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N° 2984

 

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 mai 2020

 

RAPPORT  D’INFORMATION

déposé

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA MISSION D’INFORMATION COMMUNE ([1]),

sur les interdictions de stade et le supportérisme

et présenté par

Mme Marie-George BUFFET et M. Sacha HOULIÉ,

Rapporteurs,
Députés

 


La mission d’information sur les interdictions de stade et le supportérisme est composée de Mme Marie-George Buffet et M. Sacha Houlié, rapporteurs


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   SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. Supporters : l’Échec de la Politique du tout rÉpressif

A. 1980 À 2010 : SUpporters et pouvoirs publics, la confrontation

1. « Le stade, miroir déformant de notre société »

2. La sécurité au stade : l’échec des premières politiques répressives

B. L’apparition d’une POlice administrative SpÉciale

1. Des interdictions judiciaires de stade aux interdictions administratives, puis commerciales             

2. Les interdictions et les encadrements de déplacement

C. MalgrÉ l’Évolution du cadre juridique, une stabilitÉ des interpellations, des condamnations et des effectifs mobilisÉs             

1. Une stabilité des interpellations et des condamnations

2. Des moyens de sécurisation très élevés

3. De nouvelles sources d’inquiétudes

D. la volonté d’amÉliorer le dialogue avec les supporters

1. Au sein des clubs et au niveau départemental

2. Au niveau national

3. Au niveau européen

II. ORdre Public et LibertÉs fondamentales : l’Équilibre rompu

A. L’usage disproportionnÉ des outils de police administrative

1. Un usage extensif des IAS, l’opacité entretenue sur les chiffres

2. La multiplication des arrêtés d’interdiction de déplacement

 

B. l’absence d’articulation avec les dispositifs judiciaires et commerciaux

1. La juxtaposition des IJS et IAS : un cumul peu compréhensible

2. L’encadrement insuffisant des interdictions commerciales

C. L’Hypocrisie de l’interdiction des fumigÈnes et l’inefficacitÉ des sanctions de la commission de discipline de la LFP             

1. L’inefficacité des sanctions collectives

2. Une hypocrisie qui encourage les clubs à négocier l’usage des fumigènes avec leurs supporters             

D. MalgrÉ Des efforts dans la prÉvention et la lutte contre les comportements discriminatoires, La crise de l’ÉtÉ 2019             

1. De nombreuses initiatives

2. La crise de l’été 2019

III. POuvoiRS PUBLICS et Supporters : OUvRIR UNe ÈRE PArtenariale

A. renforcer le cadre dES IAS, en définir un pour les ICS

1. Les IAS, un outil utile, qui doit être recentré pour répondre à sa finalité

2. La nécessité d’encadrer davantage les interdictions commerciales, qui font peser un réel risque d’arbitraire             

B. PERMETTRE, PAR PRINCIPE, LES dÉplacements

1. Redonner aux arrêtés d’encadrement et d’interdiction leur caractère exceptionnel 

2. Encourager les clubs à soutenir et à accompagner l’organisation des déplacements de leurs supporters             

C. Ouvrir une VOIE vers la LÉgalisation de la pyrotechnie

1. La nécessité de parvenir à un usage encadré des fumigènes

2. Garantir la sécurité des spectateurs, responsabiliser les supporters et assurer le bon déroulement du match             

D. Favoriser une ambiance apaisée dans les stades et au sein des clubs

1. Faciliter le dialogue à tous les niveaux

2. Revaloriser le rôle social des clubs

Travaux deS commissionS

Liste des propositions

LISTE DES Personnes ENTENDUES

DÉplacements effectuÉs par la mission

Annexes

ANNEXE I : DONNÉES RECUEILLIES SUR LES IAS

ANNEXE II : Circulaire du 18 novembre 2019


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   Introduction

« Le football ce n’est pas une question de vie ou de mort, c’est bien plus important que cela ». Nul ne peut prétendre s’intéresser aux supporters sans avoir à l’esprit les mots de Bill Shankly, manager emblématique du Liverpool Football Club, qui unit son club avec le premier kop de l’histoire, le Spion Kop.

Les kop – ces regroupements de supporters dans une tribune du stade – se sont progressivement démocratisés et ont vu le jour dans tous les pays. En France, leur apparition remonte à la création du Commando Ultra dans les tribunes du Stade Vélodrome à Marseille en 1984.

Au fil des années, les supporters s’y sont retrouvés parfois pour le meilleur, d’autres fois pour le pire ([2]).

Plusieurs accidents graves qui ont coûté la vie à de nombreux supporters au cours des années 1980 (drame du Heysel le 29 mai 1985, tragédie de Hillsborough du 15 avril 1989) et des années 1990 (catastrophe de Furiani du 5 mai 1992) ont conduit les pouvoirs publics à légiférer pour encadrer les manifestations sportives. Mais ce sont surtout les décès de deux supporters du Paris Saint Germain, Julien Quemener le 23 novembre 2006 et Yann Lorence le 28 février 2010, tous deux causés par des agressions d’une violence inouïe en marge de rencontres au Parc des Princes qui sont à l’origine de la forte mobilisation du Gouvernement et du Parlement.

Une partie de ces mesures a eu pour effet de sécuriser les enceintes sportives et les manifestations qui s’y déroulent. Cependant, d’autres ont été adoptées par pure idéologie et n’ont fait l’objet d’aucune mesure d’évaluation depuis leur création.

Nous pensons que le temps du contrôle parlementaire est venu. Nous aurions même préféré qu’en sa qualité de garant des libertés fondamentales le Parlement se saisisse de cette question avant que ne naisse, chez de nombreux supporters, le sentiment d’être des citoyens de « seconde zone » auxquels s’appliquent des lois d’exception.

Ces dispositions ont pour noms interdiction administrative ou commerciale de stade, interdiction de déplacement, fichage, sanctions collectives ou infractions spécifiques, telles que l’interdiction de l’usage de fumigènes. Loin d’être anodines et parce qu’elles sont des mesures de police administrative, elles se devaient d’être absolument nécessaires et strictement proportionnées. Leur base légale insuffisamment précise ou excessivement large, les procédures exceptionnelles qu’elles suivent en ont permis le dévoiement.

Parce que ces atteintes aux libertés fondamentales ne lui sont pas supportables et parce que ces mesures ont d’ores et déjà inspiré d’autres propositions telles que la loi « anti-casseurs », le Parlement ne peut se satisfaire de sa méconnaissance des effets et des incidences d’un tel dispositif.

Cette volonté de contrôle étroit des bases légales de la police administrative spéciale, des infractions spécifiques et de la politique disciplinaire des instances a d’abord guidé nos travaux.

Par ailleurs, nous croyons que le monde du sport, et celui du football en particulier, se trouvent à un tournant. Après des années de stigmatisation et d’opprobre sur lesquelles de trop nombreuses personnalités (politiques ou sportives) ont surfé, un fragile mais ambitieux dialogue s’est ouvert entre les supporters, les clubs, les instances et les pouvoirs publics.

Les premiers pas que constitue la création de l’Instance nationale du supportérisme, la généralisation du référent supporters, l’expérimentation des tribunes debout sont autant d’actes qui construisent la confiance entre toutes les parties et qui permettent d’envisager un avenir s’affranchissant de la doctrine du tout-répressif, qui fut la seule des années 2000.

Les choses changent. Les choses doivent changer.

Il n’est pas question d’idéaliser les tribunes. Elles sont le miroir de la société et en cela, le monde du sport est traversé par toutes les turpitudes qu’elle connaît : violences, discriminations ou incivilités.

Cependant, à ce jour, les tribunes de nos stades demeurent l’un des plus grands vecteurs de mixité sociale de notre pays. Personne n’y est admis parce qu’il a pu réaliser quelque chose mais simplement pour faire partie d’un groupe, d’une communauté où la solidarité, les animations et les actions sociales sont foisonnantes. Il faut aussi mesurer la part que prend cet engagement dans la vie d’un supporter, formidablement décrit dans le roman autobiographique de Nick Hornby ([3]). Aussi, la première des responsabilités des autorités est de reconnaître en tant que telle la richesse culturelle et sociale de ce foisonnement et de lui accorder, sous conditions, sa confiance.

Dans ces circonstances, nous sommes convaincus qu’il est de notre devoir d’encourager, de structurer et de promouvoir le dialogue inter partes pour construire un nouveau modèle qui ne soit ni imité, ni copié mais bâti de toutes pièces : le modèle français du supportérisme.

Afin d’y parvenir, nous avons conduit de très nombreuses auditions d’administrations centrales et déconcentrées, de dirigeants d’instance et de club, de représentants des supporters et de sociologues. Les propositions que nous portons appellent des efforts de chacun des acteurs qui exigeront de revoir les fondements de la police administrative, d’adapter les réponses disciplinaires et pénales, de responsabiliser les instances sportives, mais aussi les associations de supporters, et d’accepter de discuter chacune des innovations présentées.

Chacun à notre place, nous avons le pouvoir de maintenir cet équilibre garantissant les libertés fondamentales et la tranquillité publique. Il nous faut pour cela avant tout nous prémunir des humiliations et des excès. Nous avons souhaité, par ce rapport, offrir une boîte à outils qui se lira comme un guide de recommandations à mettre en œuvre dès que possible.


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I.   Supporters : l’Échec de la Politique du tout rÉpressif

A.   1980 À 2010 : SUpporters et pouvoirs publics, la confrontation

1.   « Le stade, miroir déformant de notre société »

Les stades de football sont un lieu de rassemblement d’une grande diversité de publics, d’origines sociales, politiques et régionales différentes. Il en résulte une forme de solidarité mais aussi un risque de conflictualité. Ces caractéristiques font dire à M. Ludovic Lestrelin, sociologue spécialiste des questions relatives aux supporters, que « le stade est un miroir déformant de notre société ».

a.   Un enjeu principalement lié au football

Selon M. Antoine Mordacq, chef de la division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH), les enjeux liés au supportérisme en France « concernent à 99 % le football professionnel ». Cela s’explique par le nombre de supporters de football : 11 millions par saison, ce qui fait de la France la cinquième nation mondiale dans ce domaine. Cette affluence a été renforcée grâce à l’augmentation des capacités d’accueil ayant résulté de la construction, de l’agrandissement et de la rénovation de plusieurs stades en prévision de l’Euro 2016.

Selon le bilan annuel de la DNLH, seules 4 % des interpellations ayant eu lieu lors de rencontres sportives pendant la saison 2018-2019 ont concerné un autre sport que le football. Plusieurs d’entre elles concernent d’ailleurs des rencontres impliquant des clubs omnisports, fréquents dans les Balkans ou en Turquie, qui attirent des supporters de football en recherche d’autres occasions de se réunir.

b.   Une grande variété de supporters

Ainsi que l’a rappelé M. Ludovic Lestrelin lors d’une table ronde réunissant des universitaires, le monde du supportérisme présente une grande diversité : « Le supportérisme est souvent assimilé à sa seule partie visible, celle qui anime les stades : les groupes ultras. Ces groupes ont pris une importance certaine depuis trois décennies et se sont posés comme des acteurs incontournables du football français. Pour autant, ils cohabitent avec d’autres types de collectifs (supporters " traditionnels ", collectifs de supporters handicapés, de rares groupes féminins) » ([4]).

Il est ainsi possible de distinguer au moins quatre publics :

– Les spectateurs qui viennent pour assister occasionnellement aux matchs et profiter de l’ambiance des tribunes. Il s’agit d’un public souvent familial, assis dans les tribunes latérales. C’est vers eux que sont orientées les politiques commerciales des clubs car ce sont les principaux consommateurs de produits dérivés.

– Les supporters, souvent abonnés du club et membres d’une association ou d’un groupe de supporters. Ils assistent à de nombreux matchs depuis les virages (dans les kops, derrière les buts), à domicile et en déplacement lorsque leur équipe joue à l’extérieur. Ils participent à l’ambiance du stade en chantant et en restant debout.

– Les ultras sont des supporters très actifs qui utilisent des techniques de soutien spécifiques : banderoles, tifos – d’immenses bâches préparées plusieurs semaines avant le match –, fumigènes, etc. Leur degré d’organisation et d’autonomie varie d’un groupe à l’autre. Leur passion, parfois exacerbée, peut aboutir à des débordements, notamment des violences avec des groupes de supporters d’équipes adverses ou d’autres groupes ultras du même club avec lesquels ils sont en concurrence.

– Les hooligans constituent une frange isolée des supporters. Ils ne sont pas organisés en association et n’ont pas de liens avec le club. Ils ont pour caractéristiques d’utiliser le stade comme un espace propice à leurs activités délictuelles (violences, insultes, délinquance acquisitive…). À la différence des ultras, le football est le prétexte et non la raison de leurs dérives.

Selon les estimations de la Ligue de football professionnel, le nombre de supporters des clubs de Ligue 1 – la première division française – qui sont membres d’une association s’élève à 74 500, regroupés dans 92 groupes. Parmi eux, 46 900 sont des ultras appartenant à 36 groupes différents.

Dix-neuf des vingt clubs de Ligue 1 ont au moins deux groupes de supporters et six clubs ont six clubs de supporters ou plus. Dix-sept clubs ont au moins un groupe d’ultras, parmi lesquels dix en ont deux ou plus.

En outre, au sein de ces différents groupes, il existe des profils très divers. Pour M. Dominique Bodin, sociologue, les ultras sont pour beaucoup des jeunes hommes en quête d’identification et de socialisation. La majorité a entre 15 et 35 ans car cette activité est difficile à concilier avec une vie de famille ou une vie professionnelle. Les groupes de supporters exigent en effet beaucoup de temps (préparation des banderoles, organisation et réalisation des déplacements…).

Pour autant, de nombreux ultras sont des étudiants ou des travailleurs qualifiés, parfois pères de famille. Si les tribunes restent un lieu populaire, notamment grâce au maintien de tarifs faibles dans les tribunes des virages, elles sont surtout un lieu de mixité sociale et de convivialité.


Il ne faut pas non plus ignorer la présence de supporters violents, inscrits dans un parcours de délinquance, et qui veulent profiter du stade et de la protection qu’offre l’appartenance à un groupe pour commettre des violences, des vols ou des dégradations.

Les clubs doivent faire face à cette diversité de profils pour assurer un équilibre entre, d’une part, la sécurité des tribunes et des alentours du stade et, d’autre part, la qualité de l’ambiance et du spectacle fourni en soutien aux joueurs.

c.   La montée en puissance du mouvement ultra représente le principal enjeu du supportérisme contemporain

Le hooliganisme a nettement reculé du fait des politiques répressives à l’encontre des supporters violents. En revanche, le mouvement ultra, importé d’Italie et d’Europe de l’Est où il existe depuis les années 1960, a tendance à prendre de l’importance ces dernières années. Dans certains pays, notamment en Espagne, la notion d’ultra est mal interprétée car elle reste confondue avec celle de hooligan. Or, leurs racines sont différentes : les ultras sont des supporters dont la ferveur aboutit exceptionnellement à des violences tandis que les hooligans sont des groupes violents qui profitent du contexte du stade pour s’affronter.

Les groupes ultras partagent plusieurs caractéristiques. Ils ont en commun un rejet de l’autorité et du caractère commercial des clubs de football. Ils se considèrent, et sont à certains égards, comme l’âme du club qu’ils supportent. Comme l’écrit M. Nicolas Hourcade : « Ils se conçoivent comme des acteurs et non comme de simples spectateurs » ([5]). De fait, les supporters sont les seuls acteurs durables des clubs de football dont les joueurs, les dirigeants ou les actionnaires vont et viennent. Ils revendiquent une indépendance vis-à-vis du club qui rend la relation parfois conflictuelle.

Les ultras se retrouvent également autour de modes d’action et d’organisation identiques. La tribune devient, à l’égal de la pelouse, un lieu à la fois de spectacle et de compétition. Ils réalisent des tifos qui sont déroulés à l’entrée des joueurs, chantent, sautent, utilisent des tambours et, parfois, des engins pyrotechniques (fumigènes, pots de fumée, feux d’artifice etc.) malgré leur interdiction.

tifo avant le match Olympique de marseille - paris-saint-germain
(25 avril 2015)

Image

Source : La Provence

Leur organisation est généralement peu hiérarchisée même s’ils sont souvent coordonnés par des leaders – qui ne sont pas toujours les responsables juridiques des associations – et par les « capos » – ce nom d’origine italienne désigne les supporters chargés d’animer la tribune, notamment en lançant les chants.

Les groupes de supporters sont les garants de l’ambiance dans les stades et sont, à ce titre, indispensables au football et au plaisir qu’ont les spectateurs à se retrouver dans les tribunes.

Cette culture commune est toutefois source de concurrence entre les groupes de supporters de clubs opposés, en particulier lorsqu’il existe une rivalité historique (Paris-Saint-Germain et Olympique de Marseille, Olympique Lyonnais et AS Saint Étienne, etc.). Le supportérisme est indissociable d’une revendication territoriale et d’un fort sentiment d’appartenance dont il résulte parfois, à l’égard des adversaires, un sentiment de rejet, voire de haine. Selon M. Ludovic Lestrelin : « Les violences puisent notamment leurs sources dans la quête d’excitation et de tensions, l’affirmation d’un style masculin agressif et les luttes territoriales » ([6]).

Lors de leur déplacement à Strasbourg, le directeur de cabinet de la préfète, M. Dominique Schuffenecker, a indiqué aux Rapporteurs que cette appartenance régionale se reflétait également dans la variété des comportements des supporters d’un club à l’autre, ce qui accroît les difficultés rencontrées par les autorités pour appréhender leurs relations avec les supporters.

En outre, les groupes de supporters ont parfois des affinités avec certains courants politiques tant à l’extrême gauche qu’à l’extrême droite. Certaines tribunes sont des lieux de socialisation politique, pour le meilleur comme pour le pire. Ainsi certains groupes de supporters ont des activités « extra-sportive ». Par exemple, le groupe des Red Tigers, rencontré à Lens par les Rapporteurs, mène des actions dans des hôpitaux et a organisé une bibliothèque militante autour de l’histoire et des droits des supporters. À l’inverse, d’autres groupes en profitent pour véhiculer des idées racistes ou encore, ainsi que l’a signalé la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris, pour promouvoir le communautarisme religieux.

Les divergences qui traversent la mouvance ultra et les supporters diminuent la capacité des supporters à s’organiser au niveau national. Les antagonismes et la concurrence entre les groupes ainsi que leur méfiance à l’égard des autorités ont historiquement nourri des incidents dans les stades et à leurs alentours.

2.   La sécurité au stade : l’échec des premières politiques répressives

Plusieurs évènements ont porté atteinte au caractère festif des stades de football et ont justifié une évolution de la sécurité des matchs. Mais ces politiques répressives n’ont pas rempli tous leurs objectifs.

a.   Une première réaction répressive dans les années 1990

Le 29 mai 1985, à l’occasion de la finale de coupe d’Europe des clubs champions opposant le Liverpool Football Club et la Juventus de Turin, au stade du Heysel à Bruxelles, des supporters hooligans anglais ont envahi la tribune des supporters italiens causant un important mouvement de foule. Les infrastructures inadaptées, l’absence de contrôle à l’entrée du stade et l’impossibilité d’évacuer la foule provoquèrent l’effondrement d’une grille et d’un muret de séparation. Trente-neuf personnes décèdent, 454 furent blessées. Ce traumatisme dans l’histoire du supportérisme et de la sécurité des évènements a radicalement transformé l’approche du contrôle des enceintes sportives.

Le drame du Heysel fut immédiatement suivi par la catastrophe de Hillsborough survenue le 15 avril 1989. Durant les sept premières minutes de cette demi-finale de FA Cup opposant le Liverpool Football Club et Nottingham Forest, 96 personnes périrent et 766 furent blessées dans un mouvement de foule causé par une gestion désastreuse de l’évènement par les autorités publiques anglaises. Cette catastrophe demeure à ce jour la plus meutrière du football et du sport en général.

Pour M. Ludovic Lestrelin, au cours des années 1980, les stades ont fait l’objet d’une nouvelle approche en matière de sécurité : « On a abandonné l’idée de réformer les comportements, au profit de stratégies de prévention situationnelle reposant sur la gestion des flux d’accès, l’élaboration d’un mobilier adapté, la séparation des tribunes et des publics. »

En conséquence, plusieurs lois ont été adoptées pour renforcer l’encadrement des manifestations sportives et la répression judiciaire des délits commis dans les stades, et pour protéger les supporters.

Après l’effondrement d’une tribune au stade de Furiani en Corse, le 5 mai 1992, lors de la demi-finale de la coupe de France entre le Sporting Club de Bastia et l’Olympique de Marseille, qui causa dix-huit décès et fit 2 357 blessés, une loi est votée pour mieux encadrer la sécurité des enceintes sportives. La loi du 13 juillet 1992 ([7]) met en place une procédure d’homologation des enceintes sportives. En effet, ce drame a pour cause une tribune provisoire montée à la hâte, sans respect des règles élémentaires de construction et d’un contrôle défaillant des autorités de l’État. Cette homologation, confiée au préfet, est subordonnée au respect de normes techniques et « fixe l’effectif maximal des spectateurs qui peuvent être admis simultanément dans l’enceinte ainsi que la nature et la répartition des places offertes ».

La loi du 6 décembre 1993 relative à la sécurité des manifestations sportives, dite « loi Alliot-Marie », instaure plusieurs dispositions visant à réduire les risques de violences ou d’accidents dans les stades. Elle interdit et punit l’accès aux enceintes des personnes en état d’ivresse, l’introduction de boissons alcooliques et d’engins pyrotechniques, l’exhibition de signes rappelant une idéologie raciste ou xénophobe et l’entrée sur l’aire de jeu. Pour chacune de ces infractions, le texte prévoit une peine complémentaire d’interdiction judiciaire de stade d’une durée maximale de cinq ans.

b.   L’éclatement de la violence dans les stades dans les années 2000

Malgré cette stratégie, plusieurs drames ont mis en évidence les insuffisances des dispositifs répressifs. Selon le sociologue M. Dominique Bodin : « On a pensé que la coercition et l’augmentation des moyens de contrôle, par exemple les stadiers ou les caméras de vidéosurveillance, suffiraient à endiguer la violence ». Or, cette stratégie s’est avérée partiellement inefficace, notamment parce qu’elle a reporté les violences aux abords de stades, dans un espace moins contrôlable.

Trois incidents graves, impliquant des décès, ont mis en lumière la nécessité de repenser l’encadrement du supportérisme en France.

Le 21 juin 1998, en marge du match de coupe du monde Allemagne-Yougoslavie au stade Bollaert à Lens, Daniel Nivel, gendarme mobile, est agressé par des hooligans allemands. Il est toujours lourdement handicapé.

Le 23 novembre 2006, après le match entre le PSG et l’Hapoël Tel-Aviv, un supporter de confession juive est agressé par plusieurs supporters parisiens. Un policier en civil intervient pour le défendre mais, sans brassard, il est également pris à parti. Il fait alors usage de son arme, tuant l’un des agresseurs, Julien Quemener.

Le 28 février 2010, en marge d’un match opposant le PSG à l’Olympique de Marseille, les supporters parisiens des tribunes Auteuil et Boulogne, s’affrontent aux abords du stade. Yann Lorence, membre du kop Boulogne, est lynché et décède.

À l’issue de ces évènements tragiques, qui ont menacé le club de disparition, le Paris-Saint-Germain décide d’un plan de dissolution des associations de supporters, le « plan Leproux », du nom du président du club à cette période.

Quelques années plus tard, le monde du football fait face à une question existentielle. La disparition des ultras des tribunes du Parc des Princes a mis en évidence leur importance dans l’animation des stades. Selon M. Nicolas Hourcade, les clubs ont pris conscience du « No fans, no value », à savoir que les supporters sont aussi un capital social et économique pour les clubs.

Dès lors, les clubs sont partagés entre une approche associative et une approche commerciale. Les autres pays européens confrontés à cet enjeu ont apporté des réponses différentes dont la France pourrait s’inspirer pour élaborer son propre modèle.

c.   La réponse des autres pays européens

À des degrés différents, la plupart des pays européens, ont été confrontés à des difficultés avec leurs supporters à la même période. Plusieurs modèles ont émergé.

En Angleterre, berceau du hooliganisme, les violences dans les stades ont atteint un paroxysme dans les années 1980. Trois tragédies meurtrières – le Heysel et l’incendie du stade de Bradford (56 morts et plus de 200 blessés) en 1985, puis la bousculade d’Hillsborough (96 morts et 766 blessés) en 1989 – ont conduit les autorités et les clubs à affronter, pour l’éradiquer, la violence de certains supporters.

La réponse a pris deux formes. D’abord, une répression organisée par les pouvoirs publics avec la mise en place d’interdictions de stade à vie, d’interdictions de quitter le territoire et la création d’un fichier dédié. Ensuite, une nouvelle politique des clubs à l’égard du public qui s’est traduite par une augmentation considérable du prix des places aux dépens des supporters des classes populaires et de l’ambiance des matchs, au point que certains stades font penser à des cathédrales où l’on s’ennuie…

Cette orientation « commerciale » du football a également été retenue en Espagne même si, en dépit d’une politique tarifaire conduisant à l’augmentation des billets, les tribunes restent populaires.

En Allemagne, la violence a connu un traitement différent avec le développement d’une véritable politique sociale de prévention des dérives du supportérisme, associant les clubs et les pouvoirs publics, notamment par le biais des fanprojekte (voir infra).

Toutefois, en Allemagne comme en Angleterre, il a été signalé aux Rapporteurs que la violence s’était reportée sur les divisions inférieures, notamment au niveau amateur.

Enfin certains pays, comme l’Italie, la Grèce, la Turquie ou les pays d’Europe de l’Est, qui ont importé la mouvance ultra en Europe, ne sont pas parvenus à traiter le problème des violences et des comportements discriminatoires dans les stades. Les incidents impliquant des insultes racistes et des cris de singe restent fréquents.

La diversité des modèles en Europe provoque parfois des incompréhensions lors des déplacements et des compétitions internationales car chaque pays retient une définition différente de ce qu’est un « bon supporter » et des implications de l’appartenance à la mouvance ultra, qui n’est pas nécessairement synonyme de violences.

La France a puisé des caractéristiques à plusieurs de ses modèles sans encore trouver un équilibre satisfaisant. C’est pourquoi les Rapporteurs estiment qu’il faut saisir l’opportunité de créer un véritable modèle français de supportérisme.

En réaction aux évènements ayant lieu en marge des matchs de football, la France a développé un nouvel arsenal de police administrative visant à renforcer la réactivité des pouvoirs publics face à la menace pour l’ordre public que représentait une minorité de supporters violents.

B.   L’apparition d’une POlice administrative SpÉciale

1.   Des interdictions judiciaires de stade aux interdictions administratives, puis commerciales

a.   L’introduction, en 1993, des interdictions judiciaires de stade

● Introduites par la loi du 6 décembre 1993 relative à la sécurité des manifestations sportives ([8]), les interdictions judiciaires de stade (IJS) sont des peines complémentaires, prononcées en sus des sanctions pénales applicables aux infractions prévues par les articles L. 332-3 à L. 332-10 et L. 332-19 du code du sport. Ces articles correspondent à différents comportements commis dans une enceinte sportive, allant de l’introduction d’alcool ou l’accès au stade en état d’ivresse ([9]), à l’incitation à la haine et à la violence ([10]), en passant par l’usage de fusées ou d’artifices, les jets de projectiles ou la pénétration sur l’aire de jeu ([11]). L’IJS interdit aux personnes condamnées à la fois de pénétrer dans l’enceinte sportive où se déroule la compétition, et de se rendre aux abords de cette même enceinte.

