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N° 3172

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er juillet 2020.

RAPPORT  DINFORMATION

DÉPOSÉ

en application de larticle 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur les propositions du groupe de travail sur les communications électroniques, les postes et léconomie numérique concernant la reprise et le plan de relance
après lépidémie de Covid-19

 

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Éric BOTHOREL et Mme Laure de la RAUDIЀRE,

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

AVANT PROPOS

Synthèse des propositions

Axe n° 1 : Vers une économie résiliente ET compétitive GRâCE AU NUMERIQUE             

Axe N° 2 : Vers des réseaux efficients et SOUTENABLES au service de tous 

Axe N° 3 : Vers une numérisation de notre système de santé au service des citoyens             

AXE N° 4 : Vers la constitution d’un « Fablab France » intégré et innovant.

Axe 1 : Vers une économie résiliente ET compétitive GRâCE AU NUMERIQUE             

I. Les leçons de la crise

A. Un vecteur de résilience économique en situation de crise

B. Une sous-numérisation des TPE/PME évidente et préjudiciable

C. Un niveau de « compétences numériques » des salariés français encore insuffisant             

D. Une exposition importante au risque « cyber » pendant la crise

E. Conjuguer opportunités économiques et souveraineté technologique

II. Propositions du groupe de travail

Axe 2 : Vers des réseaux efficients et SOUTENABLES au service de tous             

I. Les leçons de la crise

A. Des infrastructures qui ont résisté avec succès au pic de trafic lié au confinement             

B. Une forte chute du rythme des déploiements fixes et mobiles

C. Un report des enchères 5G qui ne doit pas se transformer en retard

D. Intégrer l’empreinte écologique du numérique au sein des politiques publiques 

II. Propositions du groupe de travail

Axe 3 : Vers une numérisation de notre système de santé au service des citoyens             

I. Les leçons de la crise

A. Un système de santé insuffisamment numérisé

B. Une appétence nouvelle des Français pour les solutions de santé à distance 

II. Propositions du groupe de travail

Axe 4 : Vers la constitution d’un « Fablab France » intégré et innovant 

I. Les leçons de la crise

A. Une dynamique sans précédent de mobilisation des « makers » contre lA Covid 19             

1. Une mobilisation rapide et puissante pendant la crise

2. Des relations variables avec les acteurs industriels

3. La présence préalable d’un écosystème administratif et économique déjà constitué : une des clefs du succès             

B. Des difficultés persistantes sur lesquelles une réflexion doit s’engager

1. Des difficultés pour accéder et faire fonctionner les fablabs au quotidien

2. Des obstacles réglementaires et un manque d’harmonisation des systèmes de certification en milieu médical             

3. Un manque de considération de la part des autorités publiques

II. Propositions du groupe de travail

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

I. AUDITIONS « SUIVI DE LA CRISE » (avril-mai 2020)

II. AUDITIONS « PLAN DE RELANCE » (juin 2020)

ANNEXE 2 : NOTES HEBDOMADAIRES DE SUIVI DU GROUPE DE TRAVAIL             

ANNEXE 3 : COURRIERS ENVOYÉS PAR LE GROUPE DE TRAVAIL 


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   AVANT PROPOS

Heureusement que le numérique était là !

Face à une crise sanitaire inédite, les Français, les entreprises, les collectivités et lÉtat ont dû sadapter rapidement pour limiter la circulation du virus. Le confinement a eu un impact évident sur nos vies, en nous éloignant de nos proches, et sur l’économie dans son ensemble, dont le fonctionnement reste encore largement présentiel. Dans ce contexte, les administrations publiques et les acteurs privés ont su rapidement mobiliser le numérique afin de poursuivre, quand cela était possible, une partie de leurs activités habituelles.

À lheure dun premier bilan, gardons une idée simple en tête : le choix collectif que nous avons fait, et qui a permis de sauver plusieurs dizaines de milliers de vies, naurait pas été possible sans lapport du numérique ! Sans le numérique, impossible de travailler à distance, de rester en contact avec ses proches, ou plus simplement, pour nos enfants, de garder un lien avec l’école. Sans le numérique, impossible, également, pour les entreprises, de continuer à vendre leurs produits, ou, pour les médecins, d’assurer une continuité des soins à destination des plus fragiles. En dépit de certaines craintes, le numérique sest révélé à nous dans toutes ses potentialités en contexte de crise.

Notre rapport porte, finalement, l’expression d’un message simple : tirons ensemble rapidement les leçons numériques de ce quil vient dadvenir ! La formidable dynamique de transformation numérique de notre société doit se poursuivre, au service dun numérique inclusif, compétitif et respectueux de lenvironnement. Son développement est d’autant plus nécessaire que l’expérience de la crise a été, pour beaucoup d’acteurs, l’occasion de la prise de conscience douloureuse de leur « sous-numérisation » que ce soit en matière de qualité insuffisante des raccordements aux réseaux, d’équipements ou encore de compétences sur les usages numériques. De l’habitation en zone blanche, des familles non équipées pour le suivi scolaire de leurs enfants, aux PME incapables de continuer à vendre leurs produits, en passant par les difficultés rencontrées par les administrations publiques, nationales ou locales, parfois entravées dans leur fonctionnement, sans oublier les difficultés de collecte et de partage de données au sein de nos systèmes d’information de santé, nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir. Désormais pleinement conscients de ces limites, il nous revient de les corriger rapidement pour rattraper notre retard en Europe et renforcer notre capacité de résilience collective.

Pour nourrir la réflexion sur le « monde d’après », et sur le plan de relance envisagé par le Gouvernement, nous avons formulé 20 propositions, issues de nos échanges avec un grand nombre dacteurs (opérateurs, acteurs de la filière fibre, agences de régulation, acteurs de la cybersécurité, de l’écosystème start-up etc.). Nous avons concentré notre propos sur quatre grands axes, qui constituent, selon nous, autant de fils rouges pour la numérisation rapide de notre société.

Le premier axe de notre rapport « Vers une économie résiliente et compétitive grâce au numérique » rappelle les bénéfices apportés par le numérique ces derniers mois et les difficultés quont pu rencontrer certains acteurs, faute de numérisation suffisante. Face à ce constat, nous portons plusieurs propositions pour renforcer la numérisation de notre économie : un soutien renforcé à la numérisation des TPE/PME, une meilleure intégration dans la formation initiale et continue des enjeux de l’intelligence artificielle, du Big Data et de la blockchain, des capacités d’investissement supplémentaires à destination de nos entreprises technologiques. Autant de mesures devant nous permettre, là aussi, de rattraper notre retard et de construire une indépendance technologique française et européenne.

Le second axe de notre rapport « Vers des réseaux efficients et soutenables au service de tous » porte un objectif simple et clair : valoriser des infrastructures numériques et mobiles qui ont été plus que jamais des biens communs indispensables pour vivre pendant le confinement. Nous y développons une analyse de l’impact de la crise sur les objectifs fixés par le plan France Très Haut Débit et le New Deal mobile et formulons des propositions pour maintenir l’ambition initiale de ces projets : apporter une couverture fixe et mobile de qualité à tous les Français. Nous y abordons également l’enjeu de la 5G, qui doit être une composante majeure du plan de relance, en raison de l’efficience nouvelle offerte par cette technologie et des gains de compétitivité qu’elle apportera via l’émergence d’usages nouveaux. La France, et l’Europe, ne peuvent en effet se permettre d’être en retard sur ce sujet, au risque de perdre, une nouvelle fois, une partie de leur souveraineté technologique. Enfin, nous y évoquons la question de la soutenabilité environnementale du numérique dans toute sa complexité (réseaux, terminaux, usages). Cet impératif doit désormais innerver l’ensemble de nos politiques publiques.

Le troisième axe de notre rapport « Vers une numérisation de notre système de santé au service des citoyens » porte sur la transformation numérique engagée de notre système de santé, qui doit prendre une ampleur nouvelle. La crise a en effet permis de lever certains freins psychologiques, mais aussi réglementaires, par exemple en matière de téléconsultations, tout en révélant, dans le même temps, la fragilité de nos systèmes d’information de santé et des lacunes dans les outils proposés aux citoyens. Nous plaidons donc en faveur d’une accélération des objectifs portés dans le cadre de la stratégie MaSanté2022, afin de permettre de généraliser au plus vite, des outils numériques de santé, tels que l’espace numérique de santé (ENS) par exemple, dont l’absence a été préjudiciable pendant la crise.

Enfin, le dernier axe de notre rapport « Vers la constitution dun Fablab France intégré et innovant » constitue un plaidoyer en faveur dune meilleure reconnaissance institutionnelle des ateliers de fabrication numérique (Fablabs), vecteurs dinnovation et de lien social au sein de nos territoires. Ces ateliers ont en effet apporté une contribution importante à la production de masques et de matériels médicaux pendant la crise, en particulier à son commencement, lorsque les tensions en matière d’approvisionnement étaient les plus fortes. Il nous semble important de miser sur cette dynamique en constituant notamment des pôles territoriaux rassemblant fablabs, acteurs industriels et administrations locales, afin de les mobiliser plus facilement en cas de difficulté. Vecteur d’innovation et de lien social dans les territoires, ces structures doivent bénéficier d’une reconnaissance et d’un soutien à notre sens plus marqués de la part des acteurs publics.


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   Synthèse des propositions

Axe n° 1 : Vers une économie résiliente ET compétitive GRâCE AU NUMERIQUE

Proposition n° 1 : Renforcer la résilience et la compétitivité de notre économie en faisant de la numérisation des entreprises un axe majeur du plan de relance.

Proposition n° 2 : Intégrer véritablement dans le tronc commun du cursus scolaire l’enseignement des technologies numériques. Organiser une « coupe de France » de la cybersécurité ouverte à l’ensemble des collégiens pour renforcer leur maîtrise des outils numériques.

Proposition n° 3 : Mettre en place un plan de formation au numérique des dirigeants d’entreprises, des salariés et des personnes au chômage ou en activité partielle.

Proposition n° 4 : Reconquérir dans les prochaines années une souveraineté technologique française et européenne en investissant massivement dans les secteurs industriels clefs du numérique.

Proposition n° 5 : Faire un bilan de la numérisation des acteurs publics et accélérer leur virage numérique pour garantir la continuité des services publics.

Axe N° 2 : Vers des réseaux efficients et SOUTENABLES au service de tous

Proposition n° 6 : Soutenir la reprise rapide des déploiements fixes et mobiles pour respecter les engagements pris dans le cadre du Plan France Très Haut Débit et le New Deal mobile. Le financement du plan France Très Haut Débit par l’État doit être garanti aux collectivités (complément de l’ordre de 300 à 600 millions d’euros pour achever le plan).

Proposition n° 7 : Faire de la 5G une véritable opportunité pour la compétitivité de la France en soutenant les acteurs industriels et leurs investissements en recherche et développement.

Proposition n° 8 : Dresser un bilan des aides à l’innovation technologique en France pour faire évoluer cette politique vers plus d’efficacité et de lisibilité.

Proposition n° 9 : Intégrer l’empreinte carbone du numérique au sein des politiques publiques de lutte contre le réchauffement climatique.

Proposition n° 10 : Créer un véritable ministère du numérique, structure souple chargée de piloter la transformation numérique de notre société, en lien avec les différents ministères compétents.

Axe N° 3 : Vers une numérisation de notre système de santé au service des citoyens

Proposition n° 11 : Évaluer et pérenniser les dispositifs dérogatoires de soutien aux soins à distance mis en place par les pouvoirs publics pendant la crise.

Proposition n° 12 : Renforcer les compétences numériques des personnels médicaux, pour accélérer la numérisation « par le bas » de notre système de santé.             

Proposition n° 13 : Accélérer le virage numérique en santé « par le haut » en apportant une ambition politique affichée et une reconnaissance des acteurs engagés dans la numérisation de notre système de santé.

Proposition n° 14 : Soutenir les acteurs de l’innovation en santé afin de tirer profit des opportunités du marché de la e-santé et de renforcer l’autonomie française dans ce domaine.

Proposition n° 15 : Encourager la création de fablabs au sein des structures hospitalières afin de permettre d’assurer une meilleure adéquation entre les besoins en petit matériel des soignants et leurs attentes au quotidien.

AXE N° 4 : Vers la constitution d’un « Fablab France » intégré et innovant

Proposition n° 16 : Mettre en place un référent « fablabs » au sein de l’administration, qui constituerait le point d’entrée des fablabs dans leurs échanges avec l’État et les collectivités.

Proposition n° 17 : Définir le rôle et la place des fablabs au sein de l’économie française.

Proposition n° 18 : Soutenir la formation de « pôles territoriaux » intégrant les fablabs au niveau local.

Proposition n° 19 : Rapprocher les fablabs du monde de l’éducation et de la formation.

Proposition n° 20 : Faire un bilan des obstacles réglementaires et associer les représentants des fablabs au processus de prise de décision dans ce domaine.

 


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   Axe 1 : Vers une économie résiliente ET compétitive GRâCE AU NUMERIQUE

La crise du Covid-19 a donné au numérique une place nouvelle au sein de notre système économique. Côté salariés, le télétravail a été un moyen de maintenir une activité professionnelle, alors que la présence physique dans les locaux habituels était impossible. Côté entreprises, le recours aux technologies numériques a permis dassurer une forme de continuité de lactivité, en utilisant le canal de la vente à distance lorsque les points de vente physiques étaient fermés.

Incontestablement, au regard du caractère soudain de la crise, les entreprises ayant mis en œuvre une stratégie de numérisation avant le confinement ont été les plus agiles. Les entreprises du secteur numérique et technologique, notamment les start-ups, ont dailleurs mieux résisté que les acteurs plus traditionnels, même s’il est difficile de généraliser l’analyse ([1]). En tout état de cause, la crise a agi comme un révélateur des lacunes numériques de notre tissu de TPE/PME, fortement impacté par la période de confinement. Le plan de relance à venir doit donc être aussi un plan de numérisation accélérée des entreprises françaises, afin de renforcer leur résilience économique « face aux coups durs ». Dans le même temps, il est également nécessaire de « préparer lavenir », en soutenant les entreprises technologiques françaises dont certaines sont bien positionnées dans des secteurs clefs de l’économie numérique.

I.   Les leçons de la crise

A.   Un vecteur de résilience économique en situation de crise

Le niveau de numérisation des entreprises a été un élément clef dans leur capacité à résister aux difficultés économiques. S’il est vrai que tous les types d’activités économiques ne peuvent pas être réalisés à distance, il n’en demeure pas moins que disposer dun moyen de vente en ligne offrait davantage de marges aux entreprises pour sadapter. Comme le relève la Banque de France, dans son point de conjoncture de la fin du mois d’avril 2020, les services « ayant le mieux résisté sont ceux qui ont pu mettre en place le télétravail de façon massive » ([2]). Les secteurs des services « les moins numérisés » nont ainsi véritablement entamé leur « redémarrage » quau début du mois de juin ([3]). En outre, les services aux ménages (B to C), moins numérisés, ont davantage souffert de la période de confinement que les services adressés aux entreprises (B to B).

B.   Une sous-numérisation des TPE/PME évidente et préjudiciable

La sous-numérisation des TPE/PME a néanmoins été un obstacle à leur adaptation rapide à la situation de crise, en dépit de la mobilisation de la Retail Tech et de lagrégation des offres disponibles à des tarifs préférentiels par le Gouvernement. Comme le relève le document de présentation de l’indice relatif à l’économie et à la société numériques (DESI) 2020, en France, « les niveaux dadoption du commerce électronique par les entreprises françaises restent inférieurs à la moyenne de lUE », avec un taux de recours de 15 % pour les TPE/PME françaises contre 18 % en moyenne au sein de l’UE. L’effet taille joue d’ailleurs fortement sur ce critère, puisque 45 % des grandes entreprises pratiquent le commerce électronique. En somme, la France, qui nest quà la 11e position en Europe en matière dintégration de la technologie numérique, souffre donc dun vrai point de faiblesse numérique au sujet des TPE/PME auquel il faut sattaquer.

Cette trop faible numérisation sexplique dabord parce que les petites entreprises continuent en grande partie à ne pas voir le bénéfice immédiat dune stratégie de numérisation, davantage associée à des risques d’ordre financier, technique et opérationnel. Trop souvent, le chef d’entreprise ne sait pas où s’adresser et ce qu’il serait intéressant de mettre en place comme projet de transformation numérique pour son entreprise. En outre, faute de concurrence suffisante, les offres proposées aux entreprises restent peu adaptées à leurs besoins, comme nous lavions relevé dans notre rapport dinformation relatif à la couverture numérique et mobile du territoire ([4]).

La crise sanitaire a néanmoins permis une véritable prise de conscience de cette sous-numérisation, dans un contexte où, en 2019, près des deux tiers des TPE/PME navaient pas engagé de démarche de numérisation. Ces entreprises se sont dès lors numérisées dans l’urgence pendant la crise, en mobilisant les ressources proposées par l’État (recensement des offres) et laccompagnement de France Num ([5]), avec plus ou moins de succès selon les situations.

C.   Un niveau de « compétences numériques » des salariés français encore insuffisant

Le recours au télétravail a pu être vécu comme difficile par une partie des salariés, faute de compétences numériques minimales ou daccès de qualité à domicile. Le classement DESI, qui mesure le niveau de numérisation des économies européennes donne à voir une position très moyenne de la France dans ce domaine : 15e au sein de l’UE tous critères confondus et seulement 17e sur l’item « capital humain », avec des résultats souvent inférieurs à la moyenne de lUE. Le pourcentage de particuliers disposant de compétences numériques n’est en effet que de 57 % (contre 58 % en moyenne de l’UE) pour les compétences élémentaires, et de 31 % pour les compétences plus avancées (contre 33 % en moyenne dans l’UE). De même, le nombre de particuliers diplômés en TIC n’est que de 3 % contre 3,6 % en moyenne au sein de l’Union européenne.

Il existe donc une véritable difficulté française sur ce sujet, en dépit dune forte volonté des salariés de se former dans ce domaine. Le baromètre international CEGOS 2019 ([6]) indique ainsi que 93 % des salariés français se disent prêts à se former par eux-mêmes pour s’adapter aux transformations digitales à venir. Dans le même temps, près d’un salarié sur trois continue de se sentir « dépassé » par les évolutions technologiques.

La formation au numérique est donc, d’abord et avant tout, un enjeu dinclusion sociale et économique majeur. Le trop faible niveau de compétences numériques freine en effet les possibilités de rebond et/ou de reconversion pour les salariés perdant leur emploi. Il pèse en outre sur la productivité (avec un risque pour l’emploi) et fait courir un risque d’obsolescence accrue des compétences pour les entreprises. Il affaiblit enfin notre cohésion, en mettant en difficulté les personnes les moins habituées au numérique, dans un contexte de dématérialisation des services publics et privés.

D.   Une exposition importante au risque « cyber » pendant la crise

Le manque de réflexes d’ « hygiène numérique » est fortement préjudiciable pour les entreprises, qui s’exposent davantage aux attaques de pirates informatiques privés, parfois à la solde de puissances étrangères, dans un contexte de sophistication de la menace cyber.

Les acteurs de la cybersécurité ont ainsi noté, pendant la crise, une recrudescence des actes de cybermalveillance à légard des entreprises. L’intégration de ce risque par les acteurs privés est un enjeu de souveraineté majeur, dans un contexte où logiquement, comme le rappelle le manifeste de l’ANSSI, « plus notre société se numérise, plus elle sexpose aux risques inhérents à ces technologies ».

La nouvelle revue annuelle de l’ANSSI « Papiers numériques » confirme cette nécessité. L’année 2019 a ainsi été marquée, à ce sujet, par des attaques sous la forme de rançongiciels, et par supply chain contre les entreprises. LANSSI a également observé en 2019 une hausse des opérations despionnage, dans un contexte de tensions géopolitiques fortes. La récente période de crise sanitaire, avec une transition éclair des acteurs publics et privés vers le travail à distance, a d’ailleurs offert une occasion idéale de pré-positionnement pour les services de renseignements étrangers. Une culture du risque cyber doit donc rapidement émerger, aussi bien dans la sphère publique que privée, pour faire face à une menace particulièrement évolutive.

E.   Conjuguer opportunités économiques et souveraineté technologique

Le numérique constitue enfin une source dopportunités pour nos entreprises, en particulier pour les plus technologiques dentre elles, qui sont bien positionnées dans certains secteurs stratégiques clefs. C’est le cas, par exemple, du secteur de la confiance numérique en France, qui emploie en France plus de 50 000 personnes, et connaît une forte croissance de son chiffre daffaires (+9,1 % en 2018, 12,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires), mais aussi de nos start-up de la Health tech et de la Deep tech, qui innovent et bénéficient d’un soutien important de la part d’acteurs publics comme Bpifrance. Les auditions conduites tout au long de la crise par le groupe de travail font apparaître une forte demande de soutien de ce secteur, autour de l’identification des secteurs technologiques clefs à l’avenir (PIA 4) et d’un soutien accru de certains types d’investisseurs indispensables (comme les business angels par exemple).

Ce soutien de la puissance publique constitue, par ailleurs, un bon moyen de reconstruire, progressivement, une souveraineté française et européenne en termes de solutions numériques. Lors de la crise sanitaire, les acteurs privés ont massivement eu recours à des solutions non souveraines, mais fortement attractives en termes d’ergonomie et de robustesse. Il convient donc, dans ce cadre, de mettre en œuvre au niveau européen une véritable politique de souveraineté numérique, pour faire émerger des « champions numériques européens ». Un travail de promotion des solutions européennes auprès de l’ensemble des acteurs publics et privés est également souhaitable.

II.   Propositions du groupe de travail

Proposition n° 1 : Renforcer la résilience et la compétitivité de notre économie en faisant de la numérisation des entreprises un axe majeur du plan de relance.

Cette proposition pourrait comprendre des mesures relatives à l’instauration d’une digitalo-conditionnalité de certaines aides publiques, au renforcement du dispositif de suramortissement pour lachat de biens numériques ou encore à un accompagnement renforcé vis-à-vis des TPE/PME, répondant à leurs besoins. La régulation du marché « entreprises » des télécommunications fixes doit également être une véritable priorité pour l’Autorité de régulation des communications électroniques des postes et de la presse (ARCEP) dans les prochaines années.

 

Proposition n° 2 : Intégrer véritablement dans le tronc commun du cursus scolaire l’enseignement des technologies numériques. Organiser une « coupe de France » de la cybersécurité ouverte à l’ensemble des collégiens pour renforcer leur maîtrise des outils numériques.

Proposition n° 3 : Mettre en place un plan de formation au numérique des dirigeants d’entreprises, des salariés et des personnes au chômage ou en activité partielle.

L’enjeu de la formation aux technologies numériques est décisif dans une économie de la connaissance, aussi bien en matière de formation initiale, que de formation continue.

En matière de formation initiale, il convient dintégrer véritablement lenseignement des technologies numériques au sein du cursus des élèves, en particulier dans le cadre de l’enseignement professionnel. Un travail d’évaluation de l’offre disponible actuellement, et de sa qualité, est nécessaire, ainsi que la fixation dobjectifs ambitieux dans ce domaine. Il pourrait être utile de revisiter en profondeur le contenu du cours de technologie pour y renforcer la place de la culture numérique (gérer son identité numérique, maîtriser les réseaux sociaux, apprendre à devenir un citoyen à l’ère du numérique) et des compétences associées (apprentissage du code et de l’algorithmie). Lorganisation dune « coupe de France » de la cybersécurité, sous la forme dun challenge cyber ou dun hackathon au niveau du collège serait un bon moyen de faire naître des vocations. Les trois meilleur(e)s élèves au niveau national seraient ensuite admis au sein de l’équipe de France pour le European Cybersecurity Challenge.

En matière de formation professionnelle, la crise a fait la démonstration de la nécessité, pour les salariés et les dirigeants dentreprises, dacquérir de véritables réflexes d « hygiène » numérique, pour assurer une protection maximale des entreprises contre le risque cyber. Le développement dune véritable culture du numérique est donc souhaitable, afin de pérenniser les acquis de la crise, sans retourner au « monde d’avant ». Cela implique de redéfinir la place du télétravail, qui ne saurait être renvoyé, désormais, à une solution d’appoint ou de complément en cas de difficulté extraordinaire. Il est également nécessaire de revoir lensemble des dispositifs de la politique de lemploi (chômage partiel, formation), qui doivent mieux intégrer la formation aux outils numériques.

Enfin, il convient évidemment de prendre en compte la nécessité d’un numérique inclusif, alors que près de 13 millions de Français souffrent d’illectronisme. Les démarches mises en œuvre dans le cadre du plan national pour un numérique inclusif doivent être poursuivies et amplifiées en ce sens. Formation, équipement et accompagnement sont les trois piliers qui nous permettront de réduire la fracture numérique de notre pays.

Proposition n° 4 : Reconquérir dans les prochaines années une souveraineté technologique française et européenne en investissant massivement dans les secteurs industriels clefs du numérique.

Le recours aux outils numériques dans la période récente s’est caractérisé par une forte dépendance vis-à-vis des solutions non européennes (Microsoft, Google, Oracle, Amazon). L’émergence de solutions technologiques françaises ou européennes doit être une priorité portée au niveau national et européen. Il convient, à court terme, de mobiliser des financements pour soutenir les acteurs français innovants, souvent bien positionnés dans ces domaines. Le PIA 4 peut être de ce point de vue un bon vecteur, de même que la commande publique, qui doit être davantage orientée vers des solutions souveraines.

La compétitivité des différents secteurs de l’économie dépend largement de leur numérisation. Dans ce cadre, les projets innovants ayant pour objectif dintégrer les technologies numériques (intelligence artificielle, Big Data, blockchain) dans les process de production, doivent faire l’objet d’un soutien important de la part des pouvoirs publics. C’est le cas, par exemple, du projet AgDataHub, dans le domaine de l’agriculture, qui vise à garantir la standardisation, la mutualisation et la valorisation des données agricoles, en protégeant le consentement des agriculteurs et leur droit de propriété sur ces données. Un soutien doit également être apporté aux projets industriels vis-à-vis desquels labsence dacteurs européens pourrait avoir des effets systémiques sur lensemble de notre économie en cas de difficulté (domaines de l’électronique, des semi‑conducteurs et de la cybersécurité).

Proposition n° 5 : Faire un bilan de la numérisation des acteurs publics et accélérer leur virage numérique pour garantir la continuité des services publics.

L’activité économique dépend de la capacité des acteurs publics à assurer une continuité élevée des services publics. Pendant la crise, un certain nombre d’activités a été ralentie faute de continuité des services. Un bilan de la numérisation des acteurs publics et un plan spécifique pour les services de lÉtat comme pour ceux des collectivités territoriales pour accroître leur numérisation pourraient utilement assurer une plus grande réactivité des administrations, notamment locales, en cas de nouvelle crise. Ce plan apportera aussi certainement des gains de productivité des services publics et de satisfaction pour les citoyens.

