N° 3088

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 juin 2020

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

 

portant restitution des travaux de la commission de la défense nationale et des forces armées sur l’impact, la gestion et les conséquences de la pandémie Covid-19

 

Mme FRANÇOISE DUMAS

 

Présidente

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SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. Les armÉes mobilisÉes dans la lutte contre l’ÉPIDÉmie de COVID-19

A. L’engagement de moyens exceptionnels dÈs le dÉbut de la crise

1. Le rapatriement des Français depuis la Chine

2. L’appui aux régions les plus touchées par de premiers transferts de patients et le déploiement d’un hôpital de campagne

3. Le rôle du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale

B. LopÉration RÉsilience

1. Une opération dédiée pour coordonner l’action des armées

2. Des contributions « tous azimuts »

3. Le volet industriel de la lutte contre l’épidémie

C. Les premiers enseignements de l’opÉration RÉsilience

1. La réaffirmation du cadre d’intervention des forces sur le territoire national, au profit du renforcement de la résilience de la Nation.

2. La nécessaire remontée en puissance du service de santé des armées

II. Les armÉes touchÉes par l’ÉPIDÉmie de Coronavirus

A. Les militaires n’ont pas été ÉpargnÉs par la maladie

1. « Tout le monde est concerné »

2. Le cas emblématique du groupe aéronaval

B. Les rÉpercussions de l’ÉPIDÉmie sur le moral et les familles

1. Décalage des relèves, quatorzaines et confinement

2. Un accompagnement nécessaire des personnels et de leurs familles

III. Les armÉes toujours engagÉes au quotidien

A. Sur le territoire national

1. La poursuite des missions permanentes

2. Sentinelle, la permanence de la lutte contre le terrorisme

3. Harpie, la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane

B. En opÉrations extÉrieures

1. Barkhane, dans la continuité du Sommet de Pau

2. Chammal, un format réduit et des interrogations sur la coalition

C. Les opÉrations multilatÉrales

1. Le niveau européen

2. Le niveau onusien

3. Le niveau otanien

D. Un point de vigilance : la prÉparation opÉrationnelle

1. Face à l’exigence de préparer les futurs engagements, le risque d’un creusement de la dette organique

2. Le plan de remontée en puissance progressive de l’activité du ministère des Armées

IV. Les armÉes au cœur du plan de relance

A. Le besoin d’accentuer l’effort vers un modÈle d’armÉe complet

1. Un « monde d’après » plus instable et dangereux

2. Les armées, actrices centrales de la résilience de la Nation

B. Une BITD en souffrance

1. La BITD est encore fortement perturbée par la crise

a. La BITD est encore fortement perturbée par la crise sanitaire

i. L’arrêt de la production a été brutal et son redémarrage reste timide

ii. Sous l’effet du confinement, les activités poursuivies par la BITD ont été limitées au strict minimum vital à court terme

b. Une double crise, de l’offre et de la demande

i. Une crise de l’offre pour les activités militaires françaises

ii. Une crise de la demande pour les entreprises duales, particulièrement dramatique dans l’aéronautique

2. Un devoir de vigilance pour protéger les intérêts souverains

a. Au début de la crise, l’industrie de défense n’a pas été clairement désignée comme « essentielle »

b. Dans la phase actuelle de la crise, l’industrie de défense mérite un traitement cohérent avec les enjeux de souveraineté qui s’y attachent

i. Protéger les PME fragilisées des prises de contrôle prédatrices

ii. Soutenir aujourd’hui la BITD pour parer éviter son déclassement demain et son déclin après-demain

C. Poursuivre l’effort financier de dÉfense

1. Ne pas piéger notre effort de défense en faisant un totem des « deux pour cent »

a. Dans le texte, la programmation militaire est orientée par l’objectif de porter les dépenses militaires à 2 % du produit intérieur brut en 2025

b. C’est l’esprit, et non la lettre, de la programmation militaire qu’il convient de retenir pour guider l’évolution des dépenses militaires

2. Contre une actualisation « à la baisse » de la programmation militaire

a. Dès à présent, il serait dangereux que la programmation militaire soit exécutée ou actualisée au rabais

b. À moyen et long termes, la viabilité de notre BITD dépend de l’investissement programmé dans la modernisation de l’armement

3. La BITD, un canal de relance économique plus efficace et plus rapide que d’autres

a. Primum non nocere

b. La BITD a déjà premier atout : elle existe

c. L’industrie de défense est un foyer d’innovations technologiques qui irriguent ensuite le reste de l’économie

d. Un effet de « multiplicateur budgétaire » particulièrement élevé

V. L’impact de la crise ÉPIDÉmique sur le lien entre la Nation et son armÉe

A. La question mÉmorielle

B. Les dispositifs en faveur de la jeunesse

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexe

annexe  1 : Liste des personnes auditionnÉes par LA COMMISSION PAr ordre chronologique


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   introduction

Dès l’annonce des mesures de confinement, la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale a décidé, lors de sa réunion du 17 mars 2020, d’aménager l’activité parlementaire. Elle a procédé dans le même temps à la création d’une mission d’information sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus-Covid 19, présidée par M. Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale, qui a rendu ses conclusions le mercredi 3 juin 2020. Les Présidents des huit commissions permanentes de l’Assemblée nationale en étaient les co-rapporteurs.

Dans ce contexte, la commission de la Défense nationale et des forces armées a adapté ses modalités de travail afin de maintenir son activité constitutionnelle de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques. La poursuite de ses travaux lui était rendue d’autant plus nécessaire que les forces et, plus largement, la communauté nationale de défense, ont été fortement mobilisées dans la lutte contre la propagation de l’épidémie – dès avant le lancement de l’opération Résilience – et que leur engagement est demeuré total, sur le territoire national comme en opérations extérieures. En outre, la commission se devait de suivre l’impact de l’épidémie sur les personnels militaires et civils du ministère des Armées et sur leurs familles, et de veiller à la prise en compte de ses conséquences sur l’écosystème de défense. En effet, les entreprises de la base industrielle et technologiques de défense (BITD) sont, pour beaucoup, fortement touchées par la diminution de leur activité, et préoccupées par les éventuels risques que la crise économique, qui accompagne la crise sanitaire, fait peser sur les programmes d’armement en cours et à venir. Malgré l’impact de la crise et des mesures de confinement prises pour l’endiguer, elles se sont toutefois mises en ordre de bataille afin d’assurer la permanence des opérations de maintenance nécessaires à la poursuite des opérations sur le territoire national comme en OPEX.

La présidente de la commission s’est d’abord entretenue en audioconférence avec plusieurs hauts responsables militaires et civils du ministère et les dirigeants des principaux groupes industriels de la BITD. Le Bureau de la commission a été régulièrement informé de ces entretiens.

Dans un second temps, la commission a engagé, à compter du 17 avril 2020, un ambitieux programme d’auditions -18 au total du 17 avril au 4 juin- conduites en visioconférence[1]. Après une première audition de la ministre et de la secrétaire d’État, la commission a ainsi entendu le chef d’état-major des armées, les chefs d’état-major d’armées, la directrice centrale du service de santé des armées, les représentants des groupements industriels de la défense, la secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale, le directeur général de la gendarmerie nationale, la directrice générale des relations internationales et de la stratégie, le directeur général de l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information, la secrétaire générale pour l’administration, le directeur général de l’Agence de l’innovation de défense ainsi que divers acteurs de terrain à l’occasion de tables rondes organisées sur la mise en œuvre de l’opération Résilience.

En outre, les missions d’information constituées par la commission avant l’entrée en vigueur des mesures de confinement ont poursuivi leurs travaux, dans un cadre adapté aux règles établies tant par le Gouvernement que par les instances décisionnaires de l’Assemblée nationale :

- la mission d’information sur l’évaluation de la loi renseignement, commune avec la commission des Lois, a rendu ses conclusions le 9 juin dernier ;

- les missions d’information sur les systèmes d’armes létaux autonomes et sur la politique d’achats du ministère des Armées en petits équipements ont, quant à elles, prévu de présenter leurs travaux en juillet 2020.

Soucieuse de mieux mesurer l’impact de la crise que traverse notre pays sur l’écosystème de défense et de garantir que la Défense figure au cœur du « plan de relance » annoncé par le Gouvernement, la commission a décidé de constituer de nouvelles missions d’information flash -sur les hélicoptères des armées, sur les relations civilo-militaires, sur l’industrie de défense- qui lui permettront notamment de contribuer davantage encore aux réflexions engagées au sein du ministère en vue de la prochaine actualisation de la loi de programmation militaire.

Dans ce contexte, le présent rapport, qui ne prétend pas à l’exhaustivité, fait état des principaux constats et points d’attention relevés par la commission quant à la contribution de la Défense à la lutte contre l’épidémie et à l’impact des crises sanitaire et économique sur les armées et l’écosystème de défense :

- les armées ont été fortement mobilisées dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19, et ce dès avant le lancement par le président de la République de l’opération Résilience, le 25 mars 2020. Cette contribution tous azimuts, en métropole comme outre-mer, a mis en lumière l’impérieuse nécessité de conforter la résilience du pays, et de poursuivre la remontée en puissance du modèle national d’armée. Elle a aussi reposé sur l’engagement des acteurs industriels, en lien avec la direction générale de l’armement (DGA) et l’Agence de l’innovation de défense (AID), qui a permis d’apporter des réponses innovantes à la crise. Des premiers constats ont été établis par la commission, visant notamment à conforter le service de santé des armées et à approfondir les relations entre les forces et les autorités civiles sur les territoires ;

- les armées ont été elles-mêmes touchées par l’épidémie, ce qui n’est pas sans conséquence sur la préparation opérationnelle, la conduite des opérations ou encore le moral des militaires. D’abord, des militaires eux-mêmes sont tombés malades. Au-delà du cas emblématique du groupe aéronaval, des personnels ont été atteints par le virus en opérations extérieures comme sur le territoire national. En outre, les mesures de confinement ont pesé sur le moral des militaires et de leurs familles – mise en place de quatorzaines en amont et en aval d’un engagement opérationnel, décalage des relèves – et les incertitudes quant à l’évolution de la situation épidémique sont également sources d’inquiétudes à l’approche du plan annuel de mutation (PAM) ;

- les armées maintiennent leur engagement au quotidien, tant sur le territoire national – missions permanentes et opérations Sentinelle, Harpie ou Titan – qu’en opérations extérieures, essentiellement au Sahel et au Levant. La continuité de l’engagement des forces est un gage de crédibilité, alors que les menaces et l’instabilité de la situation stratégique n’ont pas faibli. Dans ce contexte, il convient de garantir que les armées continueront de disposer des moyens d’intervenir, ce qui impose de continuer à recruter et à former les jeunes, de conserver un niveau de préparation opérationnelle satisfaisant et de veiller à la poursuivre des activités de maintien en condition opérationnelle des matériels. Or, les mesures de confinement mises en place ont mis en pause les recrutements et limité les possibilités d’entraînement et de formation, contribuant à creuser la dette organique des armées ;

- la défense doit être au cœur du futur plan de relance. Il en va d’abord de la sécurité de la France et des Français, car la poursuite de la remontée en puissance vers un modèle d’armée complet demeure une exigence au regard de la permanence des menaces et de l’accentuation de la recomposition du paysage stratégique international. Ensuite, à l’instar d’autres secteurs, la BITD est fortement impactée par les conséquences de la crise sanitaire, et sa préservation est l’une des conditions du maintien de l’autonomie stratégique de la France et de l’Europe. Les appétits voraces de puissances étrangères, dont certaines font figures d’alliés, imposent de se montrer vigilants face aux tentatives d’accaparement d’acteurs stratégiques. Enfin, alors que l’industrie française de la défense a échappé aux délocalisations pour des raisons évidentes d’autonomie stratégique, elle constitue un outil précieux pour relancer l’économie en ces temps de récession. De ce point de vue, les efforts engagés par la LPM 2019-2025 en faveur de la remontée en puissance des armées doivent être accentués ;

- la vigueur du lien entre la Nation et son armée doit être réaffirmée, alors que les mesures de confinement et la limitation des contacts physiques ont conduit à réduire l’ampleur des commémorations mémorielles, à suspendre les journées de défense et de citoyenneté et à modifier le calendrier de l’expérimentation du service national universel (SNU). En outre, l’épidémie étant particulièrement virulente parmi les personnes fragiles et âgées, une attention particulière doit être accordée au monde des anciens combattants.

La vigueur du lien entre la Nation et son armée se mesure aussi à la reconnaissance accordée par la Nation à celles et ceux qui lui ont donné leur vie.

C’est pourquoi la commission et sa présidente souhaitent avant tout saluer la mémoire des militaires décédés pendant la réalisation de ces travaux : du légionnaire de 1ère classe Kévin Clément, du 1er régiment étranger de cavalerie de Carpiagne, mort en opération le 4 mai 2020 dans le Liptako malien, du brigadier Dmytro Martynyouk, du 1er régiment étranger de cavalerie, décédé le 1er mai 2020 des suites de ses blessures provoquées par l’explosion d’un engin explosif improvisé dans le Liptako malien, du sergent Pierre Pougin, sauveteur plongeur héliporté de l’escadron d’hélicoptères 1/67 « Pyrénées », décédé le 29 avril 2020 dans le cadre d’un exercice de sauvetage, de l’infirmier en soins généraux de premier grade Quentin Le Dillau, infirmier de la 186e antenne médicale de Cazaux, décédé le 30 avril 2020 des suites de ses blessures provoquées par l’accident d’hélicoptère survenu la veille, de l’adjudant-chef Olivier Michel et du brigadier Vincent Monguillon, du 5e régiment d’hélicoptères de combat, décédés le 15 avril 2020 lors d’un exercice d’hélitreuillage.

En opérations ou à l’entraînement, ils sont morts au service de la protection de la France et des Français.