L’interdiction judiciaire de stade est également encourue, en tant que peine complémentaire, lorsque sont commises diverses infractions prévues par le code pénal ([12]) dans une enceinte sportive ou en relation directe avec une manifestation sportive, qu’il s’agisse de violences, de dégradations de biens ou encore de rébellion.

Pour M. Christian de Rocquigny du Fayel, sous-directeur de la justice pénale générale à la direction des affaires criminelles et des grâces, une interdiction de stade constitue une mesure ciblée sur ce à quoi la personne tient – de même qu’une confiscation de biens pour des infractions en lien avec la criminalité économique –, tout en revêtant une dimension éducative, en interdisant de se rendre dans un lieu dont on n’a pas respecté les règles.

● Aux termes de l’article L. 332-11 du code du sport, la durée de l’IJS ne peut excéder cinq années. Elle est assortie de l’obligation de répondre à des convocations au commissariat de police ou de gendarmerie pendant la durée des matchs, le cas échéant pour des matchs se déroulant à l’étranger – ce que l’on appelle communément les « obligations de pointage ». La violation de cette interdiction judiciaire de stade ou de l’obligation de pointage (en l’absence de motif légitime) est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

En application de l’article L. 332-15 du même code, le préfet est destinataire des informations sur les IJS prononcées par la justice, et il les communique aux fédérations sportives – qui les transmettent aux ligues professionnelles intéressées – ainsi qu’aux clubs concernés par cette interdiction. Le préfet peut également communiquer l’identité des personnes condamnées à une IJS aux associations de supporters.

Les dispositions relatives aux IJS ont été relativement peu modifiées au cours des dernières années. La loi du 10 mai 2016 renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme ([13]) s’est limitée à étendre la liste des destinataires de l’identité des personnes condamnées à une IJS aux organismes internationaux lorsqu’ils organisent une compétition sportive à laquelle une équipe française participe.

b.   Le durcissement progressif des interdictions administratives, créées en 2006

C’est la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme ([14]) qui a introduit le principe de l’interdiction administrative de stade (IAS) : dès lors qu’une personne, « par son comportement d’ensemble à l’occasion de manifestations sportives », « constitue une menace pour l’ordre public », le préfet peut prononcer à son encontre une mesure d’interdiction de pénétrer ou de se rendre aux abords des enceintes où les manifestations se déroulent, ou bien sont retransmises en public. Introduites par voie d’amendement parlementaire à l’Assemblée alors qu’elles n’avaient qu’un lien discutable avec l’objet du texte en discussion, ces dispositions ont fait l’objet de débats très limités en séance publique, que ce soit à l’Assemblée ou au Sénat.

Le texte adopté en 2006 prévoyait que l’arrêté d’interdiction, pris par le préfet, ne pouvait excéder une durée de trois mois, et qu’il fixait le type de manifestations concernées. L’IAS peut être assortie d’une « obligation de pointage », mais le texte ne prévoit pas que cette dernière soit systématique.

Ces dispositions, codifiées à l’article L. 332-16 du code du sport, ont été continuellement durcies par les textes successifs, comme le retrace le tableau ci-après.

Évolution de la lÉgislation
relative aux interdictions administratives de stade

Texte

Dispositions prévues

Loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme

(créant l’IAS)

Motif de l’IAS : lorsque, par son comportement d’ensemble à l’occasion de manifestations sportives, une personne constitue une menace pour l’ordre public

Durée maximale : 3 mois

Sanction en cas de non-respect d’une IAS : 3 750 euros d’amende

Loi du 5 juillet 2006 relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives ([15])

Possibilité de communication par le préfet de l’identité des personnes concernées par une IAS aux fédérations sportives et aux associations de supporters

Loi du 2 mars 2010 renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public ([16])

Motif nouveau : commission d’un acte grave à l’occasion d’une manifestation sportive

Durée maximale : portée à six mois, et à douze mois en cas de « récidive » - lorsque la personne a fait l’objet d’une IAS dans les trois années précédentes

Renforcement des sanctions en cas de non-respect d’une IAS : ajout d’un an d’emprisonnement

Loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure ([17])

Motif nouveau : appartenance à une association ou un groupement de fait ayant fait l’objet d’une mesure de dissolution en application de l’article L. 332-18 du code du sport ou participation aux activités qu’une association ayant fait l’objet d’une suspension d’activité s’est vue interdire

Durée maximale : portée à douze mois, et à vingt-quatre mois en cas de « récidive »

Communication systématique par le préfet aux clubs et aux fédérations sportives, de l’identité des personnes concernées par une IAS ; maintien de la possibilité de communication aux associations de supporters, et ajout d’une telle possibilité auprès d’autorités étrangères accueillant une manifestation sportive internationale

Loi du 10 mai 2016 renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme ([18])

Durée maximale : portée à vingt-quatre mois, et à trente-six mois en cas de « récidive »

Précision : l’obligation de pointage doit être « proportionnée au regard du comportement de la personne ».

Possibilité de communication de l’identité d’une personne concernée par une IAS auprès d’organismes internationaux organisant une manifestation sportive

Au fil de ces modifications, l’IAS a vu sa durée maximale multipliée par huit ou douze, passant de 3 mois à deux, voire trois ans en cas de récidive, tandis que les motifs pouvant justifier une IAS ont été étendus. Le motif initial, à savoir un « comportement d’ensemble », s’avère pourtant très large. La mesure d’IAS est prise sans audition de la personne. Elle peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif. Les délais de jugement sont ceux de droit commun ; ils varient selon les tribunaux, mais sont rarement inférieurs à une année. La violation d’une IAS ou de l’obligation de pointage afférente est sanctionnée d’une amende de 3 750 euros, et également, depuis la loi du 2 mars 2010, d’un an d’emprisonnement.

Le préfet communique aux clubs sportifs et aux fédérations sportives l’identité des personnes faisant l’objet d’une IAS, les enceintes interdites d’accès et les types de manifestations concernées, ainsi que la date et la durée de validité de l’arrêté préfectoral ; il peut également communiquer ces informations aux associations de supporters.

Ces IAS sont considérées comme des mesures de police administrative – en étant qualifiées comme telles par le Conseil constitutionnel dans un commentaire de décision ([19]) –, et non comme des sanctions ; M. Thomas Campeaux, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques, a ainsi indiqué aux Rapporteurs qu’il fallait considérer ces IAS comme des « mesures prises pour prévenir des comportements portant un trouble à l’ordre public » et « pour éviter la réitération d’un comportement répréhensible ». Elles sont présentées comme « le moyen pour les préfets d’agir préventivement, sans attendre la commission d’une infraction et la condamnation du hooligan à une peine complémentaire d’interdiction de stade par le juge pénal », par le rapport de M. Guillaume Larrivé, auteur et rapporteur de la proposition de loi de 2016 ([20]) .

Vos Rapporteurs restent circonspects face à cette mesure de police administrative sans équivalent en droit français, applicable aux seuls supporters et ayant la portée d’une sanction administrative sans en présenter les garanties.

c.   La mise en place d’un fichier national

● Afin de garantir et faciliter la mise en œuvre des mesures d’interdictions de stade, qu’elles soient judiciaires ou administratives, de faciliter les contrôles dans les stades et à leurs abords, ainsi que le suivi des supporters dits « à risque », la direction générale de la police nationale a été autorisée à créer un fichier national des interdits de stade (FNIS), par un arrêté du 28 août 2007 ([21]).

Les données figurant dans le FNIS ([22]) sont conservées pendant cinq années. Sa mise en œuvre suppose son alimentation régulière par les parquets et par les services préfectoraux. Ce fichier peut être consulté par les personnels désignés et dûment habilités de la direction centrale de la sécurité publique, de la direction centrale des renseignements territoriaux et de la préfecture de police ; sont destinataires d’une partie des données du FNIS, dans le cadre de leurs attributions, les préfets et fonctionnaires de préfecture habilités, les autorités judiciaires ainsi que les fédérations sportives agréées.

Néanmoins, la Division nationale de lutte contre le hooliganisme a indiqué aux Rapporteurs que depuis novembre 2017, le fichier FNIS n’était plus opérationnel pour des raisons techniques. Elle a ainsi précisé que « dans le cadre de la modernisation des fichiers de police, le FPR2 a remplacé en novembre 2017 la version précédente du fichier des personnes recherchées (FPR). Dans le même temps, le support technique du FNIS arrivait à obsolescence.               Il a été décidé d’incrémenter directement le FPR2 avec les données initialement intégrées au FNIS.               Les personnels en charge de lutte contre les violences dans le sport sont tous habilités à la consultation du FPR2 ».

● Les clubs sportifs ont par ailleurs la possibilité de créer des fichiers relatifs aux personnes faisant l’objet d’une IAS ou d’une IJS, à partir des données qui leur sont transmises par le préfet. Initialement, la mise en place de tels fichiers supposait de la part des clubs qu’ils présentent une demande d’autorisation auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ([23]), mais cette dernière a mis en place, par une délibération du 7 avril 2015, une autorisation unique offrant un cadre juridique aux associations, sociétés et fédérations sportives pour ce faire, afin de faciliter la procédure.

d.   Une nouvelle catégorie d’interdictions de stade depuis 2016, dont la mise en œuvre est confiée aux clubs

● Outre l’allongement de la durée des IAS, la proposition de loi adoptée en mai 2016 a introduit une nouvelle catégorie d’interdiction de stade, aux côtés des IAS et IJS : il s’agit de ce qu’il est convenu d’appeler les « interdictions commerciales de stade » (ICS).

Par des dispositions insérées à l’article L. 332-1 du code du sport, le législateur a autorisé les organisateurs de manifestations sportives à but lucratif à refuser l’accès à une enceinte sportive à certaines personnes, pour contribuer à la sécurité des matchs : les clubs sportifs peuvent ainsi « refuser ou annuler la délivrance de titres d’accès à un match à des personnes qui ont contrevenu ou contreviennent aux dispositions des conditions générales de vente ou du règlement intérieur relatives à la sécurité de ces manifestations » ([24]).

La loi de 2016 donne la possibilité aux clubs d’établir un fichier recensant les personnes concernées par une telle ICS, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, après avis motivé de la CNIL.

Ces dispositions visaient à répondre aux objections soulevées par la CNIL dans sa délibération du 30 janvier 2014, qui avait refusé au Paris-Saint-Germain le droit de mettre en œuvre un fichier d’exclusion de clients pour prévenir la survenance de troubles à l’ordre public. La CNIL avait observé qu’en l’absence de dispositions législatives spécifiques, les seuls motifs d’exclusion pouvant être retenus étaient commerciaux (existence d’un impayé, non-respect des règles de billetterie, activité commerciale dans l’enseigne sportive en violation des conditions générales de vente et paris dans l’enceinte sportive sur le match en cours).

In fine, la loi de 2016 a défini un cadre juridique permettant aux clubs de refuser l’accès des supporters à des matchs de façon autonome, en se fondant sur leur propre appréciation du respect ou non des dispositions de leurs conditions générales de vente et de leur règlement intérieur relatives à la sécurité.

● Le décret prévu par l’article L. 332-1 du code du sport, publié 28 décembre 2016 ([25]), définit les données qui peuvent être enregistrées dans ces fichiers ; il dispose que celles-ci ne peuvent être conservées pendant une durée supérieure à 18 mois.

Aux termes de l’article R. 332-15 du code du sport, peuvent ainsi figurer dans les fichiers des clubs :

– les données d’identification de la personne à qui est refusé l’accès aux matchs ;

– les motifs de l’enregistrement sur le fichier, parmi lesquels les actes de provocation à la haine ou la violence, les actes « de nature à compromettre la sécurité des personnes et des biens dans l’enceinte sportive ou à ses abords » ; l’accès au stade en état d’ivresse ou sous influence de stupéfiants, l’introduction d’objets pouvant constituer une arme ou mettre en péril la sécurité des personnes ;

– les décisions prises à l’encontre de la personne : la nature de la mesure (suspension ou résiliation de l’abonnement, impossibilité d’en souscrire un nouveau, refus de vente ou annulation d’un billet ou refus d’accès au stade), la date de la décision et la durée de la mesure.

2.   Les interdictions et les encadrements de déplacement

a.   Deux catégories d’arrêtés

Les déplacements de supporters font l’objet d’une attention particulière de la part des autorités de police administrative car ils présentent des risques de troubles à l’ordre public en               raison des rivalités pouvant exister entre les groupes de supporters de clubs opposés, du nombre de personnes concernées, de la durée de l’évènement à sécuriser et de la dispersion des personnes avant le rassemblement au stade.

Selon M. Dominique Bodin, trois types de débordements sont à craindre au cours des déplacements de supporters : « les comportements prédateurs » de la part de supporters qui cherchent à prendre à partie des supporters adverses ; « les rencontres fortuites » lorsque deux groupes de supporters se croisent par hasard et s’affrontent ; « les rencontres organisées », notamment les fights, entre des groupes de supporters qui s’accordent pour en découdre dans un lieu donné, par exemple une station-service. Dans ce dernier cas, les violences peuvent s’accompagner de vols et de dégradations.

Pour prévenir ces troubles, la loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure ([26]) a introduit un nouveau dispositif de police administrative : les mesures d’interdiction et d’encadrement des déplacements de supporters.

Il en existe deux catégories :

– les arrêtés d’interdiction ou arrêtés de périmètre qui interdisent l’accès des supporters du club visiteur à l’ensemble du département, au stade ou à certaines zones géographiques, par exemple en centre-ville. Ils sont pris par le préfet au niveau du département ou par le ministre au niveau national. Lorsqu’il s’agit d’un arrêté ministériel, le déplacement des supporters peut être interdit sur l’ensemble du territoire, ce qui rend leur interpellation possible dès le départ. Ces interdictions permettent notamment d’éviter des affrontements avec des groupes supportant d’autres clubs que celui de la ville où ils se rendent ;

– les arrêtés d’encadrement qui sont pris par le préfet de département pour garantir les conditions de sécurité du déplacement. Ces arrêtés fixent généralement une « jauge », c’est-à-dire un nombre maximal de supporters autorisés à se déplacer. Pour éviter les affrontements, ils déterminent précisément le mode d’acheminement (bus, train, voitures individuelles), le parcours à suivre ainsi qu’un point de rencontre, notamment dans la perspective de mettre en place une escorte policière.

Par exemple, la préfecture de police de Marseille a indiqué qu’elle fixait la jauge à 200 supporters visiteurs pour les matchs sensibles car les voies d’accès des bus vers le stade présentent un risque élevé de « guet-apens ».

Objets des diffÉrents arrÊtÉs d’interdiction de dÉplacement

 

Arrêté ministériel
(L. 332-16-1 du code du sport)

Arrêté préfectoral
(L. 332-16-2 du code du sport)

Arrêté de périmètre

Interdiction générale de déplacement pour les supporters d’une équipe (applicable dès la sortie du département d’origine)

 

Interdiction d’entrer et de circuler dans le département ;

 

Interdiction d’accéder à certaines zones du département (le stade, le centre-ville, etc.)

 

Arrêté d’encadrement

-

 

Fixation des modalités d’acheminement (point et heure de rassemblement, moyen de locomotion, escorte…)

 

Limitation du nombre de supporters visiteurs

 

Contrôle du matériel (banderoles, etc.)

 

Ces arrêtés sont précisément encadrés par la loi. Ils s’appliquent aux « personnes se prévalant de la qualité de supporter d’une équipe ou se comportant comme tel et dont la présence est susceptible d’occasionner des troubles graves pour l’ordre public » ([27]).

« L’arrêté énonce la durée, limitée dans le temps, de la mesure, les circonstances précises de fait qui la motivent » ([28]) ainsi que « les communes de point de départ et de destination auxquelles elle s’applique » ([29]) pour l’arrêté ministériel, « le territoire sur lequel elle s’applique » ([30]) pour l’arrêté préfectoral.

La violation de ces arrêtés est un délit puni de six mois d’emprisonnement et d’une amende de 30 000 euros. Cette sanction est obligatoirement complétée par une interdiction judiciaire de stade d’un an. Au regard des chiffres transmis par la DACG, ces condamnations sont très rares.

Condamnations prononcÉes pour non-respect des arrÊtÉs administratifs interdisant les dÉplacements

Infraction

2012

2013

2014

2015

2016

2017*

Non-respect d’un arrêté ministériel interdisant le déplacement sur les lieux d’une manifestation sportive de personnes supporters d’une équipe et susceptibles de troubler l’ordre public

-

-

2

-

2

1

Non-respect d’un arrêté préfectoral restreignant la liberté d’aller et de venir sur les lieux d’une manifestation sportive de personnes supporters d’une équipe et susceptibles de troubler l’ordre public

1

1

1

5

4

1

*2017 : données provisoires.

Source : SG-SDSE Tables statistiques du Casier judiciaire national – Traitement DACG-PEPP

b.   Le rôle de la division nationale de la lutte contre le hooliganisme (DNLH)

Si la décision finale revient au préfet ou au ministre, l’évaluation du risque de troubles graves à l’ordre public est effectuée par la DNLH qui dispose de référents sur l’ensemble du territoire et par les services du renseignement territorial. La consultation de la DNLH est obligatoire dès lors qu’un arrêté d’interdiction ou d’encadrement est envisagé. En revanche son avis n’est pas contraignant.

Créée à la suite des violences entre supporters intervenus à la fin des années 2000, en octobre 2009, la DNLH est une structure de coordination rattachée à la direction centrale de la sécurité publique (DCSP).

Placée sous la direction d’un commissaire de police, la DNLH est une structure d’une douzaine de personnes, spécialisée sur les enjeux des violences lors des manifestations sportives ; si cette division est compétente pour l’ensemble des disciplines sportives, la quasi-totalité de son activité concerne les matchs de football professionnel – certains matchs de rugby, de basketball, de handball ou de hockey sur glace pouvant toutefois la mobiliser. Elle s’appuie sur un réseau de correspondants territoriaux, dont l’implication est variable selon les départements, essentiellement selon qu’y évoluent ou non des clubs de football de ligue 1 ou 2.

Comme l’a indiqué aux Rapporteurs M. Antoine Mordacq, chef de la DNLH, la division assure tout d’abord un rôle de conseil et d’appui auprès des préfectures et des services départementaux de police (directions départementales de la sécurité publique et commandants de groupement de gendarmerie), en élaborant une doctrine d’intervention – c’est notamment la DNLH qui est à l’origine de la création des sections d’intervention rapide (SIR) intervenant dans les stades (voir infra). La DNLH appuie et oriente les préfectures, lors de leur prise de décisions à l’occasion des matchs – notamment pour les arrêtés d’encadrement ou d’interdiction de déplacement des supporters –, en leur apportant des informations sur l’historique des groupes de supporters et sur la nature des menaces éventuelles à l’ordre public.

Ensuite, la DNLH assume une mission de renseignement et de synthèse des informations, en élaborant chaque semaine une note de prévision, portant notamment sur les matchs de ligues 1 et 2, ainsi que sur les matchs de l’équipe de France, afin d’identifier les risques liés à ces événements.

La DNLH dispose d’une échelle de classement des matchs à risque sur quatre niveaux : match appelant un flux important de supporters (niveau 1) ; match présentant des risques de trouble à l’ordre public (niveau 2) ; match présentant des risques avérés de trouble à l’ordre public (niveau 3) ; match présentant des risques graves de trouble à l’ordre public (niveau 4). Selon l’indicateur de risque, les préfectures sont incitées à adapter leurs dispositifs de maintien de l’ordre.

Cette échelle a été revue pour la saison 2019-2020 car « la DNLH a constaté que l’échelle de quatre niveaux ne permettait pas d’appréhender avec assez de finesse l’ensemble des situations » ([31]).

Le contrôle de la DNLH sur les matchs signalés

L’échelle des risques comporte, depuis la saison 2019-2020, cinq niveaux :

– Niveau 1 : flux important et inhabituel de supporters ou spectateurs ;

– Niveau 2 : contexte dégradé susceptible de générer des comportements déviants de la part des supporters ;

– Niveau 3 : risque de troubles à l’ordre public liés à un contentieux entre supporters ou au comportement habituel de certains supporters ;

– Niveau 4 : risques avérés de troubles à l’ordre public liés à un contentieux chronique entre supporter ou à la présence avérée de supporters à risques ;

– Niveau 5 : risques graves de troubles à l’ordre public nécessitant des mesures exceptionnelles.

 

Source : bilan annuel 2018-2019 de la DNLH

En Ligue 1 au cours de la saison 2018-2019, 57 % des matchs n’ont pas été signalés. Parmi les 226 rencontres classés, 21 % l’ont été en niveau 1, 20 % en niveau 2 et 2 % en niveau 3. Malgré leur rareté, le nombre de matchs signalés niveau 3 a été multiplié par trois entre la saison 2017-2018 et la saison 2018-2019.

Le nombre total de matchs classés fluctue mais aucune tendance ne s’en dégage, ni à la hausse, ni à la baisse.

Nombre de matchs classÉs par la DNLH en Ligue 1 et Ligue 2

2014-2015

2015-2016

2016-2017

2017-2018

2018-2019

249

207

256

239

226

Source : Bilan annuel 2018-2019 de la DNLH

Enfin, les arrêtés d’interdiction de déplacement doivent être distingués des sanctions de la commission de discipline de la Ligue de football professionnel (LFP) qui peuvent prendre la forme d’une fermeture de la tribune visiteurs mais qui n’empêche pas toujours les supporters visiteurs de se déplacer et d’acheter des billets dans les tribunes ouvertes au public si la préfecture ne prend pas un arrêté d’interdiction de déplacement en complément de la décision de la commission de discipline.

C.   MalgrÉ l’Évolution du cadre juridique, une stabilitÉ des interpellations, des condamnations et des effectifs mobilisÉs

Rarement violents pris individuellement, les supporters sont davantage susceptibles de commettre des infractions dans les stades où la foule, l’ambiance, et parfois l’alcool ou les stupéfiants, provoquent une désinhibition des comportements qui rend difficiles l’anticipation des incidents et le maintien de l’ordre.

1.   Une stabilité des interpellations et des condamnations

La DNLH dresse également des bilans hebdomadaires des incidents survenus à l’occasion des matchs et elle effectue un suivi statistique des interpellations, des arrêtés d’encadrement ou d’interdiction de déplacements, ainsi que des IAS, lequel suivi donne lieu à un bilan annuel, en fin de saison.

La DNLH constate une stabilité des interpellations depuis 2014, avec une baisse importante pour la saison 2018-2019, qui s’explique notamment par les nombreuses interdictions de déplacement qui ont résulté du mouvement des gilets jaunes.

Nombre d’interpellations

 

2014-2015

2015-2016

2016-2017

2017-2018

2018-2019

Ligue 1

723

464

447

505

447

Ligue 2

44

150

120

133

131

Football hors Ligue 1 & 2

90

158

185

259

142

Total

857

772

752

897

720

Source : Bilan annuel 2018-2019 de la DNLH

 

Ces interpellations résultent principalement de violences entre supporters ou à l’encontre des forces de sécurité (35 %), de l’introduction ou de l’usage d’engins pyrotechniques (20 %), de l’entrée dans le stade en état d’ébriété (12 %) et de dégradations de biens (11 %).

Ces différentes infractions sont susceptibles de faire l’objet de poursuites pour infraction au code du sport et peuvent aboutir, à titre de peine complémentaire, à une interdiction judiciaire de stade.

 

Motifs des interpellations toutes compÉtitions (saison 2018-2019)

Source : Bilan annuel 2018-2019 de la DNLH

Selon les chiffres les plus récents de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), le nombre de condamnations liées à des infractions commises lors de manifestations sportives s’établit, en 2016, à 478, soit environ 50 % du nombre d’interpellations.

Évolution du nombre d’infractions de violences et d’atteintes À la sÉcuritÉ lors de manifestations sportives ayant donnÉ lieu À condamnation

*2017 : données provisoires.

Source : SG-SDSE Tables statistiques du Casier judiciaire national – Traitement DACG-PEPP

Cela s’explique par le nombre d’alternatives aux poursuites décidées par le Parquet et par le fait que les magistrats « rencontrent souvent des problèmes probatoires » ([32]) car les auteurs sont difficiles à identifier dans la foule ou lorsqu’ils se dissimulent, notamment pour l’usage d’engins pyrotechniques.

Comme pour les interpellations, les condamnations connaissent des variations d’une année sur l’autre mais restent stables. Elles sont principalement prononcées à l’encontre des auteurs de violences – qui sont en baisse – ou d’utilisation d’engins pyrotechniques – qui sont en hausse.

Les condamnations peuvent être sévères : 8 % de condamnations à des peines d’emprisonnement fermes d’une durée moyenne de 5 mois et 28 % de condamnations à des peines d’emprisonnement avec sursis. Concernant les amendes, elles s’élèvent en moyenne à 413 euros.

Peines prononcÉes pour violences et atteintes à la sÉcuritÉ lors de manifestations sportives sur la pÉriode 2013-2017*

 

Violences lors de manifestation sportive

Introduction, détention et usage de fusée ou d’artifice dans une enceinte sportive

Autres atteintes à la sécurité des manifestations sportives

Ensemble

Condamnations (infraction principale)

884

390

360

1 634

Emprisonnement

504

49

70

623

Taux d’emprisonnement

57,0 %

12,6 %

19,4 %

38,1 %

Dont ferme (tout ou partie)

111

5

23

139

Taux d’emprisonnement ferme

12,6 %

1,3 %

6,4 %

8,5 %

Dont sursis total

393

44

47

484

Quantum emprisonnement ferme (mois)

6,1

1,4

2,7

5,4

Ensemble des amendes

238

264

213

715

Dont amende ferme

203

225

196

624

Taux d’amende ferme

23,0 %

57,7 %

54,4 %

38,2 %

Montant moyen de l’ensemble des amendes fermes

566 €

382 €

290 €

413 €

Mesures de substitution

165

70

72

307

Mesures et sanctions éducatives

45

8

8

61

Dispense de peine

4

8

14

26

*2017 : données provisoires.

Source : SG-SDSE Tables statistiques du Casier judiciaire national – Traitement DACG-PEPP

 

 

Les délais de jugement sont variables, de moins de quarante-huit heures en cas de comparution immédiate à six mois en COPJ (convocation par officier de police judiciaire). C’est pour éviter ces délais qu’ont été développées les IAS, dont la durée maximale excède désormais, sans justification, les délais de jugement devant les tribunaux.

Enfin, il est à souligner que les violences commises dans le cadre des manifestations sportives, notamment aux abords des stades, ne sont pas toutes commises par des supporters. Selon la préfecture de police des Bouches-du-Rhône, environ la moitié des personnes interpellées aux abords du stade Vélodrome les jours de match ne sont pas munies de billet.

2.   Des moyens de sécurisation très élevés

L’article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure prévoit que « Les organisateurs de manifestations sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif peuvent être tenus d’y assurer un service d’ordre lorsque leur objet ou leur importance le justifie ». Ce service d’ordre est organisé et rémunéré par le club, souvent auprès de prestataires en sécurité privée. Il intervient dans le stade et aux alentours. Il a pour mission d’accueillir, d’orienter, de fouiller les spectateurs et de maintenir l’ordre dans les tribunes.

Le nombre d’effectifs mobilisés par les clubs de Ligue 1 a fortement augmenté jusqu’en 2018, passant de 167 000 personnes à 194 000 personnes engagées par saison. Ce chiffre a diminué lors de la dernière saison pour se stabiliser à 177 000. Selon la LFP, cela représente un ratio moyen d’une personne chargée de la sécurité pour trente-neuf supporters.

