N° 3061

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 juin 2020.

RAPPORT DINFORMATION

DÉPOSÉ

en application de larticle 145 du Règlement

PAR LA MISSION D’INFORMATION
sur la gestion des conflits dusage en situation de pénurie deau

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ([1])
ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Loïc PRUDHOMME,
Président,

ET

Mme Frédérique TUFFNELL,
Rapporteure,

Députés.

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La mission dinformation sur la gestion des conflits dusage en situation de pénurie deau est composée de : Mmes Sophie Auconie, Danielle Brulebois, MM. Paul-André Colombani, Guillaume Garot, Pascal Lavergne, Mme Sandrine Le Feur, MM. Jean-Claude Leclabart, Patrick Loiseau, Mme Sandra Marsaud, MM. Alain Perea, Loïc Prud’homme, Martial Saddier, Mme Nathalie Sarles, M. Vincent Thiébaut, Mme Frédérique Tuffnell, M. Hubert Wulfranc.

 


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SOMMAIRE

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Pages

Préface de M. Loïc Prudhomme, Président de la mission dinformation

Préface de Mme Frédérique Tuffnell, Rapporteure de la mission d’information

Introduction

Première partie : Des situations de conflits entre usagers amenÉes À se multiplier dans un contexte de pression croissante sur la ressource en eau

I. Les changements climatiques intensifient les situations de pÉnurie et dÉtériorent la qualitÉ de leau

A. DES PÉRIODES DE PÉNURIE DEAU QUI SINTENSIFIENT ET QUI SONT AMENÉES À SAGGRAVER

1. Pénurie, sécheresse, stress hydrique : de quoi parle-t-on ?

2. Limpact des changements climatiques sur la ressource et les réserves deau

a. Une baisse de la pluviométrie en période estivale entraînant des pénuries deau plus fréquentes, plus longues et plus intenses

b. Des réserves deau qui vont connaître dimportantes tensions

i. Une baisse des débits et des volumes deau en surface aggravée en période détiage

ii. Une ressource souterraine dans les aquifères qui sera également impactée

B. UNE DÉGRADATION DE LA QUALITÉ DE LEAU DISPONIBLE DU FAIT DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

1. Une hausse attendue des températures de leau impactant les milieux aquatiques

2. Une augmentation de la pollution dégradant la potabilité de leau

II. Des usages de leau juridiquement encadrés mais peu priorisés

A. UNE RÉGULATION QUANTITATIVE DE LEAU BASÉE SUR LA CONCILIATION DES INTÉRÊTS

1. Une répartition de la ressource peu priorisée dans le droit

2. La survie des milieux et la protection de la santé et de lalimentation humaines pour seules limites aux usages

a. Un régime de déclaration ou dautorisation

b. Le maintien obligatoire dun débit réservé dans les cours deau

B. DES ENJEUX AUSSI VARIÉS QUE LES USAGES DE LEAU

1. Une eau potable aux multiples usages

2. Une agriculture irriguée incitée à rationaliser ses prélèvements

3. Un secteur industriel qui prélève des quantités importantes deau, mais les consomme peu

a. De nombreux acteurs industriels concernés

b. Les exigences de sécurité de lindustrie électrique

c. La polyvalence des hydroélectriciens

4. Le rôle méconnu des gestionnaires de canaux

5. Certains usagers ne prélèvent pas la ressource

6. Des usages légitimes qui peuvent devenir concurrents

Deuxième partie : Une rÉgulation des conflits dusage qui nÉcessite de prendre la mesure de lurgence climatique afin de les anticiper et de les prÉvenir

I. UN PRÉALABLE ESSENTIEL : « BIEN COMPTER POUR BIEN PARTAGER »

A. LES MOYENS PERMETTANT DABOUTIR À UN CONSTAT COMMUN SUR LÉTAT DE LA RESSOURCE EN EAU

1. Des outils de mesure publics dont le financement doit être assuré

a. Un réseau national de piézomètres dont le budget diminue

b. Une connaissance des cours deau qui peut dépendre de leur classification

2. Des outils de prospective dont lactualisation doit être réalisée

a. Une prospective nécessaire sur létat des masses deau souterraines

b. La nécessité dactualiser Explore 2070 pour mieux anticiper les changements climatiques

3. Des données détenues par des acteurs privés qui doivent être plus largement ouvertes aux acteurs publics

4. Des indicateurs dont la pertinence est parfois remise en question

B. DES SEUILS DE DÉCLENCHEMENT DES MESURES DE RESTRICTION À CONSOLIDER

1. Le nécessaire renforcement du dispositif dalerte

2. Lidentification des seuils pertinents

II. Un dispositif de gestion de crise en situation de pÉnurie deau À amÉliorer

A. le conflit dusage, notion issue des sciences sociales

1. La spécificité des conflits dusage liés à la ressource en eau

2. Le conflit dusage comme réponse à un dysfonctionnement territorial

3. Une théorie confirmée par les déplacements de la mission dinformation

a. La construction de retenues deau dans les Deux-Sèvres

b. Pression dune activité industrielle sur la ressource en eau à Vittel

c. La gestion dune sécheresse aggravée et récurrente en territoire rural : lIndre

d. La régulation dun conflit dusage fortement médiatisé : le barrage de Sivens

4. Une théorie de la proximité permettant dexpliquer les conflits dusage relatifs à la ressource en eau

a. Des conflits découlant dune proximité géographique entre usagers

b. Des conflits qui sorganisent en fonction de la proximité relationnelle entre usagers

5. Des contraintes de proximité contribuant à expliquer les conflits

6. Une typologie des outils de régulation des conflits dusage qui permet denvisager des solutions concrètes

B. La rÉpartition rÉglementaire de leau en pÉriode de sÉcheresse : un dispositif opÉrationnel mais À amÉliorer

1. Des mesures de restriction très encadrées et inégalement mises en œuvre

2. Légalité des usagers devant leffort : une exigence de légalité et déquité

a. La diversité des efforts demandés aux différents usagers

i. Pour les agriculteurs

ii. Pour les industriels

iii. Pour les usages domestiques

b. Des dérogations aux restrictions dusage qui nourrissent les conflits

3. Une anticipation et une coordination des mesures de restriction à renforcer

4. Bien informer la population pour mieux la mobiliser et réduire les incompréhensions

C. Le rÔle central dune concertation rÉellement ÉQUILIBRÉe dans la rÉgulation des conflits

1. Lutilité dune concertation en amont et pendant la crise

a. Des réunions souvent utiles, avant comme après la crise

b. Des réunions permettant de nouer un véritable dialogue sur la base de constats partagés

2. Lenjeu dune représentation équilibrée des différents usagers

D. La nÉcessitÉ dappliquer des contrÔles et des sanctions rÉellement dissuasifs

1. Des sanctions parfois insuffisantes en droit

2. Des contrôles trop peu fréquents et inégalement répartis sur le territoire

3. Des contrôles ne débouchant que sur de faibles sanctions

III. La nÉcessité absolue danticiper et prÉvenir les conflits dusage afin dÉviter une guerre de leau

A. Le dÉveloppement de la ressource en eau doit prioritairement sappuyer sur les solutions fondÉes sur la nature

1. Un développement de solutions fondées sur la nature essentiel pour sadapter aux conséquences des changements climatiques et protéger la ressource en eau

2. Des luttes contre les fuites des réseaux de distribution permettant détendre loffre deau potable

3. Des solutions de réutilisation des eaux non conventionnelles

a. La réutilisation des eaux de pluie

b. La réutilisation des eaux usées traitées et des eaux grises

c. Lutilisation deau de mer pour la production destinée à la consommation humaine

4. La recharge artificielle des nappes

5. Des retenues de substitution au cœur de nombreux contentieux

B. La nÉcessaire incitation À la sobriÉTÉ : moins consommer, mieux consommer

1. Un accompagnement des acteurs vers la transition écologique

a. Réduire la vulnérabilité des cultures et accroître leur résilience

b. Des solutions techniques permettant de mieux consommer leau

2. Des mécanismes financiers pour soutenir les changements des pratiques

a. Une tarification de leau qui nincite pas assez à la réduction de la consommation deau

b. Des paiements pour services environnementaux qui doivent encourager les pratiques vertueuses

C. Lurgence de dÉfinir ensemble une rÉgulation collective de leau

1. Une gouvernance de leau multiple

a. Des services et opérateurs de lÉtat chargés de la définition du cadre national, de lexpertise et de la régulation

b. Des responsables territoriaux multiples qui posent la question de léchelle pertinente de gouvernance

c. Des acteurs publics dont la capacité à agir dépend de leurs moyens

2. Des outils de planification potentiellement puissants

a. Le SDAGE pour une planification cohérente à léchelle dun bassin

i. Les modalités de son élaboration

ii. Le contenu du SDAGE

iii. Sa mise en œuvre

b. Le SAGE pour une programmation opérationnelle

i. Le contenu du SAGE

ii. La mise en œuvre du SAGE

3. Des stratégies et plans de territoire pour agir sans tarder

a. Lapproche contractuelle des PGRE sur les territoires en déficit structurel

b. Des stratégies territoriales permettant de répondre à des difficultés locales

c. Des projets de territoire permettant de préfigurer létablissement de SAGE

Recommandations de la mission dinformation

EXAMEN EN COMMISSION

Annexes

Annexe I : Glossaire

Annexe II : Le cadre juridique complexe de la gestion de leau

Annexe III : Lintervention dorganismes dÉtat spÉcialisÉs dans le domaine de leau

Annexe IV : Missions des acteurs impliquÉS dans la gouvernance de leau

Annexe V : Contributions écrites des membres de la mission d’information

Annexe VI : Liste des personnes auditionnÉes

Annexe VII : Liste des déplacements


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   Préface de M. Loïc Prud’homme,
Président de la mission d’information

Été 2019 : 85 départements de la métropole ont pris des mesures de restrictions d’eau.

Tout le territoire a été touché par la sécheresse. L’Est de la France a fait face à un phénomène d’une ampleur inédite dans sa durée. La rivière de l’Indre a disparu un matin du mois de septembre au fond de son lit, comme d’autres cours d’eau, de moindre importance, en Dordogne.

La situation a surpris par son ampleur géographique et son intensité. Pourtant, elle était anticipable, si ce n’est prévisible.

Bien évidemment, lorsqu’une ressource se raréfie avec une telle ampleur, les conflits pour y avoir un accès prioritaire, voire exclusif, se multiplient et s’exacerbent. Une fois les tensions installées, leur régulation par la puissance publique est alors particulièrement difficile faute de dispositifs préalables suffisamment normatifs.

Moins d’un an après cet épisode, malgré un automne et un hiver relativement pluvieux et à l’heure où ce rapport est écrit – mai 2020 –, les premières alertes sur des ressources en eau en tension concernent déjà une cinquantaine de départements de métropole et d’outre-mer.

 Nous sommes déjà percutés par le choc climatique

Lévidence ne peut plus être niée : si nous pensions anticiper la nécessaire adaptation de notre gestion de leau aux bouleversements en cours, il est factuel que le choc des changements climatiques a déjà commencé. Les modifications des volumes de précipitations, leur concentration lors d’évènements extrêmes, la modification de leur répartition géographique ou saisonnière, l’accroissement de la fréquence et de la durée des épisodes de sécheresse mettent en danger notre organisation sociale et économique, absolument désarmée face à ces changements profonds et durables.

Pourtant prévenus, alertés, les décideurs politiques n’ont engagé ces dernières années aucune stratégie d’envergure à la hauteur des enjeux. Les conflits se sont pourtant multipliés et durcis depuis quelques années maintenant. Sivens, Lac de Caussade, retenues de « substitution » en Sèvres niortaise, bataille pour la ressource à Vittel, etc. : autant de signaux d’alarme qui ont été regardés au cas par cas, ou minimisés, alors que l’impasse est sous nos yeux.

 Il nest plus possible de consommer autant

L’urgence première est de sortir du modèle agricole industriel aussi vite que les politiques publiques nous y ont fait entrer il y a plus de sept décennies. Sa dépendance aux intrants (engrais, pesticides, irrigation) plaide pour une réorientation des systèmes agronomiques : choix des cultures, de leur saisonnalité ou de leur répartition géographique, réduction et sélection des cheptels. Tout doit être revu.

Pour cela, nous ne pourrons pas faire l’économie d’un accompagnement fort de l’État qui doit assurer une conversion qui ne mette pas en péril l’équilibre économique d’un monde agricole déjà très malmené par les politiques menées depuis des décennies.

La rémunération des services écosystémiques rendus par les agriculteurs et les agricultrices doit inévitablement faire partie de la feuille de route que notre pays doit leur donner et devenir de toute urgence une réalité tangible pour ces dizaines de milliers de paysans qui ne vivent pas de leur travail. Pour cela, nous préconisons dans ce rapport qu’un fonds de paiement pour services environnementaux (FPSE) soit créé, alors que tout le système actuel des aides est tourné vers le rendement. Il devrait être doté d’un milliard d’euros à léchéance de 4 ans et ainsi pallier les atermoiements de l’Union européenne sur un réel verdissement de la politique agricole commune (PAC) ainsi que la faible motivation du ministère de l’agriculture à organiser un débat sur les objectifs de notre agriculture.

Pour les activités industrielles, la question est également vitale, même si elle n’a pas le caractère saisonnier de l’agriculture : pouvoir disposer d’une ressource en eau suffisante, sinon abondante, à long terme pour l’alimentation des process de façon stable sur l’année. Voilà une quadrature du cercle à résoudre pour permettre au pays de ne pas devenir un désert, y compris économique, sans choisir entre environnement et activité économique. Comme pour d’autres secteurs, les efforts de réduction des consommations sont déjà engagés, mais il ne saurait être question de se satisfaire des niveaux actuels de consommation. Le recyclage et la réutilisation doivent encore progresser mais la sobriété des process reste le levier le plus efficace.

 Ralentir la vitesse de leau et mieux surveiller la ressource

Avec une ressource qui se raréfie et dont la répartition spatio-temporelle se modifie, l’urgence est de la retenir au mieux : la réponse la plus puissante à cette nouvelle situation est de ralentir drastiquement la vitesse de l’eau, en usant, à grande échelle, de tous les leviers dont nous disposons. Il faut sans délai rendre à nouveau nos villes perméables pour permettre l’infiltration, reconquérir de larges surfaces de zones humides, reboiser massivement et replanter des milliers de kilomètres de haies : en peu de mots, restaurer le cycle de l’eau.

La lutte contre les pollutions diffuses et industrielles est un second impératif afin que nous puissions disposer des masses d’eau actuelles dont une partie importante n’est pas en bon état écologique, ce qui en limite la potabilité. À ce sujet, il me semble impératif d’abroger l’arrêté du 4 mai 2017 ([2]) qui déclasse le réseau hydrologique « chevelu » en amont des bassins versants et l’expose ainsi aux molécules chimiques, industrielles ou agricoles. Plus de 2 millions de Français sont déjà exposés aux pesticides, mais ce chiffre est très largement sous-estimé dans la mesure où leurs métabolites ne sont pas dans les radars des analyses sanitaires. Si elles létaient, elles révèleraient un scandale sanitaire tu : situation potentiellement explosive à l’heure de la prise de conscience que l’accès à l’eau potable est vital et doit être garanti comme un droit humain fondamental.

Dans la même logique, l’eau étant un bien rare et essentiel à la vie, il n’est pas possible que son accès soit conditionné à la possession de ressources financières, pas plus que son prix soit dégressif. Il faut donc instaurer la gratuité sur les premiers mètres cubes d’eau vitaux, puis faire payer les mésusages de façon progressive.

Cette situation révèle la nécessité d’une surveillance accrue de la ressource et d’un contrôle plus strict de son utilisation. Il nous faut également, sans tergiverser, sanctuariser nos réserves deau douce. Que dire de cette folie dictée par le dogme de la Commission européenne : livrer aux « lois du marché », à la concurrence libre et non faussée, la principale réserve d’eau douce du pays, rien moins que 75 % des volumes stockés.

Oui les 7,5 milliards de mètres cubes des 622 barrages hydro-électriques, au mépris de l’article L. 210-1 du code de l’environnement – qui dispose que « l’eau fait partie du patrimoine commun de la nation » –, pourraient être vendus à la découpe à des opérateurs qui n’auront aucun souci des tensions sur notre alimentation en eau. Seule la maximisation du prix guidera leur action.

Sur cette question de la ressource en eau, de son suivi et son partage, les opérateurs de l’État sont en première ligne. Ils ont produit de nombreux rapports, expertises, alertes et sont les premières vigies des tensions qui s’exacerbent sur le terrain : Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), Office français de la biodiversité (OFB), Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), Météo-France et le ministère de la transition écologique et solidaire sont pourtant soumis sans discontinuité à la contraction de leurs moyens, budgétaires et donc humains. Alors qu’il faudrait particulièrement et massivement les augmenter pour faire face, anticiper, bien quantifier nos ressources en eau pour mieux les répartir. Alors que la transition écologique et solidaire (du nom du ministère) devrait avoir tous les leviers pour accompagner la réorientation de nos pratiques ayant un impact direct ou indirect sur la ressource en eau.

Augmenter les moyens des opérateurs de lÉtat pour quantifier et surveiller les ressources concrètement et immédiatement, cela veut dire renforcer le réseau piézométrique piloté par le BRGM et les contrôles des usages par lOFB.

 Réguler les conflits pour mieux partager

Pour autant, aussi grave et urgente que soit la situation, il y a de quoi tracer un autre avenir : la structure existante organisée en agences de bassin est adaptée pour faire face à la situation. Si ce découpage et cette gouvernance ont été bâtis sur d’autres motivations que celles actuelles de faire face au défi climatique, il n’en reste pas moins pertinent, bien que perfectible. Il est urgent de couvrir entièrement le territoire avec des schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE). Des agences l’ont anticipé et pris à bras-le-corps l’avenir des ressources et les modes de répartition basés sur l’intérêt commun, à l’exemple de l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse.

D’autres, pourtant plus concernées par une concentration des déficits hydriques, n’ont pas pris la mesure des changements de stratégie à initier chez les usagers de la ressource. Dans ces bassins, la réorientation du modèle agricole aurait dû être la plus forte, la plus accompagnée et la plus anticipée. La question budgétaire est bien évidemment centrale, notamment si nous décidons collectivement d’accompagner des changements profonds avec le dispositif de FPSE que nous proposons. La pratique du « plafond mordant », instituée par le Gouvernement, sur les redevances collectées par les agences de leau doit être abandonnée sans délai avant d’avoir provoqué des situations irréparables.

Pour agir efficacement dans cette anticipation et dans la régulation des conflits à venir, il faut enfin acter un réel rééquilibrage au sein des instances de gouvernance de leau, tels que les comités de bassin. La représentation doit se faire plus juste au regard des besoins essentiels de chaque type d’usagers, de leur contribution aux redevances collectées par les agences de l’eau et des enjeux environnementaux soulevés. Le lobbying corporatiste ne peut pas être une voie de régulation équitable et apaisée dans les instances de gestion de la ressource en eau, à tout niveau.

Le travail d’analyse engagé dans cette mission parlementaire me permet d’affirmer que pour modifier notre gestion de la ressource en eau et son partage, les engagements volontaires des consommateurs, quels quils soient, ne fonctionnent pas. Il faut que des bornes soient posées pour cette réorientation : ces limites doivent être clairement tracées par des contraintes normatives nouvelles ou par la révision de celles existantes.

Par ailleurs, et comme exposé dans la première partie du rapport, il est un fait admis que le régime des précipitations est en cours de modification : répartition temporelle, intensité des pluies. Pour un nombre important de cours d’eau, leur régime hydraulique dépend très directement de ces précipitations. Il est donc évident qu’à leur tour, leur « fonctionnement historique » est devenu caduc : régimes de crue et d’étiage modifiés dans leur amplitude et leur répartition, nouvelles périodes d’assecs ou allongement des étiages sévères. Il va donc falloir intégrer ces nouvelles situations dans le cadre de la régulation des conflits, notamment dans les discussions sur les mesures environnementales qui ne sauraient dépendre d’ouvrages existants ou futurs, qui ne pourraient pallier durablement une nouvelle réalité climatique.

Éviter une guerre de l’eau passera par une régulation des conflits plus efficace. Elle ne pourra avoir de réalité que si la mesure est prise aux nouvelles échelles de réflexion que nous imposent les changements climatiques. Il n’est plus temps de bricoler avec des outils institutionnels datés du temps de l’abondance ou des ouvrages ponctuels et dispendieux. Il est temps d’une réflexion globale et d’une révolution dans le partage de l’eau et la restauration de son cycle naturel.


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   Préface de Mme Frédérique Tuffnell,
Rapporteure de la mission d’information

Inégalement répartie sur notre planète, l’eau, source de toute vie, ne suit pas un long fleuve tranquille. Plus que jamais exposé à l’influence du réchauffement climatique, le cycle de l’eau évolue, fluctue en rythme et en intensité sur nombre de ses étapes, ce qui modifie la disponibilité de la ressource sur notre planète et nos territoires. Récurrents à l’échelle de notre histoire, les phénomènes d’inondation et de sécheresse sont de plus en plus fréquents au fur et à mesure que le climat change, perturbant les milieux naturels et les activités humaines dont ils sont le support et générant ou exacerbant les tensions entre leurs usagers.

Accompagnant ces changements hydrologiques au cours des dernières décennies, la main de l’homme s’est également faite plus pesante sur les espaces naturels, agricoles et forestiers, conduisant à la destruction des plus fragiles. C’est le cas notamment des milieux humides et des écosystèmes aquatiques, victimes de l’intensification des pratiques agricoles, de pollutions diffuses ou encore d’une urbanisation galopante, soutenues par des politiques publiques anachroniques.

L’allongement dans le temps des périodes de sécheresse et la multiplication des usages, dont les besoins se font surtout ressentir en période d’étiage, devaient nécessairement aboutir à des conflits – ce que nous observons de plus en plus fréquemment depuis quelques dizaines d’années et qui nécessite des règles claires et concertées en termes de répartition de la ressource.

L’alimentation en eau potable reste, bien entendu, une priorité aux yeux de la loi, ainsi que ses bénéfices associés : la dignité, la santé. L’agriculture, l’industrie, l’énergie et l’ensemble des activités économiques arrivent ensuite, mais ne doivent pas faire oublier que le milieu naturel est un autre usager de l’eau éminemment prioritaire. La biodiversité joue en effet un rôle majeur dans le cycle de l’eau et son érosion menace considérablement la disponibilité de la ressource et l’ensemble de ses usages.

Ce rapport n’a pas pour ambition de refaire le constat des pénuries qui se succèdent, mais explore la façon dont les conflits d’usage de l’eau prennent naissance. Il réfléchit à la mise en œuvre, selon les spécificités propres à chaque territoire, des différents modes de régulation de conflits avant d’en arriver à la judiciarisation. Une chose est certaine, c’est sur des projets communs que se construisent des territoires résilients aux changements climatiques et, par là même, aux conflits d’usage de l’eau.

L’enjeu de la ressource en eau a le potentiel pour devenir, au cours de ce siècle, le point focal des conflits à l’échelle de notre pays, de l’Europe et même de la planète. Il mérite donc d’être abordé indépendamment de toute posture partisane et de tout parti pris. L’ensemble des usagers, acteurs, spécialistes comme profanes, méritent d’être considérés avec la même importance et d’être associés aux processus locaux de détermination des modalités d’usage et de préservation de l’eau. Le conflit ne sera évité que dans la concertation et le partage de la juste information, rendue intelligible pour tous. Bref, si la démocratie de l’eau est mise en œuvre dans des conditions exemplaires.

Au terme de plusieurs mois de mission, interrompus par la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19, nous avons réussi à auditionner différents acteurs au centre de quatre conflits d’usage de l’eau emblématiques. Le premier, celui dit des « bassines » des Deux-Sèvres, dont les tensions se concentrent autour de projets d’irrigation, le deuxième à Vittel, où industriels de l’eau en bouteille et fromagerie sont au cœur d’un conflit avec consommateurs et protecteurs de la nature et qui, comme le premier, dure depuis de plus de 10 ans. Le troisième, dans l’Indre, est au contraire révélateur d’un manque d’anticipation du niveau de la ressource dans un département malchanceux géologiquement. Le quatrième, celui du « barrage de Sivens », est tristement célèbre à la suite du décès d’un militant écologiste.

Le constat sous-jacent commun à ces divers conflits est une évidence : un manque d’adaptation et d’anticipation de l’évolution de la ressource en eau disponible et une difficulté à réunir tous les acteurs autour de la table afin d’aboutir à un projet de territoire commun, clé d’une réponse concertée. Les petits ruisseaux font de grandes rivières. Il en va de même des petites crispations négligées qui peuvent se transformer en conflit et s’enliser pendant des décennies.

Un élément de régulation du conflit passe d’abord, je le crois, par une bonne connaissance de la ressource en eau et par l’adaptation des pratiques à ce que sera demain, à l’aune des changements climatiques, l’état de la ressource en eau.

En ce qui concerne le monde agricole, au cœur de bien des tensions, la liste des solutions est longue et c’est une bonne nouvelle. Elle passe par une transition agroécologique et implique l’adaptation des cultures aux périodes de sécheresse (décalage dans le temps), voire le déplacement d’une culture (décalage géographique). Ces choix méritent d’être encouragés par des aides relevant du régime agricole. J’insiste sur le fait que l’eau doit être un moyen de sécuriser le revenu agricole et non un moyen d’intensifier une culture déjà intensive. C’est la raison pour laquelle ce rapport met également en évidence la nécessité de rémunérer les agriculteurs qui s’engagent pour la résilience de leur territoire via les paiements pour services environnementaux qui viendraient rémunérer des pratiques sortant du strict champ agricole (entretien de canaux, plantation de haies, etc.).

Ces solutions fondées sur la nature sont essentielles pour s’adapter aux conséquences des changements climatiques et protéger la ressource en eau. Ainsi, maîtriser le ruissellement et la vitesse d’écoulement des eaux de pluie tout en limitant l’artificialisation des sols améliorera l’infiltration de ces eaux dans les nappes souterraines.

Enfin, la gouvernance de l’eau est un élément clé de l’apparition et de la régulation des conflits d’usage. Ainsi nous observons que plus les instances de gouvernance sont démocratiques, moins les conflits ont de risque de naître ou de perdurer. Dans cette optique, nous sommes convaincus par la démarche qui consiste à mieux gérer la ressource dans le cadre de projets de territoire pour la gestion de leau (PTGE), basés sur une approche globale et la co-construction multi-acteurs dans l’objectif de faire correspondre besoins et ressource.

Nous sommes aussi convaincus qu’il existe un facteur d’échelle à prendre en compte dans la gouvernance – reposant sur un principe de cohérence hydrologique et non sur un simple cadre administratif –, l’exemple type étant celui du sous-bassin, la bonne échelle pour servir de base pour les SAGE mais qui ne coïncide jamais avec l’échelon départemental. Il existe également un facteur d’opportunité à bien choisir la structure porteuse des SAGE. Ces derniers facilitent l’émergence de solutions, même s’ils prennent du temps à se mettre en place, et méritent, à ce titre, d’être renforcés et ouverts.

Quoi qu’il en soit, après cette crise qui s’ajoute à la crise sanitaire, environnementale et climatique, nous n’avons d’autre choix que de privilégier dès que possible les actions de gestion durable, de préservation et de restauration des milieux naturels, dans une logique de maintien de l’approvisionnement en eau douce.

L’eau, bien commun, doit réunir plus qu’elle ne doit diviser et sa préservation, en quantité comme en qualité, doit guider nos politiques publiques. Toutes les personnes et acteurs auditionnés dans le cadre de cette mission d’information l’ont bien compris et je les remercie très chaleureusement de nous avoir confié leur récit le plus objectivement possible.

Il en va de la cohésion de tous nos territoires. Il en va plus largement de notre avenir.


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   Introduction

La mission d’information de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur la gestion des conflits d’usage en situation de pénurie d’eau a été créée à l’automne 2019, en application de l’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale. Elle a désigné, le 13 novembre 2019, M. Loïc Prud’homme président et Mme Frédérique Tuffnell rapporteure.

Les auditions de la mission se sont déroulées du 20 novembre 2019 au 4 mars 2020. Afin d’étudier des exemples de conflits d’usage liés à la ressource en eau, la mission s’est déplacée :

– dans les Deux-Sèvres le 24 janvier 2020, afin d’aborder les tensions liées à la création de retenues de stockage ;

– dans les Vosges les 19 et 20 février 2020, afin d’examiner le conflit d’usage sur la ressource en eau à Vittel ;

– dans l’Indre le 27 février 2020, afin d’étudier la gestion d’une sécheresse aggravée et récurrente.

La mission devait également se rendre le 26 mars 2020 dans le Tarn afin d’étudier le conflit d’usage lié à la création d’une retenue de stockage dans la vallée du Tescou. Toutefois, ce déplacement a dû être annulé du fait de l’épidémie de covid-19 : les enseignements que la mission tire de ce conflit proviennent des contributions écrites des personnes qu’il était prévu d’auditionner.

Au total, la mission d’information a mené plus de 50 auditions, durant lesquelles plus de 150 personnes ont été rencontrées. Les travaux de la mission se sont déroulés en deux temps.

Dans un premier temps, fin 2019, la mission s’est principalement consacrée à l’étude des épisodes de pénurie d’eau et à l’impact des changements climatiques sur la ressource. Le constat est indéniable : les changements climatiques vont intensifier et aggraver les situations de pénurie deau.

L’année 2019 a été marquée en France par des épisodes de pénurie d’eau d’une intensité exceptionnelle : 85 départements ont fait l’objet de mesures de restriction d’eau décidées par le préfet, dont 20 ont connu des difficultés d’alimentation en eau potable. Si la pénurie d’eau de 2019 a été remarquable tant par sa durée que par son amplitude géographique, elle s’inscrit dans une tendance plus globale.

Les données et les projections dont nous disposons montrent que si la pluviométrie annuelle ne va que peu évoluer d’ici la seconde moitié du XXIe siècle – elle devrait légèrement augmenter dans la moitié nord du pays et diminuer dans la moitié sud – la fréquence et lintensité des épisodes de sécheresse vont augmenter : la moitié sud du pays devrait voir le nombre de jours de précipitations par an se réduire, pour se concentrer essentiellement sur les périodes automnale et hivernale. Dans la moitié nord du pays, les contrastes saisonniers se renforceraient également, avec une baisse de la pluviométrie estivale estimée, d’ici 2070, entre 15 et 25 %. En conséquence, les débits des cours d’eau en période d’étiage devraient diminuer de 10 à 40 % à l’horizon 2050-2070, touchant particulièrement les bassins Seine-Normandie et Adour-Garonne ; la recharge des aquifères devrait quant à elle diminuer de 10 à 25 %. Par ailleurs, les changements climatiques vont impacter la qualité de la ressource en eau et, de ce fait, la quantité d’eau potable disponible.

Alors que la recharge annuelle d’eau est estimée aujourd’hui à 175 milliards de mètres cubes, les usages de la ressource s’élèvent, hors barrages hydroélectriques, à 37 milliards de mètres cubes. Si ces données de prélèvements agrégées semblent à première vue relativement faibles au regard de la recharge annuelle, elles masquent la réalité des besoins et de la ressource en eau disponible : les conflits dusage émergent quand la ressource, à un instant, en un lieu donné et pour une qualité donnée, ne permet pas, ou plus, de satisfaire les différents usagers. Dès lors, les changements climatiques vont réduire la quantité d’eau disponible durant la période de sécheresse estivale, ce qui ne va qu’accroître les risques de conflits d’usage.

Dans un second temps, début 2020, la mission d’information a donc concentré ses travaux autour de la question des conflits d’usage : lorsque la ressource devient localement insuffisante pour répondre à l’ensemble des demandes, il devient essentiel de se poser la question de son partage entre usages, mais surtout entre usagers. Or à l’exception de certains usages, légalement définis comme prioritaires – santé, salubrité, sécurité civile, alimentation en eau potable et respect des équilibres naturels –, ceux-ci ne sont pas hiérarchisés et doivent être conciliés.

Un préalable, qui peut sembler évident, est pourtant essentiel : pour bien partager la ressource en eau, il est nécessaire de bien la compter. Cela implique d’en connaître tant l’état et les perspectives d’évolution que les différents usages. Nombre de conflits que la mission d’information a étudiés sont nourris par des incertitudes quant aux données sur l’état de la ressource localement disponible et sur les volumes captés par les différentes parties prenantes au conflit.

Dès lors qu’ils se font jour, les conflits d’usage doivent être régulés. Si le dispositif de gestion en période de crise, qui repose essentiellement sur les « arrêtés sécheresse » pris par le préfet, est opérationnel, il doit, aux yeux de la mission d’information, être amélioré. La concertation, en amont mais également a posteriori, doit y jouer un rôle central, les sanctions, parfois trop peu dissuasives, doivent être renforcées et les contrôles, souvent trop rares, doivent être accrus.

Mais indépendamment des améliorations que l’on peut apporter aux dispositifs de gestion des crises, les changements climatiques nécessitent d’aller plus loin : il nest plus possible de se contenter de mesures durgence, prises lorsque la situation est déjà dégradée.

Cela peut passer par le développement de la ressource en eau disponible. À cet égard, si le développement de solutions fondées sur la nature est indispensable pour s’adapter aux changements climatiques, les solutions techniques permettant une augmentation de l’offre d’eau, qui peuvent aider à la régulation de conflits d’usage, ne doivent pas faire oublier la nécessité de faire évoluer nos usages pour tenir compte des évolutions de la ressource.

Il est donc important d’inciter les différents usagers à la sobriété : cela signifie moins consommer, mais également mieux consommer. C’est en ce sens qu’il est ressorti des Assises de l’eau, en juillet 2019, l’objectif de réduire les prélèvements en eau de 10 % en cinq ans, puis de 25 % en quinze ans, objectif auquel la mission souscrit. Cela passe par exemple par une évolution des pratiques et de la consommation, par la lutte contre le gaspillage et les pertes d’eau, ou encore par une meilleure utilisation de la ressource : tout ceci ne pourra se faire sans accompagnement des acteurs concernés, en particulier ceux du secteur agricole. À cette fin, les paiements pour services environnementaux sont des outils qu’il est urgent de développer – et de financer – pour accompagner le secteur agricole dans la transition écologique et la réduction de sa consommation d’eau.

Enfin, il est essentiel de réfléchir à une gestion réellement collective de la ressource sur le long terme afin danticiper et de prévenir des conflits dusage à venir. L’urgence climatique mérite que l’on s’engage dans une démarche ambitieuse, dans sa portée, ses objectifs et ses actions, ce qui nécessite la mobilisation de tous les acteurs du territoire. Cette stratégie doit être globale, volontaire et définie – ainsi que mise en œuvre – au bon échelon géographique, en s’appuyant sur un diagnostic partagé de l’état de la ressource en eau et des prélèvements qu’elle supporte.

Telles sont les principales conclusions auxquelles est parvenue la mission d’information, que le présent rapport s’emploie à détailler. La mission formule vingt-cinq recommandations, dont la synthèse figure à la fin du rapport, et qu’elle espère voir mises en œuvre dans les meilleurs délais afin de réguler, mais surtout d’anticiper, les conflits d’usage concernant la ressource en eau, que les changements climatiques menacent d’aggraver.

 

 


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   Première partie :
Des situations de conflits entre usagers amenÉes À se multiplier dans un contexte de pression croissante sur la ressource en eau

I.   Les changements climatiques intensifient les situations de pÉnurie et dÉtériorent la qualitÉ de l’eau

A.   DES PÉRIODES DE PÉNURIE DEAU QUI SINTENSIFIENT ET QUI SONT AMENÉES À SAGGRAVER

En France, la pluviométrie annuelle s’élève en moyenne à 400 milliards de mètres cubes d’eau de pluie. 225 milliards sont transférés vers l’atmosphère par le phénomène d’évapotranspiration* ([3]). Les 175 milliards de mètres cubes restants constituent la ressource en eau, qui vient alimenter la réserve d’eau : 100 milliards sont stockés dans les aquifères* (leur recharge s’effectuant essentiellement en période hivernale) et 75 milliards dans les eaux de surface. La ressource est ainsi un flux (précipitations) qui vient alimenter le stock d’eau que constitue la réserve d’eau.

La ressource en eau peut varier géographiquement et selon les années ; de ces variations peuvent naître des situations de pénurie d’eau. En effet, pour assurer la durabilité des réserves d’eau, il est essentiel de ne pas prélever plus de ressource que de volume d’eau rechargé. Cette gestion peut toutefois s’équilibrer sur plusieurs années : c’est ce qu’on appelle la gestion active de leau.

1.   Pénurie, sécheresse, stress hydrique : de quoi parle-t-on ?

Il est d’ores et déjà important de distinguer le stress hydrique – qui correspond à une situation où la demande d’eau pour satisfaire les différents usages excède la quantité d’eau disponible en un temps et un lieu donnés – de la pénurie d’eau, qui est une situation de stress hydrique aggravée. Si la littérature scientifique ([4]) considère qu’un pays est en situation de stress hydrique lorsque la population dispose de moins de 1 700 mètres cubes d’eau par habitant et par an et est en situation de pénurie lorsque ce niveau est abaissé à 1 000 mètres cubes par habitant et par an, ces valeurs masquent de fortes disparités saisonnières, desquelles peuvent découler des situations de pénurie importantes. De plus, elles ne tiennent pas compte des besoins de prélèvements spécifiques aux différents usages de la ressource.

Les pénuries d’eau se distinguent par ailleurs des situations de sécheresse car une pénurie deau peut intervenir même en labsence de sécheresse, du fait de la mauvaise qualité de l’eau disponible – cela peut notamment être le résultat de pollutions ou d’inondations. La sécheresse est une situation de déficit hydrologique du fait d’une période anormalement longue de temps sec. Si elle est généralement liée à un déficit de précipitations, elle est accentuée par l’augmentation, liée au réchauffement climatique, de l’évapotranspiration.

2.   L’impact des changements climatiques sur la ressource et les réserves d’eau

L’année 2019 a été marquée en France par des épisodes de pénurie d’eau d’une intensité exceptionnelle. Alors qu’en moyenne, une vingtaine de départements sont concernés chaque année par des mesures de restriction d’eau prononcées par le préfet, l’année 2019 a vu 85 départements concernés par de telles mesures. Fin septembre, 51 départements faisaient encore l’objet, au moins partiellement, d’« arrêtés sécheresse ». Cela s’est également traduit par des difficultés d’alimentation en eau potable dans 20 départements.

Cette forte pénurie d’eau a également été remarquable par sa durée. Sur la période allant du 1er septembre 2018 au 31 août 2019, le cumul de précipitations a été déficitaire de près de 20 %, ce qui explique une recharge insuffisante des eaux souterraines. Les bassins Loire-Bretagne et Adour-Garonne ainsi que le nord-est du pays ont été les plus impactés par cette crise. La sécheresse de 2019 fut donc exceptionnelle tant par sa durée – l’étiage* s’étant poursuivi durant l’automne – que par son amplitude géographique et les vagues de fortes chaleurs qui l’ont accompagnée.

Cet épisode, bien que particulièrement marqué, s’inscrit dans une trajectoire d’augmentation des températures et d’intensification des périodes de sécheresse – et notamment des deux années consécutives de sécheresse prononcée sur une partie de la France en 2017-2018.

Ainsi, le cinquième rapport d’évaluation du Groupement intergouvernemental d’experts pour le climat (GIEC) datant de 2013 soulignait déjà le fait que « chacune des trois dernières décennies a été plus chaude […] que toutes les décennies précédentes depuis 1850 ». Alors que le sixième rapport d’évaluation, attendu pour 2021‑2022, est en cours de préparation, les experts du GIEC affirmaient déjà, en 2013, qu’il était « certain à 95 % que lhomme est la première cause du réchauffement planétaire actuel ». Ces changements climatiques anthropiques induisent d’importantes perturbations pour le cycle de l’eau, que la présente partie vise à présenter.

a.   Une baisse de la pluviométrie en période estivale entraînant des pénuries d’eau plus fréquentes, plus longues et plus intenses

Les précipitations constituent le flux de ressource en eau venant alimenter les réserves d’eau en surface (à hauteur de 75 milliards de mètres cubes par an) et les réserves d’eau souterraines (à hauteur de 100 milliards de mètres cubes par an). De ces précipitations, dont la variation géographique et interannuelle peut-être forte, dépend donc la reconstitution des réserves d’eau disponible pour les différents usages de la ressource.

Les travaux du GIEC montrent que l’augmentation des températures tout au long du XXIe siècle ira de pair avec une évolution du climat, se traduisant, en France, par une réduction des précipitations annuelles mais également par un allongement des épisodes de sécheresse. Les cartes ci-après montrent l’évolution des précipitations moyennes entre la période 1986-2005 et la période 2081-2100.

Évolution des prÉcipitations moyennes
entre 1986-2005 et 2081-2100

Source : GIEC.

Si la baisse des précipitations paraît à première vue limitée, cela masque plusieurs éléments importants. Il s’agit tout d’abord d’une moyenne des précipitations, qui occulte les disparités annuelles et régionales.

Cela masque également une augmentation des précipitations extrêmes, qui sont accompagnées, à l’inverse, de périodes de sécheresse plus longues et plus intenses. Ainsi, selon la climatologue Mme Valérie Masson-Delmotte, auditionnée par la mission, le doublement des vagues de chaleur anticipé à l’horizon 2050 entraînerait une augmentation de la fréquence, de la durée et de lintensité des épisodes de sécheresse.

La carte ci-après, issue des données fournies par l’Agence européenne de l’environnement, montre l’augmentation de la fréquence des sécheresses en Europe dans le cas d’un scénario d’émissions de gaz à effet de serre élevées (réchauffement de 3°C à l’horizon 2050).

FrÉquence des Épisodes de sÉcheresse à l’horizon 2041-2070
par rapport À la pÉriode 1981-2010

(Évolution à partir de l’indice standardisé des précipitations)

Source : Infographie réalisée par Le Monde, données de l’Agence européenne de l’environnement.

Ainsi, si les pays d’Europe du Nord – et la moitié nord de la France – devraient connaître une augmentation des précipitations annuelles moyennes, tel n’est pas le cas des pays du bassin méditerranéen qui verraient leur pluviométrie diminuer. Une telle situation pourrait concerner la France jusqu’au centre du pays. En d’autres termes, le climat de la moitié sud du pays devrait se rapprocher du climat que connaît aujourd’hui le pourtour méditerranéen : des épisodes d’intense sécheresse de plus en plus fréquents et une réduction du nombre de jours de précipitations par an, rares mais intenses et essentiellement concentrés sur les périodes automnale et hivernale ([5]).

Les épisodes de pluies torrentielles que connaissent les villes du pourtour méditerranéen, en très forte augmentation depuis la fin des années 1970, sont amenés à s’étendre à la moitié sud du pays ; ajoutées aux effets d’imperméabilisation des sols liés à l’urbanisation, ces évolutions climatiques freinent la recharge des réserves d’eau souterraines.

S’agissant de la moitié nord du pays, le bilan du projet ministériel Explore 2070 ([6]) tend à montrer que les précipitations annuelles moyennes devraient augmenter d’ici à 2070, mais que les contrastes saisonniers se renforceraient, avec une hausse de la pluviométrie en hiver et une baisse l’été – cette dernière pouvant être de l’ordre de 15 à 25 %.

Quelles que soient les hypothèses de réchauffement climatique, les résultats des modélisations tendent à montrer que plus les émissions de gaz à effet de serre seront importantes, plus l’impact sur les précipitations sera fort.

b.   Des réserves d’eau qui vont connaître d’importantes tensions

i.   Une baisse des débits et des volumes d’eau en surface aggravée en période d’étiage

Le réseau des cours d’eau représente environ 270 000 kilomètres en France, tandis que le stock des eaux de surface (dans les lacs ou les barrages) s’élève à 109 kilomètres cubes.

S’agissant de l’hydrologie de surface, le projet Explore 2070 s’est attaché à comprendre les impacts des changements climatiques sur les écoulements de la ressource en eau et les risques de crue à l’horizon 2050‑2070. En partant de plusieurs hypothèses d’évolution des températures (allant en métropole de + 1,4 à + 3°C), les résultats indiquent une diminution importante des débits moyens annuels de 10 à 40 %, avec, pour la plupart des cours d’eau, une diminution des débits d’étiage encore plus prononcée. Les bassins Seine-Normandie et Adour-Garonne seraient particulièrement touchés par ces évolutions, ainsi que le bassin Rhin-Meuse pour les débits d’étiage.

Les cartes ci-après montrent l’évolution respective des débits moyens et des débits d’étiage à l’horizon 2046‑2065.

S’agissant des débits de crue*, les données d’Explore 2070 ne peuvent permettre de conclure à leur augmentation généralisée sur l’ensemble du territoire, même si leur intensité semble augmenter, à l’horizon 2046-2065, dans les Cévennes et dans la partie est du bassin Rhin-Meuse. De tels phénomènes pourraient conduire, en période d’inondations, à une raréfaction de l’eau potable disponible.

Ces simulations, couplées aux travaux du GIEC, montrent ainsi qu’il faut s’attendre à une réduction des volumes d’eau écoulés en surface et des débits en période d’étiage. Le climat sera plus sec, ce qui se traduira par des écoulements plus faibles mais également par des sols plus secs, plus tôt dans l’année.

 


Évolution des dÉbits moyens (à gauche) et des dÉbits d’Étiage (à droite) à l’horizon 2046/2065


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ii.   Une ressource souterraine dans les aquifères qui sera également impactée

En France, la ressource souterraine représente 65 % de l’alimentation en eau potable et un tiers des prélèvements utilisés pour l’industrie et l’irrigation.

