cette nécessité.

3.   Fixer aux États membres l’objectif d’une reconnaissance mutuelle, à terme, des décisions relatives à l’asile

Dans une Union caractérisée par la solidarité et la confiance entre les États membres, la reconnaissance mutuelle entre les agences nationales, et donc des décisions individuelles d’octroi du statut de réfugié, doit être un objectif, afin de permettre des transferts de protection.

Toutefois, une telle reconnaissance ne peut être envisagée qu’à moyen terme. Elle suppose, au préalable, une véritable harmonisation des pratiques administratives et de l’interprétation de la Convention de Genève. Parmi les conditions d’une harmonisation, vos rapporteurs estiment nécessaire de faire de l’autorité nationale en charge des demandes d’asile, dans chaque pays, une agence indépendante, à l’image de l’OFPRA en France, afin d’éviter toute interférence politique dans son fonctionnement.

Pour la France, reconnaître les décisions de refus du droit d’asile pourrait poser un problème constitutionnel, car les autorités sont tenues d’examiner individuellement toute demande de protection internationale ([66]). Or, ce ne serait pas le cas si la décision de refus avait été décidée par une juridiction d’un autre État membre.

La reconnaissance mutuelle des décisions présenterait l’avantage de rendre inutiles les demandes successives déposées dans plusieurs États membres par le même demandeur. Elle serait rendue particulièrement aisée par le traitement centralisé des demandes d’asile par une autorité unique. Toutefois, les propositions d’élargissement de l’EASO n’évoquent pas un tel changement, que les États ne seraient, en tout état de cause, pas prêts à accepter.

D.   Assurer des voies sécurisées et légales d’arrivée en Europe

1.   Diversifier les possibilités extra territoriales d’accès à l’asile

Vos rapporteurs estiment indispensable d’éviter aux personnes en besoin de protection humanitaire, autant que possible, les difficultés inhérentes aux voyages organisés par les passeurs ([67]). Aussi, l’existence de voies légales d’immigration mieux adaptées permettrait de limiter les migrations illégales, mais aussi les tentatives de détournement de la procédure d’asile par des personnes ne pouvant prétendre à une protection internationale.

La réinstallation en coopération avec le HCR depuis les camps de réfugiés a le mérite d’atteindre les réfugiés qui se trouvent dans les situations humanitaires les plus dramatiques, notamment les femmes avec des enfants en bas âge ou les personnes malades ([68]). Aussi, il est essentiel de poursuivre et de renforcer la participation des États membres à ces mécanismes de réinstallation.

Vos rapporteurs souhaitent souligner que d’autres méthodes pour garantir le droit d’asile sont possibles. La mise en œuvre de « couloirs humanitaires » permettant à des personnes vulnérables de quitter leur pays en toute sécurité pour être accueillies au titre de l’asile, en est une. Quant au parrainage de réfugiés par des communautés d’accueil préparées à les recevoir, il s’agit d’une pratique répandue au Canada. Cette dernière méthode présente une importante plus-value en termes d’intégration.

2.   Des visas humanitaires pour solliciter une demande d’asile ?

Afin de garantir le droit d’asile, devoir moral pour l’Union européenne, des visas « humanitaires » pourraient être octroyés, qui garantissent un accès au territoire européen dans le seul but de demander une protection internationale. Un tel dispositif aurait le mérite de garantir l’effectivité du droit de déposer une demande de protection internationale.

À l’instar des « visas au titre de l’asile » délivrés par le réseau diplomatique français sur consultation éventuelle de l’OFPRA, des visas pourraient être délivrés dans les ambassades et consulats de l’Union sur le territoire des pays tiers. Ils permettraient de remédier au fait que 90 % des personnes bénéficiant d’un statut de réfugié ou d’une protection subsidiaire seraient arrivées dans l’Union par des moyens irréguliers ([69]).

Nonobstant la sécurisation des parcours de migration que permettrait cette option, les autorités françaises y sont opposées, notamment du fait du risque potentiel d’un « appel d’air ». La commission LIBE du Parlement européen a fait des propositions en ce sens ([70]), qui ont toutefois été rejetées.

Vos rapporteurs estiment que la délivrance de visas humanitaires est une piste à exploiter. Toutefois, attachés à la défense de l’asile en tant que tel, ils estiment que de tels visas devraient plutôt porter un nom évocateur comme « visas demande d’asile », à la différence du terme « visa humanitaire » qui avait été utilisé par le Parlement européen.

Un tel visa ne permet pas, en effet, de faire l’économie d’une réflexion sur d’autres dispositifs complémentaires destinés aux personnes ne pouvant prétendre au statut de réfugié. Le droit d’asile devrait ainsi être complété par un outil alternatif pour les cas particuliers qui n’en relèvent pas strictement ([71]). Un tel mécanisme pourrait, par exemple, viser les déplacés climatiques, dont le nombre a vocation à s’accroître fortement d’ici à la fin du siècle ([72]), ou encore les personnes victimes de violences sur la route de l’exil, qui sont nombreuses.

Alors que le droit d’asile actuel (tout comme l’attribution de la protection subsidiaire) ne prend en compte que la situation dans le pays d’origine des personnes, il est nécessaire de s’attacher à l’évolution de leurs situations en fonction du parcours de migration. Ainsi, l’Union européenne pourra se doter d’une panoplie juridique complète pour faire face aux situations de détresse humanitaire.


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   Conclusion

 

Le processus de réforme du droit d’asile européen aura été, quel que soit son dénouement futur, long et difficile. Il a mis au jour des lignes de fracture au sein de l’Union européenne aux moments où une action concertée et solidaire était la plus indispensable.

La poursuite des négociations nécessite une approche nuancée et volontariste de la part des États membres, qui doivent se mettre d’accord sur des objectifs clairs dans le cadre de leurs obligations au regard du droit international.

« L'Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises » : cette prévision maintes fois vérifiée de Jean Monnet augure d’un dénouement favorable, qu’il est permis d’espérer au vu de l’enjeu politique et moral de la question de l’asile.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION


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   Audition de Mme Cécilia Wikström par la
commission des affaires européennes

 

26 juin 2018

 

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Mes chers collègues, je suis heureuse d’accueillir aujourd’hui Mme Cecilia Wikström, députée européenne et rapporteure du règlement Dublin IV, qui est sans aucun doute le texte le plus controversé de la réforme européenne du droit d’asile en cours. Madame Wikström, vous êtes eurodéputée suédoise, vous avez été élue en 2009 et vous êtes membre du groupe ADLE. Vous êtes spécialiste des questions migratoires et vous avez travaillé sur de nombreux dossiers relatifs au droit d’asile : vous avez à ce titre été rapporteure du texte portant révision du Règlement Dublin II, en 2013.

Nous sommes très intéressés de vous entendre sur la réforme du Règlement de Dublin, tant il se trouve au cœur de l’actualité. La règle qui impose au pays de première entrée d’instruire les demandes d’asile fait en effet peser un fardeau inéquitable sur certains États, comme la Grèce ou l’Italie. Les mécanismes de relocalisation se heurtent pour leur part au refus de certains États membres d’accueillir des demandeurs d’asile. L’actualité récente montre que la question migratoire divise profondément l’Union européenne, plusieurs États membres souhaitant revenir à des solutions nationales de contrôles de leurs frontières. Certains, dont la France, proposent de créer des centres fermés pour examiner les demandes sans accorder le droit au séjour, d’autres proposent de créer des centres à l’extérieur de l’Union.

Le Conseil des ministres franco-allemand du 19 juin dernier qui s’est tenu à Meseberg a défendu la nécessité d’une approche globale passant par un renforcement de Frontex, un soutien accru aux pays d’origine et de transit, ainsi que la mise en place d’un système européen commun d’asile. La réunion préparatoire au Conseil européen des 28 et 29 juin, convoquée par le Président de la Commission européenne, et qui s’est tenue dimanche 24 juin à Bruxelles, a souligné l’ampleur des divisions entre États membres. L’hostilité des pays du groupe de Visegrád à tout mécanisme de relocalisation s’est manifestée par leur refus de participer à cette rencontre. L’Allemagne est confrontée à des divisions politiques majeures sur cette question. L’Italie quant à elle ferme ses ports en se prévalant du résultat des dernières élections. Dans ce contexte, il est urgent de trouver des moyens de soutenir les pays européens les plus exposés aux arrivées de migrants. La réforme de l’asile, et plus spécifiquement du Règlement de Dublin, constitue l’une des réponses que l’Union européenne doit apporter à la crise migratoire.

Pouvez-vous nous expliquer quels sont les points majeurs de divergence entre les États membres et le Parlement sur la refonte du Règlement de Dublin ? Quels sont les enjeux de la création d’une agence pour l’Asile ? Quelles sont vos préconisations pour que cette réforme, initiée en 2016, puisse aboutir ?

Mme Cecilia Wikström, rapporteure du projet de règlement « Dublin IV ». C’est un honneur pour moi de pouvoir échanger sur un enjeu aussi important pour l’avenir de l’Union européenne : les institutions européennes et les États vont-ils être capables de s’accorder sur un régime européen d’asile qui soit efficace, juste, responsable et solidaire ? Les derniers mois n’en ont malheureusement pas apporté la preuve.

Je suis députée européenne depuis de nombreuses années et j’ai été rapporteure de la précédente réforme du régime européen d’asile, qui a abouti au règlement dit « Dublin III ». Pour bien poser le contexte, il faut savoir que la réforme actuelle a été proposée par la Commission européenne en juillet 2016, en réponse à la crise migratoire de 2015 qui avait mis en lumière les insuffisances criantes du régime actuel. Elle a donc proposé sept textes sur lesquels le Conseil et le Parlement européen sont co-législateurs et doivent trouver un accord. Nous en sommes proches pour cinq d’entre eux mais restent les plus problématiques : le règlement de Dublin lui-même et celui sur les règles procédurales.

En ma qualité de rapporteure du Parlement européen, je confirme que le futur règlement Dublin IV est le texte le plus du controversé du projet de réforme européenne du droit d’asile. Le règlement de Dublin a été adopté sous la Présidence finlandaise en 1999, il y a vingt ans. Ce règlement est lié au système de l’espace Schengen qui a supprimé les frontières intérieures au sein de l’Union européenne. Il s’est rapidement révélé être inadapté à la gestion des flux migratoires dès lors que les personnes ont cessé d’arriver en Europe par voie aérienne pour y entrer par les mers. Dès le début s’est posée la question de l’État membre responsable de l’accueil des personnes entrant dans l’Union européenne. Parmi les différents critères prévus pour déterminer cette responsabilité, le seul qui a été utilisé est celui du pays d’entrée dans l’Union européenne. Du fait des points d’entrée les plus fréquemment constatés, les pays du Sud sont seuls tenus responsables de l’enregistrement des individus dans la base Eurodac et de la gestion des frontières extérieures de l’Union. Le règlement de Dublin III fait peser pour l’heure un poids trop important aux pays de premier accueil.

Le système a été totalement submergé par la crise migratoire, avec notamment le pic de 2015, si bien que personne n’a été enregistré cette année-là. Cinq des 28 États membres ont été particulièrement sollicités, en particulier l’Italie et la Grèce. Avec un million de personnes, ce dernier pays a subi une énorme pression migratoire en 2015. Après avoir transité par la Grèce ou l’Italie où ils n’avaient pas été enregistrés, les migrants ont échappé à tout contrôle et se sont librement dispersés dans divers États de l’Union. C’est ainsi que nombre d’entre eux sont arrivés en Suède et encore davantage en Allemagne qui en a accueillis 800 000 en 2015. À la suite de cette crise migratoire, personne ne s’est plus conformé aux règles du système de Dublin. Les États ont rétabli des contrôles nationaux à leurs frontières, comme par exemple entre la Suède et le Danemark ou entre ce pays et l’Allemagne. La Suède a adopté une règlementation moins favorable aux demandes d’asile pour rendre le pays moins attractif et décourager les candidats, chaque État membre étant tenté de durcir de la même manière sa politique d’asile. En l’absence de mise en œuvre de l’outil de gestion des demandeurs d’asile, le bon fonctionnement du système de Schengen était compromis.

Le Parlement européen a montré sa capacité à proposer des solutions de compromis alors que les États membres apparaissent profondément divisés. Le principe de solidarité envers les pays en première ligne pour l’accueil des réfugiés doit être mis en œuvre. Au terme d’un an et demi de discussion, de centaines de réunions, de vingt-deux tours de négociation, cinq groupes parlementaires, le PPE, les S&D, l’ADLE, les Verts/ALE et la Gauche unitaire, soit les deux tiers des membres du Parlement européen, représentant 118 partis politiques européens, ont accompli l’exploit historique d’aboutir à une position commune, alors que, lors du dernier Conseil, 28 ministres n’ont pas su se mettre d’accord sur un texte.

L’accord trouvé fait preuve d’un grand pragmatisme. Le texte a été amélioré par rapport à la version proposée par la Commission européenne. Il prévoit de déterminer la responsabilité de l’État membre chargé de l’examen d’une demande de protection internationale en fonction de plusieurs critères et de réformer le mécanisme de relocalisation. La relocalisation tiendrait compte notamment du PIB et de la démographie de l’État concerné, de l’intérêt ou du lien du demandeur avec cet État. En contrepartie, il convient de remettre en ordre le système d’enregistrement dans l’État membre de première entrée dans l’Union : des contrôles de sécurité seraient ainsi rendus obligatoires. Rappelons à cet égard que 20 000 enfants ont malheureusement disparu des radars depuis 2015 et qu’ils sont peut-être exploités dans la plus grande impunité sur le marché du travail. En outre, pour pouvoir bénéficier du statut de demandeur d’asile, les demandeurs devraient demeurer dans l’État membre responsable de l’examen de leur demande de protection internationale. Ceux des migrants qui n’ont pas la possibilité d’obtenir le statut de demandeur d’asile seraient renvoyés vers leur pays d’origine.

Grâce à une amélioration de la fourniture d’informations, de l’aide juridique et du soutien aux demandeurs d’une protection internationale qui demeurent dans le pays d’entrée, les migrants seraient encouragés à rester dans le système officiel. De solides garanties seraient prévues pour les mineurs, qu’ils soient accompagnés ou non ainsi que pour les personnes vulnérables. De manière générale, les demandes d’asile seraient examinées avec la plus grande impartialité quel que soit l’État considéré.

Les personnes bénéficiant d’une aide juridique font moins appel aux tribunaux. Il faut créer des incitations à rester à l’intérieur du système. Est-ce qu’on crée un véritable système européen ou laisse-t-on le soin à chaque État membre de trouver sa propre solution ? Nous avons reçu des textes du Conseil, nous avons travaillé à ce sujet, nous avons un mandat important du Parlement européen. Mais j’ai besoin d’un partenaire avec qui travailler, et pour l’instant, ce n’est pas le cas. Ce printemps, la présidence bulgare a émis une proposition qui diffère du texte du Parlement européen et qui ne recherche aucun compromis. La directive relative aux migrants n’a jamais été appliquée, même à l’époque de l’afflux massif de 2015, faute de consensus au Conseil. Nous n’aurons jamais ce consensus, c’est pourquoi il faut aller de l’avant avec une position commune à ce sujet.

Il y a trois groupes de pays :

- cinq États de l’Europe méditerranéenne, qui s’inquiètent de la mise en œuvre des directives ; ils craignent de se retrouver seuls à gérer des camps de migrants ;

- un second groupe d’États membres qui voudrait une forme de solidarité européenne, à partir du Règlement de Dublin ; ce groupe comprend la France, l’Allemagne, la Suède ;

- les quatre pays de Visegrád et l’Autriche ne veulent aucune solidarité européenne sur ce dossier.

Pour ce qui est des chances que ces pays arrivent à s’entendre à Bruxelles cette semaine, les perspectives sont plutôt sombres. Le Conseil doit prendre une décision à la suite d’un vote à la majorité qualifiée, toutes les voix doivent donc être écoutées. Aujourd’hui, certains États membres n’ont pas encore montré leurs cartes. La situation est bien pire qu’il y a six mois. Bien sûr, il faut voir sur quoi les États membres peuvent se mettre d’accord au Conseil, sur des sujets tels que le contrôle, le retour, le renforcement de la sécurité. Il nous faut un système d’asile commun en Europe.

Les développements des dernières semaines ont fait émerger l’idée d’immenses camps à l’extérieur de l’Union européenne. Cette solution des « plateformes » est mauvaise et très contestable juridiquement. C’est une idée qui date des années 1990, rejetée pour des raisons morales, juridiques et pratiques. L’Union européenne n’a pas compétence au Maroc, en Tunisie ou en Lybie : il n’y a pas de base juridique pour cela. Lorsqu’on essaie d’externaliser la responsabilité européenne, cela pourrait nous faire perdre la dynamique de ces dernières années en faveur d’une solution durable. La seule solution envisageable consiste en l’établissement d’un système d’asile commun.

En mai 2017, un Eurobaromètre a posé la question de savoir dans quel domaine l’Union européenne devait changer : 70 % des personnes interrogées ont répondu qu’elles voulaient plus de sécurité, de lutte contre le terrorisme, que l’Europe soir le fer de lance en matière de changement climatique et qu’on mette en place un système commun d’asile. Nous avons agi dans les deux premiers domaines, mais nous sommes bredouilles sur la question de l’asile. Comment pouvons-nous arriver bredouilles aux prochaines élections européennes ? C’est un défi de taille, faute de quoi nous verrons la réapparition de frontières intérieures et nous aurons laissé tomber les citoyens. Il n’y a pas de solution magique en la matière : les demandeurs d’asile frapperont toujours à notre porte. L’Union européenne a déjà franchi des obstacles plus difficiles que cela. L’heure est à l’action.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Il est surprenant que le Parlement européen arrive au consensus que vous décrivez et que le Conseil soit incapable de prendre les décisions dont on a besoin. Mes collègues le confirmeront, les questions de migrations préoccupent beaucoup nos concitoyens dans nos circonscriptions. Sans réponse sur ce sujet, nous aurons de mauvaises surprises aux prochaines élections.

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Un grand travail a été fait par la Commission LIBE, on ne peut que vous féliciter pour vos efforts et la majorité politique que vous avez su dégager au Parlement européen Comme j’ai eu récemment l’occasion de le dire en tant que rapporteur d’information sur la réforme du système européen du droit d’asile, la stabilité de l’Union européenne est menacée du fait de son impuissance à gérer les phénomènes migratoires. Le pic de la crise a été atteint en 2016. Nous sommes face au défi de l’adoption de solutions urgentes pour organiser les flux migratoires, tout en développant une stratégie à long terme. Avec la montée des populismes et des nationalismes, les États membres sont tétanisés et certains gouvernements, pour rassurer leur opinion publique, ne font qu’adopter des mesures nationales de repli sur soi. Il faut combattre l’idée que l’Union européenne est impuissante. Certes, tous les pays européens n’ont pas la même culture d’accueil des populations étrangères et certains sont plus exposés que d’autres du fait de leur situation géographique, mais il est illusoire de croire que certains États puissent faire face seuls à ce défi. Les populistes se plaisent à caricaturer l’inaction de l’Union européenne, mais il me semble vital de montrer, au contraire, que l’Europe ne part pas de rien. Elle dispose d’une agence Frontex, capable de devenir à terme une véritable police des frontières. L’Union a été également capable de négocier les cinq textes qui constituent aujourd’hui le « paquet Asile ».

Il reste aujourd’hui à se mettre d’accord sur un mécanisme de solidarité permettant aux États membres en première ligne de ne pas supporter seuls le poids des demandes d’asile et de l’intégration des réfugiés. Il faut mesurer le chemin parcouru et ne pas se focaliser uniquement sur les points de divergence. Sur sept textes en discussion, cinq ont fait l’objet d’un accord en trilogue. Les États de Visegrád rejettent actuellement tout mécanisme automatique de relocalisation : ne pourrait-on pas conditionner l’attribution du fonds européen à l’acceptation par les États des relocalisations en les majorant en fonction du nombre de personnes accueillies ? Pour éviter de bloquer l’ensemble du paquet Asile, pensez-vous qu’une coopération renforcée soit possible, notamment pour les questions relatives au traitement des demandes d’Asile, dans le cadre du Règlement Dublin IV ? C’est ce qui est proposé par la Chancelière Merkel, le Président Macron et le premier ministre Sanchez. Pour sortir de cette marchandisation humanitaire par la politique, faut-il que certains États membres prennent une décision seuls et oublient une partie de l’Union européenne ?

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Je vous remercie pour votre intérêt de longue date sur ces questions. Je suis co-rapporteure avec Ludovic Mendes sur la politique européenne de l’asile. Avez-vous une évaluation de ce qui a été fait sur l’application des directives existantes ? Quel est le bilan des hotspots, mis en place dans les pays de première entrée ? S’il existe des différences dans le mode d’accueil en Italie et en Grèce, faut‑il une présence plus massive de Frontex dans les hotspots ? Comment aider les pays en première ligne ? On a parfois le sentiment que les peuples sont abandonnés. Quelle est la politique de l’Union européenne en direction des États tiers d’origine et de transit ? Enfin, pour terminer, j’aimerais savoir s’il existe un bilan de l’accord avec la Turquie ? La question est toujours d’actualité. Comment appréciez‑vous le renforcement de l’homogénéité des règles d’asile entre les États membres, qui entraînent des obligations supplémentaires pour les demandeurs d’asile ?

Mme Liliana Tanguy. À la veille du Conseil européen, on ne peut que constater les divergences des États membres au sujet des mesures à adopter pour parvenir à maîtriser les flux de demandeurs d’asile et de migrants. Certains préconisent des centres fermés sur le territoire de l’Union européenne pour procéder à l’enregistrement des personnes qui arrivent et déterminer si elles sont éligibles au droit d’asile, tandis que d’autres proposent la création de « plateformes de débarquement » qui se situeraient hors du territoire de l’Union européenne et qui auraient la même fonction de sélection. Ces profondes divergences risquent de conduire à l’échec du prochain Conseil européen. Pensez-vous qu’il soit possible de surmonter ces oppositions pour trouver un compromis acceptable par tous ?

Mme Cecilia Wikström, rapporteure au Parlement européen. Pour répondre à la question de M. Ludovic Mendes sur la possibilité de trouver un compromis avec les pays du groupe Visegrád en mettant en œuvre un mécanisme de solidarité consistant à majorer la participation financière des États qui refusent l’accueil de demandeurs d’asile, je dirai sans hésitation que cette solution n’est pas envisageable. J’attire votre attention sur le fait que ces pays réfractaires à toute forme de solidarité concrète sont largement bénéficiaires des fonds européens. Nous disposons d’un levier pour faire pression sur ces États et leur expliquer qu’ils ne peuvent pas s’exonérer unilatéralement d’obligations qui ont été décidées par le Conseil européen. Lorsque j’ai proposé au cours de la négociation sur le Paquet asile de prévoir des sanctions financières pour les États qui ne respecteraient pas le mécanisme de solidarité, j’ai été sévèrement critiquée, mais aujourd’hui plusieurs ministres ont fait la même proposition. Il faut conserver une forme de réciprocité au sein de l’Union européenne : les États qui bénéficient de la solidarité financière européenne ne peuvent pas refuser toute participation à une politique commune.

Tout ne peut pas se résoudre par une majoration des aides financières au bénéfice des États en première ligne pour l’accueil des réfugiés. La Grèce ne dispose pas des moyens matériels et humains pour instruire un million de demandes d’asile et ce n’est pas en augmentant les subsides versés à la Grèce que la situation pourrait s’améliorer. Pour prendre un autre exemple, en 2016, la Suède a instruit 163 000 demandes d’asile, alors qu’avec le mécanisme de solidarité proposé dans le cadre de la réforme du Règlement de Dublin, ce quota aurait dû être de 40 000 ; les autres demandeurs ayant été orientés vers d’autres pays moins sollicités. Ce mécanisme de solidarité, dont l’importance varie selon la population du pays et sa richesse nationale, a été conçu pour permettre d’améliorer les conditions d’intégration de ces réfugiés, alors que les pays en première ligne ont une charge beaucoup trop lourde pour offrir un accueil de qualité à ces personnes.