Évolution DES effectifs de sÉcuritÉ et mÉdicaux engagÉs
par les clubs de ligue 1

 

2014-2015

2015-2016

2016-2017

2017-2018

2018-2019

Effectifs sécurité club

155 061

164 388

169 296

182 039

165 085

Effectifs médicaux clubs

12 400

11 880

11 599

12 470

12 536

Total

167 461

176 268

180 895

194 509

177 621

Source : Ligue de football professionnel

Par ailleurs, les préfectures mobilisent des forces de l’ordre pour sécuriser les alentours du stade, escorter les supporters et les joueurs et procéder à des interpellations. Ces personnels n’interviennent pas dans l’enceinte du stade, à l’exception des ceux des sections d’intervention rapide (SIR).

Chaque saison, entre 30 000 et 40 000 agents sont mobilisés en moyenne pour assurer le maintien de l’ordre public pour des matchs de football professionnel (Ligue 1 et Ligue 2).

Évolution du nombre de membres des forces de l’ordre engagÉs dans la sÉcurisation des matchs de football (Ligue 1 & 2)

Saison

2014-2015

2015-2016

2016-2017

2017-2018

2018-2019

Sécurité publique

20 114

21 109

24 868

24 570

23 109

CRS

14 741

11 785

14 389

11 750

8 389

Gendarmerie

3 309

2 120

2 826

1 896

2 031

Total

38 164

35 014

42 083

38 216

33 529

Source : Bilan annuel 2018-2019 de la DNLH

En outre, depuis un décret du 5 mars 1997 ([33]), désormais codifié dans la partie législative du code de la sécurité intérieure à l’article L. 211-11, les organisateurs de manifestations sportives participent aux frais engagés par la puissance publique pour en assurer la sécurité : « Les personnes physiques ou morales pour le compte desquelles sont mis en place par les forces de police ou de gendarmerie des services d’ordre qui ne peuvent être rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de maintien de l’ordre sont tenues de rembourser à l’État les dépenses supplémentaires qu’il a supportées dans leur intérêt ».

Ces frais représentent un poste de dépense important qui atteint 2,2 millions d’euros par an pour le Paris-Saint-Germain et environ 800 000 euros pour l’Olympique de Marseille pour la saison 2018-2019. Cette participation obéit à un barème et les clubs ne sont pas consultés sur les effectifs déployés.

Exemples de montants de remboursement
au titre de l’article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure

OM / PSG le 28 octobre 2018 : 134 516,54 euros

–               478 personnels engagés (sécurité publique et CRS)

–               4 unités de force mobile

– 1 unité avec un engin lanceur d’eau

OM / Bordeaux le 8 décembre 2019 : 48 804,75 euros

–               182 personnels engagés (sécurité publique, CRS et gendarmerie nationale)

–               2 unités de force mobile

 

Source : Préfecture de police des Bouches-du-Rhône

Enfin, créées en 2010 à l’initiative de la DNLH afin de lutter de façon plus efficace contre les violences, les sections d’intervention rapide (SIR) ont vocation à intervenir à l’intérieur des stades, faisant exception au principe de la répartition des rôles de maintien de l’ordre entre forces de l’ordre, aux abords du stade, et personnels de sécurité des clubs, dans l’enceinte elle-même. Les SIR sont constituées de personnels issus des services territoriaux de police et de gendarmerie : en tenue de sport et dotés d’un équipement spécifique, ces personnels volontaires sont activés par les DDSP en fonction des besoins, parallèlement à leurs fonctions habituelles. L’on décomptait en janvier 2020 vingt sections, basées principalement dans les villes où évolue un club de Ligue 1 ou de Ligue 2, réunissant au total 600 personnes.

Ces policiers en survêtement sont identifiés par un flocage « police nationale » et ont vocation à assurer une présence dissuasive dans les stades, en intervenant dans toutes les zones (pelouse, coursives, tribunes…). Les SIR participent à l’identification de supporters dits « à risque » et peuvent interpeller les auteurs d’incidents dans les stades.

Selon les chiffres transmis par la DNLH, les forces de l’ordre ont déployé de façon croissante les SIR au cours des dernières saisons, avec 259 activations sur la saison 2018-2019, contre 172 sur la saison 2014-2015 (+ 50 %), ce qui s’explique notamment par la création de nouvelles SIR, par exemple à Strasbourg en 2017 et à Nîmes en octobre 2018. Ces SIR sont activées essentiellement pour des matchs de ligues 1 et 2.

Évolution du nombre d’activations des SIR depuis 2014

Source : Bilan annuel 2018-2019 de la DNLH

Plusieurs des personnes entendues par les Rapporteurs ont souligné que les personnels de ces SIR, issus de divers services de police, n’étaient pas suffisamment formés pour leurs missions dans les stades ; leur comportement, qui pouvait s’avérer inapproprié, que ce soit verbalement ou physiquement, n’était parfois pas de nature à apaiser les tensions. Au vu de ces retours, il apparaît nécessaire de mieux encadrer juridiquement les missions et pouvoirs de ces SIR et de renforcer la formation des personnels.

3.   De nouvelles sources d’inquiétudes

Les matchs de Ligue 2 font désormais l’objet d’une attention particulière. Les clubs de deuxième division ont moins de moyens pour encadrer leurs supporters et représentent parfois des villes de petites tailles dont les effectifs de force de l’ordre sont restreints. Certains supporters de clubs de Ligue 1 se déportent dans les tribunes des matchs de Ligue 2 où la surveillance est moins étroite pour commettre des violences.

Malgré des chiffres stables ou en baisse, les clubs professionnels appréhendent un retour des ultras qu’ils estiment constater depuis quelques années. Selon le principal syndicat de clubs de football, Première Ligue, cette situation pose de nouveaux problèmes de sécurité que les dispositifs actuels, même les plus récents, ne parviennent pas pleinement à endiguer.

Le football français fait donc face depuis plusieurs années à une double exigence : d’une part, le maintien de l’ordre public et de la sécurité des rencontres sportives, qui font également l’objet de menaces extérieures comme le terrorisme, et, d’autre part, la protection de la ferveur des supporters, vecteur de la popularité du football.

D.   la volonté d’amÉliorer le dialogue avec les supporters

Selon M. Nicolas Hourcade, l’histoire récente des relations entre les supporters, les clubs et les autorités publiques se caractérise avant tout par la prédominance du « tout répressif ». Le sociologue constate néanmoins que, depuis 2016 et malgré le renforcement de certains dispositifs de police administrative dont les IAS, « une dose de préventif et de dialogue a été réintroduite ».

Les groupes de supporters, entre eux et dans leurs relations avec les clubs, ont pris conscience qu’ils avaient des divergences, mais aussi des intérêts communs à défendre et à valoriser.

Dans ce nouveau paradigme, les supporters restent confrontés à l’ambivalence de leur attitude : « ils cherchent une reconnaissance sociale mais entendent demeurer rebelles » ([34]).

1.   Au sein des clubs et au niveau départemental

a.   Le référent supporters : une reconnaissance tardive, un dispositif qui fait l’unanimité

Les clubs et les autorités préfectorales ont depuis longtemps fait le constat de la difficulté de mener un dialogue permanent avec leurs supporters car ceux-ci ont des revendications et des organisations très différentes. Par exemple, l’Olympique de Marseille est soutenu par cinq groupes de supporters ultras qui ne sont pas tous structurés en association et ne désignent pas systématiquement de représentants.

Afin de faciliter ce dialogue, indispensable à la bonne organisation des tribunes et des déplacements, les clubs se sont dotés de « référents supporters », aussi appelés SLO (supporter liaison officer en anglais).

La loi du 10 mai 2016 a inscrit dans le code du sport l’obligation que les clubs « désignent, après avis des associations de supporters agréées par le ministre chargé des sports, une ou plusieurs personnes référentes chargées des relations avec leurs supporters ». Désormais, tous les clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 se sont conformés à cette obligation.

D’abord fragile, le statut des référents supporters s’est consolidé car ils remplissent une mission indispensable et sont vite devenus des interlocuteurs incontournables des préfectures et des clubs.

Le rôle des référents supporters est donc en train de s’institutionnaliser durablement. Au cours de la saison 2018-2019, 39 % des référents supporters avaient connu au moins trois saisons à ce poste, c’était 7 points de plus que lors de la saison précédente. Les référents supporters sont désormais très majoritairement en contrat à durée indéterminé même si encore 21 % ont un statut bénévole. Le nombre de référents bénévoles est plus élevé dans les clubs de Ligue 2 (environ 40 %) car leurs moyens sont inférieurs.

ExpÉrience et statut des rÉfÉrents supporters

Source : Ligue de football professionnel

Sur les vingt clubs que comptent la Ligue 1 et la Ligue 2, la quasi-totalité des référents supporters de Ligue 1 (19 référents de 17 clubs) et la moitié de ceux de Ligue 2 (10 référents de 10 clubs) actuellement en poste ont pu suivre l’une des six sessions de formations dispensées par le ministère des sports et les séminaires organisés par la LFP ([35]). Ces formations permettent l’acquisition de connaissances mais aussi l’élaboration d’une culture commune qui doit permettre de faciliter leur coopération, en particulier lors de la préparation des déplacements.

Les tâches confiées aux référents supporters sont extrêmement diversifiées et impliquent de lourdes responsabilités ; parmi elles figurent :

– la participation aux réunions d’organisation des matchs ;

– la coordination logistique des groupes de supporters ;

– la liaison avec les autorités de police et le directeur de la sécurité ;

– la liaison avec le référent supporters du club visiteur ;

– la participation à la bonne réception des supporters visiteurs.

Les référents supporters jouent un rôle primordial dans la préparation des déplacements : gestion de la billetterie, vérification du parcage visiteur, liaison avec le référent supporters local et les autorités de police, gestion de l’arrivée des groupes de supporters, suivi de l’introduction du matériel (banderoles, tambour…).

Ces différentes missions placent parfois les référents supporters dans une situation délicate : salariés du club, ils doivent être indépendants du directeur de la sécurité pour obtenir la confiance des supporters. En Allemagne et en Suède, le référent supporters est entièrement indépendant puisque cette tâche est confiée à des personnes extérieures au club, notamment au sein des fanprojekte ([36]).

Selon une étude de la LFP, il n’existe pas de profil type pour être référent supporters. Néanmoins, lors de leurs déplacements, les Rapporteurs ont pu constater la grande qualité du travail accompli, en particulier lorsque le référent a été lui-même un supporter actif par le passé car il noue plus facilement une relation de confiance avec les différents groupes, y compris les ultras qui sont réticents à échanger avec le club ou les autorités préfectorales.

Profil des rÉfÉrents supporters (en %)

Source : Ligue de football professionnel

Selon l’Union des clubs professionnels de football (UCPF), la présence du référent supporters a donc permis « la mise en place d’un dialogue sans complaisance » entre les différents acteurs et les Rapporteurs sont favorables à poursuivre dans cette voie.

b.   Les clubs sont de plus en plus attachés au dialogue

La mise en place du référent supporters a sensibilisé les clubs à l’importance du dialogue interne avec les supporters. Auditionné lors d’un déplacement de la mission, le directeur général du Racing Club de Lens, M. Arnaud Pouille, décrit l’existence d’un dialogue efficace : « On se parle, on explique nos décisions et on informe nos supporters avant de les rendre publiques ».

En face, les groupes de supporters se sont aussi organisés pour pouvoir remplir leur rôle d’interlocuteur fiable. Par exemple, le groupe de supporters lensois des Red Tigers, rencontré par les Rapporteurs, a présenté des positions précises et argumentées sur les enjeux relatifs au supportérisme : « Notre groupe a beaucoup travaillé sa connaissance du droit applicable pour mener des recours et lutter contre toutes les formes de répression et de discrimination dont les supporters font l’objet depuis ces dernières années ».

Lorsque le dialogue se déroule bien, les clubs ont pris conscience de l’importance de préserver et valoriser leur « capital » supporters. Sans aller jusqu’à l’intégration des supporters dans la gestion du club, à l’instar des socios espagnols, de plus en plus de clubs veillent à prendre davantage en considération l’avis des supporters.

Ainsi, lors de leur visite au stade de la Meinau à Strasbourg, les Rapporteurs ont pu apprendre que le Racing Club de Strasbourg consultait ses supporters sur la conception du maillot ou sur la future rénovation du stade. Rencontré par la mission à Marseille, le président de l’OM, M. Jacques-Henri Eyraud, a indiqué qu’il réfléchissait à la création d’une maison des supporters pour mettre des locaux à la disposition des groupes de supporters.

La création des référents supporters a permis d’engager un dialogue qui porte aujourd’hui ses fruits en encourageant les clubs à intégrer leurs supporters dans leur stratégie. Ce changement de paradigme se ressent également au niveau national.

2.   Au niveau national

a.   La création de l’instance nationale du supportérisme : de la reconnaissance juridique du rôle des supporters à de réelles avancées

La loi du 10 mai 2016 ([37]) a inscrit à l’article L. 224-1 du code du sport que « les supporters et les associations de supporters, par leur comportement et leur activité, participent au bon déroulement des manifestations et compétitions sportives et concourent à la promotion des valeurs du sport ».

Cette reconnaissance du statut des supporters et de leur rôle essentiel dans le sport est une nouveauté et un signal fort en faveur du développement de l’intégration des supporters à la gouvernance du sport, en particulier dans le football.

Dans la continuité de cette déclaration, la loi de 2016 a créé l’instance nationale du supportérisme (INS) qui avait été imaginée en 2010 dans les recommandations du « Livre vert du supportérisme » ([38])

. Cette instance de dialogue réunit :

– les pouvoirs publics en charge des questions de supportérisme : la DNLH, le ministère de l’intérieur, des sports, de la justice et des transports ;

– les représentants des clubs, dont plusieurs référents supporters, de la Fédération française de football et de la Ligue de football professionnel mais aussi d’autres fédérations sportives ;

– des représentants des associations de supporters disposant de l’agrément du ministère des sports, dont l’Association nationale des supporters ;

– des personnalités qualifiées et des élus.

Les membres de l’instance sont désignés pour un mandat de trois ans renouvelable une fois ([39]).

L’INS s’organise en plusieurs groupes de travail portant respectivement sur les déplacements de supporters, sur les engins pyrotechniques, sur les tribunes « debout », sur les agréments des associations, sur l’accueil des supporters en situation de handicap et sur la lutte contre l’homophobie et les comportements discriminatoires.

Depuis 2016, elle s’est réunie cinq fois en formation plénière, en présence notamment des ministres concernés, et trente-neuf fois pour des réunions des groupes de travail.

Selon M. Nicolas Hourcade, « la réussite première de l’INS est de permettre aux différentes parties prenantes de se comprendre ». L’INS a en effet permis de mettre autour d’une même table des acteurs éloignés dont les revendications ou les contraintes restaient incomprises.

Plusieurs initiatives sont nées des réunions de l’INS :

– L’expérimentation des tribunes debout a été lancée en 2018 à Lens, Amiens, Saint Étienne et Sochaux puis à Strasbourg. Interdites depuis le drame de Furiani en 1992 ([40]), les tribunes debout permettent d’adapter le mobilier du stade aux supporters qui ont pour habitude de ne pas s’asseoir pendant les matchs. Les sièges constituent une gêne et un coût pour le club lorsqu’ils sont cassés. Les responsables du Paris-Saint-Germain ont indiqué aux Rapporteurs, à l’occasion de leur visite au Parc des Princes, qu’ils devaient remplacer en moyenne entre 80 et 120 sièges cassés par match.

vue de la Tribune debout et du promontoirE du « capo »
Au stade bollaert à lens

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À Strasbourg et à Lens, où les Rapporteurs se sont rendus, les résultats sont positifs. Au terme de l’expérimentation, ils souhaitent un maintien de la tribune et la possibilité d’augmenter la « jauge » – c’est-à-dire le nombre de supporters autorisés en tribune – car l’absence de siège permet d’installer davantage de spectateurs. Une telle augmentation des capacités et l’extension du dispositif à d’autres clubs apparaissent souhaitables aux Rapporteurs, à condition qu’elles soient compatibles avec les normes de sécurité – notamment d’évacuation.

La principale limite à la généralisation de ces tribunes dans les virages réservés aux supporters réside dans la réglementation de l’UEFA (Union of European Football Associations) qui interdit l’absence de sièges dans les stades accueillant des matchs de coupe d’Europe. Or le coût de l’installation et du démontage des sièges est élevé. Le Paris-Saint-Germain teste donc un prototype de siège convertible pouvant être verrouillé en position assise ou debout.

– Les travaux du groupe de réflexion sur les déplacements de supporters ont permis l’élaboration d’une circulaire du ministre de l’intérieur, le 18 novembre 2019, rappelant aux préfets les règles applicables aux mesures administratives d’encadrement et d’interdiction des déplacements.

En outre, les travaux de l’INS ont stimulé d’autres initiatives notamment entre la LFP et les associations de supporters. Malgré les tensions persistant autour de la commission de discipline et des sanctions collectives ([41]), la LFP a fait un pas remarqué en direction des supporters en plafonnant les tarifs dans la tribune réservée aux supporters du club visiteur à 10 euros en Ligue 1 et à 5 euros en Ligue 2 pour soutenir les supporters effectuant des déplacements.

La LFP et l’Association nationale des supporters soutiennent également ensemble l’expérimentation du « policier référent », lancée par la fondation Nivel, du nom du gendarme agressé en 1998 ([42]). Il s’agit de confier à un membre des forces de l’ordre de la ville du club visiteur le soin d’accompagner les supporters en déplacement pour servir d’interlocuteurs aux autorités locales en matière de maintien de l’ordre et ainsi désamorcer certaines tensions. Le policier référent vient ainsi compléter et soutenir le travail du référent supporters.

b.   Une représentation insuffisante des supporters, l’échec relatif du dispositif de l’agrément

La représentation des supporters au sein de ce dialogue reste imparfaite. Par tradition, les groupes de supporters ultras sont réticents à dialoguer avec les autorités et à s’organiser entre eux. Le principal interlocuteur des pouvoirs publics est l’Association nationale des supporters (ANS) qui rassemble une trentaine d’associations de supporters sur l’ensemble du territoire.

Sont membres de l’ANS les associations les plus structurées, qui participent déjà au dialogue au sein de leurs clubs respectifs. Mais les supporters de certains grands clubs français comme l’Olympique Lyonnais ou l’Olympique de Marseille, n’y sont pas représentés. Lors de leur rencontre avec les Rapporteurs, les représentants des groupes de supporters marseillais ont exposé leur réticence à participer au dialogue avec les pouvoirs publics estimant que « s’asseoir autour de la table, c’est déjà se lier les mains ». Avec ces groupes de supporters, la confiance a été durablement rompue. Les Rapporteurs leur ont toutefois fortement recommandé de rejoindre ou de créer des structures permettant de siéger à l’INS pour y défendre leurs intérêts.

À cet égard, la loi de 2016 a prévu un mécanisme d’agrément pour les associations de supporters, dont les conditions ont été fixées dans un décret du 12 juillet 2016 ([43]). L’obtention de cet agrément est contraignante, tant du point de vue des statuts exigés que de la procédure de déclaration ([44]).

En revanche, il offre peu de contreparties, hormis la possibilité pour certaines d’entre elles de désigner un représentant siégeant à l’INS ([45]) et l’obligation d’être consultées pour la nomination du référent supporters ([46]).

Le nombre d’associations agréées reste donc faible. Au 26 mars 2019, 55 associations disposent d’un agrément ministériel, dont seulement 17 pour le football (20 pour le rugby, 13 pour le basketball, 3 pour le handball et 3 pour le volleyball). Quatre demandes sont en cours d’examen au 26 mars 2019 (3 pour le basketball et 1 pour le volleyball).

Selon les Rapporteurs, davantage de droits pourraient être associés à l’agrément, par exemple la participation aux réunions de préparation des déplacements ou un droit de regard sur certaines décisions du club (élaboration du maillot, aménagement des tribunes, etc.).

La quasi-totalité des associations agréées sont représentées au sein de l’ANS mais les Rapporteurs seraient favorables à ce que l’association représente davantage de groupes, notamment ceux qui sont les plus éloignés du dialogue. À titre de comparaison, le président de la Ligne nationale de rugby, a indiqué lors de son audition qu’il existe une assemblée générale des fédérations de supporters rassemblant cent douze clubs de supporters.

Propositions :

Renforcer la représentation des supporters au niveau national en intégrant davantage d’associations au sein de l’ANS ou dans une instance plus large.

Favoriser l’agrément des associations de supporters en assouplissant les démarches de déclaration et en offrant davantage de droits aux associations agréées.

3.   Au niveau européen

a.   La question des supporters au sein du Conseil de l’Europe

À la suite du drame du stade du Heysel en 1985, le Conseil de l’Europe a élaboré une Convention européenne sur la violence et les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives et notamment de matchs de football. Ce texte fixe des règles générales de sécurité dans les stades : personnels de sécurité, dispositions des tribunes et séparation des publics, interdiction de l’alcool et des armes, possibilité de prendre des mesures administratives, mise en place d’agents de liaison avec les autorités…

La convention instaure un comité permanent chargé de suivre son application en effectuant des visites et en formulant des recommandations générales ou spécifiquement adressées aux États-parties.

              Le 3 juillet 2016, la Convention sur une approche intégrée de la sécurité, de la sûreté et des services lors des matches de football et autres manifestations sportives, dite « Convention de Saint-Denis », a succédé à la convention de 1985. Elle est entrée en vigueur en France en 2017.

Ce nouveau texte demande aux États-parties de mener « des politiques et des procédures claires » concernant les engins pyrotechniques et les comportements violents ou discriminatoires, d’organiser des instances de dialogue – dont l’INS est la mise en application en France –, de développer des projets sociaux et préventifs et de favoriser la coopération policière entre les pays européens.

b.   Une coopération policière renforcée

La Convention de Saint-Denis a permis l’amélioration du partage d’informations entre les autorités chargées de la sécurité des manifestations sportives dans le cadre des compétitions internationales.

À cet égard, la DNLH intègre en son sein le Point national information football (PNIF), s’insérant dans un dispositif européen mis en place en 2002 afin de faciliter la coopération opérationnelle dans le cadre de rencontres sportives internationales. Le PNIF constitue le point de contact central et unique pour l’échange d’informations sur des matchs de football internationaux entre les pays membres de l’Union européenne.

À ce titre, la DNLH remplit ce que son chef M. Antoine Mordacq qualifie de « rôle diplomatique » auprès des pays organisateurs en fournissant des policiers physionomistes (les spotters), spécialisés dans le suivi et la détection de supporters à risques, à l’occasion de matchs particulièrement sensibles et de rencontres internationales. Ces spotters sont mis à la disposition du département ou du pays où se déroule la rencontre. Elle est également habilitée à transmettre des informations. L’article L. 332-15 du code du sport permet en effet la transmission de l’identité des personnes faisant l’objet d’une interdiction judiciaire de stade aux autorités d’un pays étranger.

Au niveau européen, une place croissante est désormais accordée au dialogue, à la coopération et à la prévention. Pour M. Ronan Evain, président de Football Supporter Europe, il est donc indispensable que « la France se passe de certains anachronismes dans la relation entre les autorités et les supporters ».

Il semble urgent de parvenir à un nouvel équilibre entre l’encadrement des supporters et les avancées qui leur sont offertes par le dialogue. Or, malgré de bonnes pratiques, cet équilibre entre ordre public et libertés fondamentales apparaît rompu.

II.   ORdre Public et LibertÉs fondamentales : l’Équilibre rompu

A.   L’usage disproportionnÉ des outils de police administrative

1.   Un usage extensif des IAS, l’opacité entretenue sur les chiffres

Au fil de leurs travaux, les Rapporteurs ont constaté que l’usage extensif qui est fait des IAS a conduit au dévoiement du dispositif, lequel s’est largement éloigné de ses objectifs initiaux. Cela a pour conséquence de miner sa légitimité et son acceptation, ce qui s’avère particulièrement dommageable, alors que tous les interlocuteurs entendus, y compris les associations de supporters, se sont accordés sur l’utilité des IAS et sur la nécessité de conserver un tel outil.

a.   Un usage des IAS conduisant à une forme de dévoiement de son esprit initial, en termes de nombre, de motifs et de durée

i.   Une mesure introduite pour faire la jonction avec les sanctions judiciaires, l’absence de transparence sur son usage

● Lors de leur introduction en 2006, les IAS ont été conçues comme une mesure permettant d’écarter rapidement des stades les supporters les plus violents, ayant commis des infractions, pour une durée limitée à trois mois, et de faire ainsi la jonction avec la procédure judiciaire et les sanctions pénales prononcées dans ce cadre. L’absence de contradictoire dans le prononcé de l’IAS, à la différence des IJS, était justifiée par la durée limitée de la mesure. C’est d’ailleurs ce qu’indiquait le rapporteur du Sénat sur le texte créant les IAS ([47]) : « la limitation de la validité de l’arrêté à trois mois ainsi que la désignation du type de manifestation concernée (rencontres de football par exemple) permettent de considérer que ces arrêtés, pris sous le contrôle du juge administratif n’excéderont pas ce qui est nécessaire à la préservation de l’ordre public. »

Néanmoins, des dérives dans son usage ont été peu à peu constatées, tandis que l’allongement de la durée de l’IAS jusqu’à trois années a fait perdre de vue la justification initiale d’une mesure transitoire, destinée à garantir la sécurité des matchs dans l’attente de l’intervention de la justice. Les IAS sont ainsi devenues le premier outil de police au sein des stades et une forme de substitut aux sanctions pénales que sont les IJS, mais sans procédure contradictoire ni respect des droits de la défense. La qualification de mesure de police administrative, à visée préventive, apparaît contestable, tant les IAS s’apparentent dans les faits bien davantage à des sanctions définitives excédant le caractère strictement nécessaire et proportionné que toute mesure de police administrative se doit de respecter.

Les dérives dans l’usage des IAS se manifestent par le nombre de mesures prises, nettement plus élevé que celui des IJS, par leurs motivations, qui peuvent s’avérer insuffisantes ou contestables – par exemple les IAS prononcées pour non-respect d’un arrêté préfectoral d’interdiction de déplacement –, ainsi que par leur durée. Selon les données statistiques transmises, la durée moyenne des IAS est à peine inférieure à celle des IJS. Conçue initialement pour lutter contre la violence des hooligans dans les stades, l’IAS est largement utilisée pour sanctionner des supporters pour d’autres faits, principalement la détention ou l’usage des fumigènes (motivant entre 35 % et 40 % des IAS, selon les informations recueillies par les Rapporteurs, voir infra).

● Cette impression de dévoiement est accentuée par l’opacité entretenue sur les chiffres relatifs aux IAS. Certes, la DNLH effectue chaque année un bilan annuel de son activité, synthétisé dans un rapport – dont le statut, en termes de publicité, apparaît incertain, puisqu’il a été demandé aux Rapporteurs de ne pas faire état des données de ce bilan, ce qui ne semble nullement justifié.