Notre pays compte 6 500 aquifères, dont la volumétrie est estimée à 2 000 kilomètres cubes d’eau. Parmi les 200 aquifères d’importance régionale, 175 sont dits « libres », c’est-à-dire que la surface de l’eau peut y fluctuer sans contrainte et que la pluie peut facilement alimenter toute la surface, et 25 sont dits « captifs », c’est-à-dire recouverts par une autre couche géologique qui confine l’eau.

Les nappes sont alimentées par les eaux de surface, issues de ce que l’on appelle les « précipitations efficaces », c’est-à-dire les précipitations après soustraction des pertes d’eau liées à l’évapotranspiration.

Le rythme de recharge des nappes, qui a généralement lieu entre mi-octobre et mi-avril, diffère selon les régions car, selon le type de nappe (roches sédimentaires, aquifères alluviaux) ou la nature du réservoir (nappe libre ou captive), leurs propriétés hydrogéologiques peuvent varier : les nappes de roches calcaires ont généralement d’importantes capacités de stockage et une forte inertie, contrairement aux alluvions et socles dont l’inertie est moyenne et les capacités de stockage plus réduites.

S’agissant des projections de l’état des nappes à partir de différents scénarios climatiques, les résultats du projet Aqui-FR ([7]) montrent, à partir d’un indice piézométrique standardisé, que latteinte, certaines années, de niveaux bas à très bas des nappes sera de plus en plus fréquente durant les prochaines décennies. Si, dans le cas d’une limitation du réchauffement climatique à 2°C à l’horizon 2100, le niveau des nappes devrait revenir à un niveau moyen à la fin du siècle, en cas de poursuite du réchauffement climatique suivant la tendance actuelle (scénario dit « tendanciel »), un niveau bas des nappes deviendra la norme durant la seconde moitié du XXIe siècle, comme le montre le graphique ci-après.

Évolution du niveau des nappes entre 1950 et 2100

Source : Projet Aqui-FR.

Les résultats du projet Explore 2070 montrent une diminution de la profondeur de la surface des nappes, accompagnée d’une réduction de leur recharge comprise entre 10 et 25 %. Les deux régions les plus concernées seraient le bassin versant de la Loire et le bassin Adour-Garonne, les baisses étant attendues pour ce dernier à hauteur de 30 % à 50 % à l’horizon 2045-2065.

Il est toutefois important de noter que ces projections sont réalisées sans tenir compte de la hausse des besoins dirrigation qui pourrait suivre celles des températures ; à assolement agricole constant, les besoins d’irrigation, estimés dans le cadre du projet à une hausse des prélèvements de 42 à 65 %, entraîneraient une réduction du niveau des aquifères encore plus importante.

Les trois cartes ci-après montrent la répartition géographique des variations de recharge des nappes à l’horizon 2045-2065 par rapport à la fin du XXe siècle.

Variation minimale, moyenne et maximale de la recharge des aquifÈres
entre 1960-1990 et 2045-2065

Source : Explore 2070.

Enfin, du fait d’une surélévation attendue du niveau de la mer, la qualité des eaux des aquifères côtiers, notamment autour de la Méditerranée, risque de se dégrader durant la seconde moitié du XXIe siècle.

B.   UNE DÉGRADATION DE LA QUALITÉ DE LEAU DISPONIBLE DU FAIT DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

L’impact des changements climatiques ne se limite toutefois pas à la quantité d’eau disponible ; il concerne également la qualité de la ressource. S’il n’existe pas de bilan national des conséquences de la sécheresse sur les milieux naturels, les agents de l’Agence française pour la biodiversité ([8]) ont, durant l’été 2019, dressé de nombreux constats permettant de caractériser l’impact de la sécheresse sur les milieux naturels.

1.   Une hausse attendue des températures de l’eau impactant les milieux aquatiques

Les simulations réalisées dans le cadre d’Explore 2070 indiquent une augmentation moyenne de la température de l’eau pouvant osciller localement entre 1,1 et 2,2 °C. À cette hausse résultant des changements climatiques s’ajoute celle imputable aux industries et centrales électriques prélevant de l’eau dans le milieu naturel et l’y rejetant à une température plus élevée.

Cette hausse de la température a un impact direct sur les milieux aquatiques, en particulier sur les aires de répartition des poissons d’eau douce ([9]). De plus, la diminution des débits engendrant des ruptures d’écoulement et des assèchements de cours d’eau, cela entraîne une importante mortalité de poissons et d’écrevisses en période de sécheresse. La situation observée fin août 2019 par l’Observatoire national des étiages (ONDE) est la plus défavorable jamais observée par celui-ci en termes d’assèchement des cours d’eau.

Enfin, la sécheresse profite au développement d’espèces exotiques envahissantes, ce qui a par exemple été observé au cours de l’été 2019 en Meurthe-et-Moselle où l’on a vu se multiplier des colonies de bryozoaires d’eau douce profitant des faibles courants et de la température élevée de l’eau.

2.   Une augmentation de la pollution dégradant la potabilité de l’eau

L’augmentation de la température de l’eau participe notamment aux phénomènes deutrophisation*, qui sont une forme de pollution de l’eau correspondant à une présence excessive de phosphore et d’azote. Il en résulte un développement important des végétaux aquatiques, provoquant une baisse de la quantité d’oxygène et une mort par asphyxie des autres espèces vivantes. De tels phénomènes importants et inédits ont été relevés sur les grands axes fluviaux de la région Centre-Val-de-Loire (Loire, Cher) ainsi que sur les grands réservoirs (barrage de Naussac en Lozère).

Par ailleurs, du fait des faibles débits et des températures élevées lors des sécheresses de l’été 2019, sont apparues et ont proliféré des cyanobactéries*, à partir de juin, dans de nombreux cours d’eau et plans d’eau, notamment en Centre-Val-de-Loire (Loire, Cher), en Occitanie (Lozère), en Grand-Est (Moselle, Orne) et en Nouvelle-Aquitaine (Landes).

Enfin, la réduction des débits et la diminution des stocks d’eau en période de sécheresse entraînent une plus forte concentration des polluants dans l’eau (azote, phosphore, métaux lourds, produits phytosanitaires, etc.). Ce faisant, les risques de dépassement des seuils de potabilité sont accrus en période de sécheresse prolongée : à la réduction de la quantité d’eau disponible sajoute une réduction, encore plus importante, de la quantité deau potable disponible.


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II.   Des usages de l’eau juridiquement encadrés mais peu priorisés

A.   UNE RÉGULATION QUANTITATIVE DE LEAU BASÉE SUR LA CONCILIATION DES INTÉRÊTS

Après avoir précisé que « leau fait partie du patrimoine commun de la Nation », la loi pose plusieurs grands principes qui déterminent les droits et devoirs relatifs à son utilisation.

L’article L. 210-1 du code de l’environnement dispose que « lusage de leau appartient à tous » et s’applique « dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement acquis ». De fait, en France, le droit de propriété privée de leau sest réduit au bénéfice dun droit à lusage de leau.

Le droit de propriété privée ne trouve plus à s’appliquer qu’aux eaux closes (mares, étangs, lacs) ainsi qu’aux eaux pluviales et eaux de source que le propriétaire du fonds peut capter et stocker ([10]). Quant aux riverains des cours d’eau et canaux non domaniaux, ils ne peuvent prétendre qu’à un droit d’usage, assorti de multiples servitudes d’écoulement des eaux, de drainage ou d’assèchement ([11]).

Ce droit dusage nimplique cependant pas la gratuité de leau : « les coûts liés à lutilisation de leau, y compris les coûts pour lenvironnement et les ressources elles-mêmes, sont supportés par les utilisateurs en tenant compte des conséquences sociales, environnementales et économiques ainsi que des conditions géographiques et climatiques », précise l’article L. 210-1 précité, conformément au principe « pollueur-payeur ».

1.   Une répartition de la ressource peu priorisée dans le droit

La loi française esquisse certaines priorités dans la répartition de la ressource, partant du principe qu’est reconnu un « droit daccès à leau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous » pour chaque personne physique pour son alimentation et son hygiène ([12]).

Ainsi, le code de l’environnement prévoit que « la gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de lalimentation en eau potable de la population ([13]) ».

Vient ensuite l’objectif de permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences suivantes, non hiérarchisées par le code de lenvironnement :

– la vie biologique du milieu récepteur, spécialement la faune piscicole et conchylicole ;

– la conservation et le libre écoulement des eaux ainsi que la protection contre les inondations ;

– l’agriculture, les pêches, les cultures marines, la pêche en eau douce, l’industrie, la production d’énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, les transports, le tourisme, la protection des sites, les loisirs et les sports nautiques ainsi que toutes les autres activités humaines légalement exercées.

L’article L. 211-1-1 du code de l’environnement précise toutefois que la préservation et la gestion durable des zones humides sont dintérêt général et que les politiques publiques doivent tenir compte des difficultés particulières de leur conservation, exploitation et gestion durable, « notamment par une agriculture, un pastoralisme, une sylviculture, une chasse, une pêche et un tourisme adaptés ».

Sont plus globalement d’intérêt général « [la] protection [de l’eau], sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels ([14]) ». En principe, toutes décisions et mesures visant à corriger les atteintes à ces objectifs affichés comme prioritaires par la loi trouvent en eux-mêmes leur légitimité et leur légalité. Mais la pratique est plus complexe car la loi reconnaît aussi la légitimité des divers usages économiques de leau.

L’article L. 211-1 explicite l’esprit qui doit guider la gestion qualitative et quantitative de l’eau dans notre pays : ce doit être une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau qui prend en compte les adaptations nécessaires aux changements climatiques et vise simultanément plusieurs objectifs ambitieux, présentés dans l’encadré ci-après.

Les objectifs de la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau

« 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides […] ;

« 2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature et plus généralement par tout fait susceptible de provoquer ou d’accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques, qu’il s’agisse des eaux superficielles, souterraines ou des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales ;

« 3° La restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération ;

« 4° Le développement, la mobilisation, la création et la protection de la ressource en eau ;

« 5° La valorisation de l’eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d’électricité d’origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource ;

« 5° bis La promotion d’une politique active de stockage de l’eau pour un usage partagé de l’eau permettant de garantir l’irrigation, élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l’étiage des rivières, et de subvenir aux besoins des populations locales ;

« 6° La promotion d’une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau ;

« 7° Le rétablissement de la continuité écologique au sein des bassins hydrographiques. »

Source : Article L. 211-1 du code de l’environnement.

La gestion intégrée de la ressource en eau (GIRE) est donc censée conjuguer à la fois la prévention des risques, la protection ou la restauration de la ressource et des milieux et les activités économiques, en faisant peu de différence entre les besoins. Outre la survie des écosystèmes aquatiques et les nécessités de la sécurité contre les incendies, la qualité et la disponibilité de leau potable pour la population sont les seules priorités claires face aux autres utilisations de l’eau.

2.   La survie des milieux et la protection de la santé et de l’alimentation humaines pour seules limites aux usages

La restauration et la préservation de la qualité de l’eau douce fondent de nombreuses normes et mesures ([15]) encadrant les différents usages de l’eau ([16]). En revanche, la définition de règles communes de répartition des volumes deau est rare et ne vise quà préserver les besoins prioritaires.

De fait, les contraintes et les limites imposées pour le respect et l’atteinte des objectifs de qualité de l’eau peuvent être discutées dans leur déclinaison : certains les trouvent trop exigeantes ([17]) ; d’autres insuffisantes ([18]), mais elles sont plus difficilement contestables dans leur principe.

A contrario, la perception des contraintes quantitatives est plus délicate. Les restrictions sont à peu près comprises en période de crise, à condition toutefois qu’elles soient très « proportionnées ([19]) ». Mais en situation « normale » – c’est-à-dire correspondant aux normes d’aujourd’hui –, il est plus complexe de faire accepter des limitations au droit dusage de chacun.

Les prélèvements (dits captages) d’eau douce connaissent un minimum d’encadrement volumétrique. Si la réglementation varie selon la destination de l’eau prélevée, elle est construite pour l’essentiel autour du régime des installations, ouvrages, travaux et activités sur le milieu naturel aquatique (dits IOTA).

a.   Un régime de déclaration ou d’autorisation

Hors forages purement domestiques – dont le régime est présenté dans l’encadré ci-après –, les IOTA sont tous soumis à une procédure administrative, de déclaration ou d’autorisation selon les volumes prélevés ([20]). L’instruction des demandes considère non seulement l’impact de leur implantation mais aussi celui des captages envisagés. Le dossier de demande d’autorisation doit en particulier comporter des études évaluant la vulnérabilité et la disponibilité de la ressource en eau.

Durant leur exploitation, les installations de prélèvement sur les eaux souterraines (comme les entreprises de production d’eau minérale) doivent être équipées d’un compteur et leurs exploitants tenir un registre des volumes prélevés (ainsi que du nombre d’heures de pompage, des conditions d’utilisation et des changements constatés dans le régime des eaux) et conserver ces données pendant plusieurs années.

Dans tous les cas, les prélèvements dans les eaux souterraines ou les cours d’eau, autorisés ou déclarés, doivent être compatibles avec les orientations du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et le plan d’aménagement et de gestion durable des schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) – quand ils existent.

Le statut des forages domestiques

Depuis le 1er janvier 2007, tout particulier utilisant ou souhaitant réaliser un ouvrage de prélèvement d’eau souterraine (puits ou forage) à des fins d’usage domestique doit déclarer cet ouvrage ou son projet en mairie ([21]).

La notion d’usage domestique est définie par le code de l’environnement : il s’agit des prélèvements et des rejets destinés exclusivement à la satisfaction des besoins des personnes physiques propriétaires ou locataires des installations et de ceux des personnes résidant habituellement sous leur toit, dans les limites des quantités d’eau nécessaires à l’alimentation humaine, aux soins d’hygiène, au lavage et aux productions végétales ou animales réservées à la consommation familiale de ces personnes.

En tout état de cause, est assimilé à un usage domestique de l’eau, tout prélèvement inférieur ou égal à 1 000 mètres cubes d’eau par an, qu’il soit effectué par une personne physique ou une personne morale et qu’il le soit au moyen d’une seule installation ou de plusieurs.

Toutefois, l’eau destinée à l’alimentation de plus d’une famille doit faire l’objet d’une autorisation préfectorale préalable ([22]). Et si cette eau est destinée à l’alimentation de plus de 50 personnes, si le débit journalier est supérieur à 10 mètres cubes ou si, quel que soit le débit, cette eau est fournie dans le cadre d’une activité publique ou commerciale (comme un camping ou un hôtel), elle est soumise au contrôle sanitaire de l’agence régionale de santé ([23]).

b.   Le maintien obligatoire d’un débit réservé dans les cours d’eau

S’agissant des ouvrages hydrauliques, comme les moulins, la législation des IOTA leur impose des exigences supplémentaires, telle l’obligation de maintenir un débit minimal, dit réservé ou débit minimum biologique, dans les cours d’eau où ils sont installés afin de garantir en permanence la vie normale des espèces vivant dans ces eaux.

L’article L. 214-18 du code de l’environnement impose par ailleurs aux seuils et barrages de laisser, dans le cours d’eau à l’aval, un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces présentes.

Les règles du débit réservé dans les cours et plans d’eau

Ce débit, d’une manière générale, ne doit pas être inférieur au 1/10e du module, le module étant le débit moyen inter-annuel (sur 15 ans minimum).

Sur les cours d’eau dont le module est supérieur à 80 mètres cubes par seconde ainsi qu’à l’aval d’ouvrages assurant la production d’électricité aux heures de pointe, ce débit ne doit pas être inférieur au 1/20e du module.

Le débit réservé peut être différent selon les périodes de l’année, sous réserve que la moyenne annuelle de ces valeurs ne soit pas inférieure aux débits minimaux fixés par arrêté préfectoral. En outre, le débit le plus bas doit rester supérieur à la moitié des débits minimaux précités.

L’exploitant de l’ouvrage est tenu d’assurer le fonctionnement et l’entretien des dispositifs garantissant dans le lit du cours d’eau les débits minimaux définis. Le non-respect de la réglementation est passible de sanctions administratives et judiciaires prévues au code de l’environnement.

S’agissant des plans d’eau, généralement fixé dans les autorisations administratives obligatoires, leur débit réservé en aval est à restituer en tout temps dès lors que le débit entrant dans le lac (donc à l’amont) est supérieur ou égal à la valeur fixée dans l’arrêté préfectoral.

En cas d’absence de débit entrant dans le lac, il n’y a pas d’obligation de restitution de débit en aval, en sortie de lac, sauf en cas de réquisition préfectorale au titre de la salubrité ou de la sécurité publiques ([24]).

En période d’étiage, le préfet met en place l’obligation de « transparence hydraulique des ouvrages », c’est-à-dire une interdiction de remplissage des plans d’eau et lacs. L’objectif est de restituer tout débit entrant dans sa totalité en sortie de l’ouvrage.

Depuis 2006, les ouvrages hydrauliques sur cours d’eau sont également censés être aménagés pour permettre la pénétration des poissons migrateurs (conformément au principe de continuité écologique ([25])). Toutefois, la mise aux normes des installations existantes a pris beaucoup de retard et son principe a été sensiblement atténué dans un objectif de conservation et de mise en valeur du patrimoine protégé.

Un contrat de concession impose enfin au concessionnaire de fournir des réserves en eau en période de tension.

B.   DES ENJEUX AUSSI VARIÉS QUE LES USAGES DE LEAU

Nécessaire aux êtres vivants comme aux activités développées par l’homme, l’eau est utilisée à des fins variées et dans des volumes différents selon les acteurs. D’après les chiffres de 2016 de la banque nationale des prélèvements quantitatifs en eau ([26]), dans une année en France, les prélèvements d’eau s’élèvent, hors barrages hydroélectriques, à 37 milliards de mètres cubes ([27]) :

– les usages domestiques représentent 5,4 milliards de mètres cubes ;

– 2,5 milliards de mètres cubes sont prélevés pour les besoins industriels ;

– 3,2 milliards de mètres cubes sont dévolus à l’irrigation ;

– 20,8 milliards de mètres cubes sont utilisés pour la production d’énergie ([28]) pour le refroidissement des centrales thermiques ou nucléaires ;

– 4,7 milliards le sont pour l’alimentation des canaux.

Il convient préalablement de distinguer les prélèvements bruts, qui correspondent à la quantité d’eau prélevée dans le milieu naturel, de la consommation nette, qui correspond à l’eau « perdue » qui n’est pas restituée dans le milieu naturel. Le ratio entre le volume prélevé et le volume consommé peut fortement varier selon les activités concernées, comme dans le secteur de la production d’énergie – notamment pour le refroidissement des centrales électriques : si ce secteur représente plus de la moitié des prélèvements totaux en eau, il en restitue une grande partie au milieu après usage.

Il est donc utile d’évaluer le volume d’eau consommé, c’est-à-dire non rejeté après prélèvement ; il est également important de sassurer de létat et de la qualité de leau prélevée qui est finalement rejetée, ses caractéristiques (température, potabilité, pollution, etc.) pouvant évoluer après usage. Le tableau ci-après présente les ordres de grandeur des prélèvements et consommations d’eau par grand secteur.

PrÉLÈvements et consommations d’eau

Usages

Énergie

Eau potable

Industrie

Agriculture

Prélèvements bruts (34 milliards de mètres cubes)

57 %

18 %

10 %

15 %

Consommations nettes (6 milliards de mètres cubes)

22 %

24 %

6 %

48 %

Consommation nette estivale

9 %

10 %

2 %

79 %

Source : Données IFEN 2007, chiffres pour l’année 2006.

Si ces chiffres sont relativement anciens, leur ordre de grandeur est toujours d’actualité. Ils montrent en particulier une pression sur la ressource en eau de l’agriculture beaucoup plus forte qu’il n’y paraît au premier abord. En effet, si lagriculture irriguée ne représente qu’une faible part du total des prélèvements, elle représente une – petite – moitié de la consommation nette annuelle et les trois quarts de la consommation estivale, cest-à-dire en période détiage et donc de faible disponibilité de la ressource en eau.

1.   Une eau potable aux multiples usages

L’alimentation en eau potable (AEP) concerne en premier lieu l’eau prélevée pour les usages domestiques : dans ce cadre, elle peut être utilisée comme bien consommable, mais aussi pour l’hygiène corporelle, les sanitaires, l’entretien de l’habitat ou encore les tâches ménagères. L’AEP est également utilisée dans le cadre de services publics, pour l’arrosage des jardins publics ainsi que des terrains de sport, ou encore pour le remplissage des piscines, et pour les besoins en eau potable des acteurs publics et privés.

L’AEP représente en moyenne 170 litres deau par jour par usager, soit un total de 5,4 milliards de mètres cubes en 2016.

Plus des deux tiers (65,1 %) sont issus des eaux souterraines, même si l’on note des variations entre eaux souterraines et eaux de surface continentale d’une région à l’autre. Des variations existent aussi entre les territoires en matière de consommation quotidienne, avec, par exemple, 120 litres d’eau par jour dans le Nord, contre 360 litres par jour dans le Var ([29]). Entre 2000 et 2013, le volume prélevé pour lalimentation en eau potable a diminué de manière notable (– 15 % entre 2003 et 2013 ([30])).

Le développement et l’entretien des infrastructures nécessaires à l’alimentation en eau (et son corollaire l’assainissement) relèvent de la responsabilité des communes et de leurs intercommunalités, le bloc communal confiant leur gestion à des syndicats mixtes ou des concessionnaires.

2.   Une agriculture irriguée incitée à rationaliser ses prélèvements

L’abreuvement et l’alimentation du bétail, le lavage des installations et surtout l’irrigation sont autant d’activités agricoles mobilisant d’importantes quantités d’eau. Il convient également de ne pas oublier la pisciculture et la foresterie.

De fait, il ny a pas dagriculture – ou délevage du vivant – possible sans eau. Mais toutes les productions, toutes les cultures et toutes les techniques n’en utilisent pas dans les mêmes proportions. Parmi tous les producteurs, les irrigants sont les plus importants consommateurs deau.

Comme expliqué précédemment et malgré une diminution de la surface agricole utile irriguée depuis 2010 – elle représentait 4,9 % de la surface agricole en 2016 –, l’irrigation mobilise d’importantes quantités d’eau en périodes d’étiage, en concentrant ses prélèvements sur l’été. On parle dès lors de pic d’usage de la ressource durant les périodes d’étiage.

En 2016, 3,2 milliards de mètres cubes deau ont été prélevés pour lirrigation, chiffre en hausse cette année-là puisque ces prélèvements étaient de 2,8 milliards de mètres cubes en 2013. Près des deux tiers (63 %) sont réalisés dans les eaux de surface continentales, avec des disparités fortes à l’échelle régionale : dans le Sud (Occitanie, Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Corse), les prélèvements pour l’irrigation sont principalement réalisés sur des eaux de surface, tandis que dans les autres régions, l’irrigation est basée à près de 70 % sur des réserves souterraines.

Du point de vue du droit, l’agriculture a longtemps été prioritaire dans l’utilisation de la ressource. Le code civil reconnaissait le plein droit du propriétaire du sol d’accéder aux eaux souterraines et la loi du 8 avril 1898 sur le régime des eaux a permis de mobiliser les masses d’eaux stagnantes, les eaux de source et les eaux souterraines au service du développement agricole.

L’évolution de la législation a depuis fait valoir la légitimité, sinon la priorité, d’autres besoins, comme la consommation humaine. Aujourd’hui, lorsque les prélèvements d’une exploitation (ou d’une structure collective d’irrigation comme un syndicat) dans le milieu naturel sont supérieurs à 1 000 mètres cubes par an (ou au seuil fixé pour la zone de répartition des eaux, dite ZRE ([31])), quels que soient le moyen et la source ([32]), lexploitant ou le responsable de la structure dirrigation doit demander une autorisation.

Selon les cas, il peut s’agir :

– d’une autorisation de prélèvement ou d’une autorisation d’existence d’un ouvrage de captage délivrées par la direction départementale des territoires (DDT) ;

– d’une autorisation d’utilisation du domaine public fluvial ;

– d’une déclaration auprès de l’organisme unique de gestion collective (OUGC) du territoire.

Quand un OUGC existe, tout préleveur dans son périmètre a l’obligation d’être recensé auprès de celui-ci. En l’absence de déclaration auprès de l’organisme, le prélèvement est irrégulier et l’exploitant perd alors son droit individuel à prélever dans le milieu naturel pour irriguer dans la zone couverte.

Les organismes uniques de gestion collective des prélèvements d’eau
pour l’irrigation (OUGC)

Créé par l’un des décrets d’application de la loi dite « LEMA ([33]) » de 2006, ce dispositif vise à sécuriser les usages économiques tout en satisfaisant les besoins des milieux naturels en matière de restauration de l’équilibre quantitatif de la ressource en eau. Promouvant une gestion plus collective des quotas d’eau, il vise à éviter le recours à des plans sécheresse. Il est très conseillé dans les bassins connaissant des déficits particulièrement liés à l’agriculture, notamment dans les ZRE.

Il s’agit, sur un périmètre hydrologique préalablement défini (dit périmètre de gestion collective), de désigner un organisme unique comme gestionnaire des prélèvements deau pour lirrigation agricole.

Il est chargé :

– de collecter les besoins individuels en eau déclarés par les exploitants agricoles (éventuellement hors abreuvement du bétail) avant de faire une demande dautorisation unique de prélèvement. Les volumes prélevables sont arrêtés et notifiés par le préfet coordonnateur du bassin, en amont de chaque campagne d’irrigation ou pour plusieurs années selon les territoires ;

– de répartir entre les irrigants un volume deau quantifié et autorisé tout en respectant les autres usages de la rivière ou de la nappe souterraine, ce qui peut par exemple se traduire par un calendrier des tours d’eau.

L’organisme unique est alors l’interlocuteur unique de l’État sur son périmètre et le garant de la bonne gestion des volumes autorisés.

Ailleurs, il peut aussi exister des syndicats de gestion collective de l’irrigation, auxquels les exploitants peuvent adhérer volontairement.

Une fois autorisé à prélever, l’exploitant doit respecter plusieurs règles :

– disposer d’un dispositif de comptage des volumes prélevés, identifié et périodiquement contrôlé ;

– pour chacun des dispositifs de comptage, tenir un registre indiquant notamment le relevé des index des compteurs et les volumes prélevés mois par mois (en période d’irrigation) ;

– déclarer ses prélèvements auprès de l’agence de l’eau de son territoire quand ils dépassent 10 000 mètres cubes ([34]) ;

– respecter les arrêtés préfectoraux de restriction de captages.

En l’absence d’autorisation de prélèvement ou de non-respect des autres obligations, un contrôle (de la police de l’eau ou au titre de la politique agricole commune) peut déboucher sur des sanctions.

Dans les faits, le ministère de la transition écologique et solidaire reconnaît que ces déclarations (en particulier pour les volumes inférieurs à 10 000 mètres cubes) et demandes dautorisation ne sont pas encore systématiques, notamment lorsque l’exploitant dispose d’une retenue. La réglementation se heurte par ailleurs à certaines difficultés pratiques, telle l’évaluation des prélèvements selon qu’elle tient compte ou non des phénomènes gravitaires restitués au milieu.

On note enfin que les piscicultures d’une production supérieure à 20 tonnes par an (à l’exclusion des étangs empoissonnés, où l’élevage est extensif) relèvent, quant à elles, de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) applicable aux piscicultures ; les autres relèvent de la nomenclature de l’eau (IOTA).

3.   Un secteur industriel qui prélève des quantités importantes d’eau, mais les consomme peu

a.   De nombreux acteurs industriels concernés

Indépendamment de l’industrie agro-alimentaire qui a besoin d’eau potable, l’utilisation de l’eau est centrale à plusieurs processus industriels : comme solvant, matière première, pour le refroidissement des installations, pour le lavage et l’évacuation des déchets, etc.

Le régime juridique des installations industrielles utilisatrices d’eau est celui des ICPE, dont les rejets sont très encadrés ; mais leur autorisation ICPE s’appuie également sur la nomenclature des IOTA quand elles réalisent des prélèvements d’eau dans la nature. Leurs captations sont donc soumises à autorisation et leur volumétrie maximale précisée dans l’arrêté d’installation et de fonctionnement ICPE.

Les prélèvements des industriels hors production d’électricité sont estimés à 2,5 milliards de mètres cubes par an. Près des deux tiers (59,1 %) sont issus des eaux de surface continentale, même si des contrastes existent entre les prélèvements importants en eau douce de surface dans les Pays-de-la-Loire, tandis que les prélèvements industriels en Normandie reposent en grande partie sur des eaux de transition*, partiellement salines du fait de leur proximité avec la côte.

Le graphique ci-après montre l’évolution des prélèvements en eau douce des ICPE : les captations ont commencé à reculer autour de 2010, principalement avec la réduction des prélèvements dans les eaux de surface.

Évolution de la rÉpartition des volumes des prÉLÈvements
d’eau douce des sites ICPE

Source : FENARIVE.

Les secteurs qui prélèvent le plus de ressource sont les industries de transformation : la chimie de base, la production de fibres synthétiques, l’industrie du papier et du carton, la métallurgie et l’industrie pharmaceutique.

La Fédération nationale des associations de riverains et utilisateurs industriels de l’eau (FENARIVE), fédération professionnelle dédiée à la question de la ressource en eau pour les acteurs industriels, a souligné, lors de son audition par la mission, que les prélèvements des activités industrielles ne constituent que rarement une consommation nette : l’eau est prélevée, puis utilisée dans le processus industriel (eau de refroidissement, solvant, etc.) avant d’être rejetée, à hauteur de 90 % de l’eau prélevée. Il convient toutefois de noter que ce chiffre masque de fortes disparités selon la nature de l’industrie considérée.

b.   Les exigences de sécurité de l’industrie électrique

Le refroidissement des centrales de production délectricité, thermiques comme nucléaires, nécessite des volumes d’eau très importants, ce qui explique que le secteur de l’énergie, hors hydroélectricité, représente une part conséquente des prélèvements d’eau, à hauteur de 20,8 milliards de mètres cubes prélevés par an. Plus des trois quarts (75,4 %) sont issus des eaux de surface continentales, à l’exception de la Nouvelle-Aquitaine qui utilise quasi exclusivement des eaux de transition.

Ces chiffres, fournis par la banque nationale des prélèvements quantitatifs en eau, n’intègrent toutefois pas les eaux côtières et marines. Or, s’agissant plus particulièrement des centrales nucléaires gérées par EDF, l’entreprise a indiqué à la mission que les deux tiers de ses prélèvements sont effectués dans le milieu marin ou dans des eaux de transition, en fonction de la localisation des réacteurs, même si cette proportion peut varier selon les années.

Un autre impact de ces captations sur la ressource est que l’eau utilisée est ensuite rejetée à une température supérieure. De plus, dans le cas d’installations équipées de tours aéroréfrigérantes, qui sont situées en bord de rivière, une partie n’est pas restituée sous forme liquide mais sous forme de panaches de vapeur.

c.   La polyvalence des hydroélectriciens

L’hydroélectricité utilise la force de l’eau pour produire de l’électricité. C’est la deuxième source dénergie électrique en France après l’énergie nucléaire et la première source d’énergie renouvelable.

Elle occupe une place prépondérante dans la captation de la ressource en eau par la mise en place d’importantes retenues. Malgré ces réserves, l’hydroélectricité est soumise aux aléas climatiques : en 2019, la production hydraulique mesurée en térawattheures (60 TWh) a baissé par rapport à 2018 (68,2 TWh), année durant laquelle les conditions climatiques avaient été particulièrement favorables, contrairement à la faible pluviométrie de l’année 2019.

Des concessions hydroélectriques également chargées de fournir des réserves d’eau

Les ouvrages hydroélectriques relèvent du code de l’énergie, son article L. 511-1 énonçant que l’exploitation de l’énergie hydraulique ne peut se faire sans une concession ou une autorisation de l’État. Toutefois, la procédure d’autorisation et ses exigences ont été largement rapprochées de celles prévues par la législation sur les IOTA et l’article L. 521-1 du même code dispose que l’acte de concession doit respecter les règles de fond de la législation sur l’eau.

Les modalités de fonctionnement de la concession sont fixées dans un cahier des charges. Celui-ci détermine notamment le règlement d’eau et les mesures intéressant la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau. Il fixe en particulier les conditions techniques applicables à l’exploitation des ouvrages hydrauliques dans toutes les hypothèses connues et prévisibles et porte, par exemple, sur les débits minimaux applicables, la vie piscicole, les moyens d’analyse, de mesure, de contrôle et de suivi des effets de l’ouvrage sur l’eau ou encore le mode de restitution des eaux prélevées et la qualité des eaux restituées, notamment leur oxygénation.

Le cahier des charges précise également les réserves en eau que le concessionnaire est tenu de fournir en cas de besoin : il s’agit ici dun véritable enjeu de maintenir ces missions de service public, essentielles à la gestion des conflits dusage, dans les futures concessions qui seront attribuées.

Les hydroélectriciens participent ainsi, depuis un certain temps, à la mise à disposition de la ressource en eau pendant les périodes de tension, en déstockant une part importante de l’eau pour le soutien écologique du milieu, l’irrigation des agriculteurs ou le maintien d’un certain nombre d’activités nautiques.

Ils sont, à ce titre, un acteur important dans la gestion de leau qui ne dispose pas toujours des moyens, techniques et humains, pour remplir cette mission. Les aménagements hydroélectriques rendent, dans ce contexte, un certain nombre de services :

– gestion quantitative de l’eau, par des restitutions d’eau en période d’étiage ;

 conservation de la vie piscicole grâce au débit réservé des ouvrages existants ;

– maintien de conditions de température acceptables pour les poissons.

Recommandation : La mission d’information préconise, à l’instar des annonces faites par la ministre de la transition écologique et solidaire en décembre 2019 concernant des discussions en cours avec la Commission européenne ([35]), labandon du système de mise en concurrence des barrages hydroélectriques. Celui-ci pourrait être remplacé par un système proche de la régie, qui permettrait doctroyer sans mise en concurrence des concessions à une structure publique dédiée ; cela serait justifié par le caractère de bien commun de ces réserves stratégiques et par la nécessité de leur bonne gestion, sans discontinuité sur le territoire.

4.   Le rôle méconnu des gestionnaires de canaux

L’alimentation des canaux est destinée au maintien de la navigation et de la circulation de l’eau dans les ouvrages. Voies navigables de France (VNF), le principal opérateur des canaux français, a indiqué à la mission d’information que ses retenues, barrages et autres installations aident également à gérer les étiages comme les crues et, ce faisant, à fournir de l’eau aux autres usagers. Maintenir les tirants d’eau* sur les fleuves et les canaux est devenu une mission essentielle pour l’établissement public.

Ce levier est complexe à manier : il peut contrarier les collectivités qui utilisent les canaux comme bases de loisirs et paralyser les échanges économiques par voies fluviales ([36]) ; il y a également des enjeux forts (pour la biodiversité et pour la préservation des ouvrages) à garder suffisamment d’eau dans les canaux.

La gestion de ce réseau implique des prélèvements (opérés à près de 63 % de leur volume par VNF en 2013). Ils sont presque totalement réalisés en eaux de surface, dans le milieu naturel ou dans des barrages réservoirs ou des étangs.

On notera enfin que, comme EDF, par l’ampleur du domaine qu’il supervise, VNF est une source d’informations précieuses sur l’état de la ressource. Il a même annoncé à la mission d’information son projet de constituer une base de données structurée pour connaître en temps réel les besoins en eau sur des fondements moins empiriques – des données qui pourront être utilisées par d’autres – et compte développer des partenariats avec d’autres acteurs de la gestion des canaux afin de partager leurs informations respectives.

5.   Certains usagers ne prélèvent pas la ressource

Il convient notamment de citer :

– la conchyliculture, qui ne capte pas d’eau sur le milieu mais est fortement dépendante de ses états quantitatifs et qualitatifs, la croissance des coquillages étant conditionnée au degré de salinité de l’eau ;

– les activités de loisir, qui utilisent l’eau pour une pratique ludique (lac artificiel aménagé pour le tourisme, patinoire, piscine, golf, etc.) ;

– la pêche de loisir. De leur audition par la mission d’information, il est ressorti que les pêcheurs ont également un rôle important à jouer dans la collecte des données sur le milieu : ils communiquent notamment leurs relevés d’indicateurs de surface et les écoulements des cours d’eau aux agences de l’eau. Les pêcheurs de loisir sont un exemple de la manière dont un même usager de la ressource peut avoir plusieurs usages de la ressource en eau ou lui attacher plusieurs valeurs : attachés à leur activité de loisir, les pêcheurs peuvent aussi avoir un rôle à jouer dans la protection de la biodiversité et du milieu.

On ne manquera pas de rappeler enfin que les premiers « usagers » de leau sont les milieux naturels et, qu’en retour, ils contribuent directement à son renouvellement et au maintien de sa qualité.

6.    Des usages légitimes qui peuvent devenir concurrents

En situation dabondance, ces divers usages et intérêts coexistent sans tension (hors éventuels problèmes de pollution). C’est l’insuffisance de la ressource à répondre aux pressions ou sa raréfaction qui entraînent des situations de conflit d’usage. Bien que tous ces usages soient légitimes, les usagers sont alors forcés de s’adapter à un déséquilibre, transitoire ou structurel, qui empêche la satisfaction de tous les intérêts, désormais placés dans une situation de concurrence qui va aller en saggravant du fait des changements climatiques.

Car pour nombre d’usagers, la pénurie d’eau peut avoir un impact puissant, voire poser un problème de survie – à commencer par les premiers concernés, les milieux aquatiques eux-mêmes. La sécheresse de 2019 a mis en avant de nombreuses difficultés que peuvent connaître les différents usagers en situation de pénurie :

– les conditions hydrologiques préoccupantes de 2018-2019 ont provoqué la fermeture progressive des canaux et l’arrêt de la navigation sur un nombre important d’entre eux entre avril et octobre 2019. Cela a eu des conséquences significatives pour les plaisanciers et les activités fluviales et a provoqué une eutrophisation de l’eau et une atteinte plus globale à la biodiversité ([37]) ;

– les pisciculteurs et pêcheurs de loisir ont subi la dégradation du milieu de vie piscicole provoquée par une baisse d’étiage trop importante ;

– la tension sur la ressource a obligé certains industriels à réduire leur activité. Plus généralement, elle contraint également leurs projets d’installation et peut devenir un frein ou un facteur d’arrêt de l’extension de leur activité ;

– les centrales nucléaires ont également été l’objet de fortes préoccupations touchant directement à leur sûreté. En outre, lorsqu’un fleuve n’est pas assez abondant et que l’eau est déjà chaude, les rejets des centrales peuvent entraîner une élévation dangereuse de la température pour la faune et la flore, motivant des modulations de la production ou un arrêt temporaire des réacteurs. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) détermine, en la matière, les seuils à ne pas dépasser, mais peut accorder des dérogations génératrices de tensions avec des associations de protection de l’environnement. Selon EDF, auditionné par la mission, la limitation de la production d’électricité d’origine nucléaire en période de fortes chaleurs représente une perte de production de 0,3 % du volume annuel produit ;

– quant aux irrigants, leur stratégie culturale étant fondée sur l’eau apportée en supplément, ils sont les premiers à pâtir des tensions sur la ressource hydrique. Il leur est à cet égard souvent reproché de poursuivre une agriculture intensive trop gourmande en eau, au détriment d’une agriculture raisonnée.

Enfin, les usages prioritaires de la ressource en eau peuvent être directement menacés à certains endroits quand le poids des prélèvements professionnels est excessif et que les besoins de l’alimentation humaine, des hôpitaux et de la lutte contre les incendies sont insuffisamment protégés.

La pénurie d’eau disponible pose alors la question cruciale du partage de la ressource.


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   Deuxième partie :
Une rÉgulation des conflits d’usage qui nÉcessite de prendre la mesure de l’urgence climatique afin de les anticiper et de les prÉvenir

La législation française définit un droit à l’usage de l’eau pour tous et impose, une fois que sont satisfaits les besoins prioritaires « de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de lalimentation en eau potable de la population » ainsi que de la protection de l’eau et du respect des équilibres naturels ([38]), de satisfaire ou concilier les différents usages de la ressource.

Cependant, quand la ressource en eau, particulièrement en eau potable, devient localement insuffisante pour répondre à l’ensemble des besoins, il faut se poser la question de son partage entre usages, mais surtout entre usagers, devenus concurrents. Or, la raréfaction de la ressource va s’intensifier du fait des changements climatiques, ce qui impose de prendre la mesure de cette urgence afin de réguler les conflits dusage existants et danticiper et prévenir ceux à venir.

Comment organiser de manière juste la répartition de l’eau quand, hors les besoins prioritaires, il n’y a pas d’usages plus légitimes que d’autres ? Comment prioriser les efforts demandés aux différents usagers ? Et comment objectiver les régimes dérogatoires accordés à certains acteurs ?

Les réponses apportées à ces interrogations sont cruciales pour la régulation des conflits d’usage en termes :

– de préservation de la ressource et des milieux naturels ;

– de sécurisation du dispositif, afin de limiter les contentieux ;

– d’efficacité économique, pour ne pas mettre à mal les activités professionnelles de territoires qui peuvent être économiquement fragiles ;

– d’acceptation sociale, afin d’éviter que ne se développe un sentiment d’iniquité devant le constat que les efforts demandés ne seraient pas partagés entre tous.


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I.   UN PRÉALABLE ESSENTIEL : « BIEN COMPTER POUR BIEN PARTAGER »

A.   LES MOYENS PERMETTANT DABOUTIR À UN CONSTAT COMMUN SUR LÉTAT DE LA RESSOURCE EN EAU

Afin de connaître l’état des lieux de la ressource et de la réserve d’eau disponibles et les prévisions d’évolution dans les prochaines décennies, il est important de disposer d’outils permettant de mesurer, d’évaluer ou d’estimer tant les flux que les stocks d’eau disponibles et à venir.

Il est en particulier essentiel de disposer de données suffisamment précises géographiquement afin de permettre une bonne gestion de la ressource en eau au niveau local. Il est en effet ressorti des auditions conduites par la mission que pour bien gérer leau, il est essentiel de bien compter : cette règle s’applique tant à la connaissance de l’état de la ressource qu’à la connaissance des différents usages qui en sont faits.

La connaissance de la ressource et des réserves d’eau provient d’abord d’indicateurs de mesures et de prévisions réalisées principalement par des personnes publiques (État, opérateurs, collectivités). Le bulletin national de situation hydrologique, publié par l’Office international de l’eau avec l’appui de la direction de l’eau et de la biodiversité du ministère de la transition écologique et solidaire et le soutien financier de l’Office français de la biodiversité (OFB), rassemble, chaque mois, plusieurs indicateurs permettant d’assurer le suivi de la ressource et des réserves : précipitations et précipitations efficaces, indice d’humidité des sols, débits des cours d’eau et taux de remplissage des barrages et réservoirs.

1.   Des outils de mesure publics dont le financement doit être assuré

a.   Un réseau national de piézomètres dont le budget diminue

S’agissant de l’état des nappes d’eau, le portail national d’accès aux données sur les eaux souterraines (ADES) est un outil géré par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) collectant et conservant les données sur les eaux souterraines. Il a notamment pour objectif de faciliter la gestion locale des masses d’eau souterraines en permettant d’avoir accès tant aux mesures quantitatives que qualitatives de la ressource. Il regroupe des données fournies par le BRGM, mais aussi par les agences de l’eau, les services de l’État, les collectivités territoriales et les industriels dans le cadre du suivi des installations classées et des sites pollués.

Le BRGM opère un réseau national de 1 600 piézomètres* qui mesurent l’état du niveau des nappes d’eau. Ce réseau permet, dans la plupart des cas, de disposer de données d’enregistrement au moins sur les vingt-cinq dernières années. Certains piézomètres ont été initialement installés il y a un siècle ; leur nombre s’est également accru à la fin des années 1970, suite à la forte sécheresse de 1976. Sur les 1 600 points que compte le réseau, plus de 90 % disposent aujourd’hui d’un système de télétransmission en temps réel.

Le budget octroyé à ce réseau est de 4,6 millions d’euros, financé à hauteur de 3,7 millions d’euros par l’OFB. Si l’automatisation et la télétransmission des données ont permis de réduire les coûts de gestion, la diminution du budget du réseau, de l’ordre de 20 % en 2019 selon le BRGM, soulève la question du maintien du réseau existant de piézomètres, alors qu’il est, au regard des changements climatiques, plus que jamais nécessaire de l’étendre.

Une baisse du maillage piézométrique national serait en tout état de cause problématique pour la connaissance des réserves deau en sous-sol, dans un contexte de tension accrue sur la ressource. Lors de son déplacement dans les Vosges sur le conflit d’usage concernant la ressource en eau à Vittel, la mission a ainsi pu observer que l’absence de données publiques précises sur le niveau des nappes était un point contribuant à l’exacerbation des tensions. Pour réguler les conflits, il est en effet nécessaire d’établir un diagnostic partagé sur le niveau des réserves d’eau.

