N° 3081

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 juin 2020.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)

sur la pêche européenne dans le contexte postBrexit

ET PRÉSENTÉ

par MM. Jean-Pierre PONT et Pierre-Henri DUMONT,

Députés

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(1)    La composition de la commission figure au verso de la présente page.

 


 

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Sabine THILLAYE, présidente ; MM. Pieyre-Alexandre ANGLADE, Jean-Louis BOURLANGES, Bernard DEFLESSELLES, Mme Liliana TANGUY, vice‑présidents ; M. André CHASSAIGNE, Mme Marietta KARAMANLI, M.  Christophe NAEGELEN, Mme Danièle OBONO, secrétaires ; MM. Damien ABAD, Patrice ANATO, Mme Aude BONO-VANDORME, MM. Éric BOTHOREL, Vincent BRU, Mmes Fannette CHARVIER, Yolaine de COURSON, Typhanie DEGOIS, Marguerite DEPREZ-AUDEBERT, Coralie DUBOST, Françoise DUMAS, Frédérique DUMAS, MM. Pierre-Henri DUMONT, Alexandre FRESCHI, Mmes Valérie GOMEZ-BASSAC, Carole GRANDJEAN, Christine HENNION, MM. Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Mme Caroline JANVIER, MM. Christophe JERRETIE, Jérôme LAMBERT, Mmes Constance Le GRIP, Nicole Le PEIH, MM. Jean-Claude LECLABART, Patrick LOISEAU, David LORION, Thierry MICHELS, Jean-Baptiste MOREAU, Mme Catherine OSSON, MM. Xavier PALUSZKIEWICZ, Damien PICHEREAU, Jean‑Pierre PONT, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Mme Maina SAGE, MM. Benoit SIMIAN, Éric STRAUMANN, Mme Michèle TABAROT.

 


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SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

I. Le BREXIT : une « deuxieme vague » économique, sociale et ecologique pour la pêche europeenne

A. le risque juridique et politique

1. Le risque d’un « déficit de régulation » des pêcheries britanniques

2. Les traités internationaux : quelle régulation minimale ?

3. Les différentes options du Brexit pour la pêche : l’impossible isolement britannique

a. Même en étant un Etat côtier indépendant, un accord de pêche est indispensable

b. Les différents scénarios du Brexit pour la pêche : de l’isolement total à l’étroite coopération

c. La problématique du « quota-hopping » : exemple d’une interpénétration réglementaire très étroite

B. le risque économique

1. Une forte dépendance européenne et française vis-à-vis des eaux britanniques

a. Une pêche européenne dans les eaux britanniques huit fois plus importante en volume que la pêche britannique dans les eaux européennes

b. La dépendance européenne aux eaux britannique est hétérogène selon les Etats membres et selon les espèces considérées

c. Le changement climatique ne fait qu’aggraver la dépendance européenne aux eaux britanniques

d. La pêche britannique dans les eaux européennes n’est toutefois pas négligeable

2. Le Royaume-Uni exporte une majorité des poissons issus de ses eaux au sein du marché unique mais importe la plupart des poissons qu’il consomme

C. le risque social et ecologique

1. Un impact hétérogène mais réel et grave pour tous les acteurs de filière de la pêche française

a. Les criées et le mareyage

i. Les criées

ii. Le mareyage

b. La transformation et la distribution

2. Le mythe d’un « Brexit vert »

a. Un exemple de « tragédie des biens communs »

b. Un risque de pêche accrue des juvéniles

c. La remise en cause de la « stabilité relative »

d. Une réallocation spatiale de l’effort de pêche préjudiciable à la ressource

3. La recherche halieutique européenne pourrait être impactée par le Brexit

a. Le Royaume-Uni reste membre du CIEM, ce qui limite l’impact du Brexit sur la collecte et le partage des données

b. Le Brexit n’est toutefois pas sans conséquence en ce qui concerne le financement et la bonne gestion de la recherche halieutique européenne

II. armer l’europe face au brexit : l’urgence d’une plus grande anticipation et d’une rénovation de la politique commune des peches

A. LEs positions britanniques doivent conduire l’Union européenne a faire de la pêche une priorité de négociation

1. La position britannique sur la pêche : un double discours entre objectif de durabilité environnementale et stricte « reprise de contrôle »

a. La crise sanitaire n’a pas modifié la position britannique, mais semble au contraire l’avoir durcie sur certains points

b. Des prises de position britanniques toujours floues mais qui finissent par se dessiner

i. Un Etat côtier indépendant et l’exemple des accords de pêche avec des Etats tiers

ii. La remise en cause du principe de stabilité relative

iii. Le respect du principe du rendement maximal durable

c. Des actes en rupture avec les objectifs théoriquement affichés et des conditions de négociations difficilement acceptables pour l’Union européenne

2. La position européenne : priorité donnée à la pêche qui doit être intégrée dans un accord global

B. Un manque d’anticIpation du brexit SANS ACCORD et une occasion a ne pas manquer de repenser la politique commune des pêches

1. Les points cruciaux de la négociation

a. Une priorité donnée à la pêche par l’intermédiaire d’un accord complet, offrant une triple garantie

b. Une gestion stable et pluriannuelle des stocks, en particulier partagés

c. Une gestion respectant le rendement maximal durable et les meilleurs avis scientifiques

2. Accroître l’anticipation pour armer la pêche européenne face au Brexit

a. Au niveau européen : une anticipation réglementaire minimale qui ne suffit pas

b. Au niveau national

3. Rendre la PCP plus acceptable par les pêcheurs pour éviter un nouveau Brexit

a. Une PCP rejetée par la plupart des pêcheurs européens

b. Deux réformes indispensables pour sauver la PCP et éviter un nouveau Brexit

i. Introduire urgemment une programmation pluriannuelle des totaux admissibles de capture

ii. Etudier les conséquences d’une remise en cause du principe de stabilité relative

4. Une vision de la PCP à long terme: la « politique européenne de la pêche » ?

Conclusion

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexes

annexe  1 : Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs

Annexe  2 : liste des propositions

1. Garantir un accord de pêche complet et sécurisant avec le Royaume-Uni

2. Accroître l’anticipation pour armer la pêche européenne face au Brexit

3. Rénover la politique commune des pêches pour éviter un nouveau Brexit

annexe  3 : principales références bibliographiques

1. Documents des institutions européennes

2. Documents des autorités britanniques

3. Rapports administratifs français

4. Documents produits par des organisations professionnelles

5. Articles de presse

6. Articles scientifiques


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   Introduction

 

 

Mesdames, Messieurs,

Alors que se déroulent les négociations qui doivent conduire à définir la « relation future » entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, le sujet de la pêche constitue un point central des discussions. En effet, l’accès réciproque aux eaux territoriales des États membres de l’Union constitue le cœur de la politique commune de la pêche (PCP) et assure une sécurité économique aux pêcheurs.

Du fait de la sortie du Royaume-Uni de la PCP ([1]), le Brexit remet par définition en cause ce principe de libre accès aux eaux britanniques par les pêcheurs européens et constitue donc pour eux une menace majeure. En effet, une fois la période de transition terminée et en l’absence d’accord dans ce domaine, le Royaume-Uni deviendrait un État côtier indépendant, soumis au droit international et en particulier à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ([2]). Les Britanniques auraient donc la possibilité de contrôler et de gérer l’accès à leurs eaux dans leur zone économique exclusive. Ainsi, le Royaume-Uni pourra « décider qui peut accéder à [ses] eaux après 2020 et dans quelles conditions, pour la première fois depuis quarante ans » ([3]).

Or, certains pêcheurs européens, en particulier dans les régions des Hauts‑de‑France, de Normandie et de Bretagne pour ce qui concerne la France, mais également des pêcheurs belges, néerlandais ou danois, réalisent un volume important et parfois majoritaire de leurs prises dans les eaux britanniques, qui sont particulièrement riches en ressources halieutiques. Une remise en cause, même partielle, de l’accès à ces eaux constituerait donc un choc économique considérable pour ces pêcheurs, mais également pour toute la filière du poisson, qui comprend également les mareyeurs, les transformateurs et, in fine, pour les consommateurs.

Après la crise que connaît le secteur suite à l’épidémie de COVID‑19, le Brexit constitue un péril majeur pour la filière de la pêche européenne, qui participe directement à l’autonomie alimentaire du continent, qui génère 3,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires et qui concerne environ 107 000 emplois dans la pêche, 80 000 dans l’aquaculture et 100 000 dans la transformation ([4]).

Il faut rappeler que les pêcheurs britanniques ont voté à 92 % pour le Brexit, y compris les pêcheurs écossais, alors même que l’Écosse a majoritairement voté pour le « remain ». Les pêcheurs britanniques, représentant un peu moins de 12 000 personnes, ont eu, dans le processus électoral qui a conduit au Brexit, un poids symbolique considérable et sans relation proportionnelle avec le poids économique de la pêche au Royaume-Uni. Toutefois, la pêche dispose, au Royaume-Uni, d’une « valeur culturelle, sociale et historique beaucoup plus large » ([5]) que sa seule contribution au PIB, ayant notamment permis le développement de communautés côtières britanniques, ce qui conduit certains analystes à parler de la pêche comme un « enjeu totémique » du Brexit ([6]).

Outre la crainte que la pêche ne soit mise de côté lors des négociations du fait de la faible proportion du PIB qu’elle représente, la principale préoccupation des pêcheurs britanniques concerne l’égalité d’accès de tous les États membres à toutes les eaux de l’Union européenne ([7]), ainsi qu’une répartition des quotas de pêche perçue comme déséquilibrée. Ces deux éléments principaux ont conduit à ce que l’industrie britannique de la pêche considère, dans sa majorité, le cadre européen comme défaillant et responsable d’une mauvaise gestion des pêcheries dans l’Union. Cette industrie considère donc le Brexit comme « un océan d’opportunités » ([8]).

Le Brexit peut prendre, pour la pêche, des formes très variables, allant d’une fermeture totale des eaux britanniques à une situation proche du fonctionnement sous l’empire de la PCP, en passant par un système d’autorisations des navires européens, sous forme de licences de pêche par exemple. Par ailleurs, le Brexit soulève d’autres interrogations fondamentales, notamment en ce qui concerne le respect des normes européennes relatives à la durabilité de la pêche et à la préservation des stocks halieutiques. Les méthodes de pêche autorisées par le Royaume-Uni peuvent également avoir une influence majeure sur le caractère loyal de la concurrence entre pêcheurs britanniques et européens et sur le respect de l’objectif de durabilité.

La déclaration commune entre le Royaume-Uni et l’Union européenne du 31 janvier 2020, qui ouvre la voie à la négociation de la relation future, prévoit que « les parties mettront tout en œuvre pour conclure et ratifier leur nouvel accord de pêche d’ici au 1er  juillet 2020 » ([9]), ce qui ne sera pas le cas, suite à l’échec des discussions menées lors des quatre sessions de négociation entre mars et juin 2020.

Dans ce contexte de menace et d’incertitude pour un pan économique et social important pour la France et huit autres États membres de l’Union européenne, la commission des Affaires européennes de l’Assemblée nationale a souhaité que les conséquences potentielles du Brexit, quelle qu’en soit la forme finale et notamment en cas d’absence d’accord, soient étudiées et, lorsque cela est possible, quantifiées.

Il faut en effet mesurer à quel point le Brexit pourrait avoir, en cas d’absence d’accord de pêche ou d’accord trop défavorable aux pêcheurs européens, des conséquences économiques et sociales dramatiques pour ce secteur d’activité (I).

Par ailleurs, les positions de négociations des deux parties restent très antagonistes et il importe donc de faire de la pêche un élément central des discussions autour du Brexit. Plus largement, vos Rapporteurs considèrent qu’il faut faire du Brexit une occasion de renouveler la PCP pour en accroître l’acceptabilité par les pêcheurs européens (II).

 

 


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I.   Le BREXIT : une « deuxieme vague » économique, sociale et ecologique pour la pêche europeenne

Le Brexit constitue une triple incertitude, à la fois juridique, socio‑économique et écologique, pouvant entraîner un drame économique, social et environnemental encore jamais connu par la pêche européenne. Le risque d’une « deuxième vague », après la crise économique créée par l’épidémie de COVID‑19, est donc réel.

LES PRINCIPALES ETAPES DES DISCUSSIONS SUR LA « RELATION FUTURE »
ENTRE L’UNION EUROPEENNE ET LE ROYAUME-UNI

Du fait de la crise sanitaire, les négociations sur la « relation future », officiellement lancées le 25 février 2020 après l’adoption des mandats de négociation par chacune des parties, ont été bouleversées. Après un premier round de négociation entre les 2 et 5 mars qui s’était achevé sur le constat d’une persistance de nombreux désaccords, les discussions prévues durant la semaine du 18 mars ont été annulées.

Ayant repris par visioconférence à partir du 20 avril, les négociations s’organisent autour d’une discussion politique au niveau des négociateurs en chef, MM. Michel Barnier et David Frost, et de onze tables sectorielles ([10]), avec des experts de chacune des parties, dont la pêche constitue l’une des problématiques. Ces discussions se basaient d’abord sur les mandats de négociation des deux parties, puis sur leurs projets d’accord, rendus publics pour l’Union européenne le 18 mars ([11]) et pour le Royaume-Uni le 19 mai ([12]). Tout au long de ces négociations et jusqu’à présent, le Royaume-Uni a toujours été clair sur sa volonté de ne pas solliciter une extension de la période de transition, qui aurait permis de disposer d’un temps de négociation plus long.

Pour la négociation lors de la semaine du 20 avril, les négociateurs ont constaté une nouvelle fois des désaccords sur tous les points de la négociation, en particulier sur la pêche, sujet sur lequel « aucun progrès n’a été fait » d’après M. Barnier ([13]).

À l’issue de la négociation de la semaine du 15 mai, le négociateur européen a précisé qu’un « début de dialogue constructif » avait pu être constaté dans le domaine de la pêche, même si les positions restent « fortement divergentes » ([14]). M. Frost a quant à lui déclaré le 15 mai dans un communiqué que malgré des discussions utiles dans le domaine de la pêche, « l’Union européenne continue d’insister sur (…) l’accès aux eaux britanniques d’une façon incompatible avec [leur] futur statut d’Etat côtier indépendant ». Il a déploré des positions européennes jugées « manifestement déséquilibrées et contraires aux intérêts de l’industrie britannique de la pêche ».

Les 19 et 20 mai, les négociateurs ont communiqué par l’intermédiaire de lettres rendues publiques ([15]). Dans sa lettre, le négociateur britannique indique que « [son] projet d'accord de pêche est très proche de l'accord UE / Norvège » et que « la position de l’Union selon laquelle l'accès aux eaux [britanniques] après la fin de cette année devrait être le même qu'aujourd'hui n'est clairement pas réaliste ».

Dans sa lettre de réponse ([16]), M. Barnier précise que « le succès de [la] négociation ne sera possible que si des progrès tangibles et parallèles sont réalisés dans tous les domaines de négociation, y compris l’engagement en faveur de règles du jeu équitables et de mécanismes de gouvernance appropriés, ainsi que des arrangements équilibrés, durables et à long terme dans le domaine de la pêche. »

Le 26 mai 2020, les députés de la commission « pêche » du Parlement européen ont adopté le rapport de M. François-Xavier Bellamy sur les recommandations en matière de pêche relatives aux négociations en vue d’un nouveau partenariat avec le Royaume-Uni. Les députés demandent à ce que le futur accord commercial comporte une « clause de sauvegarde » stipulant que toute violation des clauses d’accès réciproque aux eaux et aux ressources entraînerait une « suspension des tarifs préférentiels pour les produits britanniques sur le marché de l’Union ». Le rapport demande le maintien du principe de stabilité relative et un fonctionnement du secteur de la pêche post-Brexit « au plus près de la situation actuelle ».

Le quatrième round de négociation, qui a eu lieu entre le 1er et le 5 juin, a également été conclu par un échec, le Royaume-Uni ayant refusé la proposition européenne d’un « mécanisme multicritères » pour définir les futurs totaux admissibles de capture. Globalement, M. Barnier a pointé « qu’aucun progrès significatif » n’avait été fait, alors que les Britanniques ont évoqué des « progrès limités » ([17]).

A.   le risque juridique et politique

1.   Le risque d’un « déficit de régulation » des pêcheries britanniques

L’Union européenne dispose d’une politique ancienne et structurée de gestion de ses ressources halieutiques, avec un objectif de durabilité économique, sociale et environnementale. La directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » du 17 juin 2008 offre un cadre de référence pour la préservation des stocks halieutiques ([18]). Cette directive doit permettre d’atteindre, pour chaque stock, un « bon état écologique » et exige que la politique commune des pêches (PCP) prenne en compte cet objectif ([19]).

La PCP, totalement autonomisée de la politique agricole commune à partir de 1983 ([20]), permet de définir des « totaux admissibles de capture » (TAC), ensuite nationalement déclinés en quotas. Ces TAC constituent des limites maximales dans le prélèvement des stocks de poissons disponibles dans les eaux européennes.

La déclinaison nationale des TAC en quotas se fait selon le principe de « stabilité relative », garantissant aux États membres un pourcentage fixe des TAC pour chaque stock concerné. Ce principe a été établi dès 1983 sur une triple base : les captures historiques, la perte potentielle de possibilités de pêche pour certains États membres du fait de l’extension générale des limites de 200 milles marins en 1976 et la nécessité de protéger certaines régions où la population locale est particulièrement tributaire de la pêche ([21]). Cette part de stabilité relative est restée constante depuis lors, ce qui suscite l’hostilité d’une partie des pêcheurs britanniques.

Chaque État membre doit ensuite allouer ses quotas à ses pêcheurs. Au Royaume-Uni, ce processus relève d’une compétence nationale : les quotas nationaux sont distribués depuis 1999 sur la base d’unités, dites « Fixed Quota Allocation » (FQA), détenues par des groupes de navires ou des organisations de producteurs. Ces « unités FQA » sont basées sur l’historique des débarquements pendant une période de référence fixe. Ce mode de répartition ne fait toutefois pas consensus, étant critiqué pour être défavorable aux navires les plus petits ([22]). Ainsi certaines critiques émises par le camp du « Leave » à l’encontre de l’Union européenne concernaient, en réalité, la « concentration des droits de pêche par certains opérateurs » ([23]), due au système de répartition britannique.

C’est pourquoi, dans leur lettre ouverte en réponse à la lettre d’opinion du ministre George Eustice sur le soutien au Brexit, les anciens ministres des pêches Richard Benyon et Ben Bradshaw, parmi onze autres experts britanniques de la pêche, notent que « il est vrai que de nombreux petits navires au Royaume-Uni souffrent de faibles quotas, mais le Royaume-Uni a le deuxième plus grand quota de l’Union européenne. De plus, dans l'ensemble, les bénéfices de pêche au Royaume-Uni augmentent et sont plus élevés que dans tout autre État membre de l'UE. Le ministre omet de mentionner qu'il lui incombe entièrement d'allouer davantage de quotas britanniques aux petits navires. » ([24])

Plus précisément, il a été calculé que les bateaux britanniques de moins de 10 mètres réalisent 77 % des prises britanniques mais ne détiennent que 1,5 % des quotas ([25]).

Surtout, la PCP offre, dans ce cadre, la possibilité aux pêcheurs de chaque État membre d’exercer dans la zone économique exclusive des autres. Toutefois, les États membres ont conservé leur compétence de réglementation des activités de pêche dans les eaux côtières ([26]). La limite de 0 à 6 milles marins est préservée pour les activités de pêche nationales, alors que certains États membres ont des droits historiques de pêche dans la zone des 6 à 12 milles marins dans d'autres États membres ([27]).

En outre, depuis 2013, la PCP impose de pêcher selon le « rendement maximal durable » (RMD), défini comme la quantité maximale d’individus pouvant être prélevée, de manière continue et en moyenne, dans un stock sans affecter sensiblement le processus de reproduction.

La PCP dispose également d’un fonds structurel dédié, le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), doté de 6,4 milliards d’euros sur la période 2014‑2020. À ce titre, le Royaume-Uni a bénéficié d’environ 168 millions d’euros sur cette période, contre 588 millions d’euros pour la France. Enfin, la PCP introduit de nombreuses « mesures techniques » ([28]), devant permettre de réguler les modalités concrètes de pêche afin notamment d’éviter une concurrence déloyale entre pays européens. Ces mesures régissent en particulier les engins de pêche, le maillage des filets, les zones de pêche ou encore les saisons de fermeture.