 

 


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I.   Les armÉes mobilisÉes dans la lutte contre l’ÉPIDÉmie de COVID-19

A.   L’engagement de moyens exceptionnels dÈs le dÉbut de la crise

1.   Le rapatriement des Français depuis la Chine

● Dès le 31 janvier, un A340 de lescadron de transport 3/60 « Esterel » a rapatrié près de 200 ressortissants français depuis la ville chinoise de Wuhan, foyer de l’épidémie, vers la base aérienne 125 d’Istres-Le Tubé. Ces derniers ont ensuite été pris en charge par l’escale aérienne de la BA 125, véritable hub logistique mobilisé dès les premiers jours, puis par la brigade des gendarmes de l’air ainsi que des personnels du service de santé des armées, avant d’être placés en quarantaine dans le centre de vacances de Carry-le-Rouet, près de Marseille, avec le soutien du groupement de soutien de base de défense (GSBdD) d’Istres, d’Orange et de Salon-de-Provence.

Des pompiers de l’air de la base 125, de la base 115 d’Orange-Caritat ainsi que les équipes du centre d’expertise en sécurité nucléaire et risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC) de la section d’intervention spécialisée de l’escadron de sécurité incendie et de sauvetage de la base aérienne 120 de Cazaux ont ensuite décontaminé l’appareil et ses équipements.

● Cette première intervention a un temps été considérée comme étant à l’origine de la propagation du virus sur le territoire métropolitain, et notamment dans l’Oise, après la médiatisation de la détection de plusieurs cas potentiels et avérés de personnes atteintes du coronavirus sur la base aérienne 110 de Creil, qui accueille les équipages de l’Estérel. Depuis lors, les armées comme les enquêtes épidémiologiques conduites sur place, notamment par les équipes de l’Institut Pasteur, ont permis d’apporter des précisions quant aux modalités de retour des quelques 10 militaires à bord de l’appareil pour cette mission, et prouvé que l’Estérel n’avait en rien contribué au déclenchement de l’épidémie dans l’Oise, où le patient « 0 » aurait été contaminé bien avant le 31 janvier.

● En outre, la base aérienne 125 a également contribué à l’accueil des Français rapatriés par un vol d’A380 effectué le 9 février.

2.   L’appui aux régions les plus touchées par de premiers transferts de patients et le déploiement d’un hôpital de campagne

● Dès avant le lancement de l’opération Résilience, les armées ont été engagées sur le territoire national afin de participer aux premières évacuations de patients atteints du Covid-19 depuis les régions les plus touchées par l’épidémie et dont les services de réanimation étaient submergés.

● Ainsi, il a été demandé à larmée de lair, le 17 mars, de se tenir prête à déployer les modules de réanimation pour patient à haute élongation d’évacuation (Morphée), qui peuvent équiper les avions C-135 et A300 MRTT Phénix, habituellement destinés au rapatriement sur le territoire national de militaires lourdement blessés en opération[2]. Entre le 18 et le 24 mars, 18 patients ont ainsi été transférés de l’Est de la France, essentiellement depuis Mulhouse et Colmar, vers Marseille, Bordeaux et la Bretagne.

La marine nationale a également contribué aux évacuations, le porte-hélicoptères amphibie (PHA) « Tonnerre » ayant transféré 12 patients d’Ajaccio à Marseille, afin de soulager le service de réanimation de l’hôpital d’Ajaccio, dont 13 des 15 lits étaient occupés.

● À la veille du lancement de l’opération Résilience, l’élément militaire de réanimation (EMR) déployé par le service de santé des armées auprès de l’hôpital Émile Müller de Mulhouse a accueilli son premier patient. Ayant atteint sa pleine capacité opérationnelle quelques jours plus tard, l’EMR dispose alors d’une capacité opérationnelle de 30 lits de réanimation – cinq modules de six lits chacun – et est armé par 121 personnels, dont 91 personnels soignants du SSA et du régiment médical (RMED) de larmée de terre. Le personnel soignant comporte une quinzaine de médecins, dont 10 anesthésistes-réanimateurs, des infirmiers et aides-soignants, mais également des kinésithérapeutes et des ingénieurs biomédicaux pour le soutien médical.

3.   Le rôle du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale

● La réponse de l’État à la crise a rapidement revêtu un caractère interministériel. Ainsi que l’a indiqué à la commission Mme Claire Landais, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, les hauts fonctionnaires de défense et de sécurité de chaque ministère ont été réunis dès la fin du mois de janvier, un guide d’aide à la décision stratégique a été adopté le 26 février, tandis que la cellule interministérielle de crise (CIC) a été mise en place le 17 mars.

De ce point de vue, Mme Landais a affirmé que la réponse de l’État à la crise, et en particulière du ministère des Solidarités et de la santé, n’avait « souffert daucun temps de latence ». Si le plan « Pandémie grippale », établi en 2004 et actualisé en 2011, n’a pas été déclenché en raison de la spécificité du nouveau coronavirus, pour lequel aucun vaccin n’était attendu à court terme, son volet non sanitaire a inspiré la réponse gouvernementale, et permis de faire gagner un temps précieux.

● En outre, la continuité de laction du SGDSN a été permise par la mise en place accélérée d’outils de visioconférence sécurisés, tels OSIRIS et HORUS, qui lui ont ainsi permis de poursuivre sa mission de contrôle des exportations de matériels de guerre et d’organiser des conseils de défense de manière dématérialisée.

Placée sous la tutelle du SGDSN, lAgence nationale de sécurité des systèmes dinformation a contribué à la protection des opérateurs d’importance vitale, au premier rang desquels les centres hospitaliers universitaires (CHU), ainsi qu’à celle de la population, davantage exposée à des actes de cybercriminalité en raison, notamment, de la généralisation du télétravail. Son directeur général, Guillaume Poupard, devant la Commission, a plaidé pour que la France se donne les moyens de maintenir sa souveraineté numérique, estimant que les efforts en matière de souveraineté nationale devaient se combiner avec le développement d’une véritable autonomie stratégique européenne dans le domaine cyber.

Le SGDSN a également conduit un travail de veille et d’alerte sur les aspects connexes de la crise, tels :

la lutte contre la désinformation, en lien avec le service d’information du Gouvernement (SIG) ;

- la sécurité économique, en lien avec la direction générale des entreprises (DGE) de Bercy et au travers du comité de liaison « Colisé », afin de protéger les acteurs détenant des savoir-faire ou des technologies stratégiques qui peuvent aiguiser l’appétit de pays partenaires ou adversaires ;

lidentification des scénarios pouvant remettre en cause la stratégie de déconfinement adoptée par le Gouvernement, en raison par exemple de la recrudescence de violences sur le territoire national ou de la captation des stocks de masques par une puissance étrangère.

● Concernant la doctrine d’utilisation des masques, la secrétaire générale a pris soin de préciser que les recommandations formulées par le SGDSN en 2013 dans un document intitulé « Nouvelle doctrine de protection des travailleurs face aux maladies hautement pathogènes à transmission respiratoire » ne constituaient une nouvelle doctrine qu’en ce sens qu’elles affirmaient, à la suite de l’avis du Haut conseil de la santé publique de 2011, un nouvel usage du masque FFP2 (qui protège son porteur du virus) par rapport au masque chirurgical (qui empêche son porteur de projeter des gouttelettes sur les autres). Elle ne représentait pas pour la SGDSN une rupture dans l’appréciation du dimensionnement des stocks stratégiques des produits de santé.

● Conformément à sa mission d’anticipation et de préparation des crises, le SGDSN a déjà initié des réflexions sur la relocalisation et la remontée en puissance de certaines capacités productives stratégiques sur le territoire français, au service du renforcement de la résilience du pays.

B.   L’opÉration RÉsilience

1.   Une opération dédiée pour coordonner l’action des armées

● « Nous sommes en guerre et face à ce qui se profile, ce pic de lépidémie qui est devant nous, jai décidé, sur proposition de la ministre des Armées et du chef détat-major des Armées, de lancer lopération Résilience ». C’est à Mulhouse, au sein de l’EMR déployé par le SSA, que le président de la République a annoncé, mercredi 25 mars, le lancement de l’opération Résilience, dédiée spécifiquement à la lutte contre l’épidémie de coronavirus.

Déclenchée dans le cadre du contrat opérationnel de protection du territoire national, lopération Résilience mobilise les militaires et personnels civils de lensemble des armées, directions et services du ministère des Armées, qui contribuent à la lutte contre la propagation de l’épidémie de Covid-19 dans trois grands domaines :

le domaine sanitaire, grâce à l’action du service de santé des armées pour accueillir des patients au sein des hôpitaux d’instruction des armées (HIA) et de l’hôpital de campagne de Mulhouse et conduire des opérations de désengorgement des zones les plus touchées par les moyens des trois armées ;

- le domaine logistique, via le transport de fret aérien, maritime ou terrestre, la mise à disposition d’emprise ou d’experts de la logistique au profit des autorités civiles ;

- le domaine de la protection, les militaires de l’opération Résilience pouvant contribuer à la surveillance de sites sensibles, en appui des forces de sécurité intérieure.

● Sous la responsabilité du chef d’état-major des armées, le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) assure le commandement au quotidien de cette opération, en lien étroit avec les commandants des zones de défense et de sécurité, premiers interlocuteurs des autorités civiles sur le terrain. L’intervention des forces armées sur le territoire national a lieu dans le cadre de demandes de concours ou de réquisitions, conformément à la règle des « 4 i », selon laquelle elles ne peuvent intervenir que lorsque les autres moyens des administrations ‒ y compris ceux de la gendarmerie nationale ‒ s’avèrent inexistants, insuffisants, inadaptés ou indisponibles. Dans ce contexte, ainsi que l’a relevé devant la commission le chef d’état-major des armées, viendra le temps pour les armées de « re-passer la main » aux acteurs civils publics et privés, les armées devant se concentrer sur des interventions mobilisant des moyens exceptionnels, dont elles seules disposent, à l’instar des porte-hélicoptères amphibies ou des moyens aériens importants et divers qu’elles sont susceptibles de mettre en œuvre, des hélicoptères des trois armées aux Casa, A330 et A400M médicalisés. Dans ce contexte, il convient de veiller à ce que les armées ne soient pas sollicitées outre-mesure et demeurent engagées sur leur cœur de mission, alors que la règle des « 4 i » a pu être interprétée de manière extensive.

2.   Des contributions « tous azimuts »

● Les armées sont intervenues sur le sol national tous azimuts, en métropole comme en outre-mer. S’il ne s’agit pas ici de dresser un tableau exhaustif de la contribution du ministère des Armées à la lutte contre l’épidémie[3], le présent rapport met l’accent sur quelques interventions illustrant sa diversité.

● Largement méconnu, le service de santé des armées a été placé sur le devant la scène en raison du déploiement de l’EMR au pied de l’hôpital émile Muller de Mulhouse. Doté initialement d’une capacité de trente lits, l’EMR a été progressivement démantelé, avec un premier passage à 20 lits le 18 avril, date à laquelle 46 patients avaient été pris en charge, 13 lits demeurant occupés. Le dispositif a été ensuite ramené, le 28 avril 2020, à dix lits, le dernier patient pris en charge quittant l’EMR le 7 mai. Quatre jours plus tard, lors de son audition par la commission, la ministre des Armées a annoncé le démantèlement de l’EMR et son redéploiement partiel – à hauteur de dix lits – à Mayotte. Ce nouvel hôpital de campagne sera acheminé par A400M et opérationnel d’ici la fin du mois de mai 2020.

En outre, ainsi que l’a indiqué aux membres de la commission la directrice centrale du SSA, la médecin général des armées Maryline Gygax Généro, les HIA, pleinement intégrés dans le maillage territorial de la santé publique, sont rapidement montés en puissance s’agissant des capacités de réanimation, passant de 57 lits avant la crise à 166 lits, et ont également renforcé leurs capacités de prise en charge de patients atteints du Covid-19 en médecine intensive, avec 238 lits. À lui seul, l’hôpital francilien de Bégin, centre de référence en infectiologie, a accueilli 30 % des patients admis en réanimation au sein des HIA.

Au total, les HIA ont accueilli 7 845 patients atteints du Covid-19 et hospitalisés 2 140 d’entre eux, dont 400 en réanimation[4].

Le chef de la cellule de crise COVID-19 du service de santé des armées, le médecin général Édouard Halbert, a rappelé que la chaîne hospitalière militaire, composée des huit HIA, représente 0, 7 % de l’offre de soins totale en France et a réalisé près de 2 % de l’activité de réanimation liée à la COVID-19 nationale. La comparaison entre ces deux pourcentages est un bon marqueur de l’intensité de l’engagement de l’Armée.

Un tel tour de force n’aurait pas été possible sans le total investissement des personnels du SSA, y compris des élèves de l’École du Val-de-Grâce et des Écoles militaires de santé de Lyon-Bron.

● Les opérations de transfert de patients et de personnels soignants ont constitué le deuxième axe le plus visible de la contribution des armées à la lutte contre l’épidémie. Au-delà des premières évacuations déjà mentionnées, l’ensemble des armées ont pris part à de telles opérations. Lors de son audition, le général Philippe Lavigne, chef d’état-major de l’armée de l’air, a ainsi indiqué qu’en date du 6 mai, les avions et hélicoptères de l’armée de l’air avaient procédé au transfert de 94 patients atteints du covid-19 et près de 450 personnels soignants. L’armée de l’air a notamment mis en place un plot aérien d’évacuation sur la base aérienne 107 de Villacoublay, opérationnel du 1er au 7 avril, à partir duquel ont été évacués 41 patients. Les autres armées ne sont pas en reste et, à titre d’exemple, entre le 28 mars et le 5 avril, les NH90 de l’armée de terre ont conduit 24 missions de transfert sanitaire au profit de 48 patients.

 

OpÉrations de transfert de patients et de personnels soignants

effectuÉes par les armées dans le cadre de l’opÉration RÉsilience

Source : état-major des armées.