Recommandation : Étendre le réseau piézométrique public national à 2 000 points à lhorizon 2024, tout en renforçant le budget qui lui est octroyé.

b.   Une connaissance des cours d’eau qui peut dépendre de leur classification

S’agissant des cours d’eau, deux dispositifs institutionnels permettent d’en suivre les niveaux et les débits :

– Hydro, qui recense les mesures de hauteur d’eau dans 5 000 stations et calcule, pour chaque station, les débits instantanés, quotidiens et mensuels. Il est alimenté tant par les services de l’État que par des entreprises (EDF, compagnies d’aménagement, etc.). Le réseau de mesure hydrométrique de l’État comprend plus de 2 500 stations hydrométriques, pour un coût fonctionnel et de personnel s’élevant à 3,8 millions d’euros par an ;

– lObservatoire national des étiages (ONDE), mis en place par l’OFB, qui surveille, depuis 2012, l’assèchement des cours d’eau durant la période estivale, via des observations visuelles réalisées par les agents de l’office. Plus de 24 000 observations ont ainsi été réalisées en 2019, dans 3 225 stations, en majorité situées en tête de bassin versant*.

Ces deux dispositifs sont complémentaires : selon l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture ([39]) (IRSTEA), entendu par la mission, 44 % des stations de l’Observatoire national des étiages ont montré des assecs*, contre 8 % des stations Hydro. L’observatoire permet notamment d’assurer un meilleur suivi des situations sensibles, les petits cours d’eau réagissant plus rapidement à une évolution de la ressource liée aux conditions hydro-climatiques.

La question de la connaissance du niveau et du débit des cours d’eau ne peut toutefois être détachée de celle de la définition d’un cours d’eau. Or, un arrêté du 4 mai 2017 ([40]) a fait évoluer la définition des points deau, entendus comme les cours d’eau et les éléments du réseau hydrographique figurant sur les cartes à l’échelle 1/25 000 de l’Institut géographique national (IGN), en donnant compétence au préfet pour établir, par arrêté préfectoral, la liste de ces points d’eau.

Si cette liste des points d’eau n’est applicable que dans le cadre de l’arrêté du 4 mai 2017 précité – qui concerne la pollution des points d’eau par la dérive de pulvérisation ou le ruissellement des produits phytopharmaceutiques –, il convient néanmoins d’être vigilant quant à limpact du déclassement de certains cours deau sur le suivi de leur niveau et de leur débit. L’Office français de la biodiversité comme les associations environnementales ont ainsi noté un recul des points d’eau par rapport à la cartographique précédente, issue de l’arrêté du 12 septembre 2006 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits visés à l’article L. 253-1 du code rural. De plus, ce déclassement pourrait accroître les risques de pollution dans les plus petits cours deau ; et si ceux-ci alimentent des cours d’eau classés, cela conduira à une augmentation de la pollution des cours d’eau plus importants pouvant nuire à leur potabilité.

Recommandation : Abroger larrêté du 4 mai 2017 afin de revenir à la définition des points d’eau qui prévalait antérieurement.

2.   Des outils de prospective dont l’actualisation doit être réalisée

L’existence d’outils de prévision de qualité permet d’améliorer les décisions de gestion de la ressource en eau au niveau local.

a.   Une prospective nécessaire sur l’état des masses d’eau souterraines

Précédemment évoqué, le projet Aqui-FR constitue un outil de prospective sur l’état des réserves d’eau souterraines qu’il est important d’actualiser. Météo-France a également développé, avec le soutien de l’Union européenne, un prototype pour la gestion saisonnière des eaux de surface dénommé RIFF, qui a vocation à devenir opérationnel sur l’ensemble de la France. Testé durant la saison d’étiage de 2019, il intègre les prévisions hydrologiques suivant plusieurs indicateurs (débit, stock, humidité des sols) à un horizon de six mois et est réactualisé tous les mois.

Le projet Aqui-FR

Le projet de recherche collaboratif Aqui-FR, soutenu par l’Office français de la biodiversité, rassemble des hydrogéologues du BRGM, de MINES-Paristech et du CNRS, des météorologues du Centre national de recherches météorologiques de Météo‑France ainsi que des spécialistes du couplage numérique du Centre de recherche fondamentale et appliquée spécialisé dans la modélisation et la simulation numériques (CERFACS).

Ce projet a pour objectif de fournir un suivi et des projections de l’état des réserves d’eau souterraines, aujourd’hui sur les zones sédimentaires du nord de la France – et prochainement sur les alluvions du Tarn-et-Garonne ainsi que sur les aquifères de socle bretons. Il permet un suivi en temps réel, en complément d’observations ponctuelles de l’état des nappes, mais permet surtout de réaliser des prévisions de lévolution de la ressource sur des périodes de six mois, les nappes n’étant pas aussi sensibles que les eaux de surface aux événements météorologiques.

b.   La nécessité d’actualiser Explore 2070 pour mieux anticiper les changements climatiques

Le projet Explore 2070, précieux pour la prospective sur l’évolution de la ressource et des réserves d’eau liée aux changements climatiques ([41]) , est relativement ancien. Ses résultats s’appuient sur les données issues du quatrième rapport du GIEC, qui datent de 2007. Or, les résultats des simulations climatiques réalisées dans le cadre du sixième rapport d’évaluation du GIEC devraient désormais permettre d’établir de nouvelles projections hydro-climatiques régionalisées.

L’intérêt d’une telle réactualisation est multiple. Elle permettra la révision des schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) et des schémas directeurs daménagement et de gestion des eaux (SDAGE), mais également la révision et lélaboration des programmes des agences de leau ou lélaboration des projets de territoire pour la gestion de leau ([42]) (PTGE).

Recommandation : Le ministère de la transition écologique et solidaire a indiqué à la mission d’information que des discussions étaient en cours pour évaluer l’opportunité de mettre à jour Explore 2070 – par un projet intitulé Rexplore 2070 – au regard de son coût financier, estimé à 2,5 millions d’euros. Au vu des enjeux croissants liés aux changements climatiques, la mission préconise de réaliser cette actualisation dExplore 2070 en 20202021.

3.   Des données détenues par des acteurs privés qui doivent être plus largement ouvertes aux acteurs publics

Aujourd’hui, pour évaluer les prélèvements en eau des acteurs privés, les pouvoirs publics disposent des données servant à liquider les redevances pour prélèvements d’eau gérées par les agences de l’eau. Mais les déclarations ne sont obligatoires qu’à partir d’un volume annuel supérieur à 10 000 mètres cubes et ces informations, diffusées par la banque nationale des prélèvements quantitatifs en eau, ne portent que sur les volumes annuels captés sur la ressource.

Recommandation : Du fait de l’importance, pour une bonne gestion de l’eau, des données sur la ressource en eau comme sur les prélèvements, il est nécessaire de disposer de données mensuelles, et non plus annuelles, sur les prélèvements privés afin de permettre un suivi saisonnier de la ressource en eau.

Par ailleurs, si ces données de prélèvements, nécessaires à la police de l’eau et au calcul des redevances des agences de l’eau, sont connues des services de l’État, tel n’est pas toujours le cas des informations relatives à l’état des réserves d’eau dont peuvent disposer certains exploitants ou entreprises privées. Les industriels du secteur des eaux embouteillées, en particulier, possèdent des bases de données sur l’état quotidien des nappes d’eau souterraines qu’ils exploitent, collectées en temps réel par le biais de piézomètres.

Or, il est ressorti du déplacement de la mission d’information à Épinal, au sujet du conflit d’usage lié à la nappe des grès du Trias inférieur (GTI) dans la localité de Vittel, que la mise à disposition de ses données sur l’état des réserves d’eau par Nestlé Waters constituait un point de tension local. Si Nestlé Waters a d’ores et déjà mis à disposition de la commission locale de l’eau (CLE) les données des niveaux d’eau pour le gîte* C de la nappe – qui a concentré l’essentiel des tensions –, tel n’est pas le cas des autres données dont l’entreprise dispose, notamment celles relatives au gîte B.

Nestlé Waters a indiqué à ce sujet à la mission d’information que ces données seraient néanmoins prochainement adressées à la CLE, dans le cadre de la création, au niveau local, d’un observatoire hydrogéologique alimenté par les données du BRGM et celles de Nestlé Waters, ainsi que par la mise en place, par l’observatoire, de nouveaux piézomètres. Des auditions conduites par la mission d’information au cours de son déplacement, il est apparu que la création de cet observatoire était un des éléments permettant de rétablir la confiance des différentes parties prenantes et de dessiner un constat partagé, condition sine qua non à la régulation du conflit d’usage.

Recommandation : Afin de favoriser l’émergence d’un état des lieux partagé sur l’état des réserves d’eau, la mission préconise de rendre obligatoire la transmission à la CLE des données sur létat de la ressource et des réserves deau détenues par des personnes privées prélevant sur le territoire d’un SAGE quand la CLE en fait la demande.

4.   Des indicateurs dont la pertinence est parfois remise en question

La disponibilité et l’accessibilité des données pertinentes sont des enjeux fondamentaux. Mais les auditions conduites par la mission ont également montré que le choix des indicateurs pour mesurer la ressource et les réserves deau nest pas anodin. En effet, certains indicateurs pourtant fréquemment utilisés sont peu précis et inadaptés aux enjeux d’une gestion quantitative de l’eau. C’est par exemple le cas de la pluviométrie moyenne annuelle qui, en pratique, est peu utile pour la gestion locale de l’eau, laquelle nécessite des outils locaux et plus fins tels que l’indice de sécheresse des sols, le niveau et la structure des nappes à proximité d’un lieu donné, etc.

Les indicateurs utilisés pour définir les seuils dont le dépassement déclenche des mesures de restriction en période de sécheresse, notamment, sont particulièrement critiqués, alors qu’ils sont déterminants pour une gestion efficace de la crise.

Enfin, l’audition, par la mission d’information, de la chercheuse Mme Sara Fernandez a montré, à partir de l’exemple du bassin Adour-Garonne, que la définition des débits dobjectif détiage (DOE) utilisés pour suivre les situations de déficit chronique, est affaire de convention : les valeurs retenues se fondent certes sur les moyennes statistiques des basses eaux des cours, mais elles traduisent aussi les usages souhaités et les besoins en eau qui en découlent. Selon la chercheuse, « il ny a pas dindicateur miracle qui objective les situations ».

Des intérêts commerciaux ou encore des développements technologiques ont progressivement façonné le DOE, de telle sorte qu’il ne peut être uniquement perçu comme un indicateur scientifique neutre et objectif.

En outre, les chiffres ne parlent pas par eux-mêmes ; ce que les acteurs leur font dire reflète autant les rapports de force et la divergence des intérêts que le souci d’évaluer l’état des ressources.

La construction, non neutre, du DOE dans le Bassin Adour-Garonne

Le Bassin Adour-Garonne se caractérise par d’importants ouvrages hydrauliques, construits depuis le XIXe siècle au nom d’un besoin de corriger un déficit hydrique présenté comme naturel. La construction de barrages-réservoirs s’est fortement accentuée dans les années 1950 pour la production d’électricité et l’irrigation. Avec la nouvelle prise en compte nationale de la problématique de la pollution de l’eau dans les années 1960, l’agence de l’eau du bassin définit d’abord des débits d’objectif de qualité pour les principaux cours d’eau (DODQ) : correspondant à ce qui reste après que les différents usagers ont prélevé dans les cours d’eau, ils permettent d’estimer la capacité minimale de dilution des polluants et de dimensionner le financement des systèmes de traitement des eaux usées.

Dans les années 1970, l’agence formule aussi l’idée d’un débit minimum admissible (DMA), censé identifier les « besoins non solvables » du cours d’eau, nécessaire à la vie des milieux naturels, à la salubrité publique et au soutien des débits pour ne pas trop abaisser la nappe phréatique, sans que cela soit toutefois pris en compte dans la gestion de l’eau.

Puis, les années 1985-1991 sont marquées par des sécheresses successives, alors même que les surfaces irriguées augmentent de manière incontrôlée, essentiellement pour la culture du maïs. L’agence de l’eau fait alors adopter en 1989 un programme décennal de développement de la ressource en eau (PDRE) en utilisant la référence du DMA : son action vise non plus l’écoulement à l’étiage tel qu’il est, mais tel qu’il devrait être pour permettre une dilution des polluants satisfaisante, c’est-à-dire l’étiage désiré. Cependant, les travaux de Mme Sara Fernandez montrent que ce niveau détiage désiré est le fruit dintenses négociations entre les principaux acteurs économiques et politiques du territoire ainsi que de tractations entre acceptation de mesures (de lâchage ou de restrictions) destinées à maintenir des débits minimums assez élevés, compensations financières pour le principal hydroélectricien et promesses de développer l’eau disponible pour l’irrigation, justifiant la construction de nouveaux réservoirs.

C’est en effet en fonction des DMA que sont calculés les déficits à combler, qui intègrent non seulement les besoins en dilution des principaux polluants, mais aussi des développements futurs des cultures irriguées. Les ressources servant de référence (dites débits naturels reconstitués) sont modélisées à partir des chroniques de débits « mesurés » auxquelles sont retranchés les prélèvements passés et ajoutés les lâchers passés des réservoirs hydroélectriques.

Les années 1990 voient se développer plusieurs controverses : remise en cause des grandes infrastructures et du développement sans limite des besoins de l’irrigation agricole ; interrogation de la pertinence d’une gestion par les seuls critères de dilution et de concentration de polluants.

Les situations de crise se faisant de plus en plus récurrentes malgré les nouveaux réservoirs, les DOE sont également associés à des débits de crise (DCR), inférieurs, en deçà desquels sont enclenchés des lâchers d’eau des barrages-réservoirs ou sont limités les prélèvements.

Le DOE définit à la fois l’étiage des cours d’eau acceptable et structure sa gestion en étant associé aux seuils de déclenchement des restrictions d’usage. Or, ces différents seuils sont eux-mêmes collectivement négociés entre acteurs : leur mode de calcul peut varier d’un territoire à un autre ; le dispositif de mesure associé peut être positionné selon des enjeux qui ne sont pas seulement géologiques ; leurs valeurs peuvent évoluer dans le temps. Ainsi, Mme Sara Fernandez relève que les DOE appliqués à la Midouze ont été diminués dans les années 2000 pour « sécuriser les droits deau dans le présent ».

Aussi conclut-elle, dans son étude publiée en 2018, « les cas analysés suggèrent […] que, entre rigueur scientifique et pragmatisme politique, le second prend le dessus. Ils montrent que ces modélisations sophistiquées reviennent in fine à réduire la complexité des phénomènes environnementaux au point de désamorcer les alertes environnementales, et dans le même temps à rendre toujours plus indiscutables les politiques qui ont participé à ces problèmes environnementaux. Ce faisant, la modélisation a donc bien une fonction politique, puisquelle participe activement à naturaliser le passé et des politiques sectorielles inscrites dans le temps long, quelles concernent lindustrie chimique, la production délectricité ou la maïsiculture irriguée. »

Sources :

 Fernandez Sara, Trottier Julie, « Chapitre 9. La longue construction du débit d’objectif d’étiage : l’odyssée d’une métamorphose (la gestion des cours d’eau du bassin Adour-Garonne) », in François Papy éd., Nouveaux rapports à la nature dans les campagnes. Versailles, Éditions Quæ, « Indisciplines », 2012, p. 153‑167 ;

 Debril Thomas, Fernandez Sara, « Qualifier le manque d’eau et gouverner les conflits d’usage : le cas des débits d’objectif d’étiage (DOE) en Adour-Garonne », in Développement durable et territoires, vol. 7 n° 3, décembre 2016.

– Gaudin Alexandre, Fernandez Sara, « En attendant les barrages. Gouverner les temporalités de la gestion de la pénurie en eau dans le sud-ouest de la France », in Développement durable et territoires, vol. 9 n° 2, juin 2018.

Or, ce sont ces constats qui fondent ensuite les arbitrages entre les différents usages et déterminent les choix des leviers et des outils à mettre en œuvre pour une gestion équilibrée de la ressource.

B.   DES SEUILS DE DÉCLENCHEMENT DES MESURES DE RESTRICTION À CONSOLIDER

La loi confie la gestion des situations de crise aux préfets qui, pour faire face à une sécheresse, peuvent prendre des arrêtés restreignant les usages de l’eau ([43]), dits « arrêtés sécheresse ». Venant limiter des droits, ce dispositif de gestion de crise est très encadré, à commencer par le moment de sa mise en œuvre.

En effet, les « arrêtés sécheresse » ne peuvent être pris préventivement. En l’état actuel de la législation, tant que le risque n’est pas avéré, une restriction des droits d’usage serait irrégulière. D’un autre côté, la réactivité est une condition de l’efficacité de la gestion de crise qui exige de disposer dindicateurs pertinents pour réagir à bon escient au bon moment. Cela implique de s’entendre sur le stade critique à ne pas dépasser et de disposer de repères objectifs qui reflètent en temps réel l’évolution de l’état des eaux. C’est le rôle des seuils de déclenchement, dont le dépassement autorise la prise des « arrêtés sécheresse ». Les seuils de déclenchement sont établis par des arrêtés-cadres en tenant compte des types de besoin en eau, des caractéristiques des ressources disponibles et des points de surveillance existants. Dans les faits, lidentification de ces seuils nest pas toujours évidente.

1.   Le nécessaire renforcement du dispositif d’alerte

L’identification de ces seuils suppose, en première étape :

– d’avoir correctement évalué les ressources prélevables et les volumes prélevés en période d’étiage ;

– de déployer un dispositif de surveillance des milieux suffisant et correctement positionné.

Sur le premier point, on a vu que la connaissance des ressources, notamment en eau potable prélevable, est encore loin d’être satisfaisante. À défaut de connaître les capacités réelles, on s’appuie sur les évolutions visibles : les seuils de déclenchement « doivent être définis selon les débits des rivières ou la piézométrie des eaux souterraines ([44]) ».

Les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) doivent établir les débits de référence pour le bassin versant, à savoir les débits de crise (DCR) ou les débits dobjectif détiage (DOE) pour les situations de déficit chronique. Le choix de ces indicateurs n’est pas neutre, comme l’ont fait ressortir les travaux conduits par la mission d’information sur les conflits d’usage dans l’Indre et dans le Tarn.

L’étude menée par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) sur la mise en œuvre, par les services de l’État, des dispositifs de gestion de la crise en 2019 ([45]) montre par ailleurs que leur élaboration serait également très hétérogène selon les SDAGE, notamment pour déterminer les paramètres à prendre en compte et les données à rechercher.

Enfin, même si le CGEDD juge performant ([46]) le réseau d’hydrométrie qui assure la surveillance des débits, il relève également plusieurs défauts, qui retardent le repérage des signes de crise, voire faussent lappréciation de la gravité de la situation :

– certaines stations ne savent signaler que les crues ; ailleurs, le repère est fixé sur un niveau qui ne permet pas de suivre les évolutions après son dépassement, ni même les signaux d’alerte avant-coureurs ([47]) ;

– le positionnement d’une station sur un cours d’eau à débit régulé ou bénéficiant d’un soutien d’étiage peut masquer la réalité de la situation sur le reste du sous-bassin et retarder la réaction des autorités ;

– les rejets de stations d’épuration peuvent maintenir un débit au-dessus de son seuil d’alerte. Cependant, lorsque leur part dans l’approvisionnement du cours d’eau augmente, on peut aussi craindre une dégradation de la qualité de l’eau venant menacer les usages ordinaires ;

– enfin, la mobilisation de ces données par les surveillants de l’eau est hétérogène. Ne sont pas toujours bien prises en compte ni les connexions entre rivières et nappes et les impacts sur les débits plus loin en aval ([48]), ni les réactions différées des nappes à la sécheresse qui, variant selon leur profondeur, peuvent donner l’illusion que la ressource souterraine est encore abondante.

La remise en cause des indicateurs QMNAs

L’indicateur de référence utilisé sur le territoire national est le QMNA qui correspond au débit du cours d’eau permettant d’assurer le maintien de la vie aquatique en fin d’été.

Mais quand un cours d’eau connaît une baisse importante de son débit dès le printemps, même s’il n’a pas atteint le QMNA, on devrait s’inquiéter de son impact sur les milieux aquatiques, surtout si la situation se prolonge, et y voir un signe avant-coureur de la crise estivale.

La direction départementale des territoires (DDT) de l’Indre, auditionnée par la mission d’information lors de son déplacement à Châteauroux, s’interroge en conséquence sur l’opportunité de faire varier mensuellement les seuils d’alerte.

La DDT de l’Indre, entendue par la mission, en est venue à questionner la cohérence des indicateurs à sa disposition, les sondes et capteurs utilisés n’étant pas nécessairement positionnés aux endroits les plus représentatifs des ressources ni même les plus stratégiques pour les besoins du territoire. Elle a pu constater de vraies discordances entre les mesures réglementaires et les observations directes, sans pour autant être autorisée à prendre des dispositions de restriction puisque les seuils n’étaient pas officiellement dépassés.

Les défauts des indicateurs de débit pourraient être en partie compensés par les observations visuelles de l’état d’écoulement des petits cours d’eau métropolitains du dispositif ONDE. Toutefois, les services de l’État ne solliciteraient pas systématiquement ce réseau ; les arrêtés-cadres qui s’y réfèrent ne l’envisageant que comme un outil de diagnostic complémentaire, ses données ne permettent pas le déclenchement des mesures de restriction.

Recommandation : Faire évoluer lindicateur utilisé pour les seuils dalerte :

– en faisant varier lindicateur QMNA mensuellement pour tenir compte des évolutions de la ressource selon les saisons ;

– en systématisant le recours aux observations du réseau ONDE dans les départements où il est déployé et en prenant en compte les résultats de ces observations comme paramètres pour la définition des seuils d’alerte.

D’autres réseaux, comme celui des pêcheurs ou d’EDF, pourraient venir renforcer le dispositif d’alerte. Mais ces diverses données seraient également sous-utilisées, selon le CGEDD. Les services de l’État dans l’Indre observent, en revanche, que les syndicats GEMAPI pourraient apporter une aide précieuse pour le suivi des ressources et leur connaissance.

Le ministère de la transition écologique et solidaire a annoncé à la mission d’information qu’un audit est en cours pour adapter le réseau de suivi.

2.   L’identification des seuils pertinents

L’étape suivante pour la définition de seuils pertinents consiste à identifier les niveaux deau qui méritent le déclenchement de mesures de restriction. Les seuils définis par les arrêtés-cadres sont gradués ([49]) afin d’apporter des réponses progressives en fonction du degré de gravité de la situation et de l’évolution observée de la ressource. Malgré cette souplesse d’adaptation, il n’en reste pas moins que les mesures de limitation doivent être mises en œuvre assez tôt pour préserver l’avenir en tenant compte de l’inertie des systèmes hydrauliques.

Pour identifier le moment adéquat et les niveaux d’eau correspondants, il faut être capable d’anticiper l’évolution des volumes d’eau disponibles et donc de connaître non seulement le fonctionnement des milieux aquatiques, mais aussi les quantités réellement captées.

Or, l’étude du CGEDD comme les auditions de la mission d’information montrent que la connaissance des volumes prélevés n’existe que de manière globale et annuelle – malgré l’obligation réglementaire pour chaque préleveur d’avoir un dispositif de comptage et un registre des volumes prélevés et d’en faire régulièrement la déclaration.

Le CGEDD souligne en particulier que l’absence de comptages suffisamment précis sur la plupart des points de prélèvements ne permet pas d’avoir une connaissance des prélèvements calendaires, la seule qui permettrait d’évaluer exactement les besoins locaux et leurs impacts en période d’étiage. Le ministère de la transition écologique et solidaire reconnaît en outre que les compteurs ne sont pas encore systématiques et qu’à ce jour, ils ne permettent pas de suivi en temps réel. Aussi la mission insiste-t-elle sur la nécessité de mieux connaître les volumes prélevés, pour tous les grands usages de l’eau, chaque mois en temps normal ([50]), non seulement au niveau national mais aussi par sous-bassins, tout particulièrement dans les zones montrant des signes de tension.

Recommandation : Outre un suivi mensuel plutôt qu’annuel des prélèvements, il apparaît indispensable de renforcer le suivi régulier des prélèvements en période de pénurie, en envisageant par exemple des relevés hebdomadaires, afin d’anticiper l’évolution locale des ressources, tout en consolidant le contrôle de l’application des mesures de restriction.

 

La collecte des données structurelles dans l’Indre : un travail en cours

Pour compléter sa base de références hydrographiques, la DDT de l’Indre s’est tournée vers divers opérateurs, notamment Météo-France pour ses outils prospectifs et le BRGM pour un premier diagnostic sur les évolutions et les perspectives des ressources hydriques du département. Elle a par ailleurs entamé la mise à jour de sa base de données des points de prélèvements.

Lancés fin 2019, ces travaux devraient aboutir au printemps 2020. Au demeurant, la DDT cherche des réponses sur plusieurs points essentiels à la définition des seuils pertinents :

– quel est le débit nécessaire à la vie aquatique selon la saison ?

– quelle est la résilience des milieux aquatiques de la région à la suite d’une période prolongée de sécheresse et d’épisodes de canicule ?

– comment quantifier la ressource disponible, par micro-territoires ?

– comment apprécier l’impact des prélèvements ?

La mission observe, en conclusion, que, quels que soient les difficultés et les biais, la connaissance tant de l’état de la ressource en eau que des prélèvements réalisés, notamment en période d’étiage ordinaire, constitue le premier élément dobjectivation du partage des ressources.


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II.   Un dispositif de gestion de crise en situation de pÉnurie d’eau À amÉliorer

A.   le conflit d’usage, notion issue des sciences sociales

La notion de « conflits d’usage » est empruntée aux sciences sociales et intéresse aujourd’hui un vaste champ disciplinaire ([51]) (économie, juridique, géographie et aménagement, etc.). Elle désigne des conflits – souvent nés à la suite de la modification d’un équilibre existant – au sein desquels plusieurs acteurs se font concurrence sur lutilisation dune ressource spatialisée. Leurs activités, antagonistes ou compétitives, peuvent présenter des intérêts en apparence inconciliables.

Un conflit d’usage porte, tour à tour ou de manière cumulative, sur la gestion, lappropriation, lexploitation, laltération ou la destruction dune ressource naturelle, dun milieu ou encore dun service (eau, air, terres agricoles, électricité, bois, chemins de randonnée, réseaux autoroutiers, milieux humides ([52]), etc.). L’expression est aussi employée pour désigner un conflit touchant à un espace (littoral, rural, périurbain, urbain, portuaire), à un aménagement (aéroport, parc éolien, barrage, parc photovoltaïque, etc.) ou encore à un environnement ([53]).

Les conflits d’usage sur les milieux humides en zone urbanisée

Dans les zones urbanisées, l’application des mesures compensatoires dans le cadre de la démarche Éviter-Réduire-Compenser (ERC) est source de nombreux conflits d’usage autour des zones humides. Plusieurs problématiques peuvent se poser :

– la nécessité de trouver la surface foncière permettant d’accueillir les mesures compensatoires, en particulier dans les cas où le SDAGE prévoit que chaque zone humide recréée doit avoir une surface deux fois supérieures à celle de la zone détruite ;

– la détection, souvent tardive, des zones humides, qui conduit à rendre impossibles les mesures d’évitement et de réduction ;

– l’absence de vision globale des projets d’aménagement et de leurs impacts sur les milieux humides, qui empêche les diverses mesures compensatoires de pleinement contrebalancer les impacts cumulés des différents projets ;

– la trop faible évaluation des fonctions écosystémiques remplies par le milieu détruit.

Source : CEREMA.

1.   La spécificité des conflits d’usage liés à la ressource en eau

Ces dernières années, plusieurs chercheurs ont consacré des travaux et des études de terrain aux conflits d’usage ayant trait à la ressource en eau. Ces travaux sont particulièrement utiles dans un contexte de multiplication et d’allongement dans le temps des épisodes de pénurie d’eau, ce qui va complexifier la cohabitation entre des acteurs qui revendiquent un droit sur cette dernière.

Ces différentes études soulignent la complexité du phénomène, puisqu’à la fois les échelles de gouvernance sont superposées et que les usages de la ressource, comme évoqué précédemment, sont multiples. Ces travaux universitaires, portant sur divers territoires (notamment le bassin de Thau ([54]), le littoral charentais ([55]), le bassin versant de la Charente ([56]), le bassin de Marennes-Oléron ([57]) ou encore le bassin Adour-Garonne ([58])) ont chaque fois montré comment l’eau génère convoitise et concurrence, parfois de façon intense.

La nécessité de protéger la ressource en eau, de maintenir ou de restaurer son bon état quantitatif et qualitatif fait apparaître des situations de conflits entre les acteurs, dont l’origine provient des concurrences d’usage. Les situations de tension sur la ressource et les graves crises quantitatives qui sont survenues durant l’été 2019 exacerbent ces conflits et motivent la réévaluation par la mission de la notion de conflits dusage en situation de pénurie deau.

2.   Le conflit d’usage comme réponse à un dysfonctionnement territorial

Les analyses les plus récentes des conflits d’usage environnementaux, plus particulièrement ceux liés à la ressource en eau ([59]), mettent à profit la théorie « Exit, voice, loyalty » d’Albert O. Hirschman ([60]). Lorsqu’une part de la population veut s’opposer à un dysfonctionnement territorial, elle dispose selon lui de trois possibilités :

– la loyauté (loyalty), en acceptant la décision qui est prise ;

– la défection ou fuite (exit), qui consiste à se délocaliser, à quitter la zone de tension (exit spatial), ou encore à diminuer sa dépendance à la ressource ou à trouver une autre source d’approvisionnement (exit de la ressource) ;

– la prise de parole (voice), qui consiste à sopposer à la décision par la négociation (voice concertation) ou par la confrontation (voice confrontation).

C’est cette dernière modalité, la prise de parole, qui marque le passage d’une simple situation de tension à une situation de conflit. Elle peut, à ce titre, prendre des formes variées : structuration d’un collectif, menaces, voies de fait ou confrontation verbale, médiatisation, production de signes, recours en justice, implication des instances publiques, confrontation ou destruction, etc.

Il est souvent ressorti des auditions de la mission d’information, notamment au cours de son déplacement sur le thème des retenues d’eau en projet dans les Deux-Sèvres, que certains acteurs n’aimaient pas l’emploi du terme, négatif selon eux, de « conflit ». Plusieurs personnes auditionnées à Niort ont associé ce substantif à une opposition ou à une lutte qui, pour elles, étaient arrivées à leur terme avec la signature d’un protocole d’accord en décembre 2018.

La notion de « conflit » n’est cependant pas nécessairement négative et témoigne en creux d’une possibilité de résolution. Plusieurs chercheurs ([61]) associent en effet le conflit à une forme de socialisation, d’interaction, voire de coordination entre les différents acteurs, puisque le dialogue n’est pas rompu et est ponctué de revendications, de rencontres, d’échanges, ou encore de moments d’apaisement. Il permet à des acteurs divers d’évaluer leurs intérêts alors même que leurs objectifs sont contradictoires, parfois inconciliables. Le conflit est, à ce titre, un processus actif qui témoigne de la recherche dun compromis, qui conduit à des innovations organisationnelles et à un ajustement des règles et des institutions. Il participe ainsi à la redéfinition des dynamiques et gouvernances territoriales ([62]).

3.   Une théorie confirmée par les déplacements de la mission d’information

Pour chaque conflit d’usage, il est nécessaire d’identifier l’usage qui est fait ou souhaité de la ressource en eau, les usagers et autres acteurs (collectivité, État ou associations de protection de l’environnement) qui lui sont liés, afin de décrypter les points de blocage qui ont conduit au conflit et l’entretiennent, dans un contexte de décalage entre la disponibilité de la ressource et les besoins anthropiques.

Dans le cadre des trois déplacements que la mission a effectués en janvier et février 2020, les situations observées, d’ordre varié, s’inscrivent chaque fois dans un contexte territorial spécifique. Un quatrième déplacement était programmé dans le Tarn en mars 2020, mais n’a pu être réalisé du fait de l’épidémie de covid‑19 ([63]). Il est nécessaire, pour chaque conflit, d’identifier les éléments qui suivent et de comprendre l’impact que peuvent jouer les changements climatiques dans leur exacerbation :

– son émergence : infractions aux règles d’usage, changement d’affectation de l’espace, impact réel ou potentiel d’une infrastructure ou d’une pratique sur un usage ou sur le milieu, période de pénurie d’eau exceptionnelle, partage des ressources ou de l’espace, etc. ;

– ses modes dexpression : contentieux, manifestation, mobilisations médiatiques, dégradations, etc. ;

– ses possibilités de régulation ([64]) : réglementation, concertation, etc.

a.   La construction de retenues d’eau dans les Deux-Sèvres

Le conflit d’usage sur le territoire des Deux-Sèvres se cristallise autour d’une solution technique (un projet d’aménagement) initialement constitué de dix‑neuf retenues d’eau sur le territoire à destination de plusieurs agriculteurs irrigants dans un contexte particulièrement tendu de sécheresses estivales récurrentes, que les changements climatiques vont intensifier.

Remplies en hiver en prélevant dans les réserves d’eau souterraines et de surface, les retenues assurent une ressource en eau pour l’été pour potentiellement 236 exploitations irrigantes. Ces aménagements, surnommés « bassines » par leurs opposants, ont selon eux de fortes conséquences environnementales sur le territoire : atteinte à la biodiversité, soutien à un modèle d’agriculture intensive, risques phytosanitaires, etc.

À mesure que le conflit s’installe, il devient aussi organisationnel, puisque le protocole d’accord collégial qui est mis en place, conformément à l’une des recommandations du rapport de M. le Préfet Pierre-Étienne Bisch ([65]), et qui a revu certains objectifs du projet à la baisse (baisse du volume d’eau prélevé ; réduction du nombre de retenues à seize au lieu de dix-neuf), ne réunit pas tous les acteurs et n’est donc pas jugé satisfaisant par certains opposants au projet.

Les opposants aux retenues considèrent que le protocole d’accord, signé en décembre 2018, quelques mois avant une instruction ministérielle de mai 2019 ([66]), ne s’accorde pas avec les principes d’un projet de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) à plusieurs égards :

– la consultation publique n’a, selon eux, pas été satisfaisante car elle n’a pas réuni tous les acteurs ;

– ce protocole favorise un acteur unique, l’agriculteur irrigant, au lieu de porter une vision d’ensemble visant la sobriété pour tous les usages.

L’exemple des Deux-Sèvres montre, à plusieurs égards, qu’un état des lieux partagé doit prévaloir lors de létablissement dun projet de territoire et qu’il doit réunir tous les acteurs et usagers de la ressource en eau. Il souligne également le caractère sensible des données et nourrit la position de la mission d’information qu’il est essentiel, pour aboutir à un constat partagé et à une gestion commune de la ressource en eau, de pouvoir faire confiance aux données récoltées, qui doivent être à la fois publiques et complètes.

b.   Pression d’une activité industrielle sur la ressource en eau à Vittel

Le deuxième conflit d’usage étudié, concentré sur Vittel, oppose principalement l’industriel Nestlé Waters à un collectif local de consommateurs et d’associations de protection de l’environnement. L’embouteilleur exerce une pression sur la nappe souterraine des grès du Trias inférieur (GTI), déficitaire chaque année de près d’un million de mètres cubes par an.

Afin de résorber ce déficit, la commission locale de l’eau (CLE) a, dans un premier temps, préconisé la construction d’une conduite de substitution (« pipeline ») pour conduire à Vittel de l’eau située à une quinzaine de kilomètres de distance à des fins d’alimentation en eau potable, afin d’alléger la pression sur la nappe. Ce conflit d’usage pose en particulier la question centrale de la priorité des usages et de la préservation des ressources en eau, dans un contexte de pénurie étendue, alors que la première partie du rapport a montré que l’on peut s’attendre à une baisse de 10 à 25 % de l’alimentation des aquifères d’ici 2045-2065 sur le territoire national.

Plusieurs cantons dans la localité de Vittel ont été classés en zone de répartition des eaux (ZRE) en 2004 ; puis une CLE a été mise en place en 2009. En janvier 2020, un protocole d’accord, abandonnant le projet de conduite de substitution, a été signé entre plusieurs parties prenantes. Il définit des objectifs sur le moyen et le long terme centré sur les économies deau des différentes parties prenantes ; il sera accompagné d’un SAGE à l’horizon 2021-2022. Le protocole prévoit notamment la fin des déficits de la nappe au plus tard en 2027 et, si possible, sa régénération. Mais ce dernier point, tout comme l’échéance de 2027, cristallise toujours des oppositions.

Le protocole prévoit également la mise en place d’un observatoire local chargé du suivi des réseaux piézométriques, outil visant à rétablir la confiance dans les données de niveau des différents gîtes de la nappe. Il ressort de ce conflit d’usage que labsence de constat partagé et dinstances locales de gouvernance fonctionnelles ont joué un rôle important dans l’enlisement du conflit.

c.   La gestion d’une sécheresse aggravée et récurrente en territoire rural : l’Indre

Le troisième déplacement réalisé a permis d’étudier le fonctionnement, les manques et les difficultés de mise en œuvre du dispositif réglementaire de gestion quantitative de l’eau en situation de crise aiguë.

L’Indre est un département majoritairement rural, où la question des besoins et des prélèvements agricoles a fortement pesé sur la gestion de la sécheresse de l’été 2019, même si le département ne compte qu’environ 200 irrigants sur 3 300 exploitants. Pour des raisons géologiques, une partie du territoire connaît, depuis une vingtaine d’années, des pénuries d’eau récurrentes en période d’étiage. Toutefois, jusqu’en 2017, des organisations de gestion collective de l’irrigation ainsi que des conventions entre des irrigants et les gestionnaires du barrage EDF d’Eguzon permettaient de dépasser les crises sans trop de dégâts pour les agriculteurs et avec peu d’impacts pour les autres usagers. La sécheresse de 2018 a engendré des difficultés plus importantes pour les exploitants ; celle de 2019 a été dévastatrice, montrant les limites des systèmes existants face à une pénurie aggravée, mais aussi linsuffisance et le caractère trop tardif des mesures de restriction prises, qui ont notamment conduit à l’interdiction de la majorité des usages en irrigation.

Mi-septembre, quelque 2 500 kilomètres de rivières étaient presque à sec ou en rupture de débit ; le niveau de l’Indre a baissé de 60 centimètres en 48 heures ; la zone humide de la Brenne, classée Ramsar ([67]) depuis 1991, a commencé à s’assécher. Les écosystèmes aquatiques ont été dégradés et de violents incendies se sont développés, détruisant plus de 10 000 hectares de forêt, sans que les services de lutte contre les incendies ne disposent de suffisamment d’eau pour les combattre. Les pisciculteurs de la Brenne ont perdu près de 80 % de leur production. Enfin, s’il n’y a eu que deux communes confrontées à de longues coupures d’eau potable, le département craignait, avant les pluies torrentielles et les crues de novembre, une rupture d’eau potable pour l’année 2020.

Bien que les services de l’État aient anticipé la crise en constituant, dès le printemps 2019, un « comité sécheresse » appelé Observatoire de la ressource en eau, ils ont fait l’expérience de linadaptation des indicateurs à leur disposition pour déclencher les différentes mesures de restriction d’usage.

L’expérience de l’Indre illustre l’impossibilité de préserver tous les intérêts en jeu en période de crise : agricoles, énergétiques, industriels et environnementaux. Les besoins prioritaires de protection et d’alimentation en eau potable de la population peuvent également être directement menacés. Elle montre la difficulté à répartir les rationnements, prioriser les besoins et accorder des dérogations sans hiérarchisation clairement établie par le droit : toute impression dinégalité dans les efforts demandés alimente les conflits entre usagers. En effet, nombre d’acteurs, notamment les agriculteurs irrigants qui ont supporté les mesures de restriction les plus drastiques, ont la conviction que la pénurie aurait pu être moindre grâce à une réduction des fuites sur les réseaux d’alimentation en eau potable, gérés par les collectivités territoriales.

Il est ressorti du déplacement de la mission d’information que les conflits d’usage dans l’Indre, bien que marqués en période de pénurie et se prolongeant aujourd’hui, par exemple autour de projets de retenues, n’ont pas tourné à l’affrontement malgré le durcissement des efforts demandés. S’il a dû et doit encore s’ajuster, lObservatoire de la ressource en eau a clairement permis de préserver le dialogue entre les différents usagers. Sa pérennisation hors des périodes de pénurie est une excellente évolution pour permettre l’élaboration d’une stratégie collective.

d.   La régulation d’un conflit d’usage fortement médiatisé : le barrage de Sivens

Le projet de barrage de Sivens est un projet abandonné de retenue sur le cours d’eau du Tescou, dans le département du Tarn, à finalité agricole et de maintien du débit d’étiage. Si ce projet remonte à 2008, il a fait l’objet d’une forte contestation à partir de fin 2013, jusqu’à son abandon en mars 2015.

Les tensions ayant perduré après l’abandon du projet, un audit patrimonial et un dialogue avec toutes les parties prenantes ont ensuite été initiés par le préfet de département en 2016, ce qui a fait ressortir la possibilité délaborer un projet de territoire, à la condition que la question de l’eau soit intégrée dans une réflexion plus globale à l’échelle du bassin versant. Une charte préalable au projet de territoire du bassin versant du Tescou a été signée en décembre 2017 par les acteurs concernés. Cette charte a permis de dessiner la gouvernance du projet, qui repose sur une instance de responsabilité rassemblant les élus, une instance de co-construction rassemblant l’ensemble des acteurs et différents groupes thématiques. En parallèle du lancement de cette gouvernance en 2018, a été initiée par la DREAL et financée par l’agence de l’eau une étude de révision des débits d’objectif d’étiage. Malgré ces initiatives, il semble toujours que la question des besoins en eau dans la vallée du Tescou soit une question sensible.

Le rapport de la mission conduite par M. le Préfet Pierre-Étienne Bisch montre à quel point, s’agissant du projet de territoire de la vallée du Tescou, il est important d’engager un processus de concertation remettant à plat les besoins en eau : ainsi, « la mission a été impressionnée par la qualité de la démarche engagée dans le Tarn sur le Tescou, en refondant totalement celle-ci dans le respect de linstruction, permettant non seulement de renouer le dialogue avec tous les acteurs, mais encore délaborer et de faire approuver un état des lieux complet sur le territoire ».

S’agissant de l’adéquation entre les besoins en eau et l’état de la ressource, des pistes de solution ont été étudiées, en concertation avec les différents acteurs, sous la maîtrise d’ouvrage du département. Les solutions à l’étude sont les suivantes :

– la valorisation du barrage existant à Thérondel ;

– une alimentation à partir d’un pompage dans le Tarn pour le soutien d’étiage du Tescou ;

– la mobilisation de retenues collinaires existantes et sous-utilisées ;

– la faisabilité de la création de deux petites retenues sur deux sous-bassins affluents du Tescou et d’une retenue en amont du Tescou ;

– des actions d’économies et d’encouragement à la sobriété des usages.

S’agissant de ce dernier point, les usages sur la vallée du Tescou sont essentiellement agricoles : l’eau potable ne provient pas du Tescou et les prélèvements industriels ne sont pas significatifs. Les actions d’économie consistent en des mesures d’optimisation de l’irrigation, d’efficience des matériels d’arrosage ou encore d’évolution des cultures.

4.   Une théorie de la proximité permettant d’expliquer les conflits d’usage relatifs à la ressource en eau

La « proximité » est une notion mobilisée par les théoriciens des conflits d’usage pour saisir leur caractère multiforme. Elle est source, comme le montrent plusieurs travaux ([68]), de tensions nombreuses, et même de conflictualité. Les travaux du sociologue André Torre ([69]), auxquels se rapportent les autres études sur le sujet, montrent que cette notion est une construction théorique utile pour analyser les conflits d’usage en situation de pénurie d’eau, car elle prend en compte leurs dimensions spatiale, organisationnelle et institutionnelle.

a.   Des conflits découlant d’une proximité géographique entre usagers

Le premier type de proximité est appelé proximité géographique. Elle « traduit la distance kilométrique entre deux entités (individus, organisations, villes...), pondérée par le coût temporel et monétaire de son franchissement ([70]) ». Neutre, elle peut devenir « recherchée » ou « subie » selon les comportements des acteurs, leurs intérêts et leur capacité à se rapprocher ou à s’éloigner de certains lieux et usagers :

– au cours des déplacements réalisés par la mission, il est ressorti que différents acteurs sont dans une situation de proximité géographique recherchée : ils choisissent de s’installer dans un territoire pour bénéficier d’un cadre de vie naturel, y résident depuis un certain temps ou cherchent, pour les acteurs économiques, à se trouver proches de ressources, lieux ou objets techniques qui leur sont utiles pour satisfaire leurs activités ou leurs besoins ;

– d’autres acteurs sont dans ce qu’on appelle une proximité géographique subie, ou une contrainte de proximité. Les acteurs ont une contrainte géographique et ne peuvent pas se déplacer, voire se délocaliser. Ils se voient alors imposer une indésirable relation de proximité avec un autre acteur, usage ou milieu. C’est le cas, par exemple, des parcelles d’exploitation agricoles, qui se trouvent sur ce territoire sans possibilité de les déplacer. Il semble que la fromagerie l’Ermitage, dans la localité de Vittel, se trouve dans la même situation, puisque le lavage de certains de ses fromages nécessite une certaine qualité et une stabilité de l’eau qu’elle trouve dans la nappe des GTI.

Plus largement, on parle de proximité géographique subie quand les acteurs installés à un endroit donné ne peuvent pas concilier leurs activités multi-usages et pâtissent apparemment de la présence voisine dun autre acteur, dont les besoins en eau entrent en concurrence avec les leurs.