Ainsi, la PCP constitue une politique complète et complexe, avec de nombreux textes législatifs que les États membres se sont appropriés. Le Brexit crée donc pour la pêche comme pour de nombreuses autres matières le risque d’un « déficit de régulation » ([29]). Outre ces pans législatifs que le Royaume-Uni va devoir remplacer, le Brexit conduit aussi à la sortie du Royaume-Uni des négociations au sein du Conseil sur la définition des TAC pour les stocks partagés ou encore la perte de l’accès aux accords conclus par l’Union européenne avec des États tiers.

2.   Les traités internationaux : quelle régulation minimale ?

Une fois sortis de la PCP et sans accords plus contraignants, les relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne en matière de pêche seront théoriquement régies par deux textes internationaux : la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 (qui régit le droit de chaque État membre dans ce qui ne relève pas de leurs zones économiques exclusives ainsi que les ressources partagées entre deux États côtiers) et l’Accord des Nations Unies dit des « stocks halieutiques » de 1995 ([30]). Le Royaume-Uni semble favorable à ce qu’un éventuel accord de pêche ne remette pas en cause le droit de la mer ([31]).

Si ces textes garantissent la souveraineté des États côtiers sur leurs zones économiques exclusives respectives, ils ne sont pas dénués d’obligations, en particulier en ce qui concerne :

-         la coopération avec les autres États côtiers pour ce qui concerne la gestion des stocks partagés (article 63(1) de la Convention des Nations‑Unies sur le droit de la mer). Il faut rappeler que les eaux britanniques sont bordées par celles de huit autres États ou territoires, dont six appartiennent à l’Union européenne ;

-         l’obligation de déterminer des totaux admissibles de capture des ressources vivant dans la zone économique exclusive (article 61(1)) ;

-         la nécessité de prendre les « mesures appropriées de conservation et de gestion pour éviter que le maintien des ressources biologiques de sa ZEE ne soit compromis par une surexploitation » (article 61(2)).

En ce qui concerne les futures relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, l’article 63 de la Convention des Nations Unies, qui fait obligation de coopérer pour la gestion des stocks partagés, est d’une importance capitale. En effet, l’ensemble des stocks sous quotas britanniques sont partagés avec au moins un État membre de l’Union européenne, à l’exception du stock de hareng Clyde ([32]). Concernant les espèces qui ne sont pas sous quotas, 16 stocks ont été identifiés comme partagés par l’administration britannique de la pêche ([33]). Environ 21 % des revenus de la pêche au Royaume-Uni proviennent d'espèces hors quota pour lesquelles un certain partage des stocks est constaté.

Le droit international de la mer fait également obligation aux navires de pêche d’obtenir une autorisation de pêche de la part des pays tiers dans lesquels ils souhaitent exercer une activité ([34]). Les mesures de contrôle et d’exécution sont décidées et menées par les autorités de l’Etat côtier concerné.

Il faut également mentionner la Convention de Londres, signée en 1964, et régissant les droits de pêche historique dans la bande des 6 à 12 milles britanniques pour les pêcheurs néerlandais, belges, français et allemands.

3.   Les différentes options du Brexit pour la pêche : l’impossible isolement britannique

a.   Même en étant un Etat côtier indépendant, un accord de pêche est indispensable

Malgré ces quelques obligations, le Royaume-Uni redeviendra, au terme de la période de transition, un État côtier indépendant, qui pourra décider de la manière dont il entend déterminer son propre système de gestion des pêches et dont il assumera ses responsabilités au regard de la Convention sur le droit de la mer. Consécutivement, le Royaume-Uni redeviendra seule autorité décisionnaire en ce qui concerne l’accès à sa ZEE (article 56 de la Convention sur le droit de la mer).

En outre, il faut préciser que, même sous l’empire de la Convention sur le droit la mer, « si, dans la ZEE d'un État côtier, celui-ci est capable de pêcher la totalité des captures autorisées, il n’a aucune obligation d’autoriser d’autres pêcheurs d’autres États à y pêcher. Là où l’obligation d’admettre d’autres pêcheurs entre en jeu, selon la théorie de la convention, ce serait dans la situation dans laquelle l'État côtier ne pêcherait pas la totalité des captures autorisées et où il y aurait un excédent. » ([35])

Ainsi, l’accord en cours de négociation doit définir les modalités concrètes du Brexit pour la pêche, en ce qui concerne plusieurs paramètres, notamment :

-         l’accès des navires européens aux eaux britanniques et inversement ;

-         les modalités de définition et les volumes des totaux admissibles de capture ;

-         les méthodes de pêche autorisées dans les eaux de chacune des deux parties, pour éviter toute concurrence déloyale ;

-         les modes de contrôles.

b.   Les différents scénarios du Brexit pour la pêche : de l’isolement total à l’étroite coopération

Les discussions ne se résument donc pas au seul accès de chacune des parties dans les eaux de l’autre. Ainsi, plusieurs scénarios peuvent être envisagés, dont le plus drastique serait une fermeture totale des eaux britanniques aux pêcheurs européens. Cette option paraît peu probable pour plusieurs raisons :

-         le Royaume-Uni n’aurait rien à y gagner, puisque le pays ne dispose pas de la flotte suffisante pour exploiter ses ressources, ce qui entraînerait la nécessité de partager l’exploitation de ces stocks selon la Convention sur le droit de la mer, et que cela lui aliénerait nécessairement un accès sans restriction au marché européen ;

-         de nombreux cas montrent que, même si un État côtier dispose de ressources importantes, comme c’est le cas par exemple pour la Norvège, il admet en pratique un accès de navires étrangers à ses eaux dans l’objectif de disposer d’un accès réciproque aux eaux d’autres États. À ce titre, la Norvège est intéressée pour pêcher du maquereau dans les eaux européennes, alors que l’Union est intéressée par le cabillaud présent dans les eaux norvégiennes. Ainsi, le plus important pour chacune des parties dans la relation européo-norvégienne réside dans la possibilité accordée aux pêcheurs spécialisés dans certaines espèces de pouvoir maximiser leurs prises, qu’elles soient dans les eaux norvégiennes ou européennes ([36]) ;

-         une fermeture des eaux britanniques entraînerait nécessairement une surexploitation des stocks partagés, qui se trouvent être les espèces les plus commercialisées.

La coopération en matière de pêche est, pour les Britanniques, une option quasi-inéluctable, en particulier du fait de la proximité géographique avec l’Union européenne, l’Islande, la Norvège et les Iles Féroé, du droit international qui fait obligation de coopérer pour la gestion des stocks partagés et du risque de surexploitation ([37]). Il faut également rappeler qu’il n’y a pas de période historique connue durant laquelle seuls les navires britanniques ont pêché dans leurs eaux. Certaines flottes étrangères étaient, dès le Moyen-Âge, déjà présentes dans les eaux du Royaume-Uni ([38]).

L’autre scénario extrême, également assez peu probable, serait d’adopter un mode de fonctionnement proche des règles de la PCP, associant le Royaume‑Uni, d’une manière ou d’une autre, à la définition des totaux admissibles de capture.

Entre ces deux options, peuvent être envisagés des systèmes de licences autorisant un certain nombre de navires européens à entrer dans les eaux britanniques ou d’autres formes d’autorisations, sur des bases temporelles qui doivent être définies.

In fine, la forme du Brexit est importante, mais, selon certaines analyses, « ce n'est que dans le scénario hautement improbable où la Grande-Bretagne privilégie la pêche sur ses autres intérêts dans les négociations sur le Brexit qu'il y aura des avantages pour la flotte britannique. Dans les scénarios les plus probables, le Brexit (…) engendrera pour certains pêcheurs (principalement plus petits bateaux) une situation bien pire que celle qui existe aujourd’hui. Et le reste de la chaîne d'approvisionnement de la pêche transformateurs, grossistes, détaillants (…) sont encore plus exposés aux risques du Brexit. » ([39])

c.   La problématique du « quota-hopping » : exemple d’une interpénétration réglementaire très étroite

D’autres questions techniques se posent, en particulier celle du « quotahopping », par laquelle des pêcheurs d’autres États membres peuvent bénéficier des quotas, par exemple britanniques, en créant des entreprises de pêche au Royaume-Uni. La loi britannique de 1988 sur la marine marchande ([40]) imposait des conditions de nationalité aux navires cherchant à bénéficier des quotas britanniques dans le cadre de la PCP. La Cour de justice de l’Union européenne avait jugé, en 1991 ([41]), que cette loi était contraire au droit de l’Union européenne. Cet arrêt, faisant prévaloir le droit de l’Union sur le droit national britannique, a pu conduire à nourrir les arguments des opposants à l’appartenance du Royaume‑Uni à l’Union européenne ([42]).

Or, cette possibilité de « quota-hopping » est issue non plus de la PCP mais du droit européen relatif à la liberté d’établissement ([43]), permettant aux Européens de créer librement des entreprises dans d’autres États membres. Il paraît peu probable que le Royaume-Uni souhaite revenir sur toute liberté d’établissement, mais la négociation devra définir si celle-ci s’applique à tous les secteurs ou seulement à quelques-uns.

Il importera que l’accord futur inclue cette problématique, sans quoi le statut juridique des quotas détenus par des personnes n’ayant pas la nationalité britannique après le Brexit resterait flou. Il est toutefois possible d’avancer qu’une restriction, même totale, d’accès des navires européens aux eaux britanniques n’entraînerait pas nécessairement la fin de la pratique des « quota-hopping ».

Cet exemple permet d’illustrer à quel point le marché unique a influencé le secteur de la pêche, en permettant aux États membres de bénéficier des libertés de circulation pour développer le secteur, exporter les espèces peu consommées par leurs ressortissants et importer le poisson plus populaire. La libre circulation des capitaux, des personnes et des marchandises au sein de l’Union a bénéficié au secteur de la pêche, notamment britannique.

Ainsi, le Royaume-Uni fait appel à une main-d’œuvre originaire d’Europe centrale et orientale et la pêche britannique a fortement bénéficié de capitaux européens, en particulier néerlandais et espagnols pour se développer ([44]). Cette situation d’interpénétration économique dans le secteur de la pêche rend l’hypothèse d’un isolement total du Royaume-Uni en la matière peu rationnelle.  

B.   le risque économique

1.   Une forte dépendance européenne et française vis-à-vis des eaux britanniques

a.   Une pêche européenne dans les eaux britanniques huit fois plus importante en volume que la pêche britannique dans les eaux européennes

La situation géographique du Royaume-Uni fait de celui-ci un acteur essentiel de la pêche dans la zone européenne. Sa zone économique exclusive lui offre en effet, malgré la proximité d’autres États côtiers, un accès privilégié à un nombre important de zones de pêche, souvent parmi les plus riches en termes de ressources. 

 


CARTE DE LA ZONE ECONOMIQUE EXCLUSIVE DU ROYAUME-UNI

Source : House of Lords, European Union Committee, « Brexit : fisheries », décembre 2016 (p. 10).

Ainsi, il est aisé pour les autorités britanniques de constater un important déséquilibre entre la pêche dans leurs eaux par les flottes des autres États membres par rapport à la pêche britannique dans les eaux des autres États membres.

En effet, sur la période 2012-2016, la pêche européenne dans les eaux britanniques est 8,4 fois plus importante en volume de débarquements que la pêche britannique dans les eaux des autres États membres. Parallèlement, les Européens réalisent dans les eaux britanniques des revenus 4,9 fois plus important que les Britanniques dans les eaux des autres États membres.

 


VOLUMES DE POISSONS PÊCHÉS PAR LE ROYAUME-UNI DANS LES EAUX DE L’UE-27
ET DE L’UE-27 DANS LES EAUX BRITANNIQUES ET LES REVENUS GÉNÉRÉS (2012-2016)

Source : Rapporteurs, à partir des données de Departement for Environment, Food and Rural Affairs, « Sustainable fisheries for future generations », juillet 2018 (p. 9)

b.   La dépendance européenne aux eaux britannique est hétérogène selon les Etats membres et selon les espèces considérées

A l’inverse, en analysant les débarquements d’autres États dans les eaux britanniques, on remarque que la France représente 38,4 % de ces débarquements en volume en 2018, devant la Norvège (26,6 %) et le Danemark (12,1 %).

DEBARQUEMENTS DANS LES EAUX BRITANNIQUES
PAR LA FLOTTE D’AUTRES ETATS D’AUTRES ETATS (EN TONNES, 2018)

Source : Marine Management Organisation, « UK Sea Fisheries Statistics 2018 »

Au total, la Belgique est l’Etat membre le plus dépendant des eaux britanniques si on combine les débarquements en tonnages et en valeur (50 %). Suivent l’Irlande (35 %), le Danemark (30 %), les Pays-Bas (28 %) et, à égalité, la France et l’Allemagne (19 %).

 

DEPENDANCE AUX EAUX BRITANNIQUES DES ETATS MEMBRES CONCERNES

Source : Secrétariat général aux affaires européennes, d’après les données du Joint research Center (2011-2015)

Le degré de dépendance varie également en fonction des espèces concernées. À titre d’exemple, sur les quelques 33,8 tonnes d’espèces démersales débarquées en 2018 par les principales flottes étrangères dans les eaux britanniques, la France représente une part d’environ 60,7 %, alors que le Danemark, l’Espagne et la Belgique se situent entre 10,7 et 8 %.

DÉBARQUEMENTS D'ESPÈCES DÉMERSALES À L'ÉTRANGER PAR DES NAVIRES BRITANNIQUES ET DÉBARQUEMENTS AU ROYAUME-UNI PAR DES NAVIRES ÉTRANGERS (2018)

Source : Marine Management Organisation, « UK Sea Fisheries Statistics 2018 »

Pour ce qui concerne les espèces pélagiques, en plus de la Norvège (60 % en volume), ce sont l’Irlande (18,5 %) et le Danemark (15,3 %) qui sont les plus concernés par les débarquements dans les eaux britanniques.

Globalement, les données fournies par la Commission européenne sur la période 2011-2015 permettent d’offrir un aperçu global de la situation des principaux pays européens concernés par cette problématique. Les captures européennes dans les eaux britanniques, principalement de maquereau, hareng, lançon et merlan bleu, sont réalisées par les Pays-Bas (27 % en 2015), le Danemark (25 %), la France (16 %), puis l’Irlande et l’Allemagne (13 %). En valeur monétaire, les captures, principalement de maquereau, hareng, sole, merlu et langoustine, sont réalisées par la France (157 millions d’euros par an, 30 %), devant les Pays‑Bas (99 millions d’euros par an, 21 %) et l’Irlande (86 millions d’euros par an, 17 %) ([45]).


LA DÉPENDANCE FRANÇAISE AUX EAUX BRITANNIQUES

La pêche française représente, au total, environ 20 000 marins pêcheurs (patrons et salariés), plus de 10 000 emplois dans la transformation et des dépenses annuelles de 7,5 milliards d’euros par les Français en produits de la mer ([46]).

Les navires français ont pêché en moyenne chaque année entre 2011 et 2015 98 000 tonnes de poissons dans les eaux britanniques ([47]). Au total, ce sont environ 171 millions d’euros de chiffre d’affaires qui sont concernés et 2566 emplois directs (en moyenne, sur la période 2011-2015).

Cela représente en moyenne sur la même période environ 24 % des captures françaises dans l’Atlantique Nord-Est, proportion qui semble rester stable en 2018, avec environ 24,5% du tonnage français. Toujours sur la période 2011-2015, les captures françaises dans les eaux britanniques représentaient en moyenne 19 % du chiffre d’affaires total réalisé dans l’Atlantique Nord-Est. Cette proportion apparaît légèrement plus faible en 2018, à 17 %.

Toutefois, il faut rappeler que seuls 17 % des navires français recensés dans les 26 quartiers maritimes concernés en 2018 travaillaient dans les eaux britanniques, représentant 437 navires sur les 2 500 recensés dans les zones concernées. Il est donc plus pertinent de mesurer la dépendance aux eaux britanniques pour les seuls navires concernés. Pour ces derniers, les eaux britanniques ont représenté, en 2018, 47 % de leur tonnage et 37 % de leur chiffre d’affaires.

En outre, le nombre d’emplois concernés reste difficilement estimable. Les 437 navires concernés employaient environ 2 500 personnes en personnel navigant, chiffre qui ne comprend donc pas les emplois à terre directement et indirectement liés à cette activité.

En termes géographiques, les 26 quartiers maritimes concernés couvre l’ensemble des façades, de Bayonne à Dunkerque. Toutefois, certaines régions françaises sont plus spécifiquement touchées par cette problématique.

DEPENDANCE DE TROIS REGIONS FRANCAISES AUX EAUX BRITANNIQUES (2018)

Source : Rapporteurs, à partir des données fournies par l’IFREMER

Les ports français les plus concernés sont ceux de Boulogne-sur-Mer, Cherbourg, Roscoff et Saint-Malo qui ont débarqué respectivement 44 %, 50 %, 47 % et 25 % de leurs captures en provenance des eaux britanniques en 2018.


En ce qui concerne la répartition des quotas pour les espèces présentes dans les eaux britanniques, le total était, en 2015, d’environ 1,9 million de tonnes, dont environ 30 % alloués au Royaume-Uni. Cette donnée ne reflète toutefois pas les disparités qui existent selon les espèces et les zones. En effet, le Royaume-Uni dispose de 84 % du quota d’aiglefin de la mer du Nord, 81 % du quota de lotte de la mer du Nord et 98 % du quota de crevettes de l’ouest de l'Écosse, mais seulement de 4% du quota de sprat de la mer du Nord, 18% du merlu du nord et 28 % de la plie de la mer du Nord ([48]).

Ainsi, il n’est pas possible d’affirmer, comme cela a pu être fait, que l’Union européenne préempte 80 % des stocks de poissons présents dans les eaux britanniques ([49]).

ALLOCATION DES QUOTAS POUR LES 73 STOCKS PRESENTS DANS LES EAUX BRITANNIQUES, REGROUPES PAR REGIONS (2015) ([50])

Source : Fernandez, Paul G. ; Stewart, Bryce, « Fact Check: is 80 % of UK fish given away to the rest of Europe? », The Conversation, 14 avril 2016

Il faut également préciser de nombreuses espèces, en particulier certains mollusques comme les crabes, les homards et les pétoncles, ne se trouvent pas sous quotas européens, mais restent gérés par les États, notamment au travers d’accords bilatéraux.

c.   Le changement climatique ne fait qu’aggraver la dépendance européenne aux eaux britanniques

Au moins à court et moyen termes, le changement climatique va fortement favoriser les eaux britanniques en matière de distribution des stocks de pêche européens majeurs.

Même si ce phénomène reste bien entendu en cours, il a d’ores et déjà des impacts mesurables sur certaines espèces, en particulier pour le cabillaud de Manche Est-Mer du Nord, dont la proportion observée dans les eaux britanniques est passée pour les adultes de 40 % en moyenne dans les années 2000 à 60 % aujourd’hui. Ce constat est également valable pour les nouvelles recrues, quasiment inobservées jusqu’en 2010 dans les eaux britanniques, alors que son abondance est aujourd’hui autour de 40 à 50 % ([51]).

À ce titre, le CIEM avait d’ores et déjà identifié en 2017 huit espèces dont les changements de distribution spatiale étaient notables (anchois, cabillaud, merlu, hareng, maquereau, plie, chinchard et sole) ([52]). Ce constat, qui relève d’une combinaison entre changement climatique et taux d’exploitation locaux ([53]), doit conduire les pouvoirs publics à anticiper une aggravation des conflits d’accès et à se prémunir de toute volonté de fixer des quotas au-delà du RMD.

d.   La pêche britannique dans les eaux européennes n’est toutefois pas négligeable

On constate que 17 % des débarquements britanniques en valeur viennent des eaux européennes ([54]).


CARTE DE LA VALEUR DES DÉBARQUEMENTS DE NAVIRES BRITANNIQUES DE PLUS DE 15 MÈTRES DANS LES EAUX BRITANNIQUES (À GAUCHE)
ET DANS LES EAUX NON BRITANNIQUES (A DROITE)

Source : Walmsley, S. (2016). Brexit: Where next for UK fisheries? Southampton: ABP Mer

Plus précisément, la flotte britannique, lorsqu’elle débarque à l’étranger, le fait principalement en Norvège (40,1 % en volume en 2018), aux Pays-Bas (22,5 %) et en Irlande (20,3 %). On remarque ainsi que les eaux françaises ne constituent, en volume et en 2018, que 0,9 % des débarquements britanniques dans les eaux étrangères.