Pour autant, si le bilan annuel de la DNLH présente de façon détaillée le nombre et les motifs des interpellations et des interdictions de déplacement, les données communiquées sur les interdictions de stade (IAS et IJS) tiennent sur un graphique et quelques lignes très succinctes : ne figure que le nombre d’IAS et d’IJS en cours au 1er juin de chaque année. Il s’agit de surcroît d’un chiffre minorant, ne reflétant pas la réalité des mesures, puisqu’il correspond aux IAS en fin de saison, une partie des IAS prononcées étant alors terminée. Par ailleurs, et en dépit de demandes réitérées de la part de parlementaires et de journalistes, la DNLH ne fournit pas de données sur la répartition des IAS par clubs ou par motifs.

nombre d’interdictions administratives de stade prononcÉes par saison sportive et en vigueur au 1er juin de chaque année depuis 2011

Source : commissions des lois et des affaires culturelles, sur la base des chiffres transmis par la division nationale de lutte contre le hooliganisme

Note de lecture : le nombre d’IAS en vigueur au 1er juin 2012 est de 290 ; il correspond à la fin de la saison sportive 2011-2012, durant laquelle 604 IAS ont été prononcées.

Les Rapporteurs ont finalement obtenu transmission du nombre d’IAS prononcées par saison sportive, ce qui permet de constater qu’en effet ce nombre est systématiquement plus élevé que celui des IAS en vigueur au 1er juin de chaque année :

              Par ailleurs, la DNLH a également fourni aux Rapporteurs la ventilation des IAS par clubs (voir infra). Elle leur a en revanche indiqué qu’elle ne collectait pas de données sur la répartition des IAS par motifs, et que « ces informations étaient à solliciter auprès des services préfectoraux concernés ».

Les Rapporteurs ont donc contacté neuf préfectures, correspondant aux départements dans lesquels le nombre d’IAS prononcées était particulièrement élevé ([48]), afin de recueillir des données sur les motifs et la durée des IAS. La représentativité de cet échantillon n’est probablement pas parfaite, mais elle permet d’avoir un ordre de grandeur sur les principales motivations des IAS prononcées au cours des dernières saisons ; les données recueillies figurent dans les développements suivants et en annexe.

La quasi-totalité des IAS concerne des matchs de football, mais quelques-unes ont été prises à l’encontre de supporters de rugby (Stade français, FC Grenoble Rugby) et une pour un supporter de basket.

En tout état de cause, il apparaît indispensable de mettre un terme à l’opacité entretenue sur les chiffres des IAS, qu’il s’agisse de leur nombre (par saison et non pas au 1er juin de l’année), de leur durée, de leur répartition territoriale et de leurs motifs – en prévoyant des remontées des préfectures sur ces données, dans le cadre d’une nomenclature nationale unifiée. Un tel manque de transparence ne peut qu’alimenter le soupçon sur une utilisation à mauvais escient du dispositif. Il serait également utile de disposer de statistiques sur le taux d’annulation de ces IAS dans le cadre du contentieux administratif.

Proposition :

Renforcer la transparence des données relatives aux IAS (motifs, durée, annulations…) en faisant remonter les données des préfectures et des juridictions administratives.

ii.   Un nombre annuel d’IAS nettement supérieur aux IJS

Selon les données transmises aux Rapporteurs, 2 708 IAS ont été prononcées au cours des huit dernières saisons et au début de la saison 2019-2020, contre 758 IJS sur la même période. La tendance est plutôt à la baisse pour les IAS au cours des dernières années, par rapport au début des années 2010, qui s’inscrivaient dans un contexte de recrudescence des violences : alors que plus de 600 IAS avaient été prononcées pour la saison 2011-2012, ce nombre est passé à un peu moins de 300 pour la saison 2014-2015, puis autour de 200 par an depuis lors. Pour autant, le nombre d’IAS prononcées chaque saison est nettement supérieur à celui des IJS, comme l’illustre le graphique suivant.

nombre d’interdictions administratives et judiciaires de stade prononcÉes par saison sportive depuis 2011

Source : commissions des lois et des affaires culturelles, sur la base des chiffres transmis par la division nationale de lutte contre le hooliganisme

Le différentiel entre nombre d’IAS et d’IJS est moindre lorsque l’on prend en compte les IAS en vigueur au 1er juin de l’année, ce qui résulte de la durée généralement plus longue des IJS, mais le constat reste le même.

nombre d’interdictions administratives et judiciaires de stade en vigueur au 1er juin de chaque annÉe depuis 2010

Source : commissions des lois et des affaires culturelles, sur la base des chiffres transmis par la division nationale de lutte contre le hooliganisme

● Le graphique et la carte ci-après retracent la répartition géographique des IAS prononcées sur les cinq dernières saisons (saison 2015-2016 à saison 2019-2020, encore en cours).

RÉpartition des IAS prononcÉes au cours des cinq dernières saisons, par club

Source : commissions des lois et des affaires culturelles, sur la base des chiffres transmis par la division nationale de lutte contre le hooliganisme

Nombre d’interdictions administratives de stade par club (2015-2020)

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Source : commissions des lois et des affaires culturelles, sur la base des chiffres transmis par la division nationale de lutte contre le hooliganisme

Ne sont signalés sur la carte que les départements où ont été prononcées 4 IAS au moins au cours des dernières saisons.

 

iii.   Des motifs parfois insuffisants ou contestables

● Les motifs justifiant le prononcé d’une IAS, tels que définis par l’article L. 332-16 du code du sport, s’avèrent larges puisque, comme vu supra, encourt une IAS toute personne constituant une menace pour l’ordre public « par son comportement d’ensemble à l’occasion de manifestations sportives, par la commission d’un acte grave à l’occasion de l’une de ces manifestations », ou du fait de son appartenance à une association de fait ayant été dissoute. Par ces dispositions délibérément imprécises, la loi laisse une grande latitude aux autorités préfectorales pour le prononcé des IAS, ce qui peut conduire à des excès. Il a ainsi été indiqué aux Rapporteurs que des IAS avaient pu être prononcées à l’encontre de supporters qui avaient entonné des chants contestataires, qui avaient porté une écharpe d’une               association de supporters dissoute, qui avaient volé un sandwich dans une station-service ou montré leurs fesses dans un stade – autant de comportements qui, s’ils ne méritent pas d’être encouragés, ne semblent pas de nature à troubler gravement l’ordre public.

En août 2010, 249 IAS ont été prononcées à l’encontre de supporters ultras qui faisaient un sitting pacifique devant le Parc des Princes afin de protester contre le plan de sécurisation dit « plan Leproux » ; la menace à l’ordre public n’apparaissait guère fondée, et l’édiction de ces arrêtés ne visait qu’à affirmer l’autorité de l’État et à dissuader les supporters de protester – ce qui avait d’ailleurs été assumé quasiment publiquement par le préfet de police d’alors.

● Au-delà du caractère plus ou moins proportionné de la mesure au regard des comportements observés, les données recueillies par les Rapporteurs sur la répartition des IAS par motifs dans plusieurs préfectures montrent que les violences ne constituent désormais qu’un motif minoritaire au sein de l’ensemble des IAS, alors même qu’elles constituaient la raison principale de la création du dispositif en 2006.

S’il est difficile de consolider les données issues des différentes préfectures sollicitées, car la classification des motifs n’est pas uniforme, on peut toutefois constater que la détention ou l’usa              ge des fumigènes est à l’origine de 30 % à 46 % des IAS, tandis que les violences – qu’elles s’exercent à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique ou non – représentent entre 5 % et 30 % des IAS selon les préfectures (voir Annexe). Parmi les autres motifs récurrents, figurent notamment l’état d’ivresse dans les enceintes sportives (28 % à Paris, 33 % en Loire-Atlantique), les jets de projectiles sur la pelouse (17 % dans le Rhône, ou près de 14 % dans le Bas-Rhin ([49])), ou bien encore la pénétration sur l’aire de jeu (qui oscille entre 1 % à Strasbourg, 12,5 % dans les Alpes-Maritimes, ou 9 % dans le Nord). Somme toute, les Rapporteurs ont le regret de constater que les IAS sont devenues davantage un moyen de sanctionner la détention ou l’usage de fumigènes que de prévenir la commission de violences.

● Autre illustration des dévoiements de l’usage des IAS, celles-ci ont été à plusieurs reprises prononcées à l’encontre de supporters pour non-respect d’un arrêté d’encadrement ou d’interdiction de déplacement. Tel a par exemple été le cas pour 49 supporters du RC Strasbourg en août dernier, qui se rendaient à Nîmes en dépit d’une interdiction de déplacement ; l’on peut également décompter 14 IAS prononcées par la préfecture du Pas-de-Calais sur la saison 2018-2019 ou encore 30 IAS prononcées en 2017 par la préfecture du Nord pour ce même motif.

Le fait de ne pas se conformer à un arrêté d’interdiction de déplacement ne peut guère être assimilé à la « commission d’un acte grave à l’occasion d’une manifestation sportive », pour reprendre les termes de l’article L. 332-16 du code du sport. Une telle IAS peut d’ailleurs difficilement s’analyser autrement que comme une sanction, et non comme une mesure de police administrative. Elle apparaît d’autant moins fondée que les articles L. 332-16-1 et L. 332-16-2 du code du sport, relatifs aux arrêtés d’encadrement ou d’interdiction de déplacement, prévoient des sanctions pénales spécifiques en cas de non-respect de ces arrêtés, soit 6 mois d’emprisonnement et une amende de 30 000 euros.

D’ailleurs, dans une décision du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Nancy a annulé une IAS d’une durée de douze mois que le préfet du Pas-de-Calais avait prise à l’encontre d’un supporter du RC Lens au motif qu’il n’avait pas respecté un arrêté d’interdiction de déplacement pour un match se déroulant à Metz ([50]).

De façon générale, et selon les analyses réalisées par M. Grégoire Fleurot, journaliste à L’Équipe, à partir d’une base de données de plusieurs centaines de décisions, le taux d’annulation par le juge administratif des arrêtés d’IAS s’avère élevé, de l’ordre de 75 % ; les annulations recensées résultent du manque de preuves, de motivations insuffisantes des arrêtés ou encore d’actes insuffisamment graves pour justifier une telle mesure. À titre d’exemple, s’agissant des 249 IAS prononcées lors du sitting au Parc des princes en 2010, la totalité des 53 IAS ayant fait l’objet d’un recours ont été annulées, du fait de leur motivation quasi inexistante.

Plus largement, le prononcé d’IAS insuffisamment fondées à l’encontre des supporters crée des frustrations et du ressentiment à l’égard des autorités et de l’État, ainsi qu’un sentiment d’injustice – et peut constituer in fine la source d’incidents supplémentaires, ce qui s’avère pour le moins contre-productif.

Les services de l’État dans le Bas-Rhin ont ainsi indiqué aux Rapporteurs que la prise d’IAS à l’encontre des 49 supporters s’étant rendus à Nîmes – demandée par la préfecture du Gard – avait tendu les relations avec les supporters et le climat général, même si ces IAS avaient été ciblées sur les matchs à l’extérieur et leur durée limitée à trois mois.

Dernier point, plusieurs personnes auditionnées ont souligné les différences de pratiques selon les préfectures, et donc selon les départements, en termes de motifs des IAS et de durée des mesures. Le manque d’uniformité dans la mise en œuvre des IAS apparaît susceptible, là encore, de susciter des incompréhensions et du ressentiment parmi les supporters.

iv.   La durée croissante des IAS, particulièrement longue pour une mesure de police administrative

Selon les données transmises par la DNLH, la durée moyenne des IAS oscille entre 7 et 12 mois, selon les saisons, à comparer à une durée moyenne des IJS évoluant entre 8 et 20 mois :

Évolution de la durÉe moyenne des IAS et des IJS par saison (en mois)

Source : commissions des lois et des affaires culturelles, sur la base des chiffres transmis par la division nationale de lutte contre le hooliganisme

Sur la base des informations recueillies par les Rapporteurs, les pratiques s’avèrent variables selon les départements. Certaines préfectures appliquent des IAS ciblées sur un match, d’autres appliquent de façon quasi systématique des IAS d’une année (92 % des IAS à Marseille, par exemple, ou 67 % à Strasbourg), d’autres recourent largement aux IAS de six mois (65 % dans le Pas-de-Calais ou 52 % dans les Alpes-Maritimes) – sachant que la gravité des comportements sanctionnés est en tout état de cause variable. L’on constate parfois des particularités propres à un département, comme le prononcé d’IAS pour stupéfiants par les seules préfectures de la Loire et des Alpes-Maritimes (respectivement 57 et 6 au total sur la période).

Au total, sur l’échantillon de 1 112 IAS issues des données collectées (soit les IAS prononcées par 8 préfectures ([51]) sur les cinq ou six dernières saisons), 38 % des IAS avaient une durée de 12 mois et 29 % une durée de six mois. 52 % des IAS ont une durée inférieure ou égale à six mois.

Ventilation des IAS prononcÉes dans huit prÉfectures
au cours des cinq derniÈres saisons

Source : commissions des lois et des affaires culturelles, sur la base des chiffres transmis par huit préfectures

Si des IAS d’une durée supérieure à 12 mois ne constituent pas la règle, elles sont néanmoins régulièrement prononcées : en sus de 12 IAS d’une durée de 18 mois, 47 IAS ([52]) de 24 mois et 4 IAS de 36 mois ont été prononcées sur cet échantillon, ce qui, pour une mesure dite de police administrative, prise sans procédure contradictoire, apparaît particulièrement long.

b.   Des conséquences lourdes pour les supporters

● L’interdiction d’assister aux matchs de l’équipe que l’on soutient constitue pour les supporters, notamment les plus fervents, une sanction importante et symbolique. Mais au-delà de l’interdiction elle-même, la mesure emporte d’autres conséquences dommageables. En premier lieu, aux termes de l’article L. 332-16 du code du sport, elle peut être assortie d’une « obligation de pointage », soit l’obligation de répondre aux convocations du commissariat lors des matchs de son équipe. Si la loi de 2016 a précisé que cette obligation devait être proportionnée au comportement de la personne – précision qui, en elle-même, n’emporte guère de conséquences juridiques –, elle se traduit généralement par la nécessité de se rendre au commissariat très fréquemment, parfois plus de 50 fois sur une année, ce qui correspond aux matchs de son équipe au sein de la Ligue 1 ou 2, mais aussi, le cas échéant, dans le cadre de la Coupe de France, de la Ligue des champions ou de la Ligue Europa, et éventuellement, aux matchs de l’équipe de France – qui peuvent être inclus dans le champ des IAS.

De ce fait, les supporters concernés se trouvent astreints à une obligation régulière et lourde, qui, selon les horaires de compétition, pèse fortement sur leur vie familiale et professionnelle – sachant que certains peuvent être amenés à poser des demi-journées de congé pour « pointer », afin d’éviter de devoir informer leur employeur qu’ils ont reçu une IAS.

Il a été indiqué aux Rapporteurs lors des auditions que, selon les lieux, les aménagements et assouplissements aux obligations de pointage sont souvent refusés, y compris pour des départs en vacances, par exemple ; ces obligations peuvent devenir une seconde sanction pour les supporters et être pensées comme telles par les autorités. Exemple venant corroborer cette impression, des supporters du RC Strasbourg (RCSA) se sont vus appliquer une obligation de pointage adaptée aux horaires des locaux des forces de sécurité, et ont dû « pointer » le samedi à la gendarmerie de leur domicile (celle-ci étant fermée le dimanche) même si le match de leur club se déroulait le dimanche : dans ce cas, le « pointage » n’a plus pour objectif d’assurer la sécurité des matchs, mais prend bel et bien une dimension vexatoire.

Selon les chiffres fournis par la               DNLH, la très grande majorité des IAS, soit près de 90 %, sont assorties d’une obligation de pointage. L’on constate d’ailleurs une forme de paradoxe : ces obligations sont facultatives dans le cadre des interdictions administratives, mais sont en principe automatiques dans le cadre des interdictions judiciaires, aux termes de l’article L. 332-11 du code du sport. Or, dans les faits, il apparaît que les tribunaux judiciaires ne prévoient pas systématiquement d’obligation de pointage pour les IJS. Selon les chiffres fournis par la DNLH, au cours des dernières années, la part des IJS assorties d’une obligation est même devenue inférieure à 50 %.

Il a même été indiqué aux Rapporteurs que ce différentiel dans l’application des obligations de pointage pouvait conduire les préfectures à prononcer une IAS après le prononcé d’une IJS, précisément pour imposer au supporter concerné de venir « pointer ».

Part des interdictions administratives et judiciaires de stade assorties d’une obligation de pointage, par saison sportive (en %)

Source : commissions des lois et des affaires culturelles, sur la base des chiffres transmis par la division nationale de lutte contre le hooliganisme

L’on peut d’ailleurs relever que les manquements aux obligations de pointage sont sanctionnés, aux termes de l’article L. 331-16 du même code, jusqu’à 3 750 euros d’amende et un an d’emprisonnement ; chaque année, des condamnations, entre quelques-unes et une vingtaine, sont prononcées à ce titre.

Nombre de condamnations prononcÉes pour refus de rÉpondre À une convocation liÉE à une IAS

Source : direction des affaires criminelles et des grâces

NB : les chiffres pour l’année 2017 sont provisoires.

● Les IAS peuvent avoir d’autres conséquences notables sur la vie des supporters, indirectes mais bel et bien dommageables pour eux. Il a été indiqué à plusieurs reprises aux Rapporteurs que le prononcé d’une IAS pouvait s’accompagner d’une suspension de la licence sportive du supporter, alors qu’aucun texte ne prévoit une telle sanction. Certes, aux termes de l’article L. 332-16 du code du sport, le préfet informe, outre le club, la fédération de l’identité des personnes faisant l’objet d’une IAS, mais cette communication n’a nullement pour objectif d’empêcher le supporter de pratiquer son activité sportive.

Il a été communiqué aux Rapporteurs la copie d’un courrier adressé par les services de l’État au président de la Ligue de football du Nord-Pas de Calais, indiquant que deux personnes avaient reçu une IAS de six mois et qu’il « apparaissait donc logique et nécessaire que ces personnes ayant gravement porté atteinte de par leur comportement à l’image et aux valeurs du football, fassent l’objet de votre part [la ligue régionale] d’une mesure disciplinaire ». En conséquence, l’auteur du courrier « remerciait de bien vouloir prendre toutes les dispositions jugées appropriées à l’encontre des intéressés afin qu’ils soient sanctionnés à hauteur de leurs manquements, tout en respectant la procédure disciplinaire habituelle ». Une telle demande de la part des services de l’État outrepasse très manifestement le devoir d’information qui leur incombe auprès de la fédération en application du code du sport, et elle manifeste la volonté de doubler la sanction d’IAS d’une sanction sportive.

D’autres exemples de dommages indirects pour les supporters ont été cités, notamment les difficultés rencontrées par un supporter qui avait réussi le concours administratif de conseiller pénitentiaire, mais essuyé un refus après l’enquête de police car il avait reçu une IAS – il a obtenu gain de cause devant le tribunal administratif, mais au bout de plusieurs années… A également été évoqué l’exemple de la mise à pied de 4 mois d’un sapeur-pompier volontaire, mis en garde à vue (mais relaxé par le tribunal) et ayant reçu une IAS de 12 mois.

c.   Des modalités de recours insuffisantes

Les supporters faisant l’objet d’une IAS peuvent déposer un recours en annulation devant le juge administratif, mais ce recours n’est nullement suspensif, et l’IAS continue à s’appliquer. De ce fait, et compte tenu des délais moyens de jugement, de l’ordre d’une année, le recours se trouve en pratique privé d’effet, puisque l’annulation de l’IAS intervient bien souvent une fois l’interdiction arrivée à son terme, et donc « purgée » par le supporter. Selon les données recueillies par M. Grégoire Fleurot, journaliste à L’Équipe, sur les recours déposés contre les IAS, 88 % des annulations interviennent après que l’IAS est achevée – ce qui est susceptible d’alimenter le sentiment d’injustice, sachant que, comme indiqué supra, les trois quarts des recours contre les IAS conduisent à leur annulation.

Pour obtenir une décision plus rapide, il est possible de recourir au référé liberté ou bien au référé suspension, pour lesquels le juge se prononce dans les 48 heures. Pour déposer un référé liberté, et donc demander au juge de prendre en urgence une mesure nécessaire à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une décision administrative porte atteinte, les trois conditions suivantes doivent être réunies : justifier de l’urgence, montrer qu’une liberté fondamentale est en cause (comme la liberté d’aller et venir, ou bien la liberté de réunion) et montrer que l’atteinte portée à cette liberté est grave et manifestement illégale. Le référé suspension vise quant à lui une décision administrative exécutoire dont on souhaite obtenir la suspension en attendant le jugement sur le fond du litige, ce qui implique d’avoir déposé au préalable une requête en annulation de la décision, de justifier de l’urgence qu’il y a à suspendre l’exécution de la décision et de démontrer qu’il y a de sérieuses raisons de penser que la décision est illégale.

Néanmoins, dans les faits, le juge administratif ne donne que rarement une suite favorable aux demandes de référés formulées à l’encontre d’IAS, jugeant que les conditions, notamment celle d’urgence, ne sont pas remplies, ce qui ne permet pas d’obtenir un jugement rapide. Face à l’importance des conséquences des IAS pour les personnes concernées et au manque de garanties procédurales, les voies de recours existantes ne sont pas satisfaisantes.

2.   La multiplication des arrêtés d’interdiction de déplacement

a.   Un recours croissant, notamment lié au contexte sécuritaire

Malgré les conditions strictes dans lesquelles ils peuvent être pris, à savoir en cas de risques de « troubles graves à l’ordre public »  ([53]), le nombre d’arrêtés préfectoraux d’encadrement ou d’interdiction de déplacement ont fortement augmenté au cours des dernières saisons et ont été trois fois plus fréquents pour la saison 2018-2019 que pour la saison 2014-2015. Cette augmentation concerne principalement les arrêtés préfectoraux (106 pour la saison 2018-2019 contre 31 pour la saison 2014-2015).

Évolution du nombre des arrÊtÉs prÉfectoraux et ministÉriels d’interdiction et d’encadrement de dÉplacement

Source : Bilan annuel 2018-2019 de la DNLH

Les Rapporteurs ont conscience que ces arrêtés n’ont pas tous la même portée et que les arrêtés d’encadrement ont parfois pour finalité de permettre un déplacement qui serait interdit en leur absence.

Lors de la saison 2018-2019, parmi les 125 arrêtés pris, trente-huit impliquaient une interdiction complète de déplacement.

De même, les Rapporteurs concèdent que le contexte sécuritaire lié à la menace terroriste et au mouvement des gilets jaunes lors de l’hiver 2018-2019 dont les manifestations avaient lieu le samedi, jour de match, a fortement mobilisé les forces de l’ordre.

Cet argument est néanmoins contestable à deux égards : d’abord, comme l’ont souligné les représentants de l’ANS, car le manque de moyens dans les forces de l’ordre ne devrait pas justifier la restriction de la liberté d’aller et de venir des supporters ; ensuite, parce que des effectifs de police ou de gendarmerie sont souvent mobilisés pour faire respecter l’arrêté en cas de violation.

b.   Des arrêtés non limités au strict nécessaire, insuffisamment motivés ou trop tardifs

Selon M. Dominique Bodin, « les groupes de supporters restent tributaires de leur mauvaise réputation, qui remonte au drame du Heysel ([54]) ». De nombreux déplacements font ainsi l’objet d’arrêtés en raison d’incidents anciens qui nourrissent des craintes parfois injustifiées. En effet, la composition des groupes de supporters se renouvelle constamment et les revendications ou les contentieux entre groupes évoluent rapidement. Le référent supporters du Paris-Saint-Germain, M. Clément Laborieux, a ainsi indiqué aux Rapporteurs qu’il regrettait que les supporters parisiens suscitent toujours la même inquiétude malgré leur complète réorganisation après le « plan Leproux » et la création d’un collectif unique : le Collectif Ultra Paris (CUP).

Les justifications présentées dans les arrêtés ne répondent pas toujours à l’exigence de motivation requise par la loi. Les supporters de Lens ont fait parvenir aux Rapporteurs des exemples de justifications abusives qui traduisent l’incompréhension des pouvoirs publics à l’égard des risques de troubles à l’ordre public causés par les supporters ou la volonté de prendre des arrêtés pour d’autres raisons que la protection de l’ordre public, notamment pour soulager les forces de police.

Le défaut de motivation a déjà conduit le Conseil d’État à annuler un arrêté interdisant le déplacement des supporters de l’AS Nancy Lorraine à Belfort. Le Conseil d’État a considéré qu’« il appartient à l’administration de justifier dans le détail, devant le juge, la portée des interdictions prises sur le fondement des dispositions de l’article L. 332-16-2 du code du sport tant en ce qui concerne les risques de troubles graves pour l’ordre public que la proportionnalité des mesures prises. À cet égard, dans les circonstances propres de l’espèce et compte tenu des indications fournies lors de l’audience de ce jour, il résulte de l’instruction que l’interdiction de la venue en car d’une cinquantaine de personnes qui se prévalent de la qualité de supporter de l’ASNL et sont déjà titulaires d’un billet pour le match de ce jour ne peut être légalement justifiée par un risque de trouble grave à l’ordre public » ([55]).

Des justifications abusives

Les membres du groupe de supporters des Red Tigers à Lens, ont fourni aux Rapporteurs une liste d’extraits d’arrêtés mentionnant des justifications abusives :

– « Considérant la tendance des nouvelles générations à se comporter de manière violente » (Nancy-Lens, 19 mars 2016)

– « Considérant les tensions actuelles entre les groupes de supporters ultras messins et la direction du club du fait du recrutement par le FC Metz d’un entraîneur adjoint ayant évolué à Nancy » (Metz-Lens, 1er septembre 2018)

– « Considérant qu’en juin 1976, à l’occasion du match de finale de la coupe de France Lens/Bastia, les joueurs bastiais, initialement hébergés à Lens, avaient été obligés de déménager à Arras lors de la nuit précédant la rencontre, en raison de la présence de supporters lensois menaçant d’incendier leur hôtel. De plus, un rodéo de voitures était improvisé sur le terrain dédié à l’entraînement des joueurs bastiais. Enfin, durant le match, les joueurs bastiais étaient victimes d’intimidations de la part du public » (Bastia-Lens, 13 septembre 2014)

– « Considérant le contentieux permanent opposant les supporters ultras des deux clubs depuis plusieurs années » (Lens-Nantes, 23 mai 2015

– « Considérant le fort enjeu sportif de ce match en fin de saison, où le club de Lens joue la montée en Ligue 1 » (Bourg Péronnas-Lens, 6 mai 2016)

– « Considérant la configuration du stade Verchère de Bourg en Bresse […], qu’ainsi en l’absence de parvis, les entrées du stade donnent directement sur un trottoir de trois mètres de large bordant une route à quatre voies […] » (Bourg Péronnas-Lens 6 mai 2016)

– « Considérant la forte affluence attendue (plus de 5 000 spectateurs, dont 500 lensois), rapportée à une ville comme Bourg en Bresse (40 000 habitants) » (Bourg Péronnas-Lens 6 mai 2016)

Trois explications permettent de comprendre ce type de situations.

Premièrement, les préfectures souffrent parfois d’un niveau d’information insuffisant car certains services du renseignement territorial n’ont pas l’expérience des risques liés aux supporters. Or, leur avis prime souvent sur celui de la DNLH. Selon Première Ligue, syndicat des clubs de football, « beaucoup de clubs se plaignent des remontées des services départementaux du renseignement territorial qui aboutissent à des décisions en décalage avec la réalité du risque ».

À l’inverse, certaines préfectures peuvent s’appuyer sur des services de renseignements spécialisés : par exemple, à Paris, la préfecture de police s’appuie sur les travaux du STADE – le service transversal d’agglomération des événements.

Deuxièmement, il arrive souvent que les autorités et les clubs n’échangent pas suffisamment en amont des déplacements. Les représentants du syndicat Première Ligue ont indiqué que la première réunion de préparation se tenait parfois quarante-huit heures avant le match. Lors de son audition, M. Gilles Quénéhervé, directeur des sports, a estimé qu’il arrive trop souvent que les préfectures ne consultent pas le club visiteur, ni même la préfecture d’origine de celui-ci.