Dans l’exemple de Vittel, les usages industriels de la ressource en eau entraînent un déficit annuel de la nappe de l’ordre d’un million de mètres cubes, qui empiète alors sur les autres usages, notamment l’alimentation en eau potable, ce qui a initialement nourri le projet de pipeline permettant d’acheminer de l’eau potable jusqu’aux habitants de Vittel. Dans le cas des Deux-Sèvres, les associations de protection de la nature redoutent que les prélèvements effectués sur les nappes et les rivières en hiver, afin de constituer une recharge hivernale, n’entraînent un déficit de recharge des réserves souterraines.

b.   Des conflits qui s’organisent en fonction de la proximité relationnelle entre usagers

Les travaux d’André Torre et d’autres chercheurs ont cherché à définir une forme supplémentaire de proximité, dite « organisée », aussi appelée proximité relationnelle. Elle désigne « la capacité quoffre une organisation de faire interagir ses membres ». Elle peut prendre plusieurs formes :

– la proximité organisée dappartenance, qui est celle qui crée les liens les plus faibles. Elle suppose que « sont réputés proches les acteurs qui appartiennent au même espace de rapports, (réseau de personnes ou dentreprises, firme...) i.e. entre lesquels se nouent des interactions telles quéchanges dinformations, de connaissances ou de biens ». Cela veut dire que les membres d’une même organisation sont en interaction et se sentent proches car ils partagent des règles ou des comportements ;

– la proximité organisée de similitude, qui crée des liens de solidarité plus forts. Elle suppose que « sont réputés proches les acteurs qui se ressemblent, i.e. qui possèdent le même espace de référence, les mêmes représentations, et partagent les mêmes savoirs ». Cela veut dire que ces acteurs partagent un système de valeurs et de croyances, en d’autres termes, qu’ils se ressemblent.

Un exemple illustrant cette distinction peut être celui, constaté à plusieurs reprises par la mission d’information, de la Confédération paysanne : au cours de plusieurs auditions et déplacements, celle-ci s’est retrouvée dans une situation de proximité organisée de similitude avec les associations de protection de l’environnement, alors qu’elle est un syndicat agricole. En d’autres termes, sa situation montre que la proximité organisée de similitude crée des liens de solidarité qui peuvent être plus fort que la proximité d’appartenance.

5.   Des contraintes de proximité contribuant à expliquer les conflits

Dans plusieurs conflits d’usage liés à des pénuries d’eau, les acteurs font face à une proximité géographique subie : ils cohabitent sur un même territoire et demandent, chacun, à faire usage de la ressource. On parle alors de superpositions pour expliciter la difficulté du multi-usages du fait d’intérêts divergents.

Dans le cas de la ressource en eau, il existe également une inégalité face à lespace : certains acteurs, selon quils sont en amont ou en aval de la ressource, pâtissent de leur localisation. Si de façon générale, les usagers situés en amont sont plus avantagés que ceux situés en aval, l’audition par la mission des directeurs d’agences de l’eau et des présidents des comités de bassin a montré que cela n’était pas toujours le cas : en Bretagne, du fait d’inégalités socio-économiques entre le centre et le littoral, l’aval tend, au contraire, à être avantagé par rapport à l’amont.

Loin d’être anecdotique, ce critère de localisation va influencer lengagement dans le conflit : un acteur défavorisé aura davantage tendance à simpliquer.

Ainsi, la notion de conflit d’usage est utile pour mieux comprendre les situations de désaccord, de concurrence ou d’apparente rupture qui se cristallisent autour de la ressource en eau. Les déplacements réalisés dans le cadre de la mission ont mis en évidence que les parties prenantes pouvaient être diverses (usagers, acteurs, gestionnaires, défenseurs de la ressource) et qu’elles ne faisaient pas bloc, des voix dissidentes pouvant s’élever au sein d’un même collectif d’acteurs.

Loin de marquer le point d’orgue d’un désaccord sur la gestion, la préservation ou l’utilisation de la ressource, la mission constate que le conflit dusage est un processus actif qui donne loccasion de réajuster les règles. Les notions de proximité organisée, d’appartenance ou de similitude, permettent quant à elles de penser des solutions, préventives ou curatives, aux conflits d’usage.

En tout état de cause, lanticipation, la prévention des conflits et, de manière générale, la concertation et la médiation sont les meilleurs outils possibles pour que les acteurs et usagers de leau aient tous voix au chapitre et n’estiment pas être déconsidérés dans les instances de gouvernance ([71]).

6.   Une typologie des outils de régulation des conflits d’usage qui permet d’envisager des solutions concrètes

Au cours de son audition par la mission d’information, le chercheur en science politique de l’INRAE M. Sylvain Barone a identifié plusieurs modes de régulation – terme qu’il préfère à celui de résolution – des conflits d’usage. Distinguant les enjeux de court terme, qui consistent en une gestion immédiate de la pénurie, des enjeux de long terme, qui nécessitent planification et stratégie, il identifie sept principaux leviers de régulation des usages de leau :

– la réglementation, qui consiste à autoriser, limiter ou interdire certains usages de l’eau, de façon permanente ou ponctuelle. Si la réglementation, par le biais des « arrêtés sécheresse », est le principal levier de la gestion des pénuries à court terme ([72]), sa mise en œuvre est insuffisante, du fait de la faiblesse des contrôles et des sanctions applicables en cas d’infraction ([73]) et du caractère flou des dérogations octroyées à certains acteurs, qui apparaissent comme « négociées ». Par ailleurs, à long terme, la réglementation seule n’est pas une solution viable, dans la mesure où il est impossible de définir unilatéralement la supériorité d’un intérêt par rapport à un autre, alors qu’à l’exception de rares priorités, tous les usages sont légaux et légitimes ;

– la judiciarisation, qui prend la forme de contestations contentieuses devant les juridictions nationales ou européennes. Si certains acteurs y ont recours dans le cadre de conflits d’usage ([74]), ce mode de régulation ne conduit pas réellement à leur apaisement ;

– la planification concertée, assurée par les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) à l’échelle d’un bassin et par les schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) à l’échelle d’un sous-bassin ([75]). Cette planification comporte aujourd’hui des limites, tenant tant au périmètre des SAGE qu’à la juste représentation de toutes les parties prenantes, ou encore à la mise à l’écart, dans les documents de planification, des éléments problématiques pour donner l’illusion d’avoir dégagé une solution réellement concertée ;

– la contractualisation. De fait, la gestion de l’eau passe souvent par la voie conventionnelle, notamment au sein des OUGC. Dans une certaine mesure, le contrat peut être un prolongement de la planification concertée ;

– les mécanismes financiers, qu’il s’agisse de la fiscalité et de la tarification de l’eau ou d’aides financières octroyées aux usagers de la ressource afin de faire évoluer leurs usages, comme les aides de la politique agricole commune ou les paiements pour services environnementaux ([76]) ;

– le développement de loffre, qui peut passer par la mise en œuvre de solutions fondées sur la nature, la réduction des fuites d’eau des réseaux ou encore le stockage d’eau et la réutilisation des eaux non conventionnelles ([77]). Si ces deux derniers points peuvent ponctuellement aider à la régulation de conflits d’usage, ils comportent une limite structurelle car ils empêchent, trop souvent, de réfléchir à l’adaptation de nos usages à la ressource en eau disponible ;

– les innovations techniques, qui peuvent contribuer à économiser la ressource en eau. Elles doivent être complémentaires de solutions plus pérennes et ne pas favoriser, s’agissant du secteur agricole, une augmentation de la part irrigante de l’agriculture qui conduirait, malgré les économies d’eau réalisées par chacun, à une augmentation globale de la consommation ([78]).

B.   La rÉpartition rÉglementaire de l’eau en pÉriode de sÉcheresse : un dispositif opÉrationnel mais À amÉliorer

Si le principe d’une restriction des usages de l’eau est généralement compris en situation de crise avérée, la question du partage de la ressource nen reste pas moins délicate à trancher. En effet, l’article L. 211-3 du code de l’environnement ([79]) donne bien compétence à l’autorité administrative pour « prendre des mesures de limitation ou de suspension provisoire des usages de leau face à un risque de pénurie […] ou aux conséquences dune sécheresse », mais il n’est pas explicite sur la répartition des efforts.

La circulaire du 18 mai 2011 relative aux mesures exceptionnelles de limitation ou de suspension des usages de l’eau en période de sécheresse s’efforce d’éclairer les limites de l’exercice. Organisant la mise en œuvre du pouvoir de police spéciale reconnu aux préfets de département, elle en précise les conditions de réussite.

Pour autant, le retour d’expérience sur la mise en œuvre concrète par les services de l’État des dispositifs de gestion de la crise ([80]), réalisé par le CGEDD après la sécheresse exceptionnelle de 2019, ainsi que les travaux conduits par la mission d’information, notamment au cours de son déplacement dans l’Indre ([81]), montrent que ce dispositif réglementaire doit encore être amélioré.

1.   Des mesures de restriction très encadrées et inégalement mises en œuvre

Le dispositif accorde aux préfets la pleine responsabilité de réguler les situations de pénurie d’eau, en leur octroyant les pouvoirs exceptionnels nécessaires leur permettant de limiter les droits des usagers et dinstaurer, de fait, une forme de hiérarchie entre eux. Toutefois, la circulaire du 18 mai 2011 montre à quel point ces pouvoirs sont dérogatoires par rapport à un droit d’usage peu priorisé en détaillant toutes les conditions et limites données à leur mise en œuvre.

Elle rappelle ainsi que les mesures de restriction doivent être suffisantes et proportionnées au but recherché, prescrites pour une période limitée, éventuellement renouvelable, et interrompues, s’il y a lieu graduellement, si le fait générateur de la restriction disparaît ([82]).

Le dispositif n’est en effet pas destiné à gérer des difficultés structurelles. Les mesures prises sont non seulement temporaires, mais elles doivent s’adapter aux contraintes propres à chaque territoire et peuvent varier dans le temps. À ce titre, les arrêtés des préfets de département, dits « arrêtés sécheresse », peuvent prescrire des mesures plus sévères (mais non l’inverse) que les orientations prises par le préfet coordonnateur de bassin. La circulaire du 18 mai 2011 propose néanmoins des « mesures types au niveau national » afin d’homogénéiser les pratiques.

Ces « arrêtés sécheresse » ne peuvent être pris préventivement : c’est le dépassement des seuils de déclenchement qui autorise leur mise en œuvre. Outre les problèmes précédemment évoqués liés à la définition de seuils pertinents ([83]), le déclenchement des arrêtés mérite également d’être questionné.

Alors qu’un des enjeux de la gestion de crise est la réactivité des réponses, les chercheurs de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) auditionnés par la mission d’information, Mme Sara Fernandez et M. Sylvain Barone, ont constaté qu’il faut souvent que les seuils soient franchis plusieurs fois avant de déclencher les mesures de restriction.

L’étude du CGEDD révèle également que le franchissement des seuils n’entraîne pas automatiquement la prise des arrêtés de restriction correspondants : « les décisions ne sont donc pas toujours déduites de létat objectif des masses deau, mais relèvent aussi dautres considérations : réunion de linstance de gouvernance et pression des milieux économiques […] pour retarder la prise des mesures ». Nombreux sont les membres des comités de sécheresse auditionnés par le CGEDD pour qui les décisions prises sont davantage la résultante dun rapport de forces entre les acteurs que la traduction dune situation objective.

Ces distorsions aboutissent à une disparité des mesures de restriction entre territoires voisins qui est incompréhensible sur le terrain. Ces mesures sont d’autant plus divergentes que les seuils ne sont pas nécessairement interprétés de la même façon par tous les départements d’un même bassin. Le CGEDD évoque à ce propos le manque de lisibilité des arrêtés-cadres et l’insuffisante coordination entre l’amont et l’aval, mais aussi le recours à des données différentes.

La présente mission considère que s’il n’est pas question de leur interdire d’enrichir leur connaissance de la situation par tous moyens à leur disposition, il importerait néanmoins que les préfets d’un même bassin ou sous-bassin se fondent sur des référentiels partagés pour assurer la simultanéité des réactions.

Recommandation : Systématiser le déclenchement des mesures de restriction au franchissement des seuils d’alerte et harmoniser les données prises pour référence au sein d’un même sous-bassin.

La disparité des gestions préfectorales est une des remarques récurrentes à toutes les étapes du dispositif. Si elle résulte en partie de l’indispensable adaptation des réponses aux réalités des territoires, elle traduit aussi certains dysfonctionnements qui nuisent à légalité entre usagers et peuvent aggraver les conflits, voire en susciter de nouveaux.

2.   L’égalité des usagers devant l’effort : une exigence de légalité et d’équité

L’objectif général du dispositif est de préserver les usages prioritaires, tout en garantissant légalité des usagers devant leffort collectif.

La circulaire de 2011 précise que les mesures prises ne sont pas limitées aux seuls prélèvements mais à tous les usages (non prioritaires). Elles peuvent donc s’appliquer à des ICPE, qui font alors l’objet d’arrêtés individuels complémentaires (ACP) à leurs arrêtés ICPE, et même revenir sur les débits réservés aux entreprises hydrauliques. Chacun est concerné par les efforts de réduction de la pression des prélèvements sur la ressource en fonction de ses capacités et de son propre impact.

Le principe d’égalité n’interdit pas de traiter différemment des situations différentes : sont alors pris en considération l’importance des conséquences pour l’usager, l’origine de l’eau prélevée (de surface ou souterraine), l’accès à des solutions alternatives, leur impact sur l’environnement local, etc. En tout état de cause, les « arrêtés sécheresse » doivent motiver les règles qui ne s’appliquent qu’à un nombre limité d’usagers identifiés et justifier les atténuations accordées à certains.

Enfin, dans la mesure où elles poursuivent l’intérêt général, les mesures prises ne donnent lieu, sauf exception ([84]), à aucune indemnisation de l’État.

a.   La diversité des efforts demandés aux différents usagers

De ses auditions et constats, la mission du CGEDD a tiré plusieurs recommandations dont la présente mission dinformation propose de sinspirer. Il ressort du bilan dressé par le CGEDD une grande diversité des systèmes de partage des efforts entre usagers, qui ne découle pas uniquement de la variété des situations locales.

i.   Pour les agriculteurs

Un accent particulier a été mis sur lirrigation agricole, très fortement consommatrice d’eau durant l’été ([85]). La présente mission constate que les mesures de restriction la concernant sont très souvent au cœur des conflits. Par nature, elles sont mal vécues par les exploitants agricoles qui y voient une menace pour le bon développement voire la survie de leurs cultures, sans toujours garantir la préservation des ressources en eau. Dans l’autre sens, il ressort des auditions conduites par la mission que de nombreux exploitants n’ont pas pris la mesure de l’impact des changements climatiques à venir sur la ressource en eau.

Les mesures prises se traduisent souvent par des restrictions horaires (interdiction l’après-midi ou en journée) ou des « tours d’eau » (prélèvements en alternance) qui présentent l’avantage de moins gaspiller d’eau par évapotranspiration ou d’étaler la pression sur la ressource, mais ne réduisent pas nécessairement les volumes captés. Quand des réductions en volume sont demandées, il est par ailleurs difficile de contrôler le différentiel d’irrigation réellement atteint alors qu’on ignore déjà quels sont les volumes prélevés quotidiennement pendant un été ordinaire. Les référentiels utilisés peuvent en effet être biaisés :

– d’une part, les volumes ordinairement autorisés s’avèrent souvent surdimensionnés, parce qu’ils sont fixés sur les habitudes de prélèvement plutôt que sur une étude de la réalité des besoins et des capacités des milieux. Comme certains acteurs l’ont fait remarquer à la présente mission, n’étant pas entièrement consommés en temps normal (ou s’avérant déjà excessifs pour les capacités habituelles des milieux), ces quotas prélevables ne devraient pas servir de référence pour déterminer lampleur des efforts à faire ;

– d’autre part, les ressources annexes (retenues collinaires ou prélèvements de substitution) sont insuffisamment répertoriées pour permettre de déduire les possibilités de report.

Les OUGC et autres syndicats d’irrigation, qui sont comptables de l’attribution du volume utilisable, de sa répartition entre exploitants et de la remontée des informations auprès des services de l’État, offrent en général une certaine transparence sur les efforts réalisés. Mais en dehors de ces cadres, le flou entretient la suspicion à l’égard des irrigants. Au demeurant, le simple fait d’irriguer, même à dose réduite, est souvent mal compris par les particuliers à qui on interdit d’arroser leurs jardins.

De fait, la gestion de lirrigation agricole est non seulement techniquement complexe, mais également tiraillée entre plusieurs objectifs : la survie économique, lacceptabilité sociale et lefficacité environnementale. Le CGEDD note ainsi que les tours d’eau la nuit sont mieux tolérés par le grand public, car plus lisibles que des réductions volumétriques, mais il observe en même temps que « limpact sur la préservation de la ressource ne semble réel quune fois les prélèvements interdits ou réduits à plus de 50 %, indépendamment des horaires » – ce qui, dans les faits, n’intervient que lorsqu’est atteint le stade de la crise, c’est-à-dire après une forte dégradation des milieux aquatiques.

Du côté des irrigants, la mission d’information constate que nombre d’entre eux n’acceptent les efforts qui leur sont demandés que s’ils voient tous les usagers concernés par les restrictions.

Le cas de l’irrigation agricole illustre plusieurs points cruciaux de la gestion de crise :

– en premier lieu, il ne sagit pas seulement de « répartir la misère » mais de ne pas laggraver et d’en sortir aussi vite que possible, dans l’intérêt de tous. Car lintérêt de tous est que les milieux soient encore en état de fonctionner pour que le territoire continue d’avoir de l’eau de bonne qualité, alors qu’à l’inverse, l’aggravation de l’état des milieux menace directement d’autres usages (pêche, pisciculture, tourisme, etc.), dont certains prioritaires comme l’alimentation humaine et la prévention des incendies, ainsi qu’à terme les besoins mêmes de l’agriculture ;

– en second lieu, l’étude du CGEDD confirme limportance de montrer la solidarité de tous les usagers du sous-bassin en envisageant tous les efforts déconomie deau possibles, même symboliques.

Recommandation : La mission souligne la nécessité que la gestion des usages de l’eau en période de crise traite lintérêt des milieux aquatiques à égalité avec les autres besoins.

De même, la régulation des conflits impose une solidarité entre tous les usagers du sous-bassin, même symbolique.

ii.   Pour les industriels

L’encadrement des captations des ICPE et IOTA industriels est aussi difficile à contrôler que pour les agriculteurs. Mais, contrairement à ceux-ci, les industriels ne connaissent généralement pas de pic de prélèvement en saison chaude et, comme précédemment évoqué, ils ont fait des progrès dans leurs consommations d’eau ces dernières années. Cela explique sans doute pourquoi, sans être dispensés des restrictions, ils ne sont pas au cœur des dispositifs.

Certains usagers industriels peuvent connaître des difficultés chroniques en matière d’eau, que des restrictions viendraient aggraver. Mais la mission d’information a observé que leur problème fondamental résulte souvent du mauvais dimensionnement de leurs autorisations initiales à capter la ressource.

iii.   Pour les usages domestiques

Les usages domestiques non prioritaires (remplissage des piscines et plans d’eau, arrosage des jardins, lavage des voitures et terrasses, etc.) sont généralement les premiers à être interdits ([86]).

De même, certains préfets assument le choix de rationner d’abord les usages publics (arrosage des stades et espaces verts, lavage des voies, etc.) pour préserver au maximum les usages économiques.

L’application de ces mesures semble relativement simple à contrôler ; en réalité, il ressort des auditions conduites par la mission d’information que le grand éparpillement des usagers concernés empêche tout suivi systématique par les agents de la police de l’eau. Or, non seulement la rareté de ces vérifications laisse passer nombre dabus mais elle peut nourrir chez les irrigants lamertume supplémentaire de se croire la cible unique des contrôles de police.

L’alimentation en eau potable des populations étant prioritaire, hors motif sanitaire, elle n’est pas soumise à des mesures de restriction. Pour consolider la solidarité territoriale, les consommateurs sont néanmoins invités à plus de sobriété et les municipalités sont incitées à lutter contre les pertes de leurs réseaux.

Dans les faits, le CGEDD a constaté que les services territoriaux d’eau potable ne semblaient pas avoir de réelle vision des efforts fournis par les particuliers. Plus précisément, ils ne sauraient pas mesurer la variation exacte des consommations en période de sécheresse, surtout si elle s’accompagne d’une forte canicule. Les compteurs individuels offriraient bien un outil pour suivre les consommations des foyers ou des immeubles, mais un biais demeure : les importants reports de consommation entre territoires qui marquent les vacances d’été. Il est donc important de renforcer la connaissance des services publics d’eau potable sur les ressources qu’ils gèrent.

Lenjeu de la sécurité dapprovisionnement en eau potable nécessiterait plus largement que les collectivités territoriales connaissent l’état de leurs ressources et l’ampleur de leurs besoins, afin de mieux anticiper les difficultés et de repérer les pertes et les gaspillages – ce qui serait loin d’être le cas selon l’étude du CGEDD.

La situation n’est pourtant pas anodine pour la gestion des conflits d’usage. Dans l’Indre par exemple, tous les acteurs ont dénoncé un taux significatif de fuites dans les réseaux d’alimentation en eau potable et déploré le manque d’investissement des municipalités pour les résoudre. Il est ainsi ressorti des auditions que ce gaspillage de la ressource, couplé à des problématiques récurrentes de qualité de leau, a aggravé la pénurie (au point d’imposer des coupures d’eau dans deux communes) et accentué ce faisant la concurrence entre usages. Au surplus, la faible implication de certaines collectivités – notamment du conseil départemental – face à ce problème est venue compliquer la gestion de la crise en alimentant un sentiment d’iniquité dans la répartition des efforts.

La mission d’information considère donc qu’il est nécessaire d’encourager les collectivités territoriales à mieux connaître létendue de leurs ressources en eau potable et l’ampleur des besoins de leurs populations et mieux lutter contre les pertes sur leurs réseaux.

On peut enfin regretter que le dispositif de gestion quantitative de leau en période de sécheresse nait aucune prise sur les prélèvements dits domestiques. Les forages (ou les prélèvements dans les nappes d’eau de surface) inférieurs à 1 000 mètres cubes ne sont en effet soumis qu’à une simple déclaration auprès de la mairie et ce, uniquement depuis 2007. Faute de contrôle et de sanction, nombre de ces captations restent inconnues de l’administration et ne peuvent être décomptées comme prélèvements. Leurs volumes sont probablement faibles comparativement aux autres usages. Mais en période de menace sévère sur les cours d’eau et les nappes, leur impact n’est pas à négliger.

Recommandation : La mission recommande, comme le CGEDD, que les dispositifs de captation domestique, les futurs ouvrages comme les installations plus anciennes, fassent l’objet d’une déclaration obligatoire et de sanctions si cette formalité n’est pas respectée.

Le CGEDD suggère aussi qu’un système de compteur soit imposé aux captations dépassant 250 mètres cubes, afin de mieux évaluer les prélèvements et d’éviter que la barrière des 1 000 mètres cubes ne soit franchie impunément.

b.   Des dérogations aux restrictions d’usage qui nourrissent les conflits

Lune des plus grandes fragilités du dispositif réglementaire vient des dérogations aux règles de restriction qui sont accordées à certains usagers. Un traitement différencié peut être légitime s’il est justifié et limité – pour éviter notamment qu’il ne menace les besoins prioritaires. La circulaire du 18 juin 2011 précise que les dérogations ne doivent pas concerner plus de « 10 % des débits cumulés de prélèvement pour les eaux de surface ou les volumes prélevés pour les eaux souterraines autorisées ».

S’agissant de l’irrigation agricole, certains aménagements sont accordés d’office aux OUGC en contrepartie de leur capacité à promouvoir une consommation plus raisonnée. S’agissant des autres dérogations, le CGEDD constate que la plupart d’entre elles portent sur les mêmes types de cultures : le maraîchage, les cultures dites « à haute valeur ajoutée » (semences, arboriculture, pépinières) qui ne pourraient survivre à l’arrêt de l’irrigation, ou concernent l’abreuvement du bétail. De telles dérogations sont souvent envisagées dans les arrêtés-cadres interdépartementaux ou de bassin.

Des usages industriels peuvent aussi bénéficier d’aménagements et les centrales thermiques font automatiquement l’objet d’un traitement spécifique, pour des raisons de sécurité évidentes.

Ces dérogations font lobjet de fréquentes critiques et nourrissent largement les conflits.

L’une des organisations professionnelles représentées au comité sécheresse de l’Indre – l’Observatoire de la ressource en eau – reproche ainsi aux agriculteurs irrigants de son territoire d’abuser des dérogations. Alors qu’ils peuvent avoir une idée (et même être avertis) de l’état à venir des nappes dès le début du printemps, au moment où ils confirment leurs choix de cultures, ils feraient « une sorte de pari » sur les futures précipitations en comptant – selon l’organisation professionnelle – sur les dérogations aux mesures de restriction pour compenser l’éventuelle pénurie.

Selon elle, ces dérogations seraient « devenues une habitude ([87]) » ; les irrigants ne percevraient plus les seuils de crise comme un stade où il faut arrêter les prélèvements, mais « comme des seuils de négociation pour des reports et des dérogations trop facilement obtenus ».

De fait, l’efficacité, la proportionnalité et l’équité des dérogations sont particulièrement scrutées par les autres usagers et la population en général. Parmi elles, les dérogations individuelles sont les plus controversées car leur bien-fondé est très difficile à appréhender par les autres usagers de l’eau. Par exemple, les producteurs de maïs semence ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent arroser quand, à côté, les productions d’autres semences sont préservées. En outre, ces dérogations particulières compliquent fortement les contrôles réalisés par les agents de l’État.

En dernière analyse, pour certains chercheurs entendus par la mission d’information, les réponses sont apportées par les préfets davantage à une crise socio-économique quà une crise hydrologique.

La diversité des dérogations donne en tout état de cause une impression dopacité. Il importerait au moins d’être le plus transparent possible sur ces aménagements pour lever les doutes sur leur légitimité.

Recommandation : Objectiver les dérogations, notamment par l’identification de situations types définies explicitement au niveau des arrêtés-cadres, et les rendre publiques.

3.   Une anticipation et une coordination des mesures de restriction à renforcer

L’efficacité de la gestion de la crise exige de minimiser les délais de mise en œuvre des mesures nécessaires. S’ils ne peuvent la prévenir en déclenchant le dispositif réglementaire avant le dépassement des seuils, les préfets peuvent anticiper la crise en préparant assez tôt les mesures à prendre.

Cette anticipation peut contribuer à prévenir, ou tout du moins à réduire, les conflits à venir car elle coïncide mieux avec le calendrier des agriculteurs – dont l’assolement est défini plusieurs mois avant la période d’étiage et qui ont ensuite du mal à adapter leurs cultures ou leurs méthodes. Si cela ne suffit pas à faire évoluer leurs choix culturaux – qui dépendent d’autres considérations comme les perspectives de valorisation de leur production –, il y a tout de même un intérêt à les alerter et les inviter à réfléchir collectivement, dès lapparition des signes avant-coureurs.

L’enjeu est aussi de développer des réponses cohérentes entre les territoires interconnectés sur un même bassin versant, qu’ils soient voisins ou situés en amont ou en aval d’un même cours d’eau. Il faut éviter que les exigences divergent d’un département à l’autre alors qu’ils se trouvent dans une même continuité hydrologique. Ces écarts sont des sources de tensions supplémentaires, comme chez les agriculteurs de l’Indre qui ont parfois l’impression d’économiser l’eau pour leurs collègues du département en aval, lesquels seraient selon eux soumis à des efforts moindres.

Pour répondre à cet objectif d’efficacité et d’équité, des arrêtés-cadres sont définis par le préfet coordonnateur de bassin ou à un niveau interdépartemental pour guider l’élaboration des « arrêtés sécheresse » des préfets de département, harmoniser leurs approches et déterminer un niveau d’exigence pour l’ensemble du bassin. Ces arrêtés-cadres précisent les zones d’alerte, les seuils de déclenchement pour chaque point de surveillance et les mesures de restriction attachées à chacun de ces seuils ; ils ne sont pas limités dans le temps.

L’étude du CGEDD montre toutefois que les arrêtés-cadres actuels ne remplissent pas encore suffisamment leur rôle de premier niveau de coordination des mesures.

À ce jour, il n’existe que trois arrêtés-cadres de bassin. Ailleurs, ce sont des lettres de cadrage du préfet coordonnateur ou un arrêté régional qui assure cette coordination, puis en deçà quelques arrêtés-cadres interdépartementaux, déclinés ensuite en arrêtés-cadres départementaux par sous-bassins versants. Cette dernière échelle a l’avantage de correspondre à la réalité locale mais elle perd en lisibilité quand elle doit prendre en compte plusieurs seuils de déclenchement interdépartementaux.

Le CGEDD considère que l’échelon de coordination le plus adapté à la fois à la diversité des situations au sein d’un grand bassin et à la recherche de cohérence sur un sous-bassin serait larrêté-cadre interdépartemental. Des préfets coordinateurs de sous-bassins interdépartementaux ont même été désignés en Adour-Garonne, sans toutefois disposer ni de la position de coordonnateur du préfet de bassin, ni du pouvoir d’évocation du préfet de région ([88]). Le CGEDD suggère donc de renforcer les pouvoirs des coordinateurs à l’échelle interdépartementale.

La mission d’information considère que, quelle qu’en soit la forme, il manque une harmonisation des mesures de restriction (et de leurs dérogations) adaptée aux caractéristiques de chaque sousbassin, qui n’existe pas aujourd’hui, ni au niveau des bassins ni même à l’échelon interdépartemental. Il revient donc au seul préfet de département de définir les mesures de restriction pour son territoire alors qu’il n’a pas la vision globale des masses d’eau de son bassin.

Il apparaît que si les restrictions portant sur les usages en eau potable non prioritaires sont similaires d’un département à l’autre, les mesures applicables aux agriculteurs varient en revanche beaucoup. Ces disparités alimentent les critiques d’illisibilité, d’inefficacité, voire d’iniquité des mesures prises.

Au demeurant, même si les arrêtés-cadres sont améliorés sur ces points, il reste nécessaire que les préfets des départements concernés par le même sousbassin en tension renforcent leur coordination, en particulier sur l’interprétation des seuils et l’identification des réponses à apporter, pour améliorer la simultanéité des prises de décision et la similarité des mesures.

Recommandation : À l’instar de la circulaire du 18 juin 2011 et du CGEDD, la mission préconise de renforcer la coordination entre départements d’un même sous‑bassin versant, s’agissant à la fois :

– du déclenchement des mesures de restriction ;

– de la définition des mesures adaptées au territoire ;

– de l’harmonisation des dérogations.

L’harmonisation des mesures et de leurs aménagements faciliterait par ailleurs le contrôle de leur bonne application. Elle contribuerait également à la réduction des délais, dans la mesure où le manque de cadre de coordination incite certains territoires à élaborer leurs propres arrêtés-cadres, rajoutant une étape dans la mise en place du dispositif de crise.

4.   Bien informer la population pour mieux la mobiliser et réduire les incompréhensions

Pour être juridiquement opposables, les mesures doivent faire l’objet d’une publicité. En outre, pour qu’elles soient bien appliquées par les personnes concernées, cette communication doit être rapide et adaptée (par affichage, notification individuelle ou encore par publication sur les sites des préfectures). Les mesures doivent être également définies en termes simples et intelligibles pour tous.

Le bilan du CGEDD montre que la communication actuelle est perfectible :

– les affichages sont peu visibles ;

– les sites sont peu informatifs ;

– les arrêtés sont difficiles à traduire en termes opérationnels ;

– les mesures sont difficiles à localiser pour chaque administré.

La communication administrative confond souvent les actes visant à sécuriser la portée juridique des « arrêtés sécheresse » et les moyens d’information et de sensibilisation de la population.

Il est également ressorti des déplacements de la mission que linterprétation de ces arrêtés peut aussi poser problème aux agents de lOFB qui en contrôlent la bonne application sur le terrain.

En outre, il y a un enjeu plus large : celui dexpliquer la pertinence des mesures prises pour favoriser leur compréhension par chacun, leur acceptabilité et, par suite, leur respect. Il serait par exemple judicieux d’expliquer les différences d’application entre deux zones du territoire qui sont justifiées par l’appartenance à des sous-bassins différents, ou encore la capacité qu’ont certains usagers d’utiliser de l’eau recyclée ou stockée par leurs propres moyens.

Le CGEDD suggère une information différenciée selon qu’elle s’adresse aux usagers directement concernés par les mesures ou au grand public. S’il n’est pas opportun de noyer le message dans des détails techniques peu accessibles aux non-initiés, la présente mission pense qu’il ne faut pas pour autant sous-estimer l’intérêt d’expliciter les différences de règles à l’ensemble des habitants d’un territoire.

Une communication sur les enjeux de l’eau peut enfin sensibiliser le grand public à plus de sobriété dans ses propres consommations.

Recommandation : Déployer une information du grand public plus explicative et responsabilisante.

De manière générale, que l’on soit en situation de crise avérée ou seulement latente, nos concitoyens doivent devenir conscients des usages de l’eau et du territoire sur lequel ils se situent. Réciproquement, les solutions proposées doivent pouvoir être comprises et être crédibles.

C.   Le rÔle central d’une concertation rÉellement ÉQUILIBRÉe dans la rÉgulation des conflits

1.   L’utilité d’une concertation en amont et pendant la crise

L’acceptabilité du dispositif de restriction des usages de l’eau dépend enfin beaucoup de la concertation menée en amont et pendant la crise.

Cette concertation n’est pas obligatoire ; néanmoins la circulaire du 18 mai 2011 souligne l’utilité de mettre en place une cellule de crise locale (comité sécheresse, Observatoire de la ressource en eau dans l’Indre, etc.) pour permettre le dialogue entre usagers et la résolution collective des problèmes posés.

a.   Des réunions souvent utiles, avant comme après la crise

La réunion assez précoce de la cellule de crise, en amont du déclenchement des mesures exceptionnelles, et son information rapide sur les menaces permettent de ne pas perdre de temps dans la mise en place de la gestion de crise.

Selon le bilan du CGEDD, la première réunion se ferait assez en amont dans la plupart des départements, parfois à la sortie de l’hiver quand la situation porte les signes d’un étiage sévère à venir. La réunion en fin de saison n’est pas systématique, mais elle s’avère très pertinente car elle permet de rester à l’écoute des usagers, de partager l’évaluation a posteriori des mesures prises et d’en tirer les enseignements utiles pour une prochaine saison.

Dans de rares départements (comme l’Indre), des réunions régulières sont prévues indépendamment de la situation météorologique et hydrologique. Le comité peut alors aborder des questions plus structurelles et même élargir son objet au-delà de la seule gestion de crise.

b.   Des réunions permettant de nouer un véritable dialogue sur la base de constats partagés

Le contenu de ces réunions est également variable. La tenue d’une première réunion stratégique serait assez largement pratiquée. Ensuite, le déclenchement des mesures ne ferait souvent l’objet que d’une simple consultation dématérialisée ou d’une information des membres. Cette pratique ne semble pas critiquée car elle garantit des délais plus courts entre le constat du dépassement des seuils et la prise d’arrêtés, à une étape très formelle du processus.

Est en revanche contestée labsence de réunion sur les mesures dérogatoires car elle prive les membres du comité sécheresse d’un débat sur des points sensibles. Ont par ailleurs été dénoncées à la mission d’information les conditions inadaptées dans lesquelles certains documents techniques sont soumis aux parties prenantes : même longs et complexes, ils sont généralement envoyés peu de temps avant les réunions et manquent d’explication pour les rendre plus accessibles aux non-professionnels de l’eau.

Recommandation : Afin d’aboutir à un constat et des solutions partagés par tous les acteurs, en particulier par les non-professionnels de l’eau, il est essentiel de faciliter lappropriation des documents techniques dans les différentes instances locales de gouvernance (commissions locales de l’eau, comités sécheresse, instances de concertation des PTGE, comités de bassin) et d’instaurer un délai minimum de 15 jours de communication préalable de ces documents à l’ensemble des membres.

En tout état de cause, quelle que soit la forme donnée à cette concertation dans les départements, le CGEDD remarque que « la recherche dun véritable dialogue fondé sur des constats partagés est déterminante ». Il convient a minima d’éviter de faire de ces comités de simples chambres d’enregistrement des projets d’arrêtés ou juste une tribune où exprimer ses désaccords.

Le CGEDD conseille enfin de transformer les comités sécheresse en comités départementaux de la gestion de l’eau pérennes, comme certains départements ont entrepris de faire évoluer leurs cellules de crise.

Une stratégie de planification et de programmation partagées par le collectif des usagers apparaît bien, à la présente mission, comme l’un des principaux leviers pour prévenir les prochaines crises ([89]). Indépendamment de ces travaux, la prolongation et lélargissement de la mission des comités sécheresse auraient plusieurs avantages :

– faire réfléchir leurs membres aux futures mesures de gestion de crise de manière plus sereine et approfondie, sans la pression de l’urgence ;

– leur donner le temps de mieux connaître l’état structurel des ressources de leurs territoires et les impacts des évènements climatiques, d’apprendre à comprendre les signaux avant-coureurs de la pénurie et d’en être informés assez tôt ;

– instaurer un dialogue permanent entre les différents usagers et les aider à mieux se comprendre tout en les sensibilisant à la gestion de l’eau.

En élargissant leurs travaux, les comités pourraient même alimenter les réflexions autour de futurs SAGE et projets de territoire.

Recommandations :

– poursuivre la consultation régulière des comités sécheresse créés dans les départements qui ont été touchés par la sécheresse de 2019 afin de réfléchir à l’accompagnement des prochaines crises ;

– généraliser linstauration de comités sécheresse départementaux afin d’améliorer la concertation dans la gestion des épisodes de crise.

Pour la mission d’information, une concertation active entre les parties prenantes est une condition incontournable pour réguler les conflits et une clé essentielle pour les éviter, qu’il s’agisse de se préparer aux futures crises ou, mieux encore, de les prévenir.

2.   L’enjeu d’une représentation équilibrée des différents usagers

Toutefois, pour que cela fonctionne, « il est important que toutes les catégories dusagers de leau soient bien représentées [dans la cellule de crise locale] », précise la circulaire du 18 mai 2011. La mise en dialogue des différentes parties prenantes est primordiale à plusieurs titres :

– son premier bénéfice est déviter que ne senveniment les conflits, en obligeant les acteurs à s’écouter. Ainsi que l’expliquait France Nature Environnement (FNE) devant la mission d’information, « dialoguer ensemble autour de la ressource de manière locale est une forme dapprentissage de lautre » ;

– l’association effective et équilibrée des divers usagers à la validation, voire la déclinaison des mesures de restriction est un des moyens déviter les contentieux que génèrent les gestions de crise ;

– elle favorise un meilleur respect des règles ;

– elle encourage la connaissance et la diffusion des bonnes pratiques ;

– enfin, l’organisation de ce dialogue représentatif est la condition sine qua non pour construire, dans un second temps, un diagnostic partagé puis une stratégie collective qui permettent de se préparer aux prochaines crises et de prévenir de futurs conflits.

C’est la raison pour laquelle, lorsque sont envisagées des approches planificatrices de la gestion de leau (SDAGE, SAGE, PTGE, etc.), plusieurs personnes auditionnées par la mission dinformation recommandent la mise en place dinstances de gouvernance entretenant un dialogue continu et équilibré entre les différents acteurs.

Face à la montée des tensions sur la ressource en eau, même la mise en œuvre de dispositifs de gestion collective de l’irrigation, quelles que soient leurs vertus, ne suffit plus à apaiser la méfiance de l’aval. Les autres usagers ont besoin de plus d’explications, que ces cadres d’échanges pourraient favoriser.

Cependant, il est ressorti des auditions que nombre d’acteurs ont le sentiment que la définition dune régulation quantitative des usages – et des conflits dusagede leau reste très dominée par les agriculteurs.

C’est notamment le reproche adressé à l’organisation et au fonctionnement des cellules de crise locales mises en place en 2019. L’étude du CGEDD précitée relève que « dune façon générale les membres des comités sécheresse apprécient dêtre associés au partage dinformation, mais font le constat dun certain déséquilibre » par l’absence d’acteurs importants pour le territoire ou par le nombre, « disproportionné par rapport aux autres usages ([90]) », des représentants agricoles et l’activisme de certains. Une des organisations professionnelles représentées à l’Observatoire de la ressource en eau de l’Indre évoque ainsi certains « représentants agricoles qui viennent quand cela les concerne et disparaissent la semaine suivante, simplement pour faire pression sans se soucier des autres usagers ».

Par ailleurs, si la plupart des acteurs du territoire reconnaissent que la composition de l’observatoire est assez diversifiée, ils regrettent qu’elle n’ait pas officiellement inclus les représentants des syndicats de rivière et autres syndicats chargés de la GEMAPI ([91]), ainsi qu’un nombre suffisant de représentants de la chambre d’agriculture (acteur central pour un territoire essentiellement rural), des associations environnementales, des entreprises gestionnaires de la distribution en eau potable et des consommateurs.

Les agences de l’eau soulignent plus généralement la nécessité d’« embarquer » les collectivités territoriales, en particulier celles en charge des compétences en matière de GEMAPI, dans toutes les instances de dialogue et de gouvernance sur l’eau. Les agences constatent qu’aujourd’hui, elles se font moins entendre que le monde agricole.

La présence active des irrigants dans les comités sécheresse n’empêche pas les agriculteurs de s’estimer parfois insuffisamment représentés, comme ils l’ont indiqué à la mission d’information. Bien que minoritaires parmi les exploitants agricoles, les irrigants auraient en effet tendance à parler au nom de toute la profession et seraient souvent plus nombreux que les autres catégories d’exploitants – non-irrigants mais aussi forestiers et pisciculteurs qui paient pourtant un lourd tribut à la sécheresse –, qui ont alors le sentiment de ne pouvoir défendre leurs propres analyses.

Parmi les autres usagers, les pêcheurs se considèrent particulièrement sous-représentés.

Bien qu’elles soient systématiquement conviées au Comité national de l’eau, aux comités de bassin et dans toutes les instances locales de gouvernance, les associations de consommateurs ont dit à la mission leur souhait dun rééquilibrage de leur représentation au regard de limportance des usages quelles représentent et du montant des redevances payées par les consommateurs.

Le CGEDD constate pour sa part qu’il est fait assez peu de cas des informations apportées par l’OFB, ce qui « en dit long sur la prise en compte des milieux naturels face aux enjeux économiques ou de santé ». D’un autre côté, si les besoins des écosystèmes aquatiques ne pèsent pas autant que lexigerait la priorité que leur reconnaît la loi, ils sont toujours activement soutenus par des associations de défense environnementale qui ont développé une véritable expertise sur les problématiques de l’eau et jouent un rôle essentiel dans l’information des populations.

L’étude du CGEDD signale par ailleurs le regret d’EDF d’être insuffisamment associé, et souvent trop tard, à l’élaboration des mesures de restriction, alors que son groupe de gestion des étiages lui donne une maîtrise des questions hydrologiques et qu’en sa qualité de concessionnaire du domaine public fluvial il pourrait aider à préparer le contenu des arrêtés préfectoraux. La plupart du temps au contraire, c’est dans l’urgence qu’il lui est demandé de mobiliser ces ressources, ce qui ne lui permet pas d’optimiser son intervention tant d’un point de vue économique qu’environnemental. De même, l’opérateur Voies navigables de France (VNF) a indiqué au cours de son audition pouvoir jouer un rôle plus actif dans la gestion des étiages.

Il est donc important que VNF et EDF soient associés en amont des prises de décisions préfectorales, même si des chercheurs rappellent cependant de ne pas oublier qu’EDF est aussi un usager à qui ses autres « casquettes dexpert et de sauveur » peuvent donner une position exagérément dominante dans les négociations.

Indépendamment de ces questions de sur- ou de sous-représentation, le CGEDD constate que la composition préconisée par la circulaire du 18 mai 2011 n’est déjà pas respectée dans tous les départements. Toutefois, s’il rappelle l’importance de respecter cette composition, il recommande également que les préfets veillent à améliorer la présence effective des membres et leur écoute réelle afin de « permettre lexpression équilibrée de toutes les parties prenantes ».

Recommandation : S’assurer d’une composition et d’un fonctionnement des comités sécheresse, mais également des autres instances locales et de l’eau (commissions locales de l’eau, instances de concertation des PTGE, comités de bassin) qui garantissent lexpression équilibrée des différentes parties prenantes à lusage des eaux.

L’organisation de cette concertation peut se révéler être un véritable jeu déquilibriste. Elle est compliquée, à la base, par la multiplicité des acteurs aux intérêts et aux objectifs concurrents, parfois opposés.

Lorsque certains portent une analyse très divergente des problèmes, parfois des visions très différentes du monde et de l’avenir souhaitables, il arrive que les oppositions basculent dans la violence. Ces désaccords peuvent surgir au sein dun même collectif dacteurs, montrant la faiblesse de leur proximité d’appartenance :

– la Confédération paysanne s’est détachée de la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres au sujet des retenues d’eau prévues dans le département, arguant notamment que la mise en place du protocole d’accord entretiendrait un modèle d’agriculture intensive désormais insoutenable ;

– le collectif « Bassines non merci ! » a pris ses distances avec les associations environnementales locales favorables au protocole d’accord.

Ces désaccords peuvent également se développer lorsque les solutions envisagées ne bénéficient pas à tous ceux qui rencontrent les mêmes difficultés : certains des irrigants des Deux-Sèvres ne pourront en effet accéder aux aménagements.

Pour autant, la mission est convaincue que même ces oppositions extrêmes peuvent évoluer vers plus de convergence grâce à des analyses objectives plus poussées, au partage à égalité des informations, au travail daccompagnement du dialogue et à la transparence des arbitrages.