Madame Karamanli m’a demandé ce que je pensais de la mise en place des hotspots et s’il fallait harmoniser leur mode d’organisation. Je voudrais souligner que les hotspots ont été imaginés comme une solution d’urgence lors de l’afflux de migrants en 2015. Il a fallu créer des structures d’accueil ex nihilo, là où les secours maritimes venaient débarquer des populations qui avaient failli périr en mer. Au début ces centres d’accueil ont été assez chaotiques, car il n’y avait aucune procédure d’enregistrement, ni procédure pour les transférer vers les pays où ils voulaient déposer une demande d’asile. De gros progrès ont été faits au cours de l’année 2016, grâce à l’intervention des agences européennes et à la solidarité de certains États membres qui ont détaché des personnels qualifiés pour étudier la situation juridique de ces demandeurs d’asile. Certains hotspots connaissent encore des situations difficiles comme à Lesbos en Grèce, car certaines personnes n’ont aucune perspective de voir leur demande d’asile instruite dans des délais acceptables. Les hotspots doivent rester des lieux de transit après un premier accueil. Certains ont critiqué la première procédure de relocalisation décidée en 2015 et qui a permis à près de 33 000 personnes d’être effectivement transférées de Grèce ou d’Italie vers un autre pays européen moins exposé. Cette procédure a été longue à devenir opérationnelle, mais elle a permis de soulager les pays méditerranéens de première entrée. À l’avenir, il faut que la future Agence de l’Asile joue un rôle majeur pour organiser ce mécanisme de solidarité et ce sont des fonds européens qui doivent financer les coûts de transfert des réfugiés entre leur pays d’arrivée à celui où ils déposeront leur demande d’asile.

Je suis très consciente qu’il faut impérativement que l’Union européenne améliore sa coopération avec les pays tiers où transitent les migrants et qu’elle cherche à prévenir certaines formes de migrations économiques. Mais elle ne doit pas se décharger sur d’autres États particulièrement vulnérables, notamment en Afrique, et se défausser de ses responsabilités.

Vous m’avez interrogée sur l’accord passé entre l’Union européenne et la Turquie en mars 2016 pour me demander si je disposais d’une évaluation de ce dispositif. Je voudrais surtout souligner qu’il ne s’agit pas d’un accord légalement négocié car, si tel avait été le cas, le Parlement européen aurait dû se prononcer sur ce texte. C’est délibérément que la Commission européenne a négocié une sorte de compromis d’urgence avec la Turquie pour réduire le nombre d’arrivées de migrants dans les îles grecques. Je dirai donc que cette déclaration entre la Turquie et l’Union européenne n’est qu’un pis-aller qui ne présente aucune garantie de contrôle démocratique.

Je me suis récemment rendue en Tunisie et les responsables tunisiens m’ont fait remarquer qu’ils n’avaient jamais été consultés sur le projet d’installer sur leur sol des centres d’accueil où seraient amenés les réfugiés naufragés, afin de déterminer si ces personnes étaient bien susceptibles de déposer une demande d’asile. Ces procédures sont très longues et rien ne semble avoir été prévu pour ceux qui sont considérés comme des migrants économiques. Qui se chargera de les reconduire dans leur pays d’origine ?

Quant à la question de savoir s’il faut mettre en place des centres de premier accueil fermés pour les candidats à l’Asile sur le territoire européen, je ne me prononcerai pas sans connaître le détail de ces propositions. Pour l’instant ce sont de simples pistes de réflexion.

Je crois que la véritable urgence se situe au niveau du Conseil européen. Les États membres doivent prendre leur responsabilité, dire clairement à quoi ils s’engagent et voter sur les options qui restent en discussion. La recherche du consensus et de l’unanimité conduit à l’immobilisme, à différer des prises de décisions pourtant cruciales. Le Parlement européen a largement assumé ses responsabilités et a réussi à trouver un compromis sur la refonte du Règlement de Dublin. Le Conseil européen doit sortir de cette culture du secret et assumer ses choix. L’essentiel est d’arriver à définir un régime européen commun du droit d’asile.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je crois que le débat en cours est focalisé sur des problèmes de procédure, avec la question du pays de premier accueil, la question d’un contrôle à l'intérieur ou à l’extérieur de l’Union européenne ou encore celle de la répartition des migrants entre les différents pays au moyen de quotas. Nous avons le sentiment que nous avons, hélas, franchi une étape sur la voie de la divergence au sein de l’Union sur ces questions, avec des approches profondément différentes. Si difficile qu’il soit de trouver des solutions de fond, il est devenu impossible de traiter les problèmes administratifs sans poser les questions de fond et sans avoir une doctrine commune sur l'évolution de la demande d'asile ou une approche commune de l'immigration économique.

Personnellement, je suis très favorable à ce que nous honorions de façon très pointilleuse nos engagements au titre des conventions de Genève. Je suis plus réservé sur la compensation des faiblesses démographiques des pays du Nord de l’Europe par les populations du Sud dans un but économique. À cela s’ajoute la problématique nouvelle de la migration climatique. Or, si ces problèmes sont en partie nouveaux, ils restent très insuffisamment discutés.

Je voudrais vous demander si on ne doit pas selon vous traiter le problème au fond, quitte à concevoir une organisation avec un petit nombre d'États, puisqu'il y a maintenant de trop grandes divergences au sein de l’Union. Ce constat ne me réjouit pas, car j’ai été Président de la commission des Libertés au Parlement européen, où nous avons longuement cherché à défendre une doctrine commune, mais force est de constater que cela s’avère très difficile. Aujourd’hui, les problèmes fondamentaux ne peuvent plus être éludés.

Ma seconde question est d'ordre plus procédural : que pensez-vous de la nécessité d'investir des sommes plus importantes dans le cadre financier pluriannuel, comme l'a suggéré le Président Macron dans son discours devant le Parlement européen à Strasbourg, en faveur des communes qui réalisent des efforts d'intégration. Cela me semble une bonne manière d’aider les populations à se réconcilier avec cette idée d'intégration, tout en restant équitable entre le Nord et le Sud.

M. Joaquim Pueyo. Je tenais à vous remercier de votre exposé. Selon moi, le système de Dublin est dépassé et ne peut être maintenu en l'état. Ainsi, dans ma région nous avons accueilli des Afghans, qui sont en droit de demander l’asile, et l’on constate de grandes différences entre ceux qui sont « dublinés » et d’autres qui ne le sont pas. Ceux qui ne le sont pas peuvent travailler et s'intègrent, ceux qui le sont ne le peuvent tout simplement pas. Il faut être raisonnable et gérer de manière urgente ce problème actuel.

Le second sujet concerne Frontex et les garde-côtes, vous y avez répondu, cela demande des milliers de personnes, et donc un budget bien plus important.

D’un point de vue géopolitique, quand il s'agit de l'immigration qui vient des pays de l'Est, les pays n'ont pas du tout la même attitude. C'est quand l'immigration vient du Sud que les réactions sont tout à fait différentes.

Ne pensez-vous pas qu'il faut revoir complètement le budget de l'Union européenne, avec un volet pour l'immigration économique et climatique ? Car si nous ne faisons rien, c'est 150 millions d'immigrés en 2050. On voit très bien que ce sujet dépasse l'Europe, avec par exemple des Sud-américains qui veulent aller aux USA pour des raisons climatiques ou économiques.

M. Bruno Gollnisch, membre du Parlement européen. Si je suis monsieur Pueyo, les migrants qui se sont soumis à la procédure européenne recevraient ainsi un traitement moins favorable que ceux qui ne s’y conforment pas. Je trouve cela incroyable !

Je suis d'accord avec M. Jean-Louis Bourlanges, car je trouve qu'en dépit de vos efforts remarquables, Madame la rapporteure, vos constats pèchent par l'idée que ces flux sont un fait sur lequel on ne pourrait agir. Ne peut-on pas intervenir sur les causes de l'immigration ? Nous sommes pourtant intervenus en Libye pour détruire ce qu'il restait de l'État libyen avec les résultats dramatiques que nous connaissons. En Tunisie, au Maroc, en Algérie, nous avons des accords de coopération. Je suis très étonné que ces problèmes ne soient pas évoqués par la France qui dispose d’un siège de membre au Conseil de sécurité aux Nations Unies, ou même devant l’Assemblée générale. Nous savons qu’une grande partie des immigrés qui viennent en France viennent de l'Érythrée ou du Soudan, car ces pays connaissant des situations de guerre civile, et les civils des obligations de service militaire extrêmement contraignantes. Nous savons que ces migrants peuvent franchir près de huit pays avant d’arriver sur nos côtes. Ne peut-on pas mettre en place des points d'accueil dans tous les pays franchis par les migrants avant qu’ils ne s’échouent en mer ?

De plus, si j'ai bien compris, vous voulez revenir à plus d'exigence pour le respect de l'examen par le premier pays d'accueil. Cela signifie que si l'étranger s'exonère de cet examen, il ne pourra prétendre à une régularisation. Mais n'est-ce pas maintenir le fardeau sur des pays tels que l'Italie, la Grèce ou Malte ? Car ils devront maintenir pour la durée de la procédure la prise en charge de ces populations.

Enfin, et cela sera ma dernière question, nous avons parlé d’examen de la procédure d'asile. Mais cela suppose que l'on puisse échouer, sinon il ne s’agit pas d’un examen. Dès lors, que se passe-t-il en cas d'échec ? Où les migrants ayant échoué à cet examen sont-ils reconduits ? Quels sont les moyens pour ces rapatriements ? Il faudrait des moyens militaires. Car si une personne refuse d'embarquer, que prévoit-on pour les déboutés si ceux-ci ne sont pas reconduits chez eux ? Vous savez bien que lorsqu’une personne refuse d’embarquer et fait du tumulte dans un avion, généralement, les commandants de bord refusent l’embarquement. Que prévoit-on pour les déboutés de droit d’asile ? N’est-il pas très hypocrite de parler de déboutés si ces déboutés ne sont pas reconduits chez eux ?

Mme Cecilia Wikström, rapporteure au Parlement européen. Monsieur Bourlanges, vous avez été une source d’inspiration pour ce texte que j’ai rédigé. Je vous remercie pour votre rapport. Je suis tout à fait d’accord avec l’idée que nous devons respecter des valeurs communes européennes, de même que nous déployons des politiques communes au sein des États membres. En ce qui concerne cette coopération renforcée en matière d’asile que vous avez évoquée, je crois, qu’en définitive, il se pourrait que nous ayons à l’envisager, mais je préférerais que nous établissions un système d’asile commun à toute l’Union européenne.

Nous avons renforcé, par exemple, la coopération pour les brevets européens. Bien que l’Italie et l’Espagne l’aient dans un premier temps refusée, nous avons été de l’avant sans ces deux pays qui maintenant vont se rallier à nous ces prochains jours. Je crois, à ce stade, qu’on peut proposer une coopération renforcée européenne, en rendant le système obligatoire. On peut établir un lien entre l’appartenance à la zone Schengen et le fait d’assumer ses responsabilités. Ces deux éléments sont liés. Je continue d’espérer qu’on n’ait pas de coopération au cas par cas.

S’agissant de l’aide financière, je l’avais préconisée et les pays qui ne font pas leur travail ne devraient pas la percevoir. Dans la préparation du cadre financier pluriannuel dont je préside l’un des 24 comités, notre travail en faveur d’une position commune au Parlement occupe une place majeure dans les négociations. J’y porte une attention toute particulière, encore plus qu’à la poursuite des échanges sur le dispositif de Dublin, car lorsqu’il est question d’argent, tout le monde fait preuve de raison. Il est beaucoup plus difficile d’évoquer des valeurs et des principes. Croyez-moi, je l’ai expérimenté. En Europe, nous avons réussi à établir des politiques dans les domaines de l’eau potable, la pollution, les produits chimiques, la sécurité alimentaire, les médicaments, les fraises, les concombres et que sais-je encore, la liste est longue, mais aujourd’hui, alors que le socle de l’Union européenne est construit sur des valeurs et les principes, nous n’avons toujours pas réussi à mettre au point une politique commune pour aider d’autres êtres humains qui tentent d’échapper à la persécution et aux guerres. C’est un signe manifeste d’échec.

Nous devrions trouver l’occasion de discuter de cette question des principes et des valeurs qui relève de la philosophie. Il y a un profond changement à opérer dans la perception par les États européens du concept de solidarité. La solidarité dans les pays d’Europe centrale et de l’Est et dans ceux d’Europe occidentale n’est pas perçue de la même façon. Il est clair que la solidarité européenne pour la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie et d’autre États membres correspond à l’idée de versement de fonds des pays riches vers les moins riches, pour leur permettre d’atteindre le même niveau et pouvoir appliquer les mêmes règles. Pour nous, pays occidentaux, que ce soit en France, en Allemagne, en Belgique, au Pays‑Bas, au Danemark, la solidarité implique que chacun assume sa juste part de responsabilité, autrement dit assume le fardeau conjointement. Les discussions peuvent vite devenir épineuses sur ce point. Ce n’est pas le cas lorsqu’on parle d’argent, on aborde la question de manière concrète.

En plus des règles, il faut opérer un changement de mentalités pour parvenir à ce qu’on appelle des politiques communes. En 2016, au 1er sommet des Nations Unies sur les migrations, j’ai souligné dans ce qui est devenu la « Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants » que la société civile, le monde des affaires, des universitaires, des ONG devraient prendre part au processus d’intégration.

En ce qui concerne l’aide financière et l’intégration que vous avez évoquées, le partage est équitable et le fardeau est gérable. Nous en avons le contrôle. Il ne doit pas nous échapper, au risque de voir les citoyens douter des capacités de nos institutions à réagir et trouver des solutions européennes. C’est ainsi que nous pouvons dissiper bien des craintes. Il faut veiller à mettre fin au cercle vicieux en matière de restrictions au droit d’asile. Je dois reconnaître que c’est la Suède qui a durci la première sa politique d’asile en mettant en œuvre le niveau d’intégration le plus bas possible. Il faut favoriser la confiance et des conditions humanitaires raisonnables dans tous les pays.

Je suis opposée à l’existence de camps hors de l’Europe comme en Libye. Je suis favorable à des solutions sur le territoire européen, à l’établissement d’un système commun en Europe pour ne pas avoir recours à des mesures d’urgence comme la mise en place de ces camps. Pour cela, il nous faut effectivement un budget européen moderne, plus souple et renforcé. Le cadre financier pluriannuel en est l’illustration. Il prévoit des aides financières accrues pour la gestion des migrations.

Monsieur Gollnisch, pour répondre à votre question, je vous invite à prendre connaissance du projet de Règlement dit « Dublin IV » avant d’en discuter ensuite. Il faut distinguer deux sujets : les demandes d’asile et la migration, qu’elle soit légale ou illégale. Nous abordons aujourd’hui la question de l’asile. Nous veillons à ce que les demandeurs d’asile soient traités équitablement dans le respect des conventions internationales signées dont la Convention de Genève et le protocole de 1969. Nous le faisons parce que les mouvements migratoires dépassent le cadre de la politique européenne. Nous devons également nous pencher sur les questions de migration légale comme vous l’avez mentionné. J’ai un exemple à vous donner. Des hommes d’affaires suédois m’ont appris qu’il serait possible de recruter en Suède 10 000 chefs de cuisine, non pas dans les restaurants gastronomiques, mais dans la restauration collective ou rapide. Des candidats à l’émigration depuis la Libye, la Tunisie ou le Maroc pourraient être intéressés par ce type de poste et être recrutés légalement. Or ce n’est pas encore possible. Nous devons réfléchir au système d’asile à mettre en place. On connaît l’existence de la carte verte aux États-Unis. Combien de personnes savent qu’il existe la carte bleue européenne ? Personne. Le dispositif est si lourd à déployer administrativement que seule l’Allemagne l’a véritablement mise en place. C’est un système à simplifier, à rendre plus attractif afin qu’il serve vraiment à favoriser l’embauche d’étrangers. C’est une question à traiter mais en dehors du sujet de l’asile.

Vous avez fait également référence aux causes de la migration. On les connaît pour les ressortissants africains : pauvreté, absence de démocratie, absence de droits fondamentaux. Le Haut-Commissariat pour les Réfugiés a indiqué la semaine dernière, dans ses dernières statistiques, que 68,5 millions de personnes sont considérées réfugiées, un chiffre record, supérieur à celui mesuré juste après la seconde guerre mondiale. Trois millions d’entre elles se trouvent en Ouganda, pays très pauvre, et ne viendront jamais en Europe. Seule une petite fraction de réfugiés viendra en Europe trouver de meilleures conditions de vie. On ne peut pas construire de murs. Il faut construire des ponts, des passerelles et non des murs. Pour déterminer si les personnes répondent aux conditions pour bénéficier de la protection de l’asile, on peut faire appel à l’expertise du Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) basée à La Valette. Je considère qu’on devrait confier des missions plus importantes à cette agence européenne, afin qu’elle puisse organiser les transferts, les retours et même gérer les hotspots. En attendant, je vous invite à mobiliser tous vos collègues parlementaires pour agir et changer la réalité d’aujourd’hui de manière pragmatique, décente, moderne et européenne.

M Xavier Paluszkiewicz. Le très conservateur Horst Seehofer, ministre de l'Intérieur, mais d’abord président de la CSU bavaroise, a prévenu qu’il était prêt en juillet à refouler immédiatement les migrants aux frontières allemandes en provenance d’un autre pays européen, si la Chancelière Angela Merkel ne parvenait pas à trouver une solution. Pour les Européens que nous sommes, ce discours de rejet de l’Union européenne propre aux populistes est insupportable. Les populistes cherchent un point commun sur lequel faire front. Le seul point commun possible entre la Hongrie, qui ne veut pas entendre parler de ces migrants, et les Italiens, qui ne veulent pas les garder, est leur volonté de renvoyer ces migrants ou ces réfugiés, de fermer l’Europe pour en faire une Europe forteresse. Vous comprenez que je m’y refuse. Cet état d’esprit, contraire à celui des Pères fondateurs de l’Europe, marque le début d’une construction idéologique dangereuse où tous ces populistes, qui ont des différences puisqu’ils sont nationalistes, se cherchent un ennemi commun pour conserver une réalité à leur alliance. Leur premier ennemi, ce sont les migrants dont ils ne veulent pas. Leur deuxième ennemi, ce sont Bruxelles et l’Europe, ceci dans le seul but de connaître un succès aux élections européennes du 26 mai 2019 et dans l’espoir de faire tomber les institutions européennes en juin. Dans ce contexte, quelle est votre réflexion sur la politique migratoire qui pourrait influencer ces élections européennes en 2019 ? Quelle pourrait être une solution européenne attendue pour la fin du mois ? J’ai beaucoup d’espoir dans le Conseil européen crucial des 28 et 29 juin qui doit apporter une réponse claire, comme sur la question des migrants, dans la continuité de la réunion de travail entre le Président de la République et le Président du Conseil italien du 15 juin dernier. Je vous remercie ou comme on dirait en suédois « tack så mycket ».

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Je me permets d’intervenir à nouveau pour vous demander quelle est votre appréciation sur les chances de trouver un compromis sur la réforme européenne du droit d’Asile lors du Prochain Conseil Européen des 28 et 29 juin.

Dans de nombreuses parties du monde, aux États‑Unis, en Amérique du Sud, on observe des mouvements d’opinion hostiles aux migrants. Même l’Algérie qui est une terre d’émigration depuis très longtemps, connaît des campagnes de presse très hostiles aux migrants économiques africains qui cherchent à transiter par l’Algérie pour ensuite rejoindre l’Europe. Sa politique est aujourd’hui clairement répressive et elle n’a pas hésité à refouler dans des zones désertiques des migrants illégaux qui venaient de la zone du Sahel avant d’arriver en Algérie. Partout, on instrumentalise la peur des migrants et des étrangers.

Comment l’Union européenne peut‑elle répondre aux craintes exprimées par les populistes ? Comment expliquer que pour gérer les flux migratoires, seule l’échelle européenne est pertinente, car nous serons plus efficaces ensemble que repliés sur nos États nationaux. Il faut aussi répondre à la crainte de la perte d’identité. Lorsque les Polonais ou d’autres pays de l’Est accueillent des migrants venant d’Ukraine ou de Moldavie, ils le font bien plus volontiers que lorsqu’il s’agit d’accueillir des Africains, car ces immigrés leur paraissent proches culturellement. Une des faiblesses de l’Union européenne est de n’avoir pas compris l’importance de forger une véritable identité européenne, qui aurait rendu les actes de solidarité entre États membres beaucoup plus naturels. Comment inciter les États membres à ne pas se replier sur eux‑mêmes, mais à chercher à définir une politique commune de l’asile, qui réponde à des valeurs véritablement partagées ?

Mme Cecilia Wikström, rapporteure au Parlement européen. L’Europe traverse actuellement une crise politique mais elle a déjà réussi à surmonter des tensions bien plus graves. Il est illusoire de vouloir se replier sur les frontières nationales alors que nous avons besoin d’un monde ouvert aussi bien pour les échanges économiques que pour répondre aux aspirations des citoyens européens qui aiment voyager et échanger avec d’autres cultures. Ceci dit, il ne faut pas non plus ignorer les craintes suscitées par la mondialisation et le souci de préserver une identité nationale. Ces considérations sociologiques ne doivent pas nous conduire à oublier des principes juridiques importants comme celui du non refoulement à la frontière de personnes en situation de vulnérabilité et qui doivent recevoir une protection internationale conformément à la Convention de Genève.

La situation politique dans plusieurs pays membres est paradoxale : le ministre de l’intérieur allemand exerce une sorte de chantage sur Angela Merkel, qui est seule responsable devant le Bundestag de la politique menée par son Gouvernement en matière migratoire. La Chancelière est ainsi sommée d’aboutir à un accord acceptable au prochain Conseil européen alors que la possibilité d’aboutir à un compromis dépend de facteurs complexes. De même en Italie, le ministre de l’intérieur Salvini paraît occuper seul l’espace médiatique pour une politique ouvertement anti-étrangers, alors que c’est le Président du Conseil italien qui devrait définir la stratégie migratoire de son pays.

Pour répondre à M. Mendes sur les chances d’aboutir à un accord au prochain conseil européen, je crains surtout que l’on aboutisse à une solution de façade, pour ne pas perdre la face, mais qui n’apportera aucune vraie solution pour mieux organiser les flux migratoires et soulager les souffrances de toutes ces personnes en errance depuis des mois.

L’Europe doit être lucide sur les défis qu’elle doit relever, les choix sont difficiles mais elle joue son identité et ses valeurs dans la manière dont elle gère cette réforme du droit d’Asile. L’Union européenne a trop longtemps privilégié les intérêts économiques avec le marché unique et la libre circulation et elle a oublié ce qui faisait le ciment entre les citoyens européens. À la question sur l’identité européenne, j’aurais envie de répondre, comme j’ai fait récemment à des jeunes : « L’Europe : c’est 507 millions de citoyens, unis dans la diversité. Ce n’est pas simplement un slogan. ». J’ai la conviction que dans un monde globalisé, il vaut mieux parler d’une seule voix au nom de plus de 500 millions de personnes, plutôt que de chercher à faire entendre vingt-huit voix nationales focalisées sur leurs spécificités.