● Les actions de désinfection mis en œuvre par les Armées ont joué un rôle important dans la gestion de crise. Les armées ont mis à disposition des autorités civiles leurs experts en risques NRBC, issus du 2e régiment de dragons de l’armée de terre, du centre expert de l’armée de l’air situé sur la base aérienne de Cazaux, des experts de la marine nationale ainsi que des pompiers militaires de l’armée de l’air et du bataillon de marins-pompiers de Marseille.

L’exemple de la désinfection des avions de l’armée de l’Air ayant servi aux transports de passagers ou de patients COVID-19 illustre les qualités déployées : la réactivité (nouvelle capacité en trois jours, instructions spécifiques des 600 pompiers de l’air en 10 jours), la coopération interarmées (entre armée de l’Air, le SSA, la DMAé et la DGA), l’adaptabilité (prise en compte des spécificités aéronautiques propres à chaque flotte) et enfin la capacité d’innovation (identification de nouvelles techniques de désinfection).

● L’appui aux outre-mer est également conséquent, avec le déploiement, décidé par le Président de la République, des porte-hélicoptères amphibie Mistral et Dixmude, respectivement à Mayotte et La Réunion et vers les Antilles. Le Dixmude a ainsi atteint les Antilles le 17 avril, chargé de près de 138 tonnes de matériel et de moyens de transports – 170 000 masques FFP2, un million de masques chirurgicaux et des centaines de litres de gel hydro-alcoolique, ainsi que quatre hélicoptères. Leur mission est aujourd’hui terminée et les deux porte-hélicoptères sont en route vers leur port d’attache. En outre, un A400M a été déployé en Polynésie française, où il a atterri le 25 avril, tandis que l’A330 gouvernemental avait effectué une rotation vers Mayotte, le 31 mars, afin de livrer près de trois tonnes de fret à destination de l’hôpital de Mamoudzou. Il convient de souligner, dans ce contexte, le plein engagement des régiments du service militaire adapté, dont les volontaires ont effectué de nombreuses missions logistiques et de protection.

● Aux côtés de ces interventions fortement médiatisées, les forces ont apporté un soutien déterminant aux autorités civiles sur le terrain, depuis les bases militaires, par des actions locales adaptées aux besoins exprimés par les préfets et les agences régionales de santé, allant de la mise en place d’un sas à l’entrée d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) à la sécurisation de site.

● L’audition du général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale, a été l’occasion de faire le point, en complément des missions de protection assurées par les gendarmes, sur l’opération « Répondre présent » qui vise à assurer une action de proximité, notamment auprès des personnes les plus fragiles. Mobilisée dans la lutte contre les violences intrafamiliales, dont on craignait une recrudescence pendant le confinement, la gendarmerie a également mis en place sur l’ensemble du territoire des opérations « Tranquillité Seniors » auprès des personnes âgées isolées, en particulier en milieu rural, en lien avec les collectivités et les associations locales.

● Enfin, un certain nombre de réservistes opérationnels ont été appelés à participer à ces missions, dans une moindre ampleur qu’attendue. Il est en revanche probable que ces derniers soient davantage mobilisés à présent, afin de permettre aux militaires d’active de se « régénérer »

3.   Le volet industriel de la lutte contre l’épidémie

● À la demande du SGDSN, le centre technique de la direction générale de l’armement « Maîtrise NRBC », implanté en Essonne, a effectué des tests mesurant l’efficacité de filtration de plusieurs prototypes de masques de protection proposés par les industriels. Ces différents tests ont abouti à la publication d’un cahier des charges, alors que, à la date du 28 avril, près de 1 500 échantillons avaient été adressés à la DGA.

Par ailleurs, dès le 19 mars soit deux jours après le début du confinement, l’Agence de l’innovation de défense (AID) a lancé, en parallèle des initiatives de la Commission européenne et de l’Agence nationale de la recherche (ANR), un appel à projets, d’un budget de dix millions d’euros, visant à faire émerger des propositions innovantes afin de lutter contre la pandémie, protéger la population, soutenir la prise en charge des malades, tester la population, surveiller l’évolution de la maladie au niveau individuel et l’évolution de la pandémie, ou aider à limiter les contraintes pendant la période de crise. Lors de son audition par la commission, le directeur de l’AID, Emmanuel Chiva, a indiqué que sur 2 584 projets déposés, une petite quarantaine a été retenue dont 22 (au 5 juin 2020) avaient fait l’objet d’une notification de marché. L’enveloppe de 10 millions a été utilisée en totalité. Tous les projets retenus ont un potentiel post-crise tel que le respirateur artificiel à bas coût MaskAir, qui pourrait trouver des applications à bord des bâtiments de la marine nationale ne disposant pas de salles de réanimation ou encore le projet de recherche et de classement de la documentation scientifique et clinique sur le Covid-19 WakedCo qui pourrait être utilisé à l’avenir pour le renseignement d’origine source ouverte.

● En outre, les industriels eux-mêmes se sont engagés dans la lutte contre l’épidémie, pour donner ou acquérir des masques chirurgicaux ou FFP2, tels Airbus ou Safran, mettre à disposition des appareils afin de contribuer aux transferts de personnels de soignants, à l’instar de Dassault Aviation, ou produire des équipements médicaux, comme la PME spécialisée dans les tenues de protection NRBC Ouvry SAS ou le spécialiste des tissus techniques à destination notamment de l’aéronautique et de la défense Porcher Industries. Les initiatives furent nombreuses et diverses et ne peuvent être toutes recensées dans la cadre du présent rapport. Elles méritent néanmoins d’être valorisées et médiatisées.

● Au-delà, les industriels de la défense ont joué un rôle déterminant dans la montée en puissance rapide des capacités militaires d’évacuation médicalisée, comme en témoigne la mise en service opérationnel du kit d’évacuation Mérope sur A400M.

C.   Les premiers enseignements de l’opÉration RÉsilience

1.   La réaffirmation du cadre d’intervention des forces sur le territoire national, au profit du renforcement de la résilience de la Nation.

● Lors de son audition devant la commission, le général François Lecointre, chef d’état-major des armées, a souligné que l’opération Résilience avait mis en lumière la pertinence de l’organisation territoriale interarmées de défense (OTIAD). D’après lui, le réseau des officiers généraux de zones de défense et de sécurité (OGZDS), des commandants supérieurs des forces de souveraineté, des commandants d’arrondissements maritimes, des délégués militaires départementaux et des commandants de base de défense a permis aux armées de nouer un dialogue constructif avec les services déconcentrés de l’État comme avec les collectivités territoriales, et ainsi de répondre au plus près aux besoins exprimés sur le terrain.

● Alors que les armées sont de plus en plus présentes sur le territoire national et interviennent régulièrement dans le cadre de crises de sécurité publique ou de sécurité civile, il convient d’approfondir toujours davantage les relations entre les autorités civiles et les autorités militaires, en s’assurant de la fluidité des interactions entre les forces et l’ensemble des services déconcentrés et décentralisés, au premier rang desquels les élus de l’ensemble des collectivités territoriales – avec lesquels les chefs de corps ont déjà créé d’étroites relations – et les agences régionales de santé.

2.   La nécessaire remontée en puissance du service de santé des armées

● L’engagement en première ligne du service de SSA a mis en lumière les importantes déflations qu’il avait subies ces dernières années, au diapason de la réduction du format des armées imposée par les lois de programmation militaire successives. Comme l’a souligné devant la commission sa directrice centrale, la médecin générale Maryline Gygax Généro, les moyens du SSA sont dimensionnés pour lui permettre de mener sa mission première : le soutien aux armées et la satisfaction du contrat opérationnel, en intervenant au plus près des blessés, sur les théâtres d’opérations. En ce sens, la raison d’être du SSA n’est pas, et n’a jamais été, de répondre à des problématiques de santé publique sur le territoire national. Comptant 2 000 médecins, 6 500 infirmiers et 3 100 réservistes, il n’en aurait de toute façon pas les moyens.

● Pour autant, s’il ne s’agit de modifier la vocation du SSA, son expertise en matière d’intervention en situation de crise et de risques NRBC impose de veiller à ce qu’il dispose des moyens de conduire sa mission et d’appuyer, ponctuellement, les acteurs civils de la santé publique.

Le 11 mai, Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées, a rappelé que, depuis 2017, le Gouvernement avait stoppé les déflations prévues par le projet de service « SSA 2020 », et rehaussé ses effectifs. Il faudra sans doute aller plus loin, et tirer tous les enseignements de la crise actuelle pour réexaminer le niveau et la nature des moyens du SSA, qu’il s’agisse, comme l’a relevé sa directrice centrale, « de spécialités médicales ou de moyens matériels ». Dans l’immédiat, deux points paraissent devoir faire l’objet d’une attention particulière : le recrutement de nouveaux personnels et leur fidélisation.

II.   Les armÉes touchÉes par l’ÉPIDÉmie de Coronavirus

A.   Les militaires n’ont pas été ÉpargnÉs par la maladie

1.   « Tout le monde est concerné »

● Comme l’ont relevé les chefs militaires entendus par la commission, le port de l’uniforme ne préserve pas d’une contamination par le nouveau coronavirus, et la jeunesse comme la condition physique de la population militaire ne l’ont pas protégée face à la maladie. En date du 11 mai, la ministre a précisé que 1 771 cas de militaires atteints du covid-19 avaient été confirmés, dont plus de la moitié sur le groupe aéronaval, et que 5 400 cas de contamination étaient jugés probables. Au sein de ce total, la DGA compte une quarantaine de cas et, sur les théâtres, l’état-major des armées a fait état, fin avril, d’une quinzaine de cas confirmés parmi les soldats déployés au Sahel dans le cadre de l’opération Barkhane.

● S’agissant de la gendarmerie nationale, général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), a indiqué à la commission, le 13 mai, que 583 gendarmes ont été testés positifs au Covid-19. Deux décès ont été signalés parmi les gendarmes.

2.   Le cas emblématique du groupe aéronaval

● La large médiatisation du niveau de contamination constaté parmi les personnels engagés au sein du groupe aéronaval (GAN) a concentré l’attention depuis l’annonce, le 8 avril, d’une suspicion de quarante cas à bord du porte-avions « Charles de Gaulle ». À la suite de la décision d’interrompre la mission du groupe aéronaval, ce dernier a accosté à Toulon avec une semaine d’avance par rapport à son programme initial, les 1 900 marins du porte-avions et de la frégate de défense aérienne « Chevalier-Paul » étant placés à l’isolement dès leur arrivée, le 12 avril. Parmi les personnels engagés sur le GAN, 1 081 ont été testés positifs dont 1 064 marins du porte-avions, 17 marins de la frégate de défense aérienne « Chevalier Paul », tandis que huit pilotes de chasse de l’aéronavale et sept membres d’équipage d’avions de surveillance aérienne et de commandement aéroporté Hawkeye, également contaminés, ont été isolés sur leurs bases respectives. Les marins de la frégate anti-sous-marine « La Motte-Picquet » et du ravitailleur « Somme » ont également été suivis de près.

● Face à l’ampleur de la contamination sur le porte-avions, la ministre des Armées a diligenté deux enquêtes, épidémiologique et de commandement, dont elle a présenté les premiers résultats devant la commission, le 11 mai. Si la ministre a pointé des défaillances, en raison d’un « excès de confiance » de la part du commandement et de lacunes dans la chaîne de transmission de l’information, aucune faute n’a été relevée. La ministre a rappelé avec force que la première préoccupation du commandement – en mer comme à terre – a toujours été de préserver la santé des marins face à la virulence du virus. Lors de son audition par la commission, le 13 mai, le chef d’état-major de la marine (CEMM) est revenu sur les principales « erreurs » relevées par les enquêtes : des mesures de précaution identiques à celles retenues lors de l’épidémie de grippe H1N1 qui se sont révélées finalement inadaptées au COVID-19, et l’assouplissement des mesures barrière à l’issue d’une quatorzaine mise en place après l’escale de Brest. S’agissant des procédures de remontée des informations dans la chaîne de commandement, le CEMM a rappelé que le commandant d’un bateau est le premier juge de la situation à bord. C’est la contamination d’un marin du porte-avions, testé positif au COVID-19 le 4 avril après avoir été débarqué au Danemark le 30 mars, et l’augmentation du nombre de passages à l’infirmerie qui ont conduit le commandement du navire et son service médical à s’interroger sur une possible présence du COVID19 à bord. Jusqu’à cette date, les cas symptomatiques à bord étaient considérés comme des affections ORL. Le navire n’était pas équipé d’appareil de test. Même si la mission du groupe aéronaval a été écourtée de quelques jours, ses objectifs ont été atteints.

Alors que la quasi totalité des personnels atteints est guérie, et qu’un seul militaire demeurait hospitalisé, la ministre a indiqué avoir demandé au chef d’état-major des armées de formuler des propositions afin d’éviter la reproduction de telles erreurs.

B.   Les rÉpercussions de l’ÉPIDÉmie sur le moral et les familles

1.   Décalage des relèves, quatorzaines et confinement

● Si la continuité de l’action militaire n’est pas en cause, les militaires n’ont pas été exemptés des mesures décidées par le Gouvernement pour lutter contre la propagation de l’épidémie. D’abord, le calendrier des relèves a été perturbé certaines étant décalées de quelques semaines, tandis que, selon l’état-major des armées, la fermeture totale ou partielle de certaines frontières et l’observation des périodes d’isolement ont nécessité des prolongements de plusieurs mandats en cours. Sur les théâtres, des sas ont parfois été mis en place afin d’isoler les personnels déployés. C’est notamment le cas sur la base aérienne projetée en Jordanie, où quatre zones isolées et indépendantes de 24 places chacune ont été constituées, dont trois sont dédiées au personnel arrivant.

● Sur le territoire national, deux types de mesures ont pu avoir un impact sur le moral des personnels : les quatorzaines imposées lors du départ ou au retour d’une opération ; les mesures nationales de confinement, notamment pour les personnels résidant sur les sites militaires. Dans les deux cas, il en ressort un allongement de la période de séparation avec les familles ainsi doublement éprouvées. Une telle situation a également pu être difficile à vivre pour les jeunes recrues, souvent célibataires et pas encore complètement aguerris à la vie militaire.