DEBARQUEMENTS DANS LES EAUX D’AUTRES ETATS PAR LA FLOTTE BRITANNIQUE
(EN TONNES, 2018)

 

Source : Marine Management Organisation, « UK Sea Fisheries Statistics 2018 »

 

Afin de comprendre précisément les enjeux des relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne en matière de pêche, il est utile de connaître la situation de la pêche britannique. Historiquement, celle-ci a été marquée par de nombreuses « guerres du poisson », notamment sur la morue avec l’Islande entre 1950 et 1976, entraînant d’importantes diminutions des tonnages débarqués ([55]).

Les Islandais ont, durant cette période, étendu leur souveraineté jusqu’à leurs 200 milles marins, alors qu’une partie de cette zone était exploitée par les Britanniques depuis la fin du XIXe siècle. Ces conflits s’achèvent dans une période proche de l’entrée du Royaume-Uni dans la Communauté économique européenne, pouvant entraîner une perception au moins partiellement faussée des causes des difficultés rencontrées par la pêche britannique.

En parallèle, la part de la pêche dans le PIB britannique n’a cessé de décroître depuis la fin des années 1940 (0,32 %) pour n’atteindre aujourd’hui que 0,03 %.

CONTRIBUTION DU SECTEUR DE LA PECHE AU PIB BRITANNIQUE

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Source : New Economics Foundation, d’après Marine Management Organisation, « UK Sea Fisheries Statistics 2014 »

Le Royaume-Uni constituait jusqu’au Brexit un acteur majeur de la pêche européenne, représentant le troisième plus grand producteur de poissons et le deuxième pour l’aquaculture. En outre, en 2015, le Royaume-Uni représentait 14 % de la production européenne totale, pêche et aquaculture confondues ([56]). Enfin, la ZEE britannique se distingue par la diversité des espèces qui y sont présentes.

PRINCIPAUX DEBARQUEMENTS BRITANNIQUES EN VALEUR (2013)

Source : OCDE, « Examen de l’OCDE des pêcheries. Politiques et statistiques de base », 2015

En ce qui concerne la flotte britannique, celle-ci est majoritairement constituée de bateaux de moins de 10 mètres et l’Ecosse représente la principale flotte britannique.

POURCENTAGES DE BATEAUX BRITANNIQUES MESURANT
AU-DELÀ DE 10 METRES ET EN-DESSOUS (2018)

Source : Marine Management Organisation, « UK Sea Fisheries Statistics 2018 »


POURCENTAGE DES CAPTURES BRITANNIQUES, EN TONNAGE ET EN VALEUR (2011-2015)

Percentage of total UK catch by weight and value, 2011–15

Source : Institute for government ([57])

Il faut également noter que la pêche fait partie des « devolved matters » ([58]), c’est-à-dire des compétences pour lesquelles la prise de décision a été déléguée par le Parlement aux institutions décentralisées, telles que le Parlement écossais, les assemblées du Pays de Galles, d’Irlande du Nord et de Londres ou aux autorités locales.

Cette situation renforce les différences que peut par exemple connaître la pêche écossaise par rapport à la pêche anglaise, galloise et nord-irlandaise. En effet, la flotte écossaise dispose de moins de bateaux, mais ceux-ci sont plus grands et débarquent la plus grande proportion de poissons, tant en termes de volume que de valeur, alors que l’Angleterre, le Pays-de-Galles et l’Irlande du Nord disposent d’un plus grand nombre de pêcheurs et de bateaux ([59]). Cette décentralisation des compétences liées à la pêche entraîne également la nécessité pour l’État britannique de coopérer avec les « devolved administrations ». 

2.   Le Royaume-Uni exporte une majorité des poissons issus de ses eaux au sein du marché unique mais importe la plupart des poissons qu’il consomme

Au global, le Royaume-Uni est un importateur net de produits de la mer, comme le montre le graphique ci-dessous.

 


IMPORTATIONS ET EXPORTATIONS PAR LE ROYAUME-UNI DE PRODUITS DE LA MER (2008-2018)

Source : Marine Management Organisation, « UK Sea Fisheries Statistics 2018 »

Toutefois, les importations de produits de la mer vers le Royaume-Uni proviennent aux deux tiers d’États non-membres de l’Union européenne (Chine et Islande en particulier) ([60]). Les importations britanniques concernent principalement le cabillaud, le thon, les crevettes, le saumon et le maquereau. En conséquence, visàvis de l’Union européenne, le Royaume-Uni est un exportateur net de produits de la mer, en particulier vers la France (79 000 tonnes en 2018), les Pays‑Bas (64 000 tonnes) et l’Espagne (27 000 tonnes). Ainsi, la majorité des poissons britanniques est exportée (76 %) et la majorité de ces exportations est destinée à l’Union européenne (75%) ([61]).

La France représente entre 36 et 40 % de ces exportations selon les produits considérés. Les principales espèces exportées vers la France par le Royaume-Uni sont le saumon, le cabillaud, le lieu noir et le maquereau, les crabes et les crevettes, ainsi que des coquillages, notamment la coquille Saint-Jacques. Il est donc constaté que le Royaume-Uni ne consomme pas en majorité les espèces qu’il est en capacité de pêcher dans ses eaux, et se trouve donc doublement dépendant du reste du monde, à la fois pour se fournir en poissons que les Britanniques consomment et pour vendre ceux que les pêcheurs britanniques pêchent.

Cette situation n’est toutefois pas spécifique au Royaume-Uni : l’Irlande exporte majoritairement vers le continent et le Royaume-Uni, la France exporte une grande quantité du merlu ou de la sardine qu’elle pêche vers l’Espagne ; les Pays‑Bas constituent un exportateur de moules ou de poissons plats par exemple ([62]).

 

ETATS DESTINATAIRES DES EXPORTATIONS BRITANNIQUES DE PRODUITS DE LA MER (EN TONNES, 2018)

Source : Marine Management Organisation, « UK Sea Fisheries Statistics 2018 »

Le Brexit aura donc nécessairement des conséquences sur la création et la répartition de la richesse liée aux produits de la mer, la France étant potentiellement le pays le plus exposé aux conséquences du Brexit en la matière. Des droits de douane ou des barrières non-tarifaires dans les échanges de produits de la mer entre le Royaume-Uni et l’Union européenne doivent être anticipés. Jusqu’à présent, des « schémas logistiques optimisés » ([63]) permettaient d’assurer une fluidité des transports de marchandises, en particulier à destination du Pas‑de‑Calais.

L’Université d’Aberdeen a mené une enquête avant le vote du Brexit sur les pêcheurs britanniques ([64]). Cette étude a montré que si la grande majorité souhaitait quitter l’Union et si les pêcheurs pensaient que le Brexit entraînerait une augmentation du quota britannique, ils considéraient également que le Brexit n’aurait pas d’impact sur l’accès au marché.

Les analyses convergent toutefois vers le constat selon lequel « il n'y a pas de scénario avec un meilleur accord commercial pour la pêche que le statu quo. » ([65]). En outre, on constate qu’une part importante des exportations provenant de la petite pêche anglaise, notamment des ports de la Manche, est constituée de produits vivants (mollusques et crustacés), dont la qualité et la fraîcheur sont extrêmement dépendantes de la rapidité de mise sur le marché. Des contrôles sanitaires et réglementaires à l’entrée dans l’Union européenne entraîneraient des délais supplémentaires, aux conséquences majeures à la fois pour les producteurs anglais et pour les filières avals en France.

C.   le risque social et ecologique

Le Brexit, en plus de ses impacts directs sur la production, n’épargnera pas non plus l’aval de la filière de la pêche, des conséquences en cascade étant à prévoir. Compte tenu des données disponibles, vos Rapporteurs se sont largement concentrés sur une analyse de l’impact économique du Brexit sur la filière de la pêche française.

1.   Un impact hétérogène mais réel et grave pour tous les acteurs de filière de la pêche française

a.   Les criées et le mareyage

Conséquence directe de la diminution à prévoir des volumes de production réalisés dans les eaux britanniques, les criées et les mareyeurs devraient voir leur activité diminuée dans une proportion équivalente.

Les criées et les mareyeurs ont pour objectif de traiter directement les produits issus de la pêche. Les navires britanniques peuvent aujourd’hui alimenter les criées européennes, en particulier celle de Boulogne-sur-Mer. En plus des barrières réglementaires potentiellement créées suite au Brexit, il est à prévoir que cela puisse « générer des situations particulièrement conflictuelles » ([66])

Aujourd’hui, les acteurs des criées et du mareyage semblent solidaires de la filière de la pêche européenne, tant les menaces sont liées pour ces secteurs. Toutefois, il est à craindre qu’en cas de difficulté, les criées et le mareyage, du fait de leur forte dépendance aux produits de la mer issus des eaux britanniques, ne puissent tenir cette position longtemps.

En effet, les risques sociaux d’un Brexit dur sont beaucoup plus importants pour les criés et le mareyage, étant donné qu’un emploi en mer correspond à quatre emplois « à terre » (transport, manutention, avitaillement, réparation et construction navale etc.).


LES DIFFÉRENTS MÉTIERS LIÉS AU SECTEUR DE LA PÊCHE ([67])

Source : Mission de l’Association des Directeurs et Responsables de Halles à marée de France, « Impact du Brexit sur les criées françaises », mai 2019

i.   Les criées 

Une étude menée par l’Association des directeurs et responsables de Halles à marée de France (ADRHMF) ([68]) montre que les criées françaises semblent craindre en premier lieu une remise en cause de l’accès à la ressource et un transfert des navires des eaux britanniques vers les eaux françaises. Toutefois, les craintes liées à l’instauration de droits de douane et au contrôle des marchandises sont également assez fortes.

L’ADRHMF anticipe donc un « séisme pour la filière », principalement du fait de la diminution attendue des apports ainsi que de la rentabilité des entreprises. Globalement, dans l’hypothèse d’une fermeture totale des eaux britanniques pour les navires français (absence d’accord), sur l’activité du mareyage a été estimé à 26 000 tonnes de produits, soit environ 20 % de ces achats.

En classifiant les criées en fonction de leur situation géographique (comme indiqué sur la carte ci-dessous), il est calculé une moyenne du pourcentage des ventes en halles à marées jugées « à risque ». Les criées du nord-ouest sont logiquement celles qui ont le plus à craindre de la situation.


TYPOLOGIE DES CRIÉES FRANÇAISES

Source : Mission de l’Association des Directeurs et Responsables de Halles à marée de France, « Impact du Brexit sur les criées françaises », mai 2019

ESTIMATION DU POURCENTAGE DE VENTES DES HALLES À MARÉE FRANÇAISES JUGÉES « À RISQUE »

Source : Mission de l’Association des Directeurs et Responsables de Halles à marée de France, « Impact du Brexit sur les criées françaises », mai 2019

Selon les estimations de l’étude, les responsables des halles à marées perçoivent logiquement comme risques principaux la remise en cause de l’accès à la ressource et le transfert des navires des eaux britanniques vers les eaux françaises. Les droits de douane et les contrôles de marchandises sont également vus comme des facteurs potentiels de déstabilisation.

Les criées peuvent également craindre une augmentation possible de la part de « gré à gré » suite à une baisse des apports. Cela pourrait entraîner une extinction des petits mareyeurs indépendants et une surconcentration des acheteurs et, à terme, une disparition des criées aux tailles les plus faibles.

L’éventualité d’une négociation annuelle des quotas entre l’Union européenne et le Royaume-Uni créerait également une instabilité et une absence de visibilité qui seraient très préjudiciables aux criées.

ii.   Le mareyage

Le mareyage représente 278 entreprises en France et près de 6000 salariés et vise à acheter différents groupes d’espèces et créer sur celles-ci une valeur ajoutée. L’impact du Brexit pour la filière du mareyage français diffère bien entendu selon les volumes vendus sous criée capturés dans les eaux britanniques.

VOLUMES VENDUS SOUS CRIÉE CAPTURÉS DANS LES EAUX BRITANNIQUES (2016)

Source : Union du mareyage français, avril 2018

Ces volumes concernent principales les poissons à fileter (34 %), les poissons fins (22 %) et les céphalopodes (15 %) ([69]). Mais l’impact du Brexit dépendra également des décisions qui seront prises en matière de circulation des produits.


IMPORT DE PRODUITS FRAIS ET RÉFRIGÉRÉS EN FRANCE
EN PROVENANCE DU ROYAUME-UNI, EN K€ (2016)

Source : Union du mareyage français, avril 2018

Au total, l’Union du mareyage française estime que l’impact du Brexit concernerait environ 20 % de l’activité (26 000 tonnes de produits), principalement du fait de l’impact direct sur le secteur de la pêche et des difficultés à l’import des produits de la pêche britannique.

NIVEAU DE SENSIBILITÉ DES DIFFÉRENTS MÉTIERS DU MAREYAGE FRANÇAIS
AUX EAUX BRITANNIQUES

Source : Union du mareyage français, avril 2018

De manière générale, comme pour les criées, plus l’entreprise est de taille modeste, plus il lui est difficile de trouver de nouvelles sources d’approvisionnement et donc plus sa sensibilité au Brexit est importante. En outre, le Brexit pourrait également avoir un impact sur le pilier « valeur ajoutée » des entreprises de mareyage.

Au total, quatre principaux risques sont identifiés par la filière :

-         une perte des volumes à l’achat ;

-         des difficultés à l’import ;

-         une perte de maîtrise de la valeur ajoutée ;

-         une hausse des coûts et des prix.

b.   La transformation et la distribution

Une éventuelle restriction de l’accès du poisson pêché par les Britanniques au marché européen aura nécessairement un impact fort sur la filière de transformation et de la distribution, s’apparentant à une barrière non tarifaire.

Les échanges de préparations et conserves de produits issus de la mer entre la France et le Royaume-Uni sont des postes importants en valeurs, qui présentent un solde positif pour la France. Inversement, le Royaume-Uni est un fournisseur de matières premières pour l’industrie française, notamment en saumon label rouge destiné au fumage et en poissons pélagiques comme le maquereau et la sardine. Par ailleurs, il existe des liens capitalistiques entre les entreprises de ce secteur implantées en France et au Royaume-Uni.

Dans ce contexte, le secteur a identifié plusieurs points d’attention :

-         le rétablissement de droits de douane et l’augmentation des coûts, en particulier pour le maquereau et la sardine ;

-         les questions de logistique pour le passage par camion de la frontière de produits frais ;

-         un impact potentiel important sur le prix d’achat.

Vos Rapporteurs considèrent inenvisageable de sacrifier l’aval de la filière pour tenter de sauver l’amont (la pêche). Cela aurait d’autant moins de sens que sans la transformation et la distribution, l’activité de pêche perd son sens.

2.   Le mythe d’un « Brexit vert » 

La déclaration commune du 31 janvier 2020 précise que « les parties devraient coopérer au niveau bilatéral et international pour assurer une pêche à des niveaux durables, favoriser la conservation des ressources et promouvoir un milieu marin propre, sain et productif » ([70]). Les deux parties semblent donc s’engager à coopérer dans le sens d’une pêche durable et pour que le Brexit n’impacte pas négativement les objectifs européens, jusqu’ici partagés par le Royaume-Uni, en la matière. En outre, le Royaume-Uni s’est engagé officiellement à « continuer à appliquer le principe du rendement maximal durable lorsqu’il s’agit de définir ou d’approuver les totaux admissibles de captures » ([71]).

Une fois sorti de la PCP, le Royaume-Uni ne sera plus tenu d’appliquer les principes de gestion qui découlent de cette politique, en particulier en ce qui concerne le RMD. Celui-ci constitue toutefois un principe reconnu, adopté et préconisé au niveau international, en particulier depuis le sommet de Johannesburg (2002) ([72]).

En outre, les plans de gestion concernant la mer du Nord et les eaux occidentales, adoptés en 2018 et 2019, concernent également le Royaume-Uni, a minima jusqu’à la fin de la période de transition. Une incertitude persiste sur la participation du Royaume-Uni à ces plans après la période de transition. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, qui s’applique en cas d’absence d’accord plus contraignant entre l’Union européenne et le Royaume-Uni prévoit également que les États côtiers doivent gérer leurs ressources communes de manière durable, entraînant une obligation de coopération pour la gestion de ces stocks partagés ([73]).

Il faut également rappeler que l’objectif inscrit dans la PCP de disposer de l’ensemble des stocks gérés au RMD en 2020 est loin d’être atteint, puisqu’à peine la moitié des stocks remplit ce critère, tant au niveau européen que français. Concernant plus spécifiquement l’état des stocks dans les eaux britanniques, les résultats apparaissent également très mitigés ([74]). Sur les treize principaux stocks étudiés ([75]), 53,8 % sont considérés par le CIEM comme « en pleine capacité reproductive et pêchés durablement », 15,4 % « risquent de souffrir d’une capacité reproductive réduite » et 30,8 % « souffrent d’une capacité reproductive réduite » (en particulier les stocks de morue).

De plus, les TAC britanniques sont d’en moyenne 17 % supérieurs aux avis scientifiques et, en raison de la taille de sa flotte, le Royaume-Uni détient le deuxième plus grand nombre de TAC au-dessus des avis scientifiques (après le Danemark) ([76]). Pour les TAC fixés avec des pays tiers en dehors de l’Union (Islande, Norvège, Iles Féroé, Russie), ceux-ci sont encore plus élevés (24 % contre 19 % au-dessus des avis scientifiques) ([77]).

Dans ce contexte déjà très fragile, le Brexit représente un risque important pour l’exploitation durable des stocks de pêche, pour quatre raisons principales.

a.   Un exemple de « tragédie des biens communs »

D’abord, le Brexit va à l’encontre des progrès accomplis ces dernières années en ce qui concerne la coopération et la gestion à long terme réalisés ces dernières années. Or, seule la coopération entre les États côtiers pour une gestion durable des stocks, en particulier ceux qu’ils ont en partage, permet de garantir une pêche respectueuse de la bonne reproduction de la ressource. Or, la notion de « tragédie des biens communs » s’applique très directement à la gestion des ressources halieutiques et impose de coopérer afin de ne pas détruire ces dernières.

La tragédie des biens communs, expression popularisée par Garett Hardin dans le domaine environnemental en 1968 ([78]), se définit comme une situation dans laquelle une ressource est accessible à tout le monde mais constitue toutefois un bien rival, c’est-à-dire une ressource limitée et faisant l’objet d’une compétition. La pêche constitue un exemple typique des situations où cette théorie s’applique, dans la mesure où la ressource est, sous réserve de disposer du matériel adéquat, en accès libre, fait l’objet d’une compétition économique importante et ne connaît aucune frontière.

Sans gestion raisonnée et collaborative, Hardin conclut que « la destination vers laquelle chaque homme se hâte est la ruine, chacun poursuivant son propre intérêt dans une société qui croit à la liberté des biens communs ». Le cas de la morue à Terre-Neuve ([79]), dont le stock s’est brutalement effondré en 1991 après plusieurs siècles de surexploitation massive et d’absence de gestion coordonnée, en est une illustration.

b.   Un risque de pêche accrue des juvéniles

En outre, il existe un réel risque d’incitation à remplir les quotas de pêche par des juvéniles et de petits adultes dans les eaux européennes, dès lors que l’on considère l’ensemble du cycle de vie des populations exploitées. En effet, la plupart des espèces effectuent des migrations importantes, à la fois saisonnièrement, entre les zones de frai et les zones de nourrissage, mais aussi au cours du cycle de vie.

Ainsi, si une part importante des poissons adultes ciblés par les pêcheurs se trouvent effectivement dans les eaux britanniques, ces poissons sont souvent nés loin de cette zone, les œufs et larves de poissons étant transportés au gré des courants océaniques jusqu’aux zones d’écloserie et de nourricerie. Les juvéniles pourront ainsi être très présents dans d’autres zones côtières, et ne venir dans les eaux britanniques qu’une fois parvenus à l’âge adulte. Les cartes ci-dessous montrent par exemple le cycle de vie du hareng de mer du Nord, qui respecte ce schéma ([80]). Ce constat a pu être fait sur d’autres espèces, à des degrés divers.  