 


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  Axe 2 : Vers des réseaux efficients et SOUTENABLES au service de tous

Les infrastructures numériques et mobiles ont été fortement sollicitées en période de crise. D’après les données fournies par l’ARCEP, dans son Rapport dactivité sur létat dInternet en France (2020), les réseaux ont en effet absorbé une hausse de trafic de près de 30 %, en raison du recours massif au télétravail et d’une appétence plus marquée pour les loisirs numériques. Néanmoins, en dépit des craintes, les réseaux ont tenu, grâce à la mobilisation des opérateurs, du Gouvernement, des fournisseurs de contenus, et, enfin, des citoyens, qui ont adopté des gestes élémentaires pour minimiser leur consommation. Sur la partie résilience, le groupe de travail estime donc que le pari a été gagné même si, évidemment des difficultés ponctuelles ont pu se produire et doivent être analysées.

En matière de déploiement des réseaux, le bilan apparaît en revanche nettement plus contrasté. Les actions mises en œuvre par les opérateurs pour installer des antennes 4G et de la fibre ont en effet été fortement ralenties. À la fin du mois de mai dernier, ces derniers estimaient leur capacité de déploiement à hauteur de 30 et 50 % du niveau pré-crise pour le fixe et à 30 % seulement pour la partie mobile ([7]). Face au retard pris par rapport aux objectifs fixés dans le Plan France Très Haut Débit et le New Deal mobile, l’État doit apporter son soutien à la filière pour favoriser un redémarrage rapide et permettre la réduction rapide de la fracture numérique française.

Enfin, la crise sanitaire que nous avons vécue ne doit pas nous conduire à négliger lavenir de nos réseaux de communications électroniques. Ces derniers doivent devenir plus efficients, pour permettre l’apparition d’usages nouveaux (5G), et plus soutenables en intégrant davantage la contrainte environnementale.

Sur le premier point, le développement de la 5G apparaît indispensable pour assurer la compétitivité de la France et de lEurope face à des concurrents internationaux qui se positionnent déjà fortement, conscients des usages de rupture permis par la 5G et la 6G. La 5G commerciale a ainsi déjà été lancée dans près de 90 pays, avec des niveaux de déploiement des équipements souvent supérieurs à ceux observés en Europe ([8]). Il est donc nécessaire daccélérer sur ce sujet, en France et en Europe, pour conserver l’ambition de rester souverains sur les technologies déployées et les normes adoptées dans ce domaine.

Sur le second point, limpact carbone de lutilisation des réseaux numériques et mobiles doit être placé au cœur des réflexions à venir, pour disposer de données claires et porter une véritable ambition verte pour les réseaux, en lien avec le Green Deal mis en œuvre par l’Union européenne. Face au risque d’un accroissement des usages, qui viendrait réduire les gains environnementaux apportés par des technologies plus efficientes, une action volontariste doit être mise en œuvre pour cibler les facteurs les plus émetteurs de GES gaz à effet de serre, cest-à-dire les usages.

I.   Les leçons de la crise

A.   Des infrastructures qui ont résisté avec succès au pic de trafic lié au confinement

Lépisode de la crise sanitaire a fait la démonstration de la robustesse de nos infrastructures numériques et mobiles, qui ont été amenées à absorber un trafic supplémentaire important (+ 30 %). De façon très concrète, le pic d’usages, habituellement concentré en soirée, s’est étalé tout au long de la journée, induisant une surcharge pour les réseaux. Néanmoins, aucune rupture de connexion importante ne sest produite grâce à la mobilisation de lensemble des acteurs de ce secteur. Les plans de continuité d’activité des opérateurs leur ont en effet permis d’intervenir pour assurer la maintenance de leurs réseaux (et le redimensionnement d’interconnexions le cas échéant), dans un cadre réglementaire assoupli par les pouvoirs publics ([9]). Dans le même temps, des accords sont intervenus, notamment avec les principaux fournisseurs de contenus (Amazon Prime, Netflix, Youtube, Disney+), afin d’éviter la saturation de la bande-passante (réduction de la qualité vidéo, par exemple). Enfin, les utilisateurs ont été sensibles, à leur échelle, aux recommandations formulées par les pouvoirs publics et lARCEP en faveur dune conduite numérique responsable. De toute évidence, cette expérience plaide pour la pérennisation du « dialogue proactif » entre les différents acteurs, qui a permis de préserver le fonctionnement des réseaux.

B.   Une forte chute du rythme des déploiements fixes et mobiles

Le niveau des déploiements fixes et mobiles a connu un ralentissement important pendant la période de confinement.

Pour la partie « fibre », les opérateurs de communications électroniques indiquent très clairement que la forte dynamique de déploiement de 15 000 prises de fibre optique raccordable par semaine environ du début de lannée 2020 a été stoppée. Fin mai, ces derniers indiquaient n’avoir retrouvé qu’un rythme de déploiement correspondant à une fourchette de 30 à 50 % de leur dynamique pré-crise. Létude commandée par InfraNum ([10]) chiffre la baisse de chiffre daffaires des entreprises de la filière à 36 % sur cette période. Le retour à la normale prendra du temps, avec une activité remontée à 75 % de sa capacité initiale le 11 mai, et une cible à 90 % en septembre prochain. Les acteurs de la filière fibre estiment par ailleurs que, sous réserve de mesures de soutien à leur secteur, limpact sur les déploiements pourrait être cantonné à moins 1 million de prises installées par rapport à la tendance initiale. Ils demandent également que soit soulevée la question des surcoûts, estimés de l’ordre de 11 % à 17 % pendant la reprise, et qui devraient se réduire à une fourchette de 4 à 8 % en phase post-crise.

Pour la partie « mobile », les déploiements ont également été ralentis, au préjudice de linstallation de nouvelles antennes 4G. Lors des auditions conduites par le groupe de travail, les opérateurs ont rapporté un certain nombre de difficultés d’ordre opérationnel (approvisionnements, raccordement électrique en attente, difficultés de déplacement des techniciens) et administratif (délais supplémentaires pour l’obtention des permis de voiries). Bien que 140 sites 4G aient été ouverts commercialement pendant la crise dans le cadre du dispositif de couverture ciblée (DCC) du New Deal mobile, les opérateurs anticipent un retard sur la première échéance, prévue à la fin du mois de juin. Les mois d’été pourraient en revanche selon eux permettre un rattrapage, à condition que leur activité s’exerce dans les conditions les plus normales possible.

C.   Un report des enchères 5G qui ne doit pas se transformer en retard

Les enchères 5G pour la banque de fréquence 3,4-3,8 GHz, prévues pour le mois d’avril ont fait l’objet d’un report au mois de septembre, en raison de l’impossibilité matérielle de leur tenue pendant le confinement.

Face aux demandes de report des enchères, le choix a été fait de conserver une dynamique aussi forte que possible sur ce sujet. Le groupe de travail approuve cette décision prise par le Gouvernement et le régulateur mais souhaite insister sur la nécessité de donner davantage de visibilité aux opérateurs sur la question des autorisations déquipement 5G ([11]). Dans un contexte où les premiers retours des industriels sur les plateformes d’expérimentation mises en place par l’ARCEP et le Gouvernement ont pu apparaître décevants, il est important que lensemble des acteurs jouissent dune visibilité accrue sur les investissements à consentir.

Le groupe de travail souhaite également insister sur la nécessité, à loccasion du plan de relance, de faire de la 5G un levier de compétitivité et de souveraineté technologique majeur pour la France et lEurope dans la prochaine décennie. De façon très concrète, la bataille pour la souveraineté technologique et normative a d’ores et déjà été engagée. Plusieurs alliances technologiques structurantes (ORAN ([12]), ATIS ([13])) ont été nouées, avec, à la clef, des investissements conséquents, notamment sur les usages à venir dans le cadre de la 5G stand alone (voiture autonome, mobilité, santé etc.). Face aux États-Unis et à la Chine, l’Europe apparaît en retard et doit mobiliser des investissements massifs pour soutenir la R&D de ses acteurs, au risque, dans le cas contraire, de subir une nouvelle fois l’émergence de nouveaux acteurs étrangers qui deviendront, comme les GAFAM, incontournables.

Le groupe de travail voit donc deux priorités concernant la 5G dans le cas français : attribuer rapidement les fréquences pour accélérer les déploiements et mettre la 5G au cœur du plan de relance, en lien avec léchelon européen, pour soutenir la R&D des acteurs industriels.

D.   Intégrer l’empreinte écologique du numérique au sein des politiques publiques

Lempreinte écologique du numérique est un sujet de préoccupation croissant, mis en exergue pendant la crise avec la hausse importante du trafic internet. Il doit être désormais mieux pris en compte par les pouvoirs publics. Les Français sont en effet de plus en plus inquiets à ce sujet : seuls 38 % dentre eux considèrent actuellement le numérique comme une chance pour lenvironnement contre 53 % en 2008 ([14]). Cette crainte traduit, de fait, un « trou dans la raquette » en matière de politiques publiques, puisquil nexiste pas, aujourdhui, de politique transversale de réduction des GES du numérique, en dépit de la mention de la protection de l’environnement comme objectif de régulation de l’ARCEP ([15]).

Le groupe de travail observe que les acteurs du secteur numérique ont commencé à intégrer la problématique du coût environnemental du numérique dans leur approche. L’ARCEP a ainsi lancé des travaux en ce sens, dans le cadre de son chantier relatif aux « Réseaux du futur » et publié une première note en octobre 2019 sur ce sujet. Elle a également intégré un volet environnemental dans son outil de collecte d’informations auprès des opérateurs qui pourra nourrir un baromètre vert du numérique, en lien avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et lancé une plateforme de travail « pour un numérique soutenable » ([16]). Enfin, le BEREC ([17]) a mis en place, de son côté, un nouveau groupe d’experts consacré à la question du développement durable, le 6 mars dernier. Cette démarche doit s’articuler, d’une façon plus générale, avec les objectifs du Green New Deal porté au niveau européen.

Intégrer lempreinte écologique du numérique est une nécessité indiscutable, dans la mesure où, à politique constante, la croissance des émissions de GES du numérique pourrait être de 60 % dici 2040, selon un récent rapport publié par le Sénat sur ce sujet ([18]). En France, la part du numérique dans les émissions liées au numérique pourrait atteindre 6,7 % en 2040 contre 2 % actuellement sans action proactive. Sa réduction implique néanmoins de poser le bon diagnostic sur les facteurs les plus émetteurs, via une approche holistique du problème. Le même rapport indique ainsi que ce sont dabord les terminaux, qui sont à lorigine de la majorité des émissions de GES en France (81 %) à un niveau plus élevé que dans le monde (63 %). Une meilleure efficience des réseaux, via des progrès technologiques, ne saurait donc suffire à maîtriser cette question sans une véritable politique de sensibilisation des usagers et l’encadrement, le cas échéant, de certaines pratiques.

Source : Sénat, rapport d’information de la mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique.

II.   Propositions du groupe de travail

Proposition n° 6 : Soutenir la reprise rapide des déploiements fixes et mobiles pour respecter les engagements pris dans le cadre du Plan France Très Haut Débit et du New Deal mobile. Le financement du plan France Très Haut Débit par l’État doit être garanti aux collectivités (complément de l’ordre de 300 à 600 millions d’euros pour achever le plan).

Le groupe de travail souhaite insister sur la nécessité de permettre aux opérateurs et aux acteurs de la filière « fibre » de tirer profit des deux mois dété pour effectuer un rattrapage par rapport au retard pris dans le cadre du confinement. Une consultation expresse de ces acteurs, pour intégrer leurs demandes dans le cadre du plan de relance, pourrait être utile. Par ailleurs, les objectifs fixés par le Plan France Très Haut Débit et le New Deal mobile doivent être maintenus, à lexception des échéances immédiates de cet été. Enfin, pour le plan France Très Haut Débit, lobjectif du très haut débit pour tous doit être clairement affiché, via un financement complémentaire de lordre de 300 à 600 millions deuros pour achever le plan. La crise a en effet plus que jamais fait apparaître la nécessité de réduire la fracture numérique française.

Proposition n° 7 : Faire de la 5G une véritable opportunité pour la compétitivité de la France en soutenant les acteurs industriels et leurs investissements en recherche et développement.

Levier de compétitivité pour la France et l’Europe, le déploiement de la 5G doit faire lobjet dun soutien renforcé de la part des pouvoirs publics. L’Allemagne, à titre d’exemple, mobilise dans le cadre de son plan de relance près de 7 milliards d’euros sur la 5G.

Les auditions conduites par le groupe de travail ont fait apparaître la crainte dun retard en matière dinvestissements sur cette technologie, pouvant conduire à une perte de temps préjudiciable lorsque des usages véritablement innovants arriveront avec la 5G stand alone. Dans cette optique, il est donc impératif de soutenir les acteurs industriels dans leurs partenariats de recherche, pour ne pas prendre de retard sur nos concurrents étrangers. La mise en place, au sein du plan de relance, dun fonds destiné à soutenir le financement de ces recherches, sur le modèle du programme « Chaires industrielles » de lAgence nationale de la recherche (ANR) serait utile pour inciter les acteurs industriels à travailler sur les verrous technologiques qui peuvent encore exister vis-à-vis des usages innovants de la 5G.

Proposition n° 8 : Dresser un bilan des aides à l’innovation technologique en France pour faire évoluer cette politique vers plus d’efficacité et de lisibilité.

Les auditions conduites dans le cadre du groupe de travail ont fait apparaître un manque de lisibilité des dispositifs de soutien à la recherche et à l’innovation dans le cadre français. Les acteurs industriels estiment en effet que le format de certains dispositifs nest pas adapté à la prise de risque consécutive à linnovation. Il est donc nécessaire de disposer dun état des lieux actualisé de cette question pour envisager une évolution des dispositifs, qui doivent être davantage construits autour des besoins des industriels.

Proposition n° 9 : Intégrer l’empreinte carbone du numérique au sein des politiques publiques de lutte contre le réchauffement climatique.

La prise en compte de lempreinte carbone du numérique est une nécessité pour répondre à la demande sociale forte qui existe sur ce sujet, en particulier en ce qui concerne la 5G. En conséquence, le groupe de travail soutient les initiatives déjà mises en œuvre par les pouvoirs publics et le régulateur dans cette direction. Il nous faut désormais pleinement intégrer cet enjeu dans la période de reprise, en menant des actions de pédagogie auprès des utilisateurs et en réfléchissant aux solutions normatives nécessaires le cas échéant (limitation de certaines pratiques par exemple).

Proposition n° 10 : Créer un véritable ministère du numérique, structure souple chargée de piloter la transformation numérique de notre société, en lien avec les différents ministères compétents

La crise sanitaire a fait apparaître limportance du numérique dans tous les domaines : information, santé, économie, cybersécurité, éducation à distance etc. À lheure actuelle, force est de constater que les projets de numérisation sont logiquement portés par les différents ministères, dans une logique transversale, mais avec un pilotage parfois éclaté au niveau central. Aussi, le groupe de travail soutient la création dun véritable ministère du numérique, pilotant de façon souple lensemble des processus de transformation numérique au niveau de lÉtat, des administrations de santé et des collectivités territoriales. Cette solution nous semble en effet correspondre au besoin de décloisonnement nécessaire pour ce type de projets, afin de lutter contre leffet « silo ». Le groupe de travail estime quun ministère du numérique présenterait également lavantage de renforcer la visibilité des sujets numériques pour les citoyens, et de permettre la construction dune véritable stratégie de numérisation souveraine pour notre pays.


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   Axe 3 : Vers une numérisation de notre système de santé au service des citoyens

La crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 a fait la démonstration de limportance croissante du numérique en santé. Collecte et traitement des informations sur le virus, accompagnement et accès aux soins à distance, innovations technologiques pour renforcer le suivi de l’épidémie, constituent autant de sujets qui ont mis en lumière lensemble des possibilités offertes par le numérique, mais aussi l’insuffisante numérisation de notre système sanitaire. Il nous faut donc impérativement accélérer sa transformation numérique et soutenir l’innovation dans ce domaine.

I.   Les leçons de la crise

A.   Un système de santé insuffisamment numérisé

La crise sanitaire a fait apparaître les limites actuelles de la numérisation de notre système de santé, à savoir :

 une offre de numérique en santé à destination des citoyens insuffisante et lacunaire. L’absence de généralisation de l’espace numérique de santé (ENS) ne permet pas d’en faire, pour le moment, un espace de confiance permettant d’accéder à des outils individuels de prévention. Le déploiement du dossier médical partagé (DMP) est également insuffisant à l’heure actuelle. Ces lacunes ont été préjudiciables à la responsabilisation des citoyens dans la lutte contre l’épidémie. Elles n’ont pas permis de proposer un véritable outil d’information sur la Covid-19 pour les citoyens, directement disponible dans leur espace personnel ;

 une interopérabilité insuffisante entre les systèmes dinformation des établissements de santé. Cette situation a rendu difficile la remontée d’informations sur les cas de Covid-19, en particulier au sein des EHPAD qui sont peu numérisés. Elle n’est pas sans lien, par ailleurs, avec la difficulté d’harmoniser la collecte et le traitement des données, en l’absence d’un numéro unique d’identification des patients. Les acteurs auditionnés ont confirmé au groupe de travail la difficulté de « faire matcher » ces données dans un certain nombre de situations ;

 des outils numériques absents ou insuffisamment ergonomiques qui nincitent pas à lusage. La numérisation des certificats de décès pendant la crise, peu pratique à réaliser, est restée faible (à peine plus de 20 %). Présenté comme un moyen de simplification à destination des personnels, le numérique se transforme trop souvent, malheureusement, en contrainte supplémentaire qui réduit le temps de soin disponible pour les patients ;

 un niveau de sécurisation des infrastructures numériques insuffisant, en dépit de l’absence de cyberattaques d’ampleur pendant la crise. Les travaux menés par l’ANSSI sur ce sujet, en lien avec le monde hospitalier, doivent se poursuivre pour rehausser le niveau de sécurité global de nos infrastructures.

B.   Une appétence nouvelle des Français pour les solutions de santé à distance

La crise sanitaire a également permis de lever un certain nombre de barrières psychologiques vis-à-vis du recours à la téléconsultation. Pendant le confinement, le nombre de téléconsultations a en effet fortement augmenté, permettant de réduire, en partie, le non-recours aux soins durant cette période :

 fin mars 2020, la Caisse national de lassurance maladie (CNAM) avait enregistré, pour la seule semaine du 23 au 29 mars plus de 486 000 téléconsultations facturées à lAssurance maladie, contre 80 000 seulement la semaine précédente. Cette croissance s’est poursuivie en avril, avec 4,52 millions de téléconsultations réalisées, contre 25 000 seulement par exemple, pour le mois de décembre 2019 ;

 sur la même période, le nombre de médecins télé-consultants est passé de 3 000 au début de la crise (en février, pour 40 000 téléconsultations environ) à 36 000 en mars, avant datteindre 56 000 en avril 2020. Cette pratique a d’abord été réalisée par des médecins généralistes (83 % sur le total des téléconsultations depuis septembre 2018) ;

Cet essor s’est traduit par un recours accru aux solutions de prise de rendez-vous à distance proposées en particulier par Doctolib, acteur leader du marché. Au 8 juin dernier, 4,6 millions de rendez-vous avaient été pris en consultations vidéo depuis début mars chez cet acteur, contre 200 000 seulement avant lépidémie. Les premiers chiffres fournis pour la période du déconfinement, avec 41 000 téléconsultations par jour en mai contre 1 500 par jour avant lépidémie, font apparaître que cette tendance pourrait être durable.

Lobjectif que nous devons nous fixer est donc de pérenniser cette dynamique, ce qui pourrait impliquer de maintenir les dispositions dérogatoires prises lors de la crise pour encourager les téléconsultations. Pour rappel, les pouvoirs sétaient fortement mobilisés dès le début de la crise, de la façon suivante :

 plusieurs décrets sont intervenus pour permettre de déroger aux conditions de prise en charge du coût des téléconsultations par lAssurance maladie (décret du 9 mars 2020) et élargir le remboursement de lAssurance maladie aux actes de télé-soins réalisés par des infirmiers diplômés dÉtat (décret du 19 mars 2020) ;

 une ordonnance n° 428-2020 en date du 15 avril 2020 a également supprimé la participation de lassuré dans le cadre de la réalisation de téléconsultations, juste avant quun nouveau décret, en date du 21 avril 2020 facilite le recours à la téléconsultation pour les personnes vivant en zone blanche (prise en charge du coût par lAssurance maladie à titre dérogatoire) ;

 enfin, une ordonnance n° 2020-737 en date du 17 juin 2020 a prolongé le remboursement à 100 % des actes de télémédecine par lAssurance maladie « jusquà une date précisée par décret, et au plus tard jusquau 31 décembre 2020 ».

II.   Propositions du groupe de travail

Proposition n° 11 : Évaluer et pérenniser les dispositifs dérogatoires de soutien aux soins à distance mis en place par les pouvoirs publics pendant la crise.

L’ensemble des dispositions dérogatoires de soutien aux soins à distance a permis à un ensemble de professions (infirmiers, ergothérapeutes etc.) de proposer leurs services de façon dématérialisée, afin de répondre à une demande spécifique d’une partie de la population. La dynamique enclenchée en faveur des téléconsultations doit donc être pérennisée. Une évaluation du coût supplémentaire pour l’Assurance maladie résultant de ces différentes dispositions doit être réalisée, en intégrant les coûts théoriques évités du fait du recours aux soins. Les dispositifs jugés efficaces pourraient être utilement intégrés dans le droit commun.

 

Proposition n° 12 : Renforcer les compétences numériques des personnels médicaux, pour accélérer la numérisation « par le bas » de notre système de santé.

Le recours aux outils numériques de santé nécessite den maîtriser le bon fonctionnement. Le manque de compétences dans ce domaine peut constituer un frein au recours aux solutions de télémédecine. Un bilan des outils de formation professionnelle à destination de ces professionnels de santé est donc souhaitable, afin de proposer, par exemple sous la forme de MOOC, des formations adaptées à la numérisation croissante des activités de santé. Une réflexion pourrait également être engagée sur ce sujet avec les acteurs privés qui proposent ces différentes solutions.

Proposition n° 13 : Accélérer le virage numérique en santé « par le haut » en apportant une ambition politique affichée et une reconnaissance des acteurs engagés dans la numérisation de notre système de santé.

Le groupe de travail considère que cette proposition pourrait se décliner de la façon suivante :

 réaliser un véritable bilan post-crise des atouts et des limites des systèmes dinformation de santé, nourri du retour d’expérience des personnels médicaux directement concernés par le maniement de ces outils ;

 proposer une stratégie daccélération du déploiement des outils numériques de santé (définition et application dun référentiel socle, déploiement accéléré de lespace numérique de santé et du dossier médical partagé) en faveur dune interopérabilité et dune facilité dusage renforcés. Cette stratégie d’accélération, prolongement des objectifs fixés via MaSanté2022, serait évidemment mise en œuvre en concertation avec les praticiens et les usagers de la santé.

 mener en parallèle une véritable campagne de communication auprès du grand public sur les outils dores et déjà disponibles et leurs modalités de recours. Ces solutions peuvent encore apparaître, malgré le confinement, comme difficiles d’accès pour certains publics.

Proposition n° 14 : Soutenir les acteurs de l’innovation en santé afin de tirer profit des opportunités du marché de la e-santé et de renforcer l’autonomie française dans ce domaine.

Le marché de la e-santé représente en France environ 4 milliards deuros (2018) et va être amené à croître sous leffet notamment de lessor de linternet des objets. Les entreprises de la Health Tech présentes dans ce domaine travaillent sur des technologies à forte valeur ajoutée, mais peinent parfois à gagner en taille critique et à accéder à des tickets moyens plus élevés. Il semble nécessaire, sur ce sujet, que les pouvoirs publics portent le message que ce secteur est une priorité, pour des raisons de souveraineté technologique. Une réflexion pourrait être utilement mise en œuvre pour améliorer l’efficacité du soutien apporté par les pouvoirs publics à ces entreprises, notamment en termes de financement.

Proposition n° 15 : Encourager la création de fablabs au sein des structures hospitalières afin de permettre d’assurer une meilleure adéquation entre les besoins en petit matériel des soignants et leurs attentes au quotidien.

Le groupe de travail a pris connaissance, au cours de ses auditions, de lexistence de fablabs spécifiques internalisés au sein des hôpitaux. Cette initiative, qui reste exceptionnelle pour l’heure, présente de sérieux avantages pour les soignants : fourniture de petit matériel difficile à trouver (en rupture de stock ou non vendu), facilitation de la réparation des objets du quotidien. Elle met en outre en valeur l’expérience quotidienne des soignants et renforce l’adéquation entre leurs besoins et le matériel proposé. Le groupe de travail souhaite donc renforcer la visibilité de ce type dinitiatives, qui pourraient être utilement mises en place en fonction des besoins, dans certains centres hospitaliers en France.

 


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   Axe 4 : Vers la constitution d’un « Fablab France » intégré et innovant

La crise de la Covid-19 a donné une visibilité nouvelle aux « ateliers de fabrication numérique », (fablabs), qui ont su produire rapidement, au début de l’épidémie, un certain nombre de matériels indispensables pour les personnels soignants, dans un contexte de tensions sur les approvisionnements. Ces structures, dont le nombre est supérieur à 200 en France, ont ainsi utilement mobilisé l’énergie créatrice des makers, citoyens engagés et disponibles pour participer à l’effort collectif de lutte contre le virus.

En dépit de leur utilité indiscutable, les fablabs ont parfois rencontré des difficultés pour fonctionner, avec des obstacles conjoncturels rapidement surmontés (impossibilité daccès aux sites), et dautres, structurels, qui doivent encore être levés (absence dinterlocuteur institutionnel identifié, réglementation excessive de certains produits, articulation de leur modèle économique avec celui des industriels). En outre, un rapide retour sur expérience post-crise fait apparaître que le succès de la mobilisation des fablabs dépend largement de la constitution préalable d’un véritable écosystème local et administratif les reliant aux acteurs économiques et administratifs. Un effort de structuration est donc nécessaire pour développer leur ancrage institutionnel au sein des territoires.

Nous formulons en ce sens plusieurs propositions afin de leur assurer une véritable reconnaissance institutionnelle et de valoriser leur potentiel dinnovation au sein des territoires. Ces tiers-lieux, vecteur de lien social, doivent être au cœur du plan de relance à venir.