2.   Un accompagnement nécessaire des personnels et de leurs familles

● L’accompagnement des personnels fragilisés et de leurs familles constitue un enjeu de première importance. C’est pourquoi dès le mois de mars, le périmètre du Numéro vert « Ecoute Défense », géré par le SSA, a été étendu afin de prendre en compte, en plus de son périmètre habituel, les situations de souffrance psychique en lien avec la crise sanitaire covid-19. En outre, ainsi que l’a rappelé le chef d’état-major des armées devant la commission, des structures dédiées à la gestion de la crise ont été instituées localement, à l’échelle des bases militaires, afin d’accompagner au mieux les militaires et leurs familles. De nombreuses initiatives locales, encouragées par les chefs de corps, ont également permis de conforter la solidarité, déjà naturellement de mise, au sein des emprises militaires. De tels dispositifs sont d’autant plus précieux que « l’arrière » habituellement davantage épargné, se trouve aujourd’hui en première ligne face au risque épidémique.

● Dans ce contexte, la réalisation du plan annuel de mutations (PAM) est source de préoccupations alors que, pour rappel, au sein des forces armées, près de 24 000 militaires, soit 11,4 % des personnels, connaissent chaque année une mutation avec changement de résidence. Les chefs militaires entendus par la commission ont tous reconnu accorder une importance particulière à ce sujet, ô combien sensible pour les personnels et leurs familles. Cette année, les incertitudes sur l’évolution de la situation épidémique, notamment dans les régions accueillant une forte proportion de militaires, comme l’Île-de-France ou le Grand Est, accroissent les inquiétudes à mesure que se rapproche l’échéance du PAM.

● La Secrétaire générale pour l’administration, Mme Isabelle Saurat, a souligné que le dialogue social avait été identifié comme « mission stratégique prioritaire ». Les difficultés liées à la scolarisation des enfants ont été suivies par les commandants de base de défense qui ont aidé à trouver des solutions avec las établissements scolaires. Des discussions ont été engagées avec les fédérations professionnelles des entreprises de déménagement pour que les militaires puissent être traités en priorité.

III.   Les armÉes toujours engagÉes au quotidien

Devant la commission, le chef d’état-major des armées a rappelé que près de 40 000 militaires français sont déployés au quotidien au profit de la sécurité de la France et des Français, sur le territoire national comme en OPEX, mais également 12 000 pompiers militaires affectés pour emploi auprès du ministère de l’Intérieur.

A.   Sur le territoire national

1.   La poursuite des missions permanentes

● En premier lieu, les armées continuent de tenir la posture permanente de dissuasion nucléaire, qui constitue la pierre angulaire du système de défense national. C’est ainsi que le 31 mars, les forces aériennes stratégiques ont conduit un exercice Poker, au large de la Bretagne, réunissant une dizaine vingtaine d’avions de chasse et de ravitailleurs, ainsi qu’un AWACS. Le maintien de tels exercices participe de la crédibilité de la dissuasion française. Il en va de même des premiers essais en mer du sous-marin nucléaire d’attaque « Suffren », qui se sont déroulés le 28 avril 2020 au large de Cherbourg, alors que l’une des missions du SNA est de soutenir la composante océanique de la dissuasion, mise en œuvre par les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la force océanique stratégique.

● En deuxième lieu, les armées continuent d’assurer les missions permanentes de protection du territoire, dans le cadre de la posture permanente de sûreté aérienne (PPS-A) ou de la posture permanente de sauvegarde maritime.

S’agissant ainsi de la police du ciel, le chef d’état-major de l’armée de l’air a ainsi indiqué à la commission que, « paradoxalement, si le trafic aérien dans le ciel de France a réduit de près de 90 % pendant la crise, le nombre de décollages sur alerte de chasseurs a été multiplié par deux par rapport à la même période en 2019 », ajoutant qu’un « ciel quasi vide ne doit pas autoriser à baisser la garde, le premier danger restant l’acte terroriste ». En outre, des aéronefs à long rayon d’action russes continuent de longer les côtes nordiques en direction des côtes françaises.

S’agissant de l’action de l’État en mer, il a fallu adapter les procédures en vigueur afin de permettre aux personnels d’être en mesure de prendre en charge à la mer un patient atteint du covid-19, d’anticiper la gestion des navires de croisière aux multiples passagers contaminés se présentant devant un port français ou encore, à compter du 16 mars 2020, de faire respecter les mesures de confinement en mer. Enfin, les autres menaces – terroristes, environnementales, etc. – demeurent, et les bâtiments de la marine nationale se tiennent prêts à y répondre et à assurer la souveraineté nationale dans la deuxième zone économique exclusive au monde.

● Enfin, les armées continuent d’assurer leurs missions de service public, au premier rang desquelles la mission de recherche et de sauvetage, en mer comme à terre.

2.   Sentinelle, la permanence de la lutte contre le terrorisme

Annonçant le lancement de l’opération Résilience, le président de la République a précisé qu’il n’était pas question de vider de sa substance l’opération Sentinelle, alors que la menace terroriste demeure élevée sur le sol national. Dans ce contexte, l’opération Sentinelle se poursuit selon les modalités en vigueur avant l’apparition de l’épidémie de covid-19.

3.   Harpie, la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane

Constituant le volet répressif de la lutte contre l’orpaillage illégal, Harpie est une opération interministérielle conduite conjointement par les forces armées en Guyane (FAG), les forces de gendarmerie et les autres services de l’État, comme les douanes, l’office national des forêts ou le parc amazonien de Guyane, sous l’autorité du préfet. La crise épidémique n’empêche pas les FAG de poursuivre leur action, comme en témoigne la destruction d’une barge d’orpaillage illégal près de Papaïchton, intervenue le 27 avril 2020, par les marsouins du 9e régiment d’infanterie de marine, les gendarmes et les personnels du parc amazonien de Guyane.

B.   En opÉrations extÉrieures

1.   Barkhane, dans la continuité du Sommet de Pau

● Ainsi que l’a indiqué aux députés le chef d’état-major des armées, l’opération Barkhane se poursuit dans la continuité des orientations arrêtées le 13 janvier lors du Sommet de Pau. L’action des forces françaises se concentre ainsi dans la région du Liptako-Gourma et la zone des trois frontières. À titre d’exemple, dans la nuit du 27 au 28 avril, une opération ayant abouti à la neutralisation de plusieurs terroristes, à la destruction de véhicules ainsi qu’à la saisie d’armes légères et de matériel de téléphonie s’est déroulée dans le nord du Burkina Faso, au sein de la zone des trois frontières. Plus récemment, entre le 29 avril et le 5 mai, les avions de la force Barkhane ont réalisé 90 sorties, parmi lesquelles 25 sorties d’avions de chasse, 34 vols de renseignement (ISR) et 31 missions de transport ou de ravitaillement.

● Pour le général Lecointre, le maintien d’un niveau intense d’engagement des forces françaises est essentiel, au risque d’annihiler les efforts consentis depuis de nombreuses années au Sahel. Il en va, du reste, de la crédibilité de la France, tant sur la scène internationale que vis-à-vis de ses partenaires, alors que la mise sur pied de la task force Takuba suit pour l’heure le calendrier initialement prévu. Elle devrait ainsi atteindre sa capacité opérationnelle initiale à l’été 2020, permettant de franchir un nouveau palier dans la lutte contre le terrorisme.

2.   Chammal, un format réduit et des interrogations sur la coalition

● Fin mars, en concertation avec les autorités irakiennes, il a été décidé de suspendre les activités de formation mises en œuvre par la coalition internationale contre Daech au profit des forces irakiennes, et ce afin de limiter les risques de propagation de l’épidémie de covid-19. Dans ce contexte, la France a procédé au retrait des personnels français déployés à Bagdad, acheminés sur la base aérienne projetée en Jordanie (BAP H5) au cours de la dernière semaine de mars. Pour l’heure, la France demeure engagée au travers des personnels insérés dans les structures de commandement situées au Qatar et au Koweit et, surtout, de la BAP H5, d’où décollent les Rafale qui prennent part aux frappes aériennes de la coalition. Dans ce contexte, deux Rafale ont procédé, le 10 mai, au tir d’une bombe AASM qui a détruit un bâtiment utilisé par les combattants de Daech comme lieu de repli, à l’ouest de Kirkouk, dans une zone identifiée comme sanctuaire pour le groupe terroriste.

● Si l’engagement de la France au sein de la coalition internationale contre Daech ne fait guère de doute, le général Lecointre a toutefois alerté les membres de la commission quant aux incertitudes pesant sur la robustesse à long-terme de la coalition elle-même, en raison notamment des atermoiements américains. Il s’agit là d’un point d’extrême vigilance, alors que les signaux témoignant d’une résurgence de Daech sont de plus en plus saillants.

● La Directrice générale des relations internationales et de la stratégie du Ministère des Armées a souligné quant à elle le risque réel d’une réimplantation durable de l’État islamique au Levant et de la reconstitution de sa capacité à frapper à grande distance.

C.   Les opÉrations multilatÉrales

1.   Le niveau européen

● Les forces françaises participent à plusieurs opérations européennes. D’abord, la frégate légère furtive « Aconit » et la frégate anti-aérienne « Jean Bart » ont été engagées début mai dans le cadre de l’opération Irini, dont l’objectif principal est de contribuer à l’application de la résolution des Nations-Unies du 14 juin 2016 relative à l’embargo sur les armes à destination de la Libye. Lancée le 1er avril, cette opération prend la suite de l’opération Sophia, dont le mandat s’est achevé à la fin de l’année 2019.

● Ensuite, la frégate multi missions (FREMM) « Languedoc » a rejoint l’océan Indien, le 12 mai, en vue de relever la frégate de défense aérienne « Forbin » au sein de l’opération Agenor de protection des intérêts européens dans le détroit d’Ormuz. En outre, un avion de patrouille maritime Atlantique 2 est déployé depuis le mois de mars au profit de l’opération Agenor, depuis la base aérienne 104 d’Al Dhafra, aux Emirats arabes unis.

● Enfin, la France demeure pleinement engagée au sein de l’opération de formation de l’Union européenne au Mali (EUTM Mali).

2.   Le niveau onusien

La crise épidémique n’a pas d’impact sur l’engagement de la France au sein de la mission multidimensionnelle intégrée des Nations-Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), créée par la résolution 2 100 du Conseil de sécurité en date du 25 avril 2013.

3.   Le niveau otanien

Depuis le 1er mai 2020, quatre Mirage 2000-5 de la base aérienne 116 de Luxueil assurent la mission de police du ciel dans l’espace aérien balte, dans le cadre des mesures de réassurance mises en œuvre par l’Otan (enhanced Air Policing - eAP). D’une durée de quatre mois, cette mission mobilisera près de 200 militaires, qui se relaieront sur la base aérienne d’Ämari, en Estonie, où sont stationnés les aéronefs et les équipages. Les équipages ont réalisé leur premier exercice multinational mercredi 6 mai, aux côtés de leurs homologues finlandais et suédois.

D.   Un point de vigilance : la prÉparation opÉrationnelle

1.   Face à l’exigence de préparer les futurs engagements, le risque d’un creusement de la dette organique

● Lors de son audition, le chef d’état-major des armées a souligné l’importance du maintien de l’activité et de la continuité de la préparation opérationnelle, afin de ne pas altérer la sécurité des engagements opérationnels. Pour le général Thierry Burkhard, chef d’état-major de l’armée de terre, l’épidémie impose ainsi, en tout premier lieu, de composer avec deux impératifs en apparence contradictoires : tout en protégeant les soldats, il faut continuer à préparer les opérations. Or, l’application de mesures de précaution ne peut pas se faire au détriment de l’indispensable niveau de préparation opérationnelle.

● De ce point de vue, la préparation opérationnelle et celle des futurs engagements doit être appréhendée de manière large. Elle débute ainsi au stade des recrutements, suspendus depuis près de deux mois. La fermeture au public des centres d’information et de recrutement des forces armées (CIRFA) a été fortement préjudiciable. La secrétaire générale de l’administration a estimé que 2 000 engagements ont été suspendus du fait du recrutement. Il y a là un enjeu particulièrement criant pour l’armée de terre, qui fait face à la nécessité d’engager 16 000 recrues en 2020 – contre 3 500 pour l’armée de l’air comme la marine nationale – alors que « chaque mois qui passe sans recrutement, c’est l’équivalent d’un régiment de l’armée de terre qui manque à l’appel » selon l’image employée par le ministre des Armées dans le journal 20 Minutes.

● Dans un second temps, il s’agit d’être en mesure de former les militaires, et de les préparer aux combats qu’ils auront à mener sur le terrain. Les mesures de confinement ont ainsi d’abord eu un impact sur le déroulement des formations. À titre d’exemple, au sein de la marine nationale, les écoles relevant de la direction du personnel militaire de la marine (DPMM) ont ainsi été confinées dès le 16 mars. La plupart d’entre elles ont rouvert de façon progressive à partir du 11 mai, même si, au regard des besoins opérationnels, quelques réouvertures anticipées ont été effectuées : les sites de formation des atomiciens de Cherbourg et Cadarache ont rouvert le 20 avril, pour un cours de 30 élèves atomiciens, l’école de plongée le 4 mai, pour un cours de huit élèves nageurs de combat, l’école des fusiliers marins de Lorient, également le 4 mai, pour un cours de 10 élèves commandos. De même, nombre d’exercices ont été reportés, pénalisant la préparation opérationnelle. Pour le général Lecointre, il s’agit ainsi de trouver « un équilibre entre le risque que les soldats courent en étant exposés au virus, et celui qu’ils courront demain en étant insuffisamment entraînés ». À l’heure actuelle, l’ensemble des chefs d’état-major d’armée a reconnu que le maintien d’une activité minimal de préparation opérationnelle se faisait au détriment de la régénération des forces, et que la dette organique ainsi créée pourrait, à terme, menacer la continuité des engagements opérationnels.