Lors du prochain Conseil Européen, le Président Macron aura un rôle majeur pour affirmer haut et fort que l’Europe est la solution en matière migratoire et que nous devons, dans un sursaut, trouver les moyens d’avancer concrètement sur une réforme européenne du droit d’asile. Je regrette que les rapporteurs des sept textes du Paquet Asile n’aient jamais été conviés à des discussions lors des réunions du Conseil européen, alors que nous sommes des co-législateurs. Au sein du Parlement européen, nous avons élaboré des compromis difficiles, mais nous avions la volonté d’aboutir. Il faudrait retrouver cette même détermination au sein du Conseil européen.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Je voudrais vous interroger sur la manière dont vous voyez les possibilités de mieux associer les parlements nationaux aux prises de décisions du Parlement européen.

Mme Cecilia Wikström, rapporteure au Parlement européen. Je crois que les contacts informels entre les parlements nationaux sont très utiles et aussi entre notre Commission au Parlement européen et les commissions des affaires européennes des différents parlements. Il semble important d’expliquer les justifications des réformes menées au niveau européen, car bien souvent la mise en œuvre de ces réformes dans les législations nationales suscite des difficultés, le terrain n’étant pas assez préparé en amont.

Il est dommage qu’il n’existe pas de procédures formalisées pour associer les parlements nationaux aux travaux du Parlement européen. Tout repose sur des initiatives personnelles. Pour ma part, j’ai été proactive et j’ai organisé de ma propre initiative des rencontres avec des ministres, des parlementaires nationaux, des ONG pour expliquer la refonte du Règlement de Dublin, mais j’ai parfois senti que ma démarche n’était pas comprise. J’ai persévéré car l’enjeu me semblait majeur pour l’avenir de la construction européenne et en raison de la proximité des élections européennes. Il faut croire avec détermination qu’une démarche européenne commune sera toujours préférable à une coopération limitée à quelques États volontaires.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Je vous remercie pour cet échange très intéressant et nous vous apportons notre entier soutien. Oui, l’Europe c’est la solution et non le problème !


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   Communication devant la commission des affaires européennes sur le déplacement effectué en Grèce

 

8 novembre 2018

 

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Madame la Présidente, chers collègues, nous allons aujourd’hui rendre compte du déplacement que nous avons effectué à Athènes et sur l’Île de Lesbos les 17 et 18 octobre. Je m’excuse par avance si mon intervention est un peu longue mais notre déplacement a été riche d’enseignements pour un sujet crucial pour le futur de l’Union européenne. Pourquoi avoir choisi de nous rendre dans ce pays ? La pression migratoire reste forte en Grèce et surtout, au cours de l’année 2018, elle a changé de forme. Alors qu’en 2017, les arrivées se faisaient essentiellement par voie maritime dans les îles grecques, en 2018, on a observé une très forte augmentation des franchissements irréguliers de la frontière terrestre entre la Grèce et la Turquie. Aujourd’hui les autorités grecques restent en alerte car elles constatent des flux irréguliers d’arrivées et elles doivent composer avec leur voisin turc qui semble parfois faire du « chantage » à l’Union européenne en relâchant sa surveillance des frontières. L’instabilité de la situation en Syrie est aussi une forte source d’inquiétude car des flux migratoires massifs pourraient reprendre brusquement.

Rappelons qu’au niveau européen, 2018 a aussi marqué une nette évolution : la route migratoire principale est désormais la route de la Méditerranée occidentale avec plus de 53 000 migrants entrés en Espagne depuis le début 2018 et la deuxième voie d’accès à l’Europe est la route orientale par la Grèce et les Balkans. Depuis le début 2018, un peu plus 40 000 migrants sont arrivés en Grèce dont un peu plus de 13 000 par la frontière terrestre. Aller en Grèce nous a paru primordial dans le cadre de notre mission sur la réforme européenne du droit d’asile car ce pays a été et reste aujourd’hui encore un champ d’expérimentation pour les autorités européennes. C’est en Grèce par exemple, que furent lancés les premiers centres d’identification et d’enregistrement de migrants, couramment appelés « hotspots » et c’est aussi dans ce pays que la Commission européenne a testé l’extension des missions de certaines agences européennes comme Frontex et surtout la future agence européenne de l’Asile.

La situation de la Grèce reste cependant tout à fait spécifique en Europe, du fait de sa situation géographique de très grande proximité avec la Turquie et de la présence de 4 000 îles sur son territoire, ce qui rend la surveillance de ses frontières très complexe. La Grèce est aussi atypique du fait de son organisation administrative qui ne disposait pas d’une structure spécialisée pour traiter les demandes d’asile. Elle a dû faire face à l’automne 2015 à une situation de crise exceptionnelle avec des flux d’arrivées atteignant de 6 000 à 8 000 personnes par jour. Progressivement, la Grèce qui était un pays de transit a dû trouver des solutions pour accueillir durablement des réfugiés qui ont été contraints de demander l’asile dans ce pays car les frontières européennes le long de la route des Balkans se sont fermées.

Je voudrais maintenant aborder les conséquences défavorables de la déclaration Union européenne – Turquie du 18 mars 2016 qui prévoyait des mesures exceptionnelles pour stopper le flux migratoire en provenance de la Turquie. En contrepartie d’un très gros effort financier de l’Union européenne pour permettre d’organiser l’accueil des réfugiés syriens en Turquie, ce pays s’engageait à reprendre toutes les personnes ayant gagné les îles grecques en partant des côtes turques. Cet accord a eu pour conséquence de bloquer les migrants sur les îles durant l’instruction de leur demande d’asile en vue de faciliter leur réadmission en Turquie.

L’application de cet accord a posé de multiples problèmes. Pour mémoire, je rappellerai que les réadmissions en Turquie ont été très faibles puisque d’avril 2016 à fin septembre 2018, elles n’ont concerné que 1 738 personnes dont une forte proportion de Pakistanais (38 % du total), selon les statistiques publiées par le Haut-Commissariat aux Réfugiés de l'ONU (HCR). Depuis deux ans, la saturation des hotspots empire car en dépit du faible nombre de réadmissions et des lenteurs d’instruction des demandes d’asile, aucune autorité politique n’a pris la décision de modifier la règle de la restriction géographique imposée par cet accord Union européenne–Turquie. C’est finalement grâce à une décision du Conseil d’État grec d’avril 2018 qui a considéré que la restriction géographique faisait peser sur les îles grecques une charge disproportionnée, que le Gouvernement grec a décidé de réformer sa législation en permettant à certains réfugiés, ceux reconnus vulnérables, de se déplacer sur l’ensemble du territoire grec. Dresser le bilan de cet accord Union européenne–Turquie n’entre pas dans le cadre de notre mission, mais en se limitant à ses conséquences sur la situation en Grèce nous avons de profondes interrogations. Lorsque nous avons rencontré le conseiller diplomatique du ministre chargé de la politique migratoire, nous avons eu l’impression que la Grèce subissait les conséquences d’un accord sans pouvoir réellement influer sur les flux migratoires qui subsistent en provenance de la Turquie. De plus, la Turquie a dénoncé l’accord bilatéral de réadmission qui existait avec la Grèce, ce qui a pour conséquence immédiate de rendre impossible le renvoi en Turquie d’un migrant entré irrégulièrement en Grèce par la frontière terrestre. La Grèce semble subir les conséquences du « bras de fer » entre l’Union européenne et la Turquie au sujet des flux migratoires mais bien au-delà, ce qui est en jeu, ce sont les futures relations entre la Turquie et l’Union européenne. Certains estiment que l’Union Européenne a payé le prix pour que la Turquie constitue un sas pour le maintien sur place des migrants, la Grèce ayant elle, à garder ceux déjà sur place ou passant sur son propre territoire, au gré de la volonté plus ou moins forte, des autorités turques…

Malgré un soutien financier très conséquent de l’Union européenne et la présence massive d’ONG et de professionnels compétents des différentes agences européennes, la Grèce se perçoit comme victime du manque de solidarité des autres pays de l’Union européenne alors même qu’elle connaît des difficultés économiques très sévères. La Grèce a été soumise à des injonctions contradictoires de la part de l’Union européenne : d’un côté elle devait réaliser des mesures d’économie pour redresser la situation de ses comptes publics et dans le même temps elle devait faire face à l’organisation de l’accueil des réfugiés alors qu’elle ne disposait pas de services publics préexistants spécialisés dans le domaine du droit d’asile.

Je voudrais maintenant aborder la question de l’organisation de l’accueil de ces réfugiés. Selon le ministère en charge de la politique migratoire, la Grèce accueille sur son territoire 70 000 réfugiés dont 17 600 dans les îles de l’Égée orientale. Il existe cinq hotspots sur les îles situées à proximité des côtes turques et plus un autre situé dans le nord-est à Filakyo. Le Responsable du HCR pour la Grèce a souligné la dégradation de la situation actuelle pour les réfugiés. Les conditions d’hébergement sont très précaires à Samos tout particulièrement, où le nombre de réfugiés est cinq fois plus élevé que le nombre de places et également au centre de Moria à Lesbos (7 500 personnes pour 2 500 places). Nous avons pu constater qu’à Moria, le camp est constitué en grande majorité par des tentes, une minorité de personnes étant hébergées dans des mobile-homes. La gestion des flux migratoires et l’accueil des réfugiés sont éclatés entre plusieurs ministères et nous avons été frappés par le manque de coordination entre l’ensemble des acteurs publics qui interviennent. Cette carence a été soulignée par plusieurs de nos interlocuteurs qui nous ont expliqué qu’il n’existait pas en Grèce de procédure pour permettre une coordination interministérielle. Pour améliorer la gestion globale et transversale de la question des flux migratoires, le Gouvernement grec a créé un ministère spécifique chargé de la politique migratoire qui a sous sa responsabilité le service grec de l’Asile même si celui-ci garde une certaine autonomie. Ce ministère ne paraît pas encore jouer un rôle prépondérant car il semble manquer de moyens pour peser concrètement dans l’organisation de l’accueil des réfugiés. Nous nous sommes rendus dans les locaux de ce ministère excentré dans la périphérie d’Athènes et qui ne semble pas encore bien équipé en moyens bureautiques. Beaucoup plus grave pour l’efficacité de son action, il ne dispose pas de services financiers propres. Tous les crédits européens qui ont été attribués à la Grèce pour lui permettre de faire face à sa situation de pays de première entrée, sont gérés par le ministère des finances qui les attribue aux ONG et qui leur demande de rendre compte de leur utilisation. Ce ministère de la politique migratoire est donc privé du levier financier.

Toute la partie logistique comme la fourniture d’hébergement dans les hotspots et dans les camps, des repas et des services d’hygiène est sous la responsabilité du ministère de la Défense. Quant à la sécurité à l’intérieur des hotspots ou des camps de réfugiés, elle est sous la responsabilité du ministère de l’intérieur, qui recourt à grande échelle à des sociétés de sécurité privée pour assurer la surveillance. Le ministère de la politique migratoire doit encore progresser pour définir une stratégie de long terme permettant d’améliorer la situation des réfugiés et surtout pour être en mesure de réagir efficacement, si brusquement les flux migratoires s’intensifiaient.

La Cour des comptes européenne a dressé un bilan de la mise en place des hotspots à la mi 2017 et elle soulignait que la Grèce n’avait pas réussi à adopter des procédures opérationnelles standard pour harmoniser le fonctionnement des différents hotspots et que la direction de ces centres n’avait aucune stratégie d’ensemble. Plus d’un an après, la Grèce rencontre toujours les mêmes difficultés malgré la présence massive de différents professionnels de terrain travaillant pour des agences européennes, pour des ONG ou pour le HCR.

Quelques exemples pour illustrer les carences de l’organisation des services publics grecs. Lorsque nous avons rencontré le directeur du camp Moria, ce qui a été difficile car des troubles avaient éclaté peu de temps avant notre arrivée, celui-ci ne s’est pas présenté comme le représentant du ministère ni comme celui qui détenait l’autorité sur le camp. Il s’est présenté comme celui qui devait gérer un site, de taille comparable à la ville voisine de Mytilène, où intervenaient plusieurs « prestataires de service indépendants ». L’essentiel des services offerts aux réfugiés sont d’ailleurs assurés par le HCR et diverses ONG. Globalement, l’accès aux soins primaires est très limité et la scolarisation des enfants très partielle même si les structures éducatives propres aux enfants réfugiés sont en nette augmentation pour cette année scolaire. Plus surprenant encore, la direction du camp, n’a pas la responsabilité d’attribuer aux nouveaux arrivants une place précise dans les différentes formes d’hébergement du camp alors que pour des raisons de sécurité on aurait pu penser que la Direction veuille contrôler la répartition géographique des différentes communautés (58 nationalités sont représentées). La responsable de l’antenne du HCR à Lesbos nous a expliqué que l’ONG qui fait ce travail d’attribution des places fait un travail remarquable car du fait de sa connaissance très fine de la localisation des différentes familles, elle contribue à apaiser les tensions intercommunautaires. Plusieurs services qui devraient relever de l’État grec sont assurés par des ONG ou des organisations internationales. C’est ainsi que les services médicaux de base, sont assurés par plusieurs ONG (Médecins sans frontières ou la Croix Rouge par exemple). Le HCR a un rôle très important dans la logistique quotidienne puisqu’il fournit à tous les réfugiés une carte prépayée qui leur permet de disposer librement d’une allocation variable selon la composition de la famille et d’accéder ainsi aux biens de première nécessité. Le HCR se charge aussi d’organiser les transports entre les îles et le continent pour permettre un désengorgement du camp de Moria (2 500 personnes ont été évacuées depuis la fin septembre 2018). Au-delà des tâches logistiques quotidiennes, le HCR a aussi organisé en concertation avec la Commission européenne et l’État grec un programme de logement qui permet aux réfugiés d’être hébergés dans des appartements en milieu urbain, l’objectif étant de favoriser ainsi l’intégration de ces personnes (programme ESTIA). D’autres services sont encore assurés par des ONG comme l’assistance juridique car il n’existe pas en Grèce de service d’aide juridictionnelle ou encore la présence d’interprète au cours de l’instruction de la demande d’asile ou pour accéder aux soins. Nous avons pu ainsi rencontrer l’ONG Metadrasi qui offre plusieurs types de services aux réfugiés. Malgré ses difficultés, l’État grec cherche à améliorer son fonctionnement. Le représentant du HCR nous a expliqué qu’un des objectifs de son organisation était que les services publics grecs prennent le relais progressivement de l’action des ONG et des agences onusiennes. C’est ainsi qu’un accord vient d’être signé entre la Commission européenne et le HCR pour qu’une assistance soit apportée à la Grèce pour organiser de nouveaux services publics permettant de verser directement une allocation aux réfugiés, et de prendre en charge les mineurs étrangers isolés. Face aux difficultés d’organisation actuelles et en raison de l’urgence, le HCR a accepté de continuer à assurer les transports entre les îles et le continent jusqu’à fin décembre 2018 mais au-delà, ce sont les autorités grecques qui devront s’en charger. La phase de transition actuelle est problématique car le ministère des finances grec est déjà devenu le seul gestionnaire des crédits affectés pour l’accueil des mineurs isolés alors que jusqu’à présent l’essentiel des crédits étaient versés directement par le HCR et l’Unicef aux différentes ONG qui géraient des centres d’accueils pour ces mineurs. Alors qu’il n’existe pas encore de service public d’aide sociale à l’enfance, les ONG se trouvent confrontées à des problèmes graves de gestion de trésorerie car elles doivent négocier directement leurs subventions avec le ministère des finances qui connaît très mal les spécificités de l’accueil des mineurs isolés.

La représentante du HCR à Lesbos nous a confirmé les fortes tensions actuelles entre l’État grec et les ONG qui s’occupent des mineurs isolés. À partir de janvier 2019, l’État grec devra assurer la responsabilité de la prise en charge des mineurs isolés et a rédigé des cahiers des charges tellement exigeants que cela conduira à l’éviction des petites ONG qui sont pourtant aujourd’hui les seules à offrir des centres d’accueil adaptés à ces mineurs. Rappelons qu’en Grèce, sur la période 2016-2018, 1 000 enfants ont pu être pris en charge grâce aux crédits du HCR et à l’action de plusieurs ONG, mais sur l’ensemble du territoire grec, le nombre de mineurs isolés est évalué à 3 300 avec seulement 1 100 places d’hébergement. Au-delà de la question de l’hébergement qui est très problématique, ce sont aussi des ONG comme Metadrasi qui assurent la scolarisation et des activités culturelles pour ces mineurs isolés. À Moria, par exemple, cette ONG permet à 115 enfants de bénéficier d’une forme de scolarisation qui se déroule au siège de l’association à Mytilène, un service de transport quotidien étant assuré du camp aux locaux de l’association. Plusieurs personnes rencontrées ont fait part de leur préoccupation quant à la capacité de l’État grec d’assumer cette nouvelle responsabilité d’ici le début 2019 car le risque est de voir des structures d’accueil contraintes à fermer alors que les mineurs isolés n’auront pas de solution d’accueil alternative. Dans d’autres domaines de l’organisation administrative, des progrès ont été constatés comme pour accélérer l’instruction des demandes d’asile. Le représentant à Lesbos du Bureau européen d’appui pour l’Asile a souligné que le champ d’intervention de son organisation s’est peu à peu élargi. La loi grecque relative à l’asile a été modifiée en mai 2018 pour permettre à cet organisme européen d’apporter son concours technique dans tous les types de procédure d’asile, ce qui a permis de doubler le nombre d’entretiens réalisés chaque jour à Lesbos pour déterminer si les réfugiés peuvent être considérés comme éligibles au droit d’asile.

Plus récemment, le Bureau européen d’appui pour l’Asile a même été autorisé par l’État grec à apporter son concours pour assister les juges chargés des procédures d’appel (c’est au niveau de l’appel que les délais d’instruction sont les plus longs), dans le même temps la réforme législative a permis la création de 8 comités d’appel supplémentaires et 2 comités d’appel seront situés sur les îles. Une équipe de 18 magistrats spécialisés a été mise en place pour faire face aux cas d’urgence. De plus, la nouvelle loi a réduit les échelons d’appel (il n’y a plus que trois niveaux au lieu de quatre auparavant). Même si on peut regretter que cette réforme ait été adoptée seulement en mai 2018 alors que le service grec de l’Asile a été saturé dès le milieu de l’année 2016, il faut saluer cette réforme qui intervient dans un contexte général de réduction des emplois publics en Grèce. Ma collègue va maintenant évoquer le rôle des autorités européennes dans la gestion des réfugiés en Grèce.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Ce déplacement en Grèce nous a conduits à nous interroger sur le rôle de la Commission européenne et plus largement des agences européennes dans la gestion de la crise migratoire. Nous avons du mal à analyser quel a été le rôle de la DG Home dans la gestion de la crise migratoire en Grèce. C’est sur l’impulsion de la Commission européenne que le système des hotspots a été mis en place mais nous n’avons pu mesurer la manière dont la Commission européenne a pu coordonner l’action des différentes agences européennes qui ont pourtant joué un rôle clé dans le fonctionnement des hotspots et dans la surveillance des frontières de la Grèce. De même, nous n’avons pu analyser le partage de rôles entre la Commission européenne et le HCR ou encore avec l’organisation internationale des Migrations (OIM). Il ne faut pas oublier que durant la crise migratoire, la Grèce connaissait une situation financière dramatique qui l’a conduite à être sous une étroite surveillance des autorités européennes. Un service spécifique de la Commission européenne était même chargé d’inciter la Grèce à mener des réformes structurelles (le service d’appui à la réforme structurelle). Il peut sembler étonnant que certaines réformes dans l’organisation des conditions d’accueil ou dans la procédure d’asile aient été longues à mettre en place alors que la Grèce disposait d’un panel d’experts impressionnant pour l’accompagner dans sa gestion de la crise des réfugiés, mais il est vraisemblable que les experts aient eu du mal à comprendre les spécificités de la culture administrative grecque, rendant compliquée la coopération avec les services grecs opérationnels.

Le soutien financier de l’Union européenne pour aider la Grèce à faire face à la crise migratoire a été massif mais il semble que la Grèce ait eu du mal à utiliser ces crédits de manière optimale. La Commission européenne a financé l'octroi d'une aide humanitaire en faveur de personnes dans le besoin sur le territoire de l'Union européenne, au moyen de l'instrument d'aide d'urgence, déclenché pour la première fois en mars 2016. Jusqu'à présent, l'Union européenne a fourni à la Grèce une aide humanitaire qui s'élève à 605,3 millions d'euros au total par l'intermédiaire de cet instrument. L'aide humanitaire de la Commission vient compléter celle apportée par d'autres instruments financiers de l'Union européenne qui ont déjà fourni d'importantes ressources financières pour aider la Grèce, tels que le Fonds « Asile, migration et intégration », le Fonds pour la sécurité intérieure, le Fonds européen d'aide aux plus démunis et le programme Santé de l'Union européenne. Elle complète aussi les offres bénévoles d'assistance matérielle faites par les États participant au mécanisme de protection civile de l'Union européenne.

Il nous est difficile d’analyser les causes complexes qui expliquent que malgré des fonds disponibles, la Grèce ne soit pas en mesure de fournir des abris en nombre suffisant dans les hotspots et les camps de réfugiés. Plusieurs interlocuteurs ont évoqué la difficulté de respecter les règles strictes de recours aux appels d’offres, aux règles des marchés publics lorsqu’il y a urgence. De même, face à la difficulté de recruter des médecins sous conditions statutaires, pour apprécier si les demandeurs d’asile présentent des vulnérabilités particulières, il faudrait prévoir des possibilités de déroger à ces règles. Nous avons eu des témoignages nous expliquant que les rémunérations et les conditions de travail offertes aux médecins fonctionnaires étaient défavorables par rapport à celles offertes par les ONG, ce qui conduit à de nombreux postes vacants dans le secteur de la médecine publique. En conclusion sur cet aspect financier, il nous paraît très important que l’attribution de fonds européens soit accompagnée d’une évaluation de leur utilisation et de l’analyse des facteurs de blocage à leur utilisation dans des délais raisonnables. Sans cela, la tentation sera grande de faire à la place de l’État concerné, de grandes institutions comme le HCR continuant à se substituer aux services grecs pour organiser par exemple, le transport des réfugiés entre les îles et le continent. La Commission européenne doit veiller à tenir réellement en compte la situation spécifique de chaque État membre et ne pas chercher à imposer des solutions qui s’avèrent inadaptées au contexte local.

J’en viens maintenant à la position de la Grèce au sujet des négociations en cours sur la réforme européenne du droit d’Asile. La Grèce a bénéficié depuis 2015 de plusieurs types de soutien de la part de l’Union européenne, un très important soutien financier, une présence massive de professionnels des agences européennes, pour mémoire Frontex a envoyé au plus fort de la crise 600 personnes pour assurer la surveillance des frontières et pour apporter son concours à l’enregistrement dans les hotspots. Quant au Bureau européen d’appui pour l’asile, il a pu mobiliser près de 300 professionnels pour renforcer les équipes du service grec de l’Asile.

Il convient de souligner que la Grèce ne disposait d’aucune structure administrative conséquente pour instruire les demandes d’asile lorsque la crise migratoire de 2015 est intervenue et qu’elle doit faire face à des problèmes très complexes sans aucune culture administrative dans ce domaine. L’administration grecque dans son ensemble connaît de profonds changements mais la phase de transition est difficile : organisation parfois défaillante, formation insuffisante des personnels ou encore coupe importante dans le nombre d’agents. Ce contexte, s’il ne constitue en rien une excuse, est néanmoins un facteur explicatif de certaines difficultés dans le secteur de la prise en charge des migrants sur place. Malgré l’assistance importante dont elle bénéficie, la Grèce a très mal vécu cette situation car elle a considéré qu’elle supportait seule avec l’Italie, le poids de la crise migratoire. Paradoxalement, elle a aussi mal accepté la présence massive de personnels travaillant pour la Commission européenne, car elle a ressenti certaines recommandations comme de véritables injonctions qui mettaient à mal la souveraineté de l’État grec. L’Union européenne doit donc veiller à travailler en concertation étroite avec les responsables grecs pour que les réformes proposées ne soient pas ressenties comme « dictées » par des impératifs technocratiques.