I.   Les leçons de la crise

A.   Une dynamique sans précédent de mobilisation des « makers » contre lA Covid 19

1.   Une mobilisation rapide et puissante pendant la crise

Le mouvement des « makers » s’est en effet rapidement et fortement mobilisé, à léchelle locale, pour participer à la production de matériels utiles dans la lutte contre la Covid-19 ([19]) . De nombreuses initiatives ont été mises en place, pour produire du matériel hospitalier quotidien, des visières, des masques et même des prototypes de respirateurs artificiels. Le bilan réalisé par le réseau français des fablabs (RFF) témoigne de cette forte mobilisation : près de 5 000 makers et une centaine de fablabs avaient produit 50 prototypes de matériels utiles (masques, visières, respirateurs, pousse-seringue), 10 000 masques de protection en tissu et 100 000 visières antiprojections à la date du 8 avril. Au début du mois de mai, près de 250 000 visières de protection avaient ainsi été produites et distribuées.

Cette dynamique sans précédent s’est traduite par un recours accru aux réseaux sociaux et aux outils numériques de communication à distance. De nombreux groupes Facebook sont apparus (Makers contre le Covid, les Visières solidaires etc.), ainsi que des sites internet consacrés au recensement des initiatives « makers » (covid-initiatives.org), en plus des outils classiques d’échanges (le discord « Entraide Makers » par exemple).

2.   Des relations variables avec les acteurs industriels

Un certain nombre de contacts ont également été noués rapidement avec les industriels, pour voir de quelle façon l’action des fablabs pouvait s’articuler avec la reprogrammation de leurs activités et un éventuel approvisionnement en matières premières. Le rôle et la valeur ajoutée des fablabs résident en effet dans leur capacité dinnovation individuelle, de prototypage, et de petite production, dans lattente du relais des industriels, dont la capacité plus élevée de production a pour contrepartie évidente un temps de réaction plus lent. Il semble que ces contacts aient été de qualité inégale en fonction des entreprises et des territoires concernés. Néanmoins, dans nombre de territoires, les PME/PMI ont pu fournir, en bonne intelligence, du matériel et des matières premières à ces acteurs. Les relations ont été plus difficiles avec les grandes entreprises en revanche.

3.   La présence préalable d’un écosystème administratif et économique déjà constitué : une des clefs du succès

La rapidité de mobilisation des fablabs a été proportionnelle à leur insertion au sein d’un écosystème local (ARS, CHU, pôles de compétitivité). Les représentants du réseau français des fablabs estiment ainsi que « les choses ont particulièrement bien fonctionné dans 6 à 7 régions », où les autorités publiques et les entreprises entretenaient déjà des relations parfois étroites en temps normal. Dans les autres régions, des difficultés ont été observées, notamment pour procéder à la distribution des objets fabriqués. En tout état de cause, il semble nécessaire de renforcer les liens des pouvoirs publics avec les fablabs, et la bonne compréhension de leur valeur ajoutée.

B.   Des difficultés persistantes sur lesquelles une réflexion doit s’engager

1.   Des difficultés pour accéder et faire fonctionner les fablabs au quotidien

Les « makers » ont d’abord rencontré des difficultés pour accéder aux fablabs et assurer la production des objets demandés par les structures hospitalières. S’il nous a été indiqué que dans certains cas, l’intervention des autorités locales avait été rapide en raison de contact préétablis, dans d’autres, ces difficultés ont perduré. La logistique sécurisée dacheminement des masques a également été une tâche difficile, pour des raisons dordre sanitaire et pratique. Enfin, dans certains cas, l’approvisionnement en matières premières des fablabs a posé problème. Ainsi, la création d’un prototype de respirateur artificiel (MakAir), par l’équipe de Makers for life, a été ralentie par l’absence de fabrication en France de certains matériels essentiels. Lenjeu industriel du « sujet makers » tant en ce qui concerne les relations entre ces ateliers et les acteurs industriels (coopération mais aussi concurrence), que la relocalisation de certaines activités essentielles sur le territoire, apparaît prégnant.

2.   Des obstacles réglementaires et un manque d’harmonisation des systèmes de certification en milieu médical

Les makers nous ont également fait part dobstacles réglementaires, qui manifestent la complexité du système de certification des produits, notamment en milieu hospitalier. La difficulté est double : d’une part, très peu de certifications sont intervenues lors de la période de crise, à l’exception de celle de lAssociation française de normalisation (AFNOR) pour les masques de protection ([20]) ; d’autre part, les certifications de matériels entre CHU ne sont pas interopérables, ce qui complique la mobilisation et la coordination des fablabs au niveau national. Une meilleure interopérabilité apparaît donc souhaitable, en gardant à l’esprit néanmoins limpératif de qualité et de sécurité des matériels. Comme le résume le collectif de makers dans sa tribune du 17 avril dernier, la chaîne recherchecertification-fabrication-logistique est encore à consolider.

3.   Un manque de considération de la part des autorités publiques

Les makers ont enfin également indiqué au groupe de travail regretter un manque de considération des autorités publiques, en particulier au niveau national, qui se serait traduit par une absence de réponses et de soutien vis-à-vis de leurs actions au début de la crise. La difficulté des makers à bénéficier de l’attention des institutions publiques a notamment été évoquée au sujet de l’initiative Makers for Life, équipe de bénévoles ayant créé un prototype de ventilateur artificiel (MakAir) destiné aux patients atteints de la Covid-19. Si l’appui du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) a permis au projet de prospérer, les makers ont parfois rencontré des difficultés au début de leur démarche pour être soutenus. Il convient néanmoins de souligner que certains acteurs publics se sont rapidement mobilisés sur ce sujet, notamment en organisant des appels à projet. C’est le cas par exemple de la direction générale de l’armement (DGA) ou encore la « coalition Innovation Santé » composée notamment de l’APHP et de France Digitale, et soutenue par Bpifrance.

II.   Propositions du groupe de travail

Proposition n° 16 : Mettre en place un référent fablabs au sein de l’administration, qui constituerait le point d’entrée des fablabs dans leurs échanges avec l’État et les collectivités.

Cette proposition vise à renforcer les échanges entre ladministration et les fablabs en identifiant des interlocuteurs clefs visibles pour les acteurs du réseau des fablabs. Ce référent aurait pour fonction de prendre en charge, en période de crise, la reprogrammation des moyens de production des PME et des industriels. Hors temps de crise, ce référent constituerait un point d’entrée utile pour nourrir le dialogue entre l’administration et les makers, notamment sur les sujets réglementaires.

Proposition n° 17 : Définir le rôle et la place des fablabs au sein de l’économie française.

Ce sujet, abordé avec l’ensemble des acteurs et la DGE en 2014, doit faire l’objet dun travail approfondi pour mieux valoriser lapport que peuvent fournir les fablabs au quotidien et en temps de crise. Dans cet esprit, il convient de travailler à définir des règles d’organisation en lien avec les acteurs industriels. Les grandes entreprises doivent également davantage valoriser ces pratiques dinnovation ouverte (open innovation). Les fablabs constituent en effet des espaces utiles pour prototyper et élaborer de nouveaux modèles, en phase de recherche.

 

Proposition n° 18 : Soutenir la formation de « pôles territoriaux » intégrant les fablabs au niveau local.

Lapport des fablabs, essentiel pendant la crise, doit être pérennisé hors situation de crise. La constitution de « pôles territoriaux », ayant vocation notamment à être activés en fonction d’opportunités, par exemple dans le domaine de la santé (besoin local de petit matériel par exemple) pourrait y pourvoir utilement. Elle permettrait une meilleure intégration des fablabs au sein des plans de gestion de crise.

Proposition n° 19 : Rapprocher les fablabs du monde de l’éducation et de la formation.

Les fablabs peuvent être, outre des lieux de production, des lieux de formation utiles à découvrir pour des publics scolaires ou professionnels. Dans ce cadre, le groupe de travail soutient le renforcement de l’offre de formation offert par les fablabs au niveau local. La structuration de liens renforcés avec les acteurs de la formation et de léducation au sein dune véritable stratégie densemble apparaît souhaitable. Elle pourrait être l’occasion d’un financement complémentaire utile de ces tiers-lieux, qui sont aussi des vecteurs de lien social utiles dans notre pays.

Proposition n° 20 : Faire un bilan des obstacles réglementaires et associer les représentants des fablabs au processus de prise de décision dans ce domaine.

Les évolutions réglementaires concernant le matériel de protection (masques, visières), ont parfois suscité, faute de transparence, des inquiétudes légitimes dans la communauté maker. Si la réglementation est nécessaire pour assurer la sécurité et la protection des personnels utilisant ces objets, il n’en demeure pas moins quelle ne doit pas avoir pour objet dentraver excessivement laction des fablabs. Le groupe de travail souhaite donc, sur ce sujet, qu’un bilan de la crise soit dressé par l’État et quune meilleure association des représentants des fablabs au processus de prise de décision réglementaire soit mise en place à lavenir.

 


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   ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

I.   AUDITIONS « SUIVI DE LA CRISE » (avril-mai 2020)

Note de suivi n° 1

La note de suivi n° 1 n’a pas donné lieu à des auditions.

Note de suivi n° 2

Commission nationale de linformatique et des libertés (CNIL)

Mme Marie-Laure DENIS, présidente.

M. Louis DUTHEILLET DE LA MOTHE, secrétaire général.

Mme Tiphaine HAVEL, conseillère pour les questions institutionnelles et parlementaires.

M. Gwendal LE GRAND, secrétaire général adjoint.

Parlement européen

M. Stéphane SEJOURNE, député européen.

Ministère des affaires étrangères

M. Henri VERDIER, ambassadeur du numérique.

Télérama

M. Olivier TESQUET, journaliste

Autres

M. Baptiste ROBERT, hackeur éthique

Note de suivi n° 3

Direction générale des entreprises (DGE)

M. Olivier COROLLEUR, sous-directeur du service des communications électroniques et des postes.

M. Mathieu WEILL, chef du service de l’économie numérique.

Opérateurs

Orange *

Mme Claire CHALVIDANT, directrice adjointe des affaires publiques.

M. Laurentino LAVEZZI, directeur des affaires publiques.

Iliad *

Mme Ombeline BARTIN, directrice des relations institutionnelles.

M. Maxime LOMBARDINI, vice-président.

SFR Group *

Mme Marie-Georges BOULAY, secrétaire générale adjointe.

Mme Claire PERSET, directrice des relations institutionnelles et de l’engagement d’ALTICE-SFR.

Bouygues Telecom *

M. Anthony COLOMBANI, directeur des affaires publiques.

InfraNum

M. Etienne DUGAS, président.

M. Hervé RASCLARD, délégué genéral.

Autorité de régulation des communications électroniques, des postes, et de la distribution de la presse (ARCEP)

M. Jean CATTAN, conseiller du Président.

M. Sébastien SORIANO, président.

Note de suivi n° 4

Réseau des fablabs français (RFF)

M. Hugues AUBIN, vice-président.

Mme Constance GARNIER, doctorante.

M. Simon LAURENT, président.

Fablab Héphaïstos (Hôpital Bicêtre)

M. Guillaume ECKERLEIN, directeur d’Hôpital, en charge de la logistique, des opérations, des achats et du développement durable, APHP Hôpital Bicêtre.

Mme Claire FAUCHILLE, designer santé pour l’agence Humaniteam design.

Sen X

M. Hervé RANNOU, président-directeur général

Makers For Life

M. Quentin ADAM, président-directeur général de CleverCloud

M. Marc JULIEN, cofondateur de Diabeloop.

Note de suivi n° 5

Agence nationale de la sécurité des systèmes dinformation (ANSSI)

M. Guillaume POUPARD, directeur.

Alliance pour la confiance numérique (ACN)

M. Yohann KASSIANIDES, délégué général.

Mme Elena POINCET, président-directeur général de Tehtris.

M. Philippe VANNIER, président.

Groupement dintérêt public Acyma

M. Jérôme NOTIN, directeur général.

Note de suivi n° 6

Caisse nationale dassurance maladie (CNAM)

M. Claude GISSOT, directeur de la Stratégie, des Etudes et des Statistiques.

Mme Stéphanie NAUX, directrice de mission.

Délégation ministérielle du numérique en santé (DNS)

Mme Laura LÉTOURNEAU, déléguée ministérielle au numérique en santé.

M. Dominique PON, responsable stratégique.

 

Doctolib *

M. Stanislas NIOX-CHÂTEAU, président-directeur général.

Fédération des éditeurs dinformatique médicale et paramédicale ambulatoire (FEIMA)*

M. Francis MAMBRINI, président.

Health Data Hub (HDH)

Mme Stéphanie COMBES, directrice.

Note de suivi n° 7

Autorité de régulation des communications électroniques, des postes, et de la distribution de la presse (ARCEP)

M. Jean CATTAN, conseiller du Président.

Mme Cécile DUBARRY, directrice générale.

M. Loïc DUFLOT, directeur Internet et utilisateurs.

M. Sébastien SORIANO, président.

Station F

M. Grégoire MARTINEZ, directeur de la communauté et de la communication.

Mme Roxane VARZA, directrice.

Direction générale des entreprises (DGE)

M. Romain BONENFANT, sous-directeur du service « réseaux et usages numériques ».

M. Olivier COROLLEUR, sous-directeur du service des communications électroniques et des postes.

M. Arnaud DELAUNAY, sous-directeur de l’innovation.

M. Benjamin DELOZIER, chef du service « compétitivité, innovation, développement des entreprises ».

Mme Bénédicte ROULLIER, cheffe du pôle « transformation numérique des TPE/PME »

M. Mathieu WEILL, chef du service de l’économie numérique.

French Tech

Mme Kat BORLONGAN, directrice.

Bpifrance*

M. Paul-François-FOURNIER, directeur exécutif Bpifrance Innovation.

France Digitale *

M. Nicolas BRIEN, directeur général.

II.   AUDITIONS « PLAN DE RELANCE » (juin 2020)

Ericsson France *

M. Viktor ARVIDSSON, directeur de la stratégie et des affaires réglementaires.

M. Franck BOUETARD, président-directeur général.

Fédération française des télécommunications (FFT) *

Mme Ombeline BARTIN, directrice des relations institutionnelles d’ILIAD.

M. Anthony COLOMBANI, directeur des affaires publiques de Bouygues Telecom.

M. Michel COMBOT, directeur général.

M. Laurentino LAVEZZI, directeur des affaires publiques d’Orange.

Mme Claire PERSET, directrice des relations institutionnelles et de l’engagement d’ALTICE-SFR.

M. Olivier RIFFARD, directeur des affaires publiques

Fédération nationale des syndicats dexploitants agricoles (FNSEA)*

M. Henri BIES-PERE, second Vice-président.

M. Guillaume JOYAU, chargé de mission – Recherche & Innovation au sein du département Économie et Développement durable.

InfraNum

M. Etienne DUGAS, président.

M. Hervé RASCLARD, délégué genéral.

Institut Mines Télécom (IMT)

M. Christian PICORY-DONNE, directeur des Partenariats Industriels et du Transfert de Technologies

Huawei *

M. Jean-Christophe AUBRY, responsable des affaires publiques.

M. Minggang ZHANG, directeur général adjoint.

Nokia France *

M. Marc CHARRIERE, directeur des affaires publiques.

Qualcomm

M. Jean-Luc ARCHAMBAULT, président de Lysios.

Mme Sarah LENCZNER, manager des affaires publiques.

Mme Audrey SCOZZARO FERRAZZINI, directrice des affaires publiques.

Mme Sabrina STANISLAS-BOUMIER, manager des affaires publiques.

Mme Anne-Lise THIEBLEMONT, vice-présidente.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 


  1  

   ANNEXE 2 : NOTES HEBDOMADAIRES DE SUIVI
DU GROUPE DE TRAVAIL

LOGOBLEU

 

 

 

 

R É P U B L I Q U E   F R A N Ç A I S E

LIBERTÉ – ÉGALITÉ – FRATERNITÉ

COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

GT Communications électroniques, poste et numérique

Paris, le 6 avril 2020

 

 

Groupe de travail Communications électroniques, La Poste et économie numérique :

Mme Laure de La Raudière et M. Éric Bothorel

 

Objet : Point sur la situation des secteurs Communications électroniques, La Poste et économie numérique dans le contexte de la crise

 

La présente note propose un premier point de situation, en l’état des éléments disponibles, sur les sujets relatifs aux communications électroniques, aux postes, et à l’économie numérique. Elle détaille également les principaux axes de travail qui structureront l’action du binôme thématique.

 

À noter : audition de M. Cédric O, secrétaire dÉtat chargé du numérique, par la commission des affaires économiques,  le vendredi 17 avril à 11 heures.

 

  1. Communications électroniques

 

a)      Des réseaux résilients face à l’accroissement des usages numériques

Le déclenchement du confinement le 17 mars dernier à 12h a fortement impacté les réseaux de communications électroniques. Les opérateurs ont en effet enregistré une hausse importante du trafic (voix, données) sur leurs réseaux respectifs, qui correspond à un étalement des usages tout au long de la journée. Orange a ainsi annoncé, le 26 mars dernier, avoir enregistré une hausse de 30 % du trafic sur ses réseaux fixes en 8 jours, ainsi quun doublement du trafic voix sur le mobile. Ce phénomène est commun à l’ensemble des opérateurs. La courbe quotidienne des usages numériques a évolué en conséquence, avec la conservation du traditionnel pic de début de soirée (consommation de films), mais un niveau global de trafic plus élevé tout au long de la journée. La situation tendrait néanmoins à se normaliser actuellement, avec une baisse du nombre d’appels et de la consommation de données par rapport au pic du début du confinement.

 

Les opérateurs se montrent confiants, pour lheure, vis-à-vis de leur capacité à encaisser le « choc de datas » que représentent ces nouveaux usages. Ils ont en effet fortement mobilisé leurs personnels sur le terrain. Selon Arthur Dreyfuss, président de la Fédération française des télécoms (FFT), plus de 15 000 techniciens et ingénieurs sont à lœuvre pour sassurer du bon fonctionnement des infrastructures de communications électroniques.

 

Lappel à la responsabilité collective à destination des OTT en faveur de la réduction de leur débit (Netflix, Youtube, Amazon Prime et Akamai représentent 50 % de la bande passante) et du grand public (« les bons usages », #tousenWifi) a également contribué à améliorer la résilience des réseaux, de même que le report du lancement de la chaîne Disney + au 7 avril prochain.

 

 

Un suivi vigilant de ce sujet est assuré par lARCEP. Un reporting quotidien, piloté par Cédric O, secrétaire dÉtat au numérique, a aussi été mis en place.

 

Enfin, le Gouvernement a également pris des mesures pour faciliter le travail au quotidien des opérateurs. Lordonnance n° 2020-320 du 25 mars 2020 relative aux communications électroniques aménage en effet quatre procédures administratives préalables en vue de limplantation ou de la modification dune installation de communications électroniques.

 

Mesures de simplification de lordonnance n° 2020-320 du 25 mars 2020 relative à ladaptation des délais et des procédures applicables à limplantation ou la modification dune installation de communications électroniques afin dassurer le fonctionnement des services et des réseaux de communications électroniques

 

Les mesures de simplification à destination des opérateurs de télécommunications prises dans le cadre de létat durgence sanitaire par lordonnance précitée sont les suivantes :

 

1) dérogation à lobligation de déposer un dossier dinformation aux maires pour linstallation ou la modification dune installation radioélectrique sur le territoire dune commune. L’exploitant doit néanmoins continuer d’informer l’autorité locale par tout moyen et régulariser sa situation, lorsque l’installation ou la modification est pérenne, dans un délai d’un mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire.

 

2) dérogation à lobligation de déposer une demande dautorisation auprès de lANFR pour limplantation dune station radioélectrique. Cette disposition prévoit la possibilité pour l’exploitant d’une station radioélectrique de prendre une décision d’implantation sans accord préalable de l’Agence nationale des fréquences. L’exploitant doit également continuer d’informer l’Agence par tout moyen et régulariser sa situation, lorsque l’implantation est pérenne, dans un délai de trois mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire.

 

3) Réduction à quarante-huit heures du délai dinstruction des demandes de permissions de voirie relatives aux installations de communications électroniques implantées à titre temporaire ou dans le cadre dinterventions urgentes, strictement nécessaires pour assurer la continuité du fonctionnement des services et des réseaux de communications électroniques. Aux termes de ce délai, le silence gardé par l’administration vaut acceptation.

 

4) Dispense dautorisation durbanisme pendant toute la durée de létat durgence sanitaire pour les constructions, installations et aménagements nécessaires à la continuité des réseaux et services de communications électroniques ayant un caractère temporaire. Leur implantation peut perdurer jusqu’à deux mois après l’expiration de la durée de l’état d’urgence sanitaire afin de permettre leur démantèlement.

 

Source : DGE.

 

b)     Un déploiement du très haut débit fortement ralenti en France

Le contexte de crise sanitaire ralentit très fortement les déploiements du très haut débit tel quenvisagés dans le cadre du Plan France Très Haut débit. Ce dernier prévoit, pour rappel, laccès au très haut débit pour tous en 2022.

 

Pour lheure, M. Etienne Dugas, président dInfranum, fédération des entreprises partenaires des territoires connectés, craint quil « ny ait aucune nouvelle prise installée au deuxième trimestre ».

 

Larrêt des déploiements sexplique actuellement par plusieurs raisons :

 

-          la priorisation de la maintenance de leurs réseaux par les opérateurs ;

-          le fait que les déploiements reposent sur une myriade de TPE/PME qui peuvent anticiper des difficultés de trésorerie à venir, ou ne pas avoir le droit, tout simplement, de poursuivre leurs activités ;

-          linterdiction par certaines collectivités de déployer de la fibre ;

-          le recentrage des activités dENEDIS sur ses missions prioritaires ;

-          la difficulté de mobiliser sur le terrain les équipes techniques dans des conditions de protection satisfaisantes.

La pénétration commerciale de la fibre est elle-même fortement ralentie, en raison de la réduction du démarchage téléphonique sur les offres afférentes, dun comportement attentiste de la part des consommateurs et enfin de la difficulté de poursuivre en létat les déploiements.

 

LARCEP indique faire preuve de vigilance sur ce sujet, afin de permettre la reprise rapide du rythme des déploiements. Il est en effet impératif « de ne pas démanteler loutil qui a été mis en place » (Sébastien Soriano, président de lARCEP). La crise conduit pour lheure les opérateurs à freiner leurs investissements, avec une hypothèse de diminution de 10 % de leurs CAPEX (Moodys).

 

c)      Un report des enchères pour lattribution des premières bandes de fréquence 5G

 

Les enchères pour la première bande de fréquence 5G, pour lesquelles Orange, Bouygues Telecom, Free et SFR sont qualifiés, sont reportées de quelques semaines.  LARCEP a en effet indiqué, dans un communiqué de presse du jeudi 2 avril 2020 que « les circonstances actuelles de crise sanitaire nont pas permis de conduire les préparatifs nécessaires à lorganisation matérielle de cette enchère, initialement prévue au mois davril. Il en résulte un décalage, dont la durée dépendra de celle de la crise sanitaire. La date de tenue de lenchère sera fixée par lARCEP en fonction de lévolution de la situation ».

 

Dans une interview au Figaro, M. Sébastien Soriano, président de lARCEP souhaite néanmoins « rester dans la dynamique de déploiement de la 5G », le développement de cette dernière technologie pouvant faire partie « de larsenal de sortie de crise ».

 

d)     Un impact de la crise sur les revenus des opérateurs à relativiser pour lheure

Les opérateurs de télécommunications ont un modèle économique spécifique, qui plaide plutôt en faveur dun effet limité, pour lheure, de la crise économique sur leurs revenus.

 

Il convient d’observer, d’abord, que les opérateurs nenregistrent pas de hausses de revenus proportionnelles aux hausses du trafic constatées. Le modèle de labonnement, qui protège leurs revenus en période de crise, explique ce phénomène de stabilité de leurs revenus. En effet, la majorité des abonnements est à prix fixe et la situation actuelle nest guère propice au désabonnement des clients et des entreprises, qui ont un besoin accru des réseaux pour leurs activités (loisirs et télétravail). Seuls leurs revenus liés au roaming et aux ventes de smartphones (pas de report significatif sur la vente en ligne) sont en baisse pour linstant.

 

De facto, la baisse des revenus des opérateurs dépendra en partie de la différence entre le churn (départs dabonnés vers un autre opérateur), qui tend à la baisse et les pertes de vente de terminaux consécutives à la fermeture des boutiques des opérateurs. La relative stabilité de leur situation économique s’explique aussi par le fait que l’augmentation probable des mauvaises créances en leur possession (hypothèse de 50 %) n’aurait sur eux qu’un impact budgétaire limité (1,5 % de leurs revenus en moyenne).

 

Au total, M. Carlos Winzer (Moodys) estime que si la crise se résorbe à la fin du second trimestre, les opérateurs enregistreront une faible décroissance à un chiffre en 2020, avant un retour à la normale en 2021. 

 

e)      Un risque daccroissement de la cybercriminalité

La situation de crise sanitaire est propice à la recrudescence des activités cybercriminelles. LOrganisation mondiale de la santé (OMS) a dailleurs récemment mis en garde contre des messages darnaque de fraudeurs empruntant son identité. Ces attaques peuvent prendre plusieurs formes : escroqueries au Covid-19 (fausses boutiques en ligne), ransomware, exploitation de failles dans les objets connectés. Lentreprise Check Point, spécialiste de cybersécurité estime que sur les 4000 sites nouveaux créés sur le sujet du coronavirus, 3 % seraient malveillants, et 5 % suspects. Les collectivités de Marseille, de Martigues et la métropole Aix-Marseille ont dailleurs dores et déjà été victimes dune attaque « rançongiciels » (mi-mars).

Dans son point sur létat de la menace de cybersécurité liée à lépidémie Covid-19 (avril 2020), le site cyberveille-santé.fr, géré notamment par lAgence du numérique en santé, indique que les campagnes de hameçonnages, qui ont débuté en Asie avant de se répandre dans les autres pays, se poursuivent actuellement, de même que les arnaques aux sites internet. Il est également fait état de tentatives de compromission des routeurs (paramètres DNS) afin de rediriger les utilisateurs vers des domaines malveillants. Les smartphones sont également visés par les cyberpirates, avec des campagnes visant, par exemple, à inciter les utilisateurs de Twitter à installer une fausse application Covid-19 contenant un maliciel Anubis.

 

Face à cette situation, lANSSI fait preuve de vigilance et a édicté des recommandations à destination des collectivités et des particuliers. Les acteurs de la cybersécurité sorganisent également pour proposer gratuitement leurs services et leurs offres aux acteurs de la santé pendant la crise (Orange, Thales etc).

 

f)       Des actions de solidarité mises en œuvre par les opérateurs face à la crise

Les opérateurs de télécommunications ont mis en œuvre plusieurs actions de solidarité pour faire face à la crise. Ils ont dabord proposé des gestes commerciaux, en augmentant la quantité de data disponibles pour leurs abonnés (Orange et Free) ou en offrant des bouquets de chaines (Orange/SFR/Bouygues Telecom/Free). Les grands opérateurs participent aussi en commun à une initiative visant à faciliter laccès aux communications électroniques des personnes sourdes ou malentendantes (2 heures de communications gratuites sur rogervoice).