● Enfin, au-delà des personnels, il s’agit de garantir le maintien en condition opérationnelle des matériels. Dans un contexte de réduction des rythmes de travail, tenir les cadences habituelles et maintenir un niveau de soutien industriel satisfaisant a constitué un défi de premier ordre pour les acteurs industriels. De manière générale, il convient de noter que les efforts consentis ont permis de ne pas mettre en péril les interventions des forces sur le territoire national comme en OPEX.

2.   Le plan de remontée en puissance progressive de l’activité du ministère des Armées

● Dans ce contexte, la ministre des Armées a présenté, le 7 mai, un plan de remontée en puissance progressive de l’activité du ministère, reposant sur deux principes – préserver la santé des militaires, de leurs familles et des Français et poursuivre la mission – et une règle dite « des quatre r » : rigueur, réalisme, résilience, réversibilité.

● De manière plus précise, le plan prévoit :

- une reprise progressive des recrutements, facilitée par la réouverture des CIRFA ;

- une remontée en puissance des formations au sein des écoles, à partir notamment d’une expérimentation conduite au sein de l’école des fusiliers commando de Lorient pour une vingtaine de marins, en vue de renouer au plus vite avec le niveau d’activité constaté avant la crise ;

- une adaptation du fonctionnement des services de maintenance, à partir notamment d’une expérimentation conduite au sein de l’escadron de soutien technique aéronautique de la base aérienne de Saint-Dizier ;

- la fourniture à chaque agent du ministère, civil ou militaire, de masque de protection, dont le port sera rendu obligatoire dès lors que les mesures de distanciation physique ne pourraient être respectées ;

- le recours massif à des tests virologiques PCR afin de détecter au plus vite les personnes infectées et pouvoir les isoler à leur domicile ou au sein des emprises militaires. À ce sujet, lors de son audition du 11 mai, la ministre a reconnu que ces tests présentaient des faiblesses mais qu’ils permettraient tout de même d’améliorer la surveillance de la propagation de l’épidémie.

● Baptisé « La santé et la mission », ce plan permettra d’endiguer les retards accumulés depuis le mois de mars et de contribuer à la remontée en puissance de nos armées, avec laquelle il n’est pas concevable de transiger.

IV.   Les armÉes au cœur du plan de relance

A.   Le besoin d’accentuer l’effort vers un modÈle d’armÉe complet

1.   Un « monde d’après » plus instable et dangereux

● Toute crise est l’occasion de penser « le monde d’après ». Pour le chef d’état-major des armées, tout laisse à croire que le monde ne sera pas plus stable une fois l’épidémie maîtrisée, mais qu’au contraire il sera plus menaçant encore. La directrice générale des relations internationales et de la stratégie du Ministère des Armées a estimé pour sa part que le premier risque du COVID était celui d’une exacerbation des tensions et d’une aggravation des désordres mondiaux. Elle a pris l’exemple des pays proliférants qui sont moins surveillés depuis que l’attention de la communauté internationale est concentrée sur le COVID, estimant par ailleurs que la compétition stratégique entre les grandes puissances continuait à s’exercer dans tous les domaines (cyber, spatial et champ informationnel).

Les menaces identifiées par la Revue stratégique de 2017 ne disparaîtront pas avec le covid-19. Il peut d’ailleurs être utile de rappeler que le scénario d’une pandémie virale d’un nouveau type avait été envisagé par différents documents stratégiques, et qu’il est possible d’en conclure que la survenue des autres menaces identifiées est tout autant probable.

● Ensuite, l’épidémie mondiale a entraîné, au sein de la plupart des États, un réflexe de repli sur soi, et agit comme un « égalisateur de puissance », selon l’expression du général Lecointre, puisque les grandes puissances semblent être les pays les plus frappés. Ces deux constats sont le terreau des aventures militaires et politiques hasardeuses.

● Enfin, il est à craindre que la crise sanitaire et ses conséquences entraînent un retrait précipité des États-Unis de la scène internationale, confortent les velléités de la Chine de s’imposer comme le nouveau leader mondial, et affranchissent des États comme divers groupes jusqu’alors en retrait de leurs préventions à recourir à la force de manière décomplexée.

2.   Les armées, actrices centrales de la résilience de la Nation

● L’épidémie de covid-19 a mis en lumière la nécessité de conforter la résilience de la Nation face aux crises. Les armées ont été largement mobilisées pour répondre aux crises de sécurité civile qui ont frappé la France ces dernières années – ouragan Irma aux Antilles, inondations dans l’Aude, crise épidémique du covid-19 – et, après des années de d’amaigrissement organique, il est une nouvelle fois fait la preuve qu’elles ne doivent pas être taillées pour conduire leurs missions quotidiennes, mais pour être en mesure d’intervenir dans des circonstances exceptionnelles.

● Dans ce contexte, il n’y a pas de raison d’amoindrir les ambitions exprimées par la Revue stratégique et la LPM 2019-2025. Au contraire, la remontée en puissance vers un modèle d’armée complet plus robuste doit être accentuée.

B.   Une BITD en souffrance

La commission de la Défense et sa présidente ont accordé une attention particulière à l’impact de la crise sur la « base industrielle et technologique de défense » (BITD), c’est-à-dire sur l’écosystème que forment la dizaine de grands groupes industriels de taille mondiale et près de 4 000 PME qui produisent des biens et des services nécessaires à l’équipement des forces.

En effet, l’industrie de défense a une importance stratégique particulière, reconnue par les Livres blancs successifs sur la défense et la sécurité nationale, et dernièrement encore par la Revue stratégique de 2017. Comme le dit celle-ci, le maintien de la vitalité de cet écosystème qu’est la BITD constitue un enjeu de souveraineté, car « garantir l’approvisionnement et le maintien en condition opérationnelle des équipements des armées, en particulier ceux concourant à la mise en œuvre de la dissuasion nucléaire, conditionne la liberté d’action de la France et, à ce titre, constitue un pilier de son autonomie stratégique ». Le risque, dans une crise sanitaire de grande ampleur, était donc que la désorganisation de « l’arrière » – c’est-à-dire de l’outil de production et de maintenance des armements – ne mette en difficulté « l’avant », c’est-à-dire les armées en opération sur les théâtres extérieurs comme sur le territoire national.

En outre, la crise sanitaire présente n’a fait que confirmer l’importance, pour la résilience de la Nation ainsi que pour sa prospérité, de disposer d’industries implantées sur le territoire national. À cet égard, alors que la grande tâche nationale pour les années à venir réside dans la relance de notre économie et dans la reconstruction d’un tissu industriel productif sur le sol national, il serait contre-productif de mettre à mal notre industrie de défense par une baisse des crédits militaires et des commandes d’armement. Cela reviendrait à étendre, à l’un des rares secteurs industriels qu’il nous reste, la dynamique de récession que subit l’économie française dans son ensemble.

Au contraire, la BITD peut constituer un canal de relance économique particulièrement efficace. Dès 2017, la Revue stratégique soulignait que, « plus largement, ce moteur industriel et technologique irrigue l’économie et contribue au rayonnement et à l’influence de la France dans le monde », en concluant que, « par conséquent, la BITD doit être soutenue et entretenue à tous les niveaux (start-up, PME, ETI, grands groupes) ». Aujourd’hui, plus que jamais, il faut savoir jouer de ce levier, au service de la relance économique et, plus largement encore, du redressement national.

 

1.   La BITD est encore fortement perturbée par la crise

a.   La BITD est encore fortement perturbée par la crise sanitaire

i.   L’arrêt de la production a été brutal et son redémarrage reste timide

● De façon générale, les premiers jours du confinement ont été marqués par un effet de sidération qui a conduit à l’arrêt quasi-total de l’activité des entreprises de la BITD pendant une à deux semaines au moins.

Ce temps d’arrêt a pu être mis à profit pour, d’une part, conduire des opérations de désinfection de toute nature et, d’autre part, définir des mesures de protection permettant une reprise du travail. Ces mesures sont d’autant plus lentes à mettre en œuvre qu’elles passent le plus souvent par la distribution de masques respiratoires de différents types, ce qui suppose une longue « chasse aux masques » dans le monde entier car, comme leurs représentants l’ont souligné devant la commission de la Défense ([5]), les entreprises de la BITD avaient dans un premier temps fait don de leurs stocks aux hôpitaux. La « crise des masques » n’a commencé à trouver son terme que quatre à cinq semaines après le début du confinement.

● Toutes les grandes entreprises de la BITD ont cherché à relancer rapidement leur activité – au moins a minima  mais, à la sixième semaine de confinement, cette activité était encore extrêmement réduite :

– la part des salariés présents sur site ne dépassait guère 20 % ;

– en moyenne, la moitié des salariés était en télétravail mais ce palliatif trouve trois limites principales dans l’industrie de défense : d’abord, il apparaît que le télétravail s’accompagne d’une perte de productivité de l’ordre de 30 % ; ensuite, le télétravail a par définition ses limites dans des industries manufacturières ; enfin, les bureaux d’études travaillent sur des données sensibles voire classifiées, qui ne peuvent pas être utilisées sur le réseau internet « grand public » ;

– le tiers restant des salariés était éloigné du travail pour diverses raisons de précaution sanitaire, de contraintes familiales ou de chômage partiel.

● À la sixième semaine du confinement, les PME des chaînes d’approvisionnement (supply chains) auxquelles s’adossent les « grands groupes » de la BITD avaient un niveau d’activité contrasté selon les secteurs, mais toujours très en-dessous de la normale. Dans l’industrie d’armement terrestre, par exemple, l’activité de près des deux tiers des sous-traitants de Nexter était quasiment à l’arrêt. Même lorsque la supply chain d’un maître d’œuvre n’est pas totalement à l’arrêt, trois difficultés se posent :

– la logistique des approvisionnements est perturbée, notamment pour les transferts internationaux ;

– la productivité des PME qui n’ont pas cessé leur activité restait très en-deçà de la normale. Par exemple, elle était en baisse de 50 % pour les sous-traitants spécialisés en électricité et en électronique de MBDA, fabricant de missiles ;

– les supply chains étant complexes, leur solidité d’ensemble se mesure à celle de leur maillon le plus faible, avec des effets de dominos lorsqu’un fournisseur est à l’arrêt.

ii.   Sous l’effet du confinement, les activités poursuivies par la BITD ont été limitées au strict minimum vital à court terme

● Les dirigeants des « grands groupes » de la BITD interrogés par la Présidente de la commission ont unanimement souligné la qualité du dialogue qu’ils ont entretenu avec la direction générale de l’armement (DGA), entre eux, ainsi qu’avec leur écosystème via les groupements professionnels qui rassemblent « grands groupes », PME et start-up.

Le délégué général pour l’armement a réuni toutes les semaines les représentants de la BITD pour coordonner les efforts de maintien a minima de l’activité pour les produits et les services considérés comme « essentiels » par les armées, ainsi que pour coordonner les efforts de reprise progressive de l’activité. Par comparaison, les représentants de l’industrie ont observé que le dialogue a été moins intense au niveau européen, y compris au sein de l’association européenne des industries aérospatiales et de défense. C’est dans le cadre de ce dialogue avec la DGA que, dès le début de la crise, ont pu être hiérarchisées les priorités pour la poursuite de l’activité industrielle.

Le périmètre de ces « missions essentielles » est resté très restreint. Schématiquement, il a été focalisé sur :

– en priorité, la maintenance des équipements critiques (qu’il s’agisse des matériels ou des systèmes d’information), à commencer par ceux qui concourent à la dissuasion ;

– la poursuite de certaines livraisons ([6]) et de certains services ([7]) ;

– enfin, la poursuite (autant que faire se peut) des travaux de développement des équipements futurs des armées.

● En plus de maintenir certaines activités, l’industrie a dû répondre à des demandes nouvelles des armées liées à la crise.

Par exemple, pour rendre disponibles des avions et des hélicoptères nécessaires à la gestion de la crise, Airbus a accéléré de quatre jours l’entretien d’un avion multirôles de ravitaillement et de transport MRTT, travaillé à l’adaptation du kit Morphée sur les avions de transport A400M et refondu – pour l’accélérer – la procédure de décontamination des hélicoptères de manœuvre après transport de malade.

● En revanche, la production de matériels neufs a été pour l’essentiel mise l’arrêt, ce qui affecte les programmes d’armement.

Par exemple, à la cinquième semaine de confinement, MBDA ne poursuivait la fabrication que d’un seul produit, et Nexter annonçait déjà que, quels que soient ses efforts ultérieurs de reprise de l’activité, le groupe ne sera pas en mesure de livrer en 2020 les 128 véhicules blindés multi-rôles Griffon et les quatre engins blindés de reconnaissance et de combat Jaguar prévus par les contrats.

b.   Une double crise, de l’offre et de la demande

Des entretiens conduits par la présidente avec les dirigeants des « grands groupes » de la BITD, ainsi que de l’audition par la commission de la Défense des représentants des filières de l’armement terrestre et aéroterrestre, de l’armement naval et de l’aéronautique militaire dans leur ensemble, il ressort qu’en quelque sorte, pour la BITD, une crise peut en cacher une autre. En effet, il apparaît que se cumulent aujourd’hui :

– une crise de l’offre pour les activités militaires françaises, l’outil industriel ne produisant plus assez pour honorer les contrats passés et défendre ses pars de marché à l’exportation ;

– une crise de la demande induite par deux canaux : d’une part, une contraction de la demande sur les marchés civils des entreprises « duales » ([8]), dès à présent manifeste et massive dans le secteur aéronautique et, d’autre part, un risque de réduction de la demande extérieure, soit que nos concurrents parviennent à prendre des parts de marché à notre détriment à la faveur des difficultés actuelles de la BITD, soit que certains États clients ajustent à la baisse leurs dépenses d’armement en raison des difficultés budgétaires résultant de la crise.

i.   Une crise de l’offre pour les activités militaires françaises

● Certes, les commandes militaires françaises ne sont pas remises en cause à ce jour. Il n’en reste pas moins que, pour les activités françaises des entreprises de la BITD, la crise actuelle est bien davantage une crise d’offre.