La préfecture de police des Bouches-du-Rhône a par exemple indiqué qu’elle considère que les déplacements de supporters marseillais ne sont pas de son ressort, ce qui n’empêche pas la direction départementale du renseignement territorial de transmettre des informations.

Troisièmement et principalement, l’État confie aux préfectures l’application de textes au champ d’application trop large et leur fait porter l’intégralité de la responsabilité du maintien de l’ordre. Lors de son audition, M. Thomas Campeaux, le directeur des libertés publiques et des affaires juridiques, a indiqué que ces mesures administratives ont fait l’objet d’une déconcentration croissante. Selon les Rapporteurs, cela a pu avoir pour effet, lorsque les autorités préfectorales n’avaient pas d’appétence pour la problématique des supporters, d’assouplir excessivement le recours à ces instruments.

Or, lorsque le choix d’interdire ou d’encadrer le déplacement n’est pas suffisamment justifié, les autorités s’exposent à des violations d’arrêtés dont les conséquences peuvent être lourdes dès lors que les effectifs nécessaires n’ont pas été mobilisés. Par exemple, en mai 2019, malgré l’interdiction de déplacement, 10 000 supporters marseillais sont allés à Toulouse et ont pris place dans les tribunes aux côtés des supporters toulousains. Cette situation aurait pu causer de graves troubles qui ne se sont pas matérialisés, hormis quelques bagarres, démontrant l’inutilité de la mesure d’interdiction.

Les Rapporteurs observent qu’en l’état du droit, les préfectures sont trop souvent livrées à leur propre appréciation de sorte que, par précaution, elles utilisent ces mesures de police administrative pour leur permettre de préserver des effectifs de police aux dépens de la liberté d’aller et venir de certains citoyens, sous prétexte qu’ils sont des supporters.


RÉpartition des arrÊtÉs d’encadrement et d’interdiction de dÉplacement (saison 2018-2019)

 

 

 

 

c.   Une source importante de vexation pour les supporters

Les mesures d’encadrement et, a fortiori, d’interdiction de déplacement ont des conséquences lourdes sur la vie des citoyens concernés.

Lorsque le déplacement est encadré, il implique que les groupes de supporters doivent sélectionner ceux de leurs membres qui pourront se déplacer. Les supporters de l’Olympique de Marseille ont indiqué aux Rapporteurs qu’il pouvait s’agir d’un sujet de tension lorsque les jauges sont fixées à 200 places pour un club revendiquant plus de 600 ultras et 33 000 abonnés. Le coût de ces déplacements peut également être augmenté par l’obligation d’être acheminé en car plutôt qu’en voiture individuelle.

Lorsque le déplacement est interdit, parfois tardivement comme ce fut le cas, il y a quelques mois, pour le match AC Ajaccio - RC Lens ([56]), les pertes financières peuvent être considérables. Les déplacements exigent en effet de nombreux sacrifices et une importante organisation familiale, professionnelle (pose de congés payés) et logistique (location de bus ou de voiture, billet de train ou d’avion, réservation d’hôtel, etc.).

Il est donc difficilement acceptable que des décisions prises au dernier moment par manque d’anticipation et, souvent, sans justification réelle puissent porter ainsi atteinte à la liberté de circulation des supporters et leur imposer un tel coût financier.

Les supporters rencontrés par la mission partagent le sentiment de faire des sacrifices pour suivre leur équipe et, en retour, « d’être traités comme des criminels » ([57]). Les supporters ont l’impression que ces arrêtés ont pour finalité d’aggraver leur discrédit et la crainte à leur égard.

Certaines préfectures ont pris conscience du caractère vexatoire et stigmatisant des mesures administratives concernant les déplacements.

Lors du déplacement des Rapporteurs auprès du Racing Club de Strasbourg, le directeur de cabinet de la préfète du Bas-Rhin, M. Dominique Schuffenecker, a indiqué que la préfecture avait pris conscience de son recours excessif aux arrêtés d’encadrement (12 pour la saison 2018-2019, soit pour 50 % des matchs à domicile) et des tensions qui pouvaient en résulter lorsqu’ils étaient insuffisamment motivés. Le nombre de ces arrêtés a donc été considérablement réduit depuis le début de la saison 2019‑2020.

Consciente des difficultés rencontrées par les supporters du RC Lens, la sous-préfecture a également mis en œuvre une stratégie de soutien aux supporters en adressant aux préfectures des villes qui accueillent des matchs du club un document récapitulatif ayant pour finalité de permettre le déplacement du plus grand nombre de supporters et d’éviter les dysfonctionnements de dernière minute.

Les interdictions administratives de stade et les interdictions de déplacement sont des mesures de police administrative privilégiées pour leur réactivité. Toutefois leur contrôle apparaît insuffisant et le recours au juge administratif n’offre pas des garanties suffisantes au regard des droits fondamentaux en cause.

B.   l’absence d’articulation avec les dispositifs judiciaires et commerciaux

1.   La juxtaposition des IJS et IAS : un cumul peu compréhensible

● Dans l’esprit initial de la loi, les IAS avaient vocation à intervenir rapidement, afin d’écarter des supporters violents des stades, et de faire le lien avec les IJS prononcées par la justice. Dans les faits, ces deux types d’interdictions peuvent se cumuler et se confondre et il n’existe aucune articulation entre les deux mesures. Ce qui avait une moindre incidence lorsque les IAS étaient prononcées pour une durée de trois mois, devient un véritable problème lorsqu’elles le sont pour deux ou trois ans.

En pratique, il est ainsi possible pour un supporter de se voir infliger une IAS de deux ans, et une IJS d’un an seulement, et in fine d’être interdit de stade pendant deux ans, alors que c’est l’interdiction judiciaire, prise après une enquête et un débat contradictoire, en présence d’un avocat, qui devrait l’emporter sur la mesure administrative, prise sans audition de l’intéressé. Il peut aussi arriver qu’après enquête, un supporter soit relaxé et reconnu innocent par la justice, par exemple, de l’infraction d’usage de fumigène, mais qu’il soit contraint de continuer à « purger » jusqu’à son terme une IAS prononcée par la préfecture pour ces faits, pour lesquels son innocence a été prouvée. Des exemples en ce sens ont été présentés aux Rapporteurs. De telles situations sont pour le moins paradoxales, et suscitent nécessairement l’incompréhension, voire la colère, des intéressés.

Aucune disposition n’est prévue pour assurer une bonne articulation entre IAS et IJS – comme c’est le cas pour les suspensions administratives et judiciaires du permis de conduire, par exemple. Aux termes de l’article L. 224-9 du code de la route, la suspension par le préfet du permis de conduire cesse d’avoir effet lorsqu’est exécutoire une décision judiciaire prononçant une mesure restrictive du droit de conduire. La suspension administrative est considérée comme non avenue en cas d’ordonnance de non-lieu ou de jugement de relaxe ou si la juridiction ne prononce pas effectivement de mesure restrictive du droit de conduire.

● Auditionné, le ministère de l’intérieur fait valoir que les IAS sont considérées comme des mesures de police administrative, et non comme des sanctions, ce qui ne permettrait pas d’organiser leur articulation avec les IJS sur le modèle de la suspension du permis de conduire. Cette appréciation est, pour les Rapporteurs, contestable puisque la qualification de mesure de police leur semble critiquable au regard de l’usage qui est fait des IAS et de leur durée ([58]).

Certains considèrent que le cumul entre une interdiction judiciaire et une interdiction administrative de stade ne constituerait pas une « double peine » d’un point de vue juridique. Les Rapporteurs ont constaté qu’il n’y a aucun suivi statistique assuré sur le nombre de « cumuls » d’IJS et IAS, ni par le ministère de la justice, ni par le ministère de l’intérieur.

Il n’en demeure pas moins que rien n’empêche qu’une articulation entre les deux mesures soit mise en place, notamment par le biais de pratiques locales entre parquets et préfectures. Les pratiques semblent d’ailleurs variables selon les lieux : dans le département du Pas-de-Calais, où se sont rendus les Rapporteurs, les services préfectoraux ont indiqué qu’ils retiraient une IAS dès lors que la justice s’était prononcée sur les faits l’ayant justifiée, ce que l’on ne peut que saluer.

En termes de communication des informations, si rien n’est prévu pour assurer l’information des autorités judiciaires du prononcé des IAS, le code du sport prévoit bien que les autorités préfectorales sont systématiquement informées par la justice, lors du prononcé d’une IJS (article R. 332-1) ou d’une relaxe ; toutefois, en pratique, les informations ne circulent pas nécessairement de façon fluide. La préfecture de police de Paris, par exemple, indiquait dans ses réponses aux Rapporteurs qu’il n’était pas « mis fin aux IAS lorsque la personne concernée est relaxée ou que le juge n’estime pas nécessaire de prononcer une IJS pour les faits qui lui sont reprochés. En effet, dans la majorité des cas, le bureau compétent n’a pas connaissance des mesures d’IJS – seul le nombre de mesures d’IJS en vigueur est demandé » pour des raisons statistiques.

2.   L’encadrement insuffisant des interdictions commerciales

● Les dispositions légales relatives aux interdictions commerciales de stade s’avèrent peu précises quant à leur mise en œuvre ; elles laissent une trop grande marge d’appréciation aux clubs, qu’il s’agisse des motifs de ces interdictions, de leur durée ou de la procédure applicable – notamment son caractère contradictoire auprès des personnes concernées. Le fait que les données relatives aux ICS ne peuvent être conservées plus de 18 mois dans le fichier du club (article R. 332-16 du code du sport) est parfois interprété comme fixant la durée maximale de cette interdiction, mais ce plafond ne concerne pas la sanction elle-même.

Nombre des personnes auditionnées a souligné le manque de précision du cadre juridique de ces ICS et, corrélativement, les risques d’arbitraire dans les prises de décision des clubs. De telles dispositions, utilisées par des personnes mal intentionnées, peuvent conduire à des mesures disproportionnées, mal motivées ou injustes. Des clubs entendus par les Rapporteurs ont souligné que d’une certaine façon, ce cadre incertain les fragilisait dans leurs prises de décision. Certains clubs estiment même que les dispositions relatives aux ICS traduisent une forme de désengagement de l’État, qui les oblige à endosser la responsabilité du maintien de l’ordre dans les stades.

L’application des ICS se heurte par ailleurs à des écueils pratiques, puisqu’elles ne peuvent être utilisées qu’à l’encontre de personnes disposant d’un abonnement, qui est à leur nom, ou bien lorsqu’existe une billetterie nominative, pratique qui demeure très limitée. Dans les faits, ces interdictions peuvent être contournées par des échanges d’abonnements entre supporters ; une personne dont l’abonnement a été annulé peut également acheter un billet individuel et assister tout de même au match.

● Ni la Ligue de football professionnel (LFP) ni les organisations représentatives des clubs n’ont effectué de recensement de la mise en œuvre par les clubs des ICS. La LFP indique que, si une minorité de clubs l’utilisent, ils sont globalement bien informés sur cette possibilité – sachant que nombre d’entre eux ne souhaitent s’en servir que « dans des situations extrêmes », notamment car leur utilisation pourrait poser des difficultés dans les relations avec les autres supporters au sein du club.

Lors de leurs déplacements, les Rapporteurs ont toutefois pu recueillir quelques éléments d’information : ainsi, le RC Strasbourg (RCSA) met en œuvre des ICS depuis le début de la saison 2019-2020 et en a prononcé une trentaine (à rapprocher du nombre actuel d’IAS, d’environ une quinzaine) ; le RCSA a précisé que ces mesures ont été discutées avec les associations de supporters et ont été prises de façon concertée avec elles. Le PSG, quant à lui, a indiqué aux Rapporteurs qu’actuellement, 75 personnes étaient concernées par une ICS, et que leur mise en œuvre n’avait pas suscité de recours ou de difficultés.

C.   L’Hypocrisie de l’interdiction des fumigÈnes et l’inefficacitÉ des sanctions de la commission de discipline de la LFP

1.   L’inefficacité des sanctions collectives

L’introduction et l’utilisation de fumigènes ou d’autres engins pyrotechniques sont sanctionnées à deux titres ;

– l’article L. 332-8 du code du sport interdit « le fait d’introduire, de détenir ou de faire usage des fusées ou artifices de toute nature » et punit sa violation de trois ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ainsi que d’une peine complémentaire d’interdiction judiciaire de stade pouvant aller jusqu’à cinq ans :

– les articles 541 et 542 du règlement de la Ligue de football professionnel prévoient que le club visité est responsable des incidents se produisant à l’intérieur du stade. Les clubs visités et visiteurs ont donc l’obligation d’interdire l’entrée d’engins pyrotechniques (cierges, torches, bougies, feux de Bengale, pétards, bombes fumigènes, fusées, stroboscopes) dans les tribunes. S’il est fait usage de ces engins, le club a failli à ses obligations et peut donc faire l’objet de poursuites et de sanctions de la part de la commission de discipline de la LFP.

La commission de discipline de la LFP

Composée de 13 membres n’ayant aucun lien d’intérêt avec le conseil d’administration de la LFP ou les clubs, la commission de discipline de la LFP est statutairement indépendante.

Elle est chargée de la police des joueurs mais aussi de la police du terrain et des tribunes. Elle est compétente pour :

– connaître des manquements à la discipline des joueurs, des entraîneurs et des dirigeants et de toutes autres personnes accomplissant une mission permanente au sein d’un club ou au sein de la Ligue de football professionnel ;

– évaluer le degré de responsabilité des clubs pour tout incident survenu ou toute infraction aux règlements constatée et rapportée par un officiel mandaté par la Ligue de football professionnel dans l’enceinte des stades avant, pendant et après les rencontres et de prononcer les sanctions éventuelles ;

– statuer sur les faits commis, en dehors du cadre d’un match mais en relation avec celui-ci, portant atteintes à un officiel et, de manière plus générale, lorsque des atteintes graves sont portées aux individus et aux biens ;

– statuer sur toute violation des règlements applicables aux compétitions organisées par la Ligue de football professionnel ;

– statuer sur les violations de la Charte éthique du football ainsi que sur toutes violations à la morale sportive, manquement graves portant atteinte à l’honneur, à l’image, à la réputation ou à la considération du football, de la LFP ou d’un de ses dirigeants imputables à toute personne physique ou morale assujettie au droit de juridiction de la FFF, qui ne relèvent pas de la compétence du Conseil National de l’Éthique ;

– statuer sur toute violation des dispositions relatives aux paris sportifs, dans le cadre de l’article 124 des Règlements généraux de la FFF.

 

Source : Ligue de football professionnel

Les fumigènes nourrissent la majorité des sanctions disciplinaires concernant les tribunes. Des sanctions de trois types peuvent être prises par la commission de discipline : sanctions financières, sanctions collectives et sanctions sportives ([59]). Pour l’Association nationale des supporters, cette grille de sanctions est insuffisamment précise et ne permet pas une dissuasion efficace : « la diversité des sanctions prononçables est trop limitée, les amendes sont peu élevées et ne touchent que le club, tandis que les sanctions sportives sont trop lourdes et ne sont jamais prononcées ».

La commission de discipline recourt donc généralement aux sanctions collectives, à savoir le huis clos partiel ou total du stade du club concerné. Pour les Rapporteurs, ces sanctions posent un grave problème juridique en contrevenant à l’individualisation des sanctions et en aboutissant à punir des supporters n’ayant commis aucune faute.

Outre leur injustice, ces sanctions sont devenues inefficaces. Selon M. Pierre Barthélémy, l’avocat de l’ANS, « elles enferment les clubs et les supporters dans une spirale négative ».

Les supporters s’organisent pour être sanctionnés selon le calendrier en faisant lever un sursis pour un match à faible enjeu afin de pouvoir « craquer » des fumigènes à nouveau la semaine suivante pour un match important ou encore pour l’anniversaire d’un groupe.

Pour échapper aux sanctions, le club peut démontrer à la commission de discipline qu’il a mis en œuvre l’ensemble de ses pouvoirs en identifiant les personnes concernées et en portant plainte contre elles. Comme l’a indiqué M. Sébastien Deneux lors de son audition : « On classe sans suite si on sait que le club a fait le maximum ; le fait d’engager des poursuites est un critère ». Cette pratique incite donc les clubs à porter plainte, parfois en l’absence de preuve malgré les conséquences d’une potentielle interdiction de stade, et aboutit à accroître la méfiance des supporters à leur égard.

Les fumigènes peuvent aussi être utilisés par les supporters contre la direction de leur propre club, pour que lui soient infligées des sanctions financières ou des fermetures de tribunes qui représentent une perte de recettes de billetterie. Parmi les faits récents, en novembre 2019, le groupe des Ultramarines de Bordeaux a ainsi protesté contre la mise en place d’une nouvelle politique concernant la billetterie ([60]).

Enfin, les sanctions collectives présentent des risques de troubles à l’ordre public lorsqu’elles impliquent des fermetures de parcage visiteurs, incitant les supporters en déplacement à acheter des billets dans des tribunes où ils ne sont pas séparés des supporters adverses.

Si, de l’aveu même de son président, M. Sébastien Deneux, « la suppression des sanctions collectives risquerait de marquer la fin de la politique disciplinaire », les Rapporteurs sont favorables à la disparition de ces sanctions qui sont inefficaces et souhaitent que la LFP engage une réflexion sur le rôle à confier à sa commission de discipline.

M. Ronan Evain, président de Football Supporters Europe, a rappelé lors de son audition que l’Allemagne a engagé un moratoire sur les sanctions collectives et que celles-ci ne sont plus utilisées depuis 2017. Les fumigènes ne sont donc plus utilisés de manière contestataire et les sanctions sont uniquement individuelles.

Proposition :

Interdire, par la loi, le prononcé ou enjoindre à la Ligue de renoncer aux sanctions collectives et engager une réflexion sur le rôle de la commission de discipline de la LFP.


—  1  —

Sanctions prononcÉes par la commission de discipline de la lfp (saison 2018-2019)

Les sanctions collectives

Compétitions

Engins
pyrotechniques

Instructions

Huis clos entier

Huis clos partiel

Fermeture de l’espace visiteur

Dossiers traités

Dossiers classés

Ferme

Sursis

Révocation de sursis

Ferme

Sursis

Révocation de sursis

Ferme

Sursis

Révocation de sursis

Ligue 1

2054

4

1

-

-

11

6

4

1

5

1

205

93

Ligue 2

445

1

1

-

-

-

1

-

5

1

1

98

40

Coupe de la Ligue

7

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

7

4

Total

2506

5

2

0

0

11

7

4

6

6

2

310

137


Les amendes en Ligue 1

Club

Nombre d’engins pyrotechniques

Nombre d’amendes

Montant total (en €)

Paris

344

11

260 500

Saint Étienne

507

13

229 000

Bordeaux

163

10

162500

Marseille

318

12

153 000

Nice

104

14

142 000

Rennes

96

7

130 000

Nantes

120

7

99 500

Nîmes

68

7

71 500

Strasbourg

56

7

70 000

Montpellier

107

5

39 500

Angers

42

4

36 000

Lyon

15

4

16 000

Monaco

35

4

15 000

Caen

9

4

13 000

Toulouse

19

1

5 000

Amiens

12

1

4 000

Lille

16

1

4 000

Reims

9

1

4 000

Dijon

5

-

-

Guingamp

9

-

-

Total

2054

113

1 455 000

Les amendes en Ligue 2

Club

Nombre d’engins pyrotechniques

Nombre d’amendes

Montant total (en €)

Lens

106

10

144 500

Nancy

50

5

46 000

Grenoble

32

10

43 000

Valenciennes

23

4

36 500

Sochaux

35

5

35 000

G. Ajaccio

28

4

23 000

Paris FC

14

3

19 000

Brest

20

4

17 500

Troyes

11

1

11 500

AC Ajaccio

17

1

9 000

Le Havre

1

3

9 000

Orléans

-

2

7 000

Lorient

24

1

6 500

Red Star

5

1

6 000

Metz

52

3

6 000

Auxerre

25

-

5 000

Béziers

-

-

-

Châteauroux

-

-

-

Clermont

2

-

-

Niort

-

-

-

Total

445

57

418 500


—  1  —

2.   Une hypocrisie qui encourage les clubs à négocier l’usage des fumigènes avec leurs supporters

Malgré l’arsenal répressif existant, la DNLH constate un usage croissant des engins pyrotechniques, en particulier lors de la saison 2018-2019.

Évolution des usages d’engins pyrotechniques

Source : Bilan annuel 2018-2019 de la DNLH

La raison en est simple : il est impossible pour les clubs d’empêcher l’introduction de fumigènes dans les stades. Il en existe des modèles très réduits qui sont indétectables lors des palpations. Or, les clubs sont soumis à une obligation de résultat et ne peuvent donc pas échapper aux sanctions mêmes s’ils mettent en place l’ensemble des dispositifs nécessaires pour les détecter.

Il faut également considérer que les fumigènes constituent en France une modalité d’animation de la tribune constitutive de la mentalité Ultra. Les groupes ultras indiquent aussi que les diffuseurs des compétitions ne manquent jamais de présenter des images de « craquage » lors des spots promotionnels qu’ils réalisent.

Dans un avis du 29 octobre 2017, le Conseil d’État a estimé que le fait« d’imposer aux clubs de football, qu’ils soient organisateurs d’une rencontre ou visiteurs, une obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité dans le déroulement des rencontres » ne présente pas un caractère inconstitutionnel : « Les règlements en cause sanctionnent ainsi la méconnaissance par les clubs d’une obligation qui leur incombe et qui a été édictée par la fédération sportive dont ils sont adhérents, dans le cadre des pouvoirs d’organisation qui sont les siens et conformément aux objectifs qui lui sont assignés. Ils ne méconnaissent pas, par suite, eu égard au pouvoir d’appréciation ci-dessus rappelé, le principe constitutionnel de responsabilité personnelle en matière pénale, qui est applicable aux sanctions administratives et disciplinaires ».

Dès lors, deux options s’offrent aux clubs.

La première consiste à porter plainte contre leur supporter comme cela a été détaillé précédemment.

La seconde consiste à négocier l’usage des fumigènes pour en limiter le nombre. Plusieurs clubs ont donc indiqué aux Rapporteurs qu’ils se voyaient contraints de s’accorder avec les groupes de supporters sur le nombre de torches qu’ils étaient autorisés à allumer de manière à ne pas être frappés par la sanction du huis clos.

Les responsables des questions de sécurité au Paris-Saint-Germain considèrent désormais que le principal vecteur d’encadrement de la pyrotechnie n’est pas l’interpellation des contrevenants mais le dialogue avec les groupes de supporters. Le club leur demande de le prévenir du nombre de fumigènes attendus. Une fois qu’ils se sont mis d’accord sur un nombre qui garantisse au club de ne pas faire l’objet d’un huis clos, le rôle des groupes est de s’assurer du respect de ce qui a été convenu. Mais cet équilibre est fragile et, comme l’indique M. Romain Giraud, secrétaire général du Racing Club de Strasbourg : « On est en permanence sur une ligne de crête et on reste dépendant de nos bonnes relations avec les supporters ».

En pratique, les clubs assument donc de payer, par les amendes, pour le droit de leurs supporters à utiliser des fumigènes qu’ils n’arrivent pas à détecter.

Cet état de fait démontre l’absurdité de la politique disciplinaire de la LFP. Les clubs se trouvent incités à autoriser certains usages de fumigènes alors même qu’ils n’engagent pas seulement leur responsabilité disciplinaire mais aussi leur responsabilité civile et pénale en cas de blessure.

Censées être une arme ultime pour dissuader les supporters, les sanctions collectives n’entravent plus l’usage des fumigènes. Au contraire, conscients des faibles risques de blessures lorsque leur usage est assumé, les clubs préfèrent négocier avec leurs supporters pour contourner les sanctions sans interdire les craquages. Plus ennuyeux, l’existence de ces sanctions consitue pour les supporters un instrument de pression sur la direction de leur club.

D.   MalgrÉ Des efforts dans la prÉvention et la lutte contre les comportements discriminatoires, La crise de l’ÉtÉ 2019

1.   De nombreuses initiatives

Pendant la saison 2018-2019, la DNLH a comptabilisé trois interpellations pour des comportements à caractère raciste. Selon les chiffres collectés par la mission auprès de neuf départements, une douzaine d’IAS ont été prises sur le fondement d’injures racistes Au sein de la FFF, l’observatoire des comportements recense l’ensemble des incidents survenus lors de rencontres de football professionnel ou amateur. Sur la saison 2018-2019, 12 400 matchs sur 676 000 ont fait l’objet d’une déclaration d’incident, soit 1,8 % des matchs – un ratio stable par rapport à la saison 2017-2018 et en hausse de 0,2 point par rapport à la saison 2016-2017. La grande majorité concerne des faits de violence et seulement 76 matchs ont été signalés pour des comportements racistes ou homophobes, dont 23 % du fait des supporters présents.

Le phénomène reste donc rare en comparaison à d’autres pays, comme l’Italie où les incidents sont récurrents. L’un des derniers en date concernait des cris de singe adressés à l’attaquant belge de l’Inter Milan Romelu Lukaku lors d’une rencontre contre Cagliari. Quelques jours plus tard, le 4 septembre 2019, dans une lettre ouverte adressée au joueur, des supporters se justifiaient ainsi : « Nous sommes désolés que vous pensiez que ce qui s’est passé à Cagliari était du racisme […] En Italie, nous utilisons certains "moyens" uniquement pour "aider" l’équipe et essayer de rendre les adversaires nerveux non pas par racisme, mais par déstabilisation ».

Pour autant, les tribunes françaises ne sont pas exemptes, à l’instar de la société, de comportements discriminatoires. Conscientes de l’importance de prévenir et de lutter contre ces comportements dans le sport, les instances du football ont mis en œuvre différents outils.

Lors de son audition, la FFF a présenté ses trois principales actions.

En premier lieu, après la déroute de l’équipe de France lors de la coupe du monde en Afrique du Sud en 2010 et l’incident de Knysna où les joueurs avaient refusé de descendre du bus pour s’entraîner, la Fédération a décidé de lancer le « programme éducatif fédéral ». Ce programme sensibilise les éducateurs, les dirigeants et les entraîneurs au respect du vivre-ensemble, en particulier au cours des différentes formations obligatoires. Il se décline auprès des joueurs, notamment les plus jeunes, en soutenant les clubs qui intègrent la lutte contre les discriminations à leur projet sportif. La FFF a élaboré des supports, dont une série de vidéos intitulée « Espace réparation » qui explique les différentes sanctions encourues pour rappeler, selon les représentants auditionnés, que « ce qui se passe sur le terrain n’échappe pas au droit ».

En deuxième lieu, la FFF a engagé des partenariats avec plusieurs associations de prévention et de lutte contre les discriminations. Les Rapporteurs ont pu rencontrer l’une d’entre elle, la Compagnie du Trimaran, qui organise des cours de théâtre sur différentes problématiques : racisme, homophobie, égalité entre les hommes et les femmes…

En troisième lieu, la FFF collabore avec le ministère de la justice pour assurer un traitement plus rapide des plaintes et faire remonter systématiquement l’ensemble des incidents.

Par ailleurs, plusieurs associations reçoivent un soutien des pouvoirs publics, notamment de la DILCRAH ([61]), pour lutter contre les comportements discriminatoires dans le sport, et plus particulièrement dans les tribunes.