Les opérateurs ont également mis en place les actions de solidarité numérique suivantes :

 

-          Bouygues Telecom a fait don de 600 box 4G avec 300 000 Go pour le Samu social, lancé un appel au don par SMS émis pour la Croix Rouge française, offert 50 000 euros à la Croix Rouge française et 100 000 euros en soutien aux EHPAD et aux hôpitaux ;

 

-          Orange a mis à disposition ses équipes de cybersécurité pour les établissements médicaux, alloué un fond durgence de 150 000 euros à la Croix Rouge, la Fondation Hôpitaux de Paris – Hôpitaux de France et à la Fondation APHP et 500 000 euros pour ses actions à linternational. Au total, en Europe, Afrique et Moyen Orient, une aide de 8 millions deuros est allouée par cet opérateur à la prévention et la fourniture du matériel de première nécessité. La Fondation Orange propose également des MOOC gratuits ;

 

-          SFR sest engagé aux côtés dEmmaüs Connect, de la Croix-Rouge française, du ministère de léducation nationale et de la jeunesse et de la Fondation des Hôpitaux de France, en équipant 75 000 personnes exclues du numérique grâce au don de 75 000 recharges prépayées, de 20 000 téléphones et smartphones avec appels et SMS illimités et enfin de 700 000 Go de data ;

 

-          Free a lancé Solid-19, fonds à destination de ses sous-traitants TPE/PME, et offert 40 chaînes en clair à ses abonnés en avril ;

 

g)     Un débat et des initiatives autour de lenjeu du partage des (méta)-données des opérateurs

La question du partage de données des utilisateurs avec les pouvoirs publics se pose avec acuité en France, alors que de nombreux pays mettent en œuvre des coopérations de cette nature dans le cadre de leur stratégie de lutte contre lépidémie de Covid-19. Cest le cas par exemple du Royaume-Uni, de Taïwan ou encore de la Chine. Les géants Google et Facebook partagent dores et déjà leurs données de localisation anonymisées avec des chercheurs ou leurs équipes internes, pour produire, par exemple, des cartes donnant à voir le niveau de respect des consignes de confinement par pays.

 

En Europe, la Commission européenne, par la voix de M. Thierry Breton, a demandé aux opérateurs de télécommunications de transmettre les données anonymisées de leurs clients, pour anticiper les pics de propagation du coronavirus. En France, lopérateur Orange sest dit prêt à partager avec la Commission européenne ses métadonnées. SFR a également fourni à lAPHP et lINRIA des jeux de données permettant de mesurer les déplacements entre lÎle-de-France et les autres régions françaises pour le mois de mars (solution SFR Géostatistics).

 

Ces initiatives soulèvent la question de la protection de ces données et de leur réelle anonymisation.

 

Sur ce sujet, la CNIL a fait savoir quelle nétait pas opposée aux applications de contact tracing, mais quelle restait vigilante sur les usages de ces données et le respect du cadre juridique afférent (RGPD, e-Privacy).

 

LARCEP fait valoir, dans son domaine de compétence, que le cadre actuel de la régulation est asymétrique puisque les opérateurs sont soumis au RGPD et au principe du secret des correspondances, là où les systèmes dexploitation (OS) ne sont soumis quau seul RGPD. Par ailleurs, pour lheure, le partage des métadonnées, qui sont pourtant dintérêt général, nest réalisé que sur la base du volontariat. Un débat devrait sengager sur les principes encadrant ces partages et les limites souhaitables vis-à-vis de lusage de ces données.

 

  1. La Poste

La Poste, entreprise publique, assure quatre missions de service public, définies par la loi du 2 juillet 1990, à savoir le service universel postal, le transport et la distribution de la presse, laccessibilité bancaire et enfin une contribution à laménagement et au développement du territoire. Elle fait, à ce titre, l’objet d’un suivi attentif de ses activités, par la commission des affaires économiques de chaque assemblée ainsi que par la commission supérieure du numérique et des postes (CSNP). Cette dernière a récemment rendu un premier avis portant sur l’adaptation de l’organisation de la Poste pour faire face à l’épidémie de Covid-19, en date du 3 avril dernier.

 

  1. Point de situation à la date du 6 avril 2020

 

a)      Une protection sanitaire des personnels qui semble désormais assurée

Dès le début de la crise, La Poste a pris des mesures d’urgence afin de concilier la continuité du service public, qui s’impose à elle au titre des missions mentionnées ci-dessus, et la nécessaire protection de ses personnels dans le cadre de l’exercice de leurs missions.

 

Afin d’assurer la protection sanitaire des personnels, La Poste a procédé, dès le début de la crise, à des commandes de masques et de gels hydroalcooliques. Le port de gants a en revanche été écarté par la médecine du travail au motif du risque de propagation élevé du virus, en l’absence d’un renouvellement très régulier. À l’heure actuelle, les représentants de La Poste estiment qu’ils ont pris les mesures nécessaires et quil nexiste pas de risque de pénurie les concernant dans ce domaine. La Poste a d’ailleurs procédé à des dons de masques à destination de lAPHP (1 million de masques) et du ministère de lintérieur (300 000 masques).

 

b)     Une qualité de service public qui s’améliore progressivement, en dépit de l’ouverture encore limitée du réseau postal

Dans un premier temps, La Poste a mis en œuvre un service minimum concernant l’ensemble de ses missions de service public, dont le rythme était guidé par la volonté de limiter, autant que possible et pour des raisons dorganisation interne, lexposition de ses personnels (logique défensive).

 

Ce service minimum a pris les formes suivantes :

 

-          ouverture partielle de son réseau de distribution :

 

-          concentration de la distribution du courrier, des colis et de la presse sur 3 jours consécutifs, les mercredis, jeudis, vendredis, correspondant au trafic de courrier le plus important ;

Ces premières dispositions ont soulevé des critiques, émanant tant des éditeurs de presse (Alliance de la presse d’information générale) se plaignant de l’absence de distribution de leurs titres, que de certaines collectivités au sein desquelles la distribution du courrier n’était pas assurée dans des conditions satisfaisantes.

 

La Poste a alors entrepris dadapter son dispositif de crise pour faire face à ces demandes en prenant les mesures suivantes :

 

-          pour la presse : maintien de la distribution sur 3 jours, avec un renforcement en début de semaine afin de permettre la distribution de la presse le lundi ou le mardi. Le groupe La Poste fait état d’un objectif de distribution de la presse à 5 jours par semaine dès la 3e semaine du mois davril. Ce renforcement se fera via le recours à plus de 3 000 personnes supplémentaires (volontaires, salariés de sa filiale Mediapost, intérimaires, CDD) ;

 

-          distribution du courrier : La Poste se fixe comme objectif de revenir rapidement à une distribution sur 4 jours le plus rapidement possible ;

 

-          accès au réseau postal : La Poste souhaite améliorer l’accessibilité de son réseau, notamment en zone rurale. Elle devrait ouvrir 400 bureaux « facteurs guichetiers » supplémentaires à partir du 6 avril puis 600 pour la semaine de Pâques. 250 bureaux de postes seront également réouverts en zone urbaine, en particulier au sein des quartiers de la politique de la ville. Enfin, au cas par cas, dans le cadre des discussions avec lAMF et les commissions départementales de présence postale, La Poste se tient disponible pour fournir le matériel de protection nécessaire à la réouverture d’autres bureaux, le cas échéant.

 

 

 

 

c)      Une organisation ad hoc pour assurer le versement rapide des prestations sociales

L’amélioration progressive de l’ouverture des bureaux de poste correspond aussi à la nécessité de faciliter le versement des prestations sociales, au début du mois d’avril. Près d1,5 million de clients de la Banque postale sont en effet concernés.

 

À la suite dun accord avec la CAF et le Gouvernement, ces prestations, qui devaient être versées sur les comptes des personnes concernées dans la nuit du 6 au 7 avril, lont été dès la nuit du 3 au 4 avril.

 

La Poste a également procédé à l’ensemble des opérations techniques nécessaires afin d’assurer la disponibilité des espèces dans ses points de présence (chargement des distributeurs). Par ailleurs, les clients de la Banque postale concernés ont été contactés par sms afin déviter la présence de queues massives devant les bureaux de poste le lundi 6 avril et les jours suivants.

 

Les clients fragiles bénéficient également dun déplafonnement (passant ainsi de 500 euros à 1500 euros pour les retraits) afin de favoriser un déplacement unique pour les retraits d’argent. Enfin, pour les publics fragiles et ne disposant pas de cartes bancaires, relevant alors du service « Allô facteurs », le montant maximal dargent portable à domicile a été augmenté. La Poste ne communique pas néanmoins sur cette dernière mesure pour des raisons évidentes.

 

d)     La préservation des services de proximité avec des facilités d’accès renforcées

 La Poste a mis en œuvre les mesures suivantes, pour faciliter l’accès aux services de proximité :

 

-          Dispositif « Veillez sur mes parents » : une visite de lien social offerte pour les personnes non-clientes souhaitant bénéficier de ce service. Les clients du dispositif bénéficient, pour leur part, de visites gratuites du facteur (ou appels à distance) ;

 

-          Plateforme « Ma ville, mon shopping » : solutions d’aide pour donner plus de visibilité au commerce local et permettre la vente en ligne ;

 

-          Portage de repas aux seniors : maintien du service 6 jours sur 7, avec des équipes dédiées ;

 

-          Continuité pédagogique : portage de matériels informatiques et de devoirs à destination des élèves ;

 

-          Service Ardoiz : maintien du service de lien social permettant la livraison de tablette pour les séniors ;

 

-          Portage de médicaments : mise en place d’un système de paiement à distance afin d’éviter tout contact avec les personnels chargés de les porter. Il existe aussi un portage de produits sanitaires destiné aux personnels soignants.

 

  1. Points de vigilance

 

a)      Une grande variété de situations locales

L’ouverture ou non des bureaux de poste et autres points de présence postale dépend souvent d’abord de l’impact de l’épidémie sur les postiers.

 

 À léchelle nationale, La Poste estime quentre 20 et 23 % de ses effectifs ne sont pas en état de travailler, ce qui inclut les personnels pour lesquels existe une suspicion de Covid-19 et ceux exerçant leur droit de retrait. Ce taux varie fortement en fonction des régions. Il est ainsi plus élevé, à titre dexemple pour la région Grand Est (environ 40 %).

 

Certaines difficultés locales douverture dinfrastructures sexpliqueraient également par la qualité des personnels touchés ou suspectés de lêtre par la maladie. Certains centres, à Paris, sont par exemple fermés, faute de managers disponibles. La direction de La Poste estime néanmoins que la levée progressive des quarantaines devrait faire évoluer le taux d’absentéisme des personnels à la baisse dans les prochaines semaines.

 

 Une forte diversité de situations locales procède des difficultés décrites ci-dessus, et sur lesquelles les commissions départementales de présence postale interviennent. De nombreuses réunions ont eu lieu lors de la première semaine d’avril pour impliquer les élus sur ces problématiques.

 

 Dans ce contexte, il apparaît utile que la Représentation nationale puisse disposer dinformations consolidées pour porter un regard national sur les difficultés rencontrées au sein des territoires. Ce point pourrait être abordé dans le cadre d’une éventuelle audition, devant la commission des affaires économiques, du président-directeur général de La Poste, M. Philippe Wahl.

 

b)     Des éléments de difficulté rapportés par La Poste

Le groupe La Poste a fait part de plusieurs éléments susceptibles de faciliter l’exercice de ses missions de service public.

 

Le groupe porte deux sollicitations dans ce cadre :

 

-          une meilleure identification de La Poste comme entreprise relevant de secteurs dactivités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale, afin de lui permettre de bénéficier notamment des dérogations prévues par lordonnance du 25 mars 2020 portant mesures durgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos ;

 

-          une souplesse dans la mise en œuvre de procédés alternatifs pour faire signer les lettres en recommandé afin de protéger les personnels postiers. Des négociations sont actuellement en cours avec l’État, pour envisager de substituer à la signature, la remise de la lettre en boîte, après l’envoi d’un SMS.

 

c)      Une absence de données sur l’impact économique de la crise

L’impact économique de la crise Covid-19 sera variable en fonction des différentes branches du groupe La Poste. Ce dernier na pas communiqué, à lheure actuelle, sur ce sujet. Il pourrait être intéressant d’affiner ce point progressivement, à mesure que le recul nécessaire permettra de réaliser lévaluation des pertes économiques consécutives à cette situation exceptionnelle.

 

  1. Économie numérique

 

a)      Un plan de soutien à destination des start-up françaises

L’écosystème entrepreneurial comprend actuellement plus de 10 000 start-up et devrait en compter près de 13 000 en 2022.

 

Les start-up sont des entreprises particulièrement sensibles au contexte économique actuel : leur modèle de développement est en effet fondé sur des investissements importants, une croissance élevée et une rentabilité non immédiate. Afin de préserver ce vivier, qui représente environ 25 000 emplois créés sur une année, le Gouvernement a mis en place un plan de soutien spécifique de 4 milliards deuros au total, et qui comprend les mesures suivantes :

 

-          une enveloppe de 80 millions deuros, financée par le PIA et gérée par Bpifrance, afin de financer les besoins entre deux levées de fonds. Ce dispositif cible les entreprises qui étaient en cours de levée de fonds et a vocation à être cofinancé par le privé (montant total : 160 millions d’euros minimum) ;

 

-          des prêts de trésorerie garantis par lÉtat pouvant aller spécifiquement jusquà deux fois la masse salariale en France en 2019, ou, si ce montant est plus élevé, 25 % du chiffre daffaires annuel comme pour les autres entreprises. Ces prêts sont adossés à la garantie de 300 milliards deuros de lÉtat. À l’heure actuelle, 3 500 start-up ont fait une demande de prêt pour un montant de 500 millions d’euros ;

 

-          le remboursement accéléré par lÉtat des crédits dimpôt sur les sociétés restituables en 2020, dont le crédit impôt recherche (CIR) pour lannée 2019, et des crédits de TVA ;

 

-          le versement accéléré des aides à linnovation du PIA déjà attribuées mais non encore versées, pour un montant total estimé de 250 millions deuros.

LÉtat maintiendra également en 2020, via Bpifrance, son soutien aux entreprises innovantes avec près d1,3 milliard deuros daides à linnovation (subventions, avances remboursables, prêts, etc.).

 

b)     Des services numériques à destination des entreprises et des particuliers

Un appel a été lancé dès le 9 mars auprès des acteurs numériques pour que ces derniers mettent à la disposition des acteurs traditionnels de la vente physique des solutions de façon gratuite ou avec des tarifs préférentiels. Le site economie.gouv.fr recense les différentes offres disponibles, à destination des entreprises mais aussi des particuliers dans de nombreux domaines (télétravail, apprentissage en ligne, livraison pour les particuliers, cybersécurité etc). Le Gouvernement a par ailleurs élaboré un guide de recommandations afin de faire connaître aux acteurs concernés les précautions sanitaires devant être prises pour la vente à distance.

 

c)      Un dispositif de solidarité numérique

Les acteurs de la médiation numérique ont mis en place un centre daide (solidarité-numérique.fr) pour aider les personnes en difficulté à réaliser en ligne leurs démarches administratives essentielles. Deux types de ressources y sont proposées : des tutoriels pour remplir les documents administratifs indispensables (télécharger l’attestation, se déclarer sur Pôle Emploi, remplir les attestations de la CAF) et un numéro pour contacter des conseillers. Ce dispositif est en phase de lancement.

d)     Une mobilisation des entreprises à destination des enfants de l’aide sociale à l’enfance (ASE)

 

Le secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance, M. Adrien Taquet, a lancé le 27 mars dernier l’opération « Des ordinateurs pour nos enfants », avec le secrétaire d’État chargé du numérique, M. Cédric O.

 

Lobjectif de cette démarche est de réunir 10 000 ordinateurs, pour permettre aux enfants placés dans des familles daccueil ou en foyer de poursuivre leur scolarité en ligne. Le Gouvernement a mis en place une plateforme dédiée à cet effet (desordispournosenfants.fr).


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LOGOBLEU

 

 

 

 

R É P U B L I Q U E   F R A N Ç A I S E

LIBERTÉ – ÉGALITÉ – FRATERNITÉ

COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

GT Communications électroniques, poste et numérique

 

Paris, le 14 avril 2020

 

Groupe de travail « communications électroniques – poste – économie numérique »

 

Mme Laure de La Raudière et M. Éric Bothorel

 

À noter : audition de M. Cédric O, secrétaire dÉtat chargé du numérique, par la commission des affaires économiques, le vendredi 17 avril à 11 heures.

 

Le 8 avril dernier, dans un entretien commun au journal Le Monde, MM. Olivier Véran, ministre de la santé, et Cédric O, secrétaire d’État en charge du numérique, ont esquissé, à grands traits, les contours de ce à quoi pourrait ressembler une application française de lutte contre le Covid-19. Le projet « Stop Covid » vise en effet à permettre le développement d’une application qui pourrait limiter la diffusion du virus en identifiant les chaînes de transmission. Il s’intègre dans le cadre du projet de recherche européen Pan-European Privacy-Preserving Proximity Tracing (PEPP-PT), initié par l’Inria, l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, et l’institut allemand Fraunhofer Heinrich Hertz.

 

De nombreuses contributions ont d’ores et déjà été publiées sur l’utilisation du numérique, et plus spécifiquement, sur les applications numériques de contact tracing, dans la lutte contre le Covid-19.

 

En France, M. Mounir Mahjoubi, député de Paris, a publié une note parlementaire, au début du mois d’avril, portant sur le « traçage des données mobiles dans la lutte contre le Covid-19 ». Les auditions de la CNIL ainsi que du secrétaire dÉtat chargé du numérique, devant la commission des lois, la semaine dernière, ont également permis de commencer à éclairer la forme que pourrait prendre la version française de ce type doutil. LOffice parlementaire dévaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a approuvé une note faisant un point sur les technologies de l’information utilisées pour limiter la propagation de l’épidémie de Covid-19. Enfin, la commission supérieure du numérique et des postes (CSNP) a pris position sur ce sujet (avis du 10 avril 2020), de même que le comité consultatif national déthique (CCNE) dans son Bulletin de veille n° 1 du 7 avril 2020.

 

Au niveau européen, la Commission européenne a publié récemment des recommandations sur le contact tracing (recommandations du 8 avril 2020), plaidant en faveur d’une approche européenne commune et de la création d’une « boîte à outils » sur le sujet. Le comité européen de protection des données (CEPD) a également pris position en faveur du respect, par les solutions numériques des États membres, du cadre juridique européen (déclaration du 19 mars 2020).

Face à l’actualité forte de cette question, le groupe de travail a estimé utile de faire un « point de situation » sur ce sujet, en proposant, aussi, quelques éléments d’appréciation sur l’utilité (et l’efficacité) d’une telle solution dans le cas français (I). Un tableau recensant, en l’état des informations disponibles, les principales initiatives recourant au numérique pour lutter contre le Covid-19 est présenté à la fin de cette note (annexe).

 

  1. Focus sur les technologies numériques dans la lutte contre le Covid-19

 

  1. Utiliser le numérique pour lutter contre le Covid-19 : une ambition commune à de nombreux pays, des solutions technologiques variées

 

  1. Les différentes « options numériques » pour lutter contre le Covid-19

Face à l’épidémie de Covid-19, la plupart des pays développés ont entrepris d’utiliser le numérique pour assurer un suivi, dit aussi « tracking » ou « tracing » de l’épidémie.

 

Ces solutions de traçage visent essentiellement trois types d’objectifs :

 

-          (1) étudier lévolution géographique de lépidémie, afin dadapter en conséquence la réponse sanitaire, sociale et sécuritaire à apporter à la crise. Ce premier type d’objectifs, qui correspond à l’observation des pratiques collectives de mobilité et de confinement, se traduit, techniquement par l’utilisation des données issues du bornage des opérateurs télécoms (antennes-relais) ou des données GPS (satellite) issues d’applications mobiles. Il est également possible d’utiliser les données des transactions par carte bancaire à cette fin ;

 

-          (2) informer les citoyens des contacts quils auraient pu avoir avec une personne contagieuse dans les 15 derniers jours de leurs déplacements. C’est le contact tracing, qui sera au cœur de la présente note. L’objectif est de retracer le parcours récent des personnes testées positivement au Covid-19 afin d’informer les personnes tierces ayant été en contact avec ces dernières pour les inciter, le cas échéant, à se faire dépister. Plusieurs technologies sont mobilisables, selon différentes combinaisons, à cette fin :  bornage des téléphones, données GPS issues d’applications mobiles, mais aussi bluetooth, données de cartes bancaires et de transport et/ou usage de la vidéosurveillance ;

 

-          (3) sassurer que les mesures de confinement sont bien respectées par les citoyens. Il s’agit de veiller au bon respect des quarantaines, des confinements et de développer le cas échéant, un permis de circuler afférent (Chine).

Ces trois types dobjectifs, ainsi que les technologies utilisées pour les atteindre avec plus ou moins defficacité, doivent être distingués puisquils nimpliquent pas le même niveau datteinte aux droits et libertés des individus. Tous les pays utilisent, lorsqu’ils le peuvent, des données anonymisées et agrégées, qui ne permettent pas d’identifier les individus mais favorisent une analyse globale de l’évolution de l’épidémie (objectif 1). Les deux autres objectifs (2 et 3) font l’objet de réponses nationales plus variées, en raison de leurs caractères plus attentatoires aux droits de la personne.

 

  1. Une grande diversité de réponses numériques nationales

À lheure actuelle, il existe une grande variété de réponses numériques nationales à la crise Covid-19. Ces dernières connaissent logiquement un état d’avancement plus élevé dans les pays asiatiques, premiers touchés par l’épidémie Les pays européens, pour leur part, sont encore majoritairement en phase de lancement/pré-lancement de ces solutions numériques.

 

Le tableau suivant donne à voir lutilisation importante des solutions numériques par les pays asiatiques, ciblant très souvent lensemble des trois objectifs précités, à savoir l’étude géographique de la propagation de l’épidémie, le traçage des contacts avec les personnes infectées et la surveillance du respect des mesures de confinement :

 

Lutte contre le Covid-19 et technologies numériques dans les pays asiatiques

 

Usages

Chine

Taïwan

Corée du Sud

Singapour

Objectif 1 : observer les pratiques collectives

X

X

X

X

Objectif 2 : identifier des sujets contact

X

X

X

X

Objectif 3 : contrôler les confinements individuels

X

X

X

 

Technologies

Bornes téléphoniques ;

Données GPS ;

Données bancaires transport ;

Vidéosurveillance et reconnaissance faciale

Bornes téléphoniques ;

Données GPS ;

Données bancaires transport ;

Vidéosurveillance et reconnaissance faciale

Bornes téléphoniques ;

Données GPS ;

Données bancaires transport ;

Vidéosurveillance et reconnaissance faciale

Bornes téléphoniques ;

Données GPS ;

Données bancaires transport ;

Vidéosurveillance et reco faciale

Bluetooth

Source : M. Majoubi, Le traçage des données mobiles dans la lutte contre le Covid 19

 

Les pays asiatiques ont donc mobilisé massivement lensemble des outils technologiques à leur disposition pour lutter contre le Covid-19, ce qui peut s’expliquer par un cadre juridique et culturel plus permissif dans ce domaine. Lefficacité réelle de ces technologies dans ce cadre reste néanmoins à démontrer. L’usage d’applications de contact tracing ne constitue en effet souvent qu’une brique de la stratégie globale mise en œuvre (voir infra).

 

En Europe, les pays réalisent un suivi de lévolution de lépidémie via le recueil de données anonymisées de localisation « collective ». Cela se traduit, par exemple, par des partenariats entre des acteurs institutionnels (Inserm, APHP) et des opérateurs téléphoniques (Orange, SFR). La présidente de la CNIL a indiqué, lors de son audition devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, avoir délivré une dizaine d’autorisations d’exploitation des données à des fins de recherche à destination d’acteurs comme l’APHP, l’INSERM, l’Institut Pasteur ou encore le CHU de Lille.

 

En ce qui concerne les objectifs de traçage individuel des cas suspects et de contrôle individuel du respect des mesures de confinement (objectifs 2 et 3), les pays européens adoptent des stratégies plus variables.

 

La Pologne est, pour linstant, lun des rares pays européens à avoir opté pour la mise en place de solutions numériques de vérification du confinement, se rapprochant de ce que peuvent faire Taiwan (géolocalisation, appels des autorités pour vérifier la présence à domicile) ou Hong Kong (bracelet électronique). Les individus en quarantaine font ainsi l’objet de contrôle de police les obligeant à réaliser des selfies de leur domicile, pour y vérifier leur présence, avec, dans le cas contraire, une amende élevée. Le Montenegro, pays non‑membre de l’UE, publie, pour sa part, les données personnelles des personnes infectées, afin que leurs voisins évitent de les rencontrer, de même que la Bosnie-Herzégovine.

 

Les pays de lEurope de lOuest sont en phase de développement de solutions plus respectueuses de la vie privée des individus.

 

C’est le cas de lAllemagne, par exemple, qui vient de mettre en service une première application, Corona-Datenspe, lancée par l’Institut Robert Koch. Ce dispositif, qui repose sur le volontariat, s’appuie sur les bracelets et montres connectées, possédées par environ 10 millions d’Allemands. Il doit contribuer à améliorer l’étude de la propagation du virus, en recourant aux données géographiques et biologiques des utilisateurs consentants. Cette application, développée avec l’entreprise Thryve, ne permettra pas, en revanche d’avertir les utilisateurs d’une suspicion de Covid-19 ou d’un contact à risque. Une nouvelle application, développée dans le cadre du projet européen PEPP-PT, devrait y pourvoir, en utilisant la technologie Bluetooth et un bornage avec les antennes relais. Le Royaume-Uni a également lancé une application de contract tracing similaire et la Suisse travaille sur un projet équivalent.

 

  1. « Stop Covid » : le projet français d’une application de contact tracing respectueuse du droit européen

En France, l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA) pilote, avec le secrétariat d’État chargé du numérique et le ministère de la santé, les recherches visant à développer une application de contact tracing respectueuse du droit européen et des libertés individuelles, dans le cadre du projet PEPP-PT.

 

Le projet PEPP-PT

Le Pan European Privacy Proximity Tracing est un projet européen de recherche rassemblant plus de 130 scientifiques de haut niveau en provenance de huit pays, dont la France, lAllemagne et la Suisse.

Cette plateforme a pour objectif de proposer des technologies et des standards pour une approche de suivi numérique des contacts de proximité (contact tracing) fondés sur le consentement, l’anonymat et le respect de la vie privée, en totale conformité avec la réglementation RGPD. Les technologies qui seront proposées permettront de garantir une interopérabilité au niveau européen.

En France, l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA) participe à ce projet.