DISTRIBUTION SPATIALE DU HARENG DE MER DU NORD
DANS LA CAMPAGNE « NORTH SEA IBTS »

Source : IFREMER, note interne, mars 2020

c.   La remise en cause de la « stabilité relative »

Le principe de « stabilité relative » entre les pays pour le partage du TAC international en quotas nationaux risque d’être modifié. Si de nouveaux principes communs de gestion échouent à se mettre en place, comme observés avec d’autres États côtiers dans le passé, les TAC risqueraient d’être fixés au-delà de l’avis scientifique émis par le CIEM.

Ainsi, les modalités selon lesquelles les potentiels futurs TAC négociés entre l’UE et le Royaume-Uni seront répartis seront cruciales, d’autant que certains « Brexiters » ont fait de la remise en cause de la stabilité relative une question de principe.

d.   Une réallocation spatiale de l’effort de pêche préjudiciable à la ressource

Enfin, le Brexit risque d’entraîner une réallocation spatiale de l’effort de pêche, là où la ressource serait la plus abondante, pouvant entraîner d’importants conflits d’usage. Des études commencent à tenter d’établir des modèles de prédiction de ces phénomènes ([81]), en fonction des différents scénarios que le Brexit pourrait suivre pour la pêche.

L’analyse a été menée sur un échantillon de navires français de plus de 12 mètres opérant en Atlantique-Nord ([82]) appartenant à des flottilles pouvant réaliser jusqu’à plus d’un tiers de leurs prises dans la ZEE britannique. Les navires des flottilles considérées fréquentent très peu les ports anglais, la majorité opérant depuis des ports français. Le modèle se base sur le scénario extrême de fermeture de la ZEE britannique aux navires considérés.

Sous ce scénario, le modèle prédit un doublement voire un triplement de l'effort de pêche en lisière de la ZEE britannique suivant les zones. Toutefois, les analyses manquent encore pour prédire avec précision les impacts potentiels que cette redistribution spatiale pourrait avoir d’un point de vue écologique, économique et social.

3.   La recherche halieutique européenne pourrait être impactée par le Brexit

a.   Le Royaume-Uni reste membre du CIEM, ce qui limite l’impact du Brexit sur la collecte et le partage des données

La sortie du Royaume-Uni de la politique commune de la pêche entraîne la nécessité de redéfinir la participation britannique aux programmes de recherche européens en matière halieutique. En ce qui concerne le CIEM, le Royaume-Uni a réitéré sa participation à cette organisation internationale (et non strictement européenne).

En ce qui concerne le CSTEP, comité scientifique de la Commission européenne, ses groupes de travail sont ouverts à tous les experts, y compris en dehors de l’Union européenne. Pour le Comité plénier du CSTEP, qui compte entre trente et trente-cinq personnes, rien n’interdit dans les textes de disposer d’experts issus d’États non-membres de l’UE, même si cela n’est encore jamais arrivé ([83]). À ce stade, les experts britanniques sont toujours membres à part entière et n’ont pas été notifiés. Il importera de clarifier leur statut.

Le Brexit ne pourra également pas avoir de conséquences majeures sur la mutualisation des données pour les évaluations de stocks, car celle-ci se fait majoritairement au sein de CIEM et reste donc régie par les agréments entre le CIEM et chacun de ses membres. Grâce à des agréments entre le CIEM et ces États, la Norvège et l’Islande fournissent et partagent aujourd’hui leurs données sur les évaluations de stocks au même titre que les États membres de l’Union européenne. Un accord entre le Royaume-Uni et le CIEM sera donc nécessaire.

b.   Le Brexit n’est toutefois pas sans conséquence en ce qui concerne le financement et la bonne gestion de la recherche halieutique européenne

Les projets de recherche français, menés par l’IFREMER, collaborant avec des organismes scientifiques sont nombreux et principalement menés dans le cadre de projets européens de type H2020. Une incertitude pèse sur la continuité de la participation britannique aux programmes européens de recherche ; tout dépendra de la volonté britannique de participer aux financements de la recherche, comme le font par exemple l’Islande, la Norvège et la Suisse. En outre, il faut rappeler que le Royaume-Uni est un acteur majeur de H2020, avec un taux de retour positif, ce qui n’est pas le cas de la France ([84]).

Cela signifie que, pour maintenir un niveau de recherche équivalent, le Royaume-Uni devra consentir un investissement supérieur, ce qui crée un risque d’appauvrissement de la recherche britannique en la matière. Or, la recherche britannique sur les questions halieutiques constitue l’une des plus anciennes et reconnues d’Europe, le risque étant que celle-ci recherche des partenariats hors Europe, comme le CEFAS ([85]) peut d’ores et déjà le développer.

En tout état de cause, en cas de retrait du Royaume-Uni, les financements de l’IFREMER en seraient impactés. Toutefois, l’IFREMER considère que l’impact global sur les projets de recherche en cours peut être considéré comme « relativement modéré », d’autant que la collaboration entre scientifiques européens, en particulier avec les Britanniques, est ancienne.

L’impact potentiel du Brexit le plus important concerne en réalité les principes et financements qui régissent la collecte de données, définis par le « cadre de collecte de données » ([86]). Ce cadre, dont les principes sont édictés par l’article 25§2 du règlement de la PCP, permet notamment de fixer les protocoles statistiques d’échantillonnage et régit les volumes minimums d’information à collecter par chaque pays pour chaque espèce, afin de s’assurer que les estimations biologiques sont suffisamment robustes, représentatives et non-biaisées. En outre, ce cadre organise la mutualisation régionale des collectes de données, qui vise à faire en sorte que les Etats membres ne collectent pas des informations redondantes et à s’assurer qu’il n’y ait pas de sous-échantillonnage d’espèces ou de métiers.

Surtout, le cadre de collecte de données finance les activités d’analyse des données collectées. À titre d’exemple, il finance 80 % des coûts éligibles (frais réels hors amortissement) pour l’observation halieutique (SIH) et l’expertise halieutique (au titre de la participation au CIEM) de l’IFREMER.

Le Brexit entraînera donc nécessairement l’arrêt de ces financements pour le Royaume-Uni et la fin de sa participation à l’harmonisation des stratégies de collectes. Le Royaume-Uni pourra donc désormais suivre une stratégie nationale qui ne respectera plus nécessairement le règlement de la PCP. Il importe donc que l’agrément entre le CIEM et le Royaume-Uni offre une garantie d’implication minimale suffisante de ce dernier à la stratégie européenne de collecte des données.

II.   armer l’europe face au brexit : l’urgence d’une plus grande anticipation et d’une rénovation de la politique commune des peches

A.   LEs positions britanniques doivent conduire l’Union européenne a faire de la pêche une priorité de négociation

1.   La position britannique sur la pêche : un double discours entre objectif de durabilité environnementale et stricte « reprise de contrôle »  

a.   La crise sanitaire n’a pas modifié la position britannique, mais semble au contraire l’avoir durcie sur certains points

La crise sanitaire issue de l’épidémie du COVID-19 n’a pas fait varier la position britannique dans les négociations du Brexit, alors qu’elle aurait pu inciter le Royaume-Uni à solliciter une extension de la période de transition, afin de se concentrer dans un premier temps sur la gestion de cette crise.

Au contraire, le gouvernement britannique a précisé avoir besoin de sortir de la période de transition pour agir comme il l’entend pour lutter contre les effets de la crise, tout en dénonçant la possibilité que le Royaume-Uni ne se trouve associé à la gestion économique de l’Union européenne et de la zone euro. L’analyse britannique serait ainsi que le choc économique du Brexit, quelle qu’en soit la forme, sera nécessairement dilué dans les effets économiques de la crise sanitaire.

La crise a également conduit à un double effet. D’abord, le Brexit apparaît désormais comme une problématique secondaire par rapport à la gestion de l’épidémie et de ses conséquences économiques et sociales. Le secteur économique prend peu position dans les négociations depuis le déclenchement de la crise. Le Brexit a rapidement disparu du débat public britannique. Ensuite, le gouvernement tend à renforcer son discours visant à promouvoir la souveraineté britannique par rapport à l’Union européenne.

b.   Des prises de position britanniques toujours floues mais qui finissent par se dessiner

Même si les éléments tangibles de position du Royaume-Uni sur la pêche restent peu nombreux et variables, il ressort des différents documents de négociation la volonté britannique de « retrouver le contrôle » de ses eaux, comme le demandent certains de ses pêcheurs. Cette idée générale peut toutefois recouvrir des réalités différentes. Les prises de position officielles du Royaume-Uni s’opposent en effet parfois aux quelques actes concrets mis en place jusqu’ici pouvant témoigner d’un « double discours » qu’il importe d’analyser.

Il faut souligner que les Britanniques se distinguent par rapport à l’Union européenne dans les négociations par une transparence plus faible dans les positions exprimées. Les Britanniques communiquent principalement par des « non-papers » qui ne représentent pas officiellement la position du Royaume-Uni. Cette technique de communication complique considérablement les négociations, en ce sens que l’Union européenne n’est pas dans la capacité de s’appuyer définitivement sur ces positions pour continuer les négociations. Ces « non-papers » sont susceptibles d’être modifiés rapidement et régulièrement. Ce n’est que le 19 mai 2020 que les autorités britanniques ont finalement rendu publics leurs documents de négociation sur chaque dossier spécifique.

Dans le Livre blanc « Sustainable fisheries for future generations » ([87]), publié en juillet 2018, l’ancien ministre britannique de l’Environnement, Michael Gove, avait affirmé sa volonté de décider unilatéralement de l’accès à ses eaux territoriales par les bateaux de l’Union européenne. L’objectif alors affiché était de créer les conditions d’une « industrie de la pêche plus compétitive, bénéfique et soutenable ». Au-delà de ces éléments généraux, ce Livre blanc, même s’il reste non-contraignant pour le gouvernement britannique, affiche principalement des ambitions en ce qui concerne le respect d’objectif de durabilité environnementale de la pêche britannique.

Publié le 27 février 2020, le mandat de négociation britannique permet également de disposer de certains éléments concrets sur lesquels le Royaume-Uni base sa position officielle ([88]). Le 19 mai 2020, les autorités britanniques ont publié pour la première fois leur projet de document de négociation en matière de pêche ([89]). L’ensemble de ces documents, publiés à des moments différents de la négociation du Brexit, convergent vers une position qui peut être résumée en trois points.

i.   Un Etat côtier indépendant et l’exemple des accords de pêche avec des Etats tiers

Le Livre blanc précise qu’en tant qu’Etat côtier indépendant, le Royaume-Uni « travaillera étroitement avec l’Union européenne et les autres Etats côtiers, y compris la Norvège et les Iles Féroé, pour la gestion des stocks transfrontaliers, y compris au travers de la définition de TAC, de condition d’accès et de partage des opportunités de pêche » ([90]).

À ce titre, l’objectif affiché est de faire en sorte que le cadre futur des relations avec le Royaume-Uni soit « conforme aux accords de pêche de l’Union européenne avec d’autres Etats côtiers indépendants » ([91]). En suivant cet exemple, le Royaume-Uni conditionne l’accès aux ressources à la signature d’un accord de libre-échange pour le commerce des produits de la pêche.

L’accord global doit définir, selon le Royaume-Uni ([92]) :

-         la portée et le processus des négociations « annuelles » sur l’accès aux ZEE des deux parties et les possibilités de pêche (TAC et quotas) ([93]) ;

-         une négociation annuelle qui doit être basée sur les « meilleures données scientifiques disponibles pour les stocks partagés fournies par le CIEM » ;

-         la règle selon laquelle « tout navire de l’Union autorisé à accéder au poisson dans les eaux britanniques (…) serait tenu de se conformer aux règles britanniques et serait soumis aux exigences de licence, y compris des obligations de déclaration ». Le document de négociation rendu public le 19 mai 2020 prévoit également que les navires de pêche européens auront besoin d’une licence pour pêcher dans les eaux britanniques ([94]).

-         la création d’un « forum de coopération sur des questions de pêche plus larges en dehors des négociations annuelles », telles que le soutien à une gestion responsable des pêches, le partage des données, la science, le contrôle et l’application des règles ([95]) ;

-         des dispositions pour « le partage des données et informations de surveillance des navires » pour lutter contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée ;

-         des dispositions pour le règlement des différends, « y compris des dispositions pour la suspension de l’accord sur la pêche si nécessaire ».

Cet accord pourrait être suspendu, après un préavis de deux ans, en cas de différend persistant entre les deux parties ([96]). Le Royaume-Uni précise également qu’il négociera des accords-cadres « distincts » avec d’autres Etats côtiers, « notamment la Norvège » ([97]).

ii.   La remise en cause du principe de stabilité relative

La question de la stabilité relative, par laquelle le Royaume-Uni reçoit une part fixe des possibilités de pêche en se basant sur une répartition historique (1973‑1978), est régulièrement soulevée. Le Royaume-Uni considère ce principe comme « non-représentatif de la pêche britannique actuelle » ([98]) et indique clairement qu’il « n’acceptera plus » ([99]) ce mécanisme. En effet, il est admis que cette modalité de répartition a été défavorable aux Britanniques car, dans les années 1970, la pêche britannique dans les eaux européennes était beaucoup plus importante qu’aujourd’hui.

Le Royaume-Uni souhaiterait donc se départir de cette notion pour se baser sur « une méthode plus scientifique » et se dit même prêt à accepter des « accords pluriannuels pour les stocks appropriés ». Cette méthode serait celle de « l’attachement zonal » ([100]), c’est-à-dire une définition des quotas de pêche en fonction de la « répartition des stocks de poissons dans les ZEE de l’Union européenne et du Royaume-Uni (plutôt qu’en fonction des captures historiques). » ([101])

iii.   Le respect du principe du rendement maximal durable

Le Royaume-Uni, dans son Livre blanc de 2018, précisait déjà qu’il continuera à appliquer le principe du rendement maximal durable (RMD) dans la définition de ses totaux admissibles de capture et même qu’il mettra en œuvre une approche écosystémique des pêches ([102]). Une fois le Brexit effectif, le gouvernement britannique s’est engagé à publier une « déclaration annuelle sur [son] évaluation de l’état des stocks présentant un intérêt pour le Royaume-Uni » ([103]). Le Royaume-Uni a, depuis lors, constamment rappelé cette position ([104]) et réitère également sa participation au sein du Conseil international pour l'exploration de la mer ([105]) et son engagement à réduire les prises accessoires et les rejets.

In fine, il faut comprendre de ces éléments que le Royaume-Uni veut faire passer le Brexit pour une amélioration de la politique commune des pêches, en se basant sur les avis scientifiques et la durabilité. Le Livre blanc résume ainsi cet objectif : « quitter l’Union européenne offre l’opportunité de nous diriger vers une méthode plus juste et plus scientifique pour la définition des quotas de pêche » ([106]).

c.   Des actes en rupture avec les objectifs théoriquement affichés et des conditions de négociations difficilement acceptables pour l’Union européenne

Sur plusieurs aspects, il est probable que ces prises de position en faveur d’un « Brexit durable » pour la pêche ne soient qu’un discours de façade pour justifier d’une reprise de contrôle des eaux britanniques. À titre d’exemple, le Royaume-Uni a notifié le 3 juillet 2017 de son retrait de la Convention de Londres de 1964 qui régissait les relations entre plusieurs États côtiers en ce qui concerne la pêche jusqu’à l’entrée en vigueur de la PCP. Loin d’être un acte favorisant la coopération telle qu’affichée par les autorités britanniques, il s’agit au contraire d’un signal désastreux – même s’il est symbolique – dans l’objectif d’une bonne coopération post-Brexit en matière de pêche.

Le « Fisheries Bill » ([107]), voté en janvier 2020, traduit plus concrètement la prééminence de l’objectif de reprise de contrôle de ses eaux par le Royaume-Uni sur tous les autres objectifs affichés. Ce projet de loi vise en effet principalement à rassurer les pêcheurs britanniques sur le fait que le véritable objectif du Brexit en matière de pêche est de « retrouver le contrôle de l’accès aux eaux » britanniques ([108]) et non de garantir la durabilité économique, sociale et environnementale de la filière.

Le Royaume-Uni souhaite également que la question de l’accès au marché européen des produits issus de sa pêche soit « séparée » ([109]) de la question des quotas de pêche et de l’accès à ses eaux, alors que les Européens ont affiché l’objectif légitime que ces deux éléments soient liés.

En outre, alors que le Royaume-Uni affirme se fixer l’objectif du respect de normes élevées en matière de durabilité, les outils dont il veut se doter ne feront en réalité qu’accroître la surexploitation des stocks qui sont pourtant en situation d’amélioration sous l’empire de la politique commune de la pêche. Deux éléments permettent de l’illustrer. Il s’agit d’abord de la volonté d’instaurer des quotas annuels, ce qui est difficilement compatible avec une gestion totalement durable. Ensuite, comme cela a été précisé, la situation des pêcheurs britanniques n’est pas homogène, du fait d’une répartition particulièrement inégalitaire des quotas, faisant qu’une minorité d’acteurs disposent d’une majorité des quotas. Une exploitation durable des ressources serait au contraire garantie par une répartition plus juste des quotas, permettant de diversifier les techniques de pêche.

2.   La position européenne : priorité donnée à la pêche qui doit être intégrée dans un accord global

L’Union européenne a rendu publique sa proposition d’accord dès le 18 mars 2020. Celle-ci contient, dans son titre V, ses propositions concernant la pêche ([110]). Ses objectifs généraux sont les suivants :

-         des règles claires et stables et des conditions réciproques d’accès aux eaux de l’autre partie ;

-         des garanties pour une pêche durable, avec l’application du rendement maximal durable et l’élimination progressive des captures accidentelles ;

-         une coopération étroite en matière de recueil de données pour les avis scientifiques et le respect de ces derniers ;

-         des conditions de concurrence assurant un « level playing field ».

L’Union européenne propose ainsi la définition d’une « stratégie de long terme » pour la conservation des ressources halieutiques et la gestion du nouveau système de relation entre les deux parties. Afin de garantir l’absence de barrière réglementaire à l’accès aux eaux, l’Union propose que les « nouvelles mesures techniques ou les modifications des mesures techniques existantes [soient] fondées sur les meilleurs avis scientifiques disponibles et proportionnées, non discriminatoires et efficaces pour atteindre les objectifs énoncés à l'article FISH.1 » ([111]) C’est pourquoi il est proposé que chaque partie notifie, au moins quatre mois à l’avance, toute intention de modification de mesures techniques, en l’accompagnant d’un mémorandum expliquant les raisons de ce choix.

Dans l’article FISH.10 de son projet d’accord, l’Union propose que, sous certaines conditions, « chaque partie autorise les navires de pêche de l'autre partie à exercer des activités de pêche dans ses eaux » et l’article FISH.11 indique qu’« au plus tard le 31 janvier de chaque année, les parties établissent l'ordre du jour des consultations en vue de convenir de possibilités de pêche dans les eaux de l'Union et du Royaume-Uni pour l'année suivante ». Dans ce cadre, les parties pourraient établir, au plus tard le 10 décembre de chaque année, les quotas de pêche pour l’année suivante.

La position européenne reste structurellement fragilisée par le risque de divisions intracommunautaires car l’activité de pêche ne concerne directement que neuf États membres. Il est probable que les autorités britanniques fassent durer au maximum les négociations afin que les autres secteurs économiques et les Etats membres non concernés directement par la pêche finissent par considérer que celle‑ci ne doive plus être prioritaire.

Toutefois, l’enjeu de la pêche dans le Brexit, s’il reste certes mineur économiquement, constitue une problématique tout à fait emblématique ([112]). En réalité, la pêche concerne l’ensemble des Etats membres, même ceux qui n’ont pas d’activité de pêche, pour plusieurs raisons :

-         les risques d’effets-domino en termes économiques si le secteur de la pêche est en grande difficulté ;

-         l’indépendance alimentaire permise par l’activité de la pêche ;

-         l’impact potentiel du Brexit sur la réalisation des objectifs européens en matière de préservation de la biodiversité marine.