En effet, l’arrêt des chaînes de production a pour conséquence une baisse radicale des livraisons, donc des encaissements et du niveau de trésorerie de nombre d’entreprises, des plus « grandes » aux plus petites. Les lignes de crédits que certaines ont pu souscrire ne font que pallier temporairement le problème.

● Les tensions sur la trésorerie des entreprises de la BITD constituent un danger particulier pour les PME, qui ne possèdent pas toute une structure financière suffisamment robuste pour compenser plusieurs mois de pertes de revenus ou se faire allouer des lignes de crédit.

Certes, ces entreprises sont éligibles au dispositif de garantie de prêts mis en œuvre par l’État dès le début de la crise, et ce dispositif est salué dans son principe par l’ensemble des représentants de la BITD. Cependant, il n’en reste pas moins qu’une entreprise doit trouver une banque pour lui octroyer un tel prêt. Cela constitue un obstacle sérieux pour les industriels de la défense en raison de la réticence croissante des banques françaises à financer les industries de défense. Cette réticence, déjà connue avant la crise, est particulièrement dangereuse dans cette période pour la solvabilité des PME.

De surcroît, les représentants des filières industriels de la défense font état de certaines difficultés, rencontrées dans les premières semaines de la crise, pour la mise en œuvre du généreux dispositif de chômage partiel mis sur place au début de la crise : pendant les trois premières semaines du confinement, certaines DIRRECTE ([9]) auraient été très difficiles à joindre pour valider des plans de chômage partiel. En tout état de cause, si la pertinence de ce dispositif est unanimement reconnue, son coût pour l’État fait craindre aux industriels qu’il ne puisse être maintenu très longtemps et que, pour nombre d’entreprises, il n’aura que permis que de retarder les difficultés si la production ne reprend pas.

ii.   Une crise de la demande pour les entreprises duales, particulièrement dramatique dans l’aéronautique

● À court comme à moyen termes, les perspectives de marché sont très défavorables dans l’aéronautique civile. Selon les analyses présentées à la Présidente de la commission par les dirigeants d’Airbus, de Safran, de Thales et de Dassault – quatre « grands » de la BITD particulièrement exposés à la crise des marchés aéronautiques civils –, cette industrie ne retrouvera vraisemblablement pas son niveau d’activité de 2019 avant 2023 ou 2 024.

Or l’industrie aéronautique civile constitue le principal client de grands groupes « duaux » comme Airbus – qui tire 80 % de son chiffre d’affaires des marchés civils – ou, dans une moindre mesure, D’assaut ainsi que, par répercussion, de nombre d’équipementiers, qu’il s’agisse de PME ou de grands groupes comme Thales ou Safran. Selon le directeur général de ce dernier, le chiffre d’affaires de Safran pourrait baisser de 50 % à 80 % en 2020.

L’outil industriel des entreprises duales du secteur aéronautique restera donc longtemps en situation de surcapacité par rapport à la demande.

Dès lors, sans soutien public, il sera difficile à ces entreprises industrielles d’éviter des restructurations et des fermetures de sites à partir de l’automne, étant précisé que des groupes exposés à la concurrence internationale ne pourraient pas systématiquement privilégier leurs sites français au détriment de sites étrangers parfois plus productifs pour ce qui concerne les productions destinées aux marchés civils et aux commandes étrangères. Comme l’a fait valoir M. Éric Trappier, président-directeur général de Dassault aviation, les Américains ne s’y trompent d’ailleurs pas, en subventionnant largement Boeing au même titre que leurs industries militaires, suivant une approche économique intégrée du secteur dual qu’ils appellent « Aerospace & Defence ».

● De surcroît, la contagion à la BITD d’une dynamique de récession par la baisse de la demande frapperait non seulement l’aéronautique, mais aussi le reste de la BITD, si la demande étrangère faiblissait. Ce risque en envisageable par deux canaux :

– si certains États réduisent leurs dépenses d’armement, à la faveur d’ajustements budgétaires défavorables à la défense en aval de la crise sanitaire, la demande extérieure adressée à notre BITD pourrait se réduire. Il faudra attendre que soit passé le pic de la crise pour mesurer ce risque ; la co-rapporteur observe cependant que, d’ores et déjà, certaines commandes et certains prospects sont frappés d’incertitudes en raison de la crise, à l’image du programme grec de frégates, dont l’activité de Naval Group à Lorient dépend beaucoup ;

– même dans l’hypothèse où les États étrangers ne réduiraient pas leurs dépenses d’armement, notre BITD pourrait perdre en compétitivité et donc en parts de marché face à des concurrents qui n’ont pas tous subi la crise avec la même vigueur et qui redoublent d’agressivité commerciale. En effet, malgré la crise, les affaires continuent et l’on observe même une concurrence exacerbée sur nombre de marchés militaires, notamment du fait des industriels américains largement subventionnés à la faveur de cette crise. Compte tenu de la pression concurrentielle sur les marchés internationaux, le risque serait donc grand que nos clients se détournent de l’offre française – et s’en détournent durablement.

Or l’exportation représente un volume d’activité déterminant pour l’équilibre et la pérennité de notre BITD. Il suffit pour s’en convaincre de comparer le montant des prises de commandes à l’exportation, qui s’élevait à un peu plus de neuf milliards d'euros en 2018 ([10]), avec les dépenses françaises d’armement pour la même période, qui représentaient un peu plus de dix milliards d'euros ([11]) : schématiquement, l’exportation fournit à notre BITD la moitié de son volume d’activité.

2.   Un devoir de vigilance pour protéger les intérêts souverains

La Présidente de la commission souligne que l’industrie de défense n’est pas une industrie « comme les autres », dans le sens où elle constitue une condition sine qua non de notre autonomie stratégique. Depuis des décennies, elle a d’ailleurs toujours été conçue de la sorte dans les documents stratégiques successifs – Livres blancs et revues stratégiques, lois de programmation militaire.

C’est à ce titre que le secteur de la défense n’a pas cessé de faire l’objet d’une véritable politique industrielle, dont la crise actuelle montre d’ailleurs, d’une façon aussi désolante que manifeste, combien elle a pu manquer dans d’autres secteurs de première importance pour la résilience de la Nation.

C’est en ce sens, aussi, que la situation actuelle de notre BITD appelle la plus grande vigilance de l’État. Si, au début de la crise, les entreprises de défense n’ont pas été clairement désignées comme essentielles au même titre, par exemple, que les transports, la logistique, la santé ou l’alimentation, l’État ne saurait laisser perdurer la crise actuelle de la BITD sans compromettre nos intérêts souverains.

À cet égard, les risques sont de deux ordres :

– à court terme, le risque que des entreprises d’importance stratégique (notamment des PME) se trouvent dans une situation financière trop fragile pour ne pas résister aux pressions prédatrices d’investisseurs étrangers, qui ne sont pas tous des amis de la France ;

– à moyen et long terme, le risque qu’une BITD fragilisée par la perte d’une part de son activité, y compris à l’export ou sur des marchés civils, n’ait plus les moyens d’investir suffisamment pour conserver à la France son rang de puissance technologique de premier plan.

a.   Au début de la crise, l’industrie de défense n’a pas été clairement désignée comme « essentielle »

Tous les responsables de la BITD interrogés par la présidente et la commission de la Défense ont regretté que l’industrie de défense n’ait pas été indiscutablement reconnue par l’État comme « essentielle » pour l’application de diverses dispositions prises au titre de l’état d’urgence sanitaire ainsi que, plus largement, dans le discours des autorités politiques.

À leurs yeux, les comparaisons internationales font d’ailleurs apparaître un trait particulier de la gestion de crise en France, où l’État a privilégié le confinement général au prix d’un arrêt quasi-total de l’industrie. Schématiquement, la BITD observe que :

– dans l’Europe du sud (c’est-à-dire en Espagne, en France et en Italie), l’industrie a été très largement mise à l’arrêt au plus fort de la crise sanitaire. Et, encore, faut-il préciser que MBDA a dû fermer pendant quinze jours ses sites de production en France mais pas en Italie, et que si le partenaire italien de Naval Group est à l’arrêt, il a négocié avec ses organisations syndicales l’annulation des congés d’été en contrepartie ;

– au nord, l’activité est largement poursuivie. En Allemagne, par exemple, le système de crédits d’heures permet d’amortir la crise, et le travail a été réorganisé de façon à faciliter la présence des employés sur les sites tout en en limitant leur nombre, quitte à travailler « par bordées » (par exemple en « deux-huit » ou en « trois-huit »).

Ce décalage entre la situation française et celles de certains de ses concurrents tient au fait que l’industrie de défense n’a pas été clairement désignée comme « essentielle » par l’État ; faute d’une telle désignation, difficile de demander aux personnels de déroger à la consigne « restez chez vous ».

La ministre des Armées a certes donné un signe clair en se rendant à Satory, mais l’industrie attendait beaucoup des autres hautes autorités de l’État qu’elles appellent à la reprise du travail moyennant des mesures de précaution sanitaire.

b.   Dans la phase actuelle de la crise, l’industrie de défense mérite un traitement cohérent avec les enjeux de souveraineté qui s’y attachent

i.   Protéger les PME fragilisées des prises de contrôle prédatrices

● La BITD, pour ce qu’elle a de souverain, forme un tout : les « grands » groupes ne sont pas les seuls à posséder une importance stratégique ; tel est également le cas d’une large part des PME qui sont leurs fournisseurs ou leurs sous-traitants. Que la France perde la maîtrise d’un seul composant, aussi « petit » soit-il et aussi anodin qu’il puisse paraître, et c’est tout un équipement, toute une capacité, qui se trouve ainsi fragilisée par une dépendance technologique. Lors de son audition devant la commission de la Défense ([12]), le délégué général pour l’armement évaluait à 1 400 le nombre de PME qu’il qualifie de « stratégiques ».

Or les entreprises de notre industrie de défense, petites ou grandes, attirent les investisseurs étrangers, notamment en raison de leur patrimoine technologique. Dans certains cas, la prise de contrôle d’une société de la BITD par un investisseur étranger est absolument incompatible avec la protection de nos intérêts souverains. C’est par exemple ainsi qu’il y a quelques semaines, le gouvernement français s’est légitimement opposé à la prise de contrôle de la société Photonis par l’Américain Tedelyne.

● Considérant que la crise sanitaire en cours fragilise les entreprises françaises, y compris celles qui interviennent dans des secteurs stratégiques, et que la volatilité des marchés financiers comme la très forte baisse des valorisations d’un grand nombre de sociétés rendent nos entreprises particulièrement vulnérables à d’éventuelles opérations inamicales, le ministre de l’Économie et des Finances a annoncé le 29 avril un renforcement de la procédure de contrôle des investissements étrangers en France. Dans ce cadre, le seuil au-delà duquel une prise de participation dans une entreprise française sensible est soumise à une autorisation administrative sera ramené de 25 % des droits de vote à 10 % de ces droits.

Ce dispositif est particulièrement bienvenu pour la BITD, mais il présente cependant deux limites :

– l’abaissement du seuil précité n’est que temporaire : il doit prendre fin le 31 décembre 2020, alors qu’il est loin d’être certain que les répercussions économiques de la crise sanitaire auront trouvé un terme à cette date ;

– il ne concerne que les entreprises cotées en bourse, ce qui exclut bon nombre de PME et de start-up alors même que, dans le secteur de la défense, ces « petites » entreprises produisent une large part de l’innovation technologique.

Il appartiendra donc à la DGA de redoubler de vigilance dans l’exercice de sa mission de soutien à la BITD dans son ensemble.

ii.   Soutenir aujourd’hui la BITD pour parer éviter son déclassement demain et son déclin après-demain

● Le soutien à la BITD passe dès à présent par un effort de recensement des difficultés et de traitement, dans la mesure du possible, des tensions sur la liquidité des entreprises les plus fragiles. La DGA a ainsi annoncé le 23 mars qu’elle avait entrepris diverses mesures en soutien aux PME et ETI « qui opèrent à son profit, directement ou indirectement » – c’est-à-dire y compris aux sous-traitants et aux fournisseurs des « grands » groupes – tels que :

– une accélération des paiements : la liquidation des factures d’une valeur inférieure à 5 000 euros est désormais faite sans attendre la délivrance de l’attestation de service réalisé ;

– la mise en place d’un site Internet et d’une hotline afin de répondre aux questions (hormis celle relatives à des programmes d’armement sensibles) des PME et ETI de la défense et de mettre en place des mesures adaptées à leurs situations individuelles.

De plus, devant la commission de la Défense, le délégué général pour l’armement a annoncé que la DGA devait mettre à l’œuvre, au début du mois de mai, un dispositif de suivi rapproché des PME et des ETI sur l’ensemble du territoire national, reposant sur les établissements de la DGA dans nos différentes régions. Ce dispositif s’articule autour de visites d’entreprises sur le terrain, du moins pour les plus critiques d’entre elles, afin d’identifier les problèmes auxquels elles se heurtent. Le délégué général a expliqué que, de ce constat, il sera possible d’identifier des solutions supplémentaires pour les aider à franchir l’étape difficile que constitue la crise.

● De même, soutenir les entreprises de la BITD dans leurs relations avec leurs clients étrangers répond à un intérêt souverain qu’il ne faudrait pas sous-estimer. On ne saurait mieux le dire que ne l’a fait la ministre des Armées devant la commission de la Défense ([13])  : « les exportations sont la rançon de notre souveraineté ».

Comme le dit bien la Revue stratégique de 2017, notre rang technologique est en effet « le fruit d’un investissement continu et d’une politique qui garantit en permanence l’équilibre entre l’export, la dualité civilo-militaire et les acquisitions nationales », car « en apportant un volume d’activité complémentaire à la commande nationale et en stimulant l’innovation dans un environnement international très concurrentiel, l’export reste capital pour une industrie de défense compétitive et le maintien des compétences ». Si l’activité à l’exportation faiblissait pour notre BITD, l’État n’aurait que deux options : soit renoncer à notre autonomie stratégique dans l’industrie de défense, soit payer plus cher ses propres équipements.

