—  1  —

Logo2003modif

N° 3233

 

——

 

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 juillet 2020

 

RAPPORT D’INFORMATION

déposé

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,

 

En conclusion des travaux d’une mission d’information ([1]),

sur le régime juridique des baux ruraux

et présenté par

MM. Jean Terlier et Antoine Savignat,

Rapporteurs,
Députés

 

 

La mission d’information sur le régime juridique des baux ruraux est composée de MM. Jean Terlier et Antoine Savignat, rapporteurs.


– 1 –

 

SOMMAIRE

___

Pages

Introduction

I. Un statut d’ordre public aux nombreuses déclinaisons

A. Un statut d’ordre public né après la Seconde Guerre mondiale

1. Les principes libéraux issus de la Révolution remis en cause à la sortie de la Seconde Guerre mondiale

2. La naissance d’un statut d’ordre public

3. Une dérogation à la liberté contractuelle

4. Une juridiction spécialisée : les tribunaux paritaires des baux ruraux

B. Un statut au service du modèle agricole français

1. Un régime juridique qui vise à favoriser l’investissement des fermiers dans la durée

a. Un cadre incitatif pensé en réponse à une défaillance de marché

b. Une voie d’accès au foncier plus efficace que le modèle de l’exploitantpropriétaire

2. Un statut au service de l’exploitation familiale

3. Un statut aujourd’hui majoritaire

C. Unité du statut mais diversité des situations

1. De fortes disparités régionales dans les cultures et les pratiques

2. Une pluralité de modes d’exploitation et de types de contrat

II. La nécessaire modernisation du régime juridique du bail rural

A. Un statut confronté aux transformations de l’agriculture française

1. Les mutations de la démographie agricole

2. La difficile prise en compte de l’essor de l’exercice en société

a. La croissance de l’exercice en société présente un défi juridique

b. Des tentatives d’ajustement au succès mitigé

3. Un manque de souplesse qui freine l’innovation dans le secteur agricole

4. Une utilisation encore limitée des outils environnementaux

B. Un dispositif nécessaire à la politique publique agricole qui doit rester attractif pour les propriétaires

1. Un statut d’ordre public qui a démontré son efficacité…

a. Le contrôle des structures a su contenir la concentration

b. Les exploitations familiales restent malgré tout majoritaires

c. Un statut indispensable

2. … mais dont l’attractivité doit être préservée

a. Le bail rural doit rester attractif en particulier pour les propriétaires

i. Les enjeux liés au rendement locatif

ii. Des difficultés dans la sanction du non-respect des obligations du preneur

iii. Une liberté contractuelle encadrée qui menace la jouissance du droit de propriété

b. Un besoin de simplification du contrôle des structures

i. Accroître l’uniformité et la transparence du contrôle

ii. Recentrer le contrôle sur les opérations à risque

iii. Mieux contrôler l’agrandissement des sociétés agricoles

C. Renforcer la sécurité juridique des baux au service d’une confiance renouvelée entre le bailleur et le preneur

1. Des difficultés liées au caractère verbal de certains baux et à l’absence d’état des lieux d’entrée

2. Un détournement de la procédure en révision du fermage anormal

3. Le fonctionnement des tribunaux paritaires des baux ruraux est globalement satisfaisant mais pourrait être amélioré

Travaux de la Commission

Liste des recommandations

Annexe : La Réforme des baux ruraux en Wallonie

Liste des personnes entendues

 


– 1 –

 

    

   Introduction

Né au lendemain de la Seconde Guerre mondiale dans l’objectif de protéger et de soutenir les agriculteurs et d’assurer la souveraineté alimentaire de la France, le statut du fermage constitue le cœur du régime juridique des baux ruraux.

Le bail rural est le contrat par lequel le propriétaire agricole met à disposition d’un exploitant des terres ou des bâtiments en contrepartie d’un loyer, le fermage, ou d’un partage de récolte, le métayage. Sa spécificité, au regard du droit commun des contrats, est d’être soumis à un statut d’ordre public : la liberté des co-contractants est limitée concernant la durée, le montant du loyer et les conditions de renouvellement du bail.