Il y a donc aussi un enjeu de régulation la plus démocratique possible des instances de gouvernance, en associant de manière équilibrée toutes les parties et en donnant par ailleurs à l’État un rôle actif de médiateur.

Hors gestion de crise, l’État n’impose pas les décisions à prendre mais il a l’autorité pour réguler les oppositions, relancer le dialogue et rétablir la confiance. Ce rôle suppose de disposer des moyens d’animation. À défaut, il faudrait faire appel à un médiateur de la Commission nationale du débat public (CNDP) ; son recours, dans le cadre du conflit d’usage sur la nappe des GTI à Vittel, a dans certains cas – mais pas toujours – été jugé bénéfique par les parties prenantes au conflit.

Enfin, il a aussi été demandé à plusieurs reprises dans les auditions que les services du ministère en charge de l’environnement aient un poids suffisant dans ces instances locales pour être les garants de lintérêt commun, qui rappellent les exigences de la loi mais également les objectifs de la transition écologique.

Recommandations :

– confier aux services de l’État, ou à défaut à la CNDP, un rôle actif de médiateur dans l’animation des instances locales de gouvernance de la régulation de l’eau ;

– octroyer aux services déconcentrés du ministère chargé de l’environnement, dans les instances locales de concertation, un droit dopposition qui rendrait effective leur position de garant de lintérêt commun.

D.   La nÉcessitÉ d’appliquer des contrÔles et des sanctions rÉellement dissuasifs

Pour s’assurer de l’effectivité des restrictions d’usage prises en période de sécheresse, il est nécessaire de les assortir de contrôles, pouvant, en cas de non-respect de la réglementation, déboucher sur des sanctions. Or, il est ressorti de l’audition de l’Agence française pour la biodiversité (désormais Office français de la biodiversité) que les contrôles sont difficiles et les sanctions parfois trop peu dissuasives.

1.   Des sanctions parfois insuffisantes en droit

Le non-respect des mesures de restriction des usages de leau est puni, en application de l’article R. 216-9 du code de l’environnement, d’une amende dun montant de 1 500 euros.

S’agissant de lencadrement des captations des ICPE et IOTA, son non-respect est également sanctionné par une amende dun montant de 1 500 euros (ce montant est porté à 7 500 euros pour les personnes morales), en application de l’article R. 216-12 du même code, et peut faire l’objet de la peine complémentaire de confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit. En cas de récidive dans l’année qui suit, le montant de l’amende est porté à 3 000 euros pour les personnes physiques et peut atteindre 15 000 euros pour les personnes morales.

Le défaut d’autorisation IOTA ou ICPE constitue quant à lui un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, la sanction étant portée à deux ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende en cas d’exploitation suite à un refus ou un retrait d’autorisation.

Le non-respect de la réglementation des installations et ouvrages peut également faire l’objet, en application de l’article L. 171-8 du code de l’environnement, de sanctions administratives. Après mise en demeure et s’il n’a pas été déféré à celle-ci, l’autorité administrative peut ainsi, indépendamment des sanctions pénales qui peuvent être prononcées :

– obliger, le cas échéant, la personne mise en demeure à consigner, dans les mains d’un comptable public, une somme correspondant au montant des opérations de mise en conformité à réaliser ;

– faire procéder, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, à l’exécution des mesures prescrites ;

– suspendre, jusqu’à la mise en conformité, le fonctionnement des installations ou ouvrages ;

– ordonner le paiement d’une amende administrative d’un montant maximal de 15 000 euros et d’une astreinte journalière d’un montant de 1 500 euros, celles-ci devant être proportionnées à la gravité des manquements constatés et au trouble que ces derniers causent à l’environnement.

L’autorité administrative peut également rendre public l’acte arrêtant ces sanctions sur le site internet de la préfecture.

Si les sanctions, tant pénales qu’administratives, concernant les IOTA et les ICPE semblent relativement, du moins en droit, dissuasives, tel n’est pas toujours le cas des sanctions relatives au non-respect des mesures de restriction des usages de l’eau.

Il est en effet ressorti qu’une amende dun montant de 1 500 euros nétait pas toujours dissuasive pour un acteur économique, agriculteur ou industriel, qui risque dans certains cas des pertes économiques potentiellement plus importantes en cas de respect strict des mesures de restriction.

Recommandation : Délictualiser la récidive en cas non-respect des mesures de restriction deau en période de sécheresse, qui serait alors sanctionnée d’une amende d’un montant de 15 000 euros.

 

2.   Des contrôles trop peu fréquents et inégalement répartis sur le territoire

Les contrôles sont en pratique réalisés par les services de l’État, par des inspecteurs de l’environnement de l’OFB et des DDT.

Pour faciliter la coordination et la cohérence des actions de l’État en matière de contrôles sur l’eau et les milieux aquatiques, est élaboré un plan de contrôle interservices, dont l’élaboration et le suivi sont pilotés par la DDT au sein des missions interservices de l’eau et de la nature (MISEN). Ces plans définissent la stratégie départementale, en priorisant les contrôles en fonction des enjeux du territoire. Le CGEDD ([92]) note à cet égard que les effectifs affectés à ces contrôles varient fortement selon les départements, dans des proportions plus importantes que la variation des effectifs des inspecteurs de l’environnement entre départements.

En 2019, plus de 6 000 contrôles ont été réalisés sur le territoire national : un quart sont des contrôles de surveillance, qui ne ciblent pas une infraction, le reste débouchant le plus fréquemment sur des contrôles individuels. Sur ces 4 500 contrôles, plus de 1 700 prennent la forme de prélèvements, a priori sans lien avec les restrictions d’usage en période de sécheresse.

La carte ci-après montre la variation, qui peut parfois être importante, du nombre de contrôles liés à la sécheresse selon les départements. Si dans certains départements, le nombre de contrôles réalisés est faible, en raison de l’absence de mesures de restriction décidées en 2019, tel n’est pas le cas de la Haute-Corse, des Alpes-Maritimes, du Gers, de la Haute-Saône, du Tarn-et-Garonne ou du Var, qui connaissent pourtant régulièrement des épisodes de sécheresse.

Missions de contrÔle liÉes À la sÉcheresse rÉALISÉes en 2019
par la police de l’environnement, en comparaison avec les dÉpartements
oÙ des restrictions d’usage ont ÉtÉ prononcÉes

Source : CGEDD.

Si le CGEDD juge le nombre de contrôles réalisés globalement satisfaisant, à l’exception de certains départements, la mission a entendu de nombreux acteurs soulignant leur faible nombre au regard des enjeux et la faiblesse des moyens accordés aux services chargés des contrôles. Au regard de la réduction des effectifs des services de l’État en matière de politique environnementale envisagée par le Gouvernement ([93]), il apparaît essentiel de maintenir voire daccroître les effectifs des services territoriaux chargés de la police de leau, au sein des DDT et de lOFB, tout en harmonisant les contrôles réalisés sur le territoire, en particulier dans les départements ayant fait face à des pénuries d’eau.

3.   Des contrôles ne débouchant que sur de faibles sanctions

Enfin, le CGEDD note qu’indépendamment du nombre de contrôles réalisés, la pression qui s’exerce sur les personnes soumises aux mesures de restriction dépend des suites données aux contrôles, c’est-à-dire des sanctions effectivement prononcées. Or, même en cas de non-conformité, les contrôles réalisés ne débouchent que rarement sur des sanctions, ce qui nuit à leur crédibilité.

La faiblesse des sanctions prononcées est un trait caractéristique des sanctions pénales environnementales, qui trouve également à s’appliquer pour la police de l’eau. En 2019, à peine plus de 250 suites, judiciaires (enquête ou avertissement) ou administratives, ont été données aux contrôles tant des prélèvements que des mesures de sécheresse ; un nombre relativement faible au regard des centaines de situations de non-conformité qui sont remontées à la direction de l’eau et de la biodiversité du ministère en charge de l’environnement.

Cette faiblesse s’explique par plusieurs facteurs, dont certains ont déjà été évoqués : manque de clarté des « arrêtés sécheresse » et des dérogations accordées, non-respect des mesures de publicité rendant opposables les mesures de restriction ([94]), manque d’équité entre les acteurs contrôlés selon la nature de leur activité et leur impact supposé sur la ressource en eau, manque de données sur les points de prélèvement et d’arrosage, faible implication des procureurs, etc.

Les auditions de la mission d’information ont fait ressortir l’idée, partagée par le CGEDD, d’associer des magistrats aux comités sécheresse départementaux ainsi qu’à l’élaboration des plans de contrôle interservices.

Recommandation : Outre une augmentation des moyens humains affectés aux services en charge de la police de l’eau, la mission d’information recommande de mieux associer les magistrats du parquet aux mesures liées à la sécheresse et aux usages de l’eau.

 


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III.   La nÉcessité absolue d’anticiper et prÉvenir les conflits d’usage afin d’Éviter une guerre de l’eau

Nonobstant les améliorations que l’on peut apporter aux dispositifs de gestion des crises et au contrôle des abus, la nouvelle donne climatique nécessite d’aller plus loin. Il nest plus possible de se contenter de mesures durgence, prises quand la situation est déjà dégradée et ce, d’autant plus que le bilan du CGEDD sur les gestions quantitatives de l’eau en situation de sécheresse montre des résultats limités : seraient ainsi épargnés au maximum 1 % de la consommation des particuliers, 2,5 % des prélèvements des collectivités et 6 % sur les usages agricoles quand l’irrigation est totalement interdite.

Il importe désormais de réfléchir à une gestion collective de la ressource sur le long terme afin de prévenir – ou de minimiser au moins – les prochaines crises.

Comme l’affirmait déjà le CGEDD en 2013 : « tout lenjeu est de passer dune multitude dactions curatives à une approche préventive cohérente et à la bonne échelle […] au bénéfice de tous les usages ». Cette approche préventive doit reposer sur différents outils complémentaires – réglementation, judiciarisation, planification concertée, contractualisation, mécanismes financiers, développement de l’offre et innovations techniques – pour reprendre la typologie formulée par M. Sylvain Barone, chercheur à l’INRAE, devant la mission d’information ([95]).

A.   Le dÉveloppement de la ressource en eau doit prioritairement s’appuyer sur les solutions fondÉes sur la nature

L’une des solutions souvent préconisées est de développer la ressource utilisable. Le développement de la ressource en eau consiste à augmenter la quantité d’eau disponible pour un usage donné ou pour une multiplicité d’usages.

Ce développement peut prendre diverses formes : outre l’augmentation de l’offre en eaux dites « non conventionnelles », comme la réutilisation des eaux de pluie ou des eaux usées, la lutte contre les fuites des réseaux d’eau participe d’une augmentation de la quantité d’eau potable disponible.

Dans ce même but, les solutions fondées sur la nature sont un moyen essentiel pour améliorer la disponibilité de la ressource, répondre aux divers enjeux liés à l’eau (atténuation des inondations et submersions) tout en contribuant à relever d’autres défis sociétaux, tels que l’amélioration de la santé, la sécurité alimentaire ou encore le développement socio-économique ([96]).

Alors que le développement de solutions fondées sur la nature est indispensable dans une optique d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques, le développement de solutions techniques permettant une augmentation de l’offre d’eau peut être utile pour réguler certains conflits mais ne saurait constituer une panacée qui ferait oublier la nécessité dadapter nos usages aux évolutions de la ressource induites par les changements climatiques.

1.   Un développement de solutions fondées sur la nature essentiel pour s’adapter aux conséquences des changements climatiques et protéger la ressource en eau

Comme évoqué dans la première partie du rapport, il existe de forts liens entre les eaux souterraines et les eaux de surface, les premières assurant notamment le débit des cours d’eau et la survie de leurs écosystèmes en période d’étiage. Il est donc important, pour assurer le maintien dun débit suffisant dans un contexte où les épisodes de sécheresse vont devenir de plus en plus intenses et longs, dassurer le remplissage des aquifères. Pour cela, des solutions fondées sur la nature peuvent favoriser la retenue des eaux de pluie, l’humidité des sols ou encore leurs capacités d’infiltration.

Ainsi, la maîtrise du ruissellement et de la vitesse découlement des eaux de pluie, dans un contexte de changements climatiques entraînant un accroissement des épisodes de précipitations extrêmes, est facilitée en cas damélioration de linfiltration de ces eaux dans les nappes souterraines. Dès lors, la limitation de l’imperméabilisation des sols, notamment en rendant nos villes perméables, ainsi que la gestion durable et la restauration des zones humides participent autant d’une amélioration de la recharge des aquifères souterrains que d’une meilleure adaptation aux changements climatiques.

Recommandation : Renforcer, notamment dans le cadre de paiements pour services environnementaux, le recours aux solutions fondées sur la nature et inciter les communes et intercommunalités à désimperméabiliser leurs territoires, afin de se rapprocher du cycle naturel de l’eau et ainsi favoriser la recharge des nappes souterraines et l’alimentation des cours d’eau.

Il est toutefois essentiel d’apprécier le développement de ces solutions au regard de l’affectation actuelle des sols, afin d’évaluer globalement leur effet sur les changements climatiques : le BRGM note ainsi que « le passage dune prairie à une forêt entraîne une diminution de la recharge des eaux souterraines » et qu’a contrario « une conversion en terre agricole peut conduire à une augmentation de la recharge ([97]) ».

De telles solutions fondées sur la nature sont souvent moins coûteuses, plus durables et mieux acceptées localement que la construction d’infrastructures de stockage. La déclinaison de ces solutions permettant la préservation et la restauration des écosystèmes aquatiques trouve dès lors pleinement à s’intégrer dans les SDAGE ainsi que, de façon opérationnelle, dans les SAGE.

Ces actions peuvent notamment être menées dans une perspective agro-écologique, en encourageant – ou en rémunérant ([98]) – les agriculteurs qui favorisent l’infiltration de l’eau dans les sols, par la préservation et la plantation d’arbres et de haies, qui jouent un rôle de coupe-vent, d’ombrage et de facilitation de l’infiltration, ou encore par la préservation des prairies naturelles, moins fragiles face aux sécheresses.

Les solutions fondées sur la nature liées à l’eau

« Les principales catégories de solutions fondées sur la nature qui permettront de répondre aux risques naturels liés à leau sont :

«  la préservation, la restauration et la création de zones humides fonctionnelles et la restauration hydromorphologique des cours deau qui contribuent à réguler les inondations et protéger les ressources en eau lors de sécheresses ;

«  la végétalisation du territoire du bassin versant (plantations de haies, végétalisation des versants, etc.) qui permet de stabiliser les sols et donc de ralentir le ruissellement. Ceci réduit également les risques de glissement de terrain et de coulées de boue ;

« – la végétalisation (berges des cours deau aménagés, création de zones humides, etc.) et la désimperméabilisation des villes qui participent à la réduction des risques dinondations en favorisant linfiltration de leau pluviale dans les sols et en limitant le ruissellement. »

Source : UICN, Comité français, Les solutions fondées sur la nature pour les risques liés à leau en France, 2019.

2.   Des luttes contre les fuites des réseaux de distribution permettant d’étendre l’offre d’eau potable

La lutte contre les pertes d’eau liées aux fuites des infrastructures locales d’assainissement et d’alimentation en eau potable est un moyen essentiel d’accroître l’offre d’eau potable disponible.

Les réseaux publics de distribution de l’eau représentent, en France, plus de 900 000 kilomètres de canalisations, dont plus de 500 000 sont gérés par les entreprises de l’eau. Leur état est très variable et dépend notamment de l’ancienneté du réseau et des matériaux utilisés. Parmi les services gérés par les entreprises de l’eau, près de 10 % ont été posés avant 1960 et sont majoritairement constitués de matériaux plus fragiles ou cassants (fonte grise ou acier). Le rendement du réseau, de l’ordre de 80 % au niveau national – et son corollaire, le taux de fuite, de lordre de 20 % – est relativement stable, mais masque de fortes disparités locales : le taux de fuite grimpe ainsi à 45 % pour les réseaux desservant entre 1 000 et 3 500 habitants et diminue ensuite au fur et à mesure que la taille du réseau augmente.

Le renouvellement de ces infrastructures, qui relève de la responsabilité des municipalités et des intercommunalités, souffre souvent de sous-investissements : ces investissements nécessaires sont lourds, les moyens des collectivités insuffisants et le soutien, non obligatoire, apporté par les régions et les départements variable selon les territoires. Les règles de la comptabilité publique nincitent pas non plus les services de leau à lutter contre les fuites : leur facturation devant, sauf quelques rares exceptions, équilibrer les dépenses d’exploitation et d’investissement, ils sont amenés à reporter les pertes de recettes induites par les fuites sur l’ensemble des consommateurs.

De plus, même si les agences de l’eau contribuent toujours au financement de ce type de travaux, elles ont d’autres investissements à soutenir et leurs ressources ne peuvent suffire à couvrir ces besoins. À l’issue de la première séquence des Assises de l’eau, achevée en août 2018, le Gouvernement avait toutefois annoncé que les investissements pour les installations d’eau potable passeraient de 36 à 41 milliards d’euros sur la période 2019-2024, avec des aides financières mobilisées prioritairement pour les territoires ruraux.

L’ensemble des acteurs rencontrés lors du déplacement de la mission d’information dans l’Indre ont ainsi évoqué les importants besoins de rénovation des réseaux d’alimentation en eau potable de leur territoire et l’incapacité des municipalités comme de leurs syndicats chargés de la GEMAPI d’assumer ces investissements. Malgré ce constat unanime, les communes, les services de l’État et l’agence de l’eau regrettent la faible mobilisation du Conseil départemental sur ces travaux.

Il est donc ressorti des auditions conduites dans l’Indre qu’aujourd’hui, à peine 1 % du réseau d’alimentation est renouvelé chaque année. Si ce taux ne diffère pas significativement du taux de renouvellement national (0,53 %), la dégradation du réseau vient réduire la quantité et la qualité de leau potable disponible en période de pénurie. Cette dégradation a empiré les effets de la sécheresse de 2019, ce qui s’est notamment traduit par des coupures d’alimentation en eau potable prolongées durant l’été dans deux communes du département.

Bien qu’il ne devrait pas y avoir de conflit entre l’alimentation et la santé humaines et les autres usages de l’eau en raison de la priorité absolue dont les premiers bénéficient, cette situation finit par en créer. Les communes impactées soupçonnent les irrigants d’avoir trop prélevé en amont. En retour, les agriculteurs reprochent aux collectivités de ne pas faire ce qu’il faut pour réduire les fuites du réseau. De fait, ce sous-investissement alimente un sentiment d’inégalité dans les efforts d’économie et affaiblit la légitimité des exigences publiques.

3.   Des solutions de réutilisation des eaux non conventionnelles

Les Assises de l’eau organisées en 2019 ont fixé un objectif de triplement du volume d’eaux non conventionnelles réutilisées d’ici 2025 : il peut s’agir d’eaux de pluie, d’eaux usées, d’eaux grises, etc.

L’utilisation de ces eaux, si elle peut permettre d’augmenter l’offre d’eau pour certains usages non alimentaires, soulève des questions sanitaires. Le code de la santé publique pose ainsi le principe que « lutilisation deaux [impropres à la consommation] est possible pour certains usages, domestiques ou dans les entreprises alimentaires, lorsque la qualité de ces eaux na aucune influence, directe ou indirecte, sur la santé de lusager et sur la salubrité de la denrée alimentaire finale ([99]) ».

Un décret en Conseil d’État, non encore publié, doit venir préciser les modalités d’application de ce principe, ainsi que celles de l’article L. 211-9 du code de l’environnement ([100]), modifié par la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.

a.   La réutilisation des eaux de pluie

Les eaux de pluie peuvent aujourd’hui être utilisées dans le cadre réglementaire précisé par un arrêté du 21 août 2008 ([101]). Elles peuvent ainsi être utilisées pour des usages domestiques extérieurs au bâtiment, pour l’évacuation des eaux usées, le lavage des sols et, sous certaines conditions, pour le lavage du linge.

Pour ce dernier usage, un dispositif l’autorisant à titre expérimental a été mis en place, mais sa généralisation reposait notamment sur le fait que « la personne qui met sur le marché le dispositif de traitement de leau déclare auprès du ministère en charge de la santé les types de dispositifs adaptés quil compte installer », comme le prévoit l’arrêté précité. Or, selon la direction de l’eau et de la biodiversité, aucune déclaration de ce type n’a été faite auprès du ministère de la santé depuis 2008, empêchant dès lors sa généralisation.

La réutilisation des eaux de pluie pouvant comporter des risques sanitaires, car celles-ci ne répondent pas aux normes de qualité applicables à l’eau potable, leur usage est interdit à l’intérieur des bâtiments qui abritent des populations sensibles, tels que les crèches et écoles, les établissements d’hébergement de personnes âgées ou encore les établissements de santé.

b.   La réutilisation des eaux usées traitées et des eaux grises

S’agissant de la réutilisation des eaux usées traitées (REUT ou reuse), la mission se félicite de l’adoption définitive du projet de règlement européen portant sur leur utilisation à des fins d’irrigation agricole le 7 avril 2020. Il fixe ainsi des seuils de qualité pour les eaux traitées en fonction de leurs usages, répartis en quatre catégories.

La mission note toutefois que de telles solutions ne doivent pas ralentir les changements nécessaires de notre production agricole : au regard des changements climatiques, il est essentiel dadapter nos pratiques à la disponibilité, notamment saisonnière, de la ressource.

S’agissant de l’utilisation des eaux grises, essentiellement composées des eaux de douche, de vaisselle et de lavage du linge, elle est aujourd’hui très réduite, en France mais également dans le monde, alors qu’elle permet d’utiliser un même volume d’eau pour deux usages successifs.

Sa mise en œuvre pose toutefois des difficultés non seulement techniques et financières, dans la mesure où un double réseau d’eau est nécessaire – ce qui induit une augmentation des risques dans les bâtiments d’habitation collective –, mais également des difficultés sanitaires, les eaux de douche pouvant nécessiter une décontamination pour pouvoir être utilisées sans risque. L’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) estime en effet que son utilisation dans l’habitat doit être encadrée pour des usages limités, dans des environnements affectés par des pénuries d’eau. Cette mise en œuvre doit s’accompagner d’une information et d’une formation des populations concernées aux conditions de minimisation des risques associés à la présence d’un réseau d’eau non potable.

Au cours du déplacement de la mission d’information à Épinal, il est également ressorti que les acteurs industriels – en l’espèce, la fromagerie l’Ermitage – peuvent faire face à des difficultés dordre réglementaires dans la réutilisation de leurs eaux industrielles. À titre d’exemple, la fromagerie l’Ermitage a mis en place, depuis 2009, des procédés de récupération d’eau ; ces eaux récupérées, qui représentaient 50 000 mètres cubes d’eau en 2009, en représentent désormais plus de 200 000.

La fromagerie a toutefois indiqué à la mission que les économies d’eau, à production constante, lui paraissaient de plus en plus complexes sans évolution de la réglementation : elle ne peut notamment pas réutiliser certaines de ses eaux de process, même pures, au contact des produits alimentaires, car ces derniers ne doivent être en contact qu’avec une eau issue du réseau d’alimentation en eau potable.

De même, les pisciculteurs du parc naturel régional de la Brenne, dans l’Indre, n’ont pu réaliser les vidanges et remplissages de leurs bassins en raison de la réglementation sur les rejets d’« eau trouble » dans les cours d’eau et zones humides en période d’assèchement. L’excès de chaleur a fini par tuer tous leurs carnassiers adultes, leur imposant des pertes à 80 %, alors que leurs pratiques ancestrales de relâche des eaux auraient permis, selon eux, d’éviter ces nuisances.

Les déplacements de la mission d’information ont également fait ressortir l’excès de certaines réglementations sportives, qui imposent par exemple des pelouses naturelles tout en interdisant l’usage des eaux grises pour les arroser, comme condition pour participer aux compétitions officielles. Cela a conduit certaines municipalités à maintenir leur arrosage en période de sécheresse pour ne pas être obligées de renoncer à ces évènements très appréciés de la population ; une réflexion globale sur ces exigences au regard des changements climatiques semble dès lors importante.

La mission suivra donc avec attention les résultats du groupe de travail mis en place par les ministères en charge de lenvironnement et de la santé afin didentifier les freins au développement des différentes pratiques de réutilisation et de rassembler les données issues des expérimentations en cours en vue de faire évoluer la réglementation.

Recommandation : Si la mission pense que la réutilisation des eaux non conventionnelles et, plus généralement, les outils techniques visant à développer l’offre d’eau peuvent apporter localement des éléments de solution, elle rappelle qu’ils ne peuvent venir quen complément dune démarche consistant à faire évoluer les usages pour les adapter à la disponibilité de la ressource.

c.   L’utilisation d’eau de mer pour la production destinée à la consommation humaine

Il est possible, par un procédé de désalinisation, de rendre l’eau de mer propre à la consommation humaine. L’autorisation d’utiliser cette eau doit, outre l’autorisation préfectorale, faire l’objet d’un avis de l’ANSES.

Si cette solution se développe dans certains pays, notamment insulaires – par exemple à Malte – l’ANSES a indiqué à la mission, au cours de son audition, que le dessalement de l’eau de mer restait faiblement utilisé en France. La plupart des dossiers sur lesquels l’agence a été sollicitée concernent des projets situés dans des territoires ultramarins.

4.   La recharge artificielle des nappes

Aujourd’hui, la réglementation française permet la recharge artificielle de nappe après autorisation préfectorale. L’eau utilisée peut provenir de toute eau de surface ou eau souterraine, à condition que son utilisation ne compromette pas la réalisation des objectifs environnementaux pour la masse d’eau souterraine rechargée.

Dans le cas d’une nappe captive, la seule solution envisageable est l’injection directe par forage dans la zone saturée. Dans le cas d’une nappe libre, l’injection est possible tant dans la zone saturée que dans la zone non saturée, mais elle peut également s’infiltrer directement dans la nappe par la création de bassins artificiels en surface.

Toutefois, la recharge artificielle par infiltration requiert un terrain présentant une perméabilité suffisante pour permettre à l’eau de recharge de s’infiltrer verticalement jusqu’à la nappe. À cet égard, les départements et régions d’outre-mer constituent un cas particulier car, bien que la demande en eau puisse y être importante, leurs terrains ne permettent généralement pas la recharge artificielle de nappes.

5.   Des retenues de substitution au cœur de nombreux contentieux

Les retenues de stockage sont des installations ou ouvrages permettant de stocker de l’eau. Elles peuvent être très différentes :

– par leur nature : il peut s’agir de retenues collinaires, de réserves, de plans d’eau, de retenues, de substitution, etc. ;

– par leur mode d’alimentation : par un cours d’eau, une nappe, ou encore par ruissellement ;

– par leur finalité : agriculture, soutien à l’étiage, alimentation en eau potable, sécurité, usages économiques, multi-usages.

Parmi ces retenues, les retenues de substitution sont des ouvrages artificiels qui servent à stocker de l’eau en hiver, en prélevant la ressource dans les rivières ou dans les nappes, afin de constituer une réserve pour les périodes sèches de l’été : « les retenues de substitution permettent de stocker leau par des prélèvements anticipés ne mettant pas en péril les équilibres hydrologiques, biologiques et morphologiques ; elles viennent en remplacement de prélèvements existants : cest la notion de substitution ([102]) ».

Pour faire face aux changements climatiques, une majorité d’agriculteurs irrigants, notamment représentés par Irrigants de France, les Jeunes agriculteurs (JA) ou la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), s’est exprimée en faveur des retenues d’eau de substitution, considérant que ces aménagements leur permettront dassurer le rendement de leurs cultures et la sécurité dun revenu en période de tension.

Loin de faire l’unanimité, les retenues, appelées péjorativement « bassines » par leurs détracteurs, sont au centre de nombreux conflits d’usage, dont le plus emblématique a été présenté plus tôt, avec le projet d’établir dix-neuf, puis seize retenues sur les Deux-Sèvres. Il leur est principalement opposé :

– le coût important de leur construction, notamment supporté par les agences de l’eau ;

– le manque de prise en compte de solutions alternatives déconomie deau, les retenues étant trop souvent posées comme une « solution miracle » ;

– les risques sanitaires liés à l’eau stagnante et la sensibilité des retenues à lévaporation en période chaude qui fait perdre une partie des volumes captés ;

– l’absence de consensus sur les volumes à stocker ;

– leur impact environnemental, notamment quant à la recharge de ces retenues ou à leur localisation.

S’agissant plus généralement des retenues de substitution multi-usages, des désaccords existent quant à leur utilisation, certains acteurs souhaitant les déstocker pendant l’été (notamment les irrigants, les pêcheurs, les gestionnaires de canaux, etc.) et d’autres limiter leur déstockage (hydroélectriciens, acteurs du tourisme sur les lacs, services de lutte contre les incendies, etc.).

Les conflits d’usage liés aux retenues d’eau suscitent un certain nombre de contentieux, dont la plupart se situent actuellement en Nouvelle-Aquitaine, sur les bassins Loire-Bretagne et Adour-Garonne. On distingue les contentieux portant sur les autorisations uniques de prélèvement (délivrées à des structures collectives OUGC) et ceux relatifs aux projets d’ouvrages de stockage. S’agissant des premiers, six contentieux sont en cours :

– trois autorisations ont été annulées par le tribunal administratif de Poitiers ([103]), les jugements étant désormais en appel ;

– trois sont en attente de premier jugement ([104]) ;

– un est en cours sur un plan annuel de répartition sur le Clain ([105]).

En ce qui concerne les projets d’ouvrages, en Adour-Garonne, vingt-et-une retenues sur trente-quatre sont au stade de contentieux. Sur le Bassin Loire-Bretagne, quarante-et-une retenues sur soixante sont concernées ([106]).

La mission d’information juge important que la mise en place de retenues de substitution se fasse au cas par cas, après concertation et au regard dun bénéfice environnemental et économique global avéré sur un territoire donné, dans le respect du principe de substitution et dans une perspective multi-usage.

B.   La nÉcessaire incitation À la sobriÉTÉ : moins consommer, mieux consommer

Chaque année, l’organisation non gouvernementale (ONG) américaine Global Footprint Network calcule le « jour du dépassement mondial », qui marque la date à partir de laquelle l’empreinte écologique a dépassé la biocapacité de la planète – ou, en d’autres termes, celle à partir de laquelle les habitants de la planète consomment davantage de ressources que la Terre ne peut en offrir ([107]). Ce signal d’alarme s’accompagne de conseils invitant chacun à changer ses modes de vie et de consommation pour freiner la course vers l’érosion de la biodiversité, le réchauffement climatique et la raréfaction des ressources fossiles. L’une des réponses préconisées est celle de la sobriété.

La complexe notion de sobriété ([108]), dont la définition ne fait pas consensus, apparaît régulièrement dans le champ des politiques publiques, notamment sous l’expression de sobriété énergétique ([109]) popularisée par l’association NégaWatt ([110]). Elle est aussi utilisée au sujet de la préservation de la ressource en eau par l’instruction du Gouvernement du 7 mai 2019 relative au projet de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) : ces projets visent ainsi à « […] encourager la sobriété des usages et mieux gérer en amont la ressource […] ».

La sobriété désigne, en ce sens, l’acte de modération volontaire d’un ou plusieurs acteurs, pouvant conduire à la réduction, voire à la suppression d’un service. Au titre des économies à réaliser en matière d’eau, les Assises de l’eau ont présenté en juillet 2019 un objectif ambitieux pour les années à venir : réduire les prélèvements en eau de 10 % en cinq ans, puis de 25 % en quinze ans.

La sobriété s’accompagne aussi d’une optimisation dans la gestion de la ressource et dune nécessaire hiérarchisation des besoins. Appliquée à la ressource en eau, la sobriété signifie en ces termes limiter son utilisation de l’eau et réduire sa consommation tout en cherchant l’efficacité dans l’utilisation de la ressource. En d’autres termes, le but est autant de moins consommer la ressource, en changeant les comportements, que de mieux consommer la ressource, en léconomisant grâce à des outils techniques.

Ces démarches, qui demandent de prendre conscience de la rareté de l’eau autant que de sa valeur, sont constitutives d’une transition écologique réussie et sinscrivent sur la durée, et non seulement en période de crise ou de tension aiguë sur la ressource.

Les auditions réalisées dans le cadre de la mission ont permis de présenter plusieurs leviers incitatifs permettant, d’une part, de favoriser lacceptabilité de la nécessité de faire des économies de la ressource en eau, afin que la modération se fasse de manière spontanée (« consommer moins »), ou tout du moins apaisée, par les usagers de la ressource, et, d’autre part, de développer des outils techniques et financiers qui permettent une meilleure gestion de la ressource (« consommer mieux »). Ces différentes recommandations montrent que le « mieux » et le « moins » se conjuguent et ne sont pas exclusifs lun de lautre.

La préservation de la ressource en eau peut être pensée en termes de « sobriété », à plusieurs niveaux :

– lutter contre le « gaspillage » de leau, entendu à la fois comme un aléa (essuyer moins de pertes pendant des activités d’arrosage agricole), une surconsommation (utiliser des outils techniques appropriés pour une irrigation de précision qui mobilise moins d’eau) ou un geste superflu, voire inutile (utilisation non essentielle de l’eau en période de pénurie) ;

– adopter une conduite économe en prenant conscience, par un changement de tarification et un accompagnement des différents usagers, que la ressource en eau est précieuse et qu’il est nécessaire de la consommer avec modération ;

– mieux utiliser la ressource en utilisant des outils intelligents ou en limitant la mobilisation de la ressource dans les process ou pour l’entretien des cultures, grâce à des innovations technologiques ou agronomiques.

1.   Un accompagnement des acteurs vers la transition écologique

La transition écologique entend apporter une solution globale aux menaces et aux enjeux environnementaux nombreux qui pèsent sur l’avenir de la planète et sur celui des êtres vivants, en proposant un nouveau modèle économique et social. Réduire la consommation en eau s’inscrit dans un champ plus large d’atténuation mais aussi d’adaptation aux changements climatiques.

Une fois le constat sur la ressource en eau partagé par les différents acteurs d’un territoire, permettant ainsi de s’accorder sur la fragilité de la disponibilité de la ressource, il devient possible d’envisager, avec ces acteurs, la question de l’évolution des pratiques en cours vers une transition écologique équilibrée.

Les acteurs industriels, tout d’abord, sont conscients depuis plusieurs années de la nécessité d’économiser les ressources naturelles. La baisse des prélèvements des industriels précédemment évoquée s’explique en grande partie par l’amélioration des moyens de production et la recherche d’économies. C’est notamment le cas des industriels auditionnés par la mission lors du déplacement à Épinal ; la fromagerie l’Ermitage est par exemple parvenue à réduire sa consommation d’eau de plus de 200 000 mètres cubes d’eau entre 2009 et 2019, soit une baisse de 31 %.

En agriculture, les irrigants, qui sont les usagers exerçant la plus grande pression sur la ressource en période d’étiage – même si leurs prélèvements sont mineurs le reste de l’année –, ont commencé à se mobiliser, depuis plusieurs années, pour mettre en place une gestion collective de la ressource en eau.

Au regard de limpact des changements climatiques, il est néanmoins urgent quils poursuivent leurs efforts déconomies deau. Si la plupart des organisations syndicales agricoles rencontrées par la mission présentent les retenues d’eau comme une solution nécessaire pour les aider à réaliser leur transition écologique, d’autres leviers, pour certains déjà expérimentés, sont à leur disposition pour réduire leur consommation en eau, en remplacement ou en complément de solutions de stockage. Deux axes de recherche principaux sont à privilégier :

– la réduction de la vulnérabilité de lagriculture aux aléas météorologiques, qui passe par la diversification des cultures et des assolements et qui invite à repenser la gestion des systèmes culturaux et des sols ;

– le développement de nouveaux matériels et techniques, qui permettent, entre autres, d’optimiser le pilotage de l’irrigation.

a.   Réduire la vulnérabilité des cultures et accroître leur résilience

L’évolution des cultures permet de développer une agriculture plus résiliente et plus apte à faire face aux changements climatiques et aux pénuries d’eau.

Il s’agit, d’une part, de sélectionner et de développer des espèces végétales moins gourmandes en eau ou plus résistantes à la sécheresse. Plusieurs scénarios prospectifs ([111]) envisagent une reconversion ou une transformation des cultures en fonction des modèles environnementaux envisagés pour les 30 à 50 années à venir, dans la perspective de répondre à une offre et une demande croissantes. Une prospective socio-économique a par exemple été réalisée dans le cadre du projet Explore 2070. Y sont développés plusieurs scénarios dans lesquels sont mises en œuvre des stratégies d’adaptation. Le plus ambitieux, justement intitulé « sobriété dans les usages de leau », s’appuie sur une hypothèse de conversion de 100 % du maïs irrigué en 50 % de céréales sèches, 30 % de blé irrigué, 10 % de soja irrigué et 10 % de céréales irriguées.

D’autre part, ce travail de sélection doit s’accompagner du renoncement aux cultures trop consommatrices et ne pouvant faire face, à un endroit donné, aux périodes de sécheresse. Pour guider leurs choix, les acteurs se basent sur « lempreinte en eau » de la culture, calculée en croisant son besoin en eau de pluie et en irrigation, son cycle cultural, sa tolérance au stress hydrique et la sole irriguée ([112]).

Des stratégies, dites de « tolérance », visent, par exemple, à sélectionner des espèces qui acceptent la contrainte hydrique, ou à développer des pratiques favorisant la rétention deau dans le sol, comme les cultures avec couverts végétaux, l’agroforesterie ou l’apport de matières organiques plutôt que minérales.

Par ailleurs, ces innovations doivent aussi s’accompagner d’une nouvelle répartition des cultures sur le territoire et d’une diversification des assolements qui prennent en compte leur faisabilité en termes de localisation et de calendrier. La spécialisation des exploitations agricoles dans une monoculture (principalement le maïs et le blé) et le raccourcissement des rotations sont préjudiciables à la résilience de l’agriculture à plusieurs titres :

– ils créent d’importantes tensions sur la ressource en eau, notamment dans le cadre du maïs irrigué, comme l’a démontré l’exemple des Deux-Sèvres ;

– ils augmentent le recours aux pesticides, du fait de rotations courtes et d’assolements répétitifs ;

– ils entraînent même un plafonnement des rendements des cultures.

Modifiant la durée d’un cycle cultural ou son positionnement, en avançant la date des semis ou en recourant à des variétés précoces, les stratégies dites d« esquive » permettent, à l’inverse, d’ajuster au mieux ce cycle à la ressource en eau.

L’introduction de nouvelles cultures ou l’adoption de nouvelles pratiques ne sont pas sans risque pour lagriculteur et ne peuvent se faire sans un accompagnement significatif des acteurs institutionnels : elles nécessitent animation, diagnostic global, conseil, mutualisation des connaissances et des données, structuration de filières de valorisation mais aussi soutien financier pour faire face aux surcoûts de ces transitions dans des exploitations déjà très endettées.

Pour que la transition écologique puisse être acceptée par tous les agriculteurs, irrigants ou non, il faut d’abord encourager activement leur prise de conscience. C’est la responsabilité des institutions professionnelles, en particulier des chambres d’agriculture, dont la mission a auditionné l’assemblée permanente.

En 2019, selon l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), 65,5 % d’entre elles ont développé des actions en réponse aux nouvelles tendances et demandes des irrigants. Les chambres d’agriculture ont ainsi mis au point un certain nombre doutils pour objectiver les impacts des changements climatiques dans le secteur agricole, avec pour enjeu de trouver des solutions pour s’adapter aux aléas et évolutions climatiques, tout en augmentant la résilience globale des systèmes.

Par exemple, huit chambres ont créé des observatoires régionaux ORACLE ([113]) pour mesurer les évolutions climatiques et leurs incidences agricoles au cours des cinquante dernières années. Cinquante chambres participent à l’étude ClimA-XXI ([114]), outil d’analyse prospectif décrivant l’évolution climatique et agro-climatique attendue au cours du XXIe siècle à partir de scénarios de projections climatiques, avec la possibilité de faire varier les projections en précisant des indicateurs locaux, comme le nombre de jours de gel ou la température moyenne annuelle. Ces observatoires permettent à la fois de créer une forme de consensus autour des changements climatiques et de leurs impacts sur l’agriculture et de développer des outils de conseil déclinables localement pour trouver des voies d’adaptation et d’atténuation. Par ailleurs, 37 % des chambres réalisent des actions de formation en matière d’irrigation.

La mission préconise de généraliser ces initiatives, une partie croissante du territoire national allant être concernée, dans les années à venir, par une intensification des périodes de pénurie d’eau.

Les enseignements agricoles doivent aussi participer à ce travail de sensibilisation aux bienfaits de l’agroécologie. Le plan « Enseigner à produire autrement » (2014-2018), préparé par la direction générale de l’enseignement et de la recherche du ministère de l’agriculture, a été transformé en un plan « Enseigner à produire autrement, pour les transitions et lagroécologie », structurée en quatre axes : mobiliser les apprenants, la communauté éducative, les exploitations agricoles et essaimer des pratiques innovantes au travers d’animations dans les territoires.

b.   Des solutions techniques permettant de mieux consommer l’eau

Choix des espèces, variétés et cycles culturaux adaptés, gestion des sols, etc. peuvent aussi s’accompagner de solutions techniques visant à optimiser l’irrigation des agriculteurs, mais aussi, pour les particuliers, à mieux utiliser la ressource en eau en la consommant moins, voire plus du tout, dans certaines activités quotidiennes. Il reste toutefois essentiel de rappeler que si mieux consommer leau est nécessaire, cela ne peut être détaché de la nécessité de moins la consommer.

Afin d’améliorer les performances de leurs systèmes d’irrigation, les agriculteurs doivent pouvoir réaliser un diagnostic de leurs installations en se fondant sur des systèmes de références qui leur permettent d’apprécier l’apport en volume d’eau nécessaire pour chaque culture, qu’il convient ensuite de mettre en regard avec le volume d’eau réel prélevé. Ce diagnostic, couplé à des innovations techniques, permet aux agriculteurs de prendre conscience, maîtriser et moduler leur utilisation de la ressource eau.

Pour améliorer lefficience de son irrigation, l’agriculteur peut recourir à du matériel hydro-économe qui limite la perte induite par l’irrigation par aspersion ([115]). En effet, un autre aspect de la sobriété est aussi de lutter contre le gaspillage de la ressource, selon qu’elle vise à limiter les pertes de la ressource en eau (fuite sur les réseaux de distribution ([116]), dispersion lors d’un arrosage agricole) ou à éviter demployer la ressource pour satisfaire des besoins perçus comme superflus en période de stress hydrique.

De nombreuses solutions techniques ont été développées pour réduire la consommation d’eau pour l’irrigation : goutte-à-goutte, micro-aspersion, brise-jet, irrigation de précision, pilotage assisté par capteurs, etc. Le recours à des outils d’aide à la décision permet également de mettre en évidence l’économie d’eau réalisée par le déploiement de nouvelles techniques et de faciliter l’établissement d’un constat partagé sur les prélèvements et les économies de chacun.

La mission d’information partage l’avis du Conseil économique, social et environnemental d’avril 2013, présenté par Mme Florence Denier-Pasquier, qui souligne que l’évolution des techniques agricoles « contribue à apporter des marges de manœuvre qui peuvent être localement significatives pour optimiser la gestion de leau dirrigation », tout en rappelant que celle-ci « peut se heurter à des coûts importants dinvestissement ([117]) » pour les agriculteurs.

La mission souligne cependant que les réponses techniques ne sont pas suffisantes et ne doivent pas faire renoncer à des solutions plus pérennes, éventuellement complémentaires, comme celles fondées sur la nature ([118]) (protection et restauration écologique des milieux aquatiques, restauration de la continuité écologique, désimperméabilisation des sols, etc.). Elles ne doivent surtout pas inciter à augmenter la part irrigante de lagriculture, ce qui conduirait in fine à une augmentation de la consommation deau.

 

Ces innovations technologiques ne se limitent pas aux usages agricoles. Le baromètre 2018 « Les Français et l’eau », établi par le Centre de l’information sur l’eau en partenariat avec TNS-Sofres, a montré que nos concitoyens sont à 73 % conscients que la ressource en eau est limitée en France, même si la possibilité d’une pénurie dans leur région n’apparaît que dans un futur lointain (à plus de dix ans) au panel interrogé.

Les consommateurs disposent de plusieurs outils pour faire des économies d’eau, par exemple en :

– recourant à un régulateur de jet pour les robinets, afin de contrôler le débit selon l’activité (lavage des mains, des légumes, vaisselle, etc.) ;

– installant un compteur d’eau intelligent, qui permet de consulter au quotidien la consommation, par télé-relevé, et d’ainsi repérer une activité irrégulière, signe d’une fuite ;

– utilisant un pommeau de douche LED dont la couleur varie, par paliers de litres d’eau consommés.

2.   Des mécanismes financiers pour soutenir les changements des pratiques

Les représentants agricoles auditionnés par la mission d’information ont expliqué que le paysage agricole actuel résulte en grande partie des choix passés de la politique agricole commune (PAC) européenne, qui a notamment favorisé la culture du maïs irrigué. Ils sont aujourd’hui inquiets à l’idée de changer de modèle sans filet de sécurité ni accompagnement. Il apparaît donc plus que jamais nécessaire de développer des mécanismes financiers encourageant et soutenant leur transition écologique. Cela doit passer tant par une évolution de la tarification de leau que par un financement massif de paiements pour services environnementaux.

a.   Une tarification de l’eau qui n’incite pas assez à la réduction de la consommation d’eau

Parmi les mécanismes financiers préconisés, on trouve d’abord la mise en place d’une tarification incitant à moins consommer. Il est en effet ressorti des auditions de la mission que même s’il peut comporter une part calculée en fonction du volume réellement consommé ([119]), dans de nombreux cas, le tarif de leau des réseaux deau potable nincite pas réellement à la réduction de la consommation.