Le conseiller du ministre chargé de la politique migratoire que nous avons rencontré a insisté sur l’urgence de la réforme européenne du droit d’asile. Pour la Grèce le concept de solidarité n’est pas à la carte. Il figure explicitement à l’article 80 du traité sur le fonctionnement de l’Union. La solidarité ne peut être limitée à l’envoi d’experts nationaux et à des contributions financières. La Grèce, par soucis de compromis, avait appuyé en juin 2018, le texte préparé par la présidence Bulgare au sujet du projet de Règlement Dublin IV qui prévoyait un mécanisme de répartition des demandeurs d’asile uniquement en cas de grave crise migratoire. Elle est opposée à l’adoption échelonnée des différents textes constituant le « paquet asile », même si le renforcement des prérogatives du Bureau européen d’appui pour l’Asile, qui évoluerait vers une agence européenne de plein exercice, semble bien accepté. Il faut une approche plus intégrée de la politique d’asile et une liste européenne unique définissant la liste des pays d’origine considérés comme « sûrs ». La Grèce estime que les États membres doivent se mettre d’accord de manière urgente sur un mécanisme de solidarité pour parvenir à une répartition plus équitable des demandeurs d’asile même si ce mécanisme est transitoire, en l’attente de la réforme du Règlement de Dublin.

La Grèce plaide pour une procédure réellement harmonisée du droit d’asile. Elle considère que les divergences actuelles dans le taux d’attribution du statut de réfugié pour une même nationalité, comme pour les afghans, sont fortement préjudiciables. De même, elle estime que les critères pour octroyer l’asile font l’objet d’interprétations trop disparates selon les États membres. L’objet de la réforme européenne du droit d’asile est justement de parvenir à une procédure objective et un statut uniforme du demandeur d’asile dans tous les pays membres de l’Union européenne. Pour le Gouvernement Grec, si le Conseil européen s’en tient à la recherche d’un consensus entre tous les États membres, cette réforme ne sera jamais adoptée car certains États ont un intérêt à la bloquer. La Grèce est donc favorable à un vote à la majorité qualifiée. Cette position s’explique par le sentiment que le pays serait un maillon dans la chaîne mise en place depuis la Turquie pour maintenir autant que possible les migrants sur place et éviter qu’ils ne continuent leur route vers d’autres pays européens.

En conclusion, je dirai que la situation actuelle de la Grèce illustre tous les défis que l’Union européenne devra relever pour réussir sa réforme du droit d’asile et élaborer une stratégie commune pour organiser les flux migratoires. Les pays européens les plus exposés aux flux migratoires devront trouver un équilibre entre leur souveraineté nationale et les nouvelles prérogatives conférées à la future Agence européenne pour l’Asile qui sera la garante d’une véritable harmonisation du droit d’asile. Il en est de même pour la surveillance des frontières avec les nouvelles missions qui devraient être attribuées à Frontex. L’efficacité des différentes agences européennes dépend largement de la volonté des États membres de participer à leur fonctionnement. La Grèce illustre parfaitement ce problème : les experts nationaux envoyés au côté des professionnels du bureau européen de l’asile n’étaient pas assez qualifiés pour être immédiatement opérationnels et surtout leurs missions étaient trop brèves pour réaliser un travail de fond. Renforcer le rôle des Agences européennes telles que Frontex, Europol ou la future Agence européenne de l’Asile ne pourra pas se faire à court terme, en comptant sur les seuls effectifs propres à chaque Agence. Le concours des États membres pour l’appui logistique et la mise à disposition d’experts nationaux restera d’actualité et ce pourrait être, pour certains États, une manière de participer au futur mécanisme européen de solidarité.

La Grèce paraît assez réticente au sujet des dernières propositions de réforme formulées sous la présidence autrichienne comme celle de centres « contrôlés » – la Commission prend bien soin de ne pas les nommer centres « fermés » – dans certains États membres volontaires qui permettraient d’identifier les personnes secourues, avant d’en accueillir certaines et d’en renvoyer d’autres vers leurs pays d’origine. La Grèce a dit très clairement qu’elle ne souhaitait pas voir certains hotspots transformés en « Centres contrôlés » et elle estime que l’urgence est plutôt de revoir la manière dont les bateaux qui viennent au secours de réfugiés en Méditerranée doivent être orientés vers des ports « sûrs », les pays méditerranéens devant se mettre d’accord pour organiser une rotation des ports d’accueil. Cette position de la Grèce, pays qui a dû fournir un effort considérable alors qu’elle était elle-même en pleine crise financière, doit nous persuader de l’urgence à continuer à négocier sur le paquet Asile car il paraît très important de parvenir à des décisions avant les élections européennes.

La Grèce a aujourd’hui atteint ses limites dans sa capacité à faire face aux réfugiés qui sont sur son territoire. L’urgence pour ce pays est de gérer au mieux l’accueil, voire l’intégration de ceux qui ont demandé l’asile. Mais si demain, la Grèce devait affronter une nouvelle crise migratoire, elle serait totalement impuissante pour y faire face car l’Union européenne a tergiversé durant deux ans et a reculé devant des choix politiques importants. Le dernier Conseil européen d’octobre 2018 a montré l’attentisme des États membres alors qu’il serait urgent de trouver des solutions pérennes. La Commission européenne quant à elle, essaie de proposer des solutions allant vers plus d’intégration de la politique de surveillance des frontières et de la politique d’asile mais elle reste assez impuissante face à l’inertie des États membres.

Pardon d’avoir été un peu longs dans nos propos mais nous voulions vous faire partager notre inquiétude et témoigner d’une situation très difficile en Grèce. Toutes les personnes que nous avons rencontrées ont souligné l’urgence de trouver des solutions pérennes. Les autorités européennes doivent avoir la lucidité d’analyser toutes les conséquences de la Déclaration Union européenne‑Turquie et éviter de reproduire avec d’autres pays du pourtour méditerranéen comme le Maroc, les erreurs commises avec la Turquie. Reporter sur des pays de transit, la responsabilité de contrôler les flux migratoires à destination de l’Europe comporte de multiples inconvénients qu’il faut bien évaluer avant d’engager de nouvelles étapes dans le volet externe de la politique migratoire de l’Union européenne.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Merci pour cette communication qui reflète bien la difficulté pour les États membres de donner une traduction concrète à la notion de solidarité européenne. Chacun à notre niveau, nous devons nous efforcer de faire preuve de pédagogie et expliquer pourquoi les pays européens doivent avoir une approche commune des questions migratoires, un repli sur les frontières nationales étant inefficace et illusoire.

M. Bruno Gollnisch, membre du Parlement européen. En écoutant vos propos et en regardant le dossier que vous nous avez remis, je m’étonne de votre silence au sujet des procédures de retour pour les personnes déboutées du droit d’asile. Que deviennent les personnes entrées illégalement en Grèce ? N’est-il pas paradoxal de constater que l’Europe accorde largement le droit d’asile à de jeunes afghans alors que dans le même temps de jeunes soldats européens risquent leur vie dans des opérations militaires contre les talibans en Afghanistan. Ces jeunes afghans devraient se mobiliser pour défendre leur pays et être incorporés dans les forces militaires européennes qui y interviennent.

Le système d’asile européen est aussi déstabilisé depuis des années par le nombre massif de demandes émanant de ressortissants d’Érythrée. Nous ne devons pas rester impuissants face à ce régime dictatorial qui a mis en place une sorte d’esclavage moderne. L’Union européenne devrait demander l’intervention des Nations unies et de l’Organisation de l’Unité africaine pour faire cesser cette maltraitance de tout un peuple. Enfin, je m’interroge sur l’implication des États de langue arabe et de culture musulmane, comme les monarchies du Golfe par exemple, pour offrir une protection internationale à des réfugiés dont l’intégration serait beaucoup plus facile en raison de leur proximité culturelle.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je remercie les rapporteurs pour leur communication très intéressante sur le fond, mais j’ai trouvé que certaines expressions étaient blessantes pour l’État grec. Notre séance de commission est diffusée en direct et je ne voudrais pas que certains de vos propos soient mal interprétés. Il me paraît important que lorsque vous rédigerez votre rapport, vous preniez soin de ne pas employer de termes désobligeants qui pourraient nuire aux excellentes relations qu’ont toujours entretenues la France et la Grèce.

N’oublions pas que la Grèce est dans une situation difficile depuis de nombreuses années et qu’elle n’a pas toujours été traitée avec dignité par les autres États membres et par les autorités européennes. Il faut veiller à maintenir une relation apaisée avec ce pays qui a entrepris de profondes réformes mais dont les résultats tangibles tardent encore à se manifester. Je comprends très bien votre objectif de dresser un tableau lucide de la situation, mais vos propos seront mieux compris s’ils ne heurtent pas la sensibilité des autorités grecques.

Je voudrais faire maintenant un commentaire sur vos propos au sujet des contradictions de l’État grec. C’est tout à fait juste de constater que la Grèce, comme d’autres pays européens qui sont en première ligne des flux migratoires, veut à la fois une solidarité accrue des autres États membres pour éviter de devoir accueillir un trop grand nombre de réfugiés mais veulent aussi affirmer leur souveraineté nationale, pour restreindre les prérogatives que l’on pourrait attribuer à des agences européennes comme Frontex ou l’Agence européenne de l’Asile. La Grèce doit surmonter cette contradiction qui conduit à une impasse. Si elle estime avoir besoin d’un appui renforcé des agences européennes pour gérer l’accueil des réfugiés, elle doit accepter une gestion intégrée des frontières par exemple.

Je crois qu’il faudrait parvenir à définir au niveau européen quel devrait être le parcours logique d’un migrant qui quitte son pays, qui passe par la Turquie en l’occurrence et qui souhaite introduire une demande d’asile. Faut-il faire évoluer le droit international et considérer qu’il est possible de mettre en place un mécanisme permettant d’apprécier l’éligibilité au droit d’asile avant l’entrée sur le territoire de l’Union européenne ? C’est une question très complexe mais qui mérite d’être posée car actuellement des migrants risquent leur vie en traversant la Méditerranée car il n’existe pratiquement pas d’autres solutions pour demander l’asile de manière sécurisée.

J’en viens à la question de la solidarité entre les États membres et je voudrais souligner que l’on reproche des choses totalement contradictoires à l’Union européenne. Il est faux de prétendre que le premier mécanisme de relocalisation en septembre 2015 était un choix technocratique. Il a été décidé à la majorité qualifiée par le Conseil des ministres. C’était un choix politique des États membres. Aujourd’hui nous devons décider si le Règlement de Dublin est modifié et si nous mettons en place un mécanisme de répartition des demandeurs d’asile entre les pays européens mais il nous faudra choisir entre affirmation d’une solidarité européenne et affirmation de la souveraineté de chacun. Mateo Salvini, ministre de l’intérieur italien, affirme les deux principes à la fois mais c’est une illusion. Quelle est la position exacte de la Grèce à ce sujet ? S’ils sont déterminés à faire voter à la majorité qualifiée un mécanisme de solidarité obligatoire ils devront en contrepartie accepter des limitations de leur souveraineté nationale, notamment pour une surveillance des frontières extérieures de l’Union par Frontex.

Je crois que pour clarifier les négociations sur le droit européen de l’Asile et la maîtrise des flux migratoires, il faudrait définir clairement ce qui relève de la responsabilité de l’État grec ou de chaque État en première ligne et ce qui relève de la responsabilité de la Commission européenne et des agences. Actuellement, la confusion entretenue sur les responsabilités respectives en cas de crise migratoire conduit les professionnels de terrain à agir à court terme sans réelle coordination ni stratégie de long terme.

M. Joaquim Pueyo. Je reconnais que l’agenda politique avec la proximité des élections européennes est peu propice à l’avancée des négociations sur la réforme du droit d’Asile. Les questions migratoires seront un sujet majeur d’affrontement entre les europhiles et les eurosceptiques. Je voudrais vous interroger sur la proposition émise par la Commission européenne de renforcer les moyens de Frontex pour parvenir à un effectif de 10 000 gardes-frontières d’ici 2020. Cette proposition vous paraît-elle réaliste et estimez-vous que les moyens financiers et en personnel dont dispose actuellement Frontex sont suffisants pour répondre à ses missions ? Comme je suis un partisan de la construction européenne, je suis a priori favorable au renforcement des missions de la future agence européenne de l’Asile mais pensez‑vous souhaitable que cette agence se substitue aux États membres et que ce soit elle qui ait la responsabilité de prononcer les décisions individuelles pour accorder le droit d’asile ?

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Pour répondre aux observations de M. Bourlanges sur la forme de notre intervention je dirai que nous avons voulu témoigner franchement de ce que nous avons constaté. Ce langage de vérité n’a pas du tout la prétention de faire la leçon à quiconque et nous sommes tout à fait conscients des difficultés rencontrées par l’État grec depuis plusieurs années, qui s’est trouvé confronté à des injonctions contradictoires de la part des autorités européennes. La Grèce a entrepris des réformes mais elle doit les poursuivre en trouvant les voies les mieux adaptées à son contexte national. Les défauts d’organisation des services publics grecs ont de multiples causes mais il est certain qu’il est difficile de faire accepter à la population grecque qu’il est indispensable de créer des postes de magistrats pour accélérer les demandes d’asile alors que la justice ordinaire est confrontée à de graves difficultés. Je pourrai faire la même remarque concernant les soins médicaux. Comme vous nous le suggérez, nous veillerons à ce que note rapport évite d’employer des expressions qui pourraient être ressenties comme blessantes.

Quant à la filière idéale qu’il faudrait mettre en œuvre pour parvenir à préserver le droit d’asile tout en organisant les flux migratoires de manière sécurisée, je n’ai pas de réponse. Nous avons encore beaucoup d’investigations à mener dans le cadre de cette mission pour voir dans quels domaines l’Union européenne a fait de mauvais choix et comment elle peut mieux prévenir les crises migratoires. Actuellement, nous avons des informations préoccupantes sur la situation au Maroc et en Algérie avec des migrants qui seraient transportés de force dans des zones désertiques pour les éloigner des côtes et les empêcher ainsi de gagner l’Espagne. Nous avons l’intention d’aller au Maroc pour essayer d’analyser la situation.

Pour répondre à M. Gollnisch, je lui dirai que des mécanismes existent pour organiser le retour des déboutés du droit d’asile notamment grâce aux nouvelles responsabilités de Frontex. La Grèce, en collaboration avec l’OIM, a aussi cherché à développer les retours volontaires dans le pays d’origine avec une aide financière pour permettre une meilleure réinsertion économique. Je voudrais aussi lui faire remarquer qu’il n’existe pas de pays de culture musulmane. L’islam est une religion et il ne faut pas oublier que certains pays arabes ont des communautés chrétiennes importantes. Je voudrais rappeler que la demande d’asile doit rester une démarche individuelle et qui doit faire l’objet d’un examen personnalisé. Nous sommes très attachés à ce principe et c’est pourquoi il ne peut y avoir de détermination rapide du droit d’asile basé sur le seul critère de la nationalité.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. La question de l'accueil des demandeurs d'asile et réfugiés est essentiellement le problème des pays du sud et frontaliers des zones de conflit qui en accueillent 80 %. Je voudrais ici rappeler qu’au Liban les personnes réfugiées représentent à peu près 20 % de la population libanaise et qu’en Jordanie, il y a près de 800 000 réfugiés.

Pour continuer à répondre à M. Gollnisch, je dirai que la question du retour des déboutés du droit d’asile est une question difficile et que le rôle de Frontex dans ce domaine doit être renforcé. Quant à la question de la gestion de la frontière terrestre entre la Grèce et la Turquie, la situation s’est beaucoup détériorée depuis la tentative de coup d’état en Turquie. Les relations entre les deux pays n’ont jamais été simples mais je peux témoigner ici, m’être rendue à la frontière nord‑est il y a 3 ans au début de la crise migratoire et à cette époque-là, j’ai pu constater que les gardes-frontières des deux pays travaillaient en étroite collaboration. Ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui, en grande partie pour des raisons politiques qui dépassent le cadre bilatéral turco-grec.

La position de la Grèce sur la réforme européenne de l’asile est très claire, elle souhaite un régime du droit d’asile plus intégré et considère que les négociations ne pourront jamais aboutir si on s’en tient à la règle du consensus. Mais la position de la Grèce est avant tout pragmatique car elle est confrontée à la réalité des flux d’arrivées des migrants. Elle estime donc qu’une solution transitoire devrait être trouvée entre les pays du pourtour méditerranéen pour organiser la prise en charge des réfugiés secourus en mer et éviter qu’à chaque arrivée de bateau de longues heures de négociation se déroulent avant de trouver un port de débarquement. Cette solution serait transitoire jusqu’à l’adoption d’un nouveau Règlement de Dublin.

Je crois qu’il est important de dresser un constat lucide sur la situation en Grèce et d’expliquer les difficultés d’organisation administrative. Il est très difficile de mener des réformes structurelles dans un contexte de crise économique et les réformes entreprises sont sans doute plus lentes qu’ailleurs car il n’existait pas de culture administrative préalable. C’est déterminant pour expliquer les lenteurs d’instruction des dossiers d’asile. De plus, on a l’impression que la Commission européenne a formulé des préconisations qui étaient déjà préétablies sans chercher à savoir si elles étaient vraiment adaptées à la situation grecque.

Concernant la stratégie externe de l’Union européenne, il faut que les États membres prennent le temps d’évaluer les résultats de la Déclaration Union européenne‑Turquie avant de vouloir s’inspirer de ses principes pour conclure d’autres accords de ce type, qui conduisent à une externalisation de la surveillance des flux migratoires. N’est-ce pas une manière de se défausser sur certains États tiers ?

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Pour répondre à M. Pueyo au sujet de l’extension des moyens de Frontex, je crois que c’est souhaitable mais il faut que des moyens financiers européens soient dégagés pour permettre cette évolution. Je tenais à dire ici que le déplacement en Grèce a été grandement facilité par la présence de Marietta Karamanli qui connaît très bien le pays et qui est responsable du groupe d’amitié France-Grèce. De plus elle a étudié les problèmes d’organisation administrative sur le long terme en Grèce et elle m’a permis de mieux comprendre certaines particularités liées à l’histoire de ce pays. Je voudrais conclure en disant que nous allons poursuivre nos travaux en cherchant à comprendre les points de blocage et à déterminer comment l’Union européenne pourrait harmoniser véritablement les conditions d’attribution du droit d’asile et parvenir à une meilleure intégration des réfugiés. Si les États membres n’arrivent pas à aboutir avant les élections européennes à un compromis sur le Paquet Asile, il y a fort à parier qu’il faudra repartir de zéro car l’équilibre des forces politiques au sein des institutions européennes risque d’être profondément remanié.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Je remercie les rapporteurs pour leur communication. Ils vont poursuivre leurs travaux et leur rapport devrait être présenté au début de l’année 2019.

 


   PRÉSENTATION DU RAPPORT D’INFORMATION DE
M. LUDOVIC MENDES ET MME MARIETTA KARAMANLI ET
EXAMEN DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE SUR LA RÉFORME EUROPÉENNE DU DROIT D’ASILE

 

Jeudi 17 octobre 2019

 

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Nous allons vous présenter rapidement notre rapport, fruit d’un travail de près d’un an et demi. Les questions migratoires sont une actualité continue. Chacun a bien en tête les débats, en séance publique ou ailleurs, qui ont lieu à ce sujet. Parmi ce flot continu d’informations et de prises de position, une question doit être traitée à part : c’est celle de l’asile.

Avec la Convention de Genève de 1951, le droit d’asile s’affirme comme un droit à l’asile, parce que l’on estime que les personnes qui le sollicitent ont un besoin de protection, qu’il est du devoir moral des États démocratiques de satisfaire.

Les États membres de l’Union européenne, qui font partie d’une communauté d’intérêts et de destin, ont décidé de se doter d’un cadre juridique commun pour traiter des demandes d’asile, puis pour organiser l’accueil des réfugiés. Ce cadre européen a montré ses faiblesses. En 2015, ce sont plus d’1,2 million de personnes qui ont formé une demande de protection internationale auprès des pays européens. Avec ces flux importants de demandeurs d’asile, dont certains déposent des demandes multiples dans plusieurs pays, le système construit autour du règlement Dublin III s’est enrayé.

La Commission européenne a proposé, dès 2016, un paquet de sept textes interdépendants, afin de trouver un équilibre juridique, et de répondre à l’insatisfaction des pays les plus confrontés au devoir d’accueil. C’est ce projet de réforme, appelé « paquet asile », que notre rapport se propose d’éclairer. Avec ma collègue, nous avons souhaité l’accompagner d’une proposition de résolution, car nous estimons qu’il est urgent que les gouvernements, et à travers eux le Conseil, affrontent enfin la complexité d’une réforme indispensable.

Cette conviction est nourrie par des constats que nous avons pu faire nous-mêmes au cours de nos déplacements. Nous nous sommes rendus en Grèce en novembre dernier, où nous avons pu constater les difficultés des autorités locales à faire face à l’afflux de demandeurs d’asile. Un an plus tard, la situation humanitaire dans les îles grecques est toujours dramatique, et le camp de Moria a un taux d’occupation de 400%.

Nous sommes désormais face au paradoxe malheureux d’une situation d’urgence devenue durable. Malgré cette urgence, nous avons dû faire un constat, qui occupe la première partie de notre rapport : en retraçant les négociations européennes autour du paquet asile, nous avons établi, pour le moment, l’histoire d’un blocage.

Nous avons souhaité expliquer les objectifs des sept propositions originelles de la Commission. D’une part, il s’agit de renforcer la solidarité entre les États membres, notamment par la proposition d’un mécanisme de réinstallation. C’est ce mécanisme qui a été vivement attaqué par les États du groupe de Visegrád, Hongrie et Pologne en tête, et qui a précipité le blocage des discussions. D’autre part, la Commission a insisté sur l’aspect sécuritaire de la réforme de l’asile, en cherchant à lutter contre les mouvements secondaires sur le territoire européen par le renforcement des sanctions contre les demandeurs d’asile en fuite. Aussi, les négociations sont restées bloquées au niveau du Conseil, sauf sur les textes les plus consensuels. La raison à cela est un désaccord majeur sur la nature de la solidarité qui doit lier les États membres dans la gestion des demandes d’asile.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Devant cet échec provisoire, mon co-rapporteur et moi-même nous sommes mis d’accord tant sur le diagnostic, notamment à partir des constats faits sur le terrain et des échanges que nous avons eus lors des auditions, que sur les propositions. Nos points d’accord tiennent à quatre principes cardinaux : solidarité entre les États, harmonisation, respect de la dignité et respect des droits humains.

Sur le paquet asile en lui-même, nous considérons que le fait d’avoir recours majoritairement à des règlements pour mettre en place cette réforme est un bon procédé. Cela permet de guider les États vers des réformes. Toutefois, il faudra sans doute dissocier l’adoption des différents textes afin de permettre leur adoption, qui est en l’état bloquée par une logique de « tout ou rien », ce qui n’est ni efficace, ni cohérent. À défaut d’avancer progressivement, on n’avance pas. C’est par pragmatisme que nous faisons cette proposition.

Ensuite, au terme de nos échanges, nous sommes convenus d’une position résolument engagée en faveur de plus de solidarité entre les États membres, qui ne soit ni dogmatique, ni utopique, mais opérationnelle. Une solidarité digne de ce nom ne peut pas prendre seulement la forme d’un soutien financier. En effet, le régime européen de l’asile, tel qu’il est actuellement conçu, fait peser des charges disproportionnées sur certains États, parce qu’ils sont aux frontières de l’Europe. Tous les pays ne sont pas égaux face à l’arrivée des migrants demandant l’asile. Des pays comme la Grèce et l’Italie, du fait de leur situation géographique, font face à des flux migratoires très importants depuis 2015 et ont le sentiment d’être quelque peu délaissés par les autres États membres, qui n’ont pas toujours voulu comprendre combien cette crise migratoire pouvait mettre à mal la cohésion sociale de certains territoires. Cette situation est inquiétante, et elle a des conséquences sur la manière dont sont traités les demandeurs d’asile.