Lors d’une table ronde réunissant plusieurs de ces associations (Foot ensemble, la Compagnie du Trimaran, la Fédération sportive gaie et lesbienne, Sportitude, Rouge direct), les Rapporteurs ont pu prendre connaissance de nombreux modes d’action :

– par la voie juridictionnelle, en poursuivant les infractions et en défendant les victimes de discrimination ;

– par la voie préventive, en sensibilisant les joueurs, notamment les plus jeunes, et les encadrants et en encourageant les clubs à s’engager par la signature de charte commune impliquant, par exemple, de faire évoluer leurs conditions générales de vente pour y inclure des clauses anti-discriminations ;

– par la voie de la communication, en organisant des opérations auprès du public (brassard de capitaine arc-en-ciel, vidéos dans les stades…), avec le soutien de la LFP.

2.   La crise de l’été 2019

C’est dans ce contexte d’élaboration commune d’une stratégie de prévention et de lutte contre les comportements discriminatoires, qu’une polémique a éclaté au cours de l’été 2019 à propos des chants et des insultes à caractère homophobe dans les stades.

Plusieurs membres du Gouvernement ont appelé à l’interruption des matchs en cas de chants ou de banderoles homophobes, s’appuyant sur une récente circulaire de la FIFA du 25 juillet 2019 prévoyant « une procédure en trois étapes en cas d’incident à caractère discriminatoire » ([62]). Plusieurs matchs ont été interrompus par les arbitres, qui sont même allés jusqu’à renvoyer les joueurs aux vestiaires pour quelques minutes lors du match Nice-Marseille du 28 août 2019.

Justifiées sur le fond, ces critiques ont profondément affecté les supporters qui ont eu le sentiment d’avoir été instrumentalisés pour une démarche politique et médiatique. Les représentants de la LFP ont également indiqué qu’ils estimaient que ce débat était « allé trop loin dans la stigmatisation des supporters ». Pour M. Tom Dufieu, représentant de l’ANS, « on a encore voulu passer par les stades pour éduquer et régler un problème de société ».

Si les Rapporteurs désapprouvent la méthode employée et la stigmatisation des supporters pour alerter sur un problème qui traverse l’ensemble de la société, ils ont pu apprécier à quel point les supporters étaient prêts à évoluer sur ces sujets. Ils observent néanmoins que la polémique a été contreproductive car elle a mis en péril le dialogue et le travail qui étaient en cours entre les supporters, les autorités et plusieurs associations.

Fort heureusement, après une brève période de provocation au cours de laquelle des groupes de supporters ont volontairement déclenché des interruptions de matchs, ce dialogue s’est rétabli. Plusieurs associations de supporters ont pris au sérieux le reproche qui leur était fait et ont engagé une réflexion sur leurs pratiques. Les représentants des Red Tigers, rencontrés à Lens, ont ainsi indiqué qu’ils avaient pris conscience que certaines insultes pouvaient choquer et qu’elles n’étaient pas indispensables pour mettre de l’ambiance dans un stade.

Ce constat est partagé par les associations. Selon M. Yoann Lemaire, président et fondateur de l’association Foot ensemble qui lutte contre l’homophobie, « lorsqu’on discute avec les supporters, on comprend que ces propos n’ont pas une visée homophobe, mais il faut casser l’idée que dans les stades tout est permis, c’est pour cette raison qu’il faut évoluer, sans faire passer l’ensemble des supporters pour des personnes homophobes ». Dans cet esprit de pédagogie, la commission de discipline de la LFP a fait un effort pour distinguer les propos injurieux et les propos discriminatoires à caractère homophobe.

III.   POuvoiRS PUBLICS et Supporters : OUvRIR UNe ÈRE PArtenariale

A.   renforcer le cadre dES IAS, en définir un pour les ICS

1.   Les IAS, un outil utile, qui doit être recentré pour répondre à sa finalité

Le bilan de la mise en œuvre des IAS laisse clairement apparaître des dérives critiquables, voire un dévoiement de leur usage. Les Rapporteurs sont convaincus, comme tous leurs interlocuteurs d’ailleurs, de l’utilité des IAS, notamment du fait de la réactivité qu’elles offrent, et de la nécessité de les conserver, mais ils estiment que leur maintien doit être conditionné au renforcement de leur encadrement et à leur ciblage. Il est indispensable de « resacraliser » et de sanctuariser la mesure d’IAS, afin qu’elle (re)devienne une sanction incontestable, jetant l’opprobre sur celui qui en est le destinataire ; elle ne doit plus être considérée comme une sorte de trophée pour les supporters, comme c’est parfois le cas aujourd’hui, du fait de sa perte de légitimité et de justification aux yeux de ces derniers.

● En premier lieu, la durée maximale des IAS doit être réduite, pour mettre un terme à la surenchère continue qui a conduit, entre 2006 et 2016, à multiplier par 12 cette durée, sans évaluation de l’application de la mesure. Afin de se mettre en adéquation avec sa nature de mesure de police administrative et compte tenu de l’absence de garanties procédurales, la durée maximale des IAS doit être ramenée à six mois – et à douze mois en cas de « récidive » c’est-à-dire si, dans les trois années précédentes, la personne a déjà fait l’objet d’une mesure d’interdiction.

● En second lieu, les motifs pouvant justifier une IAS doivent être précisés et resserrés : la notion de « comportement d’ensemble », éminemment floue et subjective, et susceptible de justifier à peu près toute mesure, doit être supprimée, tandis qu’il faudrait préciser qu’une IAS est justifiée dès lors qu’une personne constitue une menace « grave » ou « d’une particulière gravité » pour l’ordre public, et non une simple « menace pour l’ordre public ».

● En troisième lieu, pour garantir aux supporters de réelles voies de recours contre les IAS, il importe de faciliter la mise en œuvre du « référé liberté » prévu par l’article L. 521-2 du code de justice administrative, et de permettre la suspension d’une mesure d’IAS qui porterait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir. Pour ce faire, il est proposé d’introduire une présomption d’urgence, en cas de référé-liberté à l’encontre d’une IAS, précisément en supprimant cette condition d’urgence. Une telle modification pourrait également être apportée pour le référé suspension prévu par l’article L. 521-1 du même code.

● En quatrième lieu, la possibilité de cumuler IAS et IJS doit être supprimée. Dès lors qu’une IJS est prononcée, elle doit entraîner la caducité automatique de l’IAS, sur le modèle des dispositions prévues pour le permis de conduire à l’article L. 224-9 du Code de la route. Cela signifie que l’IAS doit cesser d’avoir effet dès lors qu’une IJS devient exécutoire, et qu’elle doit être considérée comme non avenue en cas d’ordonnance de non-lieu ou de jugement de relaxe de la part du juge judiciaire. L’introduction de telles dispositions dans le code du sport implique parallèlement de considérer les IAS comme des sanctions administratives, et non plus comme des mesures de police.

Le même objectif pourrait être atteint par la définition de bonnes pratiques entre parquets et préfectures, en assurant une circulation fluide de l’information et en donnant pour consigne aux préfectures d’annuler leurs IAS une fois la justice passée – ce que font déjà certaines d’entre elles.

● Autre proposition, relevant non d’une modification législative, mais d’une évolution des pratiques, il apparaît nécessaire de cibler le recours à l’obligation de pointage associée aux IAS aux cas qui le justifient véritablement, et de ne pas le systématiser. Il est également souhaitable de donner des directives aux services de l’État sur l’ensemble du territoire, pour promouvoir une mise en œuvre souple et la possibilité d’aménagements de l’obligation de pointage, afin de lui ôter le caractère vexatoire et punitif qu’elle revêt trop souvent.

Propositions :

– Réduire la durée maximale des IAS à six mois (douze mois en cas de récidive)

– Clarifier les motifs des IAS, en supprimant la notion de « comportement d’ensemble »

– Faciliter le recours en référé liberté ou en référé suspension

– Supprimer la possibilité de cumuler IJS et IAS

– Aménager la mise en œuvre des obligations de pointage afin qu’elles ne se transforment pas en deuxième sanction

 

2.   La nécessité d’encadrer davantage les interdictions commerciales, qui font peser un réel risque d’arbitraire

Le cadre juridique des ICS apparaît particulièrement peu précis et mérite d’être étoffé, afin que ces ICS ne soient pas des outils à la discrétion des clubs, dont la mise en œuvre dépend fortement de ces derniers et des personnes qui sont à leur tête. Cela permettrait également d’éviter que les ICS ne viennent peu à peu se substituer aux IAS, sans réel contrôle et en laissant une totale latitude aux clubs.

En premier lieu, il est nécessaire de définir dans la loi la durée maximale des ICS, qu’elles prennent la forme d’une suspension ou d’une annulation d’abonnement, ou d’un refus d’accès à l’enceinte sportive : ce plafond pourrait être fixé à six mois, comme pour les IAS, et porté à douze mois en cas de récidive.

Ensuite, les motifs pouvant justifier le recours à une ICS doivent être complétés, en précisant à tout le moins au premier alinéa de l’article L. 332-1 du code du sport que les personnes concernées, en contrevenant aux dispositions du règlement intérieur relatives à la sécurité, constituent une menace pour l’ordre public.

Enfin, il convient de renforcer les garanties procédurales dont bénéficient les personnes concernées par une ICS – sachant qu’en pratique, les clubs rencontrés par les Rapporteurs leur ont indiqué informer les groupes de supporters lorsqu’ils prononçaient ces interdictions. En Allemagne, l’équivalent des ICS est prononcé après un passage devant une commission composée de représentants du club, d’associations et de personnalités qualifiées. Ce mécanisme, de nature à éviter des ICS dénuées de réel motif ou prononcées intuitu personae, pourrait être utilement transposé en France – sans que cela n’implique nécessairement une modification législative.

Propositions :

– Encadrer la mise en œuvre des ICS, en précisant les motifs qui peuvent les justifier, pour éviter qu’elles ne se substituent aux IAS

– Fixer une durée maximale (ne pouvant en tout état de cause excéder une saison) pour les ICS ainsi qu’une procédure contradictoire, permettant d’entendre les personnes concernées

B.   PERMETTRE, PAR PRINCIPE, LES dÉplacements

Les objectifs de nécessité et de proportionnalité des mesures de police administrative doivent guider la réflexion sur l’encadrement des déplacements de supporters.

Il est nécessaire que tous les moyens soient mis en œuvre pour permettre ces déplacements, les plus nombreux possible, tant dans l’intérêt du spectacle sportif que par respect de la liberté de circuler qui doit être garantie à chaque citoyen.

La préparation des déplacements doit donc permettre de garantir la protection de l’ordre public sans recourir aux interdictions et en limitant les arrêtés d’encadrement au strict minimum.

Pour y parvenir, il est impératif d’associer l’ensemble des parties prenantes, le plus en amont possible, et d’inciter les clubs à soutenir et accompagner leurs supporters dans l’organisation des déplacements.

1.   Redonner aux arrêtés d’encadrement et d’interdiction leur caractère exceptionnel

a.   Donner plus d’autorité aux recommandations de la DNLH

Le recours excessif aux arrêtés d’encadrement et d’interdiction de déplacements de supporters résulte souvent du manque d’informations reçues ou prises en considération par les préfectures.

Concernant les informations reçues, il est nécessaire que les préfectures puissent s’appuyer sur l’avis de spécialistes du maintien de l’ordre et du renseignement en matière de manifestations sportives. La DNLH constitue une structure bien établie et un interlocuteur central en matière de supportérisme ; nombre des personnes auditionnées a souligné l’infléchissement de sa position à partir de 2016, vers une meilleure compréhension des enjeux des supporters et une approche moins uniquement axée sur la sécurité. Néanmoins, si la DNLH apporte son expertise et ses conseils aux préfectures, en dernière analyse, ce sont ces dernières – parfois démunies et souvent dans l’urgence – qui prennent les décisions, se montrant souvent plus restrictives, selon plusieurs personnes auditionnées, que ce que préconise la DNLH.

Selon M. Antoine Mordacq, « depuis 2016, la DNLH rappelle régulièrement que l’arrêté doit être l’exception. C’est l’objet des notes de synthèse préparatoires sur les risques encourus mais elles ne sont pas toujours respectées ». Si la consultation de la DNLH est obligatoire pour pouvoir prendre un arrêté, ses recommandations ne sont pas toujours suivies, notamment lorsqu’elles entrent en contradiction avec les informations fournies par le renseignement territorial.

Les informations dont dispose la DNLH sont pourtant les plus récentes et permettent l’évaluation la plus fine des risques de troubles à l’ordre public. Selon Gilles Quénéhervé, directeur des sports, il serait d’ailleurs nécessaire de limiter l’ancienneté des évènements auxquels il est fait référence dans les arrêtés à cinq ans. Pour Pierre Barthélémy, avocat de l’ANS, cette durée pourrait même être de trois ans, tant les relations entre les groupes de supporters évoluent rapidement.

Eu égard au professionnalisme des référents de la DNLH, les Rapporteurs estiment nécessaire que leurs avis soient plus amplement pris en compte. Sans remettre en question le travail salué par tous mené par le commissaire Antoine Mordacq à la tête de cette structure, il semble désormais nécessaire, au terme de son mandat, que la direction de la DNLH soit confiée à un préfet pour renforcer son autorité et son positionnement à l’égard des autorités préfectorales dans les départements.

Propositions :

– Encadrer l’ancienneté des évènements pouvant être mentionnés pour motiver un arrêté d’interdiction ou d’encadrement de déplacement.

– Confier la direction de la DNLH à un préfet et renforcer l’autorité de ses avis.

b.   Réunir tous les acteurs en amont du déplacement

Il est urgent de fluidifier les relations entre les préfectures, les clubs et les supporters. Actuellement, la consultation du club visiteur ou de la préfecture du département d’origine des supporters n’est pas systématique. Or, ces échanges sont indispensables à l’évaluation du risque.

Dans les départements où les relations entre le club et ses supporters, d’une part, et le club et la préfecture, d’autre part, sont fluides, le nombre d’arrêtés est en nette diminution.

Les Rapporteurs souhaitent s’inspirer des bonnes pratiques qui leur ont été présentées au cours de leurs déplacements. Par exemple, forte de son expérience, en raison de l’histoire du Racing Club de Lens et du nombre de ses supporters (en moyenne 30 000 à domicile et 1 000 en déplacement), la sous-préfecture transmet systématiquement à la préfecture du département d’accueil une « fiche d’actions » présentant les interlocuteurs du club et un calendrier indicatif des différentes réunions préparatoires.

Ces bonnes pratiques doivent être généralisées. Les réunions préparatoires doivent, a minima, mettre autour de la table les préfectures de départ et d’accueil, ainsi que les responsables sécurités des deux clubs et leur référent supporters.

Elles doivent intervenir suffisamment en amont pour anticiper la préparation du déplacement par les supporters et ainsi éviter de causer des pertes financières et des tensions en cas d’encadrement ou d’interdiction du déplacement.

Dans un premier temps, il convient de fixer, d’un commun accord, l’ampleur de la jauge, au regard des contraintes de la préfecture d’accueil, du mode de déplacement des supporters et des modalités de réservation des billets.

Dans un second temps, il s’agit pour les clubs de transmettre le plus grand nombre d’informations à la préfecture d’accueil pour lui permettre d’assurer la sécurité du déplacement et du déroulement de la rencontre.

Après plusieurs réunions de travail, le ministère de l’intérieur a édicté une circulaire, le 18 novembre 2019, qui offre un premier cadre juridique à cette pratique en demandant aux préfets d’organiser ces réunions au moins trois semaines avant la rencontre pour les matchs sensibles.

Ces échanges peuvent se faire par visioconférence ou, idéalement, en présentiel. Lors de son audition, M. Ronan Evain, président de Football Supporters Europe, a rappelé qu’en Allemagne les clubs visiteurs envoient systématiquement deux à trois personnes sur place ainsi que leur référent supporters.

Pour les rencontres les plus importantes, d’autres acteurs doivent pouvoir être consultés, notamment les groupes de supporters. Leur consultation n’est pas applicable à tous les matchs ni à tous les clubs car leur degré d’organisation est très variable. Toutefois, les Rapporteurs considèrent que les associations de supporters ayant fait la démarche de demander l’agrément du ministère des sports devraient pouvoir être consultées et ainsi offrir des garanties supplémentaires à la préfecture d’accueil sur l’état d’esprit dans lequel les intéressés souhaitent se déplacer. Enfin, les diffuseurs pourraient être associés lorsque le calendrier de certains matchs pose difficulté.

Propositions :

– Veiller à la mise en œuvre de la circulaire du 18 novembre 2019 prévoyant la tenue de réunions préparatoires au moins trois semaines avant les rencontres sensibles et associer le plus grand nombre d’intervenants à ces réunions : préfectures d’accueil et d’origine, représentants et référents supporters des deux clubs ainsi, éventuellement, que des représentants des associations de supporters et des diffuseurs du match.

– En contrepartie de l’agrément, donner la possibilité aux groupes de supporters de participer aux réunions de préparation des déplacements.

c.   Rendre les arrêtés plus accessibles et plus lisibles

Les Rapporteurs recommandent la mise en place d’une plateforme unique recensant l’ensemble des arrêtés concernant les déplacements de supporters car ceux-ci ne sont pas toujours aisément accessibles, notamment pour les supporters qui se déplacent individuellement ou qui vivent dans la ville du club visité.

Ils s’associent également à la suggestion de M. Pierre Barthélémy, avocat de l’ANS, d’annexer des plans aux arrêtés d’encadrement afin de préciser les zones dont les supporters visiteurs sont exclus ainsi que les voies d’accès qu’ils doivent emprunter pour se rendre au stade ou rejoindre le point de rendez-vous fixé.

La circulaire du 18 novembre 2019 exige que les arrêtés d’interdiction soient systématiquement demandés au ministre, au moins dix jours avant la rencontre. Il s’agit d’une mesure juste qui favorisera leur bonne application et démontrera le respect des pouvoirs publics à l’encontre des supporters.

Proposition :

Rendre les arrêtés concernant les déplacements des supporters accessibles en ligne sur une plateforme dédiée, accompagnés des plans permettant de visualiser les éventuels points de rendez-vous et zones interdites aux supporters.

d.   Lancer une réflexion sur les stades et les parcages visiteurs

À plusieurs reprises lors de leurs déplacements, les Rapporteurs ont pu constater que l’aménagement des tribunes et des alentours des stades sont un enjeu central pour garantir la sécurité des rencontres et prévenir les incidents entre les supporters.

Le responsable de la sécurité du Paris Saint Germain a indiqué aux Rapporteurs que la conception des stades de l’Euro 2016 favorise les rencontres fortuites ou organisées entre supporters de différentes équipes lorsqu’elle permet une circulation tout autour de l’enceinte. A l’inverse, la séparation des flux de supporters est susceptible de prévenir tout conflit potentiel.

La préfecture des Bouches-du-Rhône a ainsi indiqué qu’elle se voyait contrainte, pour les matchs présentant les risques les plus élevés, de limiter le nombre de cars de supporters visiteurs en raison de l’impossibilité de sécuriser leur arrivée aux abords du stade. La présence de plusieurs virages en épingle à cheveux pour rejoindre le pied de la tribune du stade Vélodrome réservée aux supporters adverses oblige les véhicules à se mettre à l’arrêt. Cette configuration facilite le déclenchement de guet-apens par les supporters aboutissant à des caillassages ou des rixes.

L’acheminement des supporters est à l’origine de nombreux incidents car c’est à cette occasion que les supporters sont susceptibles de se croiser et de s’affronter. Le 5 février 2020, plusieurs cars de supporters de l’OM ont été violemment attaqués par des supporters de l’AS Saint-Étienne avant la rencontre opposant les deux clubs au stade Geoffroy Guichard. Les supporters marseillais, rencontrés par les Rapporteurs le lendemain, ont été confinés sur un parking du stade où ils ont subi des jets d’objets de la part des supporters stéphanois et la réaction particulièrement violente des forces de l’ordre qui ont utilisé des gaz lacrymogènes, un canon à eau mais aussi des flash-balls, dont les munitions ont été présentées aux Rapporteurs. Ils sont rentrés à Marseille sans avoir pu assister au match.

Les Rapporteurs ne peuvent que constater que ces évènements ont eu lieu alors que, de l’avis de plusieurs responsables de clubs et d’associations de supporters, les relations entre les supporters, la direction du club de Saint-Étienne et la préfecture se sont considérablement dégradées ces derniers mois.

Cet incident illustre à la fois la nécessité de mieux concevoir les stades et leurs abords mais aussi l’urgence d’établir un dialogue apaisé entre les différentes parties prenantes à l’organisation des rencontres.

Par ailleurs, les obligations auxquelles sont soumis la construction et l’aménagement des stades ne sont parfois pas suffisants. Si les clubs doivent réserver aux supporters visiteurs une tribune pouvant contenir au moins 5 % des places, il n’existe aucune règle concernant la localisation de cette tribune dans le stade ou la taille du parking réservé aux supporters visiteurs. Or, plusieurs intervenants ont signalé que le nouveau stade de l’Olympique Lyonnais, le Groupama Stadium, avait choisi de mettre à disposition des supporters adverses les gradins les plus excentrés et les moins audibles et que le parking qui leur était dédié présentait une capacité insuffisante.

Il est nécessaire que de telles pratiques cessent au profit d’une bienveillance des clubs envers les supporters adverses, qui doit faire partie intégrante de la notion de « fair-play » si souvent mise en avant.

Proposition :

Engager une réflexion sur la construction des stades et l’aménagement de leurs abords afin de favoriser l’accès et la sécurité des joueurs et des supporters visiteurs

2.   Encourager les clubs à soutenir et à accompagner l’organisation des déplacements de leurs supporters

La réduction des arrêtés d’encadrement et d’interdiction de déplacement repose également sur la capacité des clubs à accompagner leurs supporters dans l’organisation des déplacements. C’est dans cette mission que le référent supporters remplit son rôle le plus précieux, en amont et durant le déplacement.

En amont des réunions préparatoires, le club, par l’intermédiaire du référent supporters, doit être en mesure de collecter toutes les informations utiles concernant le nombre de supporters présents, leur mode d’acheminement, le matériel qu’ils souhaitent emporter, etc.

Le référent supporters du RC Strasbourg, Arnaud Szymanski, a présenté aux Rapporteurs un document transmis systématiquement aux préfectures d’accueil qui récapitule le nombre de bus et de supporters, les groupes auxquels ils appartiennent et le trajet qui sera suivi.

Lorsque les clubs sont en mesure de transmettre ces informations, cela rassure les préfectures et leur donne une visibilité qui réduit le risque de troubles à l’ordre public et facilite le dimensionnement du dispositif de maintien de l’ordre. Selon Antoine Mordacq, « les organisations concertées fonctionnent bien mais tous les clubs n’ont pas la capacité ou l’envie de prendre leurs responsabilités ».

Le chef de la DNLH rappelle également qu’une telle démarche exige « d’obtenir des groupes de supporters qu’ils acceptent de transmettre le plus d’informations possible en amont ». En ce sens, la qualité du dialogue entre les responsables du club et les associations de supporters est primordiale.

À partir de la vente des billets, il serait souhaitable que les clubs engagent une phase d’accompagnement des supporters. Au RC Strasbourg, tous les supporters qui souhaitent effectuer un déplacement s’inscrivent sur une plateforme et reçoivent un bon d’échange qui leur permet d’obtenir le billet une fois sur place. Ils donnent leur adresse électronique et reçoivent toutes les informations pertinentes par cette voie. Cette solution permet aussi au club d’opérer un contrôle sur l’identité des personnes souhaitant se déplacer.

Le club transmet directement aux supporters, quel que soit leur moyen de locomotion, une feuille de route indiquant le point de rendez-vous ou les voies d’accès au parking visiteur, l’heure d’entrée dans le stade ainsi que l’heure à partir de laquelle l’accès à la tribune sera refusé, et toutes les consignes fournies par la préfecture.

Cette pratique permet de nourrir une relation de confiance entre les autorités et le monde du football et ainsi de transformer progressivement la mauvaise réputation des supporters.

Durant le déplacement, le référent supporters, en lien avec le directeur de la sécurité des deux équipes et les autorités locales, accompagne les supporters en tribune et anticipe d’éventuels débordements. La formation des référents supporters en ce sens doit être poursuivie et renforcée.

Quant au club jouant à domicile, une réflexion a été engagée par la LFP et le syndicat Première Ligue pour améliorer l’accueil des supporters visiteurs. Ils encouragent le développement du « parcours d’accueil du supporter visiteur » qui consiste à mettre en place une signalétique et à offrir, par exemple, une collation. Il s’agit d’un moyen efficace et peu coûteux d’apaiser les tensions entre les clubs, notamment si cet accueil est réciproque.

Propositions :

– Inciter les clubs, notamment dans le cadre des formations des référents supporters, à participer et à accompagner leurs supporters dans la préparation des déplacements afin de transmettre les informations pertinentes aux préfectures d’accueil et d’éviter ainsi le recours aux arrêtés.

– Encourager les clubs à faire des efforts pour améliorer l’accueil des supporters visiteurs.

C.   Ouvrir une VOIE vers la LÉgalisation de la pyrotechnie

1.   La nécessité de parvenir à un usage encadré des fumigènes

En pratique l’interdiction des fumigènes est contournée. Malgré l’interdiction légale et les sanctions disciplinaires, les clubs négocient l’usage limité des fumigènes avec leurs supporters et se sont déclarés ouverts à l’encadrement de leur usage.

Cette volonté d’expérimentation sur les fumigènes ne résulte pas uniquement du souhait des clubs de réduire les sanctions dont ils font l’objet. En effet, les clubs engagent également leur responsabilité pénale et civile en cas d’accident. Mais les clubs font le constat que les fumigènes présentent un risque très faible : aucun des clubs rencontrés par les Rapporteurs n’a recensé de blessures causées par des fumigènes au cours des dernières saisons. S’il est possible que des brûlures légères n’aient pas été déclarées par crainte de conduire à une interdiction de stade, on peut affirmer a minima qu’aucune blessure grave n’a été provoquée par des fumigènes parmi l’échantillon de clubs consultés ([63]).

En outre, le caractère dangereux des fumigènes résulte aujourd’hui de leur interdiction qui conduit les supporters à les allumer en se dissimulant, notamment sous des bâches qui ne sont pas ignifugées.

Selon M. Romain Giraud, secrétaire général du RC Strasbourg, la situation actuelle n’est pas satisfaisante : « On est dans un marchandage avec les supporters et on reste dépendant de la qualité de notre dialogue interne ».

Pour mettre fin à cette hypocrisie, les Rapporteurs souhaitent élaborer un nouveau cadre pour permettre l’utilisation des fumigènes dans des conditions garantissant la sécurité des spectateurs et le bon déroulement des matchs.

Les Rapporteurs entendent les craintes des préfectures et de la LFP qui s’inquiètent d’une augmentation considérable de l’usage de ces engins. Selon la sous-préfecture de Lens, la concurrence entre les groupes ultras de France nourrit déjà, et nourrira encore davantage en cas de légalisation, l’utilisation croissante des fumigènes. Pour Mme Nathalie Boy de la Tour, présidente de la LFP, la légalisation d’un usage encadré des fumigènes ne permettrait pas de répondre à la motivation principale des supporters qui réside dans la transgression.

Les Rapporteurs estiment qu’un usage encadré des engins pyrotechniques est préférable à un usage sauvage, contestataire ou mettant en jeu la responsabilité civile et pénale de l’organisateur alors même que les clubs n’ont pas les moyens d’empêcher totalement l’introduction des fumigènes.