Le développement d’applications communes apparaît nécessaire dans la perspective d’une réouverture de l’espace Schengen dans la période post-crise.

Source : site du projet PEPP-PT

Cette application aurait pour objectif de « prévenir les personnes qui ont été en contact avec un malade testé positif, afin qu’elles se fassent tester elles-mêmes, et si besoin qu’elles soient prises en charge très tôt, ou bien qu’elles se confinent » (Cédric O).

 

Ses principales caractéristiques seraient les suivantes :

-          utilisation de la technologie Bluetooth (pas de géolocalisation) ;

-          gratuité de lapplication et installation volontaire (respect du consentement de l’utilisateur vis-à-vis du traitement de ses données) ;

-          respect du cadre juridique national et européen (respect des grands principes du RGPD ; absence de nécessité de nouveaux textes législatifs pour permettre sa mise en œuvre) ;

-          protection de la vie privée des individus, puisque l’historique de proximité entre les différentes personnes disposant de l’application ne serait pas accessible, y compris par le propriétaire du téléphone. Les données seront anonymisées ;

-          transparence du fonctionnement de lapplication (code source de l’application disponible en Open source).

À ce stade, le secrétaire d’État chargé du numérique indique que le processus de recherche est en cours pour évaluer la pertinence d’une telle option et faire le meilleur choix technologique le cas échéant. Le respect du cadre juridique national et européen apparaît comme une priorité aussi bien pour le Gouvernement que pour les citoyens. La TFC19, un collectif de data scientists, ingénieurs et juristes, a ainsi proposé 10 principes techno-normatifs d’encadrement des usages d’une application pour lutter contre le Covid-19. Le Chaos computer club (CCC) a également formulé 10 recommandations pour encadrer les applications de contact tracing.

 

Quel cadre juridique pour le contact tracing ?

 

Deux textes encadrent l’usage des données de localisation des résidents européens :

- la directive du 12 juillet 2002 sur la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (2002/58), dite e-privacy ;

- le règlement général sur la protection des données (RGPD)

 

La technique du contact tracing est soumise aux principes définis au sein du RGPD, c’est-à-dire :

- le consentement libre et éclairé de l’utilisateur ;

- la définition et la limitation des finalités du dispositif mis en place ;

- la nécessité et la proportionnalité du traitement des données. Les données ne doivent pas être conservées après la crise, sauf nécessités de recherche ;

- la minimisation des données collectées ;

- les principes de transparence, de sécurité des données et de respect des personnes.

 

Source : audition de la CNIL devant la commission des Lois de lAssemblée nationale, mercredi 8 avril 2020.

 

  1. Une efficacité qui n’est pas démontrée et de nombreuses limites qui peuvent faire douter de l’utilité réelle d’une application de contact tracing

 

  1. Se garder du « solutionnisme technologique » : une efficacité marginale qui n’est, pour l’heure, pas démontrée

Il semble important, dans le présent débat, de se garder de la tentation du « solutionnisme technologique » qui peut animer une telle question.

 

En l’état de nos connaissances, il convient de rappeler que lefficacité des applications de contact tracing dans la lutte contre lépidémie de Covid-19 nest pas démontrée. La faible croissance de l’épidémie dans les pays asiatiques précités doit être analysée dans le cadre plus général de leur stratégie globale, très agressive en matière de dépistage dès le stade 1.

 

Pour le cas de Singapour, comme le relève le secrétaire d’État chargé du numérique lors de son audition devant la commission des lois, « le traitement des données collectées n’a jusqu’à présent consisté qu’à vérifier la concordance entre les données recueillies par son intermédiaire et celles relatives aux cas contacts saisies manuellement [...] la reconstitution des parcours [reposant] encore majoritairement sur un travail effectué par des humains ». L’efficacité du contact tracing numérique reste donc à démontrer.

 

Pour le cas de Taïwan, la réaction précoce du gouvernement, la méfiance des autorités concernées vis-à-vis des informations transmises par la Chine et enfin l’utilisation d’un panel de solutions numériques (Big data, croisement de données, exploitation du signal mobile) au tout début de la crise, au stade 1, expliquent largement le faible nombre de cas. L’utilisation d’une application de contact tracing ne constituait donc, dans ce cadre, qu’un élément parmi d’autres.

 

Enfin, la capacité de la Corée du Sud à lutter contre l’épidémie, réside moins dans la mobilisation des technologies numériques (pas d’application de traçage), que « dans l’armée de personnes qui retracent, grâce à des appels téléphoniques, les cas contacts dans des fichiers Excel et dans sa capacité à identifier les lieux par lesquels les malades sont passés pour les désinfecter » comme le relève le secrétaire d’État au numérique, M. Cédric O.

 

En somme, il apparaît quune application de contact tracing nest en aucun cas une solution miracle de premier ordre pour endiguer lépidémie. Elle peut en revanche être intégrée à une stratégie globale de gestion de la crise sanitaire, et faciliter, dans certains cas, la reconstitution des chaînes de contamination.

 

  1. Des difficultés pratiques et techniques qui sont importantes

Le succès de la mise en place d’une application de contact tracing est soumis à plusieurs conditions, qui apparaissent très difficiles à réunir.

 

Le déploiement d’une telle application nécessite, en premier lieu, un niveau dadhésion élevé de la part de la population vis-à-vis de ce choix. Le département d’économie de l’université d’Oxford a réalisé un sondage sur ce sujet, sur un échantillon représentatif de 1010 adultes français, les 26 et 27 mars 2020. Daprès cette étude dopinion, 8 Français sur 10 déclarent quils seraient prêts à installer une application de contact tracing et à se conformer, sans aucun doute, à la recommandation de lapplication de se mettre en quarantaine. Les chercheurs relèvent néanmoins, par prudence, que d’une part, « les décisions réelles pourraient être très différentes des intentions exprimées », et que, d’autre part, leur étude « ne fait aucun traitement des considérations légales et éthiques qui entourent la mise en place d’une telle approche ». En lespèce, la forte politisation de cette question et lappétence naturelle pour une solution technologique parfois perçue comme miracle, laissent penser que le niveau dadhésion pourrait être plus faible que celui indiqué dans létude.

 

Cette première condition d’adhésion au principe même de cette application, qui nécessiterait également un travail important de pédagogie auprès du grand public, rencontre une seconde condition corollaire : lutilisation de cette application doit être acceptée, sur le principe, par une grande partie de la population, mais son usage doit être effectif par au moins 60 % de la population pour être véritablement efficace. Rappelons qu’aujourd’hui seulement 77 % de la population dispose d’un « smartphone », ce qui conduirait à un taux d’utilisation de l’application de 78 % de volontaires adhérents de la population équipée, hypothèse peu vraisemblable. La prise en compte des publics victimes de la fracture numérique, via des solutions alternatives, dont le secrétaire d’État chargé du numérique reconnaît qu’elles sont « particulièrement complexes », et les exemples étrangers, donnent à voir la difficulté de pareille initiative. À Singapour, deux semaines après son lancement, 20 % de la population avait adopté cette application, ce qui constitue à la fois un score élevé, mais largement insuffisant pour assurer son efficacité maximale.

 

À ces conditions de succès, s’ajoutent des difficultés techniques suivantes :

 

-          linteropérabilité des systèmes de Bluetooth entre les différents téléphones. Certains experts estiment en effet que la technologie Bluetooth low energy (BLE) est sujette à des performances variables selon les modèles de téléphone concernés. Google et Apple ont néanmoins décidé de travailler ensemble sur ce sujet ;

 

-          le calibrage de lapplication, pour prendre en compte un certain nombre de situations complexes. C’est le cas par exemple, des personnes résidant en immeuble, qui peuvent se retrouver durablement à une très faible distance les unes des autres, sans être réellement en contact et à risque. Il existe de nombreux cas de ce type (faux positifs, faux négatifs) ;

 

-          la disponibilité de tests de dépistage à disposition des personnes considérées comme infectées par le virus. En effet, l’utilisation d’une application de contact tracing va de pair avec la possibilité, pour les personnes informées qu’elles sont à risque en raison d’un contact avec une personne contaminée, de pouvoir réaliser un test.

 

  1. Deux risques principaux : « faux sentiment de sécurité » et discriminations

La mise en place d’une application de contact tracing pourrait générer, dans certaines conditions, des risques supplémentaires par rapport à la situation présente.

 

Ces risques sont principalement de deux ordres :

 

-          un risque sérieux de créer un « faux sentiment de sécurité » chez les personnes ayant téléchargé lapplication. En effet, à défaut d’une diffusion massive dans la population, le fait de ne pas recevoir d’alerte s’expliquera moins par le fait de ne pas avoir été en contact avec une personne infectée que par le fait de n’avoir rencontré que très peu de personnes ayant téléchargé ladite application. Ce « faux sentiment de sécurité », qui existerait y compris si l’application est largement diffusée, mais dans une proportion moindre, pourrait conduire à un relâchement de la discipline de confinement ;

 

-          un risque de discrimination des personnes à plusieurs titres :

 

Conclusion : un débat nécessaire, une efficacité à démontrer

 

 Le débat sur l’utilisation du numérique dans la lutte contre le Covid-19 est nécessaire et indispensable. Dans son allocution du 13 avril dernier, le Président de la République a rappelé cette nécessité, en souhaitant que les assemblées puissent débattre de ce sujet. Il ne faut en effet négliger aucun outil pour faciliter le travail dendiguement de lépidémie et de suivi des malades. La recherche et le développement éventuel dune solution souveraine et disponible rapidement de contact tracing sont donc des objectifs légitimes et utiles, en coordination avec les autres pays européens.

 

Il convient néanmoins de garder à l’esprit que, dans le même temps, lefficacité des applications de contact tracing nest pas démontrée. Chacun peut envisager, certes, les facilités qu’elle procure, notamment vis-à-vis du traitement plus classique de reconstitution des chaînes de contamination par les autorités sanitaires. Il n’en demeure pas moins que, dans le meilleur de cas, cette application restera un outil parmi dautres au service dune stratégie plus globale.

 

 En conséquence, le rapport « coût/bénéfice » de cet outil doit être interrogé, pour les raisons évoquées ci-dessus. Cette application pourrait notamment créer un faux sentiment de sécurité chez ses utilisateurs. Les prochaines semaines devraient apporter des réponses aux questionnements techniques et permettre un retour d’expérience sur une période plus longue pour les exemples étrangers, comme Singapour.

 

 En tout état de cause, il convient dêtre vigilant vis-à-vis des discours solutionnistes sur lutilisation des technologies dans la crise, opposant les pays occidentaux et asiatiques. Ces derniers napparaissent pas dénués de considérations géopolitiques. Sur ce sujet, l’action publique doit donc être exclusivement guidée par deux principes fondamentaux : lefficacité réelle de cet outil et la préservation de la vie privée des individus, dans le respect de létat actuel du droit national et européen.


ANNEXE : Tableau de synthèse des différentes initiatives numériques françaises recensées dans le cadre de la lutte contre le Covid-19

 

Nom

Organisme

Nature

Technologie

Public

Fonctionnement

Objectifs

Partenariat Orange / Inserm

Orange / Inserm

Partenariat

Données agrégées et anonymisées

Chercheurs

Utilisation des données de géolocalisation (bornages antennes)

Adaptation des capacités sanitaires, suivi de la propagation de l’épidémie.

Partenariat SFR / APHP / INRIA

SFR / APHP / INRIA

Partenariat

Données agrégées et anonymisées

Chercheurs

Utilisation des données de géolocalisation (bornages antennes)

Adaptation des capacités sanitaires, suivi de la propagation de l’épidémie.

CoronApp

Agence Web ITSS

Application

Géolocalisation

Tous

Traçage des déplacements toutes les heures, durant 14 jours

Contact tracing

Covidom

APHP / Nouveal-e-santé

Application

X

Patients porteurs ou suspectés Covid 19 ne nécessitant pas d’hospitalisation.

Questionnaires médicaux proposés une ou plusieurs fois par jours, en complément des mesures de confinement.

Solution de télé-suivi à domicile pour les patients porteurs ou suspectés Covid-19

 

Covid APHM

APHM

Application

X

Patients reçus à l’AP-HM positifs au COVID-19 ou suspects à risque et nécessitant un suivi médical

Réponse à des questionnaires médicaux. Une cellule de  télésurveillance active 24H/24,  7J/7 rappelle les patients présentant des réponses défavorables et coordonne l’envoi de moyens appropriés avec le SAMU.

Suivi en temps réel des patients porteurs ou suspectés Covid-19

« Stop covid »

(en cours de développement)

Gouvernement

Application

Bluetooth

Tous

Reconstitution de l’historique de proximité des personnes.

Contact tracing.

Covid-IA

(en cours de développement)

Consortium d’experts médicaux et de data scientists

Projet (à définir)

Intelligence artificielle

 

Tous

Exploitation de données de géolocalisation, médicales et démographiques pour créer des modèles prédictifs

Compréhension du modèle de propagation du virus ; définition d’une stratégie de déconfinement.

Chatbots

Gouvernement ; Facebook, Whatsapp

Chatbot

X

Utilisateurs de Facebook et Whatsapp

Chat automatisé en ligne.

Pédagogie sur le COVID 19 et les mesures de confinement.

https://maladiecoronavirus.fr/

Gouvernement

Site internet

X

Tous

Proposition d’un test de dépistage en ligne et d’information sur les maladies et les mesures à adopter.

Auto-dépistage, information du public.

https://media.interieur.gouv.fr/deplacement-covid-19/

Gouvernement

Site internet

QR Code

Tous

Génération d’une attestation dérogatoire de déplacement.

Format numérique de l’attestation papier.

 


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LOGOBLEU

 

 

 

 

R É P U B L I Q U E   F R A N Ç A I S E

LIBERTÉ – ÉGALITÉ – FRATERNITÉ

COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

Paris, le 21 avril 2020

 

Groupe de travail Communications électroniques – poste – économie numérique »

 

Mme Laure de La Raudière et M. Éric Bothorel

 

 

 

À noter : audition de M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement par la commission des affaires économiques, le jeudi 23 avril à 16 heures.

 

Face à la situation inédite de crise que connaît notre pays, les réseaux de communications électroniques fixes et mobiles ont été un élément déterminant qui a permis à nos concitoyens de rester en lien avec leurs proches, et à nos entreprises dadapter leurs modes de fonctionnement pour préserver leur activité, autant que cela leur était possible. Cette crise nous révèle en effet que nos modes de vie sont désormais profondément façonnés, mais aussi de plus en plus dépendants, dun bon accès aux infrastructures numériques.

 

Conscient de ces enjeux, nous avions fait un premier point de situation en date du 7 avril dernier sur l’impact de la crise sur le secteur des communications électroniques, en évoquant notamment ses effets sur les revenus des opérateurs et la problématique de la résilience des réseaux, principale crainte de début de crise, face au pic d’usages voix et data provoqué par l’annonce du confinement le 17 mars dernier. Cette première interrogation apparaît globalement levée aujourdhui, en raison de lefficacité des actions de maintenance entreprises, dune part, et de la normalisation partielle des usages, après le pic important du début de confinement.

 

Il n’en demeure pas moins que les inégalités d’accès aux infrastructures fixes et mobiles restent importantes, en particulier en zone rurale. Cest désormais la question des déploiements fixes et mobiles, prévus dans le cadre du plan France Très haut débit dune part, et du New Deal mobile dautre part, qui concentre linquiétude de lensemble des acteurs des télécommunications et des élus locaux. Ces déploiements apparaissent en effet, en fort ralentissement, pour des raisons variées, ce qui fait peser un risque à la fois sur le respect des objectifs fixés et sur la sécurité économique dune filière industrielle fragilisée par la situation actuelle.

 

La présente note propose donc un point de situation détaillé sur ce sujet, en abordant successivement la situation actuelle des différents opérateurs (I) puis létat des déploiements et les difficultés rencontrées (II). Nous formulons dans cette dernière partie des recommandations pour lever les obstacles rencontrés.

 

  1. Point de situation des différents opérateurs de communications électroniques

 

a)     Orange

 

L’opérateur historique a fait face à un pic dusages voix et data important, avec une augmentation de lordre de 30 % du trafic sur le réseau internet fixe. Dans le détail, la visioconférence a en effet été multipliée par 2, le trafic sur WhatsApp par cinq et plus globalement, le télétravail a été multiplié par 10. Le trafic voix a également multiplié par deux au cours de cette période.

 

Pour faire face à cet enjeu, Orange a notamment augmenté de 50 % la capacité de ses câbles sous-marins sur la route transatlantique. L’opérateur est par ailleurs intervenu en soutien de ses clients, particuliers et professionnels, en offrant sous forme doption, 10 Go dinternet mobile supplémentaire pour ceux ayant consommé lintégralité de leur enveloppe data. Ces deux offres ont concerné jusqu’à 16 millions de clients particuliers et 600 000 clients professionnels.

 

Sur le plan économique, le groupe Orange, qui comprend 144 000 salariés (dont 88 500 en France) a adapté son fonctionnement en recourant de façon importante au télétravail (50 000 salariés). Le groupe a par ailleurs choisi de ne pas recourir au chômage partiel au motif que sa situation économique ne justifiait pas ce type de mesures. Il versera néanmoins des dividendes en baisse de 30 % à ses actionnaires. Il a enfin pris la décision de garantir le salaire de ses salariés, y compris pour les commerciaux travaillant en boutique. Orange se fixe comme objectif de rouvrir environ 200 boutiques sur les 560 qu’il possède sur le territoire français, dans les huit à dix jours qui suivront le 11 mai 2020.

 

En matière de déploiements fixes et mobiles, 15 000 techniciens sont actuellement sur le terrain, afin de poursuivre les opérations relatives à la maintenance des réseaux de communications électroniques. Le groupe a pris des mesures pour soutenir la trésorerie de ses sous-traitants, en prenant en charge une partie du surcoût généré par la situation exceptionnelle actuelle. Les déploiements restent fortement ralentis, pour des raisons d’ordre économique (fermeture des bureaux d’étude, par exemple) et administratif (infra).

 

 Enfin, Orange a mis en œuvre des actions de solidarité dans la lutte contre le covid19 (cf NS n° 1 du 7 avril 2020), créé un partenariat avec lInserm pour assurer le suivi de la propagation de l’épidémie et sest positionné, de concert avec plusieurs acteurs français dont Dassault Systèmes, sur le sujet du contact tracing.

 

b)     SFR

 

L’opérateur SFR a fait face au pic d’usages voix et data décrit ci-dessus en mettant en œuvre un plan de continuation de lactivité dès le 13 mars, associé à des mesures pour augmenter ses capacités (redimensionnement de ses interconnexions avec les autres opérateurs). L’opérateur estime que son action, ainsi que le civisme numérique dont ont fait preuve nos concitoyens et les plateformes de vidéo (Netflix, Amazone Prime, Youtube), ont permis de traiter rapidement cette situation.

 

Limpact de la crise sur le chiffre daffaires du groupe devrait rester limité. Les principales baisses d’activité concernent évidemment la vente, le roaming et les déploiements. Le groupe SFR a néanmoins placé une part importante de ses effectifs (4 600 de ses plus de 9 000 salariés) en chômage partiel. Plusieurs articles de presse ont fait écho de tensions internes sur ce sujet ([21]).

 

À l’heure actuelle, 7 000 personnes travaillent encore (sur le terrain ou à distance), sous-traitants compris, pour assurer les activités de l’opérateur. Ce dernier rencontre des difficultés importantes dans ce domaine, comme les autres opérateurs (infra).

 

 Enfin, SFR a mis en œuvre des actions de solidarité dans la lutte contre le covid-19 (cf NS n° 1 du 7 avril 2020), en mettant notamment en place un partenariat avec lAPHP et lINRIA pour assurer le suivi de la propagation de l’épidémie, et en offrant l’accès à un bouquet de chaînes en clair à ses clients.

 

c)      Bouygues Telecom

 

Face au pic d’usages et aux risques afférents, Bouygues Telecom a mis en place un système de supervision de son réseau 24h sur 24h et 7 jours sur 7. La société a également maintenu ses activités dinstallation ainsi que de service après-vente. Elle a pu être confrontée, au début du confinement, à des difficultés sur son réseau internet, notamment autour du 23 mars, mais celles-ci apparaissent désormais résolues.

 

Dans le contexte du confinement, Bouygues Telecom a mis à la disposition de ses clients fixe grand public près de 34 chaînes, sur la période allant du 18 mars au 30 avril, sans surcoût. Elle a également permis que le débit de ses clients Fibre atteigne jusquà 1 Gbits/s en débit descendant et 500 Mbit/s en débit montant, valeurs normalement réservées à la seule offre Bbox Ultym. Elle a enfin participé à lélan de solidarité national, à travers plusieurs actions, dont l’octroi gratuit de 600 box 4G avec 300 000 Go pour le Samu social (voir NS n° 1 du 7 avril 2020).

 

Bouygues Telecom recourt au dispositif de chômage partiel pour environ 18 % de ses effectifs (7 800 collaborateurs), essentiellement à destination des salariés affectés aux activités commerciales.

 

En matière de déploiements fixes et mobiles, le groupe estime que cette activité « tourne » pour l’heure à hauteur de 20 % environ de ses capacités. Un retard est en train de se constituer à la fois sur la partie mobile et la partie fixe, faute de permanence administrative au sein des collectivités, d’une part, et en raison de difficultés opérationnelles concernant notamment l’approvisionnement en béton et en électricité (Enedis). Face au risque de dégradation du tissu de PME/TPE, sous-traitants essentiels pour la reprise post-confinement, le groupe a décidé de continuer de payer comptant les factures qui lui sont adressées, pour soutenir la trésorerie de ces acteurs en difficulté.

 

 Lentreprise a saisi lARCEP au sujet des offres de gros proposées par SFR dans les zones moyennement denses (ZMD). Elle conteste en effet cette hausse de tarifs (+ 2% sur le prix de la location mensuelle standard d’une ligne fibre ; +9 % sur le tarif de cofinancement), au motif que SFR ne respecterait pas lobligation de proposer des « tarifs raisonnables ».

 

d)     Free

 

Lopérateur Free a réussi à faire face au pic d’usages voix et data, avec quelques difficultés néanmoins sur le premier élément (interconnexion voix avec les autres opérateurs) au début de la période de confinement.

 

Limpact économique de la crise sur lopérateur Free devrait être négatif, mais limité. Les principales pertes de recettes concernent lactivité de roaming et la forte réduction des dépassements de forfaits consécutive aux offres commerciales solidaires de lopérateur à destination de ses clients (le volume de data maximal pour les forfaits à 0 euro et 2 euros passant de 50 Mo à 1 Go, une option de blocage du hors forfait étant également gratuitement disponible).

 

Face à la crise, Free a fait le choix de ne pas déclencher le mécanisme de chômage partiel, en privilégiant le télétravail, la prise de congés, ou encore les offres de formation et des missions de renforcement de certains services lorsque le travail à distance n’était pas possible. L’entreprise compte actuellement 41 % de salariés actifs sur le terrain, qui sont en grande majorité des techniciens fixe et mobile. Un peu moins dun tiers de ses salariés sont en télétravail (31 %).

 

 Free poursuit ses efforts sur le déploiement de la fibre et des sites mobiles, mais rencontre, comme les autres opérateurs, de sérieuses difficultés. Pour la partie fixe, le groupe Iliad soutient son réseau de sous-traitants, notamment via la création dun fonds de solidarité (Solid-19) à destination de ses sous-traitants TPE/PME et le règlement immédiat des factures. Pour la partie mobile, l’opérateur continue d’activer conformément aux engagements du New Deal mobile mais rencontre des difficultés notamment liées à l’absence de priorisation de ses travaux par Enedis.

 

  1. État des déploiements fixes et mobiles

 

a)     Un état des lieux difficile à réaliser, faute de recul, mais un ralentissement certain des déploiements fixes et mobiles

De l’aveu de l’ensemble des acteurs consultés, opérateurs et régulateurs, le rythme des déploiements a fortement ralenti, tant sur la partie fixe que mobile. Il est néanmoins trop tôt pour disposer de chiffres définitifs sur ces sujets, lappréciation du retard consécutif aux conséquences de la crise ne pouvant seffectuer qua posteriori.

Pour la Plan France Très Haut débit, les derniers chiffres de l’ARCEP, publiés au début du mois d’avril, pour le T4 de 2019, font état des progrès continus de la couverture en très haut débit avant la crise :

-          64 % des locaux en France (23,5 millions de locaux) sont couverts en très haut débit, toutes technologies confondues (contre 61 % au T3 2019) ;

-          50 % des locaux (18,3 millions) ont accès à la fibre FttH (contre 45 % au T3 2019)

Au total, on dénombre 29,7 millions daccès au haut et au très débit en France à cette date (+ 200 000 par rapport au T3 2019), dont 18,4 millions de locaux pour le haut débit et 11,3 millions pour le très haut débit.

Dans un document transmis aux services du Premier ministre, les acteurs des télécoms formulent 7 propositions, dont la demande d’une enveloppe complémentaire de 650 millions d’euros pour achever le 100 % fibre, d’après un article publié dans Les Échos.

Pour le New Deal mobile, les résultats sont les suivants :

Sur la généralisation de la 4G sur l’ensemble des sites mobiles des opérateurs (T4 2019) :

-          Orange avait équipé à cette date en 4G 86 % de ses sites déployés (20891/24333)

-          SFR avait équipé à cette date en 4G 85 % de ses sites déployés (18119/21259)

-          Bouygues Telecom avait équipé à cette date en 4G 87 % de ses sites déployés (18020/20747)

-          Free avait équipé à cette date en 4G 87 % de ses sites déployés (14621/16786)

Pour rappel, les opérateurs ont pour obligation, d’ici la fin de l’année 2020, de passer l’ensemble de leurs sites mobiles en 4G, à l’exception des anciens sites du programme Zones blanches-centres bourgs (75 %).

Enfin, pour les sites du dispositif de couverture ciblée (DCC), le risque de retard de livraison, pour les 485 premiers sites, qui devait intervenir dans un peu plus de 2 mois seulement, est important. Il conviendra donc dêtre vigilant pour ne pas avoir un « effet glissement » du calendrier: un report partiel de la première échéance est envisageable à condition que les échéances suivantes soient maintenues, et que ce retard puisse être rapidement comblé.

b)     Des difficultés dordre opérationnel et administratif expliquent cette situation

Pour la partie fixe, les acteurs de la filière « fibre » font face à une baisse dactivité de 70 %, avec des pertes de productivité de 40 % selon la fédération infraNum. Ils rencontrent des difficultés dordre opérationnel, liées notamment au défaut de priorisation de leurs travaux par Enedis (qui assure le raccordement électrique des sites) mais aussi dordre administratif. Labsence de permanence administrative dans nombre de collectivités est en effet fortement préjudiciable à loctroi des permissions de voirie et à la prise darrêtés de circulation et de stationnement pourtant nécessaires à la poursuite des activités de déploiement. La prise en charge du surcoût des prises de fibre optique, notamment par les acteurs publics, constitue enfin un sujet majeur qui doit être traité avec lensemble des acteurs de la filière.