C’est pour cela que nous pensons qu’il faut continuer à rapprocher les systèmes nationaux, en renforçant la législation commune, et en dotant les agences européennes qui interviennent dans le champ de l’asile de moyens plus étendus.

Le droit d’asile est traversé par une contradiction puissante : il y a, d’un côté, le principe intangible de la souveraineté nationale, parce que ce sont les États qui accordent la protection ; de l’autre, il y a la question de la dignité des personnes ayant un besoin constaté de protection internationale. Il est important de trouver un cadre stable et évolutif pour l’organiser, ce qui renvoie aux valeurs et idéaux des droits de l’Homme.

Nos propositions tendent à concilier ces deux impératifs.

Ainsi, le nouveau règlement Dublin devrait mieux prendre en compte la réalité des demandes d’asile dans la détermination de l’État responsable du traitement d’une demande. Nous estimons qu’une plus grande souplesse doit permettre d’échapper plus souvent au critère de l’État de première entrée. C’est une nécessité au regard des raisons qui poussent à demander l’asile dans un pays plutôt que dans un autre : ce peut être la connaissance de la langue, la présence de la famille, ou encore d’une importante diaspora. Prendre en compte ces critères est la clé de l’intégration future.

La proposition du Parlement européen sur ce texte en tient compte, et propose un mécanisme de répartition permanent, qui ne soit pas limité aux seuls cas de crise migratoire. Cette position nous semble à la fois plus réaliste et plus rationnelle. 

M. Ludovic Mendes, rapporteur. J’aimerais dire un mot de l’aspect plus organisationnel de la réforme. D’abord, nous pensons profondément que la coopération européenne en matière d’asile doit avoir pour but, à terme, de permettre une reconnaissance mutuelle des décisions relatives à l’asile. Pour y parvenir, il faut que les autorités nationales partagent la même interprétation de la Convention de Genève et du droit européen. Dans l’idéal, les autorités nationales responsables des demandes seraient toutes indépendantes, à l’image de l’OFPRA, l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides, qui est pour l’instant plutôt l’exception en Europe.

Ensuite, comme le droit d’asile est lié à la situation du pays d’origine du demandeur, il apparaît indispensable que les États membres partagent une même définition du concept de pays d’origine sûr. Par exemple, il est assez étonnant que la France accorde massivement l’asile aux ressortissants afghans, tandis que l’Allemagne considère qu’il est possible d’avoir recours à « l’asile interne », c’est-à-dire de déménager dans son propre pays pour être en sécurité. Pour que ces différences cessent, la future Agence de l’Union européenne pour l’asile devrait consolider son rôle actuel, en déterminant des méthodes de suivi de la situation géopolitique des pays d’origine. Elle pourra aussi être chargée de la définition d’une liste de pays d’origine que tous les États considèrent unanimement comme sûrs. Cela signifie qu’il doit être plus rapide de traiter ces demandes, et de débouter les personnes originaires de pays sûrs.

Cela implique aussi de suivre avec attention l’évolution des flux de demandes d’asile, quand ils proviennent d’État qui bénéficient de la libéralisation du régime de visas. C’est pour cette raison que nous prônons une approche globale des migrations : le statut de réfugié ne doit pas être dévoyé, mais cela invite, en parallèle, à développer des voies de migration sûres et légales vers l’Union européenne.

Pour ce qui est de la situation concrète des personnes, il faut aussi que tous les États membres aient la même façon d’accueillir les demandeurs d’asile en attente de traitement de leur dossier. L’Agence pour l’asile pourrait avoir un droit de regard sur les pratiques nationales, afin qu’elles s’alignent sur un standard minimal. À cet égard, nous avons tous les deux été frappés par le manque d’informations pratiques à disposition des migrants dans les hotspots que nous avons visités. Avoir accès aux informations pratiques, dans sa langue, est pourtant indispensable.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Pour nous guider dans notre réflexion, nous nous sommes appuyés sur le critère de la vulnérabilité, littéralement l’état de ce qui peut être atteint et attaqué, qui est un mot récurrent lorsqu’on évoque les questions d’asile. Nous pensons qu’il est de notre devoir de garantir aux personnes les plus fragiles l’accès à la protection internationale. C’est l’histoire du XXe siècle et de ses désastres passés qui ont amené l’adhésion des États à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

Pour les situations de crise, cela passe par la réinstallation directe depuis des zones déstabilisées. Des couloirs humanitaires ont déjà été mis en place dans le passé, par exemple au Liban ; je crois que de nouvelles crises proches se prêteront à ce dispositif.

Nous avons aussi repris à notre compte une proposition qui a déjà été formulée dans le passé : celle de délivrer des visas ad hoc pour demander l’asile. On permet ainsi aux personnes d’accéder au territoire européen, ce qui leur évite un voyage long et périlleux. C’est aussi un moyen de contourner l’économie souterraine criminelle qui nourrit les réseaux de passeurs, et contre lesquels nous appelons à mettre en place une coopération judiciaire spécifique et renforcée au niveau européen.

Enfin, parmi les personnes les plus vulnérables, il y a les mineurs qui se trouvent seuls sur le territoire européen. Pour eux, nous pensons qu’il est indispensable de poursuivre la construction d’un cadre juridique européen qui soit adapté à leur situation particulière. À ce stade, chaque pays détermine l’âge des mineurs non accompagnés selon une technique propre. Si le statut de mineur ne leur est pas reconnu, des droits spécifiques ne sont pas accordés - par exemple une représentation pour faire leur demande d’asile - et ces jeunes sont à la merci des dangers de la rue et de la menace du trafic d’êtres humains. Pour eux, en particulier, nous souhaitons rappeler l’étymologie du mot asile : il vient du  grec ancien ἄσυλος, qui signifie « inviolable ». Nous souhaitons que l’Union européenne soit à la hauteur de l’enjeu, moral et historique, de toujours garantir à ceux qui en ont besoin une protection contre les plus grands dangers. Cette mission nous oblige, mais elle nous honore.

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Notre rapport dresse donc un bilan et des propositions sur la réforme européenne du droit d’asile, mais invite à une réflexion plus large sur les dispositifs complémentaires. En tout état de cause, nous souhaitons voir un dénouement rapide au dossier, et attendons de l’installation des nouvelles institutions des orientations fortes dans ce domaine.

M. André Chassaigne. Je n’ai malheureusement pas eu le temps de lire le rapport dans son intégralité, en cette période budgétaire où les réunions de commissions sont très nombreuses. J’ai cependant étudié la proposition de résolution des rapporteurs, sur laquelle je m’abstiendrai.

Pour ce qui concerne la prise en compte de l’asile au niveau européen, les députés communistes estiment qu’il y a actuellement en Europe une agitation fantasmée du spectre de la pression migratoire, qui conduit à une vision sécuritaire et répressive. Il faut être extrêmement attentif à s’opposer à toute volonté de mettre en œuvre une politique contre les migrants, qui ne tienne pas compte des réalités qui ont conduit à l’augmentation du nombre de migrants dans l’Union européenne.

Je voudrais également rappeler les chiffres. En France, il y a 7,1 % d’étrangers, proportion stable depuis plus d’un siècle, ce qui dément le fantasme d’une immigration massive véhiculé par la droite et l’extrême-droite. La France accueille depuis dix ans environ 200 000 personnes par an, soit 0,3 % de la population. Cet accueil doit être fondé sur le respect des droits.

Enfin, le droit d’asile en France est un droit fondamental profondément ancré dans notre tradition républicaine. Il faut porter cette éthique du droit d’asile au niveau européen. En France, c’est un droit constitutionnel inscrit dans le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et, vous l’avez rappelé, une obligation internationale qui repose sur la Convention de Genève du 28 juillet 1951. Il est bon d’avoir fondé votre travail sur la prise en compte de cette convention.

M. Thierry Michels. Je tiens tout d’abord à remercier les rapporteurs pour la qualité de leur travail. Le délai nécessaire à l’élaboration de ce rapport reflète la difficulté des États membres de l’Union européenne à collaborer sur la question migratoire et plus particulièrement sur la répartition des demandeurs d’asile. La question migratoire se double en réalité d’une interrogation sur le droit d’asile qui s’impose aux pays européens conformément aux valeurs de l’Union européenne. Je souhaiterais poser deux questions : d’une part, le rapport met en relief les initiatives de certains États membres pour mettre en œuvre une coopération informelle renforcée en matière de répartition automatique des demandeurs d’asile. Quelle appréciation portez-vous sur ce régime à deux vitesses de la répartition des demandeurs d’asile ? Estimez-vous que cette voie devrait être poursuivie dans l’hypothèse où les négociations communes ne progresseraient pas ? D’autre part, la future Commission présidée par Mme Ursula von der Leyen, pourra‑t‑elle apporter un souffle nouveau permettant à l’Europe de progresser sur ces sujets, et si oui, de quelle manière ?

Mme Constance Le Grip. Je souhaiterais présenter quelques observations générales avant de reprendre ultérieurement la parole, avec l’autorisation de Mme la Présidente, lors de l’examen de la proposition de résolution. Au nom du groupe les Républicains, je tiens en effet à rappeler les éléments suivants : personne ne remet bien évidemment en cause le droit d’asile au sein de la droite républicaine. Nous ne sommes pas habités par des fantasmes sécuritaires. Nous appartenons à une famille politique qui a toujours fait face avec responsabilité aux différents défis, sans s’écarter des valeurs républicaines et européennes.

Le rapport fait état d’un constat que nous pouvons partager : la crise des réfugiés a révélé les défaillances de la politique migratoire et du droit d’asile dans l’Union européenne et un certain nombre de défis migratoires sont encore à venir. La crise survenue en 2015 a profondément déstabilisé un certain nombre d’États membres de même, à certains égards, que les institutions européennes. Elle a certainement contribué à la progression de l’euroscepticisme voire de l’europhobie. Il faut donc en tirer quelques leçons et se préparer à un avenir, qui pourrait être relativement difficile à affronter, compte tenu des perspectives démographiques, notamment en Afrique.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Au groupe Modem, comme vous le savez, nous sommes très sensibles à la problématique du droit d’asile, Mme de Sarnez s’étant notamment exprimée à ce sujet, récemment lors du débat sur l’immigration. Il y a urgence à recentrer notre politique de l’asile sur ceux qui sont réellement exposés à la persécution et à la guerre dans leur pays, et ce, par étapes, dans un cadre européen harmonisé que vous vous êtes efforcé de dessiner. Nous approuvons le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions prises pour éviter le réexamen des dossiers déjà traités par un partenaire européen. Nous pensons qu’il est nécessaire de faire converger les taux de reconnaissance du statut de réfugié, les pratiques et les procédures, de réduire la durée de l’instruction des dossiers pour des raisons, à la fois pratiques et humaines - le traitement des demandes d’asile en France est effectué en moyenne en douze mois -, de mettre en œuvre une politique d’aide au retour plus efficace et enfin d’accorder la priorité aux publics les plus vulnérables, tels que les mineurs.

Mme Danièle Obono. Votre rapport apporte des éléments très utiles dans le contexte des débats actuels sur la politique migratoire. D’un point de vue un peu plus général, il me semble cependant y manquer une mise en perspective globale des phénomènes liés au droit d’asile. Le rapport présente certes des données relatives à la crise de l’accueil, entre 2015 et 2018. Il est cependant important, y compris pour échapper aux clichés et à l’instrumentalisation de la crise de l’accueil, de souligner que l’Union européenne n’est pas la première région de destination ni d’accueil des réfugiés. Des éléments relatifs aux comparaisons internationales mériteraient d’être pris en considération dans l’approche française et européenne pour montrer comment les pays et régions qui témoignent de la plus grande solidarité envers les réfugiés organisent cet accueil. Cela permettrait d’alimenter, au niveau international, au sein de l’ONU, la réflexion sur la prise en charge de la question à l’échelle mondiale. Cette dimension fait trop souvent défaut au niveau européen alors même que l’Union européenne pourrait jouer un rôle moteur en la matière.

Je souhaiterais interpeller les rapporteurs sur deux points : premièrement, avez-vous eu la possibilité d’examiner la problématique internationale au cours des travaux préparatoires au rapport ? Deuxièmement, concernant l’anticipation et la prévision des demandes d’asile, le groupe La France insoumise souhaite attirer l’attention sur la notion d’asile climatique et humanitaire. Le rapport fait référence à de tels dispositifs d’asile en matière humanitaire. Il nous semble en réalité nécessaire de prendre en compte, au titre de la Convention de Genève de 1951, la notion d’asile climatique en vue d’anticiper ce qui va devenir une problématique mondiale et qui, exposant prioritairement les pays du Sud, obligera la solidarité européenne compte tenu de ses valeurs et de ses responsabilités.

Mme Aude Bono-Vandorme. Je souhaiterais interroger les rapporteurs sur une question précise : l’opération Sophia avait été décidée en 2015 après le naufrage au large de l’île de Lampedusa qui avait fait 800 victimes. L’Italie en assurait le commandement et son quartier général se trouvait à Rome. Cette opération a été partiellement suspendue en mars 2019 après la décision de l’Union européenne de ne plus envoyer de navires croiser au large des côtes libyennes en raison du refus du gouvernement italien d’accepter le débarquement des naufragés. Au début du mois de septembre dernier, le comité politique et de sécurité de l’UE a néanmoins prorogé de six mois l’opération Sophia, jusqu’au 31 mars 2020, mais avec des capacités d’action réduites aux seules surveillances aériennes. Compte tenu du retrait de l’ancien ministre de l’intérieur italien et de l’accord provisoire de La Valette, estimez-vous qu’une reprise des missions de recherche et de sauvetage par des navires de l’Union européenne soit possible et souhaitable ?

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Je souhaiterais vous poser également une dernière question. L’on a constaté l’existence d’un blocage au sein du Conseil européen où s’affrontent trois groupes : les États, premiers pays d’accueil favorables, à juste titre, à davantage de solidarité, les pays du groupe de Visegrád, qui font bloc contre et, entre ces deux premiers groupes, des États tels que la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, davantage concernés par les mouvements secondaires, qui sont à la recherche d’un point d’équilibre. Observe-t-on actuellement une évolution de ces positions respectives ou bien s’agit-il d’un statu quo ?

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Permettez-moi, tout d’abord, chers collègues, de vous remercier pour vos remarques et réflexions. Je me rends compte que nous partageons, en majorité, les mêmes préoccupations qui sont d’ailleurs exprimées dans notre rapport. Je souscris aux propos de M. Chassaigne sur le fait qu’il ne faut pas céder aux fantasmes sur le nombre de réfugiés. Examinons plutôt les chiffres : en 2015, 1,3 million de réfugiés ; en 2016, 1,2 million et en 2018, 650 000. La tendance est donc à la baisse. Au sein de l’Union européenne, il convient, au-delà de ces chiffres, de développer l’esprit de solidarité qui a nous a fait défaut au cours de la période récente et qui a conduit à des situations telle que celle que nous avons connue en Italie. Je rejoins également Mme Obono sur la question des mouvements internationaux, qui a déjà été abordée dans de précédents rapports. Le cadre du présent rapport, qui ne porte pas sur l’aspect international mais sur le « paquet asile », est nécessairement plus restreint. Nous n’omettons pas cependant de rappeler qu’au-delà de l’Union européenne, les mouvements de migrants affectent particulièrement d’autres États ou continents tels que l’Afrique. Nous avons recueilli des informations à ce sujet, au cours de nos auditions, notamment du Haut Comité aux Réfugiés (HCR).

Se placer dans le cadre du droit d’asile et du respect de la Convention de 1951 permet également, vous l’avez mentionné, Mme la Présidente, de souligner l’existence d’un blocage, ainsi qu’en atteste la durée de l’élaboration de notre rapport. De fait, il a été parfois difficile d’obtenir des réponses à certaines de nos questions. L’adoption d’une proposition de résolution doit permettre d’envoyer un message à la future Commission européenne et au nouveau Parlement européen. Tel est bien notre rôle en tant que parlementaires nationaux.

La situation reste malheureusement bloquée à l’heure actuelle et il est probable que nous soyons amenés à intervenir de nouveau, lors de l’examen de textes par voie de communication. À cet égard, nous formulons dans notre proposition de résolution européenne une proposition pragmatique : nous ne pouvons plus continuer dans l’Union européenne à examiner des textes par paquet, car cela constitue en définitive un facteur de blocage, au détriment des textes les plus susceptibles de recueillir un accord. Dans l’idéal, cette méthode semble efficace pour faire progresser simultanément un ensemble de textes, mais en réalité, cela ne fonctionne pas, en particulier dans cette matière sensible.

Madame Le Grip, je tiens à rappeler que la solidarité n’est pas contradictoire avec la responsabilité. Or l’Union européenne a manqué de solidarité ces dernières années. Madame Deprez-Audebert, il n’est pas possible de réduire davantage les délais : nous l’avons fait, mais nous ne pouvons pas aller plus loin. Nous essayons de rendre plus efficaces les procédures de retour. Il était nécessaire d’augmenter les moyens alloués à Frontex. S’agissant de l’opération Sophia, il a été décidé de la prolonger, car les sauvetages en mer sont nécessaires pour sauver des vies.

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Notre rapport ne s’est pas concentré sur la dimension internationale, car il portait sur le « Paquet asile ». Dans ce cadre, il est problématique que chaque avancée ait été suivi d’un recul, et que chaque sommet ait été l’occasion d’un changement de position. Dans cette situation de blocage, provoquée notamment par les pays de l’Est, la France est le pays qui a le plus fait bouger les lignes.

L’opération Sophia doit être mise en perspective avec la proposition de réfléchir à de nouvelles voies de migration et de mettre en place des centres d’accueil et d’information des demandeurs d’asile dans d’autres territoires. Il faut définir des voies légales pour lutter contre les passeurs. La réponse doit être humanitaire, et pas seulement sécuritaire.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. S’agissant du mécanisme de relocalisation, on constate une Europe à deux vitesses. La France a participé au dispositif, et la coopération avec la Grèce et l’Italie a bien fonctionné. Notre intention n’est pas de donner des leçons, mais de trouver les moyens d’avancer en s’appuyant sur des constats. À cet égard, notre rapport comprend une liste de propositions, parmi lesquelles : la refonte de la solidarité européenne en s’appuyant sur des dispositifs connexes à l’asile, comme le développement de voies légales ; l’harmonisation des procédures d’accueil ; l’exercice effectif du droit d’asile en garantissant le respect des droits fondamentaux ; le refus du concept de pays tiers sûrs. Il s’agit donc d’avancer de manière volontariste, en garantissant le respect des droits fondamentaux.

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Nous sommes confrontés à une Europe, non pas à deux, mais à trois vitesses : les pays qui acceptent la solidarité
– notamment la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, le Luxembourg ; ceux qui la refusent – notamment la Pologne, la République tchèque et la Hongrie ; ceux qui attendent – essentiellement les pays du Nord.  Ce blocage nourrit le populisme nationaliste, cause du tort à l’Europe, et peut même causer sa perte.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. La discussion sur le rapport est close et nous en venons à l’examen de la proposition de la résolution.

 

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

 

Mme Frédérique Dumas. D’abord, je tiens à préciser que la politique européenne des migrations n’est pas complémentaire de celle menée au niveau national : ces politiques doivent être menées en parallèle. Ensuite, je salue le principe d’une coopération judiciaire spécifique pour la lutte contre le trafic d’êtres humains et votre opposition à la retenue obligatoire des demandeurs d’asile dans des zones de transit. En outre, il conviendrait de mentionner la politique d’aide au développement, qui est une dimension essentielle de la politique migratoire. Je tiens également à insister sur le droit à l’information des demandeurs d’asile. À cet égard, je tiens à mettre en avant les initiatives de « France médias monde », qui a développé des applications pour les migrants, avec des financements européens. Ces applications sont disponibles dans certains camps de réfugiés et pourraient être également déployées au niveau européen.

Par ailleurs, vous vous opposez, à juste titre, au concept de « pays tiers sûrs ». Il n’a pas de fondement juridique, mais est couramment utilisé. Je tiens à souligner que, même au sein de ces pays, certains publics spécifiques peuvent être discriminés et doivent faire l’objet d’une protection particulière.  Enfin, je souscris à l’idée de faire évoluer le droit d’asile en prenant en compte la notion de réfugiés climatiques.

Mme Danièle Obono. Cette question de l’asile, malheureusement, est souvent instrumentalisée, comme l’a d’ailleurs montré le récent débat que nous avons eu à l’Assemblée nationale. C’est le cas également dans d’autres États membres, où cette instrumentalisation fait le jeu des populismes. Ce qui est certain, c’est que le respect du droit d’asile en Europe est loin d’être exemplaire.

Certains éléments pertinents du rapport ne se retrouve malheureusement pas dans la proposition de résolution européenne qui, pour l’essentiel, ne fait que s’inscrire dans ce contexte de remise en cause des droits des demandeurs d’asile, à laquelle s’oppose le groupe La France insoumise. Deux points de cette proposition de résolution européenne m’apparaissent problématiques :

– le premier porte sur le fichier EURODAC ; l’accès à celui-ci va être considérablement élargi, de même que les informations qu’il contient, lesquelles incluent désormais des informations personnelles sur les demandeurs d’asile ;

– le deuxième porte sur Frontex ; alors que son budget atteindra 1,6 milliard d’euros en 2021, la dimension sécuritaire et répressive de ses activités s’est accrue sans que personne ne questionne cette évolution ; lorsqu’on l’interroge, notamment au Parlement européen, Frontex refuse de donner des réponses.

M. André Chassaigne. Je partage pour l’essentiel l’analyse de Danièle Obono. Je considère par ailleurs que faire une proposition de résolution européenne sur le sujet de l’asile est parfaitement dans le rôle de la commission des Affaires européennes. La France doit porter des propositions au niveau européen et cette proposition de résolution européenne y contribue.

Si l’on part de la base que constituent les propositions de la Commission européenne, force est de constater que les règles en matière d’asile se durcissent, portées en ce sens par le groupe de Visegrád. Pour ma part, je m’abstiendrai lors du vote de cette proposition de résolution européenne. Même si elle contient plusieurs propositions intéressantes, en matière notamment de mineurs non accompagnés ou de voie légale d’accès, elle ne remet pas en cause une réforme globale qui conduit à une harmonisation par le bas au lieu d’élever les standards vers plus de solidarité et de respect des droits de l’homme.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. L’objet de cette proposition de résolution européenne est d’envoyer un message fort à la Commission européenne, mais celle-ci s’en tient, justement, à ses propositions. Or, même s’il y a des interactions, ni Frontex, ni l’aide publique au développement ne font partie du paquet asile.

Je ne partage pas l’analyse de Danièle Obono qui mélange l’Union européenne et le contexte national. Nous avons veillé, avec Ludovic Mendes, malgré nos appartenances politiques différentes, à refuser les postures et à écarter les problématiques nationales. Le gouvernement n’a ni guidé, ni inspiré notre proposition de résolution européenne dont les propositions découlent par ailleurs directement du rapport.

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Contrairement à ce qu’affirme Danièle Obono, nous n’avons pas fait de propositions sur EURODAC qui n’est mentionné dans la proposition de résolution européenne que dans un considérant. Effectivement, comme l’a souligné Marietta Karamanli, nous avons synthétisé des positions très diverses et malgré nos divergences politiques, nous sommes arrivés à un consensus sur le constat et les propositions, lesquelles visent avant tout à harmoniser les positions en Europe sur le droit d’asile.