L’INS et la LFP se sont dites ouvertes à des expérimentations, sur le modèle des tribunes debout. Il y a déjà eu plusieurs craquages encadrés mais dans des conditions qui ne satisfont pas les supporters car ils avaient lieu au bord du terrain et pas dans les tribunes. D’autres formes d’expérimentations sont en cours d’élaboration : le référent supporters du RC Strasbourg a notamment expliqué aux Rapporteurs qu’il préparait un dossier pour autoriser un spectacle pyrotechnique en tribune.

2.   Garantir la sécurité des spectateurs, responsabiliser les supporters et assurer le bon déroulement du match

Une pyrotechnie encadrée pourrait être légalisée à trois conditions : garantir la sécurité des tribunes, des spectateurs et des services d’ordre ; clarifier les règles en matière de responsabilité en cas d’incident ; préserver le bon déroulement des rencontres.

a.   Trouver les conditions de sécurité adéquates

Si les cas de blessures graves semblent rares, il n’en reste pas moins que les fumigènes présentent un danger à plusieurs égards : au moment de leur « craquage » car ils éjectent de nombreuses particules brûlantes et peuvent causer des incendies, notamment à proximité de banderoles ou de bâches, lorsqu’ils émettent la fumée car celle-ci présente un niveau faible mais réel de toxicité et lorsqu’ils sont utilisés comme projectiles, ce qui doit rester sévèrement sanctionné.

Plusieurs pays ont innové pour permettre une utilisation à moindre risque des fumigènes en tribune. Lors de son audition par la mission, M. Ronan Evain, président de Football Supporters Europe, a présenté les pratiques de plusieurs autres pays :

– en Norvège et au Danemark, de nouveaux types de fumigènes, dits « froids » sont expérimentés. Ils sont moins lumineux mais aussi moins toxiques, moins chauds, tant au niveau de la flamme que du corps (au niveau de la main) et ne projettent pas d’étincelles ;

Les fumigènes froids, vers une nouvelle technologie ?

Les fumigènes sont utilisés par les supporters pour leur luminosité et la fumée qu’ils dégagent. Ils présentent trois dangers : leur chaleur, leur toxicité, et le fait qu’ils projettent des étincelles, en particulier au moment de leur allumage.

Inspirée par les expérimentations de certains pays scandinaves, l’Université d’Aix-Marseille, avec le soutien financier de l’Olympique de Marseille, mène actuellement une étude sur les caractéristiques de ces fumigènes et sur la conception de nouveaux fumigènes alliant les avantages des deux types de fumigènes « froids » et « chauds ».

L’objectif des fumigènes froids est de préserver les deux caractéristiques qui motivent leur utilisation en réduisant les risques qui y sont liés. L’expérimentation actuellement financée par l’Olympique de Marseille à l’université d’Aix-Marseille a permis de développer un prototype qui crée une fumée moins dense, qui n’émet pas de projection et qui est moins chaud (70°C pour le corps et 350°C pour la flamme, soit 300°C de moins). En revanche la luminosité est encore faible et un certain niveau de toxicité persiste.

– en Autriche, le droit d’utiliser des fumigènes est une prérogative des villes qui peuvent donner, annuellement ou ponctuellement, l’autorisation de « craquer » dans des zones dédiées. Cela a permis de réduire l’utilisation sauvage des engins pyrotechniques ;

– aux États-Unis, ce sont les pots de fumées qui ont été privilégiés car ils sont moins chauds. En revanche, le niveau de toxicité de la fumée est plus élevé et il faut que le moins de personnes possible y soient exposées.

Les Rapporteurs sont donc favorables, en vue de garantir la sécurité de l’usage des fumigènes, à ce qu’il s’opère dans une zone dédiée en tribune afin que les personnes qui pourraient souffrir de la fumée ne soient pas gênées. La poursuite des études sur les fumigènes dits « froids », dont le financement doit être pérennisé, devrait permettre d’engager des expérimentations.

Les Rapporteurs sont attachés à la distinction qui doit être faite entre les engins pyrotechniques et les engins détonants (pétards ou bombes agricoles) qui présentent un danger élevé et ne peuvent être tolérés.

Propositions :

– Poursuivre les études sur l’élaboration de nouveaux types de fumigènes pouvant offrir le même spectacle en présentant moins de risques.

– Maintenir une interdiction stricte de l’introduction et de l’utilisation des engins détonants (pétards, bombes agricoles) dans les stades.

b.   Une nouvelle répartition de la responsabilité entre les clubs et les associations de supporters

Compte tenu de l’engagement de la responsabilité civile, pénale et disciplinaire des clubs en cas d’incidents dans l’enceinte du stade, il est compréhensible qu’ils soient réticents à une légalisation des fumigènes. Les Rapporteurs considèrent que la volonté des supporters de disposer du droit d’utiliser les fumigènes implique en contrepartie qu’ils en assument la responsabilité.

L’encadrement de l’usage des engins pyrotechniques devrait permettre d’établir avec précision le nombre de fumigènes et le lieu de la tribune où ils seront allumés ainsi que le groupe de supporters qui en aura fait la demande. Dès lors, il reviendrait à ce groupe d’engager sa responsabilité civile et pénale en cas d’accident.

Cela implique que les groupes de supporters qui souhaitent utiliser des fumigènes s’organisent a minima en association loi de 1901. Il pourrait également être envisagé d’exiger qu’ils disposent de l’agrément du ministère des sports. Cette contrepartie à l’agrément, avec celle d’être impliqué dans l’organisation des déplacements, permettrait de stimuler ce dispositif.

Concernant la police des terrains et la responsabilité disciplinaire, il apparaît indispensable de passer d’une obligation de résultat à une obligation de moyens, évitant ainsi aux clubs d’être sanctionnés s’ils ont mis en œuvre l’ensemble des instruments à leur disposition, y compris la discussion avec les groupes de supporters et la mise à disposition d’espaces dédiés. Selon M. Ronan Evain, la Suède a opéré ce changement sans provoquer une hausse de l’usage des fumigènes.

Les Rapporteurs reformulent donc le souhait de mettre fin aux sanctions collectives de la commission de discipline de la LFP ([64]), au profit de sanctions financières ou sportives applicables lorsque le club n’a pas respecté ses obligations de moyens pour assurer l’usage encadré de fumigènes (discussion avec les supporters, garanties des règles de sécurité…). En cas d’usage sauvage, les poursuites ne pourraient être qu’individuelles.

Propositions :

– Soumettre les clubs à une obligation de moyens en matière d’interdiction de l’usage sauvage de fumigènes.

– Transférer aux associations de supporters qui souhaitent utiliser des fumigènes la responsabilité civile et pénale de l’organisateur en cas d’incident.

c.   Engager une phase d’expérimentation pour s’assurer de la compatibilité des fumigènes avec le bon déroulement des matchs

Il est nécessaire que l’usage des fumigènes ne vienne pas perturber le bon déroulement du match. Sur ce dernier point, il s’agit de s’assurer que les conditions de jeu restent bonnes tant s’agissant de la visibilité que de la santé des joueurs. Les diffuseurs pourraient être associés à la réflexion sur ce point car l’usage des fumigènes peut avoir pour effet de dégrader la retransmission ou de retarder le coup d’envoi.

Les Rapporteurs souhaitent qu’une phase d’expérimentation soit lancée, sous le contrôle de l’INS qui élabore actuellement un projet d’encadrement de l’usage de fumigènes à destination des clubs professionnels et des groupes de supporters qui le souhaitent, et fasse l’objet d’une évaluation. Les clubs volontaires pourraient soumettre des projets d’encadrement qui pourraient faire l’objet d’une évaluation ex-post permettant ainsi de retenir un ou plusieurs mécanismes de régulation de l’usage des engins pyrotechniques.

Les Rapporteurs sont convaincus que la voie médiane ainsi dessinée pourrait régler le sujet de désaccord majeur que représente la pyrotechnie pour les clubs, les instances, les supporters et les autorités. Elle permettrait de réduire d’autres points de crispation en limitant le nombre de sanctions, notamment collectives, et d’interdictions de stade.

Proposition :

Ouvrir une phase d’expérimentation en vue de préparer la légalisation d’un usage encadré des engins pyrotechniques dans les tribunes, en laissant aux clubs l’initiative de proposer des dispositifs d’encadrement différents, sous le contrôle et avec l’évaluation de l’Instance nationale du supportérisme.


D.   Favoriser une ambiance apaisée dans les stades et au sein des clubs

1.   Faciliter le dialogue à tous les niveaux

a.   Favoriser l’agrément des groupes de supporters

La procédure d’agrément des associations de supporters s’avère un relatif échec dans le football, avec seulement dix-sept associations agréées. Pour favoriser son déploiement, deux pistes pourraient être explorées. En premier lieu, les conditions de délivrance de l’agrément s’avèrent contraignantes et peu adaptées à la forme des associations de supporters : il serait souhaitable de les assouplir et de les aménager, afin de faciliter les démarches administratives de ces associations.

En second lieu, les Rapporteurs estiment que l’agrément devrait se traduire par davantage de contreparties et des droits supplémentaires pour les associations concernées : par exemple leur participation aux réunions de préparation des déplacements, un droit de regard sur certaines décisions du club, qu’elles soient en lien avec son identité, par exemple l’élaboration du maillot,ou avec l’organisation des rencontres, pour l’aménagement des tribunes ou de l’accueil des clubs visiteurs… Pourraient également être envisagées des contreparties en matière d’organisation des déplacements et de facilités de transport.

Proposition :

Offrir des contreparties aux groupes agréés de supporters, notamment dans le cadre de la gestion du club et de l’organisation des déplacements

b.   Valoriser le statut du référent supporter

La généralisation du référent supporters a été saluée par tous les acteurs comme une avancée majeure pour favoriser le dialogue avec les supporters et améliorer leurs relations avec les clubs et les autorités publiques ; nombre de personnes auditionnées ont évoqué un « avant » et un « après » cette réforme – même si de tels référents existaient auparavant dans certains clubs, de façon informelle.

Il apparaît utile d’aller plus loin, en confortant le rôle du référent supporters et en consolidant son statut : ces fonctions doivent être exercées à temps plein et être rémunérées à la hauteur des responsabilités qui sont les leurs– alors qu’une minorité de référents a encore un statut de bénévole – et elles doivent donner lieu à des contrats de travail à durée indéterminée. Il importe également de garantir l’indépendance des référents à l’égard des instances décisionnelles des clubs, notamment de la direction de la sécurité, pour asseoir leur légitimité auprès des supporters, et de poursuivre les efforts de formation actuellement mis en œuvre. Dans les clubs les plus importants, la désignation de deux référents supporters – comme c’est aujourd’hui le cas au PSG – apparaît utile.

Proposition :

Conforter le rôle du référent supporters, valoriser son statut, qui reste aujourd’hui précaire, et poursuivre les efforts de formation

c.   Poursuivre les avancées issues du dialogue

Comme évoqué supra, la mise en place de l’INS et le renforcement du dialogue entre les acteurs a permis d’obtenir de réelles avancées pour les supporters et de favoriser une ambiance plus sereine.

Les Rapporteurs souhaitent que ces travaux se poursuivent et que les expérimentations engagées, notamment sur la possibilité d’ouvrir des tribunes debout et sur la désignation de policiers référents lors des déplacements, qui sont unanimement considérées comme des succès, soient généralisées à l’ensemble des clubs.

Ils s’opposent en revanche aux expérimentations susceptibles de porter atteinte aux libertés fondamentales des supporters et à la protection de leurs données personnelles, par exemple l’usage de la reconnaissance faciale à l’entrée des stades. La création du fichier des interdits de stade s’est d’ores et déjà avérée être un échec et les supporters n’ont pas vocation à être les cobayes de nouvelles méthodes de sécurité.

Propositions :

 Lorsque c’est possible, augmenter les capacités des tribunes debout, dans le respect des normes de sécurité, et ouvrir à d’autres clubs la possibilité d’ouvrir une tribune debout

 Généraliser l’expérimentation, initiée par la fondation Nivel, du « policier référent » pendant les déplacements.

 Interdire les expérimentations stigmatisantes telles que la reconnaissance faciale dans les stades de football, susceptibles de renforcer l’opinion selon laquelle les supporters seraient des « citoyens de seconde zone ».

2.   Revaloriser le rôle social des clubs

a.   Développer les maisons de supporters et la responsabilité sociale des clubs

Apaiser les relations entre les supporters et les clubs, et in fine assurer une ambiance festive et sans heurts dans les stades, passe également par une plus grande reconnaissance du rôle des supporters dans les clubs et par une meilleure prise en compte de leurs attentes et de leurs besoins.

Cela a été souligné supra, les supporters jouent un rôle essentiel en termes d’animation des stades et d’ambiance, et ils participent de l’identité culturelle du club et de son enracinement dans un territoire. Les Rapporteurs estiment qu’il est nécessaire d’associer davantage les supporters à la vie du club et à sa gestion sociale. S’il ne semble pas nécessairement pertinent de les faire participer à la gestion économique des clubs ni de prévoir leur représentation dans leurs conseils d’administration, une représentation systématique des groupes de supporters au sein des associations sportives apparaît souhaitable, de même qu’au sein des instances de la Ligue de football professionnel.

Les Rapporteurs préconisent également une plus grande implication des clubs dans l’accompagnement des supporters, sans remettre en question l’autonomie et la liberté d’organisation de ces derniers. Cette orientation pourrait par exemple prendre la forme de « maisons des supporters » créées par les clubs, qui mettraient ainsi des locaux à la disposition des associations de supporters.

Les Rapporteurs proposent d’aller plus loin et d’adopter une approche ambitieuse, s’inspirant du modèle allemand des fanprojekte, en proposant aux supporters un accompagnement social, culturel et sportif articulé autour des valeurs du football, au sein de structures financées pour partie par les pouvoirs publics, notamment les collectivités locales, et pour partie par la fédération française de football – en toute indépendance à l’égard des clubs.

Le modèle des fanprojekte en Allemagne

Depuis 30 ans, la Fédération allemande de football a financé la création de fanprojekte avec le soutien des collectivités locales pour accompagner les supporters et pour leur proposer une réponse à leurs besoins sociaux. Ces structures publiques sont donc financées à hauteur de 50 % par la fédération allemande de football, de 25 % par les communes et de 25 % par les Länder.

Il existe aujourd’hui 64 fanprojekte en Allemagne. Les Rapporteurs ont eu l’opportunité de visiter celui de Karlsruhe, qui rassemble environ 200 personnes pour trois salariés à temps plein et un budget annuel de 300 000 euros.

Les fanprojekte emploient des travailleurs sociaux qui accompagnent les supporters qui en font la demande dans leur insertion professionnelle, la lutte contre les addictions, etc. Elles mènent également des actions de prévention et de socialisation (films, présentation des nouveaux joueurs, tournois de futsal…), tout en constituant une enceinte privilégiée de réunions, d’échanges et de festivités entre les supporters, notamment avant les matchs ; elles offrent un cadre pour la préparation des animations et des tifos.

Enfin, ces structures, entièrement indépendantes du club, remplissent les missions de référent supporters aussi bien dans le dialogue avec les autorités que dans l’organisation des déplacements et la coordination des différents groupes de supporters.

b.   Favoriser la prévention et la lutte contre les comportements discriminatoires

La crise de l’été 2019 a mis en évidence le fait que les instances du football (Ligue et Fédération) avaient insuffisamment considéré l’importance de la prévention et de la lutte contre les comportements discriminatoires dans le sport.

 

Alors même que ces incidents ne sont pas nouveaux, comme le rappelle la banderole « anti-chtis » des supporters parisiens lors de la finale de la coupe de France en 2008, les moyens consacrés à la détection des propos et comportements discriminatoires dans le football ont diminué. Selon M. Dominique Bodin, qui en a été un membre actif, « la création de l’observatoire des violences au sein de la FFF était une très bonne initiative mais dès 2008 on a fait le choix de le rebaptiser observatoire des comportements et on lui a progressivement retiré son rôle d’accompagnement des clubs en difficulté ». Les Rapporteurs regrettent notamment la disparition des officiers de police référents qui avaient été désignés pour accompagner les maires dans l’exercice de leurs pouvoirs de police sur les matchs amateurs à risque.

Les propos et comportements discriminatoires dans les tribunes ne font pas l’objet d’un suivi centralisé par les pouvoirs publics, notamment parce que la DNLH n’opère pas un suivi des poursuites pénales pour cette catégorie d’infractions. Seuls le renseignement territorial opère une surveillance des groupes de supporters appartenant aux mouvances d’extrême-droite et présents dans certains stades, notamment à Lyon, Lille ou encore Strasbourg.

Les Rapporteurs sont donc favorables à ce que la LFP et la FFF recourent à des salariés dédiés pour suivre les questions de lutte contre les comportements discriminatoires dans les tribunes, en accompagnant les clubs dans leurs relations avec les supporters sur ce volet spécifique. Ils ont conscience que ce problème ne concerne pas que le football et souhaiteraient que le suivi de ces questions fasse l’objet de dispositions spécifiques dans l’ensemble des conventions conclues entre le ministère des sports et les fédérations.

Les Rapporteurs envisagent qu’une modification du code du sport oblige les fédérations sportives et les ligues professionnelles – au-delà du seul football, qui est loin d’être le seul sport affecté par les comportements discriminatoires – à créer un fonds, financé à hauteur de 1 % de leur budget, pour des actions de promotion de la diversité et de lutte contre les comportements discriminatoires. Seule la sanctuarisation d’un tel budget est en mesure de garantir que des moyens seront véritablement consacrés à cette cause.

En outre, ces actions pourraient figurer dans les conventions d’objectifs signées les fédérations d’une part, et le ministère des sports ou l’agence nationale du sport, d’autre part. Pour qu’elles soient effectives, la mise en œuvre de ces obligations des instances devrait faire l’objet d’un contrôle de la part des pouvoirs publics, sous peine de résiliation de la convention.

Il serait également utile de mieux former les forces de l’ordre et les stadiers à la détection des comportements discriminatoires. Certains signes, gestes ou slogans ne sont pas détectés dans les tribunes alors qu’ils constituent des délits et peuvent avoir par la suite un retentissement important au sein des mouvances d’extrême-droite, notamment, et plus généralement, porter atteinte à l’image du football et de l’ensemble des supporters.

La prévention des comportements discriminatoires repose également sur l’ampleur des moyens mis à disposition du football amateur, qui sont très insuffisants, ce qui met en difficulté de nombreux clubs. Il est donc nécessaire de renforcer le Fonds d’aide au football amateur (FAFA), qui, doté d’environ 15 millions d’euros, participe au financement de différents projets, surtout en matière d’équipements, mais aussi de formation ([65]) .

Enfin, il serait utile d’explorer d’autres modes d’action en cas de comportements discriminatoires chez les supporters, en proposant à ces derniers des stages de sensibilisation, en alternative à une interdiction commerciale de stade, par exemple – comme cela se pratique aux Pays-Bas. Cette approche plus constructive apparaît davantage de nature à faire évoluer les comportements qu’une mesure répressive et génératrice de tensions.

Propositions :

– Prévoir dans les conventions entre le ministère des sports et les fédérations l’obligation de consacrer des salariés à l’accompagnement des clubs dans la prévention et la lutte contre les comportements discriminatoires, notamment auprès de leurs supporters.

– Créer un fonds 1 % anti-discrimination dans chacune des instances, destiné à garantir le financement des actions conduites par les fédérations et les ligues professionnelles

– Former les stadiers et les forces de police à la reconnaissance des messages, insignes et comportements à caractère discriminatoire.

– Renforcer le Fonds d’aide au football amateur (FAFA) et les financements fléchés vers les programmes de prévention et de lutte contre les comportements discriminatoires.

– Prévoir des stages de sensibilisation, en alternative à une interdiction commerciale, pour les supporters ayant manifesté des comportements discriminatoires.

 


—  1  —

   Travaux deS commissionS

Lors de leur réunion du mercredi 20 mai 2020, la commission des Lois et la commission des Affaires culturelles ont examiné ce rapport d’information et, à l’unanimité, en ont autorisé la publication.

Ces débats ne font pas l’objet d’un compte rendu et sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/LlXa9Q


—  1  —

   Liste des propositions

Propositions concernant le dialogue entre les supporters, les clubs, les instances et les pouvoirs publics :

– Renforcer la représentation des supporters au niveau national en intégrant davantage d’associations au sein de l’ANS ou dans une instance plus large ;

– Favoriser l’agrément des associations de supporters en assouplissant les démarches de déclaration et en offrant davantage de droits aux associations agréées ;

– Offrir des contreparties aux groupes agréés de supporters, notamment dans le cadre de la gestion du club et de l’organisation des déplacements ;

– Conforter le rôle du référent supporters, valoriser son statut, qui reste aujourd’hui précaire, et poursuivre les efforts de formation.

Propositions concernant les interdictions administratives de stade :

– Renforcer la transparence des données relatives aux IAS (motifs, durée, annulations…) en faisant remonter les données des préfectures et des juridictions administratives ;

– Réduire la durée maximale des IAS à six mois (douze mois en cas de récidive) ;

– Clarifier les motifs des IAS, en supprimant la notion de « comportement d’ensemble » ;

– Faciliter le recours en référé liberté ou en référé suspension ;

– Supprimer la possibilité de cumuler IJS et IAS ;

– Aménager la mise en œuvre des obligations de pointage afin qu’elles ne se transforment pas en deuxième sanction.

Propositions concernant les interdictions commerciales de stade :

– Encadrer la mise en œuvre des ICS, en précisant les motifs qui peuvent les justifier, pour éviter qu’elles ne se substituent aux IAS ;

– Fixer une durée maximale (ne pouvant en tout état de cause excéder une saison) pour les ICS ainsi qu’une procédure contradictoire, permettant d’entendre les personnes concernées.

Propositions concernant les interdictions de déplacement :

– Confier la direction de la DNLH à un préfet et renforcer l’autorité de ses avis ;

– Veiller à la mise en œuvre de la circulaire du 18 novembre 2019 prévoyant la tenue de réunions préparatoires au moins trois semaines avant les rencontres sensibles et associer le plus grand nombre d’intervenants à ces réunions : préfectures d’accueil et d’origine, représentants et référents supporters des deux clubs ainsi, éventuellement, que des représentants des associations de supporters et des diffuseurs du match ;

– En contrepartie de l’agrément, donner la possibilité aux groupes de supporters de participer aux réunions de préparation des déplacements ;

– Encadrer l’ancienneté des évènements pouvant être mentionnés pour motiver un arrêté d’interdiction ou d’encadrement de déplacement ;

– Rendre les arrêtés concernant les déplacements des supporters accessibles en ligne sur une plateforme dédiée, accompagnés des plans permettant de visualiser les éventuels points de rendez-vous et zones interdites aux supporters ;

 Généraliser l’expérimentation, initiée par la fondation Nivel, du « policier référent » pendant les déplacements.

Propositions concernant la prévention et la lutte contre les comportements dicriminatoires :

– Prévoir dans les conventions entre le ministère des sports et les fédérations l’obligation de consacrer des salariés à l’accompagnement des clubs dans la prévention et la lutte contre les comportements discriminatoires, notamment auprès de leurs supporters ;– Créer un fonds 1 % anti-discrimination dans chacune des instances, destiné à garantir le financement des actions conduites par les fédérations et les ligues professionnelles

– Former les stadiers et les forces de police à la reconnaissance des messages, insignes et comportements à caractère discriminatoire.

– Renforcer le Fonds d’aide au football amateur (FAFA) et les financements fléchés vers les programmes de prévention et de lutte contre les comportements discriminatoires.

– Prévoir des stages de sensibilisation, en alternative à une interdiction commerciale, pour les supporters ayant manifesté des comportements discriminatoires.

Propositions concernant l’aménagement des stades :

 Lorsque c’est possible, augmenter les capacités des tribunes debout, dans le respect des normes de sécurité, et ouvrir à d’autres clubs la possibilité d’ouvrir une tribune debout ;

– Engager une réflexion sur la construction des stades et l’aménagement de leurs abords afin de favoriser l’accès et la sécurité des joueurs et des supporters visiteurs ;

– Inciter les clubs, notamment dans le cadre des formations des référents supporters, à participer et à accompagner leurs supporters dans la préparation des déplacements afin de transmettre les informations pertinentes aux préfectures d’accueil et d’éviter ainsi le recours aux arrêtés ;

– Encourager les clubs à faire des efforts pour améliorer l’accueil des supporters visiteurs.

 

Propositions concernant l’usage des engins pyrotechniques :

– Interdire, par la loi, le prononcé ou enjoindre à la Ligue de renoncer aux sanctions collectives et engager une réflexion sur le rôle de la commission de discipline de la LFP ;

– Poursuivre les études sur l’élaboration de nouveaux types de fumigènes pouvant offrir le même spectacle en présentant moins de risques ;

– Maintenir une interdiction stricte de l’introduction et de l’utilisation des engins détonants (pétards, bombes agricoles) dans les stades ;

– Soumettre les clubs à une obligation de moyens en matière d’interdiction de l’usage sauvage de fumigènes ;

– Transférer aux associations de supporters qui souhaitent utiliser des fumigènes la responsabilité civile et pénale de l’organisateur en cas d’incident ;

– Ouvrir une phase d’expérimentation en vue de préparer la légalisation d’un usage encadré des engins pyrotechniques dans les tribunes, en laissant aux clubs l’initiative de proposer des dispositifs d’encadrement différents, sous le contrôle et avec l’évaluation de l’Instance nationale du supportérisme.