Pour la partie mobile, les opérateurs indiquent que le déploiement des sites mobiles est quasiment à larrêt, en raison de difficultés opérationnelles (approvisionnement en béton notamment), mais aussi administratives, communes à celles évoquées ci-dessus pour la filière « fibre ». La prorogation des délais de recours à lissue de la période détat durgence sanitaire, prévue par larticle 2 de lordonnance n° 2020306 du 25 mars 2020 conduit à un arrêt complet des déploiements de nouveaux sites. Le risque élevé de recours conduit en effet les opérateurs à interrompre de facto les nouveaux projets de sites mobiles, dans l’attente de la purgation de l’ensemble des délais de recours.

 

c)      Un report des enchères 5G, mais le maintien de la dynamique engagée

 

Les enchères pour la première bande de fréquence 5G, pour lesquelles Orange, Bouygues Telecom, Free et SFR sont qualifiés, sont reportées de quelques semaines. LARCEP a en effet indiqué, dans un communiqué de presse du jeudi 2 avril 2020 que « les circonstances actuelles de crise sanitaire nont pas permis de conduire les préparatifs nécessaires à lorganisation matérielle de cette enchère, initialement prévue au mois davril. Il en résulte un décalage, dont la durée dépendra de celle de la crise sanitaire. La date de tenue de lenchère sera fixée par lARCEP en fonction de lévolution de la situation ».

Dans une interview au Figaro, M. Sébastien Soriano, président de lARCEP souhaite néanmoins « rester dans la dynamique de déploiement de la 5G », le développement de cette dernière technologie pouvant faire partie « de larsenal de sortie de crise ». Selon les scénarios envisagés, les enchères pourraient reprendre au plus tôt au mois de juillet et au plus tard au mois de septembre prochain.

 

Par ailleurs, la crise du Covid-19 a confirmé limportance de sattarder sur lacceptabilité sociale de la 5G. Nous avions déjà soulevé ce point dans notre rapport consacré à la couverture mobile et numérique du territoire, présenté devant la commission des affaires économiques au mois de janvier dernier. Ce sujet fait donc à raison lobjet de travaux au sein de lARCEP, à la fois sur le volet sanitaire avec lANSES, et sur le volet environnemental en lien avec lADEME. LARCEP devrait notamment présenter en juin prochain un premier baromètre vert permettant de mesurer limpact environnemental de cette technologie dans son rapport sur létat de linternet.

 

Enfin, en vue dun démarrage rapide des déploiements de la 5G, il conviendra dêtre vigilant sur le sujet des autorisations relatives aux équipements, dont les demandes ont été adressées par les différents opérateurs à lAgence nationale de sécurité des systèmes dinformation (ANSSI), conformément aux exigences de la loi du 1er août 2019 visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l’exploitation des réseaux radioélectriques mobiles. Les opérateurs ont en effet besoin de visibilité pour sécuriser leur « business plan » 5G.

 

d)     Plusieurs mesures permettraient de lever rapidement les blocages administratifs actuels et de maximiser, en cette période difficile, le rythme des déploiements fixes et mobiles

La consultation des acteurs des communications électroniques, que nous avons réalisée dans le cadre des travaux de notre binôme « communications électroniques – poste – économie numérique » au sein de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, nous amène à formuler plusieurs propositions de mesures visant à lever les difficultés évoquées ci-dessus et à permettre une reprise rapide des déploiements fixes et mobiles :

-          la modification de larticle 3 de lordonnance n° 2020-320 du 25 mars 2020 en faveur de l’intégration des interventions nécessaires au déploiement des réseaux de communications électroniques fixes et mobiles au régime déjà prévu pour les permissions de voirie relatives « aux installations de communications électroniques implantées à titre temporaire ou dans le cadre dinterventions urgentes, strictement nécessaires pour assurer la continuité du fonctionnement des services et des réseaux de communications électronique » ;

 

-          le transfert de compétence du maire au préfet en cas de silence gardé pendant un délai de 48 heures sur une demande darrêté de circulation et de stationnement. Cette mesure, qui modifie la compétence exercée en cette matière par le maire en vertu de l’article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales, pourrait faire utilement l’objet d’une nouvelle ordonnance ;

 

-          la modification de larticle 2 de lordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 en faveur de l’exclusion de « tout acte, recours ou action en justice lié à toute intervention relative à l’installation d’un équipement de communications électroniques nécessaire aux opérations de maintenance, de déploiement ou d’extension des réseaux de communications électroniques ».

Enfin, la prise en charge par les acteurs publics des surcoûts relatifs au déploiement des prises de fibre optique pourrait également être opérée en recourant au Fonds national pour la société numérique (FSN) ou à un autre dispositif financier. Il apparaît utile, en tout état de cause, qu’elle fasse l’objet d’une réflexion avancée. La mobilisation subséquente des collectivités sur ce sujet, qui disposent de la faculté accrue de verser des avances en vertu de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020, apparaît également souhaitable, en tenant compte, néanmoins, de leurs situations respectives.

Conclusion

 

 En guise de conclusion, il convient dinsister sur lurgence de la situation. La priorisation des déploiements fixes et mobiles est indispensable puisque le rythme de reprise dépendra fortement de la capacité des pouvoirs publics à avoir soutenu au maximum une filière qui connaît un risque sérieux de dislocation, au moins partielle, dans les circonstances actuelles. Il s’agit ainsi déviter de perdre de précieuses compétences et lefficacité dune organisation industrielle du déploiement Très haut débit qui fut si longue à construire.

 

Le consensus qui se fait jour entre les acteurs dans ce domaine doit être exploité comme un atout pour nous permettre, ensemble, de conserver lambition initiale portée par le Gouvernement sur ces sujets : celle dun accès de chacun au très haut débit et à une couverture mobile de qualité le plus rapidement possible.


ANNEXE : Tableau de suivi des ordonnances ayant un impact sur le secteur des communications électroniques

 

Nom de lordonnance

Objet

Mesures

Retour des acteurs

Ordonnance
n° 2020-320
du 25 mars 2020

Communications électroniques

-          suspension de l’obligation de transmission d’un dossier d’information au maire ou au président d’intercommunalité en vue de l’exploitation ou de la modification d’une installation radioélectrique ;

 

-          possibilité pour l’exploitant d’une station radioélectrique de prendre une décision d’implantation sans accord préalable de l’Agence nationale des fréquences ;

 

-          réduction du délai d’instruction des demandes de permissions de voirie relatives aux installations de communications électroniques implantées à titre temporaire et dans le cadre d’interventions urgentes ;

 

-          dispense d’autorisation d’urbanisme pour les constructions, installations et aménagements nécessaires à la continuité des réseaux et services de communications électroniques ayant un caractère temporaire.

Avis favorable

Demande de mesures similaires pour la partie « déploiements » des réseaux de communications électroniques fixes et mobiles

Ordonnance
n° 2020-306
du 25 mars 2020

Prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et adaptation des procédures pendant cette même période

-  Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement doffice, application dun régime particulier, non avenu ou déchéance dun droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à larticle 1er sera réputé avoir été fait à temps sil a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois (article 2)

-          Prorogation de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin pour les mesures du type « autorisations, permis et agréments » (article 3)

La prorogation des délais échus est considérée par les opérateurs comme préjudiciable pour les déploiements mobiles en raison des risques de contentieux importants dans cette matière.

 

 

 

 

 

 


LOGOBLEU

 

 

 

 

R É P U B L I Q U E   F R A N Ç A I S E

LIBERTÉ – ÉGALITÉ – FRATERNITÉ

COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

 

Paris, le 27 avril 2020

 

Groupe de travail « Communications électroniques – poste – économie numérique »

 

Mme Laure de La Raudière et M. Éric Bothorel

 

Les « fablabs » ont joué un rôle important dans le contexte de la crise du covid-19. Ces « ateliers de fabrication numérique », qui mettent à la disposition d’un public averti des outils de production, souvent numérisés, ont en effet contribué à réduire les pénuries rencontrées par les acteurs hospitaliers et économiques vis-à-vis des matériels de protection et de soins (masques, visières de protection, prototypes de respirateurs artificiels). L’action de ces « makers » a logiquement fait l’objet dune couverture médiatique importante et dun intérêt croissant de la part des pouvoirs publics.

 

Il nous a donc semblé utile de faire un point de situation sur ce phénomène encore relativement nouveau, qui fait le lien entre l’appétence de la société civile à participer localement à la lutte contre le covid-19, les opportunités nouvelles offertes par le numérique et de nouveaux modes de production et d’organisation à l’échelle locale. Le développement de fablabs au sein même des structures hospitalières, comme en témoigne par exemple le fablab Héphaïstos de lhôpital Bicêtre, démontre tout lintérêt de cette dynamique.

 

La présente note s’appuie sur les travaux déjà existants sur ce sujet, qui sont encore relativement peu nombreux ([22]), ainsi que sur les entretiens que nous avons réalisés avec les représentants du Réseau français des fablabs (Hugues Aubin, Constance Garnier, Simon Laurent), de lentreprise SenX io (Hervé Rannou), certains membres de Makers for Life (Quentin Adam et Marc Julien) et enfin les responsables du fablab Héphaïstos de l’Hôpital Bicêtre (Guillaume Eckerlein, Claire Fauchille).

 

Cette note présente un état des lieux succinct du paysage des fablabs et du mouvement des makers (I) en France, avant de détailler leur action au sein de la lutte contre le Covid-19 et les difficultés qu’ils ont pu rencontrer dans ce cadre (II). Nous formulons en conclusion des pistes de réflexion et de mesures, inspirées de nos échanges, pour améliorer la qualité des interactions entre les pouvoirs publics, les makers et les entreprises.

 


  1  

  1. « Fablabs » et « makers » : un phénomène récent en forte croissance en France

 

  1. Le « fablab France »
  1. Éléments de définition

 

Les « Fabrications Laboratories » (Fab Labs) ont été créés pour la première fois en 2001 au sein du Center for Bits and Atoms (CBA) du MIT par Neil Gershenfeld, dans le cadre d’un cours qu’il donnait à des étudiants, intitulé « Comment fabriquer (presque) n’importe quoi ».

 

Ce concept est ensuite rapidement devenu un label décerné d’abord par le MIT, puis par lassociation des fablabs, en fonction du respect dune charte (annexe 1) comprenant plusieurs principes essentiels de fonctionnement, parmi lesquels le principe daccessibilité au public, la mise à disposition doutils de production, notamment numériques et surtout un esprit de partage dexpérience et des connaissances en vue de leur rediffusion. Les fablabs recourent ainsi massivement à lopen source (libre accès du code source).

 

  1. Un nombre de fablabs en forte de croissance depuis plusieurs années en France

 

La France compte, à lheure actuelle, plus de 200 ateliers de fabrication numérique en 2020, soit plus de 10 % du nombre de fablabs dans le monde. On note une forte croissance du nombre de fablabs en France ces dernières années (+ 100 entre 2015 et 2019), qui s’expliquerait notamment par des facteurs historico-administratifs (forte centralisation, appétence renforcée pour ces structures souples). Un réseau français des fablabs rassemble ces différentes structures (18 référents régionaux).

 

  1. Principales caractéristiques des fablabs français

 

Le livre blanc réalisé par le réseau français des fablabs en 2019 permet de connaître les principales caractéristiques de ces ateliers de fabrication numérique en France :

 

-          leurs activités sont majoritairement liées au prototypage, à laccompagnement de projet et à la fabrication et la réparation dobjets. Les fablabs proposent également des formations ;

 

-          le matériel à disposition en leur sein est relativement varié et comprend le plus souvent au moins une ou plusieurs imprimantes 3D, une découpeuse laser, des scanners 3D et des machines à coudre ;

 

-          quatre grandes catégories dateliers de fabrication numérique peuvent être distinguées, à savoir le fablab classique (grand public, le plus répandu), le fablab dentreprise (qui s’écarte néanmoins de la définition originelle en raison d’une accessibilité nulle), le fablab institutionnel (avec un objectif de service public) et enfin du fablab professionnel (à vocation essentiellement économique) ;

 

-          leur financement s’effectue via une combinaison variable entre le paiement dadhésions, loctroi de subventions publiques, les recettes dactivités de ventes de services et éventuellement de produits ([23]) ;

-          enfin, leur forme juridique correspond majoritairement à des associations « loi de 1901 », même si l’on retrouve également des structures portées par des collectivités, ou d’autres formes juridiques plus marginales (SAS, SARL, SCOPE).

 

  1. Le mouvement des « makers »

 

Le mouvement des makers est issu de la rencontre historique entre les pratiques amateurs de type bricolage et « débrouille » nommées « DIY » (Do-It-Yourself) et des technologies de linformation et de la communication ([24]). Il est né aux États-Unis au début des années 2000. Son nom provient du magazine américain Make, dont le contenu est tourné vers la production d’objets « par soi-même ».

 

Les makers utilisent massivement les réseaux sociaux et linternet pour sorganiser, produire, réfléchir et prototyper. L’organisation décentralisée et autonome de ce mouvement, via l’utilisation de solutions de chat en ligne comme Discord, permet de laisser une part importante à l’innovation et l’expérience individuelle, fortement valorisées dans une optique de partage d’expérience et de production en commun. C’est la « culture maker ».

 

Ce mouvement possède, au niveau international, son rassemblement annuel (Maker Faire) et des modes dorganisation souples en réseaux spontanés, locaux et parfois temporaires (comme c’est le cas, par exemple, dans le cadre de la crise actuelle, avec Makers for Life). Il est présent dans plus de 40 pays dans le monde. En France, 5 000 makers sont mobilisés dans le cadre de la crise actuelle.

 

 

  1. « Fablabs » et « makers » dans la crise : une mobilisation sans précédent au service de lintérêt général, malgré des difficultés réelles pour agir au quotidien

 

  1. Une dynamique sans précédent de mobilisation des « makers » contre le Covid-19

 

  1. Une mobilisation rapide et puissance dans le contexte de crise

 

Le mouvement des makers s’est en effet rapidement et fortement mobilisé, à léchelle locale, pour participer à la production de matériels utiles dans la lutte contre le Covid-19 ([25]). Sans prétendre à l’exhaustivité, de nombreuses initiatives ont été mises en place, pour produire du matériel hospitalier quotidien, des visières, des masques et même des prototypes de respirateurs artificiels. Le bilan réalisé par le réseau français des fablabs (RFF) témoigne de cette forte mobilisation : près de 5 000 makers et une centaine de fablabs avaient produit 50 prototypes de matériels utiles (masques, visières, respirateurs, pousse‑seringue), 10 000 masques de protection en tissu et 100 000 visières antiprojections à la date du 8 avril ([26]). En termes de petit matériel, le réseau des fablabs français estime la production totale à 70 000 pièces environ depuis le début de la crise.

 

Cette dynamique sans précédent s’est logiquement traduite par un recours accru aux réseaux sociaux et aux outils numériques de communication à distance. De nombreux groupes Facebook sont apparus (« Makers contre le Covid », les Visières solidaires etc), ainsi que des sites internet consacrés au recensement des initiatives makers (covidinitiatives.org), en plus des outils classiques d’échanges (le discord « Entraide Makers » par exemple).

 

  1. Un impératif important face à cet engouement : canaliser et réguler les énergies

 

Face à cet engouement, la priorité des représentants du réseau français des fablabs a été de canaliser ces énergies, notamment pour fournir à lensemble des makers des règles sanitaires de production. L’initiative JustOneGiantLab, lancée par Thomas Landrain, avait vocation à rassembler l’ensemble des initiatives menées, au sein de ce premier laboratoire de recherche et d’innovation fonctionnant comme une plate-forme de mobilisation massive, ouverte et distribuée pour la résolution collaborative de problématiques d’intérêt général. Un travail didentification des chaînes dinformation douteuses a également été effectué ([27]). La communauté maker apparaît en effet fortement sensibilisée à l’enjeu d’une production utile et sécurisée pour les destinataires des objets produits.

 

  1. Des prises de contact avec les acteurs industriels, aux succès variables

 

Un certain nombre de contacts ont également été noués rapidement avec les industriels, pour voir de quelle façon l’action des fablabs pouvait sarticuler avec la reprogrammation de leurs activités et un éventuel approvisionnement en matières premières. Le rôle et la valeur ajoutée des fablabs résident en effet dans la capacité dinnovation individuelle, de prototypage, et de petite production, dans l’attente du relais des industriels, dont la capacité plus élevée de production a pour contrepartie évidente un temps de réaction plus lent que celui des fablabs. Il semblerait que ces contacts aient pu être parfois de qualité inégale en fonction des entreprises et des territoires concernés. Néanmoins, dans nombre de territoires, les PME/PMI ont pu fournir du matériel et des matières premières à ces acteurs en bonne intelligence. Les relations sont plus difficiles avec les grandes entreprises.

 

  1. La présence préalable d’un écosystème administratif et économique déjà constitué : une des clefs du succès

 

D’une façon plus générale, il apparaît que la rapidité de mobilisation de lécosystème local (ARS, CHU, pôles de compétitivité) a fortement dépendu de la sensibilisation préalable des territoires au réseau des fablabs. Les représentants du réseau français des fablabs estiment ainsi, que « les choses ont particulièrement bien fonctionné dans 6 à 7 régions », où les autorités publiques et les entreprises entretenaient déjà des relations parfois étroites en temps normal. Dans les autres régions, des difficultés ont été observées, notamment pour procéder à la distribution des objets fabriqués. En tout état de cause, il apparaît important de renforcer les liens des pouvoirs publics avec les fablabs, et la bonne compréhension de leur valeur ajoutée, par exemple dans le processus d’open santé, pour tirer le meilleur profit de leur action (voir annexe 3).

 

Les fablabs à lhôpital : lexemple du fablab Héphaïstos de lhôpital Bicêtre

 

La dynamique de création des fablabs se traduit aussi par le souhait de certaines structures hospitalières dintégrer un atelier de fabrication numérique en leur sein. Cette démarche encore exceptionnelle mérite, à notre sens, dêtre regardée avec attention. Elle porte en effet en elle des solutions pertinentes à léchelle locale, tant dun point de vue pratique (production rapide des petits matériels) quorganisationnel (levier de transformation de l’hôpital via notamment un management renouvelé et la constitution d’un écosystème territorial).

 

Le fablab Héphaïstos de lhôpital Bicêtre en est un bon exemple. Cet espace d’innovation et de fabrication locale, ouvert à tous et mutualisé entre les 7 hôpitaux du Groupe Hospitalier Paris-Saclay de l’APHP, se compose dune équipe mobile pluridisciplinaire (qui collecte les besoins des soignants) dun local dédié au cœur de lhôpital et dun espace numérique proposant un accès public ou privé à une base de données de solutions paramétrables (wiki). Sa création a permis daméliorer le quotidien des soignants parisiens, en leur offrant par exemple une alternative à l’usage systématique du sparadrap pour la réparation des objets (peu hygiénique et inflammable) ou une meilleure adaptation de certains objets du quotidien (brancards, pieds de perfusion). Plusieurs exemples de réalisations concrètes de ce fablab sont présentés en annexe de cette note (annexe 3).

 

Selon Claire Fauchille, designer santé pour lagence Humaniteam design qui accompagne le groupe hospitalier dans lanimation du fablab et Guillaume Eckerlein, directeur d’hôpital, les principaux avantages de l’intégration de ce type d’atelier au sein de l’hôpital sont les suivants :

 

- une meilleure réactivité dans la prise en compte des besoins des soignants en matière de petits matériels ;

- un gain financier dans certaines situations, par exemple en cas d’impossibilité de commander la pièce défectueuse d’un objet (brancard, par exemple), pour l’hôpital, mais aussi pour les industriels (via la valorisation de certains produits non commercialisés) ;

- une amélioration du confort de travail des soignants (objets répondant à leurs besoins spécifiques) ;

- une valorisation de lexpérience quotidienne des agents hospitaliers, qui sont davantage consultés vis-à-vis du matériel employé, ce qui génère aussi des gains d’efficience ;

- une capacité dexpérimentation et une sensibilité accrue de lhôpital vis-à-vis des innovations médicales.

 

Le succès de ce type de démarche, qui pourrait utilement se développer, dépend néanmoins du soutien dun véritable projet hospitalier en ce sens, afin de mobiliser les énergies et de gagner la confiance des soignants, qui sont parties-prenantes de cette démarche.

 

  1. Des difficultés persistantes sur lesquelles une réflexion des pouvoirs publics doit sengager

 

  1. Des difficultés pour accéder et faire fonctionner les fablabs au quotidien

 

Les makers ont dabord rencontré des difficultés pour accéder aux fablabs et assurer la production des objets demandés par les structures hospitalières. S’il nous a été indiqué que dans certains cas, l’intervention des autorités locales a été rapide en raison de contacts préétablis, dans d’autres, ces difficultés ont perduré. La logistique sécurisée dacheminement des masques a également été une tâche difficile, pour des raisons d’ordre sanitaire et pratique. Enfin, dans certains cas, lapprovisionnement en matières premières des fablabs a posé problème. Ainsi, la création d’un prototype de respirateur artificiel (Makair), par l’équipe de Makers for life, a été ralentie par l’absence de fabrication en France de certains matériels essentiels. L’enjeu industriel du « sujet makers » tant en ce qui concerne les relations entre ces ateliers et les acteurs industriels (coopération mais aussi concurrence), que la relocalisation de certaines activités essentielles sur le territoire, apparaît prégnant.

 

  1. Des obstacles réglementaires et un manque d’interopérabilité des systèmes de certification en milieu médical

 

Les makers nous ont également fait part dobstacles réglementaires, qui manifestent la complexité du système de certification des produits, notamment en milieu hospitalier. La difficulté est double : d’une part, très peu de certifications sont intervenues lors de la période de crise, à l’exception de celle de lAssociation française de normalisation (AFNOR) pour les masques de protection ([28]); d’autre part, les certifications de matériels entre CHU ne sont pas interopérables ([29]), ce qui complique la mobilisation et la coordination des fablabs au niveau national. Une meilleure interopérabilité apparaît donc souhaitable, en gardant à l’esprit néanmoins limpératif de qualité et de sécurité des matériels. Comme le résume le collectif de makers dans sa tribune du 17 avril dernier, la chaîne recherche-certification-fabrication-logistique est encore à consolider.

 

  1. Le sentiment d’un manque de considération et de soutien de la part des autorités publiques au niveau national

 

Les makers regrettent également un manque de considération des autorités publiques, en particulier au niveau national, qui se serait traduit par une absence de réponses et de soutiens vis-à-vis de leurs actions au début de la crise. La difficulté des makers à bénéficier de l’attention des institutions publiques a notamment été évoquée au sujet de l’initiative Makers for Life, équipe de bénévoles ayant créé un prototype de ventilateur artificiel (MakAir) destiné aux patients atteints du Covid-19. Si l’appui du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) a permis au projet de prospérer, les makers ont parfois rencontré des difficultés au début de leur démarche pour être soutenus. Il convient néanmoins de souligner que certains acteurs publics se sont rapidement mobilisés sur ce sujet, notamment en organisant des appels à projet. C’est le cas par exemple de la direction générale de larmement (DGA) ou encore la « coalition Innovation Santé », composée notamment de l’APHP et de France Digitale, et soutenue par Bpifrance. Cette dynamique doit maintenant être entretenue, notamment via la mise en place de référents à léchelle nationale, pour faciliter les contacts entre les porteurs de projet et la puissance publique (infra).

 

  1. Une inquiétude récente sur un projet de circulaire porté par le ministère du travail relatif à la classification réglementaire des visières de protection.

 

Enfin, les makers affirment rencontrer des obstacles à linnovation locale qui doivent être étudiés et levés, lorsque leur utilité nest pas démontrée, voire évités dêtre créés le cas échéant. Les représentants du réseau français des fablabs nous ont ainsi fait part de leur inquiétude au sujet dun projet de circulaire de la direction générale du travail (DGT) conduisant à classer en équipement de protection individuelle (EPI) de classe 3 les « visières de protection ». Cela pourrait avoir pour conséquence de rendre illégaux les dispositifs « makers » de protection des yeux et du visage actuellement utilisés en milieux de soins, du travail et dans la société civile (environ 300 000 objets). Nous tenons donc, au nom de notre groupe de travail, à réaffirmer la nécessité de ne pas créer d’obstacles inutiles à l’innovation territoriale.

 

Conclusion

 

Face à ces difficultés, les makers formulent un certain nombre de demandes et de recommandations, qui nous semblent devoir être étudiées rapidement par les pouvoirs publics afin de soutenir l’effort d’ores et déjà mené dans la lutte contre le covid-19. Les makers souhaiteraient ainsi disposer :

 

-          de points d’entrée identifiés au sein de l’administration, sous la forme par exemple d’un référent unique déchanges avec les autorités, en charge de lorganisation de la reprogrammation des moyens de production des PME et des industriels (pour organiser des circuits de « secours ») et un interlocuteur national auprès de qui ils pourraient relayer les questions émanant des territoires ;

-          de facilités d’accès aux ateliers de fabrication numérique, lorsque cet accès est nécessité par leur participation à des actions d’intérêt général dans le cadre de la crise

-          d’une classification réalisée par l’administration sur les objets et projets existants, afin de connaître les priorités des pouvoirs publics et de permettre aux makers de savoir « quoi produire » ;

-          d’une articulation réelle avec les PME et acteurs industriels, afin de définir la place des fablabs dans les plans de gestion de crise ;

-          d’une clarification et d’une simplification, dans le respect du principe de sécurité sanitaire, des processus de certification, qui sont parfois insuffisamment interopérables.

 

Ces propositions constituent à notre sens une première base de réflexion sur la place nouvelle que doivent prendre les initiatives « maker » au sein de notre organisation collective en temps de crise (voir annexe 2). Nul doute que la période de crise et la mobilisation massive des makers fourniront également une opportunité de mieux connaître cet ensemble dacteurs parfois diffus et de le structurer davantage pour créer un climat de confiance propice à la coopération mutuelle.