À l’issue de la discussion générale, la commission est passée à l’examen des amendements.

La commission examine l’amendement n° 1 de Mme Frédérique Dumas, de portée rédactionnelle.

Après l’avis favorable des rapporteurs, l’amendement est adopté.

La commission examine l’amendement n° 2 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. Cet amendement vise à s’assurer que les pays de transit, qui reçoivent une aide de l’Union européenne, respectent les droits fondamentaux des demandeurs d’asile à destination des pays européens.

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Avis défavorable. La définition des pays de transit est incertaine juridiquement. Enfin, la référence aux « pays tiers sûrs » s’oppose au reste de la proposition de résolution européenne.

Mme Frédérique Dumas. Je ne comprends pas la réponse du rapporteur. Un pays de transit est facilement identifiable. En outre, quand bien même le Niger n’est pas un pays sûr, c’est un pays de transit qui reçoit des financements de l’Union européenne. Il me semble donc normal que celle-ci s’assure qu’il respecte les droits des demandeurs d’asile.

M. Jean-Louis Bourlanges. La notion de « pays transitoire » est trop incertaine ! Revenons-en à l’expression : « pays de transit ».

L’amendement est retiré par Mme Frédérique Dumas.

La commission examine l’amendement n° 7 de M. Alexandre Holroyd.

M. Alexandre Holroyd. Je tiens d’abord à saluer le travail des rapporteurs. L’amendement n°7 est essentiellement rédactionnel. Il convient de préciser que les mouvements secondaires peuvent être motivés par d’autres facteurs que les divergences dans les conditions d’accueil des demandeurs d’asile.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Je suis favorable à cet amendement, dont la rédaction est plus rigoureuse.

L’amendement est adopté.

La commission examine l’amendement n° 8 de M. Alexandre Holroyd.

M. Alexandre Holroyd. J’ai bien conscience que le présent amendement n’a rien de rédactionnel et porte sur le fond du sujet. Le chantier lancé en 2016 par la Commission européenne reste inachevé. Il comprend sept textes, dont cinq sont quasiment finalisés. L’ensemble de ces textes propose une vision d’ensemble de l’asile, reposant sur trois piliers : la responsabilité, la solidarité et l’harmonisation. Cette réforme sera déséquilibrée si seuls certains textes sont adoptés. À cet égard, il serait opportun que la présidence finlandaise essaie d’obtenir un accord sur l’ensemble du paquet. Il convient donc de continuer à défendre la position française sur le sujet : les textes étant indissociables, isoler certains d’entre eux conduirait à des effets de bords.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Je ne suis pas favorable à cet amendement, car nous sommes dans une situation de blocage complet. Il faut être pragmatique et avancer sur les textes et dispositions qui font l’objet d’un accord, par exemple le développement des voies légales, car la situation de blocage aggrave la crise. En tout état de cause, je ne crois pas que la Finlande ait la capacité de débloquer la situation pendant sa présidence.

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Cet amendement est contradictoire avec les préconisations de notre rapport. Nous espérons que la présidence finlandaise, le nouveau Parlement européen et la nouvelle Commission européenne se saisiront de la réforme de l’asile, mais il n’est pas souhaitable que l’on se relance dans de longues discussions sur le sujet. Cela dit, je conviens de la grande complémentarité des textes.  Avis de sagesse.

Mme Danielle Obono. Le pragmatisme de votre approche a des limites. La crise de l’accueil provient non d’un défaut de pragmatisme, mais d’un choix politique de différents États, dont la France. Les débats européens ne sont pas déconnectés des débats nationaux. La question n’est pas de savoir s’il faut légiférer par paquet ou étape par étape : il faut se poser la question de l’objectif de la réforme. Pour ma part, je pense qu’une proposition de résolution qui ne remet pas en question les fondements de la politique proposée conduit à une impasse.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. On peut ne pas être d’accord avec notre proposition, mais elle n’est pas seulement pragmatique : elle repose bien sur une vision politique.

M. Jean-Louis Bourlanges. Les rapporteurs ont raison de rechercher l’efficacité : il faut faire une percée quand on peut la faire. Cependant, comment peut-on avancer le plus vite dans le système européen ? Je n’ai pas la réponse à cette question. Faut-il n’adopter qu’un seul élément du paquet législatif, au risque d’aboutir à une réforme déséquilibrée, peu à même d’obtenir l’adhésion de la majorité ? Faut-il, au contraire, avancer sur l’ensemble du paquet, pour créer les conditions d’un consensus politique ? Je ne sais pas si nous pouvons avancer sans accord global.

M. Alexandre Holroyd. Ce débat sur la méthode est important. Il devrait être résolu en amont de tout projet de réforme, car changer le paquet en cours de route est problématique. Pour les futurs paquets, il faudra veiller à ce qu’un excès d’ambition ne rende pas impossible l’obtention d’un accord. S’agissant du « paquet asile », je répète que la réforme repose sur un équilibre, dont il faut garder la cohérence d’ensemble.

M. Ludovic Mendes, rapporteur. L’objectif de la réforme est l’harmonisation des politiques européennes en matière d’asile. Or quatre des sept textes du paquet sont adoptables aujourd’hui. Faut-il attendre un accord sur l’ensemble du paquet, dont nous débattons déjà depuis plusieurs années ? Je n’ai pas la réponse. L’Italie et la France défendent le « paquet asile », mais la Pologne n’en veut pas. La question qu’il faut se poser est la suivante : quelle vision a-t-on de cet aspect de la solidarité européenne ?

L’amendement est adopté.

La commission examine l’amendement n° 9 de M. Alexandre Holroyd.

M. Alexandre Holroyd. Le règlement « Procédures » prévoit la mise en place de zones d’attentes uniquement dans les pays d’entrée, afin de traiter les demandes des étrangers en situation irrégulière de façon plus efficace. La procédure à la frontière est le corollaire à la pleine et entière liberté de circulation permise par Schengen. Depuis 2015, ces mesures ont permis à l’Union européenne de réduire de 95 % le nombre de franchissements illégaux détectés aux frontières. Le Conseil européen de juin 2018 a considéré que la mise en place de centres contrôlés aux frontières extérieures permettant la retenue des personnes concernées le temps de l’examen de leur situation était indispensable et s’inscrivait dans la définition d’une politique migratoire européenne globale. Or, dans la présente proposition de résolution, vous vous opposez à cette procédure. Certes, elle peut faire l’objet de critiques, mais il conviendrait d’approfondir la réflexion sur la mise en place de ces centres et sur la façon d’y garantir le respect des droits fondamentaux.

Mme Frédérique Dumas. Je prends la parole parce que j’ai deux amendements qui vont suivre et qui tomberaient si cet amendement était adopté. Sauf que les miens n’ont pas du tout le même esprit, s’ils étaient adoptés, puisqu’ils viennent simplement renforcer l’esprit du texte des rapporteurs, en ajoutant « structures respectueuses des personnes et de leurs droits » et « dans un cadre solidaire entre États membres » pour pousser à la coopération. Donc, pour moi, ce n’est pas du tout le même esprit que l’amendement défendu par M. Holroyd.

M. Ludovic Mendes, rapporteur. La procédure à la frontière telle que prévue à l’article 41 de la proposition de règlement « procédures » implique la rétention des demandeurs d’asile à la frontière extérieure d’un État membre dans une zone de transit. On parle bien de demandeurs d’asile, pas de flux irrégulier. Cette rétention est limitée à quatre semaines. Après ce délai, le demandeur d’asile se voit accorder le droit d’entrer sur le territoire. La procédure a vocation, selon la proposition de la Commission, à être également appliquée aux mineurs non accompagnés, lorsqu’ils sont par exemple ressortissants d’un pays d’origine sûr ou d’un pays tiers sûr, ce dernier concept étant rejeté par la proposition de résolution européenne. La procédure à la frontière signifie donc la détention de demandeurs d’asile, y compris mineurs. La ligne du Haut-commissariat aux réfugiés demeure que la détention d’un demandeur d’asile n’est justifiée que s’il s’agit d’un criminel ou quand sont en jeu la sécurité nationale et l’ordre public. Nous émettons donc un avis défavorable car ce n’est plus en lien avec notre vision de la proposition de résolution européenne.

L’amendement est adopté.

Par conséquent, les amendements n° 3 et n° 4 de Mme Frédérique Dumas deviennent sans objet.

La commission examine l’amendement n° 5 de Mme Frédérique Dumas.

Mme Frédérique Dumas. À l’alinéa 24, vous vous opposez, à juste titre, au concept de pays tiers sûr et vous proposez d’établir une liste européenne. Il est important d’alerter sur le fait que, juridiquement, la notion de pays d’origine sûr ne doit pas non plus conduire à ne pas examiner les demandes émanant de personnes dont le pays d’origine ne figure pas sur cette liste. Dans un document de 2015, la Commission européenne dresse déjà la liste de pays sûrs qui recoupe largement celle de la France. Selon ce document, tout citoyen a le droit de présenter une demande d’asile, les demandes continueront d’être évaluées sur une base individuelle, au cas par cas, des garanties solides, y compris le droit de faire appel, restant en vigueur.

C’est donc très clair : la généralité d’un pays considéré comme sûr ne doit pas gommer les cas particuliers. J’ai donné tout à l’heure l’exemple de jeunes femmes venant du Sénégal, pays sûr, qui pouvaient effectivement être reconnues comme ayant droit à l’asile. C’est ce que confirme également le Conseil d’État : « le concept de pays sûrs est contestable au regard de l’essence du droit d’asile qui repose sur une appréhension personnelle des craintes de persécution et de discrimination. » On a également la convention de Genève de 1951 et la directive de 2013 qui est très précise en la matière. Je trouvais important de préciser que cette notion ne remettait pas en cause le droit individuel à demander l’asile, même si la liste de pays sûrs peut être un outil important pour gérer cela.

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Notre avis est défavorable, non seulement parce qu’on ne remet pas en question la possibilité de demander l’asile quand on vient d’un pays sûr, mais surtout parce qu’on y répond à l’alinéa 29 de la proposition de résolution européenne qui affirme le principe selon lequel on ne doit pas laisser des personnes sans protection. Cette proposition ne prend pas en considération simplement le pays d’origine, mais également la possibilité d’une vulnérabilité qui est liée par exemple à l’homosexualité ou pour des femmes maltraitées en Afrique avec l’excision.

Mme Frédérique Dumas. Vous ne me rassurez pas du tout avec votre réponse. Vous dites le prévoir à l’alinéa 29 en invitant à une réflexion sur ce sujet. Mais c’est d’ores et déjà dans le droit. En droit, la situation spécifique de la personne doit primer sur le fait de venir d’un pays sûr. Vous ne pouvez pas dire que vous invitez à une réflexion sur ce sujet, puisque c’est déjà le cas en droit et puisqu’il y a environ 20 % à 25 % des demandeurs qui obtiennent le droit d’asile, alors même qu’ils viennent d’un pays sûr.

M. André Chassaigne. Je suis très sensible à cet amendement à partir de cas concrets. J’habite un village de 500 habitants avec un centre d’accueil de demandeurs d’asile. J’ai en tête des cas précis de rejets mécaniques de l’OFPRA, concernant des demandeurs d’asiles qui sont par exemple originaires de Géorgie ou d’Albanie, qui sont soumis à un risque réel, notamment des menaces de la mafia, s’ils retournent dans leurs pays, au point que même s’ils doivent retourner pour obtenir un visa de travail dans leur pays, ils ne veulent pas y aller parce qu’ils ont peur. Il y a une exclusion mécanique qui ne se justifie pas, parce qu’on considère que certains pays sont sûrs ou parce qu’il n’y a pas de conflits. Or, il y a de réelles menaces pour ces familles.

M. Jean-Louis Bourlanges. Les rapporteurs devraient réserver un accueil favorable à cet amendement parce qu’il pose un problème de principe. Le problème n’est pas d’examiner la sûreté du pays mais la sécurité du demandeur d’asile. La sûreté d’un pays est un élément, sans doute le plus important, dans l’évaluation des menaces potentielles qui pèsent sur ce migrant, mais il peut y en avoir de toute autre nature. Ce n’est pas pour rien que la jurisprudence et la loi exigent un examen individuel de chaque demande. La qualification du pays ne dispense pas de l’examen individuel. La rédaction proposée par Frédérique Dumas permet de poser le principe, donc je trouve que l’amendement n’est pas surabondant même si la question est traitée par ailleurs.

M. Alexandre Holroyd. La loi requiert que l’intégralité des demandes soit considérée de façon individuelle et cette loi est d’airain. Le bien-fondé de l’amendement me paraît répétitif avec la loi et avec ce qui est déjà acté dans notre droit.

M. André Chassaigne. L’OFPRA va refuser, des appels seront faits et n’aboutiront pas et ensuite il y a le pouvoir discrétionnaire du préfet. Les préfets aujourd’hui refusent systématiquement et ne prennent pas en compte la situation spécifique des demandeurs, alors qu’ils pourraient débloquer certains dossiers.

Mme Frédérique Dumas. En dehors du cas qui vient d’être évoqué par André Chassaigne, d’ores et déjà en France, on ne peut pas aller contre ce droit, puisque le Conseil d’État a rappelé que l’examen des demandes doit être individuel. Mais la France a mis en place une procédure spécifique pour cela, plus rapide, appliquée à ces cas. Cela veut bien dire que l’on rogne le droit, quand il n’est pas mécaniquement repoussé. Sur tous ces sujets, il y a des confusions, des amalgames et on a oublié les principes. Il est donc important de rappeler le principe parce qu’effectivement il est un peu détourné.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Sur le fond, nous sommes d’accord : nous voulons rappeler un principe. Quand on regarde seulement la loi, nous avons la possibilité de couvrir, dans la définition de l’asile, toutes les persécutions, et particulièrement celles du fait de la race, de la religion, de la nationalité, des opinions politiques ou de l’appartenance à un certain groupe social : il s’agit de l’état actuel du droit. Dans la pratique, je partage votre analyse sur le pouvoir discrétionnaire du préfet. Si cela peut être utile de rappeler cet élément dans la proposition, je n’y vois pas d’inconvénient, mais ce que vous visez dans votre propos n’aura pas d’impact sur les textes nationaux. Je suis d’accord sur le principe de rappeler la règle.

M. Thierry Michels. Je pense que cela nous appelle à vérifier l’effectivité de la loi et la façon dont elle est mise en œuvre dans les différents pays. Il faudrait encourager des initiatives, au niveau de l’Union européenne, visant à voir comment ce droit d’asile est mis en œuvre et si on est bien dans l’esprit de la loi. Je souhaiterais savoir qui vérifie, au niveau de l’Union européenne, que les droits sont bien respectés ?

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Nous débattons ici de l’harmonisation de la politique européenne et non du droit national. Quand nous parlons de la liste de pays sûrs, c’est pour éviter la problématique avec les Afghans par exemple, pour que l’on n’ait pas des pays qui acceptent d’accueillir cette population et d’autres non. Par principe, dans la convention de Genève, il est écrit que, quoi qu’il arrive, tout pays doit examiner la demande d’asile de façon individuelle. D’un point de vue juridique, on ne peut pas refuser d’instruire la demande d’asile pour des personnes venant d’un pays dit sûr. Pour preuve, entre 5 % et 10 % des Albanais et Géorgiens obtiennent une protection sur notre territoire. Je rappelle simplement que l’on ne parle pas de la France, mais d’une harmonisation de l’asile au niveau européen. Rappeler ce principe ne changera rien, compte tenu des dispositions de la Convention de Genève et du droit européen en vigueur qui précise bien que l’on doit analyser toute demande d’asile de façon individuelle.

L’amendement est rejeté.

La commission examine l’amendement n° 10 de M. Alexandre Holroyd.

M. Alexandre Holroyd. Cet amendement porte sur la situation des mineurs non accompagnés, problématiques terribles dont nous avons tous conscience. Il s’agit d’apporter une précision. Vous demandez à ce que des mesures soient prises au niveau européen. Seulement, les mesures ont déjà été prises dans un cadre harmonisé, mais les négociations ont été suspendues. J’en suis conscient, mais le mandat a été renouvelé en janvier 2019. Je vous propose par conséquent d’encourager la présidence finlandaise à se saisir de ce mandat pour intensifier la discussion en vue d’arriver à prendre des mesures.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Je propose de reconsidérer la rédaction de l’amendement car le terme « inviter » n’est pas aussi fort que le terme « demander ».

M. Alexandre Holroyd. J’accepte de rectifier mon amendement afin de parvenir à une position de compromis. Je propose la rédaction suivante : « Demande que s’intensifie la réflexion autour des mesures ».

M. André Chassaigne. Je suis pour ma part interrogatif, voire inquiet, sur ce qu’il faut entendre par « mesures prises ». Vise-t-on les rétentions d’enfants ? Les tests osseux ?

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. La proposition de résolution européenne forme un tout. Lorsque l’on aborde la question spécifique des mineurs, les mesures dont on demande l’adoption doivent être cohérentes avec celles que mentionne par ailleurs la proposition de résolution européenne. D’une manière générale, j’ai du mal à voir la plus-value de l’amendement par rapport au texte initial.

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Pour compléter ce qu’a dit Marietta Karamanli, je rappelle que cette proposition est faite pour établir un cadre européen sur la protection des mineurs non accompagnés alors que les pratiques des États-membres diffèrent fortement. Par exemple, certains considèrent qu’un mineur accompagné d’un adulte, quel qu’il soit, n’est plus isolé. En France, cet adulte doit être un parent. Des réflexions sont en cours et une réponse doit être trouvée rapidement à cette question des mineurs non accompagnés, au-delà du paquet asile. Alors trouvons ensemble une rédaction qui permette que cette question soit traitée rapidement par la Commission européenne.

M. Jean-Louis Bourlanges. J’ai l’impression en écoutant ce débat qu’il y a deux problèmes distincts : d’une part, une demande de réflexion car le sujet n’est visiblement pas très bien documenté et, d’autre part, une demande d’adoption de mesures. N’est-il pas possible de les cumuler ? La rédaction serait alors : « demande que, sur la base d’une réflexion approfondie, des mesures soient prises ».

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Je soumets au vote l’amendement n° 10 tel que rectifié par son auteur : « Demande que s’intensifie la réflexion autour des mesures ».

L’amendement, ainsi rectifié, est adopté.

La commission examine l’amendement n° 11 de M. Alexandre Holroyd.

M. Alexandre Holroyd. Cet amendement vise à reformuler l’alinéa 29 qui porte sur la question de la vulnérabilité et de la protection des personnes. Dans l’Union européenne, le demandeur d’asile vulnérable est qualifié comme tel sur la base d’un certain nombre de critères, mais ceux-ci divergent selon les Etats-membres. C’est la même chose pour les institutions en charge de cette protection Je propose par cet amendement une réflexion autour d’une protection européenne distincte des régimes nationaux.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Il existe d’ores et déjà des propositions pour un tel traitement de la vulnérabilité au niveau européen. Je comprends la logique de cet amendement qui veut avancer par une évaluation avant de lancer une réflexion. Je pense qu’il faut conjuguer les deux éléments : d’une part une évaluation et, d’autre part, une réflexion sur un nouveau système de protection européenne distinct.

Mme Frédérique Dumas. J’ai déposé un amendement qui tombera si celui-ci est adopté. Je voudrais l’évoquer rapidement : il fait le lien entre le changement climatique et ses inévitables conséquences sur le droit d’asile.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je ne comprends pas pourquoi l’amendement de M. Holroyd se substitue au texte, alors qu’il pourrait s’ajouter à l’actuel alinéa 29. Ainsi, non seulement on évaluerait, mais on réfléchirait, avant de proposer.

M. André Chassaigne. Je note que lorsque les rapporteurs proposent une mesure, Alexandre Holroyd propose une réflexion. De même, lorsqu’ils proposent une réflexion, ce dernier propose une évaluation. Cette succession d’amendements ne me semble pas cohérente avec la proposition de résolution européenne.

M. Alexandre Holroyd. La proposition de Jean-Louis Bourlanges me semble un compromis pertinent.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Je vous propose que l’amendement d’Alexandre Holroyd, rectifié en conséquence, insère un nouvel alinéa après l’alinéa 28. Dans un premier temps, la proposition de résolution européenne inviterait à évaluer les dispositifs de protection et, dans un deuxième temps, elle inviterait à une réflexion autour d’une protection européenne distincte. Il s’agirait d’une invitation, pas d’une demande.

M. Ludovic Mendes, rapporteur. J’approuve, pour ma part, cette proposition.

M. Alexandre Holroyd. Dans mon esprit, le sens d’une évaluation, c’est d’en tirer une conclusion avant de prendre une décision.

M. Jean-Louis Bourlanges. La dernière proposition des deux rapporteurs prend en compte de manière satisfaisante l’esprit de l’amendement de M. Alexandre Holroyd, sous-rectifié par nos soins. Je souhaite toutefois proposer  une rédaction consécutive consistant à évaluer, puis à en tirer des conséquences. La conséquence ne se traduisant pas de manière systématique par une conclusion de changement, je propose d’ajouter « le cas échéant » à l’alinéa 29. Il me semble, pour des raisons de cohérence, que l’amendement n° 11 rectifié doit être suivi d’un nouvel amendement formulant ainsi le début de l’alinéa 29 : « Invite à réfléchir, le cas échéant, sur une protection européenne […] ».

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Je vais suspendre la séance pendant quelques minutes pour permettre de se mettre d’accord sur la rédaction du texte de l’amendement de M. Holroyd et sur la proposition de M. Bourlanges.

La séance, suspendue quelques minutes, est reprise.

La commission examine l’amendement n° 11 rectifié de M. Alexandre Holroyd.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Cet amendement prévoit d’insérer, après le 28ème alinéa, l’alinéa suivant : « Invite à évaluer les dispositifs de protection en Europe qui prenne en compte des facteurs de vulnérabilité qui ne sont pas nécessairement liés au pays d’origine du demandeur. »

L’amendement est adopté.

La commission examine l’amendement n° 12 de M. Alexandre Holroyd.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Nous sommes saisis d’un nouvel amendement de M. Alexandre Holroyd, qui prévoit d’insérer, au 29ème alinéa, après le mot « Invite », les mots « , le cas échéant, ».

M. Alexandre Holroyd. Cet amendement reprend la proposition formulée par M. Jean-Louis Bourlanges.

M. Ludovic Mendes, rapporteur. Favorable.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Défavorable.

L’amendement est adopté.

Par conséquent, l’amendement n° 6 de Mme Frédérique Dumas devient sans objet.

La commission adopte la proposition de résolution européenne ainsi modifiée.

Par conséquent, la commission autorise la publication du rapport d’information.