—  1  —

   LISTE DES Personnes ENTENDUES

Jeudi 5 septembre 2019

   M. Antoine Mordacq, commissaire de police, chef de la division

   M. Skander Karaa, conseiller en charge des affaires parlementaires, juridiques et institutionnelles au cabinet de la ministre des sports

   M. David Brinquin, chargé de mission « Éthique et valeurs du sport » à la direction des sports

   M. Tom Dufieu, membre

   M. Kilian Valentin, membre

   Mme Mathilde Mandelli, membre

   M. Cyril Dubois, avocat de l’association

   M. Frédéric Potier, délégué interministériel

   M. Stéphane Bretout, chargé de mission

   M. Nicolas Hourcade, professeur agrégé de sciences sociales à l’Ecole centrale de Lyon

   M. Ludovic Lestrelin, enseignant-chercheur à l’Université de Caen Normandie

   M. Sébastien Louis, historien

Jeudi 26 septembre 2019

   M. Philippe Diallo, directeur général

   M. Matthieu Berdah, juriste

 

   M. Christian de Rocquigny du Fayel, sous-directeur de la justice pénale générale

   Mme Claire Quesnel, adjointe au chef du bureau de la politique pénale générale

   M. Gilles Quénéhervé, directeur

   Mme Nadine Richard, sous-directrice de l’action territoriale, du développement des pratiques sportives et de l’éthique du sport

   M. David Brinquin, chargé de mission

   M. Sébastien Deneux, président

   Mme Émilie Marcheval, responsable juridique

   M. Kenny Jean-Marie, directeur de cabinet du président

   M. Thomas Campeaux, directeur

   M. Guillaume Saour, sous-directeur des polices administratives

   M. Christophe Borgus, chef du bureau des polices administratives

   M. Martin Alline, adjoint au chef du bureau

Jeudi 3 octobre 2019

   Mme Nathalie Boy de la Tour, présidente

   M. Arnaud Rouger, directeur des activités sportives

   M. Julien Taïeb, responsable juridique et affaires publiques

   M. Paul Goze, président

   Mme Anne-Sophie Sarrazin, directrice compétitions et stades

   M. Jean Broqua, chargé de mission compétitions et stades

   M. Paul Hébert, directeur-adjoint de la conformité

   Mme Émilie Seruga-Cau, cheffe du service des affaires régaliennes et des collectivités territoriales

   Mme Tiphaine Havel, conseillère pour les questions institutionnelles et parlementaires

   M. Jérôme Karsenti, membre

   Mme Anne-Charlotte Varin, directrice des affaires publiques

Jeudi 17 octobre 2019

   M. Ronan Evain, président

   M. Sylvain Coopman, président

   M. Hermann Ebongue, président

   M Guillaume Traynard, avocat

   M. Yoann Lemaire, président

   M. Julien Pontes, porte-parole

   M Etienne Deshoulières, avocat

   M. Stéphane Tournu Romain, directeur

Jeudi 12 décembre 2019

   M. Bruno Belgodère, directeur des affaires économiques

   Mme Morgane Duval, directrice juridique

   M. Julien Marion, directeur de la police générale

Jeudi 20 février 2020

   M. Éric Thomas, président

   M. Florian Le Teuff, président du Conseil national des supporters de football

 

 


—  1  —

   DÉplacements effectuÉs par la mission

Déplacement à Lens, le 16 janvier 2020

   M. Jean-François Raffy, sous-prefet de Lens

   M. Nicolas Jolibois, directeur départemental de la sécurité publique

   M. Jean-François Ral, directeur des sécurités de la préfecture

   M. Emmanuel Desjars, commissaire divisionnaire, chef de la circonscription de sécurité publique de Lens

   M. Arnaud Pouille, directeur général

   M. Raphaël Pollet, responsable sécurité

   M. Laurent Hochard, référent supporters

   M. Matthieu Vuattier Dujardin

   M. Yannick Kepanowski

   M. Victor Liébana

Déplacement à Marseille, le 6 février 2020

   M. Frédéric Pizzini, commissaire divisionnaire, conseiller du préfet de police

   M. Philippe Scotto di Vettimo, major de police

   M. Philippe Combaz, chef du service d'ordre public

   M. Jacques-Henri Eyraud, président

   Mme Florence Haezebrouck, responsable sureté et sécurité évènementielle

   M. Julien Di Napoli, responsable de l’expérience du public

   M. Hervé Chalchitis, référent supporters

   M. Théo Siffrein Blanc, chargé de mission auprès du président

   Mme Elodie Malatrait, responsable des relations publiques

Déplacement au Parc des Princes, à Paris, le 20 février 2020

   M.  Victoriano Melero, secrétaire général

   M. Michel Besnard, directeur sécurité sûreté

   M. Clément Laborieux, référent supporters

   M. Romain Mabille, président

   M. Cyrille Dubois, avocat

Déplacement à Strasbourg, le 21 février 2020

   M. Dominique Schuffenecker, directeur de cabinet de la préfète de la région Grand Est

   Mme Nathalie Fromeyer, cheffe du bureau de la planification opérationnelle

   M. Romain Giraud, secrétaire général

   M. Arnaud Szymanski, référent supporter

   M. Volker Körenzig, responsable

 


—  1  —

   Annexes

ANNEXE I : DONNÉES RECUEILLIES SUR LES IAS

Les tableaux ci-après retracent les données sur la répartition des IAS par motif et par durée, transmises par les préfectures sollicitées par les rapporteurs.

Les chiffres correspondant à la ventilation des IAS par motifs sont parfois supérieurs aux chiffres des IAS prononcées et ventilées par durée ; en effet, pour certaines préfectures, lorsque les IAS ont des motifs multiples (par exemple ivresse et détention de fumigènes), ces derniers sont tous renseignés, tandis que d’autres préfectures retiennent un motif principal.


 

      Données recueillies auprès de la préfecture des Alpes-Maritimes (Nice)

rÉpartition des IAS prononcÉes dans les Alpes Maritimes par motifs depuis 2013

 

2013-14

2014-15

2015-16

2016-17

2017-18

2018-19

2019-20

Total

En %

Dégradation en tribune

 

 

 

 

8

 

 

8

5,2 %

Pénétration sur l'aire de jeu

 

11

 

6

1

1

 

19

12,4 %

Stupéfiants

 

5

1

 

 

 

 

6

3,9 %

Outrage et menaces aux forces de l'ordre

1

2

3

1

 

 

 

7

4,6 %

Violences volontaires

9

9

17

2

 

 

1

38

24,8 %

Introduction d'armes

 

2

 

2

 

 

 

4

2,6 %

Introduction, détention ou usage d'engins pyrotechniques

8

14

7

19

14

1

 

63

41,2 %

Pénétration en état d'ébriété ou avec de l'alcool

1

5

 

1

 

1

 

8

5,2 %

Total

19

48

28

31

23

3

1

153

100,00 %

 

rÉpartition des IAS prononcÉes dans les Alpes Maritimes par durÉe depuis 2013

 

2013-14

2014-15

2015-16

2016-17

2017-18

2018-19

2019-20

Total

En %

Un match

 

6

 

 

11

 

 

17

11,1 %

2 mois

 

 

 

2

 

 

 

2

1,3 %

3 mois

 

2

 

3

 

2

1

8

5,2 %

4 mois

 

 

1

 

 

 

 

1

0,65 %

6 mois

11

31

8

21

9

 

 

80

52,3 %

12 mois

6

6

11

5

3

1

 

32

20,9 %

24 mois

2

3

8

 

 

 

 

13

8,5 %

Total

19

48

28

31

23

3

1

153

100 %

 


 

      Données recueillies auprès de la préfecture du Bas-Rhin (Strasbourg)

rÉpartition des IAS prononcÉes dans le bas-rhin par motifs depuis 2015

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Total

En %

Intentions provocatrices, gestes obscènes vers les supporters adverses

 

 

 

 

4

 

4

6,3 %

Pénétration sur l'aire de jeu

 

 

 

 

1

 

1

1,6 %

Violences volontaires

5

 

5

9

1

1

21

32,8 %

Outrage sur personne dépositaire de l'autorité publique

 

1

 

 

 

 

1

1,6 %

Introduction, détention ou usage d'engins pyrotechniques

 

1

12

 

4

3

20

31,3 %

Pénétration en état d'ivresse ou avec de l'alcool

1

 

2,5

2

0,5

 

6

9,4 %

Insultes racistes

2

 

 

 

 

 

2

3,1 %

Jet de projectiles sur la pelouse

 

3

0,5

1

4,5

 

9

14,1 %

Total

8

5

20

12

15

4

64

100,0 %

Note de lecture : ne sont pas prises en compte les 49 IAS prononcées en 2019 pour non-respect d’un arrêté d’interdiction de déplacement.

rÉpartition des IAS prononcÉes dans le bas-rhin par durÉe depuis 2015

 

IAS prononcées entre 2015 et 2020

En %

1 mois

2

3,1 %

3 mois

2

3,1 %

6 mois

16

25,0 %

12 mois

43

67,2 %

24 mois

1

1,6 %

Total

64

100,00 %


 

      Données recueillies auprès de la préfecture des Bouches-du-Rhône (Marseille)

rÉpartition des procÉdures d’IAS engagÉes dans les Bouches-du-Rhône par motifs depuis 2014

 

 

2014-15

2015-16

2016-17

2017-18

2018-19

2019-20

Total

En %

Dégradation de biens

 

4

4

 

5

6

19

7,31 %

Pénétration sur l'aire de jeu

 

2

7

 

 

2

11

4,23 %

Outrages ou violences volontaires sur personne dépositaire de l'autorité publique

4

17

13

11

29

5

79

30,38 %

Introduction, détention ou usage d'engins pyrotechniques

17

11

38

25

11

3

105

40,38 %

Autres

1

4

6

21

4

10

46

17,69 %

Total

22

38

68

57

49

26

260

100,00 %

Note de lecture : les chiffres figurant dans le tableau correspondent aux procédures d’IAS engagées, et non aux IAS effectivement prononcées.

rÉpartition des IAS prononcÉes dans les Bouches-du-Rhône par durÉe depuis 2014

 

2014-15

2015-16

2016-17

2017-18

2018-19

2019-20

Total

En %

3 mois

 

1

 

 

 

 

1

0,5 %

4 mois

1

 

 

 

 

 

1

0,5 %

6 mois

 

1

2

4

1

 

8

4,3 %

12 mois

24

32

40

47

22

5

170

92,4 %

24 mois

1

 

2

 

1

 

4

2,2 %

Total

26

34

44

51

24

5

184

100,00 %

 

 


 

      Données recueillies auprès de la préfecture de la Loire (Saint-Étienne)

rÉpartition des IAS prononcÉes dans la loire par motifs depuis 2013

 

2013-14

2014-15

2015-16

2016-17

2017-18

2018-19

Total

En %

Vente à la sauvette d'un billet

2

1

2

 

 

 

5

2,1 %

Dégradation en tribune

3

1

 

 

1

 

5

2,1 %

Pénétration sur l'aire de jeu

4

1

 

1

 

 

6

2,5 %

Stupéfiants

15

41

 

1

 

 

57

23,7 %

Outrage et menaces aux forces de l'ordre

4

 

3

 

 

 

7

2,9 %

Violences volontaires

3

13

3

2

3

1

25

10,4 %

Violences volontaires sur personne dépositaire de l'autorité publique

6

4

 

 

 

 

10

4,1 %

Introduction d'armes

3

 

 

 

 

 

3

1,2 %

Introduction, détention ou usage d'engins pyrotechniques

5

28

8

28

8

10

87

36,1 %

Pénétration en état d'ébriété ou avec de l'alcool

5

7

8

1

2

5

28

11,6 %

Insultes racistes

3

 

 

 

 

 

3

1,2 %

Autres

2

3

 

 

 

 

5

2,1 %

Total

55

99

24

33

14

16

241

100,0 %

 

rÉpartition des IAS prononcÉes dans la loire par durÉe depuis 2013

 

2013-14

2014-15

2015-16

2016-17

2017-18

2018-19

Total

En %

3 mois

 

1

5

1

 

1

8

3,51 %

4 mois

1

40

 

 

 

 

41

17,98 %

5 mois

 

2

 

 

 

 

2

0,88 %

6 mois

20

14

6

19

2

11

72

31,58 %

9 mois

2

2

 

2

 

 

6

2,63 %

10 mois

 

1

2

 

 

 

3

1,32 %

12 mois

19

31

10

11

9

4

84

36,84 %

18 mois

 

 

1

 

 

 

1

0,44 %

24 mois

4

4

 

 

2

 

10

4,39 %

36 mois

 

 

 

 

1

 

1

0,44 %

Total

46

95

24

33

14

16

228

100,00 %

 

      Données recueillies auprès de la préfecture de Loire-Atlantique (Nantes)

rÉpartition des IAS prononcÉes en loire Atlantique par motifs depuis 2014

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Total

En %

Dégradation en tribune

 

 

 

 

1

 

 

1

0,8 %

Non-respect d'un arrêté d'interdiction de déplacement

 

 

 

5

2

 

 

7

5,5 %

Pénétration sur l'aire de jeu

1

 

3

 

 

 

 

4

3,1 %

Violences volontaires

10

2

4

10

4

4

 

34

26,8 %

Introduction d'armes

1

 

 

 

 

 

 

1

0,8 %

Introduction, détention ou usage d'engins pyrotechniques

9

7

5

2

11

5

 

39

30,5 %

Pénétration en état d'ivresse ou avec de l'alcool

11

8

6

5

6

6

 

42

32,8

Total

32

17

18

22

24

15

0

128

100,0 %

 

rÉpartition des IAS prononcÉes en loire Atlantique par durÉe depuis 2014

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Total

En %

1 mois

7

7

 

4

 

 

18

15,25 %

2 mois

 

 

3

3

 

 

6

5,08 %

3 mois

16

7

3

 

2

2

30

25,42 %

6 mois

6

1

6

2

5

2

22

18,64 %

9 mois

 

 

 

1

1

3

5

4,24 %

12 mois

2

2

4

7

11

4

30

25,42 %

18 mois

 

 

 

 

 

 

0

0,00 %

24 mois

1

 

 

 

2

2

5

4,24 %

36 mois

 

 

 

 

2

 

2

1,69 %

Total

32

17

16

17

21

13

118

100,00 %

 


 

      Données recueillies auprès de la préfecture du Nord (Lille)

rÉpartition des IAS prononcÉes dans le Nord par motifs depuis 2014

 

 

2014

2015

2016

2017

2018

Total

En %

Non-respect d'un arrêté d'interdiction de déplacement

 

 

 

30

 

30

34,9 %

Pénétration sur l'aire de jeu

 

 

 

 

8

8

9,3 %

Violences volontaires

4

1

1

3

2

11

12,8 %

Introduction, détention ou usage d'engins pyrotechniques

4

8

9

4

1

26

30,2 %

Pénétration en état d'ivresse ou avec de l'alcool

1

1

2

 

 

4

4,7 %

Insultes racistes, provocation à la haine ou à la violence

 

 

 

 

1

1

1,2 %

Jet de projectiles sur la pelouse

 

4

 

 

2

6

7 %

Total

9

14

12

37

14

86

100,0 %

 

rÉpartition des IAS prononcÉes dans le Nord par durÉe depuis 2014

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Total

En %

1 mois

1

 

 

 

 

 

 

1

1,18 %

2 mois

1

2

 

 

 

 

 

3

3,53 %

3 mois

3

 

 

 

 

 

 

3

3,53 %

6 mois

2

6

3

1

1

 

 

13

15,29 %

9 mois

 

 

 

23

 

 

 

23

27,06 %

12 mois

2

5

9

9

2

 

 

27

31,76 %

24 mois

 

 

 

4

10

 

 

14

16,47 %

36 mois

 

 

 

 

1

 

 

1

1,18 %

Total

9

13

12

36

14

0

 

84

100,00 %

 


      Données recueillies auprès de la préfecture de police de Paris

rÉpartition des IAS prononcÉes par la prÉfecture de police de paris par motifs depuis 2015

 

2015-16

2016-17

2017-18

2018-19

2019 20

Total

En %

Ventes à la sauvette d'un billet

3

 

 

 

 

3

1,9 %

Accès sans billet à une tribune

1

 

 

 

 

1

0,6 %

Dégradation en tribune

1

 

 

 

 

1

0,6 %

Non-respect d'un arrêt d'interdiction de déplacement

28

 

 

 

 

28

17,9 %

Pénétration sur l'aire de jeu

1

 

 

1

 

2

1,3 %

Stupéfiants

 

 

 

1

 

1

0,6 %

Outrage et menaces aux forces de l'ordre

0,5

3

0,5

1

2

7

4,5 %

Participation à une manifestation et menaces de policiers

 

 

 

1

 

1

0,6 %

Violences volontaires

 

 

1

6

 

7

4,5 %

Introduction d'armes

1

3

 

3

 

7

4,5 %

Introduction, détention ou usage d'engins pyrotechniques

3

3

26,5

13

9

54,5

34,9 %

Pénétration en état d'ébriété ou avec de l'alcool

22,5

4

5

10

2

43,5

27,9 %

Total

61

13

33

36

13

156

100,0 %

 


 

      Données recueillies auprès de la préfecture du Pas-de-Calais (Lens)

rÉpartition des IAS prononcÉes dans le pas-de-calais par motifs depuis 2013

 

2013-14

2014-15

2015-16

2016-17

2017-18

2018-19

2019-20

Total

En %

Dégradation en tribune

 

 

5

 

 

 

 

5

5,9 %

Non-respect d'un arrêt d'interdiction de déplacement

 

 

 

 

 

14

 

14

16,5 %

Pénétration sur l'aire de jeu

 

 

2

1

1

 

 

4

4,7 %

Violences volontaires

1

 

 

2

 

1

 

4

4,7 %

Violences volontaires sur personne dépositaire de l'autorité publique

1

 

8

1

0,5

 

2

12,5

14,7 %

Outrage sur personne dépositaire de l'autorité publique

 

 

1

 

 

 

 

1

1,2 %

Introduction d'armes

 

 

2

 

 

 

 

2

2,4 %

Introduction, détention ou usage d'engins pyrotechniques

 

3

9

12

7

7

1

39

45,9 %

Pénétration dans le stade en état d'ébriété ou avec de l'alcool

 

 

 

 

0,5

1

 

1,5

1,8 %

Insultes racistes, provocation à la haine ou à la violence

 

 

 

 

 

1

 

1

1,2 %

Jet de projectiles sur la pelouse

 

1

 

 

 

 

 

1

1,2 %

Total

2

4

27

16

9

24

3

85

100,0 %

 

rÉpartition des IAS prononcÉes dans le pas-de-calais par durÉe depuis 2010

 

IAS prononcées entre 2010 et 2020

En %

1 mois

1

0,8 %

2 mois

1

0,8 %

3 mois

9

6,8 %

5 mois

1

0,8 %

6 mois

85

64,4 %

8 mois

1

0,8 %

12 mois

34

25,8 %

Total

132

100,00 %


 

      Données recueillies auprès de la préfecture du Rhône (Lyon)

rÉpartition des IAS prononcÉes dans le RhÔne par motifs depuis 2014

 

2014-15

2015-16

2016-17

2017-18

2018-19

2019-20

Total

En %

Vol, usage de laser

 

1

3

 

4

 

8

5,4 %

Non-respect d'un arrêté d'interdiction de déplacement

1

 

 

 

2

 

3

2,0 %

Pénétration sur l'aire de jeu

 

 

5

1

2

 

8

5,4 %

Violences volontaires

4

1

25

1

3

 

34

22,8 %

Outrage sur personne dépositaire de l'autorité publique

 

 

 

1

 

 

1

0,7 %

Introduction d'armes

 

1

1

 

 

 

2

1,3 %

Introduction, détention ou usage d'engins pyrotechniques

11

13

9

14

3

6

56

37,6 %

Pénétration en état d'ivresse ou avec de l'alcool

3

 

 

 

1

1

5

3,4 %

Insultes racistes, provocation à la haine ou à la violence

3

 

 

1

1

 

5

3,4 %

Jet de projectiles sur la pelouse

 

2

1

4

16

3

26

17,4 %

Banderole d'une association dissoute

1

 

 

 

 

 

1

0,7 %

Total

23

18

44

22

32

10

149

100 %

 

rÉpartition des IAS prononcÉes dans le RhÔne par durÉe depuis 2014

 

2014-15

2015-16

2016-17

2017-18

2018-19

2019-20

Total

En %

1 mois

5

5

 

2

7

 

19

12,75 %

2 mois

 

 

12

1

 

 

13

8,72 %

3 mois

15

11

7

12

20

4

69

46,31 %

4 mois

 

 

 

1

 

 

1

0,67 %

6 mois

1

2

12

3

4

6

28

18,79 %

9 mois

1

 

1

2

 

 

4

2,68 %

12 mois

 

 

2

1

1

 

4

2,68 %

18 mois

1

 

10

 

 

 

11

7,38 %

Total

23

18

44

22

32

10

149

100,00 %

 


ANNEXE II : Circulaire du 18 novembre 2019

   


([1])              La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

([2]) Voir les ouvrages Among the thugs de Bill Bufford, Football Factory et Aux couleurs de l’Angleterre de John King, ou encore Une saison de Vérone de Tim Parks.

([3])              Nick Horby, Carton Jaune.

([4])              Contribution écrite de M. Ludovic Lestrelin.

([5])              Nicolas Hourcade, « L’émergence des supporters "ultras" en France », Émergences culturelles et jeunesse populaire. L’Harmattan, 2003, p. 75.

([6])              Contribution écrite de Ludovic Lestrelin.

([7])              Loi n° 92-652 du 13 juillet 1992 modifiant la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives et portant diverses dispositions relatives à ces activités.

([8])              Article 3 de la loi n° 93-1282 du 6 décembre 1993 relative à la sécurité des manifestations sportives.

([9])              Articles L. 332-3 et L. 332-4 du code pénal.

([10])              Article L. 332-6 du code pénal.

([11])              Respectivement les articles L. 332-8, L. 332-9 et L. 332-10 du code pénal.

([12])              Articles 222-11 à 222-13, 322-1 à 322-4, 322-6, 322-11 et 433-6 du code pénal.

([13])              Article 4 de la loi n° 2016-564 du 10 mai 2016 renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme.

([14])              Article 31 de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.

([15])              Article 3 de la loi n° 2006-784 du 5 juillet 2006 relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives.

([16])              Article 10 de la loi n° 2010-201 du 2 mars 2010 renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public.

([17])              Article 64 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

([18])              Articles 3 et 4 de la loi n° 2016-564 du 10 mai 2016 renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme.

([19])               Commentaire d’une décision n° 2017-637 QPC du 16 juin 2017. Cette question prioritaire soulevée par l’Association nationale des supporters portait sur la conformité aux droits et libertés constitutionnelles des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 332-1 du code du sport, c’est-à-dire les interdictions commerciales de stade (voir infra) introduites par la loi du 10 mai 2016. 

([20])              Rapport de M. Guillaume Larrivé, fait au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale, sur la proposition de loi renforçant la lutte contre le hooliganisme, enregistré le 27 janvier 2016.

([21])              Arrêté du 28 août 2007 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel relatif aux personnes interdites de stade.

([22])              Le fichier comporte des données relatives à l’identité de la personne, ainsi que celles portant sur la mesure d’interdiction, notamment sa nature administrative ou judiciaire, sa durée de validité, son champ géographique, le cas échéant l’obligation de pointage et le lieu de pointage.

([23])              Sur le fondement du I de l’article 25 de la loi du 6 janvier 1978. Le PSG a d’ailleurs fait l’objet d’une mise en demeure de la CNIL en août 2013 pour ne pas avoir formulé cette demande d’autorisation. Le PSG a été ensuite été autorisé à établir un tel fichier des interdits de stade par une délibération du 7 novembre 2013.

([24])              À noter que le texte initial a été substantiellement remanié au cours des débats pour resserrer le périmètre du dispositif, puisque la proposition de loi prévoyait initialement que l’interdiction d’accès à un match pouvait être opposée à une personne « susceptible de porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, ou aux dispositions prises par les organisateurs pour assurer le bon déroulement de ces manifestations », soit une formulation particulièrement large.

([25])              Décret n° 2016-1954 du 28 décembre 2016 précisant les modalités de mise en œuvre des traitements automatisés de données à caractère personnel relatives au non-respect des dispositions des conditions générales de vente ou du règlement intérieur concernant la sécurité des manifestations sportives à but lucratif.

([26])               Loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure

([27])               Articles L. 332-16-1 et L. 332-16-2 du code du sport.

([28])               Articles L. 332-16-1 et L. 332-16-2 du code du sport.

([29])               Article L. 332-16-1 du code du sport.

([30])               Article L. 332-16-2 du code du sport.

([31])               Bilan annuel 2018-2019 de la DNLH, p. 5.

([32])               Audition de Christian de Rocquigny Du Fayel, sous-directeur de la justice pénale générale.

([33])              Décret n° 97-199 du 5 mars 1997 relatif au remboursement de certaines dépenses supportées par les forces de police et de gendarmerie

([34])              Nicolas Hourcade, « L’émergence des supporters "ultras" en France », Émergences culturelles et jeunesse populaire. L’Harmattan, 2003, p. 75.

([35])               Chiffres fournis par la direction des sports.

([36])               Voir III. D. 2. a.

([37])               Loi n° 2016-564 du 10 mai 2016 renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme.

([38])               Nicolas Hourcade, Ludovic Lestrelin, Patrick Mignon, Livre vert du supportérisme, octobre 2010.

([39])               Articles D. 224-2 et D. 224-3 du code du sport.

([40])               La loi du 13 juillet 1992 précisait que « seules des places assises peuvent être prévues dans les tribunes ».

([41])               Voir II. C.

([42])               Voir I. A. 2. b.

([43])               Décret n° 2016-957 du 12 juillet 2016 pris pour l’application de l’article 6 de la loi n° 2016-564 du 10 mai 2016 renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme.

([44])               Articles D. 224-9 et D. 224-10 du code du sport

([45])               Article D. 224-2 du code du sport.

([46])               Article L. 224-3 du code du sport.

([47])               Rapport n° 117 de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois du Sénat, sur le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, déposé le 6 décembre 2005.

 

([48])              Paris, Alpes-Maritimes (Nice), Bas-Rhin (Strasbourg), Bouches-du-Rhône (Marseille), Loire (Saint-Etienne), Loire Atlantique (Nantes), Nord (Lille), Pas-de-Calais (Lens), Rhône (Lyon).

([49])              Hors prise en compte des 49 IAS prises pour violation d’un arrêté préfectoral d’interdiction de déplacement.  

([50])              Le juge administratif a ainsi jugé que « la simple méconnaissance d’un arrêté restreignant la circulation et le stationnement dans les abords du stade ne suffi[sai]t pas à caractériser un acte grave de nature à menacer l’ordre public » au sens des dispositions de l’article L. 332-16 du code du sport – sachant qu’il « n’était pas par ailleurs établi, ni même sérieusement allégué, que le supporter se serait, à cette occasion, rendu coupable d’exactions ou aurait eu un comportement violent ou inapproprié ».

 

([51])               Alpes-Maritimes (Nice), Bas-Rhin (Strasbourg), Bouches-du-Rhône (Marseille), Loire (Saint-Étienne), Loire Atlantique (Nantes), Nord (Lille), Pas-de-Calais (Lens), Rhône (Lyon).

([52])              Dont 13 par la préfecture des Alpes-Maritimes, 14 par la préfecture du Nord et 10 par la préfecture de la Loire.  

([53])               Articles L. 332-16-1 et L. 332-16-2 du code du sport.

([54])               Voir 1. A. 2. a.

([55])               Conseil d’État, juge des référés, 18 janvier 2020, n° 437733.

([56])               Le déplacement des supporters lensois a été interdit le 9 décembre 2019 pour une rencontre ayant lieu le 14 décembre 2019.

([57])               Audition des groupes de supporters de l’Olympique de Marseille.

([58])              Il est par ailleurs possible de cumuler sanctions judiciaires et sanctions administratives, ainsi que l’a relevé le Conseil d’État dans un avis d’assemblée générale du 29 avril 2004. Le Conseil d’État relève que le principe « non bis in idem » ne s’oppose pas à ce qu’il soit infligé, à raison des mêmes faits, une sanction pénale et une sanction administrative ou professionnelle « dès lors que l’institution de chacun de ces types de sanctions repose sur un objet différent et tend à assurer la sauvegarde de valeurs ou d’intérêts qui ne se confondent pas » (CE, avis, Section de l’intérieur, 29 avril 2004, n° 370136). Le Conseil constitutionnel a également jugé que le cumul entre sanctions judiciaires et administratives était conforme à la Constitution (par exemple, en matière fiscale, dans une décision n° 2018-745 QPC du 23 novembre 2018, pour le cumul de sanctions pénales et fiscales).

([59])               Voir chiffres infra.

([60])               https://www.sofoot.com/les-ultras-bordelais-craquent-des-fumigenes-pour-protester-contre-leurs-dirigeants-476323.html.

([61])              Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT

([62])              FIFA, « Procédure à trois étapes en cas d’incident à caractère discriminatoire », Circulaire n° 1682 du 25 juillet 2019

([63])               Cette question a été posée à l’ensemble des clubs rencontrés au cours de la mission : RC Lens, RC Strasbourg, Olympique de Marseille, Paris-Saint-Germain.

([64])               Voir II. C. 1.

([65])              Pour la saison 2017-2018, le FAFA a financé près de 1 400 projets, pour un montant de l’ordre de 15 millions d’euros, dont 9,8 millions d’euros pour les équipements, 2 millions d’euros pour la formation, 2 millions d’euros pour le transport et 0,85 million d’euros pour l’emploi.