ANNEXE 1 :  La charte des fablabs

 

 


ANNEXE 2 : Le processus cadre dopen santé

ANNEXE 3 : Exemples de prototypes dobjets créés par le fablab Héphaïstos de lhôpital Bicêtre

 


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LOGOBLEU

 

 

 

 

R É P U B L I Q U E   F R A N Ç A I S E

LIBERTÉ – ÉGALITÉ – FRATERNITÉ

COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

Paris, le 4 mai 2020

 

Groupe de travail « Communications électroniques – poste – économie numérique »

 

Mme Laure de La Raudière et M. Éric Bothorel

 

Objet : Situation du secteur de la « confiance numérique » - état de la menace « cyber »

 

La filière de la « confiance numérique », qui regroupe les entreprises ayant des activités de sécurité numérique (identité numérique, systèmes et sous-systèmes électroniques de confiance) et de cybersécurité (produits, logiciels et services) a réalisé 12,4 milliards deuros de chiffre daffaires en 2018 : 55 % pour la partie cyber (c’est-à-dire les produits et solutions électroniques de mise en œuvre de systèmes numériques pour instaurer la confiance dans le monde extérieur) et 45 % pour la sécurité numérique (qui correspond à la sécurisation « interne » des systèmes numériques). Ce secteur dactivité emploie plus de 50 000 personnes en France (52 300 en 2018) et connaît une forte croissance (+ 9,1 % pour le chiffre daffaires en 2018). Son activité est essentielle dans un contexte de crise sanitaire et de confinement, en raison du recours inédit au télétravail (8 millions de Français), et de laugmentation afférente du risque « cyber » pour les acteurs concernés.

 

Notre binôme a donc souhaité faire un point de situation sur limpact économique de la crise sur cette filière (I) et sur la réalité actuelle des menaces cyber (II). Nous avons à cet effet réalisé trois entretiens avec respectivement le directeur de lAgence nationale de la sécurité des systèmes dinformation (M. Guillaume Poupard), des représentants de lAlliance pour la confiance numérique (M. Yoann Kassianides, délégué général ; M. Philippe Vannier, CEO de Talos ; Mme Elena Poincet, CEO de Thetris) et de la plateforme cybermalveillance.gouv.fr (M. Jérôme Notin, directeur). Nous tenons à saluer le travail essentiel de ces acteurs pour renforcer la sécurité des usages numériques dans le contexte actuel.

 

  1. Impact économique de la crise sur la filière « confiance numérique »

 

L’alliance pour la confiance numérique (ACN), qui regroupe les entreprises de la filière (plus de 2000 acteurs, dont 65 GE, 75 ETI, 636 PME et 1312 micro-entreprises) a mis en place un questionnaire à destination de ses membres pour mesurer l’impact économique de la crise du Covid-19. Ce baromètre est édité toutes les deux semaines. Les principaux résultats obtenus lors des deux premières sessions (2 avril et 17 avril) sont les suivants :

 

-          en matière dimpact économique stricto sensu :

 

 

-          en matière demploi :

 

 

Le déconfinement est aussi une préoccupation forte des acteurs de la confiance numérique. Au-delà des demandes de précision sur son contenu (les résultats du second baromètre étant intervenus avant le discours du Premier ministre sur ce sujet mardi dernier), les deux principaux points d’inquiétude sont les suivants :

 

-          la crainte de ne pas être en capacité de se procurer en quantité suffisante des moyens de protection des salariés (masques et gel hydroalcoolique). Sur ce sujet, les représentants de l’ACN ont indiqué que la situation saméliore néanmoins progressivement. Il convient toutefois de continuer à faire preuve de vigilance sur ce point puisque les résultats du 17 avril manifestent à la fois une vraie inquiétude – 72 % des entreprises de ce secteur anticipant des difficultés à se procurer des masques lors du déconfinement – et une demande daction spécifique de la part des pouvoirs publics en direction de cette filière (par plus de 55 % des entreprises répondantes) ;

 

-          laccroissement du risque juridique lié à déventuels contentieux de salariés qui jugeraient les dispositions sanitaires prises par lentreprise insuffisantes. Les acteurs du secteur sont donc en demande de règles fixes et stables émanant de lÉtat permettant aux employeurs d’avoir la certitude de mettre en œuvre les bonnes pratiques pour assurer la protection de leurs salariés. Les membres du groupe de travail souhaitent relayer ce point pour quune action proactive sengage en ce sens, puisqu’elle conditionne aussi la rapidité de la reprise « normale » des activités de ce secteur.

 

Enfin, les acteurs de la filière « confiance numérique » ont soulevé lors de notre entretien plusieurs questions importantes concernant la présente crise et « le monde daprès », sur lesquelles il est impératif de réfléchir :

 

-          le maintien des budgets privés et surtout publics vis-à-vis des grands projets « numériques ». Ils expriment en effet la crainte que ces derniers diminuent en période post-crise ;

 

-          la nécessité de prioriser lutilisation par les acteurs publics et les entreprises françaises de solutions souveraines, françaises ou européennes. Il existe actuellement une situation de dépendance vis-à-vis des solutions étrangères, notamment américaines, qui pourrait devenir un problème en situation de crise. Le fait que Microsoft ait récemment décidé de réduire une partie des ressources allouées pour l’utilisation extraterritoriale de ses logiciels Azur et Teams au profit des utilisateurs américains en donne un bon exemple. Les représentants de la filière « confiance numérique » plaident ainsi en faveur dune meilleure harmonisation des normes sur les produits numériques en Europe. Il apparaît également que la commande publique doit pouvoir être davantage mobilisée, quitte à envisager des évolutions vers, par exemple, des clauses de cybersécurité au sein des contrats publics.

 

-          sur la sécurisation des outils de télétravail actuellement déployés. Un travail de pédagogie doit être réalisé auprès des entreprises, puisqu’une bonne partie des salariés découvre le télétravail. Les expériences menées au sein dentreprises sensibilisées au risque cyber indiquent quencore 3 0 % des salariés se font piéger par un email du type « phishing » le premier mois. Ce risque est par ailleurs renforcé par la diversité des objets connectés désormais disponibles pour travailler (IoT). Des spots de publicité devraient intervenir sur France Télévision pour mettre en lumière cet enjeu. L’ANSSI et la plateforme cybersurveillance.gouv.fr proposent également des recommandations en ce sens.

 

  1. État de la menace « cyber » dans le cadre de la crise sanitaire

 

Les épisodes de crise sont en général propices à une recrudescence de la cybermalveillance et des cyberattaques, pouvant émaner non seulement des États mais aussi d’acteurs plus classiques (groupes de hackers) dans le cadre d’activités économiques illégales (vol et revente de données par exemple).

 

L’ANSSI relève que le nombre de cas dattaques ciblant des établissements hospitaliers reste très limité. Elle n’a recensé que trois cas ayant ciblé lAPHP et lAPHM (attaques par « déni de service » au mois de mars dernier), ainsi que létablissement public de santé de Lomagne dans le Gers (rançongiciel). Des attaques de même nature ont eu lieu à l’étranger tantôt contre des hôpitaux (CHU de Brno en République Tchèque), tantôt contre des infrastructures publiques (département fédéral de la santé des États-Unis, OMS). Dans un communiqué de presse, plusieurs groupes de hackers se sont engagés à ne pas attaquer les établissements hospitaliers pendant la période de crise sanitaire.

 

Cybersécurité et service public

 

Le contexte actuel de crise sanitaire met en lumière limportance de doter les établissements de soins et les services des collectivités locales de capacité de défense face aux cyberattaques. Comme le rappelle la note « Désinformation, cyberattaques et cybermalveillance : l’autre guerre du Covid-19 » des sénateurs Christian Cambon, Olivier Cadic et Rachel Mazuir en date d’avril 2020, le ministère des solidarités et de la santé a subi en 2018 huit attaques cyber nécessitant lintervention de lANSSI, dont 2 qualifiées de majeures. En 2019, le secteur hospitalier a connu pour sa part près de 18 attaques selon lANSSI.

 

Les conséquences de ces attaques peuvent être importantes et entraver fortement le fonctionnement des services comme le montrent les deux exemples suivants :

 

-          en novembre 2019 le CHU de Rouen a été attaqué via une vaste campagne d’hameçonnage. Cette attaque a eu un impact important sur le fonctionnement de l’hôpital, en limitant notamment le fonctionnement des systèmes d’imagerie médicale, pourtant indispensables pour pouvoir effectuer ou confirmer des diagnostics médicaux ;

-          le 14 mars 2020, c’est-à-dire la veille du premier tour des élections municipales, la ville de Marseille a été victime d’une attaque informatique généralisée (rançongiciel) qui aurait pu mettre en péril la bonne tenue du scrutin. Un certain nombre de services, notamment funéraires, ont pu rencontrer des difficultés par la suite, en raison de l’indisponibilité temporaire d’un certain nombre de données.

Face à cette situation, lANSSI travaille depuis 18 mois en lien avec les acteurs de la santé pour développer un système de sécurité renforcé à destination des établissements de soins. Par ailleurs, le CESIN (Club des Experts de la Sécurité de l’Information et du Numérique) a indiqué être disponible pour apporter son aide en cas d’attaques des systèmes informatiques hospitaliers, de même que Mailinblack, éditeur français de solution anti-spam, qui propose aux hôpitaux sa solution de protection de messagerie gratuitement et sans engagement contre les attaques informatiques.

 

L’augmentation des investissements dans ce domaine apparaît donc cruciale pour atteindre un niveau de sécurité satisfaisant.

 

À l’heure actuelle, les acteurs chargés de la cybersurveillance en France n’observent pas de recrudescence des attaques « cyber » de grande ampleur menées avec le soutien de certains États, à des fins de déstabilisation.

 

Il en revanche fort probable que les activités d’espionnage connaissent une forme de recrudescence, en raison du recours inédit au télétravail, et de la mise en ligne dun certain nombre dinformations auparavant beaucoup plus difficiles à obtenir pour les services concernés. Il conviendra donc de faire preuve de vigilance pour s’assurer que des informations ne soient pas captées a posteriori, d’ici quelques semaines ou mois, dans certaines entreprises. Linstallation de backdoors (portes dérobées) au sein des systèmes dinformation peut en effet être discrète voire invisible pendant une période donnée (pas de sortie immédiate de données) avant d’être utilisée à profit pour récupérer des informations sensibles.

 

Enfin, en matière de « petite » cybermalveillance et cybercriminalité, il semblerait que lon observe plutôt une augmentation du nombre dactes au cours de la période actuelle. La fréquentation de la plateforme cybermalveillance.gouv.fr, qui propose aux collectivités, PME et particuliers un accompagnement et des conseils dans ce domaine, est en forte croissance, avec des pics de trafic atteignant jusquà plus de 20 000 personnes par jour, contre une moyenne de 1500 à 2000 visiteurs par jour en période normale. Le nombre de parcours-victime connaît aussi une hausse de lordre de 40 à 50 %. Les principaux actes de « cybermalveillance » sont liés à des rançongiciels (x2) et des tentatives de « hameçonnage », en plus des pratiques plus classiques liées par exemple à la crypto-pornographie (x10). Ce phénomène s’explique notamment par la réorientation d’un certain nombre d’activités criminelles vers les arnaques « Covid » (faux sites de vente de gel hydroalcoolique et de vente de matériels de protection). L’entreprise Check Point, spécialiste de cybersécurité, estime ainsi que sur les 4 000 noms de domaine relatifs au covid-19 enregistrés depuis le mois de janvier dernier, 3 % environ sont malveillants, et 5 % suspects.

 

Ce constat général plaide donc en faveur dune vigilance forte sur les sujets suivants :

 

-          les moyens alloués aux acteurs de lutte contre la cybercriminalité, comme la plateforme cybermalveillance.gouv.fr évoquée ci-dessus. Cette dernière ne possède en effet, à titre d’exemple, que 11 ETP ;

 

-          lexistence dun véritable cadre législatif approprié permettant de lutter contre les pratiques cybercriminelles comme le hameçonnage ;

 

-          lutilisation de nouveaux objets et systèmes de détection au sein des entreprises dans le cadre de la phase de déconfinement : si ces objets connectés ne présentent pas de risque de sécurité avéré à court terme dans la mesure où ils ne sont pas encore intégrés dans le système d’information des entreprises, il faut néanmoins être vigilant et continuer à adopter, de façon générale, une approche security by design ;

-          la prise en compte du risque cyber par les assurances, ce dernier étant insuffisamment couvert, en raison notamment de la difficulté de son évaluation précise. Un groupe de travail concernant « l’observation de la menace cyber » où sont présents la MAÏF et MMA y travaille actuellement.

 

-          la question de la robustesse des systèmes de protection, qui continue de se poser et devra faire l’objet d’une politique volontariste pour renforcer ces systèmes rapidement.

 

En guise de conclusion, la question de la sécurité des solutions de visioconférence utilisées à lAssemblée nationale, en particulier pour lapplication Zoom (US) a été abordée lors de nos entretiens. Il apparaît ainsi que les risques de sécurité sont réels, en raison non seulement de l’existence potentielle de failles au sein de cette solution logicielle, mais aussi du stockage non souverain des données enregistrées. Son usage doit donc être limité, stricto sensu, à l’ensemble des travaux publics de l’Assemblée nationale, pour lesquels la fonctionnalité et les avantages de cette solution (forte robustesse avec un grand nombre de participants) peuvent être mis à profit sans mettre en péril la confidentialité des échanges concernés.

 

ANNEXE : Visuels de sensibilisation au risque « cyber » produits par la plateforme cybermalveillance.gouv.fr

 

 

 


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LOGOBLEU

 

 

 

 

R É P U B L I Q U E   F R A N Ç A I S E

LIBERTÉ – ÉGALITÉ – FRATERNITÉ

COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

Paris, le 11 mai 2020

 

Groupe de travail « Communications électroniques – poste – économie numérique »

 

Mme Laure de La Raudière – M. Éric Bothorel

 

Objet : Numérique et « e-santé » en période de crise : un essor inédit des usages, une volonté politique indispensable pour faire évoluer nos systèmes dinformation et de partage de données

 

 La stratégie Ma Santé 2022, déclinée au sein de la loi du 24 juillet 2019 relative à lorganisation et à la transformation du système de santé, comprend trois piliers : préparer les futurs soignants aux besoins du système de santé de demain, créer dans tous les territoires un collectif de soins au service des patients et enfin faire du numérique un atout pour le partage de linformation en santé et lévolution des pratiques. La crise sanitaire que nous connaissons actuellement démontre, à notre sens, toute limportance de la place du numérique en santé, tant en ce qui concerne la digitalisation des pratiques médicales, indispensable en période de confinement et pour lutter contre les déserts médicaux, que la collecte et le partage de données, en particulier dans le cadre du système de suivi des cas de Covid-19 mis en place par la loi en vue du déconfinement. Le développement de la e-santé représente également un enjeu économique important, au regard des opportunités offertes aux entreprises de la Health Tech française.

 

 Afin d’établir le présent point de situation, nous avons procédé à l’audition de la délégation ministérielle du numérique en santé (Laura Létourneau, déléguée ministérielle ; Dominique Pon, directeur de la clinique Pasteur à Toulouse), du Health Data Hub (Stéphanie Combes, directrice) et de la Caisse nationale dassurance maladie (Claude Gissot, directeur de la stratégie des études et statistiques ; Stéphanie Naux, juriste). Nous nous sommes également entretenu avec les représentants de Doctolib (Stanislas Deniox-Château, fondateur ; Henri Pitron, directeur des affaires publiques).

 

 Cette note comprend deux parties. Nous dressons d’abord un tableau succinct de lessor de la e-santé (en particulier des téléconsultations) et détaillons ses enjeux économiques (I). Nous abordons ensuite la question de la nécessaire évolution de nos systèmes dinformation et de collecte de données, vers une organisation plus interopérable et davantage tournée vers le partage des données (II).

 

  1. Un essor inédit de le-santé, des opportunités économiques à saisir

 

  1. La crise sanitaire a été un puissant facteur d’accélération pour la e-santé

 

a)     La stratégie « Ma santé 2022 » a renforcé lincitation à lusage du numérique en santé, sans conduire néanmoins à un accroissement significatif du nombre de téléconsultations

 

La stratégie « Ma Santé 2022 » et son pilier numérique ont fortement facilité le recours aux solutions numériques de consultation à distance. Pour rappel, la loi du 24 juillet 2019 relative à lorganisation et à la transformation du système de santé comprenait plusieurs évolutions significatives dans ce domaine :

 

-          lintroduction dans le code de la santé publique de la notion de télésoins, définie comme une pratique de soins à distance utilisant les technologies de linformation et de la communication et qui met en rapport un patient avec un ou plusieurs pharmaciens ou auxiliaires médicaux ([30]), et la définition des règles afférentes à son remboursement ;

 

-          la suppression de certaines restrictions géographiques à la pratique de la télémédecine (fin de la prise en compte des déficiences de l’offre de soins dues à l’insularité et à l’isolement géographique) ;

 

-          la modernisation du cadre de la prescription dématérialisée (e-prescription), dont la généralisation est prévue en 2020, avant son extension aux actes de biologie et paramédicaux entre 2020 et 2022.

 

Ce cadre législatif, encore très récent, vient compléter et encourager une pratique officiellement reconnue en droit depuis la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de lhôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), et dont le tarif facturé est le même qu’une consultation physique en face en face, pris en charge à 70 % par lAssurance maladie et à 30 % par les mutuelles ([31]).

 

La pratique de la téléconsultation était néanmoins restée relativement marginale avant la crise. En septembre 2019, soit un an après la généralisation de la téléconsultation, leur nombre nétait que de 60 000 ([32]) sur lensemble du territoire, contre un objectif souhaité de 500 000 ([33]) . Un sondage Odoxa réalisé en novembre 2019 pour lAgence du numérique en santé, indiquait ainsi que seuls 6 % des particuliers et 9 % des professionnels de santé avaient déjà réalisé une téléconsultation à cette date, en dépit du taux de satisfaction relativement élevé enregistré pour ces moyens, à savoir 86 % pour les professionnels de santé et 71 % des particuliers y ayant eu recours. Le manque de formation des praticiens et les réticences de certains patients constituaient les deux raisons principales expliquant le recours encore trop limité aux outils numériques de santé.

 

b)     La période de crise sanitaire a conduit à un recours massif à la téléconsultation

 

La période de crise sanitaire, marquée par le confinement, a permis un essor inédit du recours aux solutions numériques de santé, en particulier en ce qui concerne la téléconsultation. Sur la seule semaine du 23 au 29 mars, plus de 486 000 téléconsultations ont été facturées à lAssurance maladie, contre un rythme de moins de 10 000 par semaine jusquau début du mois de mars. Au 31 mars dernier, les téléconsultations représentaient 11 % de lensemble des consultations, contre 1 % seulement avant la crise.

 

Cette croissance exponentielle s’est poursuivie au mois d’avril, avec 999 000 téléconsultations réalisées entre le 30 mars et le 5 avril, et plus dun million entre le 6 et le 12 avril, au point de représenter 28 % de lensemble des consultations réalisées en France lors de cette dernière période.

 

 

Une très forte croissance du nombre de téléconsultations en France

 

La crise sanitaire a en effet fait de la France le 3e pays au monde en matière de téléconsultations derrière les États-Unis et la Chine. Des acteurs français comme Doctolib, qui dispose de parts de marché importantes, ont en effet permis de faciliter, en période de confinement, la continuité de l’accès aux soins.

 

c)      Les pouvoirs publics ont fortement soutenu cette dynamique

 

Cette croissance exponentielle a été soutenue par les autorités publiques à travers un ensemble de dispositions prises pour faire face à la situation de crise sanitaire et de confinement :

 

-          un décret du 9 mars 2020 permettant de déroger à certaines conditions de prise en charge des téléconsultations par lAssurance-maladie, notamment en ce qui concerne le respect par les patients atteints du Covid-19, du parcours de soins coordonné ;

 

-          un décret du 19 mars 2020, qui permet le remboursement des actes de télésoins réalisés par des infirmiers diplômés dÉtat sous la forme d’un télésuivi des patients dont le diagnostic d’infection au Covid-19 a été réalisé.

 

Dans les deux cas, les patients infectés bénéficient dune exonération du ticket modérateur de lAssurance maladie. Un arrêté du 14 avril 2020 a, par ailleurs, élargi la pratique des télésoins aux activités dergothérapeutes et de psychomotricien.

 

Enfin, une ordonnance du 15 avril 2020 portant « diverses dispositions sociales pour faire face à lépidémie du Covid-19 » a étendu jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire ces dispositions et a supprimé la participation de l’assuré pour les actes réalisés en téléconsultation, les actes daccompagnement à la téléconsultation, ainsi que pour les actes de télésoins.

 

Côté praticiens, le recours à d’autres outils que ceux respectant la politique générale de sécurité des systèmes d’information en santé et la réglementation relative à l’hébergement des données de santé a été facilité par un arrêté du 19 mars 2020 complétant larrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19.

 

  1. Un marché de la e-santé fortement stimulé par la crise sanitaire mais encore en phase de maturation

 

a)      Un marché en croissance, avec dimportantes opportunités économiques

 

Le marché de la santé numérique, ou e-santé, regroupe lensemble des produits et services qui emploient les technologies de linformation au sein des activités en rapport avec la santé. Il comprend donc les solutions de téléconsultation, les dispositifs médicaux connectés, et les outils d’analyse des données de santé.

 

Ce marché en forte croissance peut être une source importante d’opportunités économiques pour nos entreprises. En France, le marché de le-santé était estimé en 2014 à 2,7 milliards deuros et devrait atteindre 4 milliards deuros en 2020 (Xerfi). La valeur du marché mondial était évaluée, pour sa part, à 94 milliards de dollars en 2014, avec des investissements devant atteindre 420 milliards de dollars en 2022. Comme le rappelle le Panorama France Health Tech 2019 réalisé par France BioTech, lexploitation, la valorisation et la protection des données de santé, tant de la part des industriels et acteurs de la tech que de la part des acteurs publics, figurent parmi lun des enjeux clés de cette prochaine décennie.

 

Cette croissance exponentielle anticipée s’explique par des facteurs sociauxdémographiques, (vieillissement de la population, augmentation des maladies chroniques) et technologiques, via les nombreuses possibilités offertes par lintelligence artificielle (IA) à lère du Big Data. Le volume de données produit chaque année par le secteur de la santé devrait être multiplié par 10 en 5 ans ([34]) selon une étude menée par le cabinet Frost & Sullivan (2019) ([35]). L’essor des objets connectés (15 milliards actuellement) participe de cette forte croissance, en offrant des solutions idoines d’auto-suivi des patients à distance. Le marché mondial des capteurs médicaux devrait ainsi atteindre 27,7 milliards de dollars dici 2026 avec une croissance de 9,9 % par an ([36]). Un nombre important de start-up médicales françaises (28 %) possède d’ailleurs des activités dans ce domaine.

 

b)     Un positionnement à affermir dans un marché encore en maturation

 

La Health Tech comprend plus de 1700 entreprises en France, dont 200 environ spécialisées dans le domaine de la e-santé. Ces entreprises sont le plus souvent de petites structures (plus de 50 % ont moins de 10 salariés), qui ont moins de 10 ans (44 % ont moins de 5 ans, voir annexe 2). La bonne dynamique de création d’entreprises au sein de cet écosystème, en particulier dans le domaine de la biotechnologie, soutenue par les pouvoirs publics via Bpifrance et un ensemble de dispositifs fiscaux (JEI, CIR), ne doit pas cacher néanmoins certaines difficultés, en particulier pour gagner en taille critique et accéder à des tickets moyens plus élevés. Parmi les recommandations formulées en 2018, le portage politique de linnovation en santé en tant que priorité nationale reste donc dactualité.

 

 Le manque de maturité de certains marchés, comme celui de la téléconsultation, est en revanche une réalité. On observe en effet un nombre élevé dacteurs proposant des outils numériques à la disposition des praticiens. Ces solutions de visioconférence semblent d’ailleurs parfois insuffisamment interfacées avec les logiciels des praticiens. Le foisonnement de plateformes proposant la prise de rendez-vous à distance et la réalisation de téléconsultations en témoigne également. Le site du ministère des solidarités et de la santé en recense plus de 70 à lheure actuelle.

 

c)      Des effets économiques potentiellement positifs à moyen-terme sur la filière de l’informatique médicale et paramédicale

 

La crise sanitaire a conduit le chiffre d’affaires des acteurs de la FEIMA à baisser de 10% environ sur la période de début mars à mi-mai. Cette réduction porte principalement sur les prises de commandes de logiciels destinés aux professionnels de santé. La FEIMA entrevoit la perspective d’un retour à la normale en septembre 2020 dans le meilleur des cas. En dépit de ces difficultés, il nous a été néanmoins indiqué que le modèle économique de ces acteurs, qui s’appuie sur la valorisation de l’usage des solutions fournies, était solide et rentable.  Certains ont ainsi un taux de rentabilité parfois compris entre 25 et 40%.

 

Les effets économiques à moyen-terme pourraient être plutôt positifs pour cette filière, au regard des habitudes d’usages prises pendant la crise. Les acteurs de la FEIMA ont en effet mis à disposition à titre gratuit leurs solutions à destination d’un nombre important de professionnels médicaux, en France et dans les autres pays où ils sont présents. Ils plaident d’ailleurs fortement en faveur d’une accélération de la dématérialisation de la santé, dans la droite ligne de la stratégie ministérielle portée par Laura Létourneau et Dominique Pon (création de fondations communes, c’est-à-dire de référentiels applicables à l’ensemble des acteurs pour garantir l’interopérabilité des solutions technologiques mises à disposition des professionnels de santé).

 

  1. Deux impératifs : numériser notre système de santé – mieux partager la donnée

 

  1. La crise sanitaire a mis en lumière la nécessité d’accélérer la numérisation de notre système de santé

 

a)     La crise sanitaire liée au Covid-19, dune ampleur inédite, a mis en lumière limportance cruciale des systèmes dinformation face à un virus inconnu

 

Dans la crise sanitaire sans précédent que nous vivons, marquée par l’apparition d’un virus inconnu, vis-à-vis duquel les autorités publiques doivent recueillir et traiter un maximum d’informations en un temps limité, lefficacité des systèmes dinformation est un élément absolument décisif dans la construction dune stratégie sanitaire efficace.

 

Les difficultés que nous avons pu observer, tant en matière de gestion logistique que de remontées dinformation, par exemple sur le nombre de décès dans les EPHAD, témoignent de la nécessité daméliorer la collecte et le partage des informations de santé, qu’il s’agisse d’étudier la maladie et ses effets (informations individuelles, traitées anonymement), de fournir de l’information aux citoyens (production de cartes de déconfinement et d’outils d’accompagnement) ou de gérer les besoins en équipement des différentes structures de santé (hôpitaux, EPHAD etc).

 

La mise en place dun système dinformation temporaire par décret, prévu dans la loi du 11 mai 2020 prolongeant létat durgence sanitaire confirme le caractère décisif de la maîtrise de l’information en période de crise sanitaire ([37]). Un regard rétrospectif sur la période de crise et de confinement permet aussi de comprendre à quel point lespace numérique de santé (ENS) pourrait être un atout. Cet outil aurait en effet très probablement facilité la mise en œuvre d’un véritable outil d’accompagnement et d’information à destination des citoyens et renforcé leur adhésion au projet d’application Stop Covid porté par le secrétariat d’État au numérique.

 

b)     Des difficultés persistantes consécutives à la numérisation insuffisante de notre système de santé

 

Les auditions réalisées nous permettent de dresser un bilan non exhaustif des difficultés et limites sur lesquelles il convient de travailler rapidement désormais.