—  1  —

 

 

   Proposition de rÉsolution europÉenne initiale

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 2 du Traité sur l’Union européenne (TUE),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte) (COM/2016/0270 final),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’Agence de l’Union européenne pour l’asile et abrogeant le règlement (UE) nº 439/2010 (COM/2016/0271 final),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la création d’« Eurodac » pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 et de l’identification des ressortissants de pays tiers ou apatrides en séjour irrégulier, et relatif aux demandes de comparaison avec les données d’Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et par Europol à des fins répressives (COM/2016/0272 final),

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (refonte) (COM/2016/0465 final),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu cette protection, et modifiant la directive 2011/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée (COM/2016/0466 final),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l'Union et abrogeant la directive 2013/32/UE (COM/2016/0467 final),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre de l’Union pour la réinstallation et modifiant le règlement (UE) nº 516/2014 du Parlement européen et du Conseil (COM/2016/0468 final),

Considérant que le droit européen de l’asile se fonde avant tout sur la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, qui définit à la fois les droits des personnes déracinées et les obligations juridiques des États pour assurer leur protection, et doit donc s’analyser de manière distincte et en complément d’une politique européenne des migrations ;

Considérant le caractère international, et non seulement européen, des crises migratoires actuelles que confirment les dernières données disponibles, notamment celles de l’OCDE ;

Considérant que le droit européen de l’asile doit répondre tant à l’obligation morale des États membres et aux valeurs européennes qu’à la nécessité de faire face à des hausses des demandes de protection internationale importantes, y compris lorsque des pics sont atteints, comme au cours de l’année 2015 ;

Considérant que les divergences de pratiques entre les États membres dans le traitement des demandes d’asile génèrent des mouvements secondaires internes au territoire de l’Union, entraînant des situations humaines difficiles et des coûts financiers importants ;

Estime qu’une réforme européenne du droit d’asile est nécessaire, malgré les difficultés des États membres à faire progresser au sein du Conseil de l’Union européenne l’ensemble des textes du « paquet asile » ;

Se félicite du choix de recourir majoritairement à des règlements afin de mener à bien cette réforme, dans la mesure où leur applicabilité directe est porteuse de clarté et d’efficacité ;

Estime toutefois qu’il est nécessaire de revenir sur la méthode du paquet afin de privilégier une adoption échelonnée et progressive des textes en vue de surmonter les difficultés politiques ;

Estime qu’un mécanisme ambitieux de solidarité doit être au cœur de la réforme, afin de mieux répartir les charges liées à l’accueil et à l’intégration des demandeurs d’asile, supportées principalement par les États membres que la géographie désigne comme États de première entrée sur le sol européen, et qu’un tel mécanisme doit prioritairement reposer sur la relocalisation des personnes en besoin de protection ;

Considère qu’il faut renforcer les voies légales d’accès au territoire de l’Union européenne afin que le droit d’asile puisse, lui, être pleinement exercé, avec le soutien des autorités consulaires européennes présentes dans les pays d’origine ;

Propose ainsi qu’une réflexion s’engage au sein de l’Union européenne sur la possibilité d’offrir des visas d’entrée sur le territoire spécifiques, destinés à permettre le dépôt de demandes d’asile dans de bonnes conditions ;

Estime que la contrepartie de ces modes d’accès légaux doit être le renforcement des moyens consacrés au retour des personnes déboutées de l’asile, notamment par le biais de l’agence Frontex ;

Invite à un réexamen régulier par les États membres des flux de demande d’asile en provenance de certains pays tiers qui ont bénéficié d’une libéralisation de la politique européenne de visas en vue, le cas échéant, d’actionner le mécanisme de suspension d’exemption de visa prévu par le règlement (CE) n° 539/2001;

S’oppose fermement à ce qu’une procédure à la frontière, prévue dans le projet de règlement dit « Procédures », permette de retenir, sans respect des droits fondamentaux, dans des zones de transit, des personnes arrivant irrégulièrement et sollicitant l’asile le temps de l’examen de leur demande, mais appelle à s’engager sur la voie de structures respectueuses des personnes dans un cadre solidaire ;

S’oppose à la reconnaissance du concept de « pays tiers sûrs » qui écarterait du droit à l’asile des personnes que la route de l’exil aurait fait transiter par certains pays, mais propose qu’une liste commune de « pays d’origine sûrs » soit définie au niveau de l’Union européenne, tout en permettant aux États membres d’y adjoindre une liste nationale complémentaire ;

Soutient les propositions de la Commission européenne visant à créer une Agence de l’Union européenne pour l’asile, dont le rôle a vocation à s’affirmer, tant pour aider à dégager une doctrine européenne sur l’attribution de l’asile que dans son volet opérationnel ;

Encourage la réflexion autour de la création de centres d’accueil sur le territoire de l’Union européenne dont les conditions de gestion seraient harmonisées et au sein desquels l’information et l’exercice effectif du droit d’asile seraient garantis ;

Souhaite que la lutte contre le trafic d’êtres humains et l’activité criminelle des passeurs fasse l’objet d’une prise en charge spécifique par une coopération judiciaire ad hoc entre les États membres ;

Demande que des mesures soient prises pour traiter de la situation particulière des mineurs non accompagnés en établissant une politique et un cadre européens communs ;

Invite à une réflexion autour d’une protection européenne distincte et complémentaire du droit d’asile, qui devrait être offerte à des personnes dont la vulnérabilité n’est pas nécessairement liée à leur pays d’origine.



   Amendements examinés par la commission

 

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

17 octobre 2019


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative À la rÉforme du droit d’asile,

 

AMENDEMENT

No 1

 

présenté par

Mme Frédérique Dumas, députée

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ARTICLE UNIQUE

À l'alinéa 11, remplacer les mots :

« en complément »

par les mots :

« en parallèle ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

La politique européenne des migrations et le droit européen de l’asile doivent s’appliquer conjointement afin que les droits relatifs au statut de réfugié soient appliqués tels qu’ils sont inscrits et qu’il n’y ait aucun manquement à la règle. De plus, la politique européenne des migrations et le droit européen de l’asile n’ont pas les mêmes objectifs et doivent s’appliquer en parallèle afin que la politique européenne des migrations ne soit pas instrumentalisée par le droit européen de l’asile.

 

 

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

17 octobre 2019


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative À la rÉforme du droit d’asile

 

AMENDEMENT

No 2

 

présenté par

Mme Frédérique Dumas, députée

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ARTICLE UNIQUE

Après l’alinéa 13, insérer l’alinéa suivant :

« Considérant que le droit européen de l’asile doit répondre tant à l’obligation morale des États membres et aux valeurs européennes qu’à la nécessité de diriger ses aides vers les pays transitoires dont le respect de ces susdites valeurs est prouvé ; ».

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

Compte tenu des engagements pris par les pays de l’Union Européenne pour le soutien aux pays transitoires, ceux-ci doivent prendre des engagements visant le respect des droits fondamentaux des demandeurs d’asile à destination des pays européens.

 

Cet amendement est retiré.

 


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

17 octobre 2019


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative À la rÉforme du droit d’asile

 

AMENDEMENT

No 3

 

présenté par

Mme Frédérique Dumas, députée

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ARTICLE UNIQUE

À l'alinéa 23, après les mots :

« structures respectueuses des personnes »

insérer les mots :

« et de leurs droits »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Amendement visant à compléter l’alinéa 23 afin de réitérer les propos tenus en début d’alinéa sur la nécessité de garantir les droits fondamentaux aux demandeurs d’asile.

 

Cet amendement est devenu sans objet.

 


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

17 octobre 2019


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative À la rÉforme du droit d’asile

 

AMENDEMENT

No 4

 

 

présenté par

Mme Frédérique Dumas, députée

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ARTICLE UNIQUE

Compléter l’alinéa 23 par les mots :

« entre États membres »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Amendement visant à rappeler l’importance d’une cohérence et d’une coopération européenne sur ce sujet.

 

Cet amendement est devenu sans objet.

 


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

17 octobre 2019


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative À la rÉforme du droit d’asile

 

AMENDEMENT

No 5

 

présenté par

Mme Frédérique Dumas, députée

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ARTICLE UNIQUE

Compléter l’alinéa 24 par la phrase suivante :

« Toutefois, lorsqu’un demandeur d’asile fait valoir des motifs valables portant à croire que le pays d’origine concerné n’est pas sûr dans son cas particulier, la désignation de ce pays d’origine comme étant sûr ne peut pas être considérée comme étant pertinente à son égard. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Qu’un demandeur d’asile provienne d’un pays d’origine sûr ne peut justifier qu’un État refuse d’examiner sa demande. C’est un des principes de la convention de Genève de 1951, relative au statut des réfugiés, dont la France est signataire. De plus, la directive de 2013 du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection internationale l’indique.

 

Cet amendement est rejeté.

 

 


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

17 octobre 2019


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative À la rÉforme du droit d’asile

 

AMENDEMENT

No 6

 

présenté par

Mme Frédérique Dumas, députée

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ARTICLE UNIQUE

À l’alinéa 29, remplacer les mots :

« à leur pays d’origine »

par les mots :

« à la situation politique de leur pays d’origine, mais à la situation climatique de celui-ci ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

Amendement visant à rappeler que la situation climatique actuelle et en devenir nécessite et nécessitera des protections à l’égard des populations qui en subiront des risques sanitaires et humains.

 

Cet amendement est devenu sans objet.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

17 octobre 2019


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative À la rÉforme du droit d’asile

 

AMENDEMENT

No 7

 

présenté par

M. Alexandre Holroyd, député

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ARTICLE UNIQUE

Au 14ème alinéa, après les mots :

« d’asile »

insérer les mots :

« font partie des facteurs qui »

EXPOSÉ SOMMAIRE

L'harmonisation des conditions d'accueil des demandeurs d'asile au sein des États membres est une impérieuse nécessité et elle constitue la première étape vers un régime d'asile européen commun, auquel il est urgent de parvenir.

La volonté d’une harmonisation des conditions d’accueil de l'Union européenne rejoint le travail de la Commission qui souligne elle-même les disparités entre les États. En effet, si la Commission propose une harmonisation des conditions d'accueil des demandeurs d'asile, fondée sur la tradition humanitaire commune et le respect des principes fondamentaux reconnus par l'ensemble des États membres, les divergences de pratique entre les États sont des facteurs aux mouvements secondaires, parmi d’autres facteurs.

Cette réforme a notamment pour objectif de décourager les mouvements secondaires et les pratiques abusives mais aussi permettra de corriger le déséquilibre actuel qui fait peser la charge du traitement de la très grande majorité́ des demandes d’asile sur un petit nombre d’États membres.

 

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

17 octobre 2019


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative À la rÉforme du droit d’asile

 

AMENDEMENT

No 8

 

présenté par

M. Alexandre Holroyd, député

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ARTICLE UNIQUE

Rédiger ainsi l’alinéa 17 :

« Estime en conséquence nécessaire de traiter ces différentes problématiques de façon globale, en privilégiant une adoption coordonnée des textes »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Lancée en 1985, la politique européenne de l’asile n’a pas encore abouti. En 2016, un chantier intitulé « Vers une réforme du régime d’asile commun et une amélioration des voies d’entrée légale en Europe », a été lancé pour pallier les difficultés en matière d’asile, à travers une solution commune globale, juste et efficace. Le régime d’asile européen commun s’est créé progressivement autour de trois idées fortes :

 

-          La responsabilité de l’État dans l’examen de la demande de protection, basée sur les critères hiérarchisés définis ;

-          L’adoption de normes communes et une harmonisation progressive des cadres procéduraux nationaux ;

-          La solidarité entre États pour renforcer et coordonner leur coopération.

Les travaux sur le paquet asile ont permis d’aboutir à un accord au niveau du Conseil et à des trilogues avancés avec le Parlement européen sur quatre textes (la directive accueil, le règlement qualification, Eurodac et réinstallation). Le cinquième (Agence de l’asile) est aussi très avancé, bien qu’il ait fait l’objet d’une proposition révisée en septembre 2018 pour renforcer le rôle de la future agence. Ce sont ainsi cinq textes sur sept qui sont presque finalisés.

 

Ces trois idées fortes sont disséminées dans l’ensemble de ces textes, c’est pourquoi la plupart des États membres, la France en particulier, ne souhaitent pas traiter de la responsabilité sans la solidarité et inversement.

Alors que les intentions de la Commission et de la Présidence finlandaise ne sont pas encore connues, notamment sur le fait de savoir si elles privilégieront une approche en paquet ou pousseront à l’adoption de certains textes particuliers, l’essentiel est de maintenir un équilibre entre solidarité et responsabilité, fondement de cette réforme, chaque texte étant intrinsèquement lié. Ainsi, tant que les intentions ne se sont pas connues, la France se doit de maintenir sa position quant au négociation d’un « paquet asile ».

 

 

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

17 octobre 2019


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative À la rÉforme du droit d’asile

 

AMENDEMENT

No 9

 

présenté par

M. Alexandre Holroyd, député

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ARTICLE UNIQUE

Rédiger ainsi l’alinéa 23 :

« Encourage la réflexion autour d’une procédure aux frontières extérieures de l’Union européenne, conformément aux conclusions du Conseil européen de juin 2018, permettant de retenir, le temps de l’examen de leur situation et dans le respect de leurs droits fondamentaux, les personnes arrivant irrégulièrement et sollicitant l’asile »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le règlement « Procédures » vise à instituer une procédure commune pleinement harmonisée, en vue notamment de réduire les divergences des taux de reconnaissance entre États membres, de décourager les mouvements secondaires et d’offrir des garanties procédurales communes effectives aux demandeurs d’asile.

 

Par ce règlement, la stratégie européenne est aujourd’hui de mettre en place des zones d’attentes, uniquement au niveau des pays d’entrée, afin de pouvoir traiter plus facilement les demandes des étrangers en situation irrégulières.

 

S’agissant de la procédure à la frontière (art. 41), dont la France prône le caractère obligatoire, elle est le corollaire à la pleine et entière liberté de circulation permise par Schengen. Son existence est nécessaire aux frontières extérieures de l’Union européenne, pour éviter les flux migratoires secondaires auxquels la France est tout particulièrement confrontée. Suivant les préconisations du Conseil européen de juin 2018, la mise en place de centres contrôlés aux frontières extérieures permettant la retenue des personnes concernées, le temps de l’examen de leur situation, pour identifier celles en besoin de protection de celles ayant vocation à être immédiatement retournées dans leur pays d’origine apparaît indispensable. Le Conseil européen a ainsi rappelé « qu'une politique migratoire européenne qui fonctionne passe nécessairement par une approche globale en matière de migrations qui associe un contrôle véritablement effectif des frontières extérieures de l'UE, une action extérieure accrue et les aspects intérieurs » conformément aux principes et valeurs européennes. Pour rappel, depuis 2015, les mesures mises en place pour assurer le contrôle effectif des frontières extérieures de l'UE ont permises de réduire 95 % le nombre de franchissements illégaux détectés aux frontières de l'UE, par rapport au pic qu'il avait atteint en octobre 2015.

 

Ces centres ont naturellement vocation à être des structures respectueuses des droits fondamentaux et appuyés financièrement et politiquement par l’UE.

 

À cet effet, le terme « s’opposer fermement » semble trop sévère au regard des discussions et du caractère indispensable d’une réglementation.

 

 

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

17 octobre 2019


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative À la rÉforme du droit d’asile

 

AMENDEMENT

No 10

 

présenté par

M. Alexandre Holroyd, député

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ARTICLE UNIQUE

Au début du 28ème alinéa, remplacer les mots

 « Demande que des mesures soient prises »

par les mots :

«Invite à continuer et intensifier la réflexion autour des mesures »

EXPOSÉ SOMMAIRE

La directive « Accueil » a pour objectif de garantir aux personnes en attente d’une réponse à leur demande d’asile, un niveau de vie digne et des conditions de vie comparables entre États membres.

 

La refonte de la directive « Accueil » propose de nouvelles pistes de réflexion notamment sur la réduction du délai d’accès au marché du travail pour les demandeurs d’asile, la possibilité de restreindre, voire de supprimer, les conditions matérielles d’accueil, un renforcement des incitations à l’intégration….

 

Cette réforme devrait permettre de lutter contre les mouvements secondaires spontanés, forte demande de la France en particulier.

 

Durant les précédentes négociations, des avancées ont été réalisées sur de nombreux aspects de la proposition, notamment le délai d’accès au marché du travail, les conditions matérielles de réception, les conditions et délais de rétention, s’agissant en particulier des mineurs, pour lesquels de nombreuses garanties sont prévues et renforcées afin de mieux prendre en compte leur situation de vulnérabilité. Certaines questions sensibles restent toutefois ouvertes, en particulier le retrait des conditions d’accueil à titre de sanction pour les demandeurs d’asile et les circonstances qui permettent la mise en rétention des mineurs non accompagnés. Pour ce texte, le Parlement européen n’ayant pas souhaité discuter les propositions de compromis faites par la Présidence autrichienne en juillet 2018, un nouveau mandat de négociation a été donné au Conseil en janvier 2019. Des discussions sont déjà engagées notamment en ce qui concerne les procédures d’intégration et d’évaluation des mineurs non accompagnés.

 

Dans ces conditions, il est préférable de soutenir le nouveau mandat de négociation et laisser à la présidence finlandaise la possibilité de se prononcer sur le traitement de mineurs non accompagnés.

 

 

Cet amendement est devenu sans objet.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

17 octobre 2019


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative À la rÉforme du droit d’asile

 

AMENDEMENT

No 10 rectifié

 

présenté par

M. Alexandre Holroyd, député

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ARTICLE UNIQUE

Au début du 28ème alinéa, remplacer les mots

 « Demande que des mesures soient prises »

par les mots :

«Demande que s’intensifie la réflexion autour des mesures »

EXPOSÉ SOMMAIRE

La directive « Accueil » a pour objectif de garantir aux personnes en attente d’une réponse à leur demande d’asile, un niveau de vie digne et des conditions de vie comparables entre États membres.

 

La refonte de la directive « Accueil » propose de nouvelles pistes de réflexion notamment sur la réduction du délai d’accès au marché du travail pour les demandeurs d’asile, la possibilité de restreindre, voire de supprimer, les conditions matérielles d’accueil, un renforcement des incitations à l’intégration….

 

Cette réforme devrait permettre de lutter contre les mouvements secondaires spontanés, forte demande de la France en particulier.

 

Durant les précédentes négociations, des avancées ont été réalisées sur de nombreux aspects de la proposition, notamment le délai d’accès au marché du travail, les conditions matérielles de réception, les conditions et délais de rétention, s’agissant en particulier des mineurs, pour lesquels de nombreuses garanties sont prévues et renforcées afin de mieux prendre en compte leur situation de vulnérabilité. Certaines questions sensibles restent toutefois ouvertes, en particulier le retrait des conditions d’accueil à titre de sanction pour les demandeurs d’asile et les circonstances qui permettent la mise en rétention des mineurs non accompagnés. Pour ce texte, le Parlement européen n’ayant pas souhaité discuter les propositions de compromis faites par la Présidence autrichienne en juillet 2018, un nouveau mandat de négociation a été donné au Conseil en janvier 2019. Des discussions sont déjà engagées notamment en ce qui concerne les procédures d’intégration et d’évaluation des mineurs non accompagnés.

 

Dans ces conditions, il est préférable de soutenir le nouveau mandat de négociation et laisser à la présidence finlandaise la possibilité de se prononcer sur le traitement de mineurs non accompagnés.

 

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

17 octobre 2019


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative À la rÉforme du droit d’asile

 

AMENDEMENT

No 11

 

présenté par

M. Alexandre Holroyd, député

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ARTICLE UNIQUE

Rédiger ainsi le 29ème alinéa :

« Invite à évaluer les dispositifs de protection en Europe qui prennent en compte des facteurs de vulnérabilité qui ne sont pas nécessairement liés au pays d’origine du demandeur. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Dans le droit national transposant la directive 2013/33/UE dite « Accueil » du parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, les États membres doivent tenir compte de la situation particulière des personnes vulnérables pour adapter les conditions d’accueil aux besoins des demandeurs d’asile. Par conséquent, un traitement particulier doit être réservé aux demandeurs d’asile et aux réfugiés identifiés comme des personnes vulnérables ayant des besoins particuliers. En France, l'article 21 de la directive d'accueil établit les situations particulières des personnes vulnérables. L’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) est tenu de « procéder, dans un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier », afin notamment de mettre en place une prise en charge adaptée, par exemple au niveau des hébergements (structures spécifiques) ou de la protection dont ont besoin ces personnes.

 

Par ailleurs, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) peut « définir les modalités particulières d’examen qu’il estime nécessaire pour l’exercice des droits d’un demandeur en raison (…) de sa vulnérabilité » (art. L. 723-3 CESEDA).

 

À cet égard, l’OFPRA précise que les vulnérabilités susceptibles d’influer sur la procédure d’asile peuvent viser des demandeurs « du fait notamment de leur âge, de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, d’un handicap, d’une maladie grave, de troubles mentaux, ou de conséquences de tortures, de viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle » (considérant 29 de la directive Procédures). Cette réflexion est donc déjà menée au niveau européen mais doit être évaluée pour connaitre la façon dont chaque État membre applique ces dispositifs.

 

Cet amendement est devenu sans objet.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

17 octobre 2019


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative À la rÉforme du droit d’asile

 

AMENDEMENT

No 11 rectifié

 

présenté par

M. Alexandre Holroyd, député

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ARTICLE UNIQUE

Après le 28ème alinéa, insérer l’alinéa suivant :

« Invite à évaluer les dispositifs de protection en Europe qui prennent en compte des facteurs de vulnérabilité qui ne sont pas nécessairement liés au pays d’origine du demandeur ; »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Dans le droit national transposant la directive 2013/33/UE dite « Accueil » du parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, les États membres doivent tenir compte de la situation particulière des personnes vulnérables pour adapter les conditions d’accueil aux besoins des demandeurs d’asile. Par conséquent, un traitement particulier doit être réservé aux demandeurs d’asile et aux réfugiés identifiés comme des personnes vulnérables ayant des besoins particuliers. En France, l'article 21 de la directive d'accueil établit les situations particulières des personnes vulnérables. L’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) est tenu de « procéder, dans un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier », afin notamment de mettre en place une prise en charge adaptée, par exemple au niveau des hébergements (structures spécifiques) ou de la protection dont ont besoin ces personnes.

 

Par ailleurs, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) peut « définir les modalités particulières d’examen qu’il estime nécessaire pour l’exercice des droits d’un demandeur en raison (…) de sa vulnérabilité » (art. L. 723-3 CESEDA).

 

À cet égard, l’OFPRA précise que les vulnérabilités susceptibles d’influer sur la procédure d’asile peuvent viser des demandeurs « du fait notamment de leur âge, de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, d’un handicap, d’une maladie grave, de troubles mentaux, ou de conséquences de tortures, de viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle » (considérant 29 de la directive Procédures). Cette réflexion est donc déjà menée au niveau européen mais doit être évaluée pour connaitre la façon dont chaque État membre applique ces dispositifs. 

 

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

17 octobre 2019


Proposition de RÉsolution EuropÉenne relative À la rÉforme du droit d’asile

 

AMENDEMENT

No 12

 

présenté par

M. Alexandre Holroyd, député

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ARTICLE UNIQUE

Au 29èle alinéa, après le mot :

« Invite »

Insérer les mots :

« , le cas échéant, »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Se justifie par son texte même.

 

Cet amendement est adopté.