B.   Un manque d’anticIpation du brexit SANS ACCORD et une occasion a ne pas manquer de repenser la politique commune des pêches

1.   Les points cruciaux de la négociation

a.   Une priorité donnée à la pêche par l’intermédiaire d’un accord complet, offrant une triple garantie

La position défendue jusqu’ici par l’Union européenne en matière de pêche paraît, selon vos Rapporteurs, satisfaisante pour la pêche européenne. L’Union doit continuer à garantir que la pêche ne sera pas sacrifiée pour sauver d’autres secteurs. C’est pourquoi un accord global ne doit pas, selon vos Rapporteurs, être conclu sans intégrer au préalable un accord sur la pêche.

Celui-ci doit permettre un triple accès :

-         un accès aux eaux britanniques ;

-         un accès à la ressource présente dans ces eaux, qui doit être garanti par des conditions équitables vis-à-vis des pêcheurs britanniques, notamment du point de vue des « mesures techniques », qui ne doivent pas introduire une concurrence déloyale entre les pêcheurs britanniques et européens et qui doivent permettre une coopération efficace en matière de contrôle et de lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN). L’introduction des « chaluts rise-line » par les autorités irlandaises lors des négociations des quotas en décembre 2019 doit servir de contre-exemple sur ce sujet ([113]). Le cas de la « pêche électrique », interdite dans l’Union européenne, doit conduire celle-ci à une vigilance particulière sur ce sujet ;

-         un accès réciproque aux marchés des deux parties.

Proposition 1. La priorité doit continuer à être donnée à la pêche dans le cadre des négociations du Brexit, via un accord complet, offrant une triple garantie : un accès aux eaux britanniques pour les pêcheurs européens ; un accès à la ressource présente dans ces eaux, garanti par une absence de concurrence déloyale passant par une équité dans les « mesures techniques » ; un accès réciproque aux marchés des deux parties.

b.   Une gestion stable et pluriannuelle des stocks, en particulier partagés

Pour ce faire, cet accord devra définir, en plus de cette triple garantie, des règles communes, pluriannuelles, assurant une stabilité et une visibilité aux pêcheurs des deux parties, en particulier sur la gestion des stocks partagés.

Une gestion pluriannuelle des stocks devrait être la gestion par défaut. Les détails pour chaque stock devront être discutés annuellement (ou régulièrement) mais toutes les parties bénéficieront à se mettre d’accord sur des objectifs de long terme, des stratégies et des règles d’exploitation claires avec conséquences automatiques (arrêt de pêche en cas de dépassement de quotas), ainsi que des arrangements stables en termes d’allocation de quotas.

Proposition 2. La gestion des stocks, en particulier partagés, entre le Royaume-Uni et l’Union européenne doit se faire sur une base pluriannuelle, afin d’offrir une garantie et une stabilité aux pêcheurs européens.

 

Proposition 3. Dans le nouveau système de relations de pêche entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, les propositions de gestion, les négociations et les décisions devront être faites de manière transparente, notamment avec la participation de toutes les parties prenantes : industrie, organisations de la société civile, et autres parties intéressées.

c.   Une gestion respectant le rendement maximal durable et les meilleurs avis scientifiques

Il faut rappeler que « le fait de ne pas reconnaître que les stocks partagés nécessitent une gestion partagée pourrait entraîner une surpêche et une surexploitation de ces stocks. » ([114]) À ce titre, les responsabilités des Etats côtiers pour la conservation et la gestion soutenable être prioritaires et isolées des autres points sensibles des négociations.

Pour cela, il est nécessaire que l’accord de pêche intègre des dispositions relatives à la coopération en matière de recherche halieutique, d’approche scientifique commune, de collecte des données et d’évaluation scientifique des stocks.

Proposition 4. L’accord de pêche doit garantir le respect du rendement maximal durable de la part de l’Union européenne et du Royaume-Uni.

 

Proposition 5. Les Etats côtiers devraient fixer des standards explicites pour les recommandations scientifiques à partir desquelles les décisions seront prises, en utilisant les meilleures recommandations disponibles, comme celles du CIEM.

2.   Accroître l’anticipation pour armer la pêche européenne face au Brexit

Vos Rapporteurs ont constaté des niveaux de préparation et d’anticipation très variables selon les secteurs de la filière et selon les zones.

a.   Au niveau européen : une anticipation réglementaire minimale qui ne suffit pas

Deux actions ont principalement été mises en œuvre par l’Union européenne pour anticiper le Brexit. En janvier 2019, les institutions européennes ont mis en place une compensation, au titre du fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) ([115]), pour l’arrêt temporaire des activités de pêche. Cette mesure avait été anticipée dans l’hypothèse d’une absence d’accord de retrait, dans le cadre du plan dit de « contingence » de la Commission européenne. À ce stade, les institutions européennes n’ont donc pas mis en place de compensations financières spécifiques au titre du FEAMP. L’enveloppe financière est à mobiliser par chaque Etat-membre, soit sur ses crédits FEAMP disponibles et sur son propre budget, soit en totalité sur son propre budget en cas d’insuffisance de son enveloppe du FEAMP ([116]).

Deux modalités d’intervention sont possibles au sein des arrêts temporaires : soit l’indemnisation « marin par marin », soit l’indemnisation de l’armateur, charge étant donnée à ce dernier d’indemniser ses équipages. En France, du fait de la nécessité de simplifier au maximum la charge administrative dans l’objectif de réduire les délais, c’est le dispositif de l’indemnisation par navire qui a été retenu.

Ensuite, la Commission européenne avait prévu une mesure de contingence, en l’absence d’accord de retrait, modifiant le règlement relatif à la gestion durable des flottes externes ([117]). Cette proposition ([118]) visait à garantir que l'Union soit en mesure d’accorder l’accès à ses eaux aux navires du Royaume-Uni jusqu'à la fin de l’année 2019, à condition que les navires de l'Union bénéficient aussi d'un accès réciproque aux eaux du Royaume-Uni. Cette procédure demande une notification préalable à la Commission européenne et donne à celle-ci la possibilité de s’opposer à l’octroi de l’autorisation de pêche, quand les conditions fixées ne sont pas respectées ([119]).

La proposition prévoit également une procédure simplifiée afin d'autoriser les navires du Royaume-Uni à pêcher dans les eaux de l'Union et les navires de l'Union à pêcher dans les eaux du Royaume-Uni, pour autant que ce dernier accorde cet accès. La mise en œuvre de cet instrument d’urgence était totalement dépendante de la volonté ou non du Royaume-Uni d’y avoir recours. En tous les cas, le règlement européen avait été adapté pour pouvoir répondre immédiatement dans un cadre juridique sécurisé.

Vos Rapporteurs considèrent ces mesures comme largement insuffisantes au regard de l’enjeu.

Proposition 6. L’utilisation du FEAMP et les conditions d’obtention de l’indemnisation d’arrêt d’activité au niveau européen doivent être flexibilisées au maximum en prévision du Brexit. Le FEAMP post-2020 devra impérativement contenir des dispositifs de soutien assortis de financements conséquents.

L’Union européenne doit d’abord continuer à flexibiliser l’utilisation du FEAMP en prévision du Brexit, notamment dans sa version post-2020, en allant bien au-delà de ce qui a été prévu jusqu’à présent. Le FEAMP doit être utilisé comme un fonds d’urgence qui doit permettre de répondre facilement aux situations de crise qui pourront résulter du Brexit pour certaines pêcheries européennes. Un financement spécifique conséquent devra être prévu pour cela.

Proposition 7. L’Union européenne doit définir, avant la fin des négociations, un « plan stratégique pour l’avenir de la pêche européenne », qui devra notamment déterminer des marchés de substitution en cas de barrières douanières trop importantes avec le Royaume-Uni.

Ce plan stratégique doit donner un cap post-Brexit à la pêche européenne, en permettant aux différentes filières d’anticiper au mieux les risques et d’être accompagnées par les pouvoirs publics pour cela, en particulier d’un point de vue commercial. Les marchés mondiaux des produits aquatiques étant particulièrement compétitifs pour ces produits recherchés, des substitutions peuvent être trouvées assez rapidement. La Norvège, l’Islande, les Iles Féroé peuvent constituer des alternatives importantes pour une grande partie des espèces concernées par l’export britannique, par exemple pour le cabillaud en provenance d’Islande ([120])

b.   Au niveau national

Au niveau national, des réunions régulières d’information réunissent les administrations et les fédérations professionnelles, afin de leur permettre de disposer de toutes les informations nécessaires au suivi des négociations et d’anticiper les éventuels changements à venir et solutions envisageables pour y faire face. Un site internet gouvernemental a été mis en place ([121]). Des informations sectorielles sont disponibles sur le site dédié du ministère de l’agriculture ([122]).

Enfin, les entreprises du secteur ont accès, comme toutes les entreprises, au dispositif d’activité partielle, outil de prévention des licenciements économiques qui permet, lorsqu’une entreprise fait face à des difficultés économiques conjoncturelles, de maintenir l'emploi des salariés, d’éviter le chômage partiel afin de conserver des compétences, voire de les renforcer.

Toutefois, vos Rapporteurs considèrent que, compte tenu de la gravité potentielle du Brexit pour la pêche française, il est indispensable de renforcer urgemment les dispositifs d’anticipation.

i.   Inciter à l’anticipation de la filière, à l’adaptation des types de pêche et à la réflexion autour d’une nouvelle répartition spatiale des navires français et européens

Le Brexit contraint la pêche européenne à se réinterroger profondément. Il faut mettre à profit cette période d’incertitude pour cela. L’État doit, selon vos Rapporteurs, se donner plusieurs rôles en la matière.

Proposition 8. Il faut aider à la diversification des pêches françaises, afin de la réorienter vers des espèces aujourd’hui sous-exploitées (bulot, encornet, sanglier de mer, calmar). L’Etat pourrait mobiliser les pôles de compétitivité pour bâtir ces plans de diversification.

En effet, une pêche trop peu diversifiée est très peu résiliente aux crises, comme le Brexit en est l’illustration. Toutefois, il ne faut pas que cette réorientation se fasse au détriment de la pérennité de la ressource. À titre d’exemple, les calmars (ou encornets) sont l’objet d’une augmentation particulièrement importante des prélèvements, en particulier à destination des marchés italiens et espagnols. Or, les calmars ne font l’objet d’aucune réglementation communautaire, ce qui crée un risque important de surexploitation de la ressource. Le report vers de nouvelles espèces peut également entraîner des difficultés de cohabitation entre les différentes flottilles.

Proposition 9. L’Etat doit inciter les comités régionaux des pêches maritimes et des élevages marins à organiser une régulation stricte du report de l’effort de pêche qui, s’il se fait sans coordination ni anticipation, risque de créer des conflits voire des troubles à l’ordre public.

Ce risque est tout particulièrement valable pour la pêche des Hauts‑de‑France, dont la zone géographique de pêche est très réduite par rapport à la pêche normande ou bretonne.

AIRES MARINES PROTÉGÉES, MESURES DE GESTION ET AUTRES ACTIVITÉS

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Source : Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins Hauts-de-France, 2017

Proposition 10. Il faut multiplier les « travaux pratiques » et stress test en cas d’absence d’accord ou en fonction des différentes modalités qui pourraient être déterminées par un accord.

Les préfectures concernées par cette problématique doivent organiser des « travaux pratiques » de façon plus systématiques, alors qu’ils sont aujourd’hui organisés de façon éparse, et rendre publics les comptes rendus de ces tests, afin de faire bénéficier toute la filière française de l’expérience qui en sera issue.

Proposition 11. L’Etat doit inciter les entreprises du mareyage, de la transformation, de la distribution à anticiper les éventuels droits de douane et quotas d’importation.

 

Proposition 12. Les criées françaises doivent, avec l’accompagnement des pouvoirs publics (en particulier les collectivités territoriales), s’organiser pour faire face à une situation qui les met en danger ([123]), en :

- créant des structures inter-criées, notamment pour mutualiser les « cellules commerciales ». Il faut toutefois prêter une attention toute particulière aux « petites criées ».

- développant de plus fortes coopérations entre criées européennes. Des difficultés sont toutefois à prévoir en ce qui concerne la répartition du coût du transport.  

- organisant des tests de marché d’espèces sous-valorisées, avec une communication ciblée sur certaines espèces (bulot, pétoncle, crépidules…)

- harmonisant la gouvernance et le fonctionnement (tri, vente) entre criées, en particulier régionalement

-  organisant l’accueil de navires britanniques dans les criées françaises avec un poste douanier. Certaines criées disposent en effet déjà de la compétence de dédouanement (Granville, Cherbourg), ce qui crée une inégalité qui ne va aller qu’en se renforçant.

ii.   Fluidifier les échanges d’information entre les douanes et les services vétérinaires dans le cadre du système européen TRACES

Le système TRACES (TRAde Control and Expert System) a été créé par une décision datant de 2003 ([124]), afin d’offrir à l’Union européenne une base de données centralisée destinée à la surveillance du mouvement des animaux et des produits d’origine animale, ainsi que des produits organiques, de la pêche, végétaux et phytopharmaceutiques ainsi que du bois. Ce système permet ainsi la transmission électronique des informations, la gestion centralisée des données réglementaires de référence et l’interopérabilité avec les autres systèmes d’information ([125]).

Le règlement 2019/1714 du 30 septembre 2019 modifie les règlements 136/2004 et 282/2004 en ce qui concerne le modèle de document vétérinaire commun d’entrée pour les produits et les animaux et le règlement 669/2009 en ce qui concerne le modèle de document commun d’entrée pour certains aliments pour animaux et certaines denrées alimentaires d’origine non animale. Ce nouveau règlement de 2019 prend en compte le règlement 2017/625 en ce qui concerne les contrôles officiels et introduit le nouveau système « TRACES NT ».

Pour mettre en œuvre ce nouveau règlement, une nouvelle version du système TRACES est mise en œuvre à partir de décembre 2019, permettant notamment une dématérialisation de l’ensemble du processus de production du « document sanitaire commun d’entrée » (DSCE) ([126]).

Les premiers tests du système TRACES semblent indiquer qu’en l’état les contrôles dans les Hauts-de-France d’un produit issu du Royaume-Uni nécessiteraient environ quinze minutes par lot. Les contrôles s’organisent en trois temps : un contrôle documentaire, un contrôle d’identité et, éventuellement, un contrôle physique, déterminé en fonction de paramètres spécifiques. Les temps de contrôles varient donc en fonction du degré de contrôle appliqué.

Ces lots arrivent principalement à Boulogne-sur-Mer, soit par le port soit par le Tunnel. Jusqu’au Brexit, il n’existait pas de traçabilité de ces lots car ils constituaient des flux intracommunautaires. Un travail important a été nécessaire en France pour arriver à déterminer qu’environ 54 000 lots de produits de la mer arrivent chaque année à Boulogne-sur-Mer en provenance du Royaume-Uni.

Proposition 13. Il faut mettre à profit les mois restant jusqu’au 31 décembre pour garantir la fluidité la plus importante possible dans les échanges de produits de la mer. Pour cela, il faudra :

- travailler plus intensément sur la systématisation et la réduction du temps des inspections ;

- s’assurer que la dématérialisation soit intégralement opérationnelle d’ici fin 2020 ;

- garantir une fluidité dans la transmission d’informations entre le système TRACES et le système Delta ([127]) du service des douanes et des droits indirects, pour éviter les difficultés de coordination dans les contrôles

3.   Rendre la PCP plus acceptable par les pêcheurs pour éviter un nouveau Brexit

a.   Une PCP rejetée par la plupart des pêcheurs européens

La PCP est considérée par beaucoup de pêcheurs européens, et pas seulement britanniques, comme à l’origine de beaucoup de leurs difficultés, en les contraignant à pêcher dans des quantités limitées, en restreignant la flotte et en imposant des normes trop nombreuses et, au moins pour partie, difficilement applicables.

Ce constat est bien entendu particulièrement valable au Royaume-Uni. La PCP est décrite comme « ne s’étant pas couverte de gloire dans son histoire » par le Directeur général de la Fédération britannique des organisations de pêcheurs ou encore comme « impropre à la réalisation de ses objectifs » par son homologue écossais ([128]).

La pêche est vue par les pêcheurs britanniques comme un domaine dans lequel le Royaume-Uni aura beaucoup à gagner à la sortie de l’Union, même si ce constat mérite d’être fortement relativisé, comme vos Rapporteurs l’ont montré plus haut. Les pêcheurs ont donc, comme cela a été rappelé, fortement pesé dans le processus du Brexit, en particulier au travers de l’association « Fishing for Leave » ([129])

Plusieurs éléments structurants de la PCP ont conduit à la rendre fortement impopulaire auprès des pêcheurs, en particulier la diminution régulière du nombre de navires, dans un objectif de réduction de la pression de pêche.

EFFORT DE LA FLOTTE DE PECHE BRITANNIQUE EN JOURS DE PECHE KW (2003-2018)

Source : Marine Management Organisation, « UK Sea Fisheries Statistics 2018 »

En outre, un éventuel accord sur la pêche entre le Royaume-Uni et l’Union européenne pourrait créer ou raviver des tensions entre certains États membres si certains se sentent lésés par un accord « favorable à certaines flottilles en fonction de critères réglementaires (interdiction de certains engins, fermeture de zones de pêche, obligation de débarquement au Royaume-Uni etc.) ou économiques (achats de licences, location de quotas etc.) » ([130]). Une demande de « compensation » de la part de ces États pourrait entraîner une remise en cause de principes fondamentaux de la PCP, en particulier la stabilité relative.

Le Brexit doit constituer un catalyseur des changements dont la politique commune de la pêche a besoin pour s’adapter aux demandes de la société, aux besoins du consommateur, à l’exigence d’innovation et à la lutte contre la surexploitation des stocks.

b.   Deux réformes indispensables pour sauver la PCP et éviter un nouveau Brexit

i.   Introduire urgemment une programmation pluriannuelle des totaux admissibles de capture

La stricte annualité des quotas de pêche est régulièrement critiquée pour être un facteur de déstabilisation de la pêche européenne, en ne donnant qu’une très faible visibilité aux pêcheurs sur leurs prises de l’année à venir, du fait des variations potentiellement importantes d’un ou plusieurs quotas d’une année sur l’autre.

Malgré la montée en puissance des « plans de gestion » dont les objectifs sont pluriannuels, le Conseil des Ministres européens de la pêche qui se tient en décembre pour déterminer ces quotas est toujours l’occasion de tractations complexes et peu transparentes, dont l’issue est toujours très indéterminée.

C’est pourquoi le processus de définition des quotas doit être urgemment réformé, afin de le rendre plus prévisible et plus transparent ([131]). La mesure la plus urgente selon vos Rapporteurs est l’introduction d’une programmation pluriannuelle des totaux admissibles de captures, réclamés par une grande partie des professionnels et des scientifiques.

Proposition 14. Il faut introduire progressivement mais urgemment une programmation pluriannuelle des totaux admissibles de captures. Cette pluri-annualité ne s’opposerait pas à des ajustements annuels, si la situation d’un stock peut le justifier.

ii.   Etudier les conséquences d’une remise en cause du principe de stabilité relative

La stabilité relative a été régulièrement mise en avant comme étant l’une des inégalités fondamentales affectant le Royaume-Uni dans la PCP. Les espèces les plus visées sont la plie et la sole dans la Manche et la morue et l’aiglefin en mer celtique, alors que la répartition en mer du Nord serait plutôt considérée comme « juste » pour ce qui concerne le maquereau, la morue et l’aiglefin ([132]).

Il est régulièrement avancé que « lincapacité de la stabilité relative à refléter les schémas de pêche actuels des États membres ou l’évolution des schémas biologiques des stocks de poissons constitue depuis longtemps un sujet de reproche de la part de nombreux États membres de l’Union » ([133]).

La stabilité relative n’est pas seulement critiquée par le Royaume-Uni, mais par d’autres Etats membres qui se considèrent lésés par ce système ancien. À ce titre, la question d’une nouvelle clé de répartition pourrait constituer un facteur de division européenne si une position commune n’est pas trouvée sur ce sujet entre les 27 Etats membres. En effet, s’il est admis que la France a fortement bénéficié du système de stabilité relative, ce n’est pas le cas d’autres Etats membres, en particulier l’Espagne qui n’était pas membre de l’Union au moment de la définition des bases historiques. 

Un éventuel nouveau schéma de répartition ne devrait pas, selon vos Rapporteurs, se baser, comme le demande le Royaume-Uni, sur le volume des stocks présents dans les eaux de tels ou tels État membre, d’abord parce que cela contreviendrait à l’esprit même de la PCP mais surtout parce que les poissons ne connaissent aucun type de frontière géographique. C’est pourquoi l’analyse selon laquelle seuls 30 % des quotas d’espèces présentes dans les eaux britanniques seraient attribués au Royaume-Uni ([134]) n’est pas totalement pertinente en ce qu’elle ne constitue qu’une « photographie à un instant t » de la situation géographique de stocks par essence mobiles.