 

La situation actuelle se traduit d’abord par une insuffisante numérisation des certificats de décès (à peine plus de 20 %), pour des raisons d’ordre pratique et logistique. Il apparaît donc nécessaire de réfléchir à l’ensemble de la procédure prévue en l’espèce, pour la rendre moins lourde à effectuer et éventuellement obligatoire pour certains acteurs.

 

Les systèmes dinformation des structures hospitalières, reposant parfois sur des solutions technologiques différentes, souffrent également dune forte hétérogénéité, qui limite leur capacité à faire remonter au niveau national certaines informations essentielles et à assurer un partage efficace des données dans une optique de recherche (infra). Lergonomie des solutions déployées doit également être une priorité, afin d’éviter que leur intégration ne se traduise par un travail administratif supplémentaire, souvent décourageant et en conséquence contre-productif par rapport à l’objectif initial d’une meilleure efficacité de notre système de soins.

 

Les difficultés rencontrées peuvent également correspondre, dans certaines situations, à un manque dinvestissement en direction de léquipement de certaines structures en matériel informatique nécessaire pour participer à ces échanges dinformation (EPHAD).

 

c)      Leffort soutenu dunification des fondamentaux de la Maison « Santé 2022 » doit être amplifié et bénéficier dun portage politique fort

 

L’effort de définition des fondamentaux de la Maison « Santé 2022 » doit être poursuivi et amplifié, en bénéficiant d’un portage politique fort. Il s’agit en effet de permettre à l’ensemble des solutions numériques déployées d’être interopérables, grâce à la mise en place de référentiels communs. Les services socles prévus, c’est-à-dire le système MSSanté (messagerie de santé commune), le dossier médical partagé (DMP) et enfin la eprescription, doivent constituer les briques de base du nouveau système, en respectant trois principes fondamentaux que sont l’éthique, la sécurité et surtout l’interopérabilité.

 

Le respect des référentiels socles, en particulier du cadre dinteropérabilité SIS, définis au niveau national en concertation avec les différents acteurs, doit être imposé et assuré par la puissance publique. Les acteurs du secteur concerné, qui soutiennent cette démarche, attendent désormais un portage politique de premier plan pour accélérer la transformation numérique de notre système de santé et réduire l’éclatement et la dispersion qui peuvent parfois caractériser son fonctionnement.

 

  1. La définition d’un modèle de valorisation des données de santé incitatif doit être une priorité pour les pouvoirs publics

 

a)     Le Health Data Hub est un élément de réponse à la dispersion des données de santé

 

Le Health Data Hub, groupement d’intérêt public (GIP) créé par la loi du 24 juillet 2019 relative à la transformation et à lorganisation de notre système de santé, est un guichet daccès unique à lintégralité des données de santé soutenues par la solidarité nationale. Cette structure collecte les données de santé, propose des outils pour créer des algorithmes d’analyse et favorise leur appariement et leur analyse. Sa création s’inscrit dans le cadre de la stratégie dintelligence artificielle française (IA).

 

La mission de préfiguration de ce projet mentionne dans son rapport de 2018 quatre priorités pour cette structure, à savoir :

 

-          consolider et renforcer notre patrimoine de données ;

-          faire du partage de données la règle et de la fermeture lexception ;

-          mettre en synergie les moyens techniques et humains et soutenir les initiatives prometteuses ;

-          permettre la structuration dune filière Intelligence artificielle et santé.

 

Le traitement de ces données est soumis aux textes applicables au traitement des données de santé, tels que le Règlement général sur la protection des données (RGPD), la politique de sécurité des systèmes d’information de santé et plus spécifiquement le référentiel de sécurité du Système national des données de santé (SNDS).

b)     La crise sanitaire a été un facteur daccélération de ce projet

 

Lépisode de crise sanitaire est venu accélérer le calendrier de mise en place de cette plateforme. En effet, alors qu’il était prévu que la plateforme entre en production en juin 2020, il a été nécessaire de mettre à disposition ses outils pour analyser les données de la crise. Larrêté du 21 avril 2020, pris après avis de la CNIL prévoit notamment :

 

-          une « remontée hebdomadaire » des données du programme de médicalisation des systèmes dinformation (PMSI), qui comptabilise les actes médicaux facturés par les hôpitaux, afin d’évaluer, via le croisement des données de l’Assurance-maladie, la comorbidité ou les facteurs de risque.

 

-          dorganiser le regroupement de certaines données à caractère personnel, comprenant des données de santé, afin de permettre leur utilisation en vue de suivre et projeter les évolutions de l’épidémie, de prévenir, de diagnostiquer et de traiter au mieux la pathologie en plus d’organiser le système de santé pour combattre l’épidémie et en atténuer les impacts.

 

c)      La mise en place dun système incitatif de partage de la donnée de santé doit désormais être une priorité pour les pouvoirs publics.

 

Lors de nos auditions, il est apparu que le partage des données de santé restait problématique, pour des raisons organisationnelles, qui motivaient la création du Health Data Hub, mais aussi plus structurelles. Les producteurs de données considèrent en effet que leur modèle économique serait remis en question en cas de partage de données qui sont pourtant d’intérêt général. L’élaboration d’un modèle permettant un partage de la valeur apparaît donc être une priorité. Parmi les pistes évoquées, une meilleure valorisation de la production et construction de données, au sein de la recherche nationale (attribution de financements) apparaît indispensable (points SIGAPS ([38])), de sorte à faire cesser une concurrence excessive et des pratiques de surprotection de données dintérêt général.

 

Conclusion

 

Face au défi de la transformation numérique de notre système de santé, il convient de privilégier une approche ambitieuse et concrète, pour construire « brique par brique » une architecture numérique efficace. Le Health Data Hub, lespace numérique de santé (ENS) mais aussi lidentifiant national de santé (INS), dont l’obligation de recours a été reportée à 2021 doivent désormais bénéficier dun portage politique renforcé afin d’être mis en œuvre et rendus opérationnels le plus rapidement possible.

Annexe 1 : Présentation du Health Data Hub

 

 

Annexe 2 : Profil type dune startup en santé digitale

 

 


  1  

LOGOBLEU

 

 

 

 

R É P U B L I Q U E   F R A N Ç A I S E

LIBERTÉ – ÉGALITÉ – FRATERNITÉ

COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

 

Paris, le 18 mai 2020

 

Groupe de travail « Communications électroniques – postes – économie numérique »

 

Mme Laure de La Raudière – M. Éric Bothorel

 

Objet : Point de situation de lécosystème « start-up » - perspectives pour le plan de relance

 

 En France, l’écosystème « start-up » est composé d’environ 10 000 entreprises qui se distinguent des TPE/PME classiques par leur modèle économique : non-rentables à court terme, elles procèdent à des levées de fonds régulières pour soutenir la maturation de leurs projets. Ces entreprises sont donc fortement dépendantes de la confiance des investisseurs et de la disponibilité du capital-risque. Elles apparaissent en conséquence, a priori, très sensibles à la conjoncture économique. Alors que lannée 2019 avait été marquée par un niveau record de levées de fonds de capital-risque (5 milliards deuros, soit une hausse de 40 % par rapport à 2018), le groupe de travail a souhaité mesurer l’impact économique de la crise sur l’écosystème. Les auditions ont également permis d’obtenir un premier retour dexpérience sur le plan consacré aux start-up, mis en place à la fin du mois de mars dernier.

 

 Dans le cadre de la rédaction de cette note, le groupe a auditionné les représentants de France Digitale (M. Nicolas Brien, CEO), de la French Tech (Mme Kat Borlongan, directrice de la mission French Tech), ainsi que ceux de la direction générale des entreprises du ministère de léconomie et des finances (MM. Benjamin Delozier, chef du service compétitivité, innovation, développement des entreprises, et Arnaud Delaunay, sous-directeur de linnovation). Nous avons également échangé avec M. Paul-François Fournier, directeur exécutif de la direction « Innovation » au sein de BPIfrance et M. Jean-Baptiste MarinLamellet, responsable des relations institutionnelles au sein de ce même organisme.

 

 Cette note comprend trois parties. Nous dressons d’abord un bilan rapide de limpact économique de la crise, en létat actuel des données, sur lécosystème start-up (I). Nous évoquons les premiers retours dexpérience vis-à-vis du plan « start-up » mis en place par le Gouvernement (II). Nous proposons enfin des pistes de réflexion pour « le monde daprès », issues de nos échanges hebdomadaires et qui ont vocation à nourrir le futur plan de relance envisagé (III).

 

I)                   Un écosystème relativement résilient et soutenu par les pouvoirs publics

 

a)      Le « monde des start-up » fait preuve de résilience face au choc économique lié au Covid 19

 

Les différentes auditions menées par notre groupe de travail indiquent que la crise sanitaire a eu un impact économique notable sur lécosystème start-up, mais que celui-ci, pour des raisons structurelles et conjoncturelles, semble, dans son ensemble, plutôt bien résister à la crise économique.

La crise sanitaire a eu un impact certain sur lécosystème des start-up, en réduisant, d’une part, leur chiffre daffaires et, d’autre part, la disponibilité du capital risque.

 

Sur le premier point, 80 % environ des start-up indiquent que la crise a impacté leur chiffre daffaires. Cette baisse est difficile à chiffrer puisqu’elle varie en fonction des secteurs d’activité. Elle apparaît néanmoins moins importante que celle affectant le secteur traditionnel, souvent contraint, faute de numérisation, de cesser ses activités. Létude réalisée par le gestionnaire du fond dinvestissement Newfund auprès de plus de 80 start-up présentes au sein de son portefeuille indique quau mois davril dernier, 58 % des sociétés conservaient des ventes supérieures à 50 % de leur activité normale.

 

Sur le second point, le niveau des levées de fonds a en effet baissé au début de lannée 2020, ce qui correspond à une rupture par rapport à la tendance annuelle globale depuis 2014 (voir annexe 1). Le montant total des fonds levés a ainsi diminué de lordre de - 15 % au mois de février dernier, de – 23 % en mars dernier, et enfin de - 50 % pour le mois davril 2020 (par rapport à la même période). Les observateurs estiment que ce recul est temporaire et correspond notamment à un recentrement des investisseurs sur les valeurs quils détiennent en portefeuille. Cette dernière caractéristique distingue lEurope des États-Unis, où la culture du slashing (recomposition brutale du portefeuille en période de crise) est plus importante.

 

Pris dans son ensemble, lécosystème des start-up semble néanmoins avoir plutôt bien résisté à la crise. Lors de son audition par la commission des affaires économiques le vendredi 24 avril, et dans une interview donnée au magazine Challenges le 27 avril dernier, M. Nicolas Dufourcq, directeur de BPIfrance, indiquait ainsi avoir reçu « très peu dappels au secours » émanant notamment des start-ups. L’action proactive des pouvoirs publics et le retour de la confiance devraient donc permettre, dans une hypothèse optimiste, que la présente crise sanitaire ne soit « qu’une crise éphémère », avec un rebond suivant une courbe en U.

 

Plusieurs facteurs expliquent la bonne résilience de la French Tech dans le contexte actuel marqué par un certain niveau d’incertitude :

 

-          la nature de la crise économique actuelle : contrairement à la crise économique de 2008, qui procédait d’une crise financière et avait pour conséquence une raréfaction des moyens de financement pour les entreprises, la situation actuelle consiste majoritairement en un choc de demande consécutif à la « mise sous cloche » de l’économie ;

 

-          le modèle économique des start-up : l’absence de rentabilité est une composante normale de leur fonctionnement les premières années. Une majorité d’entre elles ne sont pas cotées en bourse. Elles apparaissent donc relativement protégées des aléas, à condition de conserver la confiance des investisseurs en capital-risque, dont une partie importante correspond à un soutien public (BPIfrance) ;

 

-          un niveau inédit de fonds de capital-risque disponibles dans lécosystème : les politiques menées en ce sens ont porté une partie de leurs fruits et accompagné la stratégie d’hyper-croissance des start-up françaises. À l’heure actuelle, le niveau de dry powder en capital-risque dans lécosystème (10 milliards) dépasse même celui du capital développement (9 milliards) ;

 

-          laction de soutien des pouvoirs publics en période de crise, via le plan mis en œuvre pour aider les start-up et l’action de BPIfrance (infra).

b)     Des gagnants, des perdants et des exceptions selon les secteurs dactivité concernés

 

L’impact de la crise sur l’écosystème a évidemment fortement varié en fonction des secteurs dactivité concernés. Le baromètre VC-Covid 19 de Chausson Finance réalisé auprès de 120 dirigeants de start-up (dont deux tiers classées au sein de FT 120 ou Next 40) au début du mois d’avril donne à voir cette ambivalence : près de 53 % des entrepreneurs voient dans la crise actuelle une opportunité, contre 47 % une menace pour leur activité (voir annexe 2).

 

En première analyse, il est possible de dresser le bilan suivant :

 

-          les secteurs de le-commerce, de la santé, de la finance technologique sont les principaux « gagnants » de la crise. La période de confinement a en effet conduit à mettre en avant les solutions numériques qu’ils proposaient (Doctolib par exemple), en réduisant de facto la concurrence avec les options plus traditionnelles habituelles. La principale levée de fonds en ce début du mois de mai concerne Back Market (revente de produits reconditionnés) à hauteur de 110 millions d’euros. Par ailleurs, pendant la crise, près de 300 start-up ont poursuivi leurs embauches, conformément au business plan qu’elles avaient élaboré ;

 

-          les secteurs « perdants » sont le tourisme et la restauration, la mobilité et lénergie. Il ny a néanmoins jamais que des cas particuliers. Certaines start-up ont ainsi fait preuve d’une forte capacité d’adaptation malgré leur appartenance à un secteur plus fortement impacté. C’est le cas notamment dans le domaine de la livraison (Frichti) ou des paiements en ligne (Lydia, Paypal). De façon générale, celles qui ont tiré leur épingle du jeu sont celles qui ont fait le plus tôt le choix du digital.

 

Certaines start-up ont en revanche rencontré des difficultés plus importantes, lorsque la crise est intervenue à un moment charnière de leur existence économique. Cest le cas, par exemple, dentreprises sortant dune phase de recrutement (impact sur la trésorerie) ou procédant à des levées de fonds importantes. Ce dernier point a été pris en compte dans le plan « start-up » annoncé par M. Cédric O au début de la crise, via linstauration dun mécanisme de soutien aux bridges et l’appui de BPIfrance auprès des acteurs concernés.

 

II)                Un plan de soutien aux start-ups qui apparaît efficace pour soutenir lécosystème

 

a)      Un plan rapidement mis en place pour rassurer les investisseurs et dirigeants de start-up

 

Un plan de soutien aux start-up a été annoncé dès le 25 mars par M. Cédric O, secrétaire d’État chargé du numérique, afin de préserver l’écosystème mis en place depuis plusieurs années.

 

Ce plan, élaboré avec le ministère de l’économie et des finances, BPIfrance et l’ensemble des parties prenantes, avait pour objectif denvoyer un signal fort auprès des dirigeants de start-up, mais aussi des investisseurs, qui doivent assumer une part du risque dans ce type de contexte. Il s’agissait également d’anticiper les stratégies de soutien massif envisagées par certains de nos concurrents.

 

Dans le détail, ce plan est composé dun ensemble de mesures dont la valeur totale atteint 4 milliards deuros et correspond en partie à des crédits qui devaient être déployés.

 

Les mesures du plan start-up annoncé par M. Cédric O en mars 2020

 

- une enveloppe de 80 millions deuros, financée par le PIA et gérée par BPIfrance, afin de financer les bridges entre deux levées de fonds. Ce dispositif cible les entreprises qui étaient en cours de levée de fonds et a vocation à être cofinancé par le privé (montant total : 160 millions d’euros minimum) ;

 

- des prêts de trésorerie garantis par lÉtat pouvant aller spécifiquement jusqu’à deux fois la masse salariale en France 2019, ou, si ce montant est plus élevé, 25 % du chiffre d’affaires annuel comme pour les autres entreprises. Ces prêts sont adossés à la garantie de 300 milliards d’euros de l’État ;

 

- le remboursement accéléré par lÉtat des crédits dimpôt sur les sociétés, restituables en 2020, dont le crédit impôt recherche (CIR) pour l’année 2019, et des crédits de TVA ;

 

- le versement accéléré des aides à linnovation du PIA déjà attribuées mais non encore versées, pour un montant total estimé de 250 millions d’euros.

 

- maintien, par lÉtat pour lannée 2020, via BPIfrance, de son soutien aux entreprises innovantes avec près d’1,3 milliard d’euros d’aides à l’innovation (subventions, avances remboursables, prêts, etc.).

 

Par ailleurs, linitiative TIBI devrait conduire au fléchage, pour lannée 2020, de 6 milliards deuros dépargne par 21 assureurs vers le capital-risque sur 3 ans.

 

Source : Ministère de léconomie et des finances

 

Les différents acteurs auditionnés par notre groupe de travail ont indiqué que ce plan était lun des premiers (si ce nest le premier) lancé par un pays développé pour soutenir ses start-up et qu’il avait pu servir de modèle à dautres pays dans ce cadre. La France serait même, selon Dealroom (société d’analyse du marché des jeunes entreprises du numérique), le pays qui s’est le mieux organisé pour protéger son écosystème.

 

b)     De premiers éléments de bilan (au 15 mai 2020)

 

De premiers chiffres, encore non publics, permettent de dresser quelques éléments de bilan vis-à-vis de l’ensemble des mesures de soutien aux start-up :

 

-          pour les mesures visant à permettre aux start-up de bénéficier rapidement de cash :

 

 

 

-          pour la partie « investissements », il est encore trop tôt pour tirer les leçons de la crise actuelle.

 

 

Les équipes de BPIfrance ont par ailleurs réalisé 23 deals pendant la crise sanitaire pour un montant de 70 millions d’euros. Les deals de plus de 5 millions d’euros apparaissent au même niveau que l’année dernière.

 

III)            Perspectives pour la période post-crise

 

Dans une démarche prospective, nous avons évoqué avec l’ensemble des acteurs auditionnés le « monde d’après », afin de recueillir leurs idées et propositions.

 

Plusieurs pistes de réflexion nous semblent prometteuses dans cette optique :

 

-          la transformation numérique des entreprises apparaît comme un élément indispensable pour renforcer leur résilience économique face aux situations extraordinaires et gagner des parts de marché vis-à-vis de nos concurrents étrangers. Dans ce contexte, il convient de réfléchir aux meilleurs dispositifs permettant dinciter les salariés et les entreprises à entreprendre cette démarche de façon intelligente, cest-à-dire adaptée à leurs besoins. La conditionnalité de certaines aides aux efforts de numérisation pour les entreprises et pour les salariés (chômage partiel par exemple) est une piste à étudier.

 

-          lidentification et le soutien des secteurs davenir doivent être au cœur de la relance, en lien avec le nouveau programme dinvestissement davenir (PIA 4). La crise peut être une opportunité pour que la French Tech valorise mieux les talents et innovations présents sur l’ensemble du territoire (60 % du capital venture est à Paris). Elle doit également nous conduire à nous interroger sur les progrès à réaliser pour soutenir linnovation. Sur ce dernier sujet, il convient déviter un écueil, celui de tout réinventer avec le PIA 4. Il peut être utile en revanche de cibler certains acteurs moins soutenus en France que chez nos voisins européens, comme les Business Angels par exemple.

 

-          le soutien au secteur technologique, et à lécosystème des start-up doit rester une priorité, de façon non exclusive avec laction nécessaire à destination du secteur traditionnel. Certains acteurs peuvent craindre un effacement des priorités annoncées, face à l’urgence de la situation économique de certains pans de notre économie. Le plan de relance doit par ailleurs tirer les leçons de la crise en accélérant la transformation numérique de notre société, dune façon transversale et non sectorielle.

 

-          la souveraineté technologique, française et européenne, doit devenir, au-delà dun concept, une réalité tangible qui imprègne les politiques publiques et la stratégie des acteurs publics et privés. Cet élément doit être présent au sein du plan de relance envisagé. Il doit également être intégré dans le contexte actuel, à la fois de façon défensive (protection de certaines start-up prometteuses en difficulté) et offensive (acquisitions de crise à prix réduit).

 

Annexe 1 : Baromètre EY du capital-risque en France en 2019

 

 

Annexe 2 : Extrait du baromètre VC-Covid 19 de Chausson Finance

 

 


  1  

   ANNEXE 3
COURRIERS ENVOYÉS PAR LE GROUPE DE TRAVAIL

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


([1]) Il apparaît que les start-ups de la santé et de la finance technologique sont plutôt sorties gagnantes de la crise, contrairement aux start-ups liées aux domaines du tourisme et de la restauration. Il existe néanmoins dans chaque branche des exceptions.

([2]) C’est le cas en particulier des secteurs de l’édition, de l’informatique et des activités juridiques et comptables, qui ont massivement utilisé ce moyen.

([3]) Banque de France, Point de conjoncture du 9 juin 2020.

([4]) Laure de La Raudière, Éric Bothorel, Rapport d’information n° 2620 sur la couverture mobile et numérique du territoire, janvier 2020.

([5]) La consultation du site a été en forte hausse durant cette période, passant de 6 700 visiteurs uniques par jour en moyenne à 35 000.

([6]) Baromètre international Cegos, « Transformations, compétences et learning », édition 2019.

([7]) Chiffres fournis par la Fédération française des télécoms (FFT).

([8]) Les chiffres fournis par les acteurs auditionnés font état, pour le déploiement de la 5G, de 300 000 sites déployés en Chine, 125 000 en Corée du Sud et de 25 000 aux États-Unis. La France compte actuellement environ 500 sites en test.

([9]) Ordonnance n° 2020-320 du 25 mars 2020 relative à l’adaptation des délais et des procédures applicables à l’implantation ou la modification d’une installation de communications électroniques afin d’assurer le fonctionnement des services et des réseaux de communications électroniques.

([10]) InfraNum, Covid-19 : Impact sur la filière des infrastructures numériques, 2020.

([11]) Le groupe de travail a alerté le Premier ministre sur ce sujet dans un courrier en date du 3 juin 2020.

([12]) L’alliance Open Radio Access Networks rassemble AT&T, China Mobile, Deutsche Telekom, NTT DoCoMo et Orange. Son objectif est de favoriser l’innovation et de permettre l’arrivée de nouveaux fournisseurs sur le marché.

([13]) Alliance for Telecommunications Industry Solutions.

([14]) ARCEP, Rapport d’activité, l’état d’Internet en France, édition 2020.

([15]) Article L. 32-1 du code des communications électroniques et des postes.

([16]) Cette plateforme a vocation à permettre aux associations, institutions, entreprises du numérique et personnalités intéressées de proposer des solutions pour mieux penser l’enjeu environnemental dans l’évolution des réseaux de communication, des terminaux et des usages. Un rapport, annoncé pour la fin de l’année, synthétisera l’ensemble des travaux conduits au sein des différents ateliers thématiques.

([17]) Organe des régulateurs européens des communications électroniques.

([18]) Sénat, Rapport d’information sur l’empreinte environnementale du numérique, n° 555, juin 2020.

([19]) La publicité donnée à la production, par une équipe de makers italiens dune valve de respirateur artificiel manquant dans certains établissements hospitaliers, a pu constituer un élément déclencheur pour « sonner » la mobilisation des makers français.

([20]) L’AFNOR a d’ailleurs mis en place récemment une plateforme de mise en relations des particuliers souhaitant produire des masques respectant la norme « Spec S76-001 ».

([21]) Près de 416 salariés ont repris une activité à la suite de discussions internes, début avril. La CGT et Sud ont lancé un appel à la grève pour les mercredi 15 et jeudi 16 avril

([22]) Un rapport de la Fing (Fondation Internet nouvelle génération) en date de 2014, réalisé sous l’égide de la DGE, avait abordé cette thématique, en dressant un premier portrait du paysage des fablabs, et mis en lumière les principaux enjeux de la pérennisation de ce mouvement en France. Plusieurs travaux de chercheurs et d’acteurs collaboratifs sont intervenus depuis lors, dont un livre blanc « Panorama des Fablabs en France », publié en 2019 par le Conseil scientifique du réseau des fablabs (CS-RFF Labs).

([23]) La pérennité économique de ces structures est un sujet majeur au regard des investissements consentis dans des machines souvent coûteuses.

([24]) DGE, État des lieux et typologie des ateliers de fabrication numérique, 2014.

([25]) La publicité donnée à la production, par une équipe de makers italiens dune valve de respirateur artificiel manquant dans certains établissements hospitaliers, a pu constituer un élément déclencheur pour « sonner » la mobilisation des makers français.

([26]) Ce dernier chiffre a été actualisé dans la tribune d’un collectif de makers à destination des pouvoirs public du 17 avril, pour atteindre 250 000 visières à cette date.

([27]) La « reconnaissance des compétences » est également un enjeu important au sein des makers. COVID buster, Fab&Co et Maker Faire France ont mis en place un système d’open badge à cette fin.

([28]) L’AFNOR a d’ailleurs mis en place récemment une plateforme de mise en relations des particuliers souhaitant produire des masques respectant la norme « Spec S76-001 ».

([29]) L’APHP a mis en place une plateforme Covid3d qui peut désormais homologuer des modèles sans brevets issus de la recherche ouverte pour les diffuser avec des spécifications de fabrication et de distribution sécurisées.

([30]) On désigne par le terme d’auxiliaires médicaux les orthophonistes, orthoptistes, pédicures, psychomotriciens etc. La liste est disponible sur le site suivant : https://www.has-sante.fr/jcms/p_3168867/fr/reponses-rapides-dans-le-cadre-du-covid-19-teleconsultation-et-telesoin.

([31]) Il s’agit de la règle générale, des exonérations du ticket modérateur étant prévues pour certains types de soins.

([32]) Sur la période du 15 septembre 2018 au 15 septembre 2019

([33]) Chiffre donné dans l’étude d’impact de la LFSS 2019

([34]) Le monde crée en 2 jours autant de données que toute l’humanité en a créées pendant 2000 ans, 90 % des data dans le monde ont d’ailleurs été créées durant les deux dernières années.

([35]) https://www.bpifrance.fr/A-la-une/Actualites/E-sante-vers-un-marche-de-234-5-milliards-de-dollars-48051.

([36]) Étude du Transparency Market Research, 2019 ; https://www.usinenouvelle.com/editorial/les-5-secteurs-les-plus-connectes-dans-l-iot.N867985

([37]) Le système créé reposera sur deux outils que sont la base nationale Sidep (service intégré de dépistage et de prévention), qui centralisera es informations sur les tests Covid-19 réalisés à partir du 11 mai (afin de les partager avec les acteurs sanitaires) et le téléservice Contact Covid de lassurance maladie, dont la mission sera de suivre les patients et identifier les cas contacts.

([38]) Système dInterrogation, de Gestion et dAnalyse des Publications Scientifiques.