C’est pourquoi la DGA s’est attachée, dans la mesure du possible, à soutenir les industriels français qui, en raison de la crise, peuvent se trouver en difficulté au regard de leurs obligations contractuelles envers des États clients étrangers. En appui des exportateurs français qui ont dû invoquer les clauses de force majeure de ces contrats, la DGA a envoyé 120 courriers pour soutenir cette démarche auprès de l’ensemble des États clients avec lesquelles elle entretient des relations directes. Selon le délégué général pour l’armement, « à ce jour, [la DGA n’a] pas identifié de réaction négative » : « ils sont également touchés et comprennent parfaitement la difficulté de la situation »

C.   Poursuivre l’effort financier de dÉfense

Nul ne sait aujourd’hui quand et comment finira la crise sanitaire ; et pourtant, c’est dès à présent qu’il faut penser les moyens d’en surmonter les conséquences économiques, que l’on sait d’ores et déjà être ravageuses. Tel est l’objet du plan de relance qu’il s’agit aujourd’hui de construire.

Pour l’ensemble des membres de la commission de la Défense et sa présidente, il faut avant tout éviter d’étendre à la BITD la dynamique de récession qui frappe l’économie française. Plus encore, c’est sur cette industrie, qui produit en France et tire vers le haut le niveau technologique de notre économie, que l’on peut efficacement faire fond pour relancer l’activité, créer des emplois et réindustrialiser le pays, et ce, sur l’ensemble du territoire national.

1.   Ne pas piéger notre effort de défense en faisant un totem des « deux pour cent »

a.   Dans le texte, la programmation militaire est orientée par l’objectif de porter les dépenses militaires à 2 % du produit intérieur brut en 2025

La loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 ([14]) établit expressément l’objectif de porter, en 2025, les dépenses de défense à l’équivalent de 2 % du produit intérieur brut (PIB), tel qu’on pouvait l’estimer – assez approximativement d’ailleurs – lors du vote de cette loi, en 2018.

En effet, l’article 2 de cette loi de programmation approuve le rapport annexé à cette loi, précisant qu’il fixe les orientations relatives à la politique de défense et les moyens qui lui sont consacrés au cours de la période 2 019–2 025 « en prenant en compte l'objectif de porter l'effort national de défense à hauteur de 2 % du produit intérieur brut au terme de cette période ». L’article 3 précise que cet objectif devra également guider la détermination, par la loi actualisant cette programmation militaire, du montant des crédits budgétaires pour 2024 et 2025 en prenant en compte la situation macroéconomique à la date de l'actualisation – fixée à 2021 – « ainsi que l'objectif de porter l'effort national de défense à 2 % du produit intérieur brut en 2 025 ».

Ainsi, l’horizon fixé par la loi de programmation militaire pour la croissance des crédits des Armées est exprimé, pour une part en points de PIB. Or, avec la récession imprévue de 2020, ainsi qu’avec les conséquences encore difficiles à estimer de cette crise sur l’activité économique des années suivront, il pèse désormais une grande incertitude sur ce que représentera, en valeur absolue, 2 % du PIB de 2025.

b.   C’est l’esprit, et non la lettre, de la programmation militaire qu’il convient de retenir pour guider l’évolution des dépenses militaires

Le législateur de 2018 n’a jamais conçu l’horizon des « deux pourcent » que comme un objectif de croissance des dépenses de défense, au service d’un effort très marqué de réarmement. Il ne cite en effet cet horizon que dans une optique de croissance des investissements militaires, disant : « une remontée vers les 2 % du PIB à horizon 2025 ».

Il serait ainsi malhonnête de soutenir que le législateur a fait des « deux pourcent » un totem, auquel il faudrait se tenir quitte à renoncer à cet effort de réarmement. D’ailleurs, la loi de programmation elle-même articule cet objectif de dépenses pour 2025 avec des objectifs plus précis, année après année, exprimés en valeur absolue – c’est-à-dire en milliards d'euros courants, quel que soit le PIB.

D’ailleurs, les prévisions macroéconomiques sur lesquelles repose le texte de la loi de lors du vote de la loi de programmation militaire citant les « deux pourcent » sont aujourd’hui manifestement obsolètes. Ce sont celles qui sous-tendaient la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ([15]) ; le rapport annexé à la loi de programmation militaire les cite dans les termes suivants : « une trajectoire ambitieuse correspondant à une baisse d'un point de PIB du niveau des prélèvements obligatoires, de plus de trois points de PIB de la dépense publique, et de plus de cinq points de PIB de la dette publique ». Il est aujourd’hui évident que ces prévisions ne sont plus d’actualité.

En revanche, le texte de la loi de programmation militaire fixe des objectifs de dépense précis pour le ministère des Armées jusqu’en 2023, ainsi que pour ses dépenses d’équipement jusqu’en 2025. Ainsi, il évalue expressément les besoins financiers à 295 milliards d'euros. Le tableau ci-après présente ces montants programmés par la loi en valeur absolue.

DÉpenses prÉvues par la programmation militaire en valeur absolue

(en milliards d'euros courants)

Dépenses

2019

2020

2021

2022

2023

total 2019-2023

2024

2025

total 2019-2025

Ressources totales

35,9

37,6

39,3

41,0

44,0

197,8

 

 

 

Agrégat « Équipement »

19,5

20,8

22,3

23,7

26,1

112,4

28,8

31,5

172,8

Source : rapport annexé à la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025.

En tout état de cause, les secondes parties des lois de finances ne sont pas exprimées en points de PIB, mais bien en euros en valeur absolue. Par nature, les dispositions de la programmation militaire exprimées dans les mêmes termes sont donc les seuls qui permettent d’évaluer la conformité d’une loi de finances aux orientations de la programmation militaire.

C’est pourquoi, aux yeux de la Présidente, l’actualisation de la programmation militaire prévue pour 2021 constitue d’ailleurs une bonne occasion de clarifier les objectifs fixés par cette programmation, afin d’éviter toute confusion pouvant naître de la coexistence de deux ordres de mesures – les points de PIB, par nature incertains, et les euros courants.

2.   Contre une actualisation « à la baisse » de la programmation militaire

a.   Dès à présent, il serait dangereux que la programmation militaire soit exécutée ou actualisée au rabais

L’article 7 de la loi de programmation militaire 2019–2025 prévoit, avant la fin de l’année 2021, une « actualisation » de la programmation militaire.

Il serait particulièrement dommageable que les Armées servent à cette occasion de variable d’ajustement dans des arbitrages budgétaires que la crise aura rendus ardus. Cette tentation existera peut-être, ignorant les douloureuses leçons du passé récent. En effet, à partir de 2009, le Gouvernement a fait le choix malvenu de faire porter sur la Défense l’ajustement budgétaire opéré après la crise, et ce choix a été aggravé par la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019. Il aura fallu les tragiques attentats de 2015 pour que la France opère un virage à cent-quatre-vingt degrés, en entamant un effort de réarmement que la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 poursuit et couronne.

Instruits que nous sommes par l’expérience, une révision à la baisse des investissements programmés en 2018 ne paraît pas à l’ordre du jour, si l’on en croit la déclaration du Premier ministre en séance publique selon laquelle « le Gouvernement considère que l’impératif de défense demeure une priorité de premier rang » et que « quiconque déciderait du contraire serait exposé, le moment venu, à des risques dont aucun d’entre nous ne souhaite qu’ils se réalisent » ([16]). Comme le disait le Premier ministre, en effet, « le monde qui se dessine pour les mois et les années à venir […] est-il plus tranquille, moins risqué, plus pacifié que celui que nous quittons ? Je ne le crois pas. Je le déplore, du reste, tant il serait formidable de pouvoir nous reconstruire, après la crise sanitaire, dans un monde ayant si profondément changé que les ambitions territoriales, les compétitions armées et les risques géopolitiques auraient disparu. Malheureusement il n’en sera rien ». Autrement dit, on constate que ne se trouve modifiée aucune des raisons ayant présidé aux choix consistant à « faire repasser l’effort de la France en faveur de la défense à un niveau raisonnable, après qu’il a si longtemps maintenu si bas ».

La bonne application de la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 méritera bien entendu d’être suivie avec vigilance par la Représentation nationale, de même que l’actualisation de cette programmation prévue en 2021. Les économies – d’ailleurs limitées – que l’on pourrait réaliser à court terme en rognant sur les investissements militaires finiraient pas se payer cher, voire très cher, et peut-être sans attendre longtemps.

b.   À moyen et long termes, la viabilité de notre BITD dépend de l’investissement programmé dans la modernisation de l’armement

Comme le faisaient valoir devant la commission de la Défense ([17]) les présidents des groupements industriels du secteur de l’armement, l’expérience des décennies passées prouve qu’il peut être très préjudiciable, à moyen et à long termes, de sacrifier la part des dépenses d’armement consacrée à l’innovation – c’est-à-dire aux équipements de demain –, même si c’est pour préserver « le capacitaire », c’est-à-dire la production des équipements d’aujourd’hui.

M. Hervé Guillou, président du groupement des industries de construction et activités navales (GICAN), a rappelé à titre d’exemple que c’est la réduction des dépenses de recherche et technologie (R&T) décidée au début des années 1990 au titre des « dividendes de la paix » qui a conduit à cesser de financer le développement de l’industrie des drones. La France avait pourtant pris, jusqu’alors, une position de premier rang mondial dans ce champ technologique prometteur, mais faute d’investissement public, son industrie a peu à peu perdu sa position dans ce domaine. Et, ce, avec le prix que l’on sait aujourd’hui : vingt ans de dépendance aux technologies américaines, dépendance qui crée des entraves claires et bien connues dans l’exercice de notre autonomie stratégique.

Il importe dès lors de veiller non seulement à ce que l’investissement programmé dans la modernisation de l’armement ne soit pas revu à la baisse, mais aussi à ce que sa ventilation entre les différentes lignes de crédits ne soit pas revue au détriment des dépenses de soutien à l’innovation, pour lesquelles la loi de programmation militaire 2019–2025 consent un effort d’ailleurs salué sur tous les bancs.

3.   La BITD, un canal de relance économique plus efficace et plus rapide que d’autres

Si la discussion du plan de relance n’est pas l’objet du présent rapport d’information, il n’en demeure pas moins que la crise actuelle offre de premiers retours d’expérience qu’il paraît utile de verser au débat sur l’élaboration de ce plan.

À ce titre, la présidente de la commission tient à souligner ici que ce que l’on pourrait appeler l’industrie de souveraineté – allant au-delà de l’industrie de défense pour englober des secteurs tels que l’industrie spatiale et certains pas de l’industrie numérique – constitue un des meilleurs canaux de transmission de l’effort de relance. Avant tout, notre BITD constitue l’un des points forts de notre économie ; à tout le moins ne faut-il pas le négliger dans une période de secousses économiques majeures. De surcroît, dans l’optique de la relance, notre BITD présente trois avantages : d’abord, elle peut créer de l’activité et de l’emploi sans délai ; ensuite, elle tire vers le haut le niveau technologique de l’ensemble de notre industrie, condition de notre compétitivité ; enfin, c’est une industrie essentiellement nationale : l’État peut y investir à des fins de relance sans déperdition de ses efforts financiers du fait d’importation.

a.   Primum non nocere

« Avant tout, ne pas nuire » : cette devise, que le corps médical a inscrite au serment d’Hippocrate, n’est pas sans utilité pour ce qui concerne la relance.

Comme le soulignait la ministre lors de son audition précitée devant la commission de la Défense, la BITD représente 200 000 emplois directs et à peu près autant d’emplois indirects, soit 13 % de l’emploi industriel en France. Surtout, ce secteur est l’un des derniers pas de notre industrie qui constitue un atout compétitif majeur pour notre économie : il connaît une croissance plus soutenue que celle du reste de l’industrie, gagne des parts de marchés, et apporte une contribution positive et significative à notre balance commerciale. Autrement dit, l’industrie de défense constitue l’un des principaux atouts industriels qu’il nous reste ; contrairement à nombre d’autres secteurs, elle n’a pas été délocalisée.

Aussi semble-t-il prudent, avant tout, de ne pas perdre cet atout, c’est-à-dire de le soutenir dans la crise qu’il traverse. Cela plaide non seulement en défaveur d’ajustements budgétaires défavorables aux investissements programmés dans la modernisation de notre armement, mais aussi, de surcroît, en faveur de mesures spécifiques de soutien en période de crise. Les entreprises duales de la BITD, à commencer par celles dont l’activité est atteinte par la crise de l’aéronautique, méritent à ce titre un soutien particulier.

b.   La BITD a déjà premier atout : elle existe

La présidente de la commission constate qu’un large consensus semble se former autour de l’idée, d’ailleurs excellente, de réindustrialiser notre pays. Recréer des filières industrielles que l’on avait inconsidérément laissées se délocaliser sans qu’une politique industrielle ferme et avisée n’y mette de freins, on ne peut que souscrire à l’idée. Mais, pour suivre de près la vie de l’industrie de défense – l’une des rares qui fassent encore l’objet d’une véritable politique industrielle dans notre pays –, la présidente de la commission tient à souligner que créer ex nihilo ou presque une industrie ne se fait pas en un jour. C’est là une ambition de redressement qui s’inscrit dans le moyen terme, et qui ne produira ses pleins effets économiques qu’en quelques années.

Or la relance de l’économie française constitue une urgence. En cela, il peut y avoir un décalage temporel entre cette ambition de redressement – pour légitime qu’elle soit – et les nécessités de la relance économique, qui ne peuvent pas attendre plusieurs années.

Dans cette optique, un plan de relance pourrait utilement s’organiser en des sortes de marches, distinguant entre des mesures de relance à court, à moyen et à long terme. Dans cette optique, l’industrie d’armement, l’industrie spatiale et la part de notre industrie numérique qui revêt des enjeux de souveraineté constituent des canaux efficaces de relance, en ce qu’elles peuvent prendre sans délai des commandes et les exécuter en créant des emplois à très court terme. Un stimulus budgétaire peut produire des effets de relance très rapides.