L’approche dite de « l’attachement zonal » est avancée comme une solution permettant le remplacement du principe de stabilité relative. Cette clé de répartition est utilisée pour déterminer l’allocation des TAC entre la Norvège et l’Union européenne ([135]). Il est défini comme « la part du stock résidant dans la ZEE d'un pays donné, pondérée par le temps qu'elle passe dans la zone d'un pays pendant un an, si nécessaire. » ([136]) Celui-ci ne pourra être pertinent que si ce système prend en compte où les poissons se sont situés et dans quelle abondance, à différents moments et aux différentes étapes de leurs vies, ce que les données issues de la recherche permettent de déterminer.

Certains analystes envisagent également un dispositif permettant de réévaluer régulièrement la pertinence de ce mécanisme, ce qui limiterait le risque qu’une partie soit totalement perdante. L’exemple des relations entre l’Union européenne et la Norvège, régulièrement mis en avant par le Royaume-Uni, apparaît en cela pertinent : celui-ci se base sur un accord annuel mais la clé de répartition est, de facto, reconduite sur plusieurs années, tout en étant régulièrement revue à l’aune de l’évolution de la situation. Ce constat se retrouve également avec l’Islande, qui a demandé dès 2010 une nouvelle répartition pour les quotas de maquereau ([137]).

L’Union européenne devrait donc disposer d’une évaluation précise des conséquences potentielles, pour les pêcheurs européens comme pour la ressource halieutique, d’une éventuelle remise en cause de ce principe.

Proposition 15. Vos Rapporteurs proposent de demander à la Commission européenne de réaliser une étude d’impact complète et précise, espèce par espèce, bassin par bassin, des conséquences d’une remise en cause du principe de stabilité relative.

4.   Une vision de la PCP à long terme: la « politique européenne de la pêche » ?

Le Brexit a mis en lumière le fait qu’une gestion strictement nationale des pêches est nécessairement inefficace, parce que les poissons ne connaissent aucune frontière et que tous les Etats peuvent, sous certaines conditions, tirer mutuellement bénéfice de ces ressources en les respectant. La sortie du Royaume-Uni, grand Etat pêcheur, de l’Union européenne, impose de penser à long terme un système qui intègre plus fortement l’ensemble des Etats côtiers, qu’ils soient ou non membres de l’Union.

Des accords de pêches existent aujourd’hui entre l’Union européenne et la Norvège, l’Islande et les Îles Féroé. Or, notamment dans son accord avec la Norvège, l’Union européenne a négocié avec le Royaume-Uni et ses eaux en son sein. Ces accords deviennent donc nécessairement partiellement caducs et devront être révisés. Il s’agit là d’une occasion unique de les repenser dans un nouveau système.

L’ACCORD DE PÊCHE ENTRE L’UNION EUROPÉENNE ET LA NORVÈGE :
UN MODELE A SUIVRE ?

Plusieurs accords de pêche existent entre l’Union européenne et la Norvège afin de gérer leurs stocks partagés, d’organiser la pêche dans des conditions de concurrence loyale et sur la base d’une gestion durable des stocks.

L’accord-cadre bilatéral entre la Norvège et l’Union européenne permet de fixer des TAC pour les stocks partagés, mais également les transferts de possibilités de pêche, les mesures techniques conjointes et la coopération en matière de contrôle et exécution. Selon la Commission européenne, il s’agit de « l’accord le plus important que la Communauté ait conclu avec un tiers tant en termes d’échange de possibilités de pêche qu’en termes de mesures de gestion conjointe » ([138]).

Entré en vigueur en juin 1981, cet accord global est mis en œuvre par l’intermédiaire d’accords de pêche annuels et révisé tous les six ans. Les TAC relatifs aux stocks partagés sont basés sur des avis scientifiques et, une fois définis, sont répartis selon « l’attachement zonal » c’est-à-dire un pourcentage fixe reflétant la répartition spatiale du stock dans le temps et en fonction de son cycle de vie.

Le Brexit entraîne la nécessité de négocier à minima un accord trilatéral entre la Norvège, le Royaume-Uni et l’Union européenne, principalement pour les stocks partagés en mer du Nord. Mais l’accord-cadre Union européenne-Norvège peut également servir de modèle à un accord entre l’Union et le Royaume-Uni sur la pêche.

Deux autres accords existent : un accord trilatéral Norvège-Danemark-Suède et un accord de voisinage couvrant la pêche suédoise dans la partie norvégienne de la mer du Nord. L’accord trilatéral, qui concernait la pêche dans le Cattégat et le Skagerrak, pourrait, selon l’analyse de la Chambre des Lords, servir d’exemple pour la gestion de « bassins régionaux historiquement liés » ([139]), tels que la mer d’Irlande où la délimitation des droits de pêche pourrait s’avérer complexe. Cet accord a nécessité plusieurs années de négociation, du fait de désaccords persistants relatifs au contrôle et à l’enregistrement des prises entre la Norvège et les deux États membres de l’Union ([140]).

Ces accords ne constituent toutefois pas une alternative totalement satisfaisante à la participation d’un Etat à la PCP. En effet, la Norvège, qui a l’accord le plus étroit avec l’Union européenne, paie des droits de douane sur 70 % de son poisson expédié à l’étranger, pour un total d’environ 104 millions d’euros par an ([141]). La Fédération norvégienne des fruits de mer a conclu que « le manque de libre-échange avec l’Union européenne est très difficile pour nous et constitue un problème depuis des années. Nos poissons deviennent plus chers et nos exportateurs ont moins de revenus » ([142]).

Dans ses documents de négociation, le Royaume-Uni insiste fortement sur la nécessité d’une « étroite coopération et coordination » ([143]) avec la Norvège, les Iles Féroé et les autres Etats côtiers. Il est nécessaire de se baser sur cet objectif pour bâtir un nouveau format de relations européennes en matière de pêche. Des démarches devraient être rapidement engagées en ce sens, afin notamment d’éviter que la Norvège et le Royaume-Uni ne s’accordent sans une participation de l’Union européenne. Ce cas de figure non seulement n’aurait pas de sens d’un point de vue de la gestion puisque de nombreux stocks sont partagés entre les trois entités, mais serait également très préjudiciable à la ressource et donc, à terme, aux pêcheurs. L’objectif d’un accord sur la pêche entre le Royaume-Uni et l’Union européenne au 1er juillet 2020 permettait de répondre à cet impératif, en permettant ensuite de renégocier un nouvel accord avec la Norvège.

Un forum de discussion devra être créé entre l’Union européenne, la Norvège, le Royaume-Uni, les Iles Féroé et l’Islande pour déterminer des nouvelles formes de coopération pour une gestion partagée et durable de la pêche.

 

Proposition 16. À plus long terme, il faut penser une « politique européenne de la pêche », plus ouverte aux accords plurilatéraux avec le Royaume-Uni, la Norvège, l’Islande et les Iles Féroé. À moyen terme, cette politique européenne de la pêche pourra passer par la création d’un forum de discussion intégrant tous ces Etats et devant déterminer les modalités d’une gestion partagée et durable de la pêche.

 


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   Conclusion

Le Brexit va constituer, quelle qu’en soit l’issue, un séisme pour la pêche européenne. En l’absence d’accord, un drame économique, social et écologique est à prévoir, tant pour la pêche elle-même que pour l’ensemble de la filière (mareyeurs, transformateurs, distributeurs). Aujourd’hui très dépendante des eaux britanniques, la pêche européenne devra trouver de nouveaux débouchés, éviter des conflits d’usage, s’adapter à une nouvelle réglementation, tout en continuant à respecter des règles strictes en matière, par exemple, de mesures techniques, de respect du rendement maximal durable et d’obligation de débarquement. Après la crise que connaît la pêche suite à l’épidémie de COVID-19, le Brexit pourrait finir de fragiliser cette filière. 

Or non seulement l’accès aux eaux britanniques pour les pêcheurs européens n’est toujours pas garanti, mais en plus cette condition ne serait pas suffisante pour permettre une concurrence loyale entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. En effet, il importe que ce dernier s’engage pour garantir un accès à la ressource, c’est-à-dire qu’il n’impose pas des mesures techniques discriminatoires qui, malgré un accès théorique à ses eaux, empêcheraient en réalité les pêcheurs européens d’exercer leurs activités.

En outre, le changement climatique ne fait qu’accroître la dépendance européenne aux eaux britanniques, étant donné qu’il fait tendanciellement remonter les stocks de poissons vers le nord. Enfin, tous les efforts faits par les pêcheurs européens depuis plusieurs années pour réduire l’effort de pêche et accroître la sélectivité pour assurer un renouvellement suffisant de la ressource pourraient être vains si le Royaume-Uni décide de ne pas suivre la voie d’une pêche durable.

Ainsi, vos Rapporteurs ont dressé des perspectives pour un accord qui doit garantir un accès aux eaux, à la ressource et au marché britannique, avec une gestion stable et qui privilégie le respect du rendement maximal durable. Toutefois, l’objectif d’un accord étant encore loin d’être atteint, vos Rapporteurs constatent que les efforts d’anticipation ont été largement insuffisants, tant de la part de l’Union européenne que de la France, qui n’ont pas encore pris toutes les mesures qui doivent conduire à les armer face à cet événement et à protéger au maximum les pêcheurs européens.

À ce titre, l’Union européenne doit flexibiliser beaucoup plus massivement l’utilisation du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), notamment dans sa version post-2020, pour permettre d’indemniser facilement et rapidement les pêcheurs face à des réductions voire des arrêts prévisibles d’activité. Elle doit également travailler à trouver de nouveaux débouchés commerciaux et à une valorisation maximale des espèces encore insuffisamment exploitées et pourtant présentes dans ses eaux.

La France doit également renforcer son anticipation du drame potentiel pour l’ensemble de la filière, en incitant les acteurs à intégrer le risque d’absence d’accord, en multipliant les « travaux pratiques » et « stress tests », en aidant les criées à se structurer pour faire face au Brexit et en travaillant beaucoup plus intensément à la réduction des délais de contrôle. Il est urgent de prendre toutes les dispositions pour anticiper une absence d’accord, qui reste aujourd’hui le scénario le plus probable.

Enfin, vos Rapporteurs considèrent que le Brexit peut, sous certaines réserves précises, être une occasion de réviser certains éléments de la PCP, en introduisant en particulier une programmation pluriannuelle des totaux admissibles de capture et étudier l’impact, zone par zone, d’une remise en cause du principe de stabilité relative. Sans cela, la politique commune de la pêche, qui suscite l’opposition d’une grande partie des pêcheurs européens, risque de se trouver à nouveau en grande difficulté. En outre, la politique de la pêche doit toujours compter avec des Etats non membres de l’Union européenne (Norvège, Islande, Iles Féroé et désormais le Royaume-Uni) qui sont de grands Etats pêcheurs. Il faut donc créer un forum de discussion entre tous ces Etats et l’Union européenne afin de déterminer des modalités de gestion partagées et créer une nouvelle « politique européenne de la pêche ».

In fine, le Brexit doit conduire l’Union européenne et la France à anticiper, beaucoup plus rapidement qu’elles ne le font, le pire scénario, c’est‑à‑dire l’absence d’accord final, afin de protéger au maximum ses pêcheurs et la politique commune de la pêche.

 

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le jeudi 11 juin 2020, sous la présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. La crise que nous vivons constitue une épreuve majeure pour la pêche européenne, comme pour d’autres secteurs. Toutefois, il ne faut pas oublier qu’une autre crise est à prévoir, venant fragiliser encore ce pan important de notre économie et de notre souveraineté alimentaire : le Brexit.

Avec mon collègue Pierre-Henri Dumont, nous avons travaillé depuis plusieurs mois pour évaluer l’impact du Brexit sur l’ensemble de la filière et tenter de dessiner des perspectives à la fois pour un accord de relation future qui nous paraîtrait équilibré, mais aussi et surtout pour tirer toutes les conséquences de ce qui pourrait devenir un drame pour la pêche, mais aussi le mareyage, les criées, les transformateurs, les distributeurs, c’est-à-dire pour toute une filière économique.

Je voudrais d’abord rapidement revenir sur les derniers événements du Brexit. La semaine dernière, s’est déroulée la quatrième semaine de négociation de l’accord de « relation future ». Ces discussions ont bien entendu été bouleversées par la crise que nous traversons, les deux négociateurs ayant été contaminés. Le Royaume-Uni continue toutefois de refuser d’envisager une extension de la période de transition, ce qui place les négociations sous une tension extrême.

En effet, les deux parties s’étaient engagées à tout mettre en œuvre pour trouver, avant le 1er juillet, un accord sur la pêche, qui aurait permis de passer ensuite à des discussions sur tous les autres sujets et préparer correctement le futur système de gestion des pêches. Or, cet engagement ne sera sans doute pas respecté, étant donné l’échec des quatre sessions de négociation.

Les éléments qui en ressortent tendent à montrer que le Royaume-Uni ne joue pas le jeu de la négociation mais au contraire la freine, tout particulièrement sur la pêche. Il y a fort à parier que leur stratégie est celle de « la montre » et que tout se jouera dans les dernières semaines de l’année. Nous nous trouvons donc dans une situation d’indécision totale pour la pêche européenne. 

Une conférence doit avoir lieu dans le courant du mois de juin pour faire le bilan de ces premiers mois de négociation et, sans doute, acter qu’aucune extension de la période de transition ne sera décidée et que, par conséquent, un accord devra être trouvé au 31 décembre au plus tard, sans quoi le « no deal » deviendra une réalité. Celui-ci est donc une menace de plus en plus crédible. La crise n’a pas, comme on aurait pu s’y attendre, changé les positions britanniques, bien au contraire. L’analyse du Royaume-Uni est plutôt celle selon laquelle les conséquences de la crise sanitaire éclipseront celles du Brexit.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Dans notre rapport, compte tenu de toutes les incertitudes qui planent encore autour du Brexit, nous nous sommes surtout placés dans l’éventualité d’une absence d’accord pour essayer de mesurer les conséquences que cela pourrait avoir sur la pêche européenne, même si nous montrons que le Royaume-Uni n’aurait rien à gagner à ce scénario. Le résultat est clair : un drame est à prévoir si rien n’est fait pour anticiper au maximum le « no deal ».

Pour résumer, la pêche européenne est, comme vous le savez, extrêmement dépendante des eaux britanniques : quand le Royaume-Uni génère 126 millions d’euros de revenus chaque année dans les eaux européennes, les pêcheurs européens en génèrent six fois plus dans les eaux britanniques ! Ce constat est variable selon les États membres et les espèces de poissons considérées : la Belgique est dépendante à 50 % des eaux britanniques, l’Irlande, le Danemark et les Pays-Bas aux alentours de 30 %. La France a un niveau de dépendance évalué aux alentours de 20 %.

Notre rapport fait également un focus sur la situation de dépendance de la pêche française aux eaux britanniques. Au total, les navires français pêchent en moyenne 98 000 tonnes de poissons dans les eaux britanniques chaque année. Ce sont donc environ 171 millions d’euros de chiffre d’affaires et 2 570 emplois directs qui sont concernés. Toutefois, ce degré de dépendance est très variable en fonction des régions : seuls 17 % des navires français travaillent dans les eaux britanniques (soit environ 440 navires), se situant principalement dans les Hauts-de-France, en Normandie et en Bretagne. Pour eux, le risque du Brexit est immense : ils réalisent en moyenne 47 % de leur tonnage et près de 40 % de leur chiffre d’affaires dans les eaux britanniques !

Nous avons également voulu rappeler à quel point le changement climatique est, dans cette situation, favorable aux Britanniques. Il entraîne en effet une tendance à la migration des poissons vers le nord et donc vers les eaux du Royaume-Uni. On l’observe notamment pour le cabillaud dont la proportion dans les eaux britanniques est passée de 40 % dans les années 2000 à 60 % aujourd’hui ! Les scientifiques ont d’ores et déjà fait ce constat pour au moins huit espèces.

Notre rapport démontre également pourquoi l’argument britannique d’un « Brexit vert » est totalement fallacieux. Le Brexit pourrait au contraire avoir des conséquences dramatiques pour la pérennité de la ressource et donc de la pêche.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Il faut également bien avoir à l’esprit que la pêche britannique hors de ses eaux est loin d’être négligeable : cela représente 17 % des débarquements britanniques ! Toutefois, c’est dans les eaux norvégiennes (donc à l’extérieur de l’Union) que ces débarquements britanniques se font majoritairement (à 40 %), alors que les eaux françaises ne représentent que 0,9 % des débarquements britanniques dans les eaux étrangères.

Enfin, rappelons que le Royaume-Uni exporte une majorité de ses poissons vers l’Union européenne, bien qu’il soit, au global, un importateur net de produits de la mer. Cette situation paradoxale le rend doublement dépendant : à la fois de la Chine et de l’Islande pour se fournir en poissons et de l’Union européenne pour exporter ses produits de la mer ! La France représente environ 40 % des exportations britanniques pour ces produits.

In fine, il faut bien se rendre compte que la pêche ne représente aujourd’hui que 0,03 % du PIB du Royaume-Uni. Et pourtant, ce secteur bénéficie d’une influence politique et symbolique absolument majeure, totalement sans lien avec son poids économique.

Enfin, il ne faut pas oublier que la pêche est le maillon central de toute une filière qui en dépend et pour laquelle le Brexit constituera un véritable séisme. Les halles à marées françaises seront impactées à hauteur d’au moins 20 % de leurs achats et les entreprises françaises du mareyage anticipent également un impact à hauteur de 20 % de leur activité. La transformation et la distribution subiront également cet événement de plein fouet.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Au total, le drame que peut constituer le Brexit aura des conséquences pour toute une filière. C’est pourquoi nous formulons des propositions selon trois axes : garantir un accord de pêche sécurisant pour nos pêcheurs, accroître fortement l’anticipation par l’Union européenne, l’État et la filière ; rénover la politique commune de la pêche pour éviter un nouveau Brexit.

Sur l’accord de pêche, d’abord, les positions britanniques n’ont pas changé depuis la crise : redevenant un État côtier indépendant, il souhaite un accord de pêche sur le modèle de l’accord UE-Norvège, et un processus annuel de négociation des quotas. Il demande également à ce qu’un système de licence soit mis en place pour les navires européens.

Nous demandons donc, comme l’Union européenne, un accord de pêche qui offre une triple garantie : un accès aux eaux britanniques ; un accès à la ressource présente dans ces eaux. En effet, ce n’est pas parce que les Britanniques accorderaient un accès aux eaux que nos pêcheurs pourraient travailler correctement. Les Britanniques peuvent introduire des « mesures techniques » déloyales pouvant entrainer une concurrence faussée et une absence d’accès réel à la ressource. Enfin, cet accord devra garantir un accès réciproque aux deux marchés.

Cet accord devra également garantir une gestion stable et pluriannuelle des stocks, notamment ceux qui sont partagés, et se baser sur le rendement maximal durable et les meilleurs avis scientifiques, afin de ne pas compromettre les objectifs européens de restauration des stocks halieutiques.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Notre deuxième axe de propositions concerne l’anticipation. En effet, nous avons noté que, tant au niveau européen que national, les autorités n’anticipent que très peu le cas de « no deal » et se basent sur un accord potentiel, quelle qu’en soit la forme. Or, nous pensons qu’il faut tout faire pour nous préparer à l’absence d’accord !

Au niveau européen, il faut notamment : flexibiliser au maximum les conditions d’obtention de l’indemnisation d’arrêt d’activité ; prévoir un fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche post 2020 qui permette de soutenir les pêcheurs face au Brexit ; préparer un plan stratégique pour l’avenir de la pêche européenne, qui permette notamment de déterminer des marchés de substitution en cas de barrières douanières trop importantes avec le Royaume-Uni.

Au niveau national aussi, nous avons constaté une anticipation encore trop faible du « no deal ». La France doit donc aider à la diversification des pêches françaises, en sollicitant par exemple les pôles de compétitivité pour cela ; organiser une régulation stricte du report de l’effort de pêche car la fermeture des eaux britanniques entraînerait en effet des conflits voire des troubles à l’ordre public ; inciter toutes les entreprises de la filière à anticiper au maximum le « no deal » ; multiplier les « travaux pratiques » et « stress tests ».