 

 


   Proposition de rÉsolution europÉenne

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 2 du Traité sur l’Union européenne (TUE),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte) (COM/2016/0270 final),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’Agence de l’Union européenne pour l’asile et abrogeant le règlement (UE) nº 439/2010 (COM/2016/0271 final),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil  relatif à la création d’« Eurodac » pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 et de l’identification des ressortissants de pays tiers ou apatrides en séjour irrégulier, et relatif aux demandes de comparaison avec les données d’Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et par Europol à des fins répressives (COM/2016/0272 final),

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (refonte)  (COM/2016/0465 final),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu cette protection, et modifiant la directive 2011/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée (COM/2016/0466 final),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l'Union et abrogeant la directive 2013/32/UE (COM/2016/0467 final),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre de l’Union pour la réinstallation et modifiant le règlement (UE) nº 516/2014 du Parlement européen et du Conseil (COM/2016/0468 final),

Considérant que le droit européen de l’asile  se fonde avant tout sur la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, qui définit à la fois les droits des personnes déracinées et les obligations juridiques des États pour assurer leur protection, et doit donc s’analyser de manière distincte et en parallèle d’une politique européenne des migrations ;

Considérant le caractère international, et non seulement européen, des crises migratoires actuelles que confirment les dernières données disponibles, notamment celles de l’OCDE ;

Considérant que le droit européen de l’asile doit répondre tant à l’obligation morale des États membres et aux valeurs européennes qu’à la nécessité de faire face à des hausses des demandes de protection internationale importantes, y compris lorsque des pics sont atteints, comme au cours de l’année 2015 ;

Considérant que les divergences de pratiques entre les États membres dans le traitement des demandes d’asile font partie des facteurs qui génèrent des mouvements secondaires internes au territoire de l’Union, entraînant des situations humaines difficiles et des coûts financiers importants ;

Estime qu’une réforme européenne du droit d’asile est nécessaire, malgré les difficultés des États membres à faire progresser au sein du Conseil de l’Union européenne l’ensemble des textes du « paquet asile » ;

Se félicite du choix de recourir majoritairement à des règlements afin de mener à bien cette réforme, dans la mesure où leur applicabilité directe est porteuse de clarté et d’efficacité ;

Estime en conséquence nécessaire de traiter ces différentes problématiques de façon globale, en privilégiant une adoption coordonnée des textes ;

Estime qu’un mécanisme ambitieux de solidarité doit être au cœur de la réforme, afin de mieux répartir les charges liées à l’accueil et à l’intégration des demandeurs d’asile, supportées principalement par les États membres que la géographie désigne comme États de première entrée sur le sol européen, et qu’un tel mécanisme doit prioritairement reposer sur la relocalisation des personnes en besoin de protection ;

Considère qu’il faut renforcer les voies légales d’accès au territoire de l’Union européenne afin que le droit d’asile puisse, lui, être pleinement exercé, avec le soutien des autorités consulaires européennes présentes dans les pays d’origine ;

Propose ainsi qu’une réflexion s’engage au sein de l’Union européenne sur la possibilité d’offrir des visas d’entrée sur le territoire spécifiques, destinés à permettre le dépôt de demandes d’asile dans de bonnes conditions ;

Estime que la contrepartie de ces modes d’accès légaux doit être le renforcement des moyens consacrés au retour des personnes déboutées de l’asile, notamment par le biais de l’agence Frontex ;

Invite à un réexamen régulier par les États membres des flux de demande d’asile en provenance de certains pays tiers qui ont bénéficié d’une libéralisation de la politique européenne de visas en vue, le cas échéant, d’actionner le mécanisme de suspension d’exemption de visa prévu par le règlement (CE) n°539/2001;

Encourage la réflexion autour d’une procédure aux frontières extérieures de l’Union européenne, conformément aux conclusions du Conseil européen de juin 2018, permettant de retenir, le temps de l’examen de leur situation et dans le respect de leurs droits fondamentaux, les personnes arrivant irrégulièrement et sollicitant l’asile ;

S’oppose à la reconnaissance du concept de « pays tiers sûrs » qui écarterait du droit à l’asile des personnes que la route de l’exil aurait fait transiter par certains pays, mais propose qu’une liste commune de « pays d’origine sûrs » soit définie au niveau de l’Union européenne, tout en permettant aux États membres d’y adjoindre une liste nationale complémentaire ; 

Soutient les propositions de la Commission européenne visant à créer une Agence de l’Union européenne pour l’asile, dont le rôle a vocation à s’affirmer, tant pour aider à dégager une doctrine européenne sur l’attribution de l’asile que dans son volet opérationnel ;

Encourage la réflexion autour de la création de centres d’accueil sur le territoire de l’Union européenne dont les conditions de gestion seraient harmonisées et au sein desquels l’information et l’exercice effectif du droit d’asile seraient garantis ;

Souhaite que la lutte contre le trafic d’êtres humains et l’activité criminelle des passeurs fasse l’objet d’une prise en charge spécifique par une coopération judiciaire ad hoc entre les États membres ;

Demande que s’intensifie la réflexion autour des mesures pour traiter de la situation particulière des mineurs non accompagnés en établissant une politique et un cadre européens communs ;

Invite à évaluer les dispositifs de protection en Europe qui prennent en compte des facteurs de vulnérabilité qui ne sont pas nécessairement liés au pays d’origine du demandeur ;

Invite, le cas échéant, à une réflexion autour d’une protection européenne distincte et complémentaire du droit d’asile, qui devrait être offerte à des personnes dont la vulnérabilité n’est pas nécessairement liée à leur pays d’origine.

 

 

 


—  1  —

 

 

   Annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs

 

À Paris

-         Audition de Mme Cecilia Wikström, députée européenne et rapporteure du projet de règlement européen « Dublin IV », par la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale, le 26 juin 2018 ;

-         M. Jamil Addou, directeur exécutif du Bureau Européen d’Appui en matière d’Asile (EASO), par visioconférence le 4 octobre 2018 ;

-         Audition d’organisations non gouvernementales le 7 novembre 2018 :

-       Forum Réfugiés - COSI : M. Laurent Delbos, responsable du plaidoyer ;

-       La Cimade : Mme Marine De Haas, responsable des questions européennes ;

-       Ligue des droits de l’homme : Mme Dominique Noguères, Vice-Présidente et M. Paul Garrigues, co-animateur du groupe de travail étrangers immigrés ;

-       Contribution reçue de M. Pierre Henry, directeur général de France Terre d’Asile ;

-         Mme Corinne Balleix, Docteure en sciences politiques, auteure de « La politique migratoire de l'Union européenne », La Documentation française ;

-         M. Frédéric Jung, Conseiller diplomatique au cabinet de M. Castaner, ministre de l’Intérieur, Mme Julie Bouaziz, adjointe au Directeur de l’Asile et M. David Massias, chargé de mission ;

-         Mme Sabine Corneloup, Professeure de droit privé à l’Université Paris II Panthéon-Assas ;

-       M. Pascal Brice, ancien directeur de l’OFPRA ;

-       M. Julien Boucher, Conseiller d’État, directeur de l’OFPRA ;

 

 

 

À Bruxelles

À la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, rencontre avec des membres du « Groupe de contact sur l'asile », qui regroupait les différents rapporteurs et rapporteurs d’opposition (dits shadow rapporteurs) du paquet asile :

-         Mme Cecilia Wikström, députée européenne suédoise (Alliance des démocrates et Libéraux pour l’Europe, ALDE), rapporteure du Projet de règlement « Dublin IV » ;

-         Mme Sophia In’t Veld, députée européenne hollandaise (ALDE), rapporteure du projet de directive sur les conditions d’accueil ;

-         Mme Sylvie Guillaume, députée européenne française (groupe Socialistes et Démocrates), rapporteure du projet de règlement définissant la liste des pays d’origine « sûrs » qui a été intégré ultérieurement dans le projet de Règlement « Procédures ».

 

-         Mme Laura Ferrara (IT, groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe), rapporteure du règlement instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l’Union.

 

-         M. Philippe Léglise-Costa, Ambassadeur, Représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne ;

-         M. Jean Mafart, chef du service de la justice et des affaires intérieures.

 

-         Mme Paraskevi Michou, directrice générale, direction générale de la migration et des affaires intérieures.

 

 

En Grèce (du 16 au 18 octobre 2018) :

-         M. Christophe Chantepy, Ambassadeur de France en Grèce ;

-         Mme Laurence Hengl, responsable de l’antenne grecque du bureau européen d’appui pour l’asile (EASO) ;

-         M. Spyros Voulgaris, conseiller diplomatique de M. Dimitris Vitsas, ministre grec chargé de la politique migratoire ;

-         Visite du centre d’accueil du Service grec de l’asile, rencontre avec les professionnels chargés de l’instruction des demandes d’asile et avec Mme Eleni Petraki, directrice de cabinet ;

-         M. Philippe Leclerc, directeur de la représentation en Grèce du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR).

 

-         Visite du centre d’accueil des demandeurs d’asile géré par le Bureau européen d’appui pour l’asile (EASO) et entretien avec M. Alesandro Abate, responsable de l’antenne de Lesbos et son équipe ;

-         M. Dimitrios Vafeas, commandant adjoint du camp du Camp de réfugiés de Moria. Rencontres avec des professionnels grecs et des ONG intervenant auprès des personnes migrantes ;

-         Mme Astrid Castelein, chef du bureau du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) à Lesbos ;

-         Mme Niki Mosxovaki, responsable de l’ONG METAdrasi Lesbos, spécialisée dans l’accueil des mineurs isolés et l’assistance juridique aux demandeurs d’asile ;

-         M. Antonios Zeimpekis, responsable de l’ONG Iliaktida Lesbos, qui gère plusieurs structures d’hébergement pour les mineurs étrangers isolés.


—  1  —

 

 

Annexe n°  2 : Liste des propositions

Sur le paquet asile

-         Revenir sur la méthode du paquet pour privilégier une adoption échelonnée des textes ;

-         Ancrer la réflexion sur le droit d’asile dans une perspective plus large tout en tenant compte des spécificités de l’asile, en particulier de son fondement juridique, la Convention de Genève de 1951, et de son ancrage dans les droits de l’Homme ;

-         Revenir à une approche globale des questions migratoires, qui intègre :

-         Réfléchir à une protection, autre que le statut de réfugié ou la protection subsidiaire, qui s’attache à la vulnérabilité de la personne (par exemple du fait de son parcours de migration) et pas nécessairement à son pays d’origine.

 

Faire de la réforme de l’asile l’occasion d’une refonte de la solidarité européenne assortie d’une meilleure coopération sur les aspects connexes à l’asile

-         Permettre une meilleure prise en compte, dans l’architecture de Dublin, des raisons objectives de demander l’asile dans un pays autre que celui de première entrée, afin que ce critère, pourtant subsidiaire, soit appliqué de manière moins systématique ;

-         Mettre en place un mécanisme de solidarité ambitieux de répartition des demandeurs d’asile ;

-         Renforcer les moyens de Frontex pour la mise en œuvre des procédures de retour des personnes déboutées ;

-         Surveiller l’évolution des demandes d’asile massives émanant de ressortissants d’États tiers envers lesquels l’Union européenne a assoupli sa politique de délivrance de visas de court séjour ;

-         Renforcer les liens diplomatiques avec les pays d’origine. 

 

Poursuivre l’harmonisation des procédures et des structures

-         Harmoniser les structures administratives en charge de l’asile dans chaque État membre : donner une autonomie juridique aux autorités nationales ;

-         Soutenir la réforme du bureau européen d’appui en matière d’asile :

-         Créer un standard commun pour les centres d’accueil sur le territoire de l’Union européenne :

-         Donner un cadre européen mieux intégré au traitement des mineurs non accompagnés ;

-         À terme, viser une reconnaissance mutuelle des décisions relatives à l’asile au sein de l’Union européenne, afin d’éviter les demandes multiples ;

-         Lutter contre le trafic d’êtres humains par la création d’un service européen dédié à la coopération judiciaire en la matière.

 

Permettre l’exercice effectif du droit d’asile dans des conditions respectueuses des droits fondamentaux 

-         S’opposer à la « procédure d’asile à frontière » qui conduirait à la rétention des demandeurs d’asile, y compris, dans certains cas, des demandeurs mineurs, jusqu’à quatre semaines, le temps du traitement de leur demande ;

-         Refuser le concept de pays tiers sûrs vers lesquels l’Europe externaliserait sa gestion de l’asile ;

-         Mettre en place des visas spécifiques et des couloirs humanitaires pour que les personnes les plus vulnérables puissent déposer leur demande sur le sol européen ;

-         Poursuivre les réinstallations en partenariat avec le Haut-Commissariat aux Réfugiés.

 

 


   Annexe N° 3 : Glossaire et définitions

CESEDA : Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

EASO (European asylum support office) : Bureau européen d’appui en matière d’asile, agence européenne créée par le règlement 439/2010.

Eurodac : base de données contenant les empreintes digitales des demandeurs d'asile et de protection subsidiaire et immigrants illégaux se trouvant sur le territoire de l'Union européenne.

Frontex : Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, chargée du contrôle et de la gestion des frontières extérieures de l’espace Schengen.

Hotspot : Plateforme régionale de débarquement ; lieu de regroupement des migrants visant à distinguer les migrants en situation irrégulière, qui font l’objet d’un retour, et les personnes ayant besoin d’une protection internationale. Dans ces centres, l’Union européenne apporte une aide logistique pour l’enregistrement, l’identification, la prise d’empreintes digitales et le recueil de témoignages, ainsi que pour les opérations de retour.

OFPRA : Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Réfugié : personne qui fait l’objet d’une décision octroyant le statut de réfugié, par décision des autorités administratives ou judiciaires. Le statut de réfugié est défini par l’article 2(e) de la directive 2011/95/CE, au sens de l’article premier de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, modifiée par le Protocole de New York du 31 janvier 1967. Selon l’article 2(d) de cette directive, on entend par « réfugié » tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 


([1]) Eurostat, 2019.

([2]) Règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

([3]) Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection.

([4]) Résolution du Parlement européen du 29 avril 2015 sur les récentes tragédies dans la Méditerranée et les politiques de migration et d'asile de l'Union européenne (2015/2660(RSP))

([5])  Communication de la Commission européenne, « Un agenda européen en matière de migration », COM(2015) 240 final, 13 mai 2015.

([6])  Eurodac est un système d’information à grande échelle contenant les empreintes digitales des demandeurs d’asile et de protection subsidiaire.

([7])  Communication de la Commission européenne, « Rapport d’avancement sur la mise en œuvre de l’agenda européen en matière de migration », COM(2019) 126 final, 6 mars 2019.

([8]) Décision du Conseil 2015/160,  Conseil européen du 22 septembre 2015 instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l’Italie et de la Grèce.

([9]) La relocalisation ne concernait que les demandeurs pour lesquels  le taux moyen de reconnaissance de la protection internationale au niveau européen dépasse 75%, soit uniquement les ressortissants Syriens, Érythréens et Irakiens

([10]) Au total, ce sont 33 846 personnes qui ont été effectivement relocalisées, 11 999 depuis l’Italie et 21 847 depuis la Grèce, selon le bilan dressé en mars 2018 par la Commission européenne,

([11]) Communication de la Commission européenne, « Rapport d'avancement sur la mise en œuvre de l'agenda européen en matière de migration », COM(2018) 250 final, 14 mars 2018.

([12])  Ce groupe formé en 1991 regroupe la Hongrie, la Pologne, la République Tchèque et la Slovaquie.

([13]) Jérôme Vignon, « Pour une politique européenne de l’asile, des migrations et de la mobilité », Institut Jacques Delors,  rapport n° 116, novembre 2018.

([14]) CJUE 6 sept. 2017, aff. C-643/15 et C-647/15, République slovaque et Hongrie (soutenues par République de Pologne) c/ Conseil de l’Union européenne.

([15]) Ségolène Barbou des Places (Professeure à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne), « L’empreinte des nationalismes sur le droit de l’immigration de l’Union européenne », Revue trimestrielle de Droit européen, décembre 2018.

([16]) Chapitre intitulé : « Politiques relatives aux contrôles aux frontières, à l’asile et à l’immigration ».

([17]) L’article 21 de la Charte interdit toute discrimination fondée, notamment, sur « les origines ethniques ou sociales ».

([18]) OFPRA, L’asile en France en 2015, janvier 2016.

([19]) Pour la chronologie de ces décisions, nous renvoyons au rapport d’information n° 898 déposé le 19 avril 2018 par la commission des affaires européennes sur l’Espace Schengen et la maîtrise des frontières extérieures de l’Union européenne de MM. Ludovic Mendès et Christophe Naegelen.

([20]) Matthieu Tardis, « L’accueil des réfugiés : l’autre crise européenne », IFRI, Politique étrangère, 2015/3, p. 107 à 120.

([21]) Yves Pascouau, « Politique européenne d’asile : quel cap ? »,  Confrontations Europe, Numéro 123, octobre –décembre 2018.

([22]) Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, « Vers une procédure d’asile commune et un statut uniforme, valable dans toute l’Union, pour les personnes qui se voient accorder l’asile », COM(2000) 0755 final, 22 novembre 2000.

([23]) Voir l’article 78 du TFUE.

([24]) Paul Fourier, Evelyne Weber, « Parcours et politiques d’accueil des demandeurs et demandeuses d’asile dans l’Union européenne  », Avis du Conseil économique, social et environnemental, mai 2018.

([25]) CJUE [GC], N. S. c. Secretary of State for the Home Department, 21 décembre 2011, C-411/10 et C-493/10

([26]) Matthieu Tardis, Le droit d’asile : histoire d’un échec européen, Ifri, 2015.

([27]) Ibid.

([28]) Audition par les rapporteurs à Bruxelles le 20 juin 2018 et audition par la commission des affaires européennes le 26 juin 2018, en annexe.

([29]) Communication de la Commission européenne, « Vers une réforme du régime d’asile européen commun et une amélioration des voies d’entrée légale en Europe », COM(2016) 197 final, 6 avril 2016.

([30]) Selon les critères fixés à l’article 7 et suivants du Règlement Dublin III : en l’absence d’un membre de la famille du demandeur dans l’un des États de l’Union, le pays responsable de l’examen de la demande est :

a) Soit celui qui a délivré un titre de séjour en cours de validité ou périmé depuis moins de deux ans.

b) En l’absence de titre de séjour ou de visa, l’État qui a laissé franchir illégalement sa frontière, ou l’État où le demandeur d’asile séjourne depuis plus de cinq mois.

c) S’il n’est pas possible d’appliquer les critères précédents, l’État responsable est en dernière analyse celui qui a accepté l’entrée sur son territoire et le dépôt d’une demande d’asile.

([31])  La clause dite de souveraineté, prévue à l’article 17 du Règlement Dublin III, permet toujours à un État de renoncer au transfert d’un demandeur d’asile vers l’État responsable et de traiter lui-même une demande, notamment pour des motifs humanitaires et de compassion.

([32]) Claire Brice-Delajoux, « Repenser leur droit d’asile commun : un impératif pour les Européens », Revue du droit de l’Union européenne, 3/2018, p.107 à 125.

([33])  Le règlement prévoit des délais stricts pour la procédure de transfert : la France a par exemple 3 mois pour saisir l’État qu’elle estime responsable, l’État requis a 2 mois pour répondre. En cas d’accord, le transfert effectif doit être réalisé dans un délai compris entre 6 et 18 mois, ce délai de 18 mois concerne les personnes considérées comme en fuite (art. 29 paragraphe 2 du Règlement Dublin III).

([34]) En pratique, les personnes dublinées peuvent ne pas se présenter aux convocations qui leurs sont adressées par la préfecture (voir, pour une illustration, CE, réf. 10 décembre 2010, n°344721) ou ne se trouvent pas au domicile qu’elles déclarent.  

([35]) Gregory Verdugo. « IX / L’Europe au défi de la nouvelle immigration », OFCE éd., L'économie européenne 2019. La Découverte, 2019, p. 99 à 112.

([36]) Corinne Balleix, « Point d’étape sur la réforme du régime d’asile européen, 20 décembre 2017, La Documentation française.

([37]) )Eurostat, « Nombre record, plus de 1,2 million de primo-demandeurs d’asile enregistrés en 2015 », Communiqué de presse, n° 44/2016, 4 mars 2016.

([38]) Op. cit Tardis, 2015.

([39]) Les rapporteurs invitent à se reporter en annexe à la communication qu’ils ont présentée devant la commission des affaires européennes le 8 novembre 2018, sur la situation des demandeurs d’asile bloqués dans les camps de réfugiés des îles grecques qu’ils ont pu observer lors d’un déplacement.

([40]) Les autorités françaises reçoivent ainsi de nombreuses demandes de ressortissants afghans déboutés en Allemagne.

([41]) Ces personnes verraient ainsi leurs allocations d’assistance, leur accès aux soins de santé et leur possibilité d’hébergement fortement réduits.

([42]) Voir l’analyse des différents mécanismes de réinstallation dans le rapport d’avancement de la mise en œuvre de l’agenda européen en matière de migration, Commission européenne – COM (2018) 301 final.

([43]) Voir notamment les déclarations de M. François Crépeau, Commissaire aux droits de l’homme des Nations unies pour les migrants : « EU Migration Summit : “Some European States showing a complete disregard for human rights” – UN expert », 16 mars 2016.

([44]) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre de l’Union pour la réinstallation et modifiant le règlement (UE) n° 516/2014 du Parlement européen et du Conseil, COM(2016) 468 final.

([45]) Op. cit. Balleix, 2017.

([46]) L’éloignement d’un étranger ne disposant pas de passeport est subordonné à l’accord du pays de retour, matérialisé par la délivrance d’un laissez-passer consulaire, laquelle pose souvent des difficultés.

([47]) Op. cit. Balleix, 2017.

([48]) Rapport sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, modifiant le règlement (CE) nº 1987/2006 et la décision 2007/533/JAI du Conseil et abrogeant le règlement (UE) nº 1077/2011, par la rapporteure Monica Macovei

([49]) Audition de Mme Corinne Balleix, 29 janvier 2019.

([50]) Austrian  Presidency of the Council of the European Union, EU home affairs ministers advocate steeping up protection of external borders ; Informal meeting of COSI, Strengthenin EU External Border Protection and a crisis-resistant EU asylum system, 2-3 juillet 2018.

([51]) Commission européenne, « État de l’Union 2018 – La Commission propose les derniers éléments qui doivent permettre de dégager un compromis sur la réforme en matière de migration et de gestion des frontières », 12 septembre 2018.

([52]) Parlement européen, Allocution du Président Antonio Tajani au Conseil européen du 13 décembre 2018.

([53]) Forum Réfugiés, L’Asile en France et en Europe – État des lieux 2019.

([54]) Communication de la Commission européenne, « Un agenda européen en matière de migration », 13 mai 2015, COM(2015) 240 final.

([55]) Directive 2009/50/CE du Conseil du 25 mai 2009 établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié.

([56]) Nous renvoyons à la communication devant la commission des affaires européennes de Mmes Coralie Dubost et Marietta Karamanli relative à la Conférence interparlementaire du 24 janvier 2018 : Quelles voies légales pour les migrations dans l’Union européenne ?

([57]) Un mineur non accompagné est une personne âgée de moins de 18 ans qui entre sur le territoire d’un État membre de l’Union sans être accompagnée d’un adulte qui en a la responsabilité ou un mineur qui est laissé seul après son entrée sur le territoire d’un État membre de l’Union.

([58]) Anne Meyer-Heine, « Le droit d’asile des mineurs non accompagnés dans l’Union européenne », Sociétés et jeunesses en difficulté, décembre 2018.

([59]) Karine Parrot, « Les mineur.es isolé.es à la frontière entre infra-droit et non-droit », Colloque IRJS, 2018.

([60]) Article L. 722-1 du CESEDA.

([61]) Conseil d’État, avis du 16 mai 2018 portant sur l’application de la notion de pays tiers sûr.

([62]) Op. cit. Brice-Delajoux, 2018.

([63]) Conte et Macron d'accord pour une répartition européenne des migrants, RFI, 19 septembre 2019.

([64]) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et abrogeant l'action commune 98/700/JAI du Conseil, le règlement (UE) n° 1052/2013 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (UE) 2016/1624 du Parlement européen et du Conseil.

([65]) Résolution européenne sur la création du parquet européen n° 3609, par M. Guy Geoffroy et Mme Marietta Karamanli, 14 août 2011.

([66]) Conseil constitutionnel, décision n° 93-325 DC, 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France.

([67]) Jérôme Vignon, Pour une politique européenne de l’asile, des migrations et de la mobilité, Institut Jacques Delors, novembre 2018.

([68]) Audition de représentants de l’OFPRA, 21 mai 2019.

([69]) Service de recherche du Parlement européen, Évaluation de la valeur ajoutée des visas humanitaires, juillet 2018.

([70]) Rapport déposé de la commission LIBE, lecture unique, Rapporteur Juan Fernando Lopez Aguilar 2017/2270(INL), 16 octobre 2018.

([71]) Audition de M. Pascal Brice, 14 mai 2019.

([72]) François Gemenne, Géopolitique du changement politique, Armand Colin, 2009.