En effet, la part calculée en fonction de la consommation n’est pas obligatoire « lorsque la ressource en eau est abondante et quun nombre limité dusagers est raccordé au réseau », ce qui nuit au caractère incitatif de la tarification. De plus, si cette part calculée en fonction de la consommation peut, depuis 2010, être proportionnelle ou progressive, elle peut également être dégressive lorsque plus de 70 % des prélèvements d’eau sont réalisés en dehors d’une zone de répartition des eaux (ZRE). Ces dérogations, même si elles sont limitées à des zones de relative abondance de l’eau, sont désormais inadaptées face à la nécessité de mettre en place des stratégies dadaptation aux changements climatiques.

Recommandation : Rendre obligatoire la fixation dune part du prix calculée sur la consommation réelle d’eau et supprimer la possibilité dinstaurer des tarifs dégressifs en dehors des ZRE.

Il convient toutefois de noter que l’article L. 2224-12-4 précité autorise, dans les communes où l’équilibre entre la ressource et la consommation d’eau est menacé de façon saisonnière, la mise en place de tarifs différents selon les périodes de lannée.

Par ailleurs, dans le cadre de la tarification sociale de leau mise en place par certaines collectivités, qui a été évoquée à plusieurs reprises au cours des auditions de la mission d’information, il est possible, en application de l’article L. 2224-12-1-1 du code général des collectivités territoriales, dinclure des tarifs incitatifs définis en fonction de la quantité deau consommée. Dans ce cas, cette part incitative, augmentant avec la hausse de la consommation, s’ajoute à une part fixe déterminée selon les modalités de tarification classiques.

Afin de renforcer le levier de la tarification de l’eau sur les changements de pratique, il est important que cette tarification puisse être modulée selon les volumes prélevés, les pollutions ou les saisons. La tarification de l’eau garantirait un partage plus raisonné de la ressource en eau puisque le prix serait le reflet de sa rareté. Toutefois, jouer de ce levier serait utile même en l’absence de pénurie à un endroit donné, dans une perspective d’adaptation aux changements climatiques.

Dès lors, deux types de tarification pourraient être mis en place, selon qu’elle vise plutôt à décourager les usagers à consommer plus d’une certaine quantité d’eau – en instaurant un malus – ou bien à encourager les comportements vertueux – en leur accordant un bonus.

Il est cependant important de noter qu’au regard de la relative faiblesse des tarifs actuels de l’eau qui a été soulignée au cours des auditions, une hausse des prix importante pourrait être nécessaire pour qu’elle ait un véritable impact sur les modes de consommation, ce qui réduirait son acceptabilité auprès des consommateurs. À défaut de viser l’évolution effective de la consommation, qui dépend de l’élasticité-prix de la demande d’eau, la mise en place de tarifications incitatives s’inscrirait au moins dans une démarche de familiarisation des usagers aux enjeux de la préservation de la ressource.

Un même raisonnement s’applique aux redevances pour prélèvement sur la ressource en eau affectées et collectées par les agences de l’eau en application de l’article L. 230-10-19 du code de l’environnement. Comme évoqué précédemment ([120]), une connaissance plus fine des prélèvements, par le biais de données mensuelles plutôt qu’annuelles, permettrait de mettre en place une tarification saisonnière de leau, fonction de sa rareté à un instant donné.

Recommandation : Rendre obligatoire une tarification incitative à la réduction de la consommation deau, s’agissant tant des redevances sur les prélèvements sur la ressource en eau collectées par les agences de l’eau que de la facturation de la consommation d’eau potable des usagers. Pour cette dernière, la mission recommande de mettre en place un barème progressif en fonction du nombre de litres deau consommés : les premiers litres bénéficieraient d’un tarif réduit par rapport à celui actuellement en vigueur, tandis qu’au-delà d’un certain volume, le tarif serait augmenté par le biais d’un malus.

b.   Des paiements pour services environnementaux qui doivent encourager les pratiques vertueuses

Les paiements pour services environnementaux (PSE) désignent des rémunérations pouvant être attribuées aux agriculteurs qui modifient leurs pratiques afin de privilégier des méthodes plus favorables à la préservation ou à l’amélioration des services écosystémiques. Ces pratiques peuvent, par exemple, consister à planter des haies, préserver une mare ou encore abandonner la monoculture.

La Commission européenne a autorisé la France, le 18 février 2020, à expérimenter ce régime d’aides financières portant sur la « valorisation des services environnementaux et [l’]incitation à la performance environnementale des exploitations ». Le ministère de la transition écologique et solidaire prévoit de consacrer 150 millions deuros au déploiement des PSE qui seront mis en œuvre au travers des programmes d’intervention des agences de l’eau et attribués en fonction de la taille des exploitations.

Ce dispositif incitatif de rémunération sera fondé sur, d’une part, l’attribution d’une valeur plafond aux services environnementaux et, d’autre part, une évaluation, pour chaque exploitation, des services environnementaux rendus. Il se traduit par une rémunération forfaitaire plutôt que par une compensation des surcoûts et manques à gagner résultant des changements de pratiques, ce qui les rendrait plus incitatifs que certaines mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) figurant actuellement dans la PAC ([121]).

La Commission européenne a également validé, en février 2020, un autre projet de PSE : la ville de Paris, par le biais d’Eau de Paris, en collaboration avec l’agence de l’eau Seine-Normandie, a proposé un financement de systèmes agricoles protégeant les zones de captages et améliorant la qualité de leau. 46 millions d’euros d’aides pourront être octroyés, financés à hauteur de 37 millions d’euros par l’agence de l’eau, le complément étant versé par Eau de Paris.

Ces aides prendront la forme de subventions directes versées aux exploitants agricoles situés dans les zones de captage d’eau et qui limitent leurs usages de produits phytosanitaires, développent des prairies, se tournent vers l’agriculture biologique ou implantent durablement des couverts pérennes sur des zones vulnérables aux transferts de polluants. Ces différentes aides ne pourront se cumuler sur les mêmes surfaces, ni, à l’exception des couverts, sur une même exploitation. L’implantation de ces couverts, dont la rémunération sera élevée (à hauteur de 650 euros par hectare justifié), sera par ailleurs assortie d’une obligation réelle environnementale (ORE) de maintien du couvert environnemental pendant une durée de trente ans.

Le sujet des PSE est revenu à plusieurs reprises au cours des auditions de la mission d’information. Pour certains acteurs auditionnés, ces paiements permettront de reconnaître le rôle des agriculteurs dans la protection de la biodiversité ; mais ils recommandent, pour ce faire, de privilégier justement la rémunération des pratiques vertueuses plutôt que la compensation des moindres gains. Ces PSE deviendraient alors un moyen d’accélérer la transition écologique. La mission se félicite que de tels dispositifs soient validés par la Commission européenne et puissent être mis en place, afin d’accompagner les agriculteurs.

L’enjeu principal des PSE réside toutefois dans les modalités de leur financement : afin de permettre un véritable accompagnement de tous les acteurs, en particulier des agriculteurs, dans la transition écologique et dans la réduction de leur consommation d’eau, il est nécessaire dy consacrer des moyens financiers conséquents.

Recommandation : La mission d’information propose la création dun fonds de paiement pour services environnementaux (FPSE), doté dun budget total dun milliard deuros sur la période 2021/2025, dont la gestion serait assurée par bassin par les agences de l’eau. Ce fonds, qui pourrait notamment contribuer au financement de projets alimentaires territoriaux ([122]), serait financé :

 par laffection au FPSE de lintégralité du surplus des taxes affectées aux agences de leau, qui est aujourd’hui reversé au budget général de l’État (mécanisme dit du « plafond mordant ») et qui s’élevait, en 2019, à 45 millions d’euros ([123]) ;

 par laugmentation des redevances perçues par les agences de leau à hauteur de 200 millions d’euros par an, ce qui permettra de dégager, dici 2025, 800 millions deuros.

Le FPSE pourrait également être abondé par d’autres financements, provenant d’entreprises ou de collectivités.

La mise en place de PSE régionaux pourrait également être étudiée, afin de financer des actes agricoles qui constituent des actes d’intérêt général en faveur de la préservation de la ressource en eau et qui ne peuvent aujourd’hui être financés par le biais des MAEC (tel le confortement des berges).

Au-delà du dispositif encore expérimental des PSE, il conviendrait également de travailler à ce que les dispositifs daide de la politique agricole commune prennent encore mieux en compte les enjeux de la préservation de leau. Cela s’inscrit dans le prolongement du développement, depuis une vingtaine d’années, de mesures favorables à l’environnement incorporées dans la PAC :

– des paiements verts ont été mis en place dans le cadre du premier pilier de la PAC ;

– des MAEC récompensent les changements de pratiques.

C.   L’urgence de dÉfinir ensemble une rÉgulation collective de l’eau

Les différentes approches visant à inciter à la sobriété sont essentielles, dans la perspective d’adapter nos besoins à la ressource en eau : il faut les encourager plus activement que jamais. Néanmoins, les prises de conscience puis la mise en œuvre des outils disponibles ne se feront que très progressivement si l’on ne compte que sur les bonnes volontés individuelles.

Lurgence de faire face aux problèmes deau que posent et aggraveront les bouleversements climatiques mérite que lon sengage dans une démarche plus ambitieuse dans sa portée, temporelle et géographique, ses objectifs, ses actions ainsi que par la mobilisation de tous les acteurs du territoire.

Il convient d’abord d’évacuer une idée en apparence séduisante, qui consisterait à prioriser davantage les usages de leau dans la loi ou une réglementation étatique. Elle semble attrayante à plusieurs titres :

– la faible hiérarchisation des usages complique sérieusement la définition des mesures de restriction en période de crise ;

– malgré l’anticipation des mesures de restriction, les services de l’État se retrouvent souvent impuissants à sauvegarder à la fois les milieux aquatiques et les productions économiques ;

– en dehors des situations de pénurie, l’État peut tout au mieux réajuster les autorisations de prélèvement au nouvel état de la ressource, mais pas aller plus loin en imposant des efforts d’économie pour minimiser les évolutions annoncées.

Toutes ces limites réduisent l’efficacité des différents dispositifs de gestion quantitative de l’eau. Mais cette solution, même adaptée aux contextes locaux, aboutirait à une impasse politique, sociale et économique. Qui peut décider unilatéralement que tel intérêt est supérieur à tel autre ? Comment restreindre des activités intéressantes pour le développement économique d’un territoire fragile quand la ressource paraît encore suffisante pour tous ? Il est déjà difficile de faire respecter, en temps de crise, la priorité des besoins les plus fondamentaux.

La seule voie possible est de construire un compromis ensemble, des solutions partagées, adaptées aux territoires et qui associent tous les citoyens. C’est une condition d’efficacité des gestions de crise ; elle s’impose absolument quand il s’agit d’élaborer une stratégie pour prévenir ou se préparer à de futures crises. Cest en ce sens que le présent rapport sinscrit dans la continuité du rapport de M. le préfet Pierre-Étienne Bisch : les instances locales de concertation doivent réellement donner lieu à une co-construction de projets de territoire et non simplement avoir vocation à permettre l’éligibilité de projets à des financements. Et à moyen terme, ces projets de territoire ont vocation à évoluer en SAGE, afin de traiter la problématique de leau dans sa globalité.

Il importe de ne pas cloisonner les différents problèmes de l’eau, de ne pas séparer en particulier les enjeux de quantité et de qualité  ([124]).

Une fois ces principes posés, nombre d’acteurs auditionnés par la mission d’information ont énoncé plusieurs principes nécessaires à la réussite de cette stratégie :

– il faut travailler à la bonne échelle géographique. Différentes échelles peuvent être pertinentes, l’essentiel étant d’avoir une vision globale des enjeux liés à l’eau d’un territoire, notamment des solidarités entre l’amont et l’aval d’un même sous-bassin ;

– les décisions ne peuvent être imposées d’en haut. Les résultats sont bien meilleurs quand la démarche est volontaire. Et les choix sont plus faciles et moins contestables quand ils ont été faits ensemble. Cela suppose une concertation soutenue et équilibrée entre toutes les parties prenantes, comme cela a déjà été souligné. Au stade de la mise en œuvre toutefois, l’expérience montre qu’un portage actif des projets par des collectivités (ou intercommunalités) volontaires manque souvent ;

– la réalisation d’un état des lieux préalable, présenté et analysé entre tous, est cruciale pour partager le diagnostic et disposer d’une base commune solide qui objective les choix ultérieurs. Cette étape est aussi sensible en temps ordinaire qu’en temps de crise car il n’est pas facile d’admettre la nécessité des efforts d’économie quand la ressource semble encore abondante ;

– les discussions sur les solutions à retenir, dans un second temps, sont tout aussi essentielles. Elles sont l’occasion de croiser les points de vue, les réflexions, les expériences et les bonnes pratiques de chaque catégorie d’usagers.

L’intérêt collectif n’est en effet pas défini de la même façon par tous ni partout. Selon les agences de l’eau, la problématique de leau souffre encore aujourdhui de la tendance de chaque partie à se sentir moins responsable que les autres et à penser que son besoin est prioritaire.

Les agences de l’eau, dont le positionnement les conduit à miser sur la solidarité territoriale et les outils de partage d’expériences qu’elles développent, mais aussi les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB), dont le périmètre de compétences dépasse celui de plusieurs collectivités, peuvent naturellement avoir un rôle d’animation du territoire, de repérage des difficultés et de promotion d’une approche globale, voire de coordination des actions.

Des auditions de la mission d’information, il est ressorti enfin que les outils de planification et de programmation déjà prévus par le droit, ou imaginés par certains territoires, offrent toutes les potentialités nécessaires.

Il sagit donc plutôt de corriger les défauts ou les manques que plusieurs acteurs constatent dans leur mise en œuvre actuelle :

– déni des problèmes à venir ;

– timidité à aller au‑delà de la seule gestion des pénuries ;

– définition d’objectifs et de règles inégalement exigeants et pas toujours ciblés là où ils seraient le plus nécessaires ;

– qualité variable des documents produits ;

– mise en œuvre variable des orientations ;

– couverture inégale du territoire.

1.   Une gouvernance de l’eau multiple

a.   Des services et opérateurs de l’État chargés de la définition du cadre national, de l’expertise et de la régulation

L’eau étant une ressource précieuse et un bien commun, elle nécessite des règles communes pour sa protection et son utilisation qu’il revient aux services de lÉtat délaborer, den suivre lapplication et contrôler le respect. Ces dernières missions sont assurées par trois polices administratives spécialisées : la police de l’eau et des milieux aquatiques, la police de la pêche et la police des installations classées.

La gestion opérationnelle de l’eau est aussi par nature très territorialisée ; son suivi par les services de l’État est donc largement déconcentré. C’est le préfet de région qui pilote la politique territoriale de contrôle menée par les services et les établissements chargés des missions de police de l’eau et de la nature mais c’est au niveau départemental que les autorisations sont délivrées et les décisions de contrôle mises en œuvre.

Pour faciliter la coordination et la cohérence des actions de l’État en matière d’eau et de milieux aquatiques, cette mise en œuvre s’inscrit dans le cadre d’un plan de contrôle interservices, dont l’élaboration et le suivi sont pilotés par la direction départementale des territoires (DDT), sous l’autorité du préfet de département.

La mission interservices de l’eau et de la nature (MISEN)

La MISEN regroupe au niveau départemental tous les services de l’État ayant des missions de gestion et de police de l’eau et de la pêche ainsi que les services et opérateurs sous tutelle du ministère chargé de l’environnement qui concourent à la mise en œuvre de la politique de l’eau :

– la direction départementale des territoires (DDT) ;

– le bureau « environnement » de la préfecture (DRCL) ;

– la direction régionale de l’environnement, l’aménagement et du logement (DREAL) en tant qu’animateur et coordonnateur régional de la politique de l’eau et responsable de la police des installations classées ;

– la direction départementale de protection des populations (DDPP) ;

– la direction départementale de la cohésion sociale et de protection des populations (DDCS ou DDCSPP) qui suit les usages récréatifs ;

– l’agence régionale de santé (ARS) pour assurer la coordination avec la politique sanitaire sur le champ « santé-environnement » ;

– l’Office français de la biodiversité (OFB) ;

– et l’agence de l’eau du bassin concerné.

Ensemble, ils définissent la politique globale de gestion de l’eau et des milieux aquatiques dans leur territoire ; animent et coordonnent la politique départementale de l’eau ; mettent en œuvre les procédures de police de l’eau et des milieux aquatiques ; et améliorent la connaissance et la communication dans le domaine de l’eau, et notamment de sa réglementation, entre les services de l’État et entre ceux-ci et les usagers, associations, collectivités locales et le public en général.

Il revient en particulier aux services déconcentrés de l’État de produire et mettre à jour les plans dactions opérationnels territorialisés (PAOT) qui déclinent au niveau départemental les programmes de mesures nécessaires à l’atteinte des objectifs de la directive-cadre sur l’eau (et se distinguent des programmes pluriannuels de mesures établis pour la mise en œuvre des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux).

Enfin, si les décisions relevant des polices de l’eau, des IOTA et des ICPE sont de la compétence exclusive du préfet, avant la prise de décision finale, les services de l’État dans le département soumettent pour avis un certain nombre de ces actes administratifs au conseil de lenvironnement et des risques sanitaires et technologiques (CoDERST). Cette commission consultative est présidée par le préfet qui en nomme par ailleurs les 25 membres pour trois ans. Elle comporte notamment des représentants des collectivités, des professions concernées et des associations agréées. Ses avis ne sont pas décisionnaires mais sa consultation offre un cadre de concertation sur les différents intérêts en jeu.

La technicité des actions relatives à l’eau, le besoin de connaissances approfondies sur la géologie, les milieux et les écosystèmes de l’eau ainsi que la nécessité d’en suivre précisément les évolutions font par ailleurs intervenir plusieurs organismes d’État spécialisés, tels l’Office français de la biodiversité (OFB) ou le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Le tableau figurant à l’annexe III présente le rôle de ces différents organismes.

Souvent déclinés en antennes locales, ceux-ci peuvent s’appuyer sur les connaissances partagées dans leur réseau, mais également sur l’expertise scientifique d’autres opérateurs nationaux comme l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS), l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) (qui a intégré l’ancien Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA)) ou encore Météo-France, notamment, comme évoqué dans la première partie du rapport, pour connaître l’état et les perspectives d’évolution de la ressource et des réserves d’eau.

b.   Des responsables territoriaux multiples qui posent la question de l’échelle pertinente de gouvernance

Les capacités en eau, les contraintes et les besoins varient fortement d’un territoire à un autre. Ces disparités justifient l’adaptation des mesures de gestion aux réalités de terrain. Se posent alors la question de léchelle dintervention pertinente – celle qui répond aux besoins locaux mais aussi optimise les investissements, détermine l’efficacité et la cohérence de l’action – et, par suite, celle de léchelon décisionnaire le plus adapté.

Sur la première question, la législation française a très tôt privilégié une approche par bassins versants. Mais certaines politiques de l’eau ont des visées beaucoup plus restreintes et ciblées.

Quant à la répartition des – nombreuses ([125]) – compétences locales, construite au fil du temps, elle est morcelée entre plusieurs acteurs ; certaines sont partagées par plusieurs échelons territoriaux.

En 2014, l’instauration du dispositif de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI) a procédé à un premier regroupement en réunissant quatre compétences essentielles du bloc communal sous une autorité unique ([126]). En dehors de quelques aménagements apportés au principe en 2017, la GEMAPI confie donc en (quasi-)exclusivité aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, et de manière obligatoire depuis 2018, les quatre grandes missions suivantes :

– la défense contre les inondations et contre la mer ;

– plus largement, l’aménagement d’un bassin ou d’une fraction de bassin ;

– l’entretien et l’aménagement des cours d’eau, canaux, lacs ou autres plans d’eau (non privatifs) ;

– la protection, la restauration et la gestion du fonctionnement naturel et hydrologique des cours d’eau, écosystèmes aquatiques et zones humides.

Les intercommunalités ou les structures auxquelles elles transfèrent ou délèguent les compétences en matière de GEMAPI sont ainsi tenues localement d’assurer le bon état et la résilience écologiques de leurs sites. Ce faisant, cette réforme encourage l’émergence d’une vision stratégique et partagée à l’échelle des bassins versants en incitant les blocs de communes à se regrouper et coopérer pour renforcer leurs actions. Les intercommunalités peuvent en effet choisir de confier tout ou partie de ce bloc de compétences à un organe intervenant à une échelle supérieure comme un établissement public d’aménagement et de gestion de l’eau (EPAGE), syndicat mixte créé spécialement pour prendre en charge tout ou partie des compétences en matière de GEMAPI à l’échelle des bassins versants des cours d’eau, ou à un établissement public territorial de bassin (EPTB), plutôt que d’assumer en propre une politique aussi lourde et complexe.

Hors de la GEMAPI et de la compétence municipale en matière de distribution d’eau et d’assainissement, la responsabilité de chaque collectivité territoriale sur les questions de l’eau demeure peu lisible.

Néanmoins, si l’on considère l’architecture de la gouvernance de l’eau dans son ensemble, on peut constater que la loi dite « LEMA » de 2006 a tout de même permis une délimitation plus claire des rôles en confiant :

 aux comités de bassin le soin dêtre les « parlements locaux » de leau eux-mêmes réunis au niveau national au sein dune sorte de « parlement des parlements », le Comité national de leau ;

– aux agences de leau le soin dorganiser financièrement la politique de leau. Elles assurent la solidarité des usagers de l’eau au niveau du bassin hydrographique (ou groupement de bassins) en contribuant au financement des ouvrages et actions de réduction des pollutions, de préservation des milieux aquatiques, de gestion durable des ressources en eau et de connaissance de leur état et de leur évolution ;

– aux collectivités territoriales le soin de mettre en place la politique de leau, notamment en attribuant aux communes la compétence de principe dans les domaines de la fourniture d’eau et de l’assainissement ; aux régions, celle de l’aménagement du territoire ; et aux départements, l’assistance technique aux communes rurales dans les domaines de l’assainissement, de la protection de la ressource en eau, de la restauration et de l’entretien des milieux aquatiques, de la prévention des inondations, etc. ;

– aux EPTB un rôle majeur dans lélaboration des SAGE et la gestion des crues. Prolongement des collectivités territoriales à l’échelle du bassin hydrographique, l’objectif de l’EPTB est de faciliter leur action s’agissant de l’eau et des milieux aquatiques et de renforcer son efficacité. En particulier, il veille à la cohérence de l’activité de maîtrise d’ouvrage des EPAGE. Mais sa mission est aussi de promouvoir la solidarité territoriale, notamment en s’assurant que les politiques de l’eau menées par les collectivités sont compatibles avec le SDAGE.

Enfin, le bassin hydrographique étant confirmé par la loi « LEMA » comme le cadre le plus cohérent pour la gestion opérationnelle des eaux, un préfet coordonnateur a été désigné pour chaque bassin.

On rappellera que la délimitation des bassins ou groupements de bassins est établie par un arrêté du ministre chargé de l’environnement qui détermine, le cas échéant, les masses d’eau souterraines et les eaux maritimes intérieures et territoriales qui leur sont rattachées.

Les agences de l’eau sont les premiers organes exécutifs au service des politiques territoriales de l’eau en ce qu’elles favorisent une gestion équilibrée et économe de la ressource en eau et des milieux aquatiques et soutiennent les projets garantissant l’alimentation en eau potable, travaillant à la régulation des crues ou au développement durable des activités économiques.

Mais la gestion opérationnelle nest pas dans leur fonction directe et leur aire géographique est trop importante pour ce faire. Elles doivent donc s’appuyer sur les très nombreux opérateurs de terrain, dont la mise en cohérence des actions est d’autant plus difficile.

Aussi l’intervention des EPTB (et, dans une moindre mesure, des EPAGE) offre-t-elle – en principe – les meilleures garanties d’efficacité tant en termes de mobilisation des acteurs locaux, à tous les échelons, que de cohérence des actions grâce à une échelle adaptée et à une démarche de co-construction de projets.

Le tableau figurant à l’annexe IV détaille, pour chacun des acteurs impliqués dans la gouvernance de l’eau, sa composition et ses missions (avis, définition de la stratégie ou mise en œuvre de la politique de l’eau).

c.   Des acteurs publics dont la capacité à agir dépend de leurs moyens

Alors qu’expertise, contrôle, animation, aménagement et action dans le domaine de l’eau demandent des moyens significatifs, tant humains que financiers, la mission dinformation constate avec inquiétude une tendance nette à leur diminution, et ce, à tous les niveaux.

Les services déconcentrés ont été très impactés par les efforts d’économie réalisés dans les administrations d’État ces dernières années, particulièrement ceux relevant des préfectures et du ministère en charge de l’environnement. Or, dans le même temps, la montée des tensions autour de l’eau les mobilise de plus en plus pour jouer un rôle de médiateurs. La direction départementale des territoires (DDT) de l’Indre, où s’est rendue la mission d’information, se trouve aujourd’hui dans l’incapacité d’assurer le contrôle de la mise en œuvre des mesures de restriction prises en période de sécheresse.

Les services se reposent alors sur les agents de l’OFB, dont les équipes sont elles-mêmes sous-dimensionnées pour assurer leurs diverses missions de police de l’eau et de la nature sur de larges périmètres.

En concentrant les moyens restants sur les contrôles les plus stratégiques ou les plus nécessaires, le plan de contrôle interservices pallie en partie l’affaiblissement des capacités d’intervention de l’État. On peut néanmoins regretter que la politique de l’eau, si cruciale, ne soit pas davantage sanctuarisée.

Les autres opérateurs de lÉtat ne sont pas davantage épargnés par les réductions de personnels. Malgré l’ampleur du réseau de canaux et réserves d’eau dont il assure la gestion, VNF a déjà vu son plafond d’emplois diminuer d’une centaine d’ETPT ([127]) en quelques années. S’il s’adapte en automatisant progressivement le suivi de ses infrastructures, en regroupant ses centres et en développant de nouveaux outils pour gérer ses données, ces transformations prennent du temps, dont il ne dispose pas toujours. En revanche, sa situation financière sest stabilisée depuis qu’une des taxes qu’il perçoit est devenue, à compter de janvier 2020, une redevance dont le niveau est fixé par son conseil d’administration en fonction de ses besoins à venir pour la gestion hydraulique des réseaux. Par ailleurs, il peut désormais définir une programmation pluriannuelle alors qu’auparavant, ses projections étaient limitées à un an seulement. Il n’en reste pas moins que, ne programmant que les besoins les plus urgents, VNF a pris du retard dans les investissements nécessaires à l’entretien des infrastructures.

L’audition d’autres opérateurs de l’État (CEREMA, Météo-France) a également alerté la mission d’information sur les réductions budgétaires et de personnels les affectant. S’agissant de Météo-France, ces baisses risquent d’impacter fortement ses services de prévision, notamment saisonnière, alors même que ceux-ci sont essentiels pour anticiper et gérer les crises.

Du côté des collectivités territoriales, la situation nest pas plus rassurante.

Les comités de bassin et les commissions locales de l’eau n’ont pas d’autres moyens que ceux nécessaires à l’élaboration des SDAGE et SAGE. Ils ne peuvent donc mobiliser des financements pour des actions concrètes.

Les EPTB n’ont d’autres ressources que celles que leur accordent les collectivités qui les ont créés pour définir les programmations des SAGE et suivre leur réalisation, porter les éventuels projets d’aménagement d’intérêt commun et, le cas échéant, assurer la maîtrise d’ouvrage des études et travaux nécessaires à la mise en œuvre de la GEMAPI quand ils bénéficient d’un transfert ou d’une délégation de compétences. Mais comme pour un grand nombre de communes et d’intercommunalités, les investissements nécessaires à la GEMAPI dépassent généralement leurs capacités financières.

Plus globalement, plusieurs acteurs auditionnés par la mission d’information constatent un désengagement des collectivités territoriales sur leurs compétences en matière deau autres que GEMAPI. Les moyens humains dédiés se réduiraient, entraînant une perte d’expertise dommageable pour le suivi de la ressource, la compréhension des enjeux et l’animation territoriale. Lentretien des infrastructures locales dassainissement et dalimentation en eau potable en particulier, qui relève des communes, souffre d’un important sous-investissement, alors que les fuites peuvent, en période de pénurie, engendrer des conflits sur la ressource en eau ([128]).

Les agences de leau restent les premiers financeurs de la politique de leau. Mais des menaces pèsent sur leurs ressources. Celles-ci sont composées pour l’essentiel de sept redevances affectées et collectées par les agences : pour pollution de l’eau, pour modernisation des réseaux de collecte, pour pollutions diffuses, pour prélèvement sur la ressource en eau, pour stockage d’eau en période d’étiage, pour obstacle sur les cours d’eau et pour protection du milieu aquatique.

Selon le principe de « leau paye leau », ces redevances prélevées sur des activités ayant un impact sur l’eau servent à financer des actions de bonne gestion de l’eau. Depuis quelques années cependant, ces enveloppes sont rognées pour financer d’autres dépenses. L’OFB ayant absorbé l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA), la contribution que l’établissement reçoit conserve une logique historique, mais celle-ci est plafonnée (par un « plafond mordant »), le surplus venant abonder le budget de l’État.

Une autre source d’inquiétude serait l’éventuelle reprise de la collecte des redevances par les services de l’État. Elle ferait perdre aux agences leur autonomie financière et suspendrait leur budget d’intervention aux crédits votés en loi de finances. Inquiets de ces évolutions, nombre dacteurs auditionnés ont insisté sur la nécessité que les agences de leau gardent la maîtrise de leurs moyens daction.

2.   Des outils de planification potentiellement puissants

Créés par la première grande loi sur l’eau de 1992 et renforcés par la loi dite « LEMA » de 2006, les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et les schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) qui les déclinent peuvent être les instruments efficaces dune gestion durable de leau car ils intègrent tous les enjeux de leau, sont très adaptés aux réalités locales et porteurs de projets partagés.

a.   Le SDAGE pour une planification cohérente à l’échelle d’un bassin

Comme l’a expliqué l’Association nationale des élus de bassin (ANEB) au cours de son audition, penser le grand cycle de l’eau sans prendre en compte l’ensemble du bassin versant reviendrait à « saucissonner » la gestion sans gérer tous les enjeux territoriaux. Réunissant l’ensemble des acteurs concernés, la composition des comités de bassin qui élaborent les schémas directeurs offre la possibilité d’une action globale et cohérente sur l’ensemble du bassin. Telle est précisément l’ambition du SDAGE : fixer pour chaque bassin hydrographique métropolitain (ou groupement de bassins) les orientations essentielles dune gestion équilibrée et durable de la ressource en eau dans lintérêt général et le respect des principes de la loi sur leau.

i.   Les modalités de son élaboration

Le SDAGE est élaboré par les collectivités du bassin en concertation avec l’État et les différents usagers.

Le comité de bassin arrête, trois ans au moins avant la date prévue d’entrée en vigueur du SDAGE, le calendrier et le programme de travail indiquant les modalités d’élaboration ou de mise à jour du schéma. Deux ans au moins avant cette même échéance, le comité de bassin établit une synthèse provisoire des questions importantes qui se posent dans le bassin ou groupement de bassins en matière de gestion de l’eau. Au maximum un an plus tard, le comité de bassin doit mettre le projet de SDAGE à la disposition du public avec son évaluation environnementale.

La procédure d’élaboration vise ainsi à favoriser l’information et la participation du public et des collectivités territoriales. Le SDAGE doit être mis à jour tous les six ans.

ii.   Le contenu du SDAGE

Il présente un état des lieux écologique, quantitatif et chimique des masses d’eau du périmètre qu’il couvre (extrapolé à partir de plusieurs sites de suivi). À cette occasion, il indique, en le motivant, l’emplacement des masses d’eau de surface artificielles ou fortement modifiées par les activités humaines. Il doit également identifier les masses d’eau risquant de ne pas satisfaire aux objectifs de qualité, notamment parce qu’elles sont susceptibles d’être affectées par des projets d’intérêt général. Il doit alors signaler les projets en question et vérifier que les avantages associés à ces projets ne sont pas susceptibles d’être atteints, dans des conditions équivalentes, par des projets portant une moindre atteinte à la ressource en eau. Il doit enfin comporter une analyse des incidences des activités humaines sur l’état des masses d’eau, en distinguant les eaux de surface et les eaux souterraines.

Le SDAGE porte, entre autres, une exigence de prévention de la détérioration de la qualité des eaux, à l’aune de laquelle est appréciée la compatibilité des programmes et décisions administratives rendues dans le domaine de l’eau.

Outre une version abrégée du registre des zones protégées établi par le comité de bassin, le dossier du SDAGE comporte les éléments suivants :

– un résumé présentant l’objet et la portée du document ainsi que sa procédure d’élaboration ;

– ses orientations fondamentales pour une gestion équilibrée et durable des eaux ;

– les objectifs environnementaux (notamment les objectifs de qualité et de quantité et les aménagements et mesures permettant de les atteindre) et les éventuelles motivations d’adaptation de ces objectifs, ainsi que les objectifs de réduction et d’élimination des rejets polluants. Un résumé des progrès accomplis dans l’atteinte des objectifs environnementaux est présenté lors de sa mise à jour ;

– les dispositions nécessaires pour atteindre les objectifs, prévenir la détérioration de l’état des eaux et décliner les orientations fondamentales ;

– une liste des valeurs seuils retenues pour l’évaluation de l’état chimique des eaux souterraines, ainsi que les listes des substances dangereuses et des polluants non dangereux pour lesquels des mesures de prévention ou de limitation des introductions dans les eaux sont définies ;

– un résumé présentant la démarche d’adaptation aux changements climatiques pour le bassin.

À titre informatif, il est accompagné des documents suivants :

– une présentation synthétique relative à la gestion de l’eau à l’échelle du bassin hydrographique ;

– une présentation des dispositions prises en matière de tarification de l’eau et de récupération des coûts afin de contribuer à la réalisation des objectifs du SDAGE ;

– le résumé du programme pluriannuel de mesures ;

– le résumé du programme de surveillance de l’état des eaux ;

– le dispositif de suivi destiné à évaluer la mise en œuvre du SDAGE ;

– un résumé des dispositions prises pour l’information et la consultation du public ;

– la synthèse des méthodes et critères servant à l’élaboration du SDAGE ;

– une stratégie d’organisation des compétences locales de l’eau.

iii.   Sa mise en œuvre

Le SAGE décline les orientations et dispositions du SDAGE par sous-bassins. Mais même en l’absence de SAGE, pour chaque bassin ou sous-bassin, un programme pluriannuel de mesures (PDM) contribuant à la réalisation des objectifs et des dispositions des SDAGE ainsi qu’un programme de surveillance de l’état des eaux sont établis par le préfet coordonnateur de bassin.

Ce programme pluriannuel de mesures peut prendre la forme de dispositions réglementaires (telles des mesures particulières propres à prévenir les pollutions), d’incitations financières ou d’accords négociés, etc.

De manière ambitieuse, le SDAGE du bassin Rhône-Méditerranée a bien anticipé la question de la gestion quantitative de l’eau en demandant une élaboration de plans de gestion de la ressource en eau ([129]) (PGRE) sur la totalité de ses bassins, avec une enveloppe globale des efforts à fournir et une priorité donnée aux économies d’eau pour tous les usages.

Les agences de l’eau observent également qu’un SDAGE pourrait aussi organiser la solidarité territoriale au sein du bassin, par exemple en valorisant les efforts de sobriété que l’on demanderait à une partie du territoire moins développée pour soutenir les besoins et par là le dynamisme d’une partie plus riche mais connaissant des problèmes d’approvisionnement en eau.

Le SDAGE identifie les limites à respecter et les horizons à atteindre que les acteurs d’un bassin versant se donnent pour mener leur gestion de l’eau. Mais, d’une part, il ne propose pas en lui-même de planification opérationnelle. D’autre part, il existe de grandes disparités au sein d’un même bassin ; il convient de décliner sa stratégie en fonction de la réalité des terrains. C’est l’objet des SAGE aux périmètres plus circonscrits.

b.   Le SAGE pour une programmation opérationnelle

Un SAGE est le niveau local de la planification française de l’eau. Il a pour objet de définir ce que doit être la gestion équilibrée de la ressource en eau dans le sous-bassin. Il constitue un instrument essentiel de la mise en œuvre d’un SDAGE en déclinant concrètement ses orientations et ses dispositions et en les adaptant aux contextes locaux.

Son périmètre est fixé par le SDAGE. Il doit être compatible avec ce dernier.

Son élaboration et sa mise en œuvre sont pilotées par une commission locale de l’eau (CLE) qui réunit les différents acteurs concernés par le sous-bassin.

i.   Le contenu du SAGE

Il dresse un constat de l’état de l’eau et du milieu aquatique ; recense les différents usages qui sont faits des ressources en eau existantes.

Il comporte un plan daménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques (PAGD) définissant les conditions de réalisation des objectifs mentionnés à l’article L. 212-3 du code de l’environnement, notamment en évaluant les moyens financiers nécessaires à la mise en œuvre du schéma. Le président du comité de bassin Rhône-Méditerranée, M. Martial Saddier, également membre de la mission d’information, conseille de conclure ensuite des conventions ou des contrats avec les opérateurs, la région ou le département compétents ainsi qu’éventuellement les acteurs privés locaux pour clarifier larticulation des compétences et responsabilités de chacun et rendre visibles les priorités d’actions et d’investissements à prévoir par chacun.

Le SAGE comporte aussi un règlement opposable à toute personne publique ou privée pour l’exécution d’activités soumises à procédure de déclaration ou d’autorisation (IOTA et ICPE). Ce règlement peut :

– définir des priorités dusage de la ressource en eau ainsi que la répartition, à partir du volume disponible des masses d’eau superficielle ou souterraine situées dans une unité hydrographique ou hydrogéologique cohérente, de volumes globaux de prélèvement par usage ;

– définir les mesures nécessaires à la restauration et à la préservation de la qualité de l’eau et des milieux aquatiques, notamment des règles particulières d’utilisation de la ressource (s’agissant par exemple d’opérations entraînant des impacts cumulés significatifs en termes de prélèvements et de rejets dans le sous-bassin ou le groupement de sous-bassins concerné) ;

– indiquer, parmi les ouvrages hydrauliques inventoriés, ceux qui sont soumis, sauf raisons d’intérêt général, à une obligation d’ouverture régulière de leurs vannages pour améliorer le transport naturel des sédiments et assurer la continuité écologique.

Avec ce même objectif, les PGRE donnent des résultats significatifs, comme l’observe l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, selon laquelle les projets en cours devraient permettre l’économie de 200 millions de mètres cubes d’eau par an ; ils sont toutefois dépourvus de la portée réglementaire des SAGE.

Le SDAGE Loire-Bretagne prévoit par ailleurs la possibilité de réaliser des analyses « hydrologie, milieux, usages, climat » (HMUC ([130])) dans le cadre d’un SAGE. Ces études sont rendues obligatoires lorsque le SAGE définit, sur tout ou partie de son territoire, un cadre moins restrictif que celui adopté par le SDAGE.La mission d’information considère que le développement de ces analyses peut être utile, dans le cadre des SAGE mais aussi de PTGE, car elles impliquent une remise à plat des besoins des milieux et des usages, tout en intégrant dans lanalyse limpact des changements climatiques sur la ressource en eau.

ii.   La mise en œuvre du SAGE

Elle peut donner lieu à :

– des contrats de rivières,

– des contrats territoriaux,

– des contrats régionaux de bassin, les contrats de milieux.

Tous les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l’eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des SDAGE et SAGE. Les IOTA mais aussi les ICPE sont soumis à leurs dispositions. Enfin, les documents d’urbanisme (SCOT, PLU et cartes communales) doivent également être compatibles avec les orientations des deux schémas. Toutefois, l’association FNE constate que malgré la supériorité juridique du SAGE sur les PTGE, il ne s’impose pas toujours aux règles définies localement, qui sont par ailleurs inégalement fournies et exigeantes.

Aujourdhui, le territoire national est encore loin dêtre couvert par des SAGE : 191 SAGE ont aujourd’hui été adoptés, ce qui couvre la moitié du territoire. La procédure d’élaboration est en effet très formaliste et longue (en moyenne six ans selon les expériences passées) ; les diagnostics balbutiants ; et les collectivités territoriales paraissent frileuses à s’engager dans une stratégie préventive ambitieuse, ou encore peu conscientes de sa nécessité. Un SDAGE peut toutefois prescrire l’élaboration d’un SAGE qui serait nécessaire ; c’est le cas de 67 SAGE identifiés dans les SDAGE couvrant la période 2016-2021.

Recommandation : Bien que la nécessité d’établir des SAGE ne se fasse pas encore sentir sur l’ensemble du territoire, les changements climatiques vont impacter des territoires jusqu’alors peu habitués aux pénuries d’eau. C’est pourquoi la mission recommande de rendre obligatoire la déclinaison en SAGE des SDAGE 2027-2032. Cette généralisation devra faire l’objet d’une attention particulière afin d’identifier les structures qui pourraient piloter la démarche, tout en laissant aux parties prenantes leur autonomie pour définir les objectifs et les actions localement nécessaires.

3.   Des stratégies et plans de territoire pour agir sans tarder

a.   L’approche contractuelle des PGRE sur les territoires en déficit structurel

Sans attendre les SAGE, sur les territoires reconnus comme vitaux en termes d’eau mais structurellement déséquilibrés, l’obligation européenne d’atteinte du bon état quantitatif de l’eau imposait déjà de mettre en place une gestion quantitative de leau. Elle a inspiré la création des zones de répartition de l’eau (ZRE) en 1994, qui visait à sortir d’une gestion « de crise permanente », accordant puis corrigeant chaque année les autorisations de prélever, pour aller vers une gestion durable de la ressource ([131]).

Les zones de répartition des eaux (ZRE)

Une ZRE ([132]) est une zone comprenant des bassins, sous-bassins, systèmes aquifères ou fractions de ceux-ci caractérisés par une insuffisance, autre qu’exceptionnelle, des ressources par rapport aux besoins.

C’est un arrêté du préfet coordonnateur de bassin qui classe un territoire en ZRE et fixe son périmètre. Un arrêté des préfets de département concernés la traduit ensuite en une liste de communes.

Dans une ZRE, les seuils d’autorisation et de déclarations des prélèvements dans les eaux superficielles comme dans les eaux souterraines sont abaissés. Ces dispositions sont destinées à permettre une meilleure maîtrise de la demande en eau, afin d’assurer au mieux la préservation des écosystèmes aquatiques et la conciliation des usages économiques de l’eau. Dans une ZRE, les prélèvements d’eau supérieurs à 8 mètres cubes par heure sont soumis à autorisation et tous les autres à déclaration.

La loi LEMA de 2006 a ultérieurement demandé que soient définies les « ressources prélevables ([133]) » dans les territoires en tension et que le retour à l’équilibre dans ces bassins soit traité en priorité.

Pour les bassins où le déficit est particulièrement lié à l’agriculture, elle a prévu un dispositif de gestion collective de l’irrigation sous l’égide d’un organisme unique, l’OUGC, qui permet une meilleure répartition entre irrigants d’une ressource limitée ([134]) – mais ne suffit plus désormais face à la montée des tensions sur l’utilisation de l’eau.

La gestion collective de l’irrigation :
une approche performante mais pas toujours suffisante

Une gestion collective de l’irrigation permet en particulier de planifier les usages de l’eau en anticipant les pénuries.

Avant la mise en place d’un organisme unique de gestion collective, l’OUGC Thélis, sur une partie de son territoire, le département de l’Indre, où s’est rendue la mission d’information, avait déjà une longue expérience de la gestion collective à travers plusieurs syndicats d’irrigants.

C’est ainsi que depuis vingt-sept ans le syndicat de gestion collective de la Trégonce veille à la répartition, mois par mois, des captations en eau superficielle (rivière et nappe) autorisées par son autorisation unique de prélèvement (AUP), adaptant le partage en fonction des besoins identifiés chaque mois et des variations du débit. Grâce à ses stations de jaugeage, ses responsables savent identifier le seuil où il convient d’arrêter toute irrigation. Le syndicat dispose des données de la rivière depuis 1992.

Chaque exploitant sous gestion collective reçoit un quota d’eau adapté – mais n’en reçoit plus s’il ne respecte pas les volumes qui lui ont été accordés. Enfin, en cas de pénurie, les exploitants ne sont soumis à des restrictions que lorsque le débit de la rivière atteint 40 litres par seconde, alors que le seuil pour les irrigants hors gestion collective est fixé à 100 litres par seconde. Les irrigants du bassin de la Trégonce trouvent ainsi un intérêt concret à adhérer au dispositif puisqu’ils gagnent en moyenne 1,5 mois d’irrigation supplémentaire par an, principalement en juin‑juillet. En contrepartie, les bonnes pratiques de gestion progressent, comme le souligne l’agence de l’eau, et les volumes utilisés diminuent.

Les services de l’État et la plupart des acteurs considèrent que le système est plutôt vertueux – même si d’autres ont un avis plus mitigé, considérant qu’il repousse seulement les problèmes d’eau en ne traitant que les besoins agricoles.

Quoi qu’il en soit, OUGC comme syndicats d’irrigants ont reconnu avoir atteint leurs limites dadaptation face à la pénurie exceptionnelle de 2019. Il a tout d’abord été difficile de prioriser leurs besoins pour instaurer un partage hiérarchisé.