Nous formulons également des propositions à destination des criées françaises, pour lesquelles le risque est immense. Il faut donc selon nous créer des structures inter-criées, développer des coopérations entre criées européennes et organiser des tests de marché pour des espèces sous valorisées. En bref, nous formulons des propositions pour que l’Europe et la France soient véritablement armées face au Brexit, quelle qu’en sera la forme.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Enfin, notre troisième axe de recommandations concerne la politique commune de la pêche. En effet, il ne faut pas nous voiler la face : celle-ci est rejetée par la plupart des pêcheurs européens et a constitué un axe majeur de rejet de l’Union européenne par les Britanniques. Il faut tout faire pour que cela ne se reproduise plus. C’est pourquoi nous pensons que le Brexit doit constituer un catalyseur pour certains changements dont la politique de la pêche a besoin.

Deux réformes en particulier nous paraissent indispensables. D’abord, il faut introduire urgemment une programmation pluriannuelle des totaux admissibles de capture (TAC). L’annualité des TAC est en effet un facteur d’instabilité et de faible lisibilité pour les pêcheurs.

La deuxième réforme que notre rapport proposait concerne le principe de « stabilité relative ». Sans entrer dans les détails techniques, il s’agit de la clé de répartition des quotas entre les États membres qui a été décidée au début des années 1980. Le Royaume-Uni se considère, comme certains États membres, lésé par ce principe, qui se base sur un historique ancien des captures, ne correspondant plus à l’actualité. Ainsi, le Royaume-Uni propose de lui substituer le principe de « l’attachement zonal », déjà utilisé pour répartir les quotas entre l’UE et la Norvège. Ce nouveau principe se base sur la part du stock résidant dans la zone économique exclusive d’un pays donné, pondérée par le temps qu’elle y passe.

Notre rapport proposait d’entamer des discussions avec le Royaume-Uni sur ce sujet. Toutefois, sans aller aussi loin dans la version définitive de ce rapport, face aux difficultés importantes que cela pourrait engendrer, nous proposons plutôt de commencer par des discussions autour d’une future étude d’impact, zone par zone, État membre par État membre, pour voir quel système de répartition des quotas pourrait être le plus avantageux pour nos pêcheurs et le plus respectueux de la ressource.

M. Jean-Pierre Pont, rapporteur. Enfin, nous pensons que cet événement majeur que constitue le Brexit doit conduire la politique commune de la pêche à s’ouvrir beaucoup plus fortement, pour former une « politique européenne de la pêche », au sens continental. Il n’est en effet plus possible de penser la pêche européenne sans d’autres États pêcheurs qui ne sont pas membres de l’Union. Je pense en particulier à l’Islande, la Norvège, les îles Féroé et désormais le Royaume-Uni. A minima, nous pensons qu’un forum de discussion doit être créé entre ces États et l’Union européenne pour déterminer les modalités d’une gestion partagée et durable de la pêche.

Le Brexit constituera une nouvelle crise pour la pêche, mais, celle-ci, nous pouvons l’anticiper et essayer de réparer ce qui, aujourd’hui, ne fonctionne plus. C’est de notre devoir de le faire et c’est le chemin que notre rapport veut dessiner. Je vous remercie.

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Les négociations sur le Brexit, à cause de la crise du COVID-19, sont un peu passées en arrière-plan et il faut être très vigilant parce que le Royaume-Uni ne devrait probablement pas demander de période de transition et nous pourrions nous diriger vers un Brexit dur. Il faut donc redoubler notre attention.

Aujourd’hui il faut peut-être trouver des voies novatrices en matière de pêche. Vous mentionnez dans votre rapport qu’il faut aider à la diversification de la pêche avec notamment la pêche d’espèces sous exploitées comme le boulot, le sanglier de mer, l’encornet ou le calamar. Existe-t-il une réflexion chez nos pêcheurs pour aller vers une diversification et être moins dépendants des négociations liées au Brexit  ? Qu’en est-il de la consommation de ces espèces ?

M. Jean Pierre Pont, rapporteur. Non seulement il existe des réflexions mais cela se fait déjà, notamment à Boulogne-sur-Mer, Calais et Dunkerque. Cela concerne en particulier le bulot et l’encornet plutôt pour des exportations du côté des Espagnols qui sont de grands consommateurs de ce type de coquillages.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. L’impact du réchauffement climatique est aussi primordial. Les espèces migrent, depuis les zones de pêches de l’océan l’Atlantique ou du sud de la Manche et de la Mer du Nord, pour remonter vers le haut. Il existe une transformation des pêches qui se fait naturellement de ce fait. On ne va pas imposer aux Français le poisson qu’ils doivent consommer mais plus l’offre est diversifiée, plus il est possible de les y inciter. On peut également penser à des incitations financières dans le cadre du FEAMP pour réussir à transformer les types de pêches et proposer des espèces qui sont moins utilisées parce que pas forcément dans les habitudes de consommation des Français.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Concernant le FEAMP, 500 millions d’euros supplémentaires lui ont été alloués dans le cadre du budget de relance de l’Union. Est‑ce que ce montant vous paraît suffisant face au Brexit ?

M. Jean Pierre Pont, rapporteur. Ce n’est jamais suffisant. Le FEAMP est utilisé aujourd’hui pour répondre à la crise économique liée au COVID-19 parce que malheureusement il a été sous-utilisé au préalable. Il a permis de soulager un certain nombre de marins pêcheurs qui ont dû rester à quai à cause du COVID-19 et ont moins péché. C’est pour cela que l’on parle de réalimenter le FEAMP en vue du Brexit.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Au-delà de la réalimentation, l’enjeu est aussi d’en simplifier les procédures et de flexibiliser les conditions d’accès. En effet les enveloppes prévues n’ont pas été totalement utilisées notamment par nos pêcheurs et il faut les inciter à utiliser ces enveloppes du FEAMP pour que le fonds devienne plus « grand public ». C’est un enjeu majeur que d’assurer l’accès de ces fonds à l’ensemble des pêcheurs.

M. Jean Pierre Pont, rapporteur. Durant la crise du COVID-19 cette enveloppe a été redirigée mais dans un souci de simplification et avec rapidité. Les pêcheurs l’ont remarqué connaissant les difficultés liées aux aides européennes.

Mme Liliana Tanguy. Je souhaitais vous féliciter pour vos travaux réalisés dans des conditions de crise sanitaire.

C’est à la fois en tant que co-présidente du groupe d’étude d’économie maritime de l’Assemblée nationale et député du Finistère en Bretagne, une région de pécheurs fortement dépendante des eaux britanniques, que j’ai lu votre rapport avec attention. Vos travaux sont d’une actualité brûlante puisque les négociations entre l’Union européenne et le Royaume-Uni ont repris fin avril et que le quatrième cycle qui se tenait du 2 au 5 juin dernier a permis d’obtenir des résultats très modestes. À l’issue ce quatrième cycle, Michel Barnier, négociateur en chef de la Commission européenne, a évoqué plusieurs thématiques à l’origine du blocage des discussions à la tête desquelles figure la politique de pêche. Pourtant, l’UE et le Royaume-Uni doivent nécessairement s’accorder sur un texte au début de l’automne pour s’assurer de l’entrée en vigueur de celui-ci au lendemain de la fin de la période de transition, à savoir au 1er janvier 2021. Au niveau de l’Union européenne, ce sont 107 000 emplois de la filière pêche qui génèrent 3,7 milliards d’euros, à être concernés par ces négociations. En France, plus de 2 500 emplois directs seront affectés par le cadre juridique auquel seront soumises les eaux britanniques au 1er janvier 2021. Les mandats de négociation publiés par l’Union européenne en mars et par le Royaume-Uni en mai développent des propositions opposées en matière de politique de pêche, ce qui a conduit nos Rapporteurs à proposer des recommandations sur des thématiques au centre des préoccupations européennes, je pense notamment à l’autonomie alimentaire, à la préservation de la biodiversité et la protection des intérêts économiques des travailleurs et des consommateurs européens.

Vous avez aussi proposé des solutions sur le long terme avec une révision de la politique européenne de la pêche vers une approche plus continentale permettant aux acteurs du secteur d’appréhender leur avenir qui est déjà lourdement affecté par la crise économique actuelle. Enfin je souscris à vos choix de modifier la partie concernant la révision du principe de stabilité relative, sujet de tensions dans les négociations avec le Royaume-Uni. Ce système, aujourd’hui profitable à nos pêcheurs, est fondateur de la politique commune de la pêche. L’Union ne peut pas remettre en question, pour l’aboutissement des négociations du Brexit, la définition de ses propres politiques. Elle doit réserver ces discussions aux sujets qui relèvent des négociations. L’évaluation du principe de stabilité relative au travers de l’étude d’impact que vous proposez dans votre rapport semble être une première étape rassurante et efficace que je soutiens pleinement. Désormais, nous ne pouvons qu’espérer que ces propositions soient étudiées afin d’obtenir un accord cohérent et équitable pour les filières de pêche françaises et européennes.

M. Jean Pierre Pont, rapporteur. Les premières paroles que j’ai retenues de Michel Barnier sont qu’il ne faut absolument pas être mieux dehors que dedans. Tout accepter de la part des Britanniques n’est pas concevable. Ils demandent beaucoup de choses ce qui est normal dans des discussions. Comme l’évoquait Pierre-Henri Dumont, on connaît la façon de négocier des Britanniques, mais je crois qu’il y a des lignes rouges qu’il ne faut pas dépasser. Nous avons fait un certain nombre de propositions. Déjà dans un premier rapport sur la pêche durable pour l’Union européenne de juillet 2019, il a été évoqué les TAC pluriannuels. C’est important pour nos marins pêcheurs d’avoir une visibilité plus importante. Le rendement maximal durable est aussi important. Même s’il existe des ZEE la mer appartient à tout le monde et le poisson n’a pas de frontières. C’est pour cela qu’il faut une politique européenne, au sens continental, de la pêche pour que nous puissions avoir une pêche durable.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Je voudrais ajouter deux précisions. La première n’engage que moi : je suis convaincu qu’il y a une volonté des Britanniques de faire durer les négociations pour mieux diviser. Il faut avoir conscience que si la pêche est importante pour la France, elle ne concerne en réalité que peu de pays européens. Imaginer qu’un pays comme la Slovaquie risque un « no deal » sur ces importations et exportations de véhicules à cause de la pêche permet de comprendre qu’il existe un risque que cela pèse dans les négociations entre les pays membres. D’ailleurs, à ce titre, on voit bien que la politique intérieure menée par le Royaume-Uni va dans ce sens-là avec une politique de quarantaine qui a été mise en place à l’entrée du Royaume-Uni accordant des passe-droits pour certains pays comme le Portugal ou la Grèce non soumis à quarantaine alors que d’autres pays le sont. C’est aussi un moyen de diviser l’Union européenne. Il faut bien avoir conscience de l’enjeu absolu de garder cette unité des 27 États membres. C’est aussi pour cela que l’on a adouci la proposition du rapport sur la stabilité relative, afin d’éviter de rouvrir en parallèle du Brexit une négociation qui devait avoir lieu mais qui ne pas être concomitante.

Je me permets de souligner que le rapport de François-Xavier Bellamy du Parlement européen sur le même sujet avait suscité une réaction du président de la Commission pêche qui avait demandé l’inscription du principe de stabilité relative. C’est une anecdote que je me permets de souligner, l’essentiel étant que dans notre rapport nous demandons un rapport pour évaluer les différentes positions sur ce point en prenant en compte que la situation n’est pas tenable et qu’il faudra à terme des négociations sur ce sujet.

Mme Liliana Tanguy. Effectivement, il faut se poser la question de la politique européenne de la pêche, mais je pense qu’avant tout il faut trouver un bon accord qui soit équilibré et juste. Je voudrais rappeler que le secteur de la pêche ne doit pas être une variable d’ajustement dans les négociations : il doit s’inscrire dans l’accord global. Il s’agit d’un leitmotiv de la position française et européenne que tous nos pêcheurs approuvent.

M. Jean Pierre Pont, rapporteur. Nous sommes tous pour qu’il y ait un bon accord sur la pêche, qui permette notamment une pêche durable.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Concernant les divisions intracommunautaires potentielles, je trouve la proposition de Pierre-Henri Dumont intéressante d’aller au-delà des négociations européennes et d’impliquer des pays comme la Norvège, l’Islande et les îles Féroé. Je pense qu’il faut aller dans cette direction.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. En effet c’est important d’avoir cette approche continentale parce que la ressource remonte et, à partir de ce moment-là, il est nécessaire d’impliquer des pays comme l’Islande, la Norvège, les îles Féroé et le Royaume‑Uni. Imaginer des politiques de quotas ou de gestion des ressources halieutiques sans y associer ces pays serait une erreur fondamentale et mettrait en partie à terre les efforts des pêcheurs européens faits depuis une dizaine d’années.

La commission a autorisé la publication du présent rapport.

 

 

 


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annexes


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   annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs

 

 

 


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   Annexe n° 2 : liste des propositions

1.   Garantir un accord de pêche complet et sécurisant avec le Royaume-Uni

Proposition 1. La priorité doit continuer à être donnée à la pêche dans le cadre des négociations du Brexit, via un accord complet, offrant une triple garantie : un accès aux eaux britanniques pour les pêcheurs européens ; un accès à la ressource présente dans ces eaux, garanti par une absence de concurrence déloyale passant par une équité dans les « mesures techniques » ; un accès réciproque aux marchés des deux parties.

Proposition 2. La gestion des stocks, en particulier partagés, entre le Royaume-Uni et l’Union européenne doit se faire sur une base pluriannuelle, afin d’offrir une garantie et une stabilité aux pêcheurs européens.

Proposition 3. Dans le nouveau système de relations de pêche entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, les propositions de gestion, les négociations et les décisions devront être faites de manière transparente, notamment avec la participation de toutes les parties prenantes : industrie, organisations de la société civile, et autres parties intéressées.

Proposition 4. L’accord de pêche doit garantir le respect du rendement maximal durable de la part de l’Union européenne et du Royaume-Uni.

Proposition 5. Les Etats côtiers devraient fixer des standards explicites pour les recommandations scientifiques à partir desquelles les décisions seront prises, en utilisant les meilleures recommandations disponibles, comme celles du CIEM.

2.   Accroître l’anticipation pour armer la pêche européenne face au Brexit

Proposition 6. L’utilisation du FEAMP et les conditions d’obtention de l’indemnisation d’arrêt d’activité au niveau européen doivent être flexibilisées au maximum en prévision du Brexit. Le FEAMP post-2020 devra impérativement contenir des dispositifs de soutien assortis de financements conséquents.

Proposition 7. L’Union européenne doit définir, avant la fin des négociations, un « plan stratégique pour l’avenir de la pêche européenne », qui devra notamment déterminer des marchés de substitution en cas de barrières douanières trop importantes avec le Royaume-Uni.

Proposition 8. En France, l’Etat doit mettre en œuvre de nouveaux outils pour inciter à la diversification des pêches françaises afin de la réorienter vers des espèces aujourd’hui sous-exploitées.

Proposition 9. La régulation de l’effort de pêche sur les zones potentiellement touchées par le Brexit doit constituer une priorité de l’Etat et les Comités régionaux des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM) concernés.

Proposition 10. Les « travaux pratiques » et « stress tests » doivent être multipliés et donner lieu à des rapports publics permettant d’évaluer l’état de préparation de l’ensemble de la filière de la pêche.

Proposition 11. L’Etat doit inciter les entreprises du mareyage, de la transformation et de la distribution à anticiper les éventuels droits de douane et quotas d’importation.

Proposition 12. Les criées françaises et européennes doivent s’organiser pour faire face à une situation qui les met en danger, en :

-         créant des structures inter-criées, notamment pour mutualiser les « cellules commerciales » ;

-         développant de plus fortes coopérations entre criées européennes ; 

-         organisant des tests de marché d’espèces sous-valorisées, avec une communication ciblée sur certaines espèces (bulot, pétoncle, crépidules…) ;

-         harmonisant la gouvernance et le fonctionnement (tri, vente) entre criées, en particulier régionalement ;

-         organisant l’accueil de navires britanniques dans les criées françaises avec un poste douanier.

Proposition 13. Il faut mettre à profit les mois restant jusqu’au 31 décembre 2020 pour :

-         travailler sur la systématisation et la réduction du temps des inspections ;

-         s’assurer que la dématérialisation soit intégralement opérationnelle d’ici fin 2020 ;

-         garantir une fluidité dans la transmission d’informations entre le système TRACES et le système Delta du service des douanes et des droits indirects, pour éviter les difficultés de coordination dans les contrôles.

3.   Rénover la politique commune des pêches pour éviter un nouveau Brexit

Proposition 14. Il faut introduire progressivement mais urgemment une programmation pluriannuelle des totaux admissibles de captures. Cette pluri-annualité ne s’opposerait pas à des ajustements annuels, si la situation d’un stock peut le justifier.

Proposition 15. Il faut entamer des discussions au sein de l’Union européenne et avec le Royaume-Uni pour mettre fin au principe ancien de « stabilité relative » pour entrer dans un nouveau système de répartition des quotas, basé sur une répartition plus actualisée, plus juste et plus respectueuse de la ressource. Ce nouveau système doit être assorti d’une clause de réévaluation régulière du schéma de répartition des quotas et doit être soumis à la conclusion effective d’un accord avec le Royaume-Uni.

Proposition 16. A plus long terme, il faut penser une « politique européenne de la pêche », plus ouverte aux accords plurilatéraux.

    


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   annexe n° 3 :
principales références bibliographiques

1.   Documents des institutions européennes

2.   Documents des autorités britanniques 

3.   Rapports administratifs français

4.   Documents produits par des organisations professionnelles

5.   Articles de presse

6.   Articles scientifiques


([1])  L’Union a une compétence exclusive pour la gestion des pêcheries en vertu de l'article 38 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Une fois le Brexit acté, le Royaume-Uni se retire du traité et donc de la PCP.

([2]) Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Montego Bay, 10 décembre 1982.

([3])  Departement for Environment, Food and Rural Affairs, « Sustainable fisheries for future generations », juillet 2018 (p. 8).

([4])  https://ec.europa.eu/fisheries/documentation/eu_fisheries_key_facts_fr

([5]) House of Lords, European Union Committee, « Brexit: fisheries », décembre 2016 (p. 6).

([6]) New Economics Foundation, « Not in the same boat. The economic impact of Brexit across UK fishing fleets »

([7]) À l’exception des eaux territoriales, c’est-à-dire jusqu’à 12 milles marins de la côte.

([8]) Expression de la Scottish Fishermen’s Federation, in: House of Lords, European Union Committee, Brexit: fisheries », décembre 2016 (p. 12).

([9]) Communication du Conseil, « Déclaration politique fixant le cadre des relations futures entre l’Union européenne et le Royaume-Uni », 2020/C 34/01, 31 janvier 2020 (deuxième partie, XII).

([10])  Les thèmes de ces tables de discussion sont : le commerce des biens, le commerce des services et l’investissement, la pêche, le « level playing field » pour une concurrence ouverte et loyale, les transports, la coopération en matière de police, énergie, coordination de la sécurité sociale, mobilité, participation aux programmes européens, gouvernance et accords horizontaux.

([11])  Commission européenne, Task Force for Relations with the United Kingdom, « Draft text of the Agreement on the New Partnership with the United Kingdom », 18 mars 2020, UKTF (2020) 14.

([12])   https://www.gov.uk/government/publications/our-approach-to-the-future-relationship-with-the-eu?utm_source=987e7f2a-ddf3-41ef-bb3c-d06b80493019&utm_medium=email&utm_campaign=govuk-notifications&utm_content=immediate

([13])   https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/statement_20_739

([14])   https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/speech_20_895

([15])   https://brexit.hypotheses.org/4615

([16])  Commission européenne, Task Force for Relations with the United Kingdom, UKTF(2020)3060790.

([17])  https://no10media.blog.gov.uk/2020/06/05/david-frosts-statement-following-the-conclusion-of-round-4-negotiations-with-the-eu/

([18]) Le stock halieutique est défini par l’IFREMER comme la partie exploitable d’une population d’une espèce dans une zone géographique donnée. Le stock ne comprend donc pas les œufs, larves, juvéniles qui n’ont pas la taille nécessaire pour être capturés sans porter atteinte au renouvellement de ce stock.