Ce contrat, protecteur du fermier qui est assuré de disposer d’un foncier pour son exploitation pendant de nombreuses années, est au fondement du modèle agricole français car il est accompagné de nombreuses dispositions visant à préserver les exploitations familiales, en particulier la possibilité de céder son bail à ses descendants. Il apporte ainsi de la sérénité au preneur, favorise son investissement et garantit la liberté de culture.

Le bail rural remplit ainsi deux fonctions, d’une part, déterminer et encadrer la relation économique entre les propriétaires et les fermiers, et d’autre part, répondre à des orientations de politiques publiques, agricoles, mais aussi sanitaires, alimentaires ou économiques.

Or, les transformations du monde agricole, dont la démographie et les modes d’exercice (mécanisation, exercice en société, agriculture biologique etc.) évoluent rapidement, mettent en évidence l’inadéquation partielle de ce régime juridique avec les défis auxquels l’agriculture française est confrontée. En outre, il présente des fragilités juridiques – encore 50 % des baux sont oraux – difficilement conciliables avec une économie du XXIème siècle.

De plus en plus de propriétaires hésitent à mettre leurs terres à bail ou cherchent à contourner un statut parfois contraignant (difficulté à reprendre ou vendre les terres, impossibilité de choisir son preneur).

Malgré les évolutions issues des lois agricoles qui se sont succédées pour faire naître de nouveaux types de baux – baux à long terme, baux cessibles, baux à clauses environnementales – le régime juridique des baux ruraux est encore à la recherche d’un nouveau souffle.

Les Rapporteurs sont conscients qu’il s’agit d’un équilibre difficile à trouver car les parties prenantes sont diverses et leur situation est parfois fragile. Toutefois, ils constatent et partagent un double consensus avec les personnes concernées : la nécessité de maintenir un statut d’ordre public et celle de l’adapter pour garantir sa survie. L’accord récent trouvé entre les représentants des bailleurs et des preneurs de la Fédération nationale des syndicats des exploitants agricoles (FNSEA) illustre cette volonté de changement.

Le chemin est étroit et difficile mais la France n’est pas le seul pays confronté à ces difficultés. La plupart des pays de l’Union européenne encadre l’accès à la terre et l’exercice de la profession d’agriculteur. En Belgique, la Wallonie a mené une réforme de grande ampleur pour moderniser son régime juridique du bail rural, dans le consensus.

Par leur analyse des difficultés rencontrées par le statut du bail rural et par les recommandations qu’ils formulent, les Rapporteurs souhaitent proposer des mesures concrètes et des pistes de réflexion et de dialogue pour moderniser et préserver un régime juridique indispensable à l’agriculture française.

 


– 1 –

 

I.   Un statut d’ordre public aux nombreuses déclinaisons

Le régime juridique des baux ruraux est un droit dérogatoire des contrats dans lequel la puissance publique intervient pour encadrer la relation entre le propriétaire des terres et le fermier qui les exploite. Ce régime né en 1946 est à la fois en rupture et en continuité avec les politiques agricoles qui l’ont précédé.

Si les différentes caractéristiques de ce régime en font un objet juridique unique en son genre, il n’en demeure pas moins que sa mise en œuvre sur le territoire et que les ajustements apportés au fur et à mesure par le législateur ont conduit à une grande diversité de situations.

A.   Un statut d’ordre public né après la Seconde Guerre mondiale

Le bail rural est soumis, à partir de la fin du XVIIIème siècle, au régime libéral hérité de la Révolution française, qui a consacré le droit de propriété. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les nouveaux objectifs assignés à la politique agricole ont rendu nécessaire la mise en place d’un statut d’ordre public. Des dérogations à la liberté contractuelle ont alors été prévues et une juridiction spécialisée a été créée pour les contentieux relatifs aux baux ruraux.