La présidente de la commission ajoute que la BITD est répartie de façon assez harmonieuse sur l’ensemble du territoire. Il y a là un précieux héritage de l’époque où l’État avait, par précaution, tenu à implanter cette industrie stratégique à bonne distance des frontières de l’est, alors les plus menacées, bien que l’est et le nord fussent alors les régions les plus industrialisées de France. Nous avons hérité de cette politique un maillage industriel du territoire plus harmonieux dans le secteur de la défense que dans d’autres. Cette caractéristique constitue un atout supplémentaire pour un effort de relance qui ne saurait ignorer aucun de nos territoires.

c.   L’industrie de défense est un foyer d’innovations technologiques qui irriguent ensuite le reste de l’économie

Les exemples sont innombrables de technologies développées initialement à des fins militaires, avant d’irriguer le reste de l’économie et de conférer à ceux qui les possèdent un solide avantage compétitif. Internet, issu d’un projet de recherche de la Defense Advanced Research Programs Agency (DARPA) du Department of Defense américain, est l’exemple le plus souvent cité de cette mécanique ; il en existe également en France où, comme l’ont rappelé par exemple les dirigeants de Thales et de Dassault, c’est pour une large part dans le cadre des contrats militaires que ces industriels développent des technologies innovantes, qu’elles peuvent ensuite employer dans leurs productions civiles.

Cela tient non seulement aux hautes exigences de performance qui s’attachent aux productions militaires, mais aussi à des pratiques propres aux commandes du ministère des Armées. C’est l’État qui soutient financièrement le développement des technologies, dès les phases très amont des recherches – tel est l’objet des programmes d’études amont, dont la programmation militaire prévoit de porter le budget à un milliard d'euros – et jusqu’aux phases de développement.

Or, aux yeux de la présidente, c’est bien souvent le niveau technologique de notre offre industrielle qui fait sa compétitivité, davantage même que ses coûts de production. Non qu’il n’importe pas, par ailleurs, de maîtriser ceux-ci ; mais à long terme, la compétitivité prix ne fait pas tout : la compétitivité de l’offre française se joue en réalité sur la qualité de ses produits.

Pour ces raisons, il serait judicieux que le plan de relance à venir mise beaucoup sur le soutien à l’innovation technologique. Pour piloter un tel effort, les structures de soutien à l’innovation du ministère des Armées – ainsi que, dans le secteur spatial, le Centre national d’études spatiales – comptent parmi les plus robustes dont dispose l’État.

d.   Un effet de « multiplicateur budgétaire » particulièrement élevé

Dans les travaux sur les politiques de relance revient immanquablement la question de l’efficacité de la dépense publique en la matière. La question est en effet légitimement de savoir combien de revenus procure, pour les Français, un euro supplémentaire investi par l’État à des fins de relance. La mesure de cet effet de levier, communément appelé « multiplicateur keynésien », est l’objet de controverses entre économistes dans lesquels il n’appartient pas à la présidente de trancher.

Elle retient néanmoins pour certains deux éléments à prendre en compte dans les travaux préparatoires au plan de relance à venir :

– ce « multiplicateur keynésien » n’est pas homogène, c’est-à-dire qu’un euro dépensé par l’État ne produit pas les mêmes effets économiques selon le secteur dans lequel il est investi ;

– l’une des principales limites des politiques de relance que relève la théorie économique tient aux importations. En effet, si les crédits investis par l’État se trouvent in fine dépensés pour acquérir des biens ou des services étrangers, leur effet de stimulation économique bénéficie à d’autres pays. Cette déperdition est d’autant plus limitée que l’État concentre ses efforts de relance sur des secteurs où la production est essentiellement française.

À cet égard, il convient de souligner que les industries que l’on peut qualifier de « souveraines » – c’est-à-dire l’industrie de défense en premier lieu, ainsi que d’autres secteurs tels que l’industrie spatiale et certains volets de l’économie numérique – sont celles du made in France. En effet, en raison des enjeux de souveraineté qui s’y attachent, ces activités n’ont pas été délocalisées, et le droit des marchés publics comporte pour ces secteurs des règles dérogatoires aux principes de la libre concurrence, permettant à l’État de préférer des fournisseurs français lorsqu’il l’estime nécessaire.

Ainsi, les dépenses publiques consenties dans ces industries de souveraineté bénéficient très majoritairement à des producteurs français et, en conséquence, créent de l’activité, de l’emploi et de la valeur ajoutée en France. Dans d’autres secteurs, à l’inverse, les dépenses publiques stimulent davantage d’importations, ce qui limite d’autant leur effet bénéfique sur l’économie française.

Certains estiment le « multiplicateur keynésien » des dépenses de défense à 1,27 à court terme, voire à 1,68 à long terme. Comme le délégué général pour l’armement l’a bien dit devant la commission de la Défense, il est très difficile de mesurer avec précision ce multiplicateur, mais il n’y a aucun doute « sur l’efficacité économique de l’activité de défense, qui irrigue l’ensemble des territoires et dont les retombées en matière d’emploi sont avérées ». Il est largement admis que, quel que soit son niveau précis, le « multiplicateur keynésien » est plus élevé dans le secteur de la défense que dans la plupart des autres champs d’investissement de l’État. À ce titre, et compte tenu de nos contraintes budgétaires, comment ne pas miser largement sur nos industries souveraines dans notre effort de relance ?

V.   L’impact de la crise ÉPIDÉmique sur le lien entre la Nation et son armÉe

A.   La question mÉmorielle

● Le 8 mai 2020, la commémoration du 75ème anniversaire de l’Armistice s’est tenue en comité restreint, sans foule ni liesse. Elle a néanmoins bien eu lieu, et des cérémonies ont été organisées sur l’ensemble du territoire, dans les grandes métropoles comme dans les plus petits villages de France. Le nécessaire respect des mesures de distanciation physique n’est pas sans impact sur les commémorations mémorielles. Au lendemain de l’entrée en vigueur des mesures de confinement, c’est la journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc, fixée au 19 mars, qui n’a pu être célébrée comme les années précédentes. Depuis lors, la journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la Déportation comme la journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition n’ont pu se tenir comme prévu.

Des questions se posent également sur les cérémonies à venir : la journée nationale de la Résistance (27 mai) ; la journée nationale d'hommage aux « morts pour la France » en Indochine (8 juin) ; 18 juin, pour le 80e anniversaire de l’Appel du Général de Gaulle, dont l’année marque aussi le 130e anniversaire de la naissance et le 50ème anniversaire de la mort ; ou encore la fête nationale. Le 17 mai, le premier temps fort de « l’année de Gaulle » s’est tenu dans les communes de Dizy-le-Gros et La-Ville-aux-Bois-les-Dizy où le chef de l’État a participé à la cérémonie de commémoration du 80e anniversaire de la bataille de Montcornet.

● De manière plus large, se pose aussi la question de la réouverture des lieux de mémoire, musées des armées – musée de l’Armée aux Invalides et autres structures réparties sur le territoire – ainsi que des sites mémoriaux, qu’il s’agisse des hauts lieux de la mémoire nationale ou des établissements régionaux comme, par exemple, le Mémorial de Caen.

● Enfin, il conviendra de mesurer l’impact de l’épidémie sur le monde combattant lui-même, souvent âgé et fragile, et dont nombre de représentants vivent en EHPAD.

 

B.   Les dispositifs en faveur de la jeunesse

● L’épidémie de covid-19 et les mesures mises en œuvre pour endiguer sa propagation ont conduit au report, jusqu’à septembre, des journées de défense et de citoyenneté (JDC). Alors que le certificat de participation à la JDC est requis pour se présenter, jusqu’à l’âge de 25 ans, à un examen national, tels le baccalauréat ou le permis de conduire, ou à un concours administratif, des mesures ont été prises afin d’alléger les procédures et de ne pas pénaliser les jeunes Français qui n’auraient pas pu effectuer leur JDC. Le service militaire volontaire (SMV) a également été suspendu. La ministre a fait état de la mobilisation de trente jeunes dans le cadre de l’opération Résilience pour assurer le soutien logistique à Rungis. Elle s’est félicitée que treize d’entre eux, grâce à leur motivation et à leur engagement, ont été embauchés en contrat à durée indéterminée au bout de quinze jours.

● De même, le calendrier de l’expérimentation du service national universel (SNU) a été adapté afin de tenir compte des mesures de confinement et de distanciation physique. Les 30 000 jeunes volontaires attendus débuteront ainsi leur cycle par la réalisation, durant l’été, de leur mission d’intérêt général, avant d’effectuer la phase de cohésion, en internat, quand les conditions le permettront. Si ce projet de société apparaît plus que jamais pertinent dans la crise actuelle, ce scénario n’est pas sans poser question au regard de l’évolution de la situation épidémique et des recommandations édictées par le Gouvernement en matière de travail à distance.

● Enfin, si les volontaires du service militaire adapté et du service militaire volontaire ont été invités à regagner leur domicile durant la crise, plusieurs d’entre eux ont souhaité se porter volontaires pour participer aux actions conduites par les armées dans le cadre de l’opération Résilience, notamment sur le volet logistique.


—  1  —

   TRAVAUX DE LA COMMISSION

   annexe

   annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnÉes par LA COMMISSION PAr ordre chronologique

Mme Florence Parly, ministre des Armées et de Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées (trois auditions).

Mme la médecin générale des armées Maryline Gygax Genero, directrice centrale du service des armées.

M. le général François Lecointre, chef d’état-major des armées.

M. Hervé Guillou, Président du groupement des industries de construction et activités navales (GICAN), M. Stéphane Mayer, Président du groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (GICAT), M. Éric Trappier, Président du groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS).

M. Joël Barre, délégué général pour l’armement.

Mme Claire Landais, secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale.

M. le général Thierry Burkhard, chef d’état-major de l’armée de terre.

M. le général Philippe Lavigne, chef d’état-major de l’armée de l’air.

Table ronde, à huis clos, sur un bilan de l‘opération Résilience dans la région Grand Est avec M. le général Christian Bailly, officier général commandant la zone de défense et de sécurité Est, M. le médecin chef des services hors classe (2S) Jacques Escarment, chef de l’élément militaire de réanimation à Mulhouse, M. le commissaire en chef de deuxième classe Antoine de Coster, du centre de planification et de conduite des opérations.

M. l’amiral Christophe Prazuck, chef d’état-major de la marine.

M. le général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale.

 

Mme Alice Guitton, directrice générale des relations internationales et de la stratégie du ministère des armées.

M. Guillaume Poupard, directeur général de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information.

Mme Isabelle Saurat, secrétaire générale pour l’administration du ministère des Armées.

Table ronde, à huis clos, sur les aspects sanitaires de l’opération Résilience avec : M. le médecin chef des services hors classe Édouard Halbert, chef de la cellule de crise COVID-19 du service de santé des armées ; M. le médecin chef des services hors classe Serge Cremades, médecin chef adjoint de l’hôpital d’instruction des Armées BEGIN (à Saint Mandé) ; M. le lieutenant-colonel de l’armée de terre Christophe Rohmer, du Centre Interarmées de Défense Nucléaire, Radiologique, Biologique et Chimique et M. le lieutenant-colonel de l’armée de l’air Laurent Guerrier, commandant le centre d’expertise sécurité nucléaire NRBC.

M. Emmanuel Chiva, directeur de l'agence de l'innovation de défense.

Les comptes rendus de ces auditions sont disponibles sur le site de l’Assemblée nationale, rubrique commission de la défense, sous l’onglet « travaux liés à la pandémie du covid-19 ».

 


[1] Le programme complet des auditions conduites par la commission depuis le 17 avril figure en annexe.

[2] Opérationnel depuis 2008, le kit Morphée a été utilisé à plusieurs reprises sur les théâtres, notamment en

Afghanistan, après l’embuscade d’Uzbin, en août 2008, au cours de laquelle dix militaires français ont été tués

et 21 blessés

[3] La présidente a tenu un bilan précis des actions conduites dans le cadre de l’opération Résilience, transmis aux membres de la commission deux fois par semaine. Le ministère des Armées publie régulièrement des informations actualisées sur son site internet : https://www.defense.gouv.fr/operations/france/operation-resilience/dossier-de-reference/operation-resilience

[4] Chiffres au 23 avril 2020.

([5]) Réunion du 23 avril 2020, audition de MM. Hervé Guillou, président du Groupement des industries de construction et activités navales (GICAN), Stéphane Mayer, président du Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (GICAT) et Éric Trappier, président du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS).

([6]) Par exemple, un avion de transport A400M a été livré par Airbus en avril, malgré les difficultés que traverse l’Espagne, où une partie de l’avion est assemblée.

([7]) On citera par exemple certains services fournis par l’industrie en matière de formation de pilotes, dont l’armée de l’air a souhaité qu’elle se poursuive, à Cognac, afin de ne pas aggraver les tensions existantes avant la crise dans la gestion de ses ressources humaines.

([8]) C’est-à-dire celles qui produisent non seulement des équipements et des services destinés aux armées, mais aussi à des clients civils ; certaines technologies se prêtent en effet à des usages « duaux », notamment dans l’aéronautique.

([9]) Directions régionales des entreprises, de la concurrence, du travail et de l’emploi.

([10]) Selon le dernier rapport au Parlement sur les exportations d’armement de la France, présenté en juin 2019.

([11]) Précisément, les crédits de paiement inscrits au programme 146 « Équipement des forces » s’élevaient, en 2018, à 10,24 milliards d'euros.

([12]) Audition du 29 avril 2020, séance e 9h00, compte-rendu n° 45.

([13]) Audition du 10 juillet 2019, séance de 18 heures, compte rendu n° 47.

([14]) Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

([15]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([16]) Séance du 12 mai 2020, questions au Gouvernement, réponse de M. le Premier ministre à la question de M. François Cornut-Gentille.

([17]) Audition du 23 avril 2020.