([19]) Considérant numéro 40 de la directive du 17 juin 2008.

([20]) La PCP est régie, pour la période 2014-2020, par le règlement européen 1380/2013 du 11 décembre 2013.

([21])  House of Lords, European Union Committee, « Brexit : fisheries », décembre 2016 (p. 8).

([22]) http://www.greenpeace.org.uk/media/press-releases/greenpeace-seeks-legal-action-over-unfair-fishingquota-20150126

([23])  Lafon, Jérôme et Petetin, Ludivine, « Brexit : quelles conséquences agricoles et halieutiques ? », in : Abis, Sébastien et al., Le Déméter 2020 (page 131). Ce système a été modifié récemment pour garantir une équité plus importante.

([24])  Appleby, T., Benyon, R., Bradshaw, B., Esteban, A., Fanshawe, S., Forster, R., Luk, S., O’Leary, B., Rosello, M., Sauven, J., Stewart, B., Webb, T., Wood, H. « British fishermen and their future in the EU ». The Times, 6 mai 2016 http://www.thetimes.co.uk/article/british-fishermen-and-their-future-in-the-eu-hp5wxx3x2 (traduction libre).

([25])  New Economics Foundation, « Not in the same boat. The economic impact of Brexit across UK fishing fleets ».

([26]) Définies comme la zone des 0–12 milles marins au large de la ligne de base de la côte.

([27]) http://ec.europa.eu/fisheries/cfp/fishing_rules/access-to-waters_en  

([28]) Règlement (UE) n° 227/2013 du Parlement européen et du Conseil du 13 mars 2013 modifiant le règlement (CE) n 850/98 du Conseil visant à la conservation des ressources de pêche par le biais de mesures techniques de protection des juvéniles d’organismes marins et le règlement (CE) n° 1434/98 du Conseil spécifiant les conditions dans lesquelles le hareng peut être débarqué à des fins industrielles autres que la consommation humaine directe.

([29]) House of Lords, European Union Committee, « Brexit: fisheries », décembre 2016 (p. 12).

([30])  Accord aux fins de l’application des dispositions de la convention des Nations-Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s’effectuent tant à l’intérieur qu’au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs.

([31]) « Draft working text for a fisheries framework agreement between the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland and the European Union, 19 mai 2020 (article 11).

([32])  http://data.parliament.uk/writtenevidence/committeeevidence.svc/evidencedocument/eu-energy-and-environment-subcommittee/brexit-fisheries/written/38493.html#_ftnref5

([33])  Pétoncle royal, Pétoncle royal, Crabe brun, Homard européen, Homard épineux, Crabe araignée, Seiche, Calmars, Saint-Pierre, Rouget, Pilchard, Anchois, Sole de sable, Rousset tacheté, Lévrier et Tope. Confer : http://data.parliament.uk/writtenevidence/committeeevidence.svc/evidencedocument/eu-energy-and-environment-subcommittee/brexit-fisheries/written/38493.html#_ftnref5

([34]) Commission européenne, communication aux parties prenantes, « Retrait du Royaume-Uni et règles de l’UE en matière de pêche et d’aquaculture », 9 avril 2018 (p. 2)

([35]) Citation du Professor Robin Churchill (University of Dundee), in : House of Lords, European Union Committee, « Brexit: fisheries », décembre 2016 (p. 15)

([36]) Réponse de M. Vidar Landmark, Directeur général du Département des pêches et de l'aquaculture du ministère norvégien du commerce, de l'industrie et de la pêche, au questionnaire de la Chambre des Lords, in : House of Lords, European Union Committee, « Brexit: fisheries », décembre 2016 (p. 16).

([37]) House of Lords, European Union Committee, « Brexit: fisheries », décembre 2016 (p. 29).

([38])  http://www.eureferendum.com/documents/fishinggreenpaper.pdf (p. 6).

([39])  New Economics Foundation, « Not in the same boat. The economic impact of Brexit across UK fishing fleets ».

([40]) Révisant le « Merchant Shipping Act » de 1894.

([41]) Cour de justice des communautés européennes, 25 juillet 1991, The Queen contre Secretary of State for Transport, ex parte Factortame Ltd et autres, affaire C-221/89.

([42]) « L’argument, souvent avancé par les partisans du Brexit, de ne plus vouloir être soumis à une juridiction européenne trouve donc une de ses origines dans le secteur de la pêche », cf. Lafon, Jérôme et Petetin, Ludivine, « Brexit : quelles conséquences agricoles et halieutiques ? », in : Abis, Sébastien et al., Le Déméter 2020 (p. 132).

([43]) Articles 49 à 55 TFUE.

([44]) Lafon, Jérôme et Petetin, Ludivine, « Brexit : quelles conséquences agricoles et halieutiques ? », in : Abis, Sébastien et al., Le Déméter 2020.  

([45]) Parlement européen, Recherche pour la commission PECH, « Politique commune de la pêche et BREXIT », 2017.

([46]) Conseil économique, social et environnement, « La filière pêche française face au Brexit », juin 2019 (p. 4).

([47]) Données issues du JRC. Ces données sont cohérentes avec celles disponibles dans la base de données nationale française SACROIS, selon lesquelles les captures françaises dans les eaux britanniques s’élevaient en 2018 à 97 300 tonnes.

([48])  Fernandez, Paul G. ; Stewart, Bryce, « Fact Check: is 80 % of UK fish given away to the rest of Europe? », The Conversation, 14 avril 2016.

([49]) Nigel Farage, leader du parti UKIP, a ainsi déclaré en avril 2015 : « du fait de l’adhésion à la politique commune de la pêche, nous sommes désormais autorisés à pêcher moins de 20 % des poissons qui nagent dans les eaux britanniques. Les 80 % restants que nous avons donnés au reste de l'Europe » https://www.bbc.com/news/election-2015-32220052  

([50]) « Les pourcentages entre parenthèses font référence à la proportion du quota total reçu par le Royaume-Uni dans chaque région. Les chiffres sur chaque barre font référence au pourcentage du quota de l’Union européenne attribué au Royaume-Uni. Le maquereau de l'ouest de l'Écosse est hors de l'échelle, car le quota de l'UE dépassait 420 000 tonnes » (note méthodologique des auteurs).

([51]) IFREMER, note interne, mars 2020.

([52]) http://www.ices.dk/sites/pub/Publication%20Reports/Advice/2017/Special_requests/eu.2017.05.pdf  

([53]) Par exemple une pêche intensive dans le sud de la Mer du Nord induira aussi des taux d’abondance observée plus faibles.

([54]) http://data.parliament.uk/writtenevidence/committeeevidence.svc/evidencedocument/eu-energy-and-environment-subcommittee/brexit-fisheries/written/38504.html  

([55]) Les analyses historiques sont issues de : Lafon, Jérôme et Petetin, Ludivine, « Brexit : quelles conséquences agricoles et halieutiques ? », in : Abis, Sébastien et al, Le Déméter 2020 (p. 131).

([56])  European Market observatory for fisheries and aquaculture products (EUMOFA), « UK in the world and in the EU », 2018.

([57])  https://www.instituteforgovernment.org.uk/explainers/common-fisheries-policy

([58]) https://www.parliament.uk/site-information/glossary/devolved-and-reserved-matters/  

([59])  House of Lords, European Union Committee, « Brexit: fisheries », décembre 2016 (p. 6).

([60])  Parlement européen, Recherche pour la commission PECH, « Politique commune de la pêche et BREXIT », 2017.

([61]) New Economics Foundation, « Not in the same boat. The economic impact of Brexit across UK fishing fleets ».

([62])  Lafon, Jérôme et Petetin, Ludivine, « Brexit : quelles conséquences agricoles et halieutiques ? », in : Abis, Sébastien et al., Le Déméter 2020 (p. 131).

([63])  Lafon, Jérôme et Petetin, Ludivine, op. cit. (p. 135).

([64])  University of Aberdeen, « Survey finds 92 per cent of UK fishermen will vote to leave the EU », 2016. https://www.abdn.ac.uk/news/9282/

([65]) New Economics Foundation, « Not in the same boat. The economic impact of Brexit across UK fishing fleets ».

([66])  Lafon, Jérôme et Petetin, Ludivine, « Brexit : quelles conséquences agricoles et halieutiques ? », in : Abis, Sébastien et al., Le Déméter 2020 (p. 135).

([67])  HAM : « halles à marées ».

([68]) Mission de l’Association des Directeurs et Responsables de Halles à marée de France, « Impact du Brexit sur les criées françaises », mai 2019.

([69]) Union du mareyage français, « Caractérisation des enjeux du Brexit pour le mareyage français », avril 2018.

([70])  Communication du Conseil, « Déclaration politique fixant le cadre des relations futures entre l’Union européenne et le Royaume-Uni », 2020/C 34/01, 31 janvier 2020 (deuxième partie, XII).  

([71]) Departement for Environment, Food and Rural Affairs, « Sustainable fisheries for future generations », juillet 2018 (p. 10).

([72]) Pour un historique et une définition de la notion du rendement maximal durable, confer : rapport d’information de MM. Jean-Pierre PONT et Didier QUENTIN sur une pêche durable pour l’Union européenne, déposé par la commission des Affaires européennes, juillet 2019 (pages 20-23).

([73]) Article 61(1) : « lorsqu’un même stock de poissons ou de stocks d’espèces associées se trouvent dans les zones économiques exclusives de plusieurs États côtiers, ces États s’efforcent, directement ou par l’intermédiaire des organisations sous-régionales ou régionales appropriées, de s’entendre sur les mesures nécessaires pour coordonner et assurer la conservation et le développement de ces stocks, sans préjudice des autres dispositions de la présente partie ».  

([74])  Marine Management Organisation, « UK Sea Fisheries Statistics 2018 » (p. 91 à 108).

([75]) Morue mer du Nord ; Morue ouest de la mer d’Ecosse ; morue mer d’Irlande ; morue mer celtique ; aiglefin mer du Nord, Skagerrak et ouest Ecosse ; plie mer du Nord ; plie mer d’Irlande ; sole mer du Nord ; sole mer d’Irlande ; sole Manche Est ; sole Manche Ouest ; hareng mer du Nord et maquereau Atlantique Nord-Est.

([76])  Carpenter, G. & Kleinjans, R., « Landing the blame: Overfishing in EU waters 2001-2015. » New Economics Foundation. http://www.neweconomics.org/publications/entry/landing-the-blame

([77])  Carpenter, G. & Kleinjans, R., op. cit.

([78]) Hardin, Garrett, « The Tragedy of the Commons », Science, vol. 162, no 3859,‎ 13 décembre 1968, p. 1243‑1248.

([79]) Rapport d’information de MM. Jean-Pierre PONT et Didier QUENTIN sur une pêche durable pour l’Union européenne, déposé par la commission des Affaires européennes, juillet 2019 (p. 12-13).

([80]) « Les plus petits poissons observés (âge 0, nés dans l’année) se trouvent plutôt le long des côtes hollandaises et danoises (carte en haut à droite), où ils passent aussi le premier hiver (carte au milieu à gauche). À la fin de leur premier été, encore juvéniles d’un an, ils sont encore majoritairement situés dans cette zone (carte au milieu à droite), mais commencent à être observés de l’autre côté de la Mer du Nord. Enfin, dès l’âge adulte (âge 2 et plus), ils sont majoritairement dans les eaux britanniques, surtout pendant l’été (carte en bas à droite) où ils se nourrissent le long des côtes écossaises. C’est là qu’ils sont le plus pêchés. » (IFREMER, note interne, mars 2020).

([81])  Depalle et al. (en révision). Accounting for fleet heterogeneity in estimating the impacts of large-scale fishery closures. Marine Resource Economics.

([82]) Hors Manche Est et Mer du Nord.

([83]) Informations issues de l’audition de Mme Clara Ulrich, présidente du CSTEP.

([84])  Il faut toutefois précise que, dans le cas des domaines spécifiques intéressant l’IFREMER, le taux de retour est positif, indiquant une bonne performance française dans les domaines concernant l’IFREMER.

([85]) Centre for Environment, Fisheries and Aquaculture Science.

([86]) https://ec.europa.eu/fisheries/cfp/fishing_rules/data_collection_fr  

([87]) Departement for Environment, Food and Rural Affairs, « Sustainable fisheries for future generations », juillet 2018.

([88]) https://www.gov.uk/government/publications/our-approach-to-the-future-relationship-with-the-eu?utm_source=bb41700f-fc08-4e99-8a7d-17c6ff46fd69&utm_medium=email&utm_campaign=govuk-notifications&utm_content=immediate

([89]) http://bit.ly/3e1GY6R 

([90])  Departement for Environment, Food and Rural Affairs, op.cit (p. 17).

([91])  « The Future Relationship with the EU. The UK’s Approach to Negotiations » (p.19).

([92])  « The Future Relationship with the EU. The UK’s Approach to Negotiations » (p. 19).

([93]) « Draft working text for a fisheries framework agreement between the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland and the European Union », 19 mai 2020 (article 2).

([94]) « Draft working text for a fisheries framework agreement between the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland and the European Union », 19 mai 2020 (article 3).

([95]) « Draft working text for a fisheries framework agreement between the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland and the European Union », 19 mai 2020 (article 5).

([96]) « Draft working text for a fisheries framework agreement between the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland and the European Union », 19 mai 2020 (article 12, point 4).

([97])  « The Future Relationship with the EU. The UK’s Approach to Negotiations » (p. 20).

([98])  Departement for Environment, Food and Rural Affairs, « Sustainable fisheries for future generations », juillet 2018 (p. 9).

([99])  « The Future Relationship with the EU. The UK’s Approach to Negotiations » (p. 19).

([100])  Departement for Environment, Food and Rural Affairs, « Sustainable fisheries for future generations », juillet 2018 (p. 12).

([101])  Parlement européen, Recherche pour la commission PECH, « Politique commune de la pêche et BREXIT », 2017 (p. 127).

([102])  Departement for Environment, Food and Rural Affairs, « Sustainable fisheries for future generations », juillet 2018 (page 10). Pour ce qui concerne l’approche écosystémique, se référer au rapport d’information de MM. Jean-Pierre PONT et Didier QUENTIN sur une pêche durable pour l’Union européenne, déposé par la commission des Affaires européennes, juillet 2019 (p. 74 et suivantes).

([103])  Departement for Environment, Food and Rural Affairs, op.cit (p. 25).

([104])  « Draft working text for a fisheries framework agreement between the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland and the European Union, 19 mai 2020 : « desiring to the continued sustainable and rational management of the fish stocks of the waters adjacent to their coast ».

([105])  Departement for Environment, Food and Rural Affairs, op.cit (p. 30).

([106])  Departement for Environment, Food and Rural Affairs, op.cit (p. 12).

([107])  https://services.parliament.uk/bills/2019-21/fisheries.html

([108])  Departement for Environment, Food and Rural Affairs, op.cit (p. 16).

([109])  Departement for Environment, Food and Rural Affairs, op.cit (p. 19).

([110])  Commission européenne, Task Force for Relations with the United Kingdom, « Draft text of the Agreement on the New Partnership with the United Kingdom », 18 mars 2020, UKTF (2020) 14 (titre V, p. 93 et suivantes).

([111])  Article FISH.5, paragraphe 2.

([112]) Parlement européen, Commission « pêche », avis à l’intention de la commission des Affaires étrangères et la commission du Commerce international sur les recommandations en vue d’un nouveau partenariat avec le Royaume-Uni de Grande Bretagne et l’Irlande du Nord (2020/2023(INI)).

([113]) Pour la première fois, en mer Celtique, le Conseil des ministres européens de la pêche de décembre 2019 a défini des mesures techniques impactant l’ensemble des chalutiers, par la mise en place du dispositif dit « raised fishing line » en mer Celtique à partir du 1er juin 2020 pour les navires capturant plus de 20 % d’églefin.

([114]) House of Lords, European Union Committee, « Brexit : fisheries », décembre 2016 (p. 35).

([115])Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) n° 508/2014 en ce qui concerne certaines règles relatives au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche en raison du retrait du Royaume-Uni de l'Union (COM(2019) 48 final).

([116]) Ce qui est le cas pour la France.

([117]) Règlement européen 2017/2403 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 relatif à la gestion durable des flottes de pêche externes et abrogeant le règlement n°1006/2008 du Conseil.

([118]) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2017/2403 en ce qui concerne les autorisations de pêche pour les navires de pêche de l’Union dans les eaux du Royaume‑Uni et les opérations de pêche des navires de pêche du Royaume-Uni dans les eaux de l’Union.

([119]) Commission européenne, communication aux parties prenantes, « Retrait du Royaume-Uni et règles de l’UE en matière de pêche et d’aquaculture », 9 avril 2018 (p. 2).

([120]) Lafon, Jérôme et Petetin, Ludivine, « Brexit : quelles conséquences agricoles et halieutiques ? », in : Abis, Sébastien et al., Le Déméter 2020 (p. 136).

([121]) www.brexit.gouv.fr

([122]) http://agriculture.gouv.fr/brexit

([123]) Mission de l’Association des Directeurs de Halles à la marée françaises, « Impact du Brexit sur les criées françaises », mai 2019.  

([124]) Décision 2003/623/CE concernant le développement d’un système informatique vétérinaire intégré dénommé Traces.

([125]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=LEGISSUM:f84009&from=FR

([126]) Par l’entrée en vigueur du règlement 2019/1714, le « document sanitaire commun d’entrée » remplace à la fois le « document commun d’entrée » et le « document vétérinaire commun d’entrée » à partir de décembre 2019. 

([127]) « Dédouanement en ligne par traitement automatisé ».

([128])  House of Lords, European Union Committee, « Brexit : fisheries », décembre 2016 (p. 11).

([129]) https://ffl.org.uk/  

([130])  Lafon, Jérôme et Petetin, Ludivine, « Brexit : quelles conséquences agricoles et halieutiques ? », in : Abis, Sébastien et al., Le Déméter 2020 (p. 134).

([131])  Pour des propositions détaillées, confer : Rapport d’information de la commission des Affaires européennes sur une pêche durable pour l’Union européenne, présenté par MM. Jean-Pierre Pont et Didier Quentin, juillet 2019 (p. 12 à 20).

([132]) House of Lords, European Union Committee, « Brexit : fisheries », décembre 2016 (p. 35).

([133]) New Economic Foundation, 2016.

http://data.parliament.uk/writtenevidence/committeeevidence.svc/evidencedocument/eu-energy-and-environment-subcommittee/brexit-fisheries/written/38504.html  

([134])Fernandez, Paul G. ; Stewart, Bryce, « Fact Check: is 80 % of UK fish given away to the rest of Europe? », The Conversation, 14 avril 2016.

([135]) http://data.parliament.uk/writtenevidence/committeeevidence.svc/evidencedocument/eu-energy-and-environment-subcommittee/brexit-fisheries/written/38675.html  

([136]) Banque mondiale, « Trade in Fishin Services. Emerging Perspectives on Foreign Fishing Arrangements » (p. 115).

([137]) Un accord sur une nouvelle clé de répartition avait été défini le 12 mars 2014 entre l’Islande, la Norvège, l’Union européenne et les Iles Féroé.

([138]) https://ec.europa.eu/fisheries/cfp/international/agreements/norway_en  

([139])  House of Lords, European Union Committee, « Brexit : fisheries », décembre 2016 (p. 51).

([140]) http://data.parliament.uk/writtenevidence/committeeevidence.svc/evidencedocument/eu-energy-and-environment-subcommittee/brexit-fisheries/oral/38445.html  

([141])  Young, R.. « How Norway’s relationship with the EU has split views ». BBC News, 15 juin 2016 http://www.bbc.co.uk/news/business-36527069

([142])  Young, R.. « How Norway’s relationship with the EU has split views ». BBC News, 15 juin 2016 http://www.bbc.co.uk/news/business-36527069

([143])  « Draft working text for a fisheries framework agreement between the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland and the European Union, 19 mai 2020 : « Rocognising the need for close co-operation and co-ordination with the Kingdom of Norway, the Faroe Islands and other coastal states, including within the framework of the Parties’ respective bilateral relationships, particularly in relation to stocks (including stocks of associated species) occurring both within the waters of either or both the Parties to this Agreement and within the waters of the Kingdom of Norway or the Faroe Islands ».