En situation de crise, le préfet peut toujours restreindre temporairement les volumes autorisés et décider lui-même de leur répartition si l’organisation de gestion ne propose pas de partage adapté. En l’espèce, cela ne fut pas nécessaire, mais il est arrivé un stade où la plupart des irrigations furent directement interdites par arrêté.

Au final, cette crise a interpellé les organisations sur l’urgence de réfléchir à de nouveaux efforts (travaux de canalisation, évolution des cultures, etc.) pour préserver l’avenir.

En 2010, la chronicité des déficits en eau, malgré les efforts déjà réalisés dans ces territoires, a conduit l’État à proposer une nouvelle étape dans la structuration d’une gestion collective : l’existence d’une ZRE impose désormais l’élaboration d’un plan de gestion quantitative de la ressource en eau ([135]) (PGRE) visant à répartir les volumes prélevables entre toutes les grandes catégories d’usagers par entité hydrologique ou géologique qui connaît une forte tension.

Outil stratégique piloté par l’État, le PGRE est défini de manière collective avec les différents usagers de l’eau, réunis par exemple au sein d’un comité de rivières ou d’une commission locale de l’eau préfiguratrice d’un SAGE. Il permet d’intervenir de manière globale et concertée en identifiant les projets déconomie deau à mettre en œuvre. Son objectif est d’optimiser les consommations de chacun sans pénaliser le développement du territoire.

Le PGRE est également un document contractuel qui établit des règles de répartition de l’eau en fonction des ressources connues et des priorités d’usage, définit les volumes de prélèvement par usage et les volumes d’eau maximaux pouvant être prélevés pendant les périodes d’étiage et précise enfin les actions en cas de crise. Il préfigure souvent le volet quantitatif du plan d’aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques (PAGD) que doit comporter un SAGE.

Cet outil contractuel nest toutefois pas réglementaire. Défini en concertation avec les usagers, pour un territoire dont le déficit structurel en eau est reconnu, ses contraintes sont mieux acceptées.

Il reste limité territorialement, au risque de ne pas tenir compte de toutes les continuités géologiques et solidarités territoriales.

Enfin, il s’avère insuffisamment déployé : un certain nombre de bassins nont toujours pas été classés en ZRE malgré un déficit en eau avéré. Il est vrai que, dans les dispositifs de ZRE et PGRE, le déficit en eau est une notion relative qui se définit en fonction des besoins projetés et non du manque caractérisé de la ressource. La mission déplore néanmoins que le constat d’une insuffisance chronique de cette ressource ne suffise pas toujours à convaincre les acteurs du territoire de la nécessité d’agir.

b.   Des stratégies territoriales permettant de répondre à des difficultés locales

Sur des territoires aux difficultés plus intermittentes ou ponctuelles, des initiatives locales de régulation de l’eau peuvent se développer hors cadres législatifs et réglementaires prédéfinis.

Certains territoires commencent à s’emparer de la problématique de l’adaptation aux bouleversements climatiques.

Les services de l’État dans l’Indre ont ainsi engagé une Stratégie Climat 36, lançant plusieurs études afin de renforcer leurs connaissances sur l’état et le fonctionnement de leurs nappes et cours d’eau, puis de fiabiliser leurs indicateurs. Avant de faire le tour de table des financements possibles, la troisième étape sera d’associer leurs partenaires externes à ces travaux prospectifs afin d’accélérer leur prise de conscience et tenter d’identifier ensemble les mesures locales nécessaires à la mise en œuvre des politiques publiques de l’eau et de la transition climatique. Leur Observatoire de la ressource en eau, mis en place pour accompagner la gestion des crises, servira de cadre à cette concertation.

c.   Des projets de territoire permettant de préfigurer l’établissement de SAGE

Pour remédier aux reproches de lourdeur et de lenteur adressés au dispositif des SAGE, et engager plus vite des actions de terrain, le Gouvernement a relancé les projets de territoire pour la gestion de leau (PTGE).

Avec un régime moins formalisé et pouvant cibler des territoires aux problèmes communs, ces plans de territoire sont en effet plus rapides à élaborer. Ils ont également le mérite de promouvoir des solutions concrètes à mettre immédiatement en œuvre.

La démarche des PTGE

Le concept des PTGE a été initialement défini dans l’instruction du Gouvernement du 4 juin 2015 relative aux financements par les agences de l’eau des retenues de substitution dans l’objectif de mieux gérer la ressource avant que ne survienne une sécheresse. Les premières expériences ont fait l’objet d’une évaluation conduite par M. le préfet Pierre-Étienne Bisch ([136]), dont les constats et les recommandations ont inspiré une nouvelle instruction du Gouvernement du 7 mai 2019 relative au projet de territoire pour la gestion de l’eau.

Un PTGE est une démarche reposant :

– sur une approche globale de la ressource en eau ;

– sur un périmètre plus étroit quun SAGE mais cohérent d’un point de vue hydrologique ou hydrogéologique ;

– sur la co-construction dun engagement de lensemble des usagers du territoire pour atteindre, dans la durée, un équilibre entre besoins et ressources disponibles.

Depuis linstruction du 7 mai 2019, le comité de pilotage d’un PTGE doit réunir tous les acteurs concernés autour de la table, ce qui n’était pas toujours le cas avant. Le préfet coordonnateur de bassin est garant de la pluralité de sa composition. Dans les territoires où existe un SAGE, l’annexe 3 de l’instruction prévoit que ce pilotage est confié à la CLE du territoire, afin de permettre l’expression et la participation de tous sans pour autant alourdir la gouvernance de l’eau.

M. le préfet Pierre-Étienne Bisch, entendu par la mission d’information, conseille, très pragmatiquement, de ne pas faire trop traîner les négociations autour d’un PTGE, au risque d’user voire de décourager les parties, mais sans pour autant être expéditif, afin de se donner le temps du dialogue. Ce dernier point est essentiel, le ministère de la transition écologique et solidaire ayant confirmé à la mission d’information qu’à vouloir trop précipiter les choses, des SAGE ont pu aboutir à de mauvaises solutions.

L’intégration d’un PTGE (ou d’un PGRE) dans le SAGE présente l’avantage de lui accorder une portée réglementaire. Toutefois, le PTGE est, dans les territoires non couverts par un SAGE, un outil plus léger en permettant la préfiguration.

Le PTGE traite de gestion quantitative des eaux. S’il ne traite pas directement des autres problématiques de leau (telle la préservation des zones humides) comme un SAGE, il doit cependant veiller à ce que les solutions quil comporte respectent la bonne fonctionnalité des écosystèmes aquatiques et la qualité des eaux.

L’instruction de mai 2019 rappelle limportance dappréhender tout léventail des solutions possibles, sans s’arrêter, ni se focaliser sur l’option des retenues de substitution. Un accent particulier est mis sur la sobriété des usages et le partage des efforts.

Le ministère de la transition écologique et solidaire compte déjà sur le diagnostic et l’étude d’impact environnemental, préalables à l’adoption d’un PTGE, pour permettre aux services déconcentrés de l’État, à l’occasion de sa mise en œuvre, de réviser les autorisations de prélèvement en réinterrogeant la légitimité des besoins exprimés par chaque usager. L’objectif est d’amener les usagers à justifier l’ampleur de leurs demandes ainsi que les efforts qu’ils ont déjà réalisés ou s’engagent à faire.

Les deux exercices d’évaluation initiaux ne sont pas faciles, mais le ministère propose des guides, donne des « lignes directrices » et met en place un centre de ressources, en lien avec l’OFB et l’INRAE, pour aller le plus loin possible. Enfin, il convient de noter que ces études sont financées à 80 % par les agences de l’eau.

M. le préfet Pierre-Étienne Bisch souligne par ailleurs que pour une meilleure adaptation des usages et des ressources disponibles, il est nécessaire de structurer les projets de territoire en ne s’en tenant pas aux seules problématiques agricoles mais en intégrant les autres enjeux avec lobligation dy apporter une réponse. Le comité de pilotage doit en être comptable.

Pour atteindre ce but, il peut être besoin dune personnalité forte et légitime, comme un préfet référent qui rappelle les objectifs et les limites et joue le rôle de médiateur. L’instruction du 7 mai 2019 attribue cette fonction au préfet coordonnateur de bassin ou, le cas échéant, à un préfet désigné pour les PTGE interdépartementaux. Si le préfet doit garantir la coordination territoriale des services de l’État impliqués dans le processus, il peut aussi apparaître comme un interlocuteur central pour les autres parties. La mission d’information a constaté, à cet égard, que la personnalité et l’implication du préfet pouvaient jouer un rôle dans l’élaboration d’un PTGE. L’instruction permet en outre de faire appel aux services d’un garant indépendant pour assurer le processus de concertation.

À défaut d’un garant « professionnel », la mission souligne la nécessité de former les préfets à cette mission stratégique.

Sous l’autorité du préfet coordonnateur de bassin, les services de l’État doivent identifier les situations auxquelles un PTGE pourrait apporter une réponse partagée parce que le territoire est en déficit quantitatif, en tension, qu’un projet de stockage ou de transfert d’eau relevant d’une autorisation environnementale est envisagé ou qu’apparaît un besoin de dialogue entre acteurs du territoire. Car lun des premiers objectifs, assumé, des PTGE est de réduire les risques de conflits.

Il leur revient alors de « favoriser lémergence de PTGE » – ce qui signifie avant tout trouver une structure territoriale prête à conduire le projet.

À la suite des Assises de l’eau, le Gouvernement s’est fixé l’objectif de faire aboutir au moins cinquante PTGE dici 2022 et cent d’ici 2027. Selon les ministères, les cinquante premiers sont tous en cours d’élaboration ; quinze pourraient aboutir à court terme.

Recommandations : En dernière analyse, la mission recommande :

– que les PTGE ou les PGRE soient mis en place partout où des tensions sur la ressource en eau émergent, en les intégrant au SAGE quand il existe afin de leur donner une portée réglementaire ;

– que les PTGE et PGRE existants soient rendus parfaitement cohérents avec les SAGE déjà adoptés.


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   Recommandations de la mission d’information

La connaissance de la ressource en eau, de ses usages et de ses évolutions est un prérequis à une bonne gestion de leau au niveau local et à la régulation des conflits dusage : pour bien partager la ressource, il est nécessaire de bien la compter, ce qui passe tant par le renforcement des outils et indicateurs de mesure et de prospective publics que par un élargissement de laccès aux données détenues par les personnes privées. Cest pourquoi la mission dinformation recommande :

– d’étendre le réseau piézométrique national à 2 000 points à l’horizon 2024, contre 1 600 aujourd’hui, tout en renforçant le budget qui lui est octroyé ;

– d’abroger larrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants afin de revenir à la définition – et donc à l’identification – des points d’eau qui prévalait antérieurement ;

– de réactualiser en 2020-2021 le projet Explore 2070 qui étudie l’impact des changements climatiques sur la ressource et les réserves d’eau ;

– de faire évoluer lindicateur utilisé pour les seuils dalerte qui déclenchent les mesures de restriction des prélèvements d’eau, en faisant varier mensuellement lindicateur QMNA pour tenir compte des évolutions de la ressource selon les saisons, en systématisant le recours aux observations du réseau ONDE dans les départements où il est déployé et en prenant en compte les résultats de ces observations comme paramètres pour la définition des seuils d’alerte ;

– que les acteurs privés prélevant de l’eau fournissent des données mensuelles, et non plus annuelles, sur leurs prélèvements, afin de permettre un suivi saisonnier de la ressource en eau et qu’en période de pénurie, le suivi régulier de ces prélèvements soit renforcé, par exemple par des relevés hebdomadaires, afin d’anticiper l’évolution locale des ressources tout en consolidant le contrôle des mesures de restriction ;

– de rendre obligatoire la transmission à la commission locale de leau (CLE), à la demande de cette dernière, des données sur l’état de la ressource et des réserves d’eau détenues par des personnes privées prélevant sur le territoire d’un SAGE ;

– que les dispositifs de captation domestique, les futurs ouvrages comme les installations plus anciennes, fassent l’objet d’une déclaration obligatoire, et de sanctions si cette formalité n’est pas respectée.

Lorsque la ressource en eau, particulièrement en eau potable, devient localement insuffisante pour répondre à lensemble des besoins, se pose la question de son partage. Or la raréfaction de la ressource va sintensifier du fait des changements climatiques, ce qui exacerbera et augmentera le nombre de conflits dusage. Dores et déjà, lorsquune tension sur la ressource apparaît, il est nécessaire dorganiser, à temps, une nouvelle répartition de leau qui préserve la satisfaction des besoins absolument prioritaires (protection de la santé et de lalimentation humaines, survie des milieux naturels et sécurité incendie). La conciliation des autres usages passe alors par une répartition des indispensables restrictions qui garantisse légalité de tous devant leffort collectif, en veillant aux cohérences territoriales au sein dun même sous-bassin, et par la mise en œuvre des contrôles et sanctions nécessaires au respect de ce partage. Cest pourquoi la mission dinformation recommande :

– de systématiser le déclenchement des mesures de restriction au franchissement des seuils d’alerte et d’harmoniser les données prises pour référence au sein d’un même sous-bassin ;

– de traiter à égalité avec les autres besoins en eau l’intérêt des milieux aquatiques, tout en s’assurant de l’existence d’une solidarité entre tous les usagers du sous-bassin, même symbolique ;

– dobjectiver les dérogations aux restrictions dusage qui sont accordées, notamment par l’identification de situations types définies explicitement au niveau des arrêtés-cadres, et de les rendre publiques ;

– de renforcer la coordination entre départements d’un même sous‑bassin versant, s’agissant à la fois du déclenchement des mesures de restriction, de la définition des mesures adaptées au territoire, de l’harmonisation des dérogations et des contrôles réalisés ;

– de poursuivre la consultation régulière des comités sécheresse créés dans les départements qui ont été touchés par la sécheresse de 2019 afin de réfléchir à l’accompagnement des prochaines crises et de généraliser leur instauration dans les autres départements afin d’améliorer la concertation dans la gestion des épisodes de crise ;

– de délictualiser la récidive en cas non-respect des mesures de restriction d’eau en période de sécheresse, qui serait alors sanctionnée d’une amende dun montant de 15 000 euros ;

– de renforcer les moyens humains affectés aux services en charge de la police de l’eau et de mieux associer les magistrats du parquet aux mesures liées à la sécheresse et aux usages de l’eau.

Toutefois, pour faire face à lurgence climatique, il nest plus possible de se contenter de mesures durgence, prises quand la situation est déjà dégradée. Il faut que tous les acteurs aient pris la mesure de limpact des changements climatiques sur la ressource en eau et des changements de pratiques nécessaires dans les usages de leau Cest pourquoi, la mission dinformation recommande :

– de suivre avec attention les résultats du groupe de travail visant à identifier les freins au développement des différentes pratiques de réutilisation des eaux non conventionnelles, tout en rappelant que les outils techniques visant à développer l’offre d’eau ne peuvent venir quen complément de solutions fondées sur la nature et dune démarche consistant à faire évoluer les usages pour les adapter à la disponibilité de la ressource ;

– de renforcer, notamment dans le cadre de paiements pour services environnementaux, le recours aux solutions fondées sur la nature et d’inciter les communes et intercommunalités à désimperméabiliser leurs territoires, afin de se rapprocher du cycle naturel de l’eau et ainsi favoriser la recharge des nappes souterraines et l’alimentation des cours d’eau ;

– de rendre obligatoire une tarification incitative à la réduction de la consommation deau, s’agissant tant des redevances sur les prélèvements sur la ressource en eau collectées les agences de l’eau que de la facturation de la consommation d’eau potable des usagers. Pour cette dernière, la mission recommande de mettre en place un barème progressif en fonction du nombre de litres deau consommés, rendant ainsi obligatoire la fixation d’une part du prix calculée sur la consommation réelle d’eau et supprimant la possibilité d’instaurer des tarifs dégressifs en dehors des ZRE ;

– d’abandonner le système de mise en concurrence des barrages hydroélectriques, qui pourrait être remplacé par un système proche de la régie, permettant doctroyer sans mise en concurrence des concessions à une structure publique dédiée. Une telle mesure serait justifiée par le caractère de bien commun de ces réserves stratégiques et par la nécessité de leur bonne gestion, sans discontinuité sur le territoire ;

– de déployer une information du grand public plus explicative et responsabilisante sur les enjeux de l’eau et les mesures de restriction prises en période de pénurie afin d’encourager la sobriété des usages.

Au regard des coûts quentraine la remise en cause des pratiques professionnelles les plus consommatrices deau en période détiage, la mission dinformation recommande également un renforcement de laccompagnement financier des acteurs, notamment par :

– la création dun fonds de paiement pour services environnementaux (FPSE), doté dun budget total dun milliard deuros sur la période 2021/2025, dont la gestion serait assurée par bassin par les agences de l’eau. Ce fonds, qui pourrait notamment contribuer au financement de plans d’alimentation territoriaux, serait financé par laffectation de lintégralité du surplus des taxes affectées aux agences de leau, aujourd’hui reversé au budget général de l’État (mécanisme dit du « plafond mordant ») et qui s’élevait, en 2019, à 45 millions d’euros, par une augmentation des redevances des agences de l’eau à hauteur de 200 millions d’euros par an, ainsi que par d’autres financements, provenant d’entreprises ou de collectivités.

Lurgence de faire face aux problèmes deau que posent et aggraveront les changements climatiques nécessite une mobilisation de tous les acteurs du territoire dans une démarche ambitieuse par sa portée, ses objectifs et ses actions. Cette démarche volontaire doit aboutir à la construction dun compromis global autour de solutions collectivement partagées, adaptées à chaque territoire et associant citoyens et acteurs de leau. Cest pourquoi, sagissant de la gouvernance de leau, la mission dinformation recommande :

– de faciliter lappropriation des documents techniques (qui fondent ou explicitent les diagnostics, plans et programmes d’action en discussion) dans les différentes instances locales de gouvernance (commissions locales de l’eau, comités sécheresse, instances de concertation des PTGE, comités de bassin) et d’instaurer un délai minimum de 15 jours de communication préalable de ces documents à l’ensemble des membres ;

– de s’assurer d’une composition et d’un fonctionnement des comités sécheresse ainsi que des instances locales de gouvernance qui garantissent l’expression équilibrée des différentes parties prenantes à l’usage des eaux ;

– de confier aux services de l’État, ou à défaut à la CNDP, un rôle actif de médiateur dans l’animation des instances locales de gouvernance de la régulation de l’eau et d’octroyer aux services déconcentrés du ministère chargé de l’environnement, dans les instances locales de concertation, un droit dopposition qui rendrait effective leur position de garant de lintérêt commun ;

– que les PTGE ou les PGRE soient mis en place partout où des tensions sur la ressource en eau émergent, en les intégrant au SAGE quand il existe, afin de leur donner une portée réglementaire et que ceux existants soient rendus parfaitement cohérents avec les SAGE déjà adoptés ;

– à plus long terme, de rendre obligatoire la déclinaison en SAGE des SDAGE 2027-2032 sur tout le territoire national, en prenant soin d’identifier les structures qui pourraient conduire la démarche, tout en laissant aux parties prenantes leur autonomie pour définir les objectifs et les actions localement nécessaires.

 


— 1 —

   EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du jeudi 4 juin 2020, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné le rapport de la mission d’information sur la gestion des conflits d’usage en situation de pénurie d’eau.

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/iOetPd

 

À l’issue de sa réunion, la commission a autorisé la publication du rapport.

 

 

 

 


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   Annexes


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Annexe I :
Glossaire

Aquifère : Formation géologique souterraine contenant, de façon temporaire ou permanente, de l’eau et constituée de roches perméables, capables de la restituer naturellement ou par exploitation. On distingue principalement les aquifères libres, non saturés et surmontés de terrains perméables, des aquifères captifs, entièrement saturés et intercalés entre deux formations quasiment imperméables.

Assec : Dans son sens commun, il s’agit de l’assèchement temporaire d’un cours d’eau ou plan d’eau. Dans le cadre du dispositif ONDE, un cours d’eau est en assec lorsque l’eau est évaporée ou infiltrée sur plus de la moitié de la station d’observation.

Bassin versant : Territoire, délimité par des lignes de crête et irrigué par un même réseau hydrographique, qui draine l’ensemble de ses eaux vers un exutoire commun (cours d’eau ou mer).

Crue : Augmentation importante du niveau d’eau d’un cours d’eau, liée à une augmentation de son débit.

Cyanobactérie : Bactérie photosynthétique, autrefois appelée « algue bleu-vert ».

Eaux de transition : Eaux de surface situées à proximité des embouchures de rivières et de fleuves, qui, en raison de leur proximité avec la côte, sont partiellement salines.

Étiage : Niveau minimal des eaux d’un cours d’eau.

Évapotranspiration : Eau transférée vers l’atmosphère par évaporation (au niveau du sol et de l’interception des précipitations) et par transpiration des plantes.

Eutrophisation : Surproduction de matières organiques dans un cours d’eau ou un plan d’eau induit par des apports en phosphore et en azote. Elle conduit à une prolifération excessive des végétaux réduisant notablement la teneur en oxygène de l’eau.

Gîte : Secteur d’une nappe d’eau.

Piézomètre : Dispositif permettant de mesurer le niveau d’eau en un point donné d’un aquifère.

Tirant deau : Hauteur de la partie immergée d’un bateau, qui varie notamment en fonction de sa cargaison.


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Annexe II :
Le cadre juridique complexe de la gestion de l’eau

La préservation et la gestion de la ressource en eau douce font l’objet d’une législation et de réglementations spécifiques, mais provenant de sources diverses.

1.   Un droit de l’Union européenne principalement concentré sur la qualité de la ressource en eau

Le droit de l’Union européenne met d’abord l’accent sur la qualité de la ressource en eau. De fait, cette qualité est déterminante autant pour les milieux naturels que pour l’alimentation et la santé humaines ; la pollution peut finir par réduire les volumes d’eau disponibles pour ses divers usages.

Plusieurs directives européennes ont été prises pour protéger l’eau à partir de 1975 ; mais le cœur du dispositif est constitué par la directive-cadre 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 (dite DCE) établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau ([137]). Ce cadre vise notamment à prévenir toute dégradation supplémentaire, préserver et améliorer l’état des écosystèmes aquatiques, promouvoir une utilisation durable de l’eau, renforcer la protection de l’environnement aquatique et l’améliorer, assurer la réduction progressive de la pollution des eaux souterraines et atténuer les effets des inondations et de la sécheresse.

Il revient aux États membres de parvenir à un bon état écologique des eaux, ce qui doit se traduire par l’engagement d’actions et la mise en place de dispositifs de surveillance. Mais ce cadre doit également inspirer les législations nationales et oblige les États à refuser des projets particuliers qui compromettraient sa réalisation ([138]).

Au demeurant, le droit européen reconnaît que le bon état de leau dépend non seulement de létat chimique des masses deau, mais aussi de leur état quantitatif ; comme expliqué dans la première partie du rapport, une variation trop rapide des volumes d’eau peut avoir un effet direct sur leur qualité en accentuant la concentration des éventuels polluants. Selon le droit communautaire, une masse d’eau souterraine est considérée en bon état quantitatif lorsque les volumes prélevés dans la nappe ne dépassent pas la capacité de renouvellement de la ressource et préservent l’alimentation en eau des écosystèmes de surface.

2.   Un droit français complexe qui a connu de nombreuses et récentes évolutions

Le droit français n’a longtemps traité que les questions domaniales de la propriété de l’eau. Le premier acte fondateur de l’actuel droit de l’eau est la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime de la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution. Elle définit le principe d’une gestion de leau par grands bassins versants – les bassins hydrographiques rattachés aux principaux fleuves français ([139]) – et crée les agences de leau, chargées de collecter les redevances sur les usages de leau et de financer des projets favorisant la préservation et la reconquête du bon état de la ressource.

Il faut cependant attendre la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau pour disposer d’une véritable protection qualitative et quantitative de la ressource en eau. Elle pose notamment le principe que les installations, ouvrages, travaux et activités sur l’eau (dits IOTA) sont soumis à autorisation ou déclaration administrative préalable suivant les dangers qu’ils présentent et le poids de leurs impacts pour la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques. Depuis 1992, sont ainsi encadrés les prélèvements en eau non « domestiques » issus de pompages, forages, puits et autres ouvrages qui relèvent d’un régime dautorisation ou de déclaration selon les volumes prélevés, dite « nomenclature sur l’eau ». La liste des ouvrages et les seuils sont précisés par les articles R. 214-1 à R. 214-5 du code de l’environnement.

La loi de 1992 impose par ailleurs la mise en place de périmètres de protection autour des points de captage destinés à la consommation humaine et crée deux nouveaux outils de planification : un schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), pour chacun des bassins, et un schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) au niveau des sous-bassins, qui fixent les objectifs de qualité et de quantité des eaux.

Les principes fondamentaux de ces deux lois ont été codifiés en 2000 ([140]) et complétés au fil des années, notamment par deux lois spécifiques : la loi n° 2004‑338 du 21 avril 2004 ([141]) et la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques (dite LEMA), ainsi que par trois lois plus globales : la loi dite « Grenelle 2 ([142]) », et les lois de décentralisation dites « MAPTAM ([143]) » et « NOTRe ([144]) ».

La loi de 2004 a, en particulier, imposé de délimiter les bassins – ainsi que les masses d’eau souterraines et les eaux maritimes qui leur sont rattachées – et de doter chaque bassin d’un ou de plusieurs SDAGE et SAGE qui doivent transposer la DCE à son échelle en fixant des objectifs ambitieux de préservation et de restauration de l’eau et des milieux aquatiques.

La loi de 2006 a refondu les principes de tarification de l’eau et renforcé les outils de la police de l’eau, en instituant notamment les zones soumises à contrainte environnementale (ZSCE) qui peuvent justifier des mesures de préservation spécifiques.

La loi de 2010 identifie les captages prioritaires (pour leur protection) et a instauré la notion de continuité écologique des territoires en créant la « trame verte » et la « trame bleue ». Cette dernière désigne le réseau écologique constitué par les cours d’eau. Elle permet de préserver et de remettre en bon état les continuités écologiques des milieux nécessaires à la réalisation de l’objectif d’atteinte, ou de conservation, du bon état écologique ou du bon potentiel pour les masses d’eau superficielles.

Les lois de 2014 et 2015, enfin, ont réorganisé la gouvernance de l’eau en concentrant à léchelle intercommunale certaines compétences précédemment morcelées. Si la première visée du nouveau dispositif de « Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » (GEMAPI) est la prévention des inondations, il promeut une approche globale par « cycle de l’eau ([145]) » et incite les blocs de communes à se regrouper et coopérer pour optimiser leurs actions.

L’essentiel des règles applicables aux usages et à la préservation de l’eau douce est aujourd’hui regroupé dans le titre Ier du livre II code de l’environnement. Mais d’autres textes fondamentaux s’appliquent : code rural et de la pêche maritime, code de la santé publique, code général des collectivités territoriales, code civil, etc.

Le tableau ci-après montre la diversité des textes codifiés applicables à l’eau douce.

THÈMES

CODE

ARTICLES

Principes généraux du droit de l’environnement

Code environnement, livre Ier

-

Régime général et gestion de la ressource :

Code environnement, livre II

L. 210-1, L. 211-1 et s.

dont objectifs de gestion et priorités d’usage

L. 211-1

dont prescriptions réglementaires particulières (restrictions en situations de pénurie, ouvrages hydrauliques concédés, organisme unique de gestion collective pour l’irrigation, périmètres de protection des aires d’alimentation des captages, etc.)

L. 211-3

R. 211-2 et s.

R. 211-66 et s.

Pouvoir du maire de prendre des mesures de restriction de l’usage de l’eau en cas d’urgence ou de péril imminent pour la salubrité ou la sécurité

Code gén. collectivités territoriales

L. 2212-2 et s.

dont compétences des collectivités territoriales : GEMAPI et autres

Code environnement, livre II

L. 211-7

dont servitudes d’utilité publique (ZSCE, zones stratégiques pour la gestion de l’eau…)

L. 211-12

Outils de planification : SDAGE et SAGE

L. 212-1 et s.

Structures administratives et financières :

L. 213-1 et s.

dont préfet coordonnateur de bassin

L. 213-7

dont comités de bassin

L. 213-8

dont agences de l’eau

L. 213-8-1 et s.

dont redevances (sur prélèvements et redevance pour pollution diffuse) des agences de l’eau

L. 213-10 et s.

dont établissements publics territoriaux de bassin (EPTB)

L. 213-12

Encadrement des activités et ouvrages sur ou connectés à leau douce :

Régime des IOTA et ouvrages hydrauliques

 

 

Code environnement, livre II

 

L. 214-1 et s.

R. 211-5 et s.

R. 214-1 et s.

Prévention des pollutions et des risques par les installations classées pour la protection de l’environnement (IPCE)

Code environnement, livre V

L. 511-1 et s.

Activités agricoles : encadrement de l’irrigation, des épandages, servitudes et protection des captages d’eau

Code environnement

Code rural

R. 211-48 et s.

L. 151-30 et s.

L. 255-2 et s.

Activités piscicoles

Code environnement, livre IV

L. 431-7 et s.

Encadrement des rejets

Code environnement

Codes minier, urbanisme…

R. 211-22 et s.

 

Surveillance des baignades et activités nautiques

Code santé publique

Code environnement

L. 1332-1 et s.

D. 211-118 et s.

Voies navigables de France : entretien et gestion des voies navigables

Code transports

L. 4311-1 et s.

Surveillance des navires de plaisance

Code du tourisme

L. 341-13-1

Domaines privés : propriété et usage de l’eau, servitudes d’écoulement des eaux pluviales

Code civil

641 et s. et 688

Urbanisme : zonage pluvial limitant l’imperméabilisation des sols, encadrement des constructions, économies d’eau…

Code gén. collectivités territoriales

Code construction et habitation

Code urbanisme

L. 2221-10

L. 135-1 L. 421-3 et s.

R. 123-9 et s.

Distribution deau et assainissement

Code environnement, livre II

L. 214-14

Contrôle et protection de l’eau potable et de l’eau minérale (normes, autorisation sanitaire des captages, création de périmètres de protection…)

Code santé publique

L. 1321-1 et s.

Services d’assainissement et de distribution d’eau, protection des captages d’eau

Code gén. collectivités territoriales

L. 2224-6 et s.,

L. 5711-4 et s.

Réseaux des eaux usées

Code santé publique

L. 1331-1 et s.

L. 3131-1

Service public de défense extérieure contre l’incendie

Code gén. collectivités territoriales

L. 2225-1 et s.

Obligation pour les exploitants d’un service public de production ou de distribution d’eau pour la consommation humaine de prévoir les mesures nécessaires pour satisfaire les besoins prioritaires de la population lors de crises

Code sécurité intérieure

L. 732-1 et s.

Entretien patrimonial :

Continuité écologique, protection du patrimoine piscicole

Code environnement, livres II et IV

L. 214-17, L. 432-1 et s.

Sagissant des cours deau non domaniaux : droits et servitudes des riverains, police et conservation des eaux, entretien et restauration des milieux aquatiques, plan pluriannuel de gestion des cours d’eau

Code environnement, livre II

L. 215-1 et s.

Utilisation et protection du domaine public fluvial

Code gén. propriété des personnes publiques

L. 2124-6 et s., L. 2125-2, L. 2131-2 et s., L. 3113-1,

L. 5121-1 et s.

La multiplicité des textes complique la compréhension par les usagers des enjeux de la gestion de leau dans toutes ses dimensions, de même que la connaissance de leurs droits et devoirs en ce domaine. Cette multiplicité complique aussi la maîtrise par les acteurs locaux des différents leviers et outils à leur disposition et ne favorise pas toujours la cohérence des décisions prises dans chacune des dimensions de la gestion de l’eau (organisation et encadrement des usages, régulation des rejets, protection ou restauration des milieux) alors qu’elles ont toutes un impact sur la disponibilité de l’eau douce.

La succession des textes a enfin entraîné une multiplicité de services de contrôle, d’acteurs et d’organismes intéressés (et ce, malgré la désignation d’une autorité unique pour les missions GEMAPI) qui brouille la lisibilité de la gouvernance locale de leau et des responsabilités de chaque échelon.


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Annexe III :
L’intervention d’organismes d’État spÉcialisÉs
dans le domaine de l’eau

La technicité des actions relatives à l’eau, le besoin de connaissances approfondies sur la géologie, les milieux et les écosystèmes de l’eau ainsi que la nécessité d’en suivre précisément les évolutions font par ailleurs intervenir plusieurs organismes d’État spécialisés, tels l’Office français de la biodiversité ou le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).

Le tableau figurant aux pages suivantes présente le rôle de ces différents organismes.

 


 

Statut

et périmètre de compétences

Définition de la politique et de la règlementation

Surveillance – suivi des milieux

Expertise – conseil ou accompagnement technique

Gestion de leau – exploitation et entretien des milieux et des ouvrages sur leau

Contrôle – police

Production de connaissances – information – éducation

Office français de la biodiversité

Établissement public de l’État, il contribue à la surveillance, à la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité dans tous les milieux naturels, ainsi qu’à la gestion équilibrée et durable de l’eau en coordination avec la politique nationale de lutte contre le réchauffement climatique.

Il apporte un appui à la conception des politiques de l’eau et de la biodiversité, notamment à l’échelon territorial.

Il assure le suivi des états de milieu, notamment par ses agents de terrain.

Il héberge l’Observatoire national des étiages.

Il met en œuvre, avec l’appui des services de l’État, l’Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement.

Il offre expertise et assistance en matière d’évaluation de l’état de la faune sauvage et de gestion adaptative des espèces.

 

Il apporte un appui à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques de l’eau et de la biodiversité, notamment à l’échelon territorial.

Il assure lui-même la gestion et la restauration d’espaces naturels et des écosystèmes associés ou apporte un appui à leur gestion.

Ses agents contribuent aux missions de polices administrative et judiciaire relatives à l’eau, aux espaces naturels, aux espèces, à la chasse et à la pêche, ainsi qu’aux missions de police sanitaire en lien avec la faune sauvage.

Il soutient et contribue au développement de la connaissance sur les espèces et les milieux, les services écosystémiques, etc.

Il pilote le système d’information sur l’eau (SIE) et l’application CartOgraph’.

Il mène des actions de sensibilisation du public, de mobilisation et de formation.

Voies navigables de France

Établissement public de l’État, il est chargé de gérer la majeure partie du réseau des voies navigables de France, avec trois grandes missions : promouvoir la logistique fluviale, concourir à l’aménagement du territoire et assurer la gestion globale de l’eau.

Il propose toute réglementation qu’il estime nécessaire concernant l’exploitation du domaine public fluvial et les activités qui s’y rattachent.

Il contribue à la sauvegarde des zones humides et aux aménagements pour la continuité écologique.

Il est chargé de l’étude de toute question relative à la navigation intérieure et à l’utilisation des cours et plans d’eau.

 

Il apporte un appui technique à l’État en matière de navigation intérieure.

 

Il peut également proposer des prestations aux collectivités territoriales et aux propriétaires de cours d’eau, canaux, lacs, plans d’eau et ports fluviaux.

Sa gestion hydraulique des voies et des ouvrages hydrauliques qui lui sont confiés participe à la lutte contre les inondations et le stress hydrique et garantit les différents usages de leau (régulation du débit, réserves deau et de biosphère).

Il gère la navigation fluviale (non sa police) et assure l’exploitation, l’entretien, l’amélioration et le développement économique des voies navigables (transport alternatif, tourisme).

 

 

Statut

et périmètre de compétences

Définition de la politique et de la règlementation

Surveillance – suivi des milieux

Expertise - conseil ou accompagnement technique

Gestion de leau – exploitation et entretien des milieux et des ouvrages sur leau

Contrôle - police

Production de connaissances – information - éducation

Agence régionale de santé (ARS)

L’agence de la région dans laquelle le comité de bassin a son siège assure la coordination et l’harmonisation, à l’échelle du bassin hydrographique, de la politique de santé publique dans le domaine de l’eau.

Elle porte au sein des différentes institutions de bassin les enjeux de santé publique. Elle participe à ce titre aux travaux des comités de bassin.

Elle assure le rapportage des zones protégées en application de la directive-cadre sur l’eau.

Son avis est nécessaire à l’élaboration des plans, programmes ou de toute décision impliquant une évaluation des effets sur la santé humaine à l’échelle du bassin.

 

 

Elle regroupe, exploite et diffuse les informations relatives à l’état des eaux du bassin.

Centre détudes et dexpertise sur les risques, lenvironnement, la mobilité et laménagement (CEREMA)

Établissement public de l’État, il apporte un appui scientifique et technique renforcé dans les domaines de l’aménagement et du développement durable : urbanisme, environnement, infrastructures de transport, gestion des risques, etc.

Il apporte un appui à l’élaboration des politiques concernées.

 

Il constitue un centre de ressources et d’expertise technique et scientifique au plan national et territorial.

 

Il apporte un appui aux collectivités territoriales et aux services déconcentrés de l’État pour la mise en œuvre et l’évaluation de ces politiques.

 

 

Il soutient des actions d’innovation et d’expérimentation.

Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Établissement public de l’État, il est l’organisme de référence dans le domaine des sciences de la Terre pour la gestion des ressources naturelles et des risques du sol et du sous-sol.

Il apporte un appui à l’élaboration des politiques concernées.

 

Il contribue à définir les critères de sécurité et de gestion des risques.

Il produit et diffuse des données géologiques sur le sous-sol et les formations de surface pour répondre aux besoins des administrations, aménageurs, industriels, etc.

 

Il apporte un appui aux politiques publiques par des actions d’expertise, de surveillance et d’études.

 

 

Service géologique national, il contribue à améliorer la connaissance géologique du sol et du sous-sol.


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Annexe IV :
Missions des acteurs impliquÉS dans la gouvernance de l’eau

Le tableau figurant aux pages suivantes détaille, pour chacun des acteurs impliqués dans la gouvernance de l’eau, sa composition et ses missions (avis, définition de la stratégie ou mise en œuvre de la politique de l’eau).

 


Statut et périmètre de compétences

Composition

Avis

Définition dune stratégie (objectifs et mesures)

Mise en œuvre de la politique ou de la gestion de leau

Conseil national de leau

Organisme consultatif placé auprès du ministre chargé de lenvironnement.

Il est composé :

– de représentants de l’État et de ses établissements publics ;

– de deux députés et deux sénateurs ;

– de deux membres du Conseil économique, social et environnemental ;

– des présidents des comités de bassin et des comités de l’eau et de la biodiversité ;

– de représentants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ;

– de deux présidents de commissions locales de l’eau ;

– de représentants des usagers ;

– de personnalités qualifiées ;

– du président du Conseil national de la protection de la nature.

Il est consulté sur :

– les circonscriptions géographiques des bassins et groupements de bassins ;

– tout problème commun à deux ou plusieurs bassins ou groupements de bassins ;

– tous les projets d’aménagement et de répartition des eaux ayant un caractère national ;

– les grands aménagements régionaux ;

– les projets de décret concernant la protection des peuplements piscicoles et conchylicoles ;

– le prix de l’eau facturé aux usagers et la qualité des services publics de distribution d’eau et d’assainissement ;

– les projets de décret pris pour l’application de la loi.

 

 

Comité de bassin

Organe consultatif chargé de définir la politique de l’eau au niveau de chaque grand bassin hydrographique (ou groupement de bassins).

Il est composé :

– pour 40 %, de représentants des collectivités territoriales ;

– pour 20 %, des représentants des usagers non économiques ;

– pour 20 %, des représentants des usagers économiques ;

– pour 20 %, des représentants de l’État et de ses établissements publics.

Il donne un avis sur le programme pluriannuel de mesures pour la réalisation du SDAGE ainsi que sur le programme de surveillance de l’état des eaux.

 

Il est consulté sur l’opportunité des actions significatives d’intérêt commun au bassin envisagées.

 

Le comité doit instituer une commission relative aux milieux naturels qui est consultée sur les orientations du SDAGE en matière de protection de ces milieux, ainsi que sur toute question concernant les milieux naturels du bassin.

Il élabore et met à jour le SDAGE.

 

Pour ce faire, il procède à un état des lieux du bassin : une analyse de ses caractéristiques et des incidences des activités sur l’état des eaux ainsi qu’une analyse économique des utilisations de l’eau.

 

Il élabore et met à jour le registre des zones protégées.

Il suit la mise en œuvre du SDAGE.

 

Il définit les orientations de l’action de l’agence de l’eau et participe à l’élaboration des décisions financières de cette agence en approuvant son programme pluriannuel d’intervention et les taux de ses redevances.

Préfet coordonnateur de bassin

Préfet de la région où le comité de bassin a son siège.

 

Son avis est requis lorsque les caractéristiques ou l’importance des effets prévisibles d’un projet rendent nécessaire une coordination et une planification de la ressource en eau au niveau interrégional.

Il approuve le SDAGE et son état des lieux. Il peut se substituer au comité de bassin si celui-ci n’a pas élaboré son SDAGE dans les délais.

 

Il établit et met à jour périodiquement un programme pluriannuel de mesures pour la réalisation des objectifs et des dispositions du SDAGE en organisant également la participation du public.

 

Il établit et met à jour le programme de surveillance de létat des eaux pour chaque bassin ou groupement de bassins (celui-ci définit l’objet et les types des contrôles, leur localisation et leur fréquence ainsi que les moyens à mettre en œuvre à cet effet).

 

 

Il anime et coordonne l’action des préfets des départements et des régions en matière de police et de gestion des ressources en eau afin de réaliser l’unité et la cohérence des actions déconcentrées de l’État en ce domaine dans les régions et départements concernés.

 

Il négocie et conclut les conventions avec les établissements publics de l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics.

Commission locale de leau (CLE)

Syndicat mixte ou établissement public.

 

Mise en place par le préfet, elle est l’organe décisionnel en matière de SAGE, qui décline le SDAGE sur une partie de son périmètre.

Elle comprend :

– des représentants des collectivités territoriales et de leurs EPIC et, s’il existe, de l’EPTB situés en tout ou partie dans le périmètre du SAGE ;

– des représentants des usagers, des propriétaires fonciers, des organisations professionnelles et des associations concernées établis dans le périmètre du SAGE ;

– des représentants de l’État et de ses établissements publics intéressés.

 

Sa composition est arrêtée pour six ans.

 

 

 

Elle donne un avis sur les dossiers de demande d’autorisation IOTA si les opérations pour lesquelles l’autorisation est sollicitée sont situées dans le périmètre d’un SAGE approuvé ou a des effets dans un tel périmètre.

Elle définit, modifie et révise le SAGE.

 

Elle peut confier son secrétariat ainsi que des études et analyses nécessaires à l’élaboration du SAGE et au suivi de sa mise en œuvre à une collectivité territoriale, à un EPTB ou à un groupement de collectivités territoriales.

Elle suit et supervise la mise en œuvre du SAGE.

 

 

Établissement public territorial de bassin (EPTB)

Groupement de coopération de collectivités territoriales à l’échelle d’un bassin ou d’un groupe de sous-bassins hydrographiques.

 

Il a pour objet de faciliter l’action des collectivités dans son périmètre en matière :

– de gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ;

– de prévention des inondations et défense contre la mer ;

– d’aménagement des fleuves et grandes rivières et leurs bassins-versants ;

– de préservation, gestion et restauration de la biodiversité des écosystèmes aquatiques et des zones humides par transfert ou délégation des compétences en matière de GEMAPI correspondantes.

 

Il assure également la cohérence de la maîtrise d’ouvrage des établissements publics d’aménagement et de gestion de l’eau (EPAGE).

 

Son périmètre de compétences peut être différent des limites administratives des collectivités constituant l’établissement.

Syndicat mixte, il est composé :

– des membres de la CLE si elle existe ;

– des représentants des collectivités de tous les niveaux (régions, départements, communes) le constituant.

 

Il en existait 43 au 1er janvier 2019, couvrant les 3/4 du territoire.

 

 

 

Il donne un avis sur :

– la révision des SDAGE ;

– l’adoption du périmètre des SAGE, leur projet ou leur révision ;

– tout projet d’un EPAGE situé en tout ou partie sur le périmètre d’intervention de l’EPTB et soumis à autorisation en vertu de la nomenclature sur l’eau ;

– l’instruction de certains projets situés dans son périmètre d’intervention et dépassant un seuil financier fixé par décret, quel qu’en soit le maître d’ouvrage (projets d’aménagement d’un bassin ou d’une fraction de bassin hydrographique ; projets d’entretien et d’aménagement d’un cours d’eau, canal, lac ou plan d’eau ; projets de défense contre les inondations et contre la mer, etc.) ;

– l’établissement pour chaque bassin ou sous-bassin d’une liste de cours d’eau, parties de cours d’eau ou canaux parmi ceux qui sont en très bon état écologique ou identifiés par les SDAGE comme jouant le rôle de réservoir biologique.

 

Il contribue, s’il y a lieu, à l’élaboration du SAGE.

 

Il peut définir, après avis du comité de bassin et, lorsqu’elles existent, des CLE concernées, un projet daménagement dintérêt commun (PAIC) qu’il soumet aux communes, EPCI et EPAGE concernés, lesquels, s’ils l’approuvent, lui transfèrent ou délèguent les compétences nécessaires à sa réalisation.

 

Il offre une assistance technique, administrative et financière aux porteurs de projets.

 

Il a une fonction de coordination des grands travaux à l’intérieur de son périmètre, y compris si le maître d’ouvrage n’est pas adhérent à l’EPTB.

 

Les EPTB organisent sur les bassins versants la concertation et la sensibilisation des différents publics dans le domaine de la gestion et de la protection de la ressource en eau.

Il peut assurer la mise en œuvre du SAGE s’il existe.

 

En application du principe de subsidiarité, il est fondé à intervenir dès lors que ses collectivités membres ne peuvent le faire directement, ou lui demandent de le faire, notamment par transfert de compétence ou par délégation.

 

Il peut se porter maître douvrage d’études et de travaux, notamment lorsqu’il n’existe pas de structure de maîtrise d’ouvrage locale appropriée, dans les domaines suivants :

– aménagement d’un bassin ou d’une fraction de bassin hydrographique ;

– entretien et aménagement d’un cours d’eau, canal, etc.

– approvisionnement en eau ;

– protection et conservation des eaux superficielles et souterraines ;

– protection et restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ;

– exploitation, entretien et aménagement d’ouvrages hydrauliques existants, etc.

 

Il anime, élabore et met en œuvre les outils opérationnels dans les domaines de l’hydraulique (plans de gestion des étiages – PGE), des milieux aquatiques (contrats de rivières), des inondations (programmes dactions de prévention des inondations sur des bassins versants à forts enjeuxPAPI).

Organisation de la compétence en matière de GEMAPI (Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations)

La compétence en matière de GEMAPI regroupe quatre missions obligatoires et exclusives :

 

– l’aménagement d’un bassin ou d’une fraction de bassin hydrographique ;

– l’entretien et l’aménagement d’un cours d’eau, canal, lac ou plan d’eau, y compris les accès à ce cours d’eau, à ce canal, à ce lac ou à ce plan d’eau ;

– la défense contre les inondations et contre la mer ;

– la protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines.

 

L’attribution de ces missions vise à réunir les leviers de la prévention des inondations, mais elles sont potentiellement plus larges et peuvent concerner des actions sans lien avec la lutte contre les submersions.

Depuis 2018, la totalité de la compétence en matière de GEMAPI est transférée de plein droit à l’ensemble des EPCI à fiscalité propre.

 

Ces EPCI peuvent transférer à un syndicat mixte de droit commun, transférer (durablement) ou déléguer (pour une durée déterminée) à un établissement public d’aménagement et de gestion de l’eau (EPAGE) ou à un établissement public territorial de bassin (EPTB), soit l’ensemble des quatre missions en matière de GEMAPI, soit certaines d’entre elles, en totalité ou partiellement – en respectant le principe de spécialité fonctionnelle (pas de transfert implicite) et géographique et le principe d’exclusivité (la collectivité dessaisie ne peut plus exercer elle-même la compétence).

 

Enfin, certains départements et régions historiquement impliqués dans la GEMAPI peuvent poursuivre dans le cadre d’une convention.

 

 

Le bloc communal ou l’organisation à laquelle il a transféré tout ou partie de la GEMAPI définit les actions curatives ou préventives nécessaires.

L’organisation compétente assure toute étude, exécution et exploitation de tous travaux d’entretien, de restauration ou d’aménagement, actions, ouvrages ou installations présentant un caractère d’intérêt général et répondant aux quatre missions en matière de GEMAPI.


Établissement public daménagement et de gestion de leau (EPAGE)

 

Groupement de collectivités territoriales constitué à l’échelle d’un bassin versant d’un fleuve côtier sujet à des inondations récurrentes ou d’un sous-bassin hydrographique d’un grand fleuve, il a une mission plus réduite que l’EPTB : assurer dans son périmètre la prévention des inondations et des submersions ainsi que la gestion des cours d’eau non domaniaux.

 

Pour les actions relevant de la GEMAPI, l’EPAGE ne peut agir que s’il a bénéficié du transfert ou de la délégation des compétences correspondantes, mais sa mission peut être plus large que la GEMAPI.

 

Son périmètre de compétences peut être différent des limites administratives des collectivités constituant l’établissement.

 

 

Syndicat mixte, il comprend notamment les collectivités territoriales et les EPCI compétents en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations.

 

Il peut adhérer (et adhère généralement) à l’EPTB présent sur son territoire lorsqu’il existe.

 

 

 

Il assure l’étude, l’exécution et l’exploitation de travaux, actions et ouvrages présentant un caractère d’intérêt général ou d’urgence dans ses champs de compétence.

 

L’EPAGE assure plutôt la maîtrise d’ouvrage opérationnelle locale quand l’EPTB fait plutôt de l’assistance à maîtrise d’ouvrage. Mais ce dernier peut prendre la main sur des projets importants ou à la demande de l’EPAGE.

 

 

 


Statut et périmètre de compétences

Composition

Définition de la politique et de la règlementation

Surveillance – suivi – préservation des milieux

Expertise -

Conseil ou accompagnement technique

Mise en œuvre

Exploitation

Gestion

Entretien des ouvrages

Production de connaissances – information - éducation

Agences de leau

Établissements publics de l’État.

 

Il existe une agence par bassin ou groupe de bassins hydrographiques.

 

Agence financière au service de la politique de gestion de l’eau dans un bassin, elle accompagne et finance la mise en œuvre du SDAGE et des SAGE ou d’autres projets qui favorisent une gestion équilibrée, économe et durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques, l’alimentation en eau potable, la régulation des crues et le développement durable des activités économiques.

 

 

 

Son conseil d’administration est composé de quatre collèges :

– pour 40 %, de représentants désignés par et parmi les membres du collège du comité de bassin ;

– pour 20 %, de représentants désignés par et parmi les représentants des usagers non économiques de l’eau et de la biodiversité du comité de bassin ;

– pour 20 %, de représentants désignés par et parmi les représentants des usagers économiques de l’eau et de la biodiversité du comité de bassin ;

– pour 20 %, de représentants de l’État ou de ses établissements publics.

Le conseil d’administration prépare son programme pluriannuel dintervention, soumis pour avis conforme au comité de bassin.

Ce programme répartit les enveloppes financières entre :

– les mesures générales de gestion de l’eau, dont l’application est invariante sur le territoire ;

– et les mesures territoriales de gestion de l’eau qui viennent compléter les premières pour réaliser les objectifs de bon état de la DCE, soutenir la lutte contre les effets de la sécheresse et certaines mesures de protection contre les inondations.

 

L’agence dispose de réseaux de mesures et partage de données.

 

Elle apporte des compétences techniques pour aider les opérations de préservation et de restauration des milieux aquatiques.

Grâce aux redevances sur les prélèvements et les rejets polluants ([146]) quelle collecte, elle distribue des aides financières pour la réalisation dactions ou de travaux dintérêt commun au bassin ou au groupement de bassins qui contribuent à ses objectifs.

 

Elle a passé une convention avec l’OFB et des accords-cadres avec VNF ; elle peut contractualiser avec les acteurs locaux, mais n’est pas habilitée à réaliser elle-même des aménagements ou des travaux.

Elle contribue à la production et la diffusion de connaissances dans ses domaines de compétences (réseaux de mesures, études, expertises, prospective, recherche, etc.).

 

Elle organise des consultations et débats publics et mène des actions dans les domaines de l’éducation, la formation et la communication.

 

Dans les départements doutre-mer, ce sont quatre offices de leau, établissements publics rattachés aux départements, qui perçoivent les redevances et qui redistribuent les aides.

 


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Annexe V :
Contributions écrites des membres
de la mission d’information

 


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Annexe VI :
Liste des personnes auditionnÉes

(par ordre chronologique)

Ministère de la transition écologique et solidaire – Direction de leau et de la biodiversité (DEB)

Mme Amélie Coantic, sous-directrice de l’eau, des milieux aquatiques et des ressources minérales non énergétiques

Mme Laure Souliac, adjointe à la sous-directrice

Mme Claire Cécile Garnier, cheffe du bureau de la ressource en eau et des milieux aquatiques

Mme Alexandra Lequien, adjointe à la cheffe de bureau

Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Mme Nathalie Dörfliger, directrice du programme scientifique « Eaux souterraines et changement global »

M. Philippe Gombert, directeur de l’eau, de l’environnement, des procédés et analyses

Agence française pour la biodiversité (AFB)

M. Philippe Dupont, directeur de la recherche, de l’expertise et des données

Mme Céline Nowak, directrice de projet sur la caractérisation quantitative de la ressource en eau

M. Pascal Lagrabe, directeur adjoint de la police

M. François Landwerlin, adjoint au chef du département des contrôles

Comité national de leau

M. Jean Launay, président

Mme Nathalie Rousset, conseillère départementale de Haute-Loire, membre du comité

Groupe dexperts intergouvernemental sur lévolution du climat (GIEC)

Mme Valérie Masson-Delmotte, co-présidente du groupe I

Centre national de recherche météorologique (CNRM) – Météo-France

M. Jean-Michel Soubeyroux, directeur adjoint scientifique de la direction de la climatologie et des services climatiques

Office international de leau (OIE)

M. Pascal Berteaud, président

M. Éric Tardieu, directeur général

Centre détudes et dexpertise sur les risques, lenvironnement, la mobilité et laménagement (CEREMA)

M. Pascal Berteaud, directeur général

M. Jean Gaber, directeur adjoint de la direction territoriale d’Île-de-France

Mme Sylvie Guichoux-Clément, directrice déléguée « Partenariats et environnement »

Mme Catherine Néel, chargée de mission « Eau et sol » à la direction territoriale

M. Joris Biaunier, chargé d’étude « Milieux humides » à la direction territoriale centre‑est

France eau publique – Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR)

M. Régis Taisne, chef du département « Cycle de l’eau » de la FNCCR

M. Jacky Dallet, président de Vendée Eau

M. Jacques Sabourin, vice-président d’Eaux de Vienne

M. Nicolas Juillet, président du syndicat départemental des distributions d’eau de l’Aube (SDDEA)

M. Elmano Martins, président du syndicat des eaux du Vivier

M. Luc Bossuet, chercheur à AgroParisTech et Mme Ornella Boutry, maître de conférences à l’université de Lille

M. Pierre-Etienne Bisch, préfet de région chargé de la cellule d’expertise relative à la gestion quantitative de l’eau pour faire face aux épisodes de sécheresse

Association nationale des élus des bassins (ANEB)

M. Bernard Lenglet, président

M. Frédéric Molossi, co-président

Mme Catherine Gremillet, directrice

Voies navigables de France (VNF)

M. Thierry Guimbaud, directeur général

M. Guy Rouas, directeur de l’infrastructure, de l’eau et de l’environnement

Mme Muriel Mournetas, responsable des relations institutionnelles

Agence nationale de sécurité sanitaire de lalimentation, de lenvironnement et du travail (ANSES)

M. Matthieu Schuler, directeur de l’évaluation des risques

Mme Pascale Panetier, cheffe de l’unité des risques liés à l’eau

Mme Sarah Aubertie, chargée des relations institutionnelles

Table ronde des agences de leau et des comités de bassin

 M. Guy Dietrich, directeur général adjoint de l’agence de l’eau Rhin-Meuse

 M. Laurent Roy, directeur général de l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse

 M. Thierry Vatin, directeur général de l’agence de l’eau Artois-Picardie

 M. André Flajolet, président du comité de bassin Artois-Picardie

 M. Thierry Burlot, président du comité de bassin Loire-Bretagne

 M. Martin Gutton, directeur général de l’agence de l’eau Loire-Bretagne

 M. Martin Malvy, président du comité de bassin Adour-Garonne

 Mme Aline Comeau, directrice générale adjointe de l’agence de l’eau Adour-Garonne

Institut national de recherche pour lagriculture, lalimentation et lenvironnement (INRAE)

Mme Sara Fernandez, chercheuse

M. Sylvain Barone, chercheur en sciences politiques

Union nationale des industries et entreprises de leau (UIE)

M. Jean-Luc Ventura, président

Mme Anne-Laure Makinsky, déléguée générale

Fédération professionnelle des entreprises de leau (FP2E)

M. Tristan Mathieu, délégué général

M. Laurent Brunet, président de la commission scientifique et technique

Table ronde « agriculture »

 Irrigants de France – représentant également la Fédération nationale des syndicats dexploitants agricoles (FNSEA)

M. Éric Frétillère, président

Mme Sabine Battegay, responsable de l’animation

 Confédération paysanne

M. Jean-François Périgné, secrétaire national

 Coordination rurale

M. Philippe Ribault, représentant

MM. Jean-Claude Leclabart et Didier Quentin, députés, sur leur rapport d’information, au nom de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale, sur la politique européenne de l’eau

Société hydrotechnique de France

M. Thierry Pointet, antérieurement directeur adjoint du service eau du BRGM

M. Vazken Andreassian, ingénieur en chef des ponts, eaux et forêts, directeur de l’unité de recherche HYCAR (hydrosystèmes continentaux) de l’Institut national de la recherche agronomique et de l’environnement (INRAE)

France Nature Environnement (FNE)

Mme Florence Denier-Pasquier, vice-présidente

Table ronde de producteurs dhydroélectricité

 Syndicat des énergies renouvelables - branche hydroélectricité

M. Jean-Charles Galland, président de la commission hydroélectricité

M. Louis Lallemand, responsable de la filière hydroélectricité

M. Alexandre de Montesquiou, consultant, directeur associé d’Ai2P

 EDF

M. Yves Giraud, directeur d’EDF hydro

M. Gilles Crosnier, chargé de mission « Coordination de l’eau » à EDF hydro

Mme Véronique Loy, directrice adjointe des affaires publiques

 France hydro électricité

M. Jean-Marc Lévy, délégué général

 Compagnie Nationale du Rhône (CNR)

M. Michel Carret, représentant de la compagnie auprès des syndicats de profession

Table ronde dassociations de consommateurs

 Consommation logement cadre de vie (CLCV)

M. Bernard Michel, membre du bureau « Environnement »

 UFC – Que Choisir ?

M. Olivier Andrault, chargé de mission « Agriculture et alimentation »

M. Michel Debiais, administrateur

Fédération nationale des associations de riverains et utilisateurs industriels de leau (FENARIVE)

M. Christian Lecussan, président

Mme Sylvie Hammadi, déléguée générale

MM. Rémy Garçon et Philippe André, contributeurs au rapport « SUD énergie : paroles d’experts EDF hydraulique »

Cercle français de leau

M. Thierry Burlot, président

Mme Clotilde Terrible, déléguée générale

M. Gilles Crosnier, chargé de mission « Coordination de l’eau » à EDF Hydro

Mme Chiara de Leonardis, chargée des affaires publiques de la FP2E

Fédération nationale des eaux conditionnées et embouteillées (FNECE)

M. Denis Cans, président

Mme Béatrice Adam, déléguée générale de la Maison des eaux minérales naturelles

M. Samuel Vauthrin, responsable « Ressources eau » de la société Sources Alma

Ministère de lagriculture – Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises

M. Serge Lhermitte, chef de service de la compétitivité et de la performance environnementale

M. Jérôme Hors, chargé de mission « Gestion de l’eau » au service régional de l’économie agricole et du développement rural de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur

Assemblée permanente des chambres dagriculture (APCA)

M. Luc Servant, vice-président, président de la chambre départementale de Charente-Maritime

Mme Floriane Di Franco, chargée de mission « Eau »

M. Enzo Reulet, chargé de mission « Affaires publiques »

Mme Delphine Batho, députée

Ministère de la transition écologique et solidaire – Direction de leau et de la biodiversité (DEB) (seconde audition)

Mme Amélie Coantic, sous-directrice de l’eau, des milieux aquatiques et des ressources minérales non énergétiques

Mme Laure Souliac, adjointe à la sous-directrice

Mme Claire-Cécile Garnier, cheffe du bureau de la ressource en eau et des milieux aquatiques

Mme Alexandra Lequien, adjointe à la cheffe de bureau

Mme Florence Clermont-Brouillet sous-directrice de l’animation territoriale et de l’appui aux politiques de protection et de restauration des écosystèmes

M. Thierry Bonnier, préfet de l’Indre

Fédération nationale de la pêche en France

M. Claude Roustan, président

M. Hamid Oumoussa, directeur général

M. Gilles Brichet, président de la fédération de Charente Maritime

Mme Marie Rouet, directrice de la fédération de Charente Maritime

M. Jean-Michel Grignon, président de la fédération des Deux-Sèvres

M. Christophe Bordes, responsable technique de la fédération des Deux-Sèvres


Annexe VII :
Liste des déplacements

Déplacement à Niort (Deux-Sèvres)
sur le thème des réserves de substitution

M. Olivier Raynard, directeur de la délégation Poitou-Limousin de l’agence de l’eau Loire-Bretagne

M. Thierry Boudaud, président de la société coopérative de l’eau des Deux-Sèvres

M. Jean-Claude Richard, président de la commission locale de l’eau du schéma d’aménagement et de gestion des eaux de Vendée et M. Fabrice Enon, directeur du syndicat mixte Vendée Sèvre Autizes

Collectif « Bassines non merci »

M. Julien Le Guet

M. Jean-Jacques Guillet

M. Christian Moreau

M. Patrick Picaud

M. Mathieu Durand

Mme Lise Jacquet

Institution interdépartementale du bassin de la Sèvre niortaise (IIBSN)

Mme Séverine Vachon, présidente, vice-présidente du conseil départemental des Deux-Sèvres

Mme Florence Gaboriau, directrice

M. François Josse, animateur du schéma d’aménagement et de gestion des eaux Sèvres niortaise Marais Poitevin

M. François-Marie Pellerin, administrateur de Deux-Sèvres nature environnement et vice-président de la Coordination pour la défense du Marais Poitevin

Table ronde du secteur agricole

 M. Jean-Marc Renaudeau, président de la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres

 M. Denis Mousseau, agriculteur

 M. Jean-Claude Boussiquault, représentant de la Coordination rurale des Deux-Sèvres

 Mme Amandine Pacault, représentante de la Confédération paysanne des Deux-Sèvres


Déplacement à Épinal (Vosges)
sur le thème des conflits dusage sur la ressource en eau à Vittel

M. Pierre Ory, préfet des Vosges

M. Yann Dacquay, directeur départemental des territoires (DDT) de Meurthe-et-Moselle, ancien DDT des Vosges

M. Claude Gaillard, président du comité de bassin Rhin-Meuse et M. Marc Hoeltzel, directeur de l’agence de l’eau Rhin-Meuse

Fromagerie lErmitage

M. Daniel Gremillet, président et sénateur

Mme Delphine Picard, directrice

Conseil départemental des Vosges

Mme Régine Begel, conseillère départementale, présidente de la commission locale de l’eau

Table ronde dassociations environnementales et de consommateurs

 M. Jean François Fleck, président de Vosges nature environnement

 M. Christian Villaume, président de l’association de sauvegarde des vallées et de prévention des pollutions

 M. Bernard Schmitt, administrateur d’Oiseaux nature

 Mme Christiane Lecoanet, membre de la délégation environnement de l’UFC Que choisir ? 88

Nestlé France

M. François Negro, directeur « Ressources en eau » de Nestlé Waters France, membre de la commission locale de l’eau

M. Fabio Bruza, directeur des affaires publiques


Déplacement à Châteauroux (Indre)
sur le thème des pénuries deau de 2019

Table ronde des services et opérateurs de lÉtat

 Mme Lucile Josse, secrétaire générale de la préfecture

 Mme Florence Cottin, directrice départementale des territoires

 M. Rémy Lauranson, directeur départemental des territoires adjoint

 M. Bernard Desserprix, responsable de l’unité interdépartementale, direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (UD DREAL), en charge de la police des installations classées pour la protection de l’environnement

 M. Philippe Vansyngel, responsable du pôle « Santé publique et environnementale » de l’agence régionale de santé (ARS)

 M. Bruno Housset, chargé de la coordination des contrôles au service police de l’Office français de la biodiversité (OFB), région Centre-Val-de-Loire

 M. Rémy Lionnais, chargé de mission à l’agence de l’eau Loire-Bretagne, délégation Centre Loire

 Mme Pascale Rudeaux, adjointe à l’unité territoriale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (UT DIRECCTE)

Table ronde des élus et représentants de collectivités territoriales

 M. Roland Caillaud, vice-président, maire de Pouligny-St Pierre, représentant des maires au conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST)

 M. Bruno Perrin, maire de Migny et membre de l’Observatoire des ressources en eau

 M. Nicolas Thomas, premier adjoint au maire de Buzançais

 M. Valéry Pénan, responsable de la régie des eaux de Buzançais

 M. Jérôme Prot, directeur général adjoint « Environnement et espaces publics » de la communauté d’agglomération Châteauroux métropole

Table ronde du secteur agricole

 M. Denis Riollet, deuxième vice-président de la chambre d’agriculture

 M. Philippe Demiot, membre de la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA)

 M. Mathieu Naudet, vice-président de Jeunes agriculteurs 36

 M. Nico Calame, exploitant, membre de la Confédération paysanne

 M. Bernard Perrot, exploitant, membre de la Coordination rurale

 M. Emmanuel Gerbier, président de Thélis

 M. Pierre Giard, président de l’association des producteurs irrigants (API)

 M. Jean-François Renaud, président du syndicat des irrigants de la Trégonce

 M. Antoine Fesneau, président du syndicat des irrigants de la Ringoire

Table ronde sur lenvironnement et la protection des milieux aquatiques

 M. Christophe Vandaele, président du syndicat d’aménagement du bassin de l’Indre (SABI) et maire de Vandoeuvres

 M. Alain Jacquet, vice-président du syndicat mixte d’aménagement de la Brenne, de la Creuse, de l’Anglin et de la Claise (SMABCAC)

 M. Romain Fiore, technicien de rivière, bassin de l’Anglin

 M. Jacques Lucbert, président d’Indre Nature

 M. Patrick Leger, président de la fédération de l’Indre pour la pêche et la protection du milieu aquatique (FDAAPPMA)

 M. Bruno Barbey, directeur de la FDAAPPMA

Table ronde sur léconomie et le patrimoine

 M. Joël Deloche, vice-président du syndicat des pisciculteurs de la Brenne (SEPB)

 M. Luc Tabary, directeur adjoint de la direction « Concessions, division production ingénierie hydraulique » du barrage EDF d’Éguzon

 M. Frédéric Matray, responsable du secteur « Eau potable, collecte et traitement des eaux usées et industrielles » de la société d’aménagement rural

 M. Yann Dubois de la Sablonière, président du syndicat départemental de la propriété privée rurale (SPPR)

 M. Éric Clément, responsable d’exploitation de la laverie industrielle Elis Berry

 

 


([1]) La composition de la mission d’information se trouve au verso.

([2]) Arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime.

([3]) Les termes techniques sont définis dans le glossaire en annexe. À leur première occurrence, ils sont suivis d’un astérisque dans le corps du rapport.

([4]) Ces seuils sont notamment repris par Diederich Hinrichsen, Bryant Robey et Ushma D. Upadhyay dans leur ouvrage, paru en 1998, Solutions for a water-short world.

([5]) À titre d’exemple, les précipitations moyennes des villes de Lyon et de Nîmes sont relativement similaires (respectivement 832 et 763 millimètres par an sur la période 1981/2010) mais elles sont concentrées sur 104 jours pour la première et 64 pour la seconde. De plus, en période estivale, les précipitations moyennes à Lyon s’élèvent à 60 millimètres par mois, alors qu’elles sont de 40 millimètres à Nîmes (et même de 30 millimètres au mois de juillet).

([6]) Le projet Explore 2070, conduit entre 2010 et 2012, a été mené par la direction de l’eau et de la biodiversité du ministère chargé de l’environnement, en partenariat avec différents opérateurs publics. Il a rassemblé une centaine d’experts issus d’établissements de recherche et de bureaux d’études spécialisés.

([7]) Projet soutenu par lOffice français de la biodiversité, qui rassemble des hydrogéologues du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), de MINES-Paris Tech et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), des météorologues du Centre national de recherches météorologiques (CNRM) de Météo-France ainsi que des spécialistes du couplage numérique du Centre de recherche fondamentale et appliquée spécialisé dans la modélisation et la simulation numériques (CERFACS).

([8]) Devenue Office français de la biodiversité au 1er janvier 2020.

([9]) C’est le cas notamment de la truite commune, du saumon atlantique ou de la lamproie de Planer.

([10]) Cette appropriation est toutefois subordonnée au fait que ces eaux ne forment pas, à la sortie du fonds, un cours d’eau « offrant le caractère deaux publiques et courantes » ainsi qu’au fait que le propriétaire ne peut en user que « dans les limites et pour le besoin » de sa propriété.

([11]) En outre, même si ces eaux n’appartiennent pas au domaine public fluvial, l’État a le droit d’organiser leur utilisation au profit d’autres personnes que les seuls riverains.

([12]) Article L. 210-1 du code de l’environnement.

([13]) II de l’article L. 211-1 du code de l’environnement.

([14]) Article L. 210-1 du code de l’environnement.

([15]) C’est ainsi que la qualité des eaux prélevées fait l’objet d’une surveillance étroite et de diverses règles de protection ; que le captage d’eau à destination de la consommation humaine est soumis à une double instruction par la police de l’eau et par les agences régionales de santé ; qu’une eau ne provenant pas d’un milieu naturel ne peut être utilisée comme eau potable ; que des contrôles peuvent être effectués sur des ouvrages privés de prélèvement domestique ou de captation des eaux de pluie ; que des périmètres de protection peuvent être créés pour limiter ou interdire certaines activités polluantes autour des points de prélèvement ; et que sont réglementés les épandages et les rejets domestiques, urbains, industriels et agricoles (en particulier ceux des installations classées pour la protection de l’environnement), etc.

([16]) Article L. 211-2 du code de l’environnement.

([17]) Comme les règles d’utilisation des eaux grises.

([18]) Comme les conchyliculteurs dont la production peut être menacée par des effluents mal maîtrisés en amont.

([19]) Voir le II.B de la seconde partie du rapport.

([20]) Articles L. 214-1 et suivants et R. 211-1 et suivants du code de l’environnement.

([21]) Article L. 2224-9 du code général des collectivités territoriales.

([22]) Article L. 1321‑7 du code de la santé publique.

([23]) III de l’article L. 1321-4 du code de la santé publique.

([24]) Article R. 211-66 du code de l’environnement.

([25]) Le principe de continuité écologique est issu de la directive cadre sur l’eau (DCE). Il fait référence à la libre circulation des organismes aquatiques le long des cours d’eau (accès aux lieux de reproduction, d’alimentation, d’abris, de croissance, etc.), au bon fonctionnement des réservoirs biologiques ainsi qu’au bon déroulement du transport sédimentaire.

([26]) Eaufrance, « Bulletin n° 5 : Prélèvements quantitatifs sur la ressource en eau », édition mars 2019, données 2016.

([27]) Pour rappel, la France reçoit en moyenne 400 milliards de mètres cubes d’eau de pluie, mais il n’en reste, les années « normales », que 175 milliards de mètres cubes après évapotranspiration, dont 100 milliards dans les aquifères et 75 milliards dans les eaux de surface.

([28]) Hors barrages hydroélectriques.

([29]) Fédération professionnelle des entreprises de l’eau, « Les services publics deau et dassainissement en France. Données économiques, sociales & environnementales », 2019.

([30]) Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, en charge des relations internationales sur le climat, DATALAB « Les prélèvements deau douce en France : les grands usages en 2013 et leur évolution depuis 20 ans », janvier 2017.

([31]) Voir le C du II de la seconde partie.

([32]) Forages, puits ou pompages en cours d’eau, plans d’eau, retenues collinaires, etc.

([33]) Loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques.

([34]) Ces informations sont recensées au sein de la banque nationale des données sur les prélèvements en eau.

([35]) Sénat, 11 décembre 2019.

([36]) Des arrêtés préfectoraux peuvent interdire temporairement la navigation sur les ouvrages gérés par VNF quand les prélèvements en rivière sont rationnés.

([37]) Voir le B du I de la présente partie.

([38]) Voir le A du II de la première partie du rapport.

([39]) Intégré le 1er janvier 2020 au sein de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE).

([40]) Arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime.

([41]) Voir le A du I de la première partie.

([42]) Voir le C du III de la présente partie.

([43]) Ce dispositif organisant une gestion quantitative de l’eau est analysé au B du II de la présente partie.

([44]) Circulaire du 18 juin 2011 relative aux mesures exceptionnelles de limitation ou de suspension des usages de l’eau en période de sécheresse.

([45]) CGEDD, Retour dexpérience sur la gestion de la sécheresse 2019 dans le domaine de leau, Rapport n° 012985-01, décembre 2019.

([46]) Selon le CGEDD, ses premières qualités sont sa stabilité et l’ancienneté de ses chroniques de mesures, versées dans la banque de données HYDRO qui fournit à tout moment les valeurs d’écoulement.

([47]) Voir l’encadré ci-après.

([48]) Rapport de l’inspection générale de l’environnement IGE/05/067, Mise en œuvre du décret sécheresse – audit des mesures prises, 13 avril 2006.

([49]) Généralement déclinés en seuils de vigilance, de vigilance renforcée, d’alerte, d’alerte renforcée et de crise.

([50]) Voir le 3 du A du présent I.

([51]) Torre André, Kirat Thierry, Melot Romain et al., « Les conflits d’usage et de voisinage de l’espace. Bilan d’un programme de recherche pluridisciplinaire », in Linformation géographique, 2014, n° 4, vol. 80, p. 8‑29.

([52]) CEREMA, Conflits dusage et milieux humides en zones urbanisées. État des lieux bibliographiques, août 2017.

([53]) Ainsi, un conflit d’usage peut par exemple opposer des riverains aux parties de chasse qui ont lieu en forêt, proches de leur lieu de promenade, ou encore les habitants d’une commune faisant barrage à la construction d’un parc éolien près de leur lieu d’habitation.

([54]) Barone Sylvain, « X. Les conflits d’usage de l’eau et leurs régulations. L’exemple du bassin de Thau et de la basse vallée de l’Ain », in Droit et gestion des collectivités territoriales, tome 30, 2010. Les enjeux de la gestion locale de l’eau, p. 177-188.

([55]) Bossuet Luc et Boutry Ornella, « Conflits d’usage et de voisinage autour de la ressource en eau. Illustration à partir du littoral charentais », in Économie rurale (en ligne), n° 332, novembre-décembre 2012, mis en ligne le 30 décembre 2014.

([56]) Bouba-Olga Olivier, Chauchefoin Pascal et Mathé Jacques, « Innovation et territoire : une analyse des conflits d’usage autour de la ressource en eau, le cas du bassin-versant de la Charente », in Flux, 2006, n° 63/64, p. 32-41.

([57]) Rivaud Audrey, « Conflits d’usage autour de la ressource en eau : quelles stratégies pour les ostréiculteurs du bassin de Marennes-Oléron », colloque international « Les 6es journées de la proximité : le temps des débats », octobre 2009, Poitiers, France.

([58]) Fernandez Sara et Debril Thomas, « Qualifier le manque d’eau et gouverner les conflits d’usage : le cas des débits d’objectif d’étiage (DOE) en Adour-Garonne », in Développement durable et territoires (en ligne), vol. 7, n° 3, décembre 2016, mis en ligne le 21 décembre 2016.

([59]) Bouba-Olga Olivier, Boutry Ornella, Rivaud Audrey, « Un approfondissement du modèle exit-voice par l’économie de la proximité », in Natures Sciences Sociétés, n° 17, 2009, p. 381-390.

([60]) Hirschman O. Albert, Exit, Voice and Loyalty. Responses to Decline in Firms, Organisations, and States, Cambridge, Harvard University Press Cambridge, 1970 ; traduction française : Défection et prise de parole, Paris : Fayard, 1995 ; voir aussi : Hirschman O. Albert, Vers une économie politique élargie, Paris, Éditions de Minuit, 1986.

([61]) Dans la lignée du sociologue Georg Simmel, auteur de l’ouvrage Le conflit, paru en 1995.

([62]) Torre André, « L’agriculture de proximité face aux enjeux fonciers. Quelques réflexions à partir du cas francilien », in Espaces et sociétés, vol. 158, n° 3, 2014, p. 31-48.

([63]) Les éléments figurant dans le rapport au sujet du conflit d’usage dans la vallée du Tescou proviennent de contributions écrites des personnes que la mission d’information avait prévu d’auditionner.

([64]) Cadoret Anne, « Analyse des processus conflictuels. Le cas du littoral du Languedoc-Roussillon », in LEspace géographique, tome 40, n° 3, 2011, p. 231-244.

([65]) CGEDD-CGAAER, Cellule dexpertise relative à la gestion quantitative de leau pour faire face aux épisodes de sécheresse, Rapport CGEDD n° 011865-01, mai 2018.

([66]) Instruction du Gouvernement du 7 mai 2019 relative au projet de territoire pour la gestion de l’eau.

([67]) La Convention relative aux zones humides d’importance internationale particulièrement comme habitats des oiseaux d’eau, aussi appelée convention sur les zones humides ou Ramsar, est un traité international adopté le 2 février 1971 pour la conservation et l’utilisation durable des zones humides, qui vise à enrayer leur dégradation ou disparition en reconnaissant leurs fonctions écologiques ainsi que leur valeur économique, culturelle, scientifique et récréative.

([68]) Bossuet Luc et Boutry Ornella, « Conflits d’usage et de voisinage autour de la ressource en eau. Illustration à partir du littoral charentais », in Économie rurale (en ligne), n° 332, novembre-décembre 2012, mis en ligne le 30 décembre 2014.

([69]) Torre André et Caron Armelle, « Vers une analyse des dimensions négatives de la proximité. Les conflits d’usage et de voisinage dans les espaces naturels et ruraux », in Développement durable et territoires (en ligne), dossier 7, 2006, mis en ligne le 10 mai 2006 ; Torre André et Caron Armelle, « Réflexion sur les dimensions négatives de la proximité : le cas des conflits dusage et de voisinage », in Économie et Institutions, n° 6 et 7, 2005, p. 183-220 ; Torre André et Caron Armelle, « Une approche des conflits dusage et de voisinage dans les campagnes françaises en termes de proximité », communication au colloque Faire campagne, Pratiques et projet des espaces ruraux aujourd’hui, Rennes, 17 au 18 mars 2005.

([70]) Torre André et Bertrand Zuindeau, « Les apports de l’économie de la proximité aux approches environnementales : inventaires et perspectives », in Natures Sciences Sociétés, vol. 17, n° 4, 2009, p. 349‑360.

([71]) Voir le C du III de la présente partie.

([72]) Voir le B du présent II.

([73]) Voir le D du présent II.

([74]) Voir le 5 du A du III de la présente partie.

([75]) Voir le 2 du C du III de la présente partie.

([76]) Voir le 2 du B du III de la présente partie.

([77]) Voir le A du II de la présente partie.

([78]) Voir le b du 1 du B du III de la présente partie.

([79]) Et ses décrets d’application, notamment le décret n° 92-1041 du 24 septembre 1992 relatif à la limitation ou à la suspension provisoire des usages de l’eau.

([80]) CGEDD, Retour dexpérience sur la gestion de la sécheresse 2019 dans le domaine de leau, Rapport n° 012985-01, décembre 2019.

([81]) Direction départementale des territoires de l’Indre, Gestion quantitative de leau. Retour sur la sécheresse 2018-2019 : réflexions en vue de la construction dun nouveau cadre réglementaire, 18 février 2020.

([82]) Article R. 211-66 du code de l’environnement.

([83]) Voir B du I de la présente partie du rapport.

([84]) Par exemple dans le cadre de conventions de déstockage.

([85]) Voir le B du II de la première partie.

([86]) Un accord cadre national « Golf et environnement » a toutefois été signé le 1er juillet 2019 prévoyant que, sauf en cas de pénurie d’eau potable, les greens peuvent être préservés par un arrosage le soir et la nuit, réduit au strict nécessaire et ne pouvant dépasser 30 % des volumes habituels.

([87]) En 2019, 80 demandes de dérogations ont été adressées aux services départementaux de l’Indre, soit quatre fois plus que les années précédentes ; 48 ont été accordées, dont 30 pour des agriculteurs, essentiellement des éleveurs et des irrigants en gestion collective, 15 pour des collectivités et 3 pour des industriels.

([88]) Le droit d’évocation permet au préfet de région (ainsi qu’au préfet coordonnateur de bassin s’il est lui-même le préfet de la région concernée) de mettre en œuvre les mesures prévues au code de l’environnement dans l’intégralité des zones touchées par la sécheresse.

([89]) Voir le C du III de la présente partie.

([90]) Citation d’une organisation professionnelle membre de l’Observatoire de la ressource en eau de l’Indre.

([91]) Dont la participation est désormais pérennisée.

([92]) CGEDD, Retour dexpérience sur la gestion de la sécheresse 2019 dans le domaine de leau, Rapport n° 012985-01, décembre 2019.

([93]) À titre d’exemple, la baisse des effectifs de l’OFB envisagée serait de l’ordre de 20 ETP en 2021 et de 40 ETP en 2022, auxquels s’ajoute le transfert, d’ici 2022, de 37 ETP vers les parcs naturels marins.

([94]) L’article R. 211-70 du code de l’environnement prévoit que les « arrêtés sécheresse » doivent être « adressés pour affichage en mairie au maire de chaque commune concernée et [que] mention en est insérée en caractères apparents dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département ».

([95]) Voir le 6 du A du II de la présente partie.

([96]) Note de politique d’ONU-Eau sur le changement climatique et l’eau, septembre 2019.

([97]) Marie Pettenati, Nathalie Dörfliger, « Des solutions d’infiltration et de recharge des aquifères fondées sur la nature pour adapter la gestion de la ressource en eau aux impacts du changement climatique » in Des solutions fondées sur la nature pour sadapter au changement climatique, rapport au Premier ministre et au Parlement de l’Observation national sur les effets du réchauffement climatique, décembre 2019.

([98]) Voir à ce sujet le B du III de la présente partie sur les leviers financiers pouvant être mobilisés.

([99]) Article L. 1322-14 du code de la santé publique.

([100]) « Un décret en Conseil dÉtat détermine les conditions dans lesquelles peuvent être imposées les mesures à prendre pour la construction et lentretien des réseaux et installations publiques et privées dans le but déviter le gaspillage de leau. Ce décret définit également les usages et les conditions dans lesquelles les eaux usées traitées peuvent être réutilisées ainsi que les usages et bâtiments pour lesquels les eaux de pluie peuvent être utilisées de manière compatible avec le bon état écologique des eaux. »

([101]) Arrêté du 21 août 2008 relatif à la récupération des eaux de pluie et à leur usage à l’intérieur et à l’extérieur des bâtiments.

([102]) Instruction du 4 juin 2015, NOR : DEVL1508139J. Abrogée par l’instruction du 7 mai 2019, NOR : TREL1904750J.

([103]) Cogesteau, 09/05/19 ; Seurdre, 05/07/19 ; Marais-Poitevin, 09/05/19.

([104]) Boutonne ; Charente aval ; Adour.

([105]) Notification annuelle des volumes individuels par la structure collective porteuse de l’autorisation unique de prélèvement aux irrigants dont elle est mandataire.

([106]) Plusieurs ouvrages étant concernés par un même contentieux contre l’arrêté les autorisant, il n’y a pas soixante-deux contentieux différents.

([107]) Ces dernières années, l’avancement calendaire du jour du dépassement, calculé par Global Footprint Network, est le suivant : 5 août 2016 ; 1er août 2017 ; 29 juillet 2018 ; 29 juillet 2019.

([108]) Cézard Florian et Mourad Marie, « Panorama sur la notion de sobriété, définitions, mises en œuvre, enjeux (rapport final) », ADEME, novembre 2019.

([109]) La sobriété est inscrite à l’article 1er de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte : « […] Maîtriser la demande dénergie et favoriser lefficacité et la sobriété énergétiques ; […] ».

([110]) Association NégaWatt, « La sobriété énergétique. Pour une société plus juste et plus durable », 2018.

([111]) Ministère de l’agriculture, « La disponibilité future de la ressource en eau en France : quelle place pour le secteur agricole ? », Centre d’études et de prospective, n° 68, avril 2014, p. 1-4.

([112]) À ce titre, le maïs, qui consomme 5 000 à 6 000 mètres cubes d’eau par hectare, a une forte empreinte du fait de son pic de besoin en période estivale et représente 40 % de la sole irriguée ; c’est également le cas du soja, dont la consommation est supérieure à 6 000 mètres cubes d’eau par hectare, mais qui est cultivé au printemps et dont la sole irriguée ne représentait que 2 % de la sole irriguée totale en 2010. Le blé consomme également 5 000 mètres cubes d’eau par hectare, mais il est principalement alimenté par les précipitations et a une grande tolérance au stress hydrique, de telle sorte que seulement 2 % de la surface en blé tendre est aujourd’hui irriguée.

([113]) L’Observatoire régional sur l’agriculture et le changement climatique (ORACLE) agrège des indicateurs climatiques, agro-climatiques et d’impacts agricoles, de 1970 à aujourd’hui.

([114]) ClimA-XXI (Climat & Agriculture au XXIe siècle) est un outil de projection couvrant la période 2006-2100.

([115]) Qui correspond à la projection de l’eau « en pluie » sur les cultures.

([116]) Voir le 2 du A du présent III.

([117]) Conseil économique, social et environnemental, avis sur la gestion et l’usage de l’eau en agriculture présenté en avril 2013 par Mme Florence Denier-Pasquier.

([118]) Voir le 1 du A du présent III.

([119]) Article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales.

([120]) Voir le A du I de la présente partie.

([121]) Dispositifs d’aide du second pilier de la PAC rémunérant les transitions agroécologiques encouragées par l’Union européenne.

([122]) Définis à l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime depuis la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, les projets alimentaires territoriaux visent à rapprocher les producteurs, les transformateurs, les distributeurs, les collectivités territoriales et les consommateurs et à développer l'agriculture sur les territoires et la qualité de l'alimentation.

([123]) Rapport annuel de performance de la mission « Écologie, développement et mobilité durable » du projet de loi de règlement pour 2020.

([124]) Outre la définition des priorités d’usage de la ressource en eau, cela implique de définir les mesures nécessaires à la restauration et à la préservation de la qualité de l’eau et des milieux aquatiques ainsi que d’identifier les ouvrages hydrauliques soumis à une obligation d’ouverture régulière de leurs vannages pour améliorer le transport naturel des sédiments et assurer la continuité écologique.

([125]) Liste établie par le CEREMA, Questions-réponses sur la compétence GEMAPI, 27 mai 2019, pages 68 à 79.

([126]) Article L. 211-7 du code de l’environnement.

([127]) Équivalent temps plein travaillé.

([128]) Voir le 2 du A du présent III..

([129]) Voir le a du 3 du présent C.

([130]) Les études HMUC comportent quatre volets :

– l’hydrologie, qui passe par une reconstitution et une analyse des régimes hydrologiques naturels ;

– les milieux, c’est-à-dire une analyse des besoins des milieux ;

– l’analyse des différents usages de l’eau, actuels et possibles ;

– l’intégration des perspectives découlant des changements climatiques dans les analyses.

([131]) Les ZRE ont été créées par le décret n° 94-354 du 29 avril 1994 modifié par le décret n° 2003-869 du 11 septembre 2003, pris en application des articles L. 211-2 et L. 211-3 du code de l’environnement.

([132]) Les ZRE sont définies par l’article R. 211-71 du code de l’environnement. Il ne faut pas les confondre avec les zones sensibles (aux pollutions) sur lesquelles doit être mis en place un dispositif de surveillance renforcé (article R. 211-94 du code de l’environnement).

([133]) C’est le volume que le milieu est capable de fournir dans des conditions écologiques satisfaisantes.

([134]) 6° de l’article L. 211-3 du code de l’environnement, décret n° 2007-1381 du 24 septembre 2007 (articles R. 211-111 à 211-117 et R. 214-31-1 à R. 214-31-5 du même code) et circulaire du 30 juin 2008 relative à la résorption des déficits quantitatifs en matière de prélèvement d’eau et gestion collective des prélèvements d’irrigation.

([135]) Circulaire du 3 août 2010 relative à la résorption des déséquilibres quantitatifs en matière de prélèvements d’eau et gestion collective des prélèvements d’irrigation dans les bassins où l’écart entre le volume prélevé en année quinquennale sèche et le volume prélevable est supérieur à un seuil de l’ordre de 30 %.

([136]) CGEDD-CGAAER, Cellule dexpertise relative à la gestion quantitative de leau pour faire face aux épisodes de sécheresse, Rapport CGEDD n° 011865-01, mai 2018.

([137]) Et les directives dites « filles » n° 2006/118/CE du 12 décembre 2006 sur la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration et n° 2008/105/CE du 16 décembre 2008 établissant des normes de qualité environnementale dans le domaine de l’eau.

([138]) Arrêt du 1er juillet 2015 de la Cour de justice de l’Union européenne.

([139]) La directive européenne 2000/60/CE du 23 octobre 2000 définit un bassin hydrographique comme « toute zone dans laquelle toutes les eaux de ruissellement convergent à travers un réseau de rivières, de fleuves et éventuellement de lacs vers la mer, dans laquelle elles se déversent par une seule embouchure, estuaire ou delta ». Les limites d’un bassin hydrographique sont constituées par la ligne de partage des eaux superficielles, déterminée par l’hydrographie de la zone de drainage.

([140]) Au sein du titre Ier du livre II du code de l’environnement.

([141]) Loi n° 2004-338 du 21 avril 2004 portant transposition de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau.

([142]) Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement.

([143]) Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

([144]) Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

([145]) Ou cycle hydrologique. C’est le phénomène naturel représentant le parcours entre les grands réservoirs d’eau liquide, solide ou de vapeur d’eau sur Terre : les océans, l’atmosphère, les lacs, les cours d’eau, etc.

([146]) Les agences collectent sept redevances et peuvent percevoir, à la demande d’un EPTB et pour le compte de celui-ci, des redevances instituées par cet établissement pour service rendu.