1.   Les principes libéraux issus de la Révolution remis en cause à la sortie de la Seconde Guerre mondiale

La Révolution française a consacré le droit de propriété. Il ressort de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 que « le droit de propriété est un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ». Aussi, son article 2 le proclame comme l’un des « droits naturels et imprescriptibles de l’Homme », dont toute association politique a pour but d’assurer la conservation.

Les lois des 28 septembre et 6 octobre 1791 ont constitué les premières interventions du législateur en matière rurale. En conformité avec la consécration du droit de propriété lors de la Révolution, elles ont proclamé la liberté du sol, la liberté de se clore et de se déclore, entraînant de facto l’abolition du droit de parcours et de vaine pâture, de glanage et de grappillage ([2]). Selon les termes de Marc Bloch, ces dispositions marquent l’instauration de l’individualisme agraire ([3]).

Par décret du 18 mars 1793, la Convention nationale a prévu la peine de mort « contre quiconque proposera une loi agraire ou tout autre subversive des propriétés territoriales, commerciales, et industrielles » ([4]).

Au cours du XIXème siècle, le droit rural s’est inscrit dans cet héritage. La propriété foncière apparaissait comme « une valeur privilégiée » et la liberté contractuelle comme un « principe majeur du code civil ne tolérant que peu d’exceptions » ([5]).

Le régime juridique du bail rural était alors prévu par le code civil de 1804. Cette convention relevait de la catégorie des « héritages ruraux ». Les rapports qui lient les propriétaires et les preneurs étaient précisés par les articles 1714 à 1751 du code civil, consacrés au « louage des choses ». Des dispositions particulières le concernant étaient prévues aux articles 1764 à 1778 mais étaient supplétives de volonté. Dans les faits, la réalité des contrats de location variait grandement d’une région à l’autre et selon les situations. En effet, « la liberté des parties s’imposait entre les bailleurs et les preneurs. Leur volonté faisait loi. » ([6])

Ce régime juridique correspondait au modèle de l’économie de subsistance. Dans ce dernier, l’exploitation agricole revêt un caractère familial qui évince toute idée d’association permettant la mise en valeur des terres. Le monde rural restait éloigné des innovations techniques et, par voie de conséquence, les rendements étaient faibles.

À partir de la fin du XIXème siècle, la notion d’exploitation agricole s’est progressivement développée. Le bail rural s’éloigne de la catégorie de louage de choses en assimilant des enjeux de rendement économique. Les dispositions du code civil apparaissent donc de moins en moins adaptées aux évolutions de l’activité agricole française ([7]), dans la mesure où elles rendent le preneur entièrement soumis à la volonté du propriétaire, libre de mettre fin au bail à tout moment en privant l’exploitant de la récupération du fruit de son travail ([8]).

Malgré ces évolutions, le système de droit civil est néanmoins resté en place jusqu’à la Seconde Guerre mondiale : « Le couple propriété-liberté semble ainsi irréductiblement lié, insécable » ([9]). L’objectif de reconstruction du pays à partir de 1945 a modifié cet état de fait, en mettant en lumière l’impérieuse nécessité d’une évolution de la politique agricole française.

2.   La naissance d’un statut d’ordre public

Après un projet avorté lors du Front populaire ([10]), le statut du fermage fut instauré pour la première fois sous le régime de Vichy, par la loi du 4 septembre 1943 portant statut du fermage.

À cette loi, abrogée à la Libération, ont succédé l’ordonnance du 17 octobre 1945 ([11]) et la loi du 13 avril 1946 ([12]) qui fixe le statut du fermage et du métayage, votée à l’unanimité. Cette évolution constituait l’une des recommandations du programme du Conseil national de la Résistance du 15 mars 1944 proclamant « l’élévation et la sécurité du niveau de vie des travailleurs de la terre […] par l’établissement d’un juste statut du fermage et du métayage ».

Le bail rural passe du contrat au statut et les principes d’une indemnité au fermier sortant et d’une durée minimale de fermage sont alors posés.

Le bail rural est aujourd’hui soumis à un régime spécifique prévu par le livre IV du code rural et de la pêche maritime, divisé en huit titres. Le « statut du fermage » n’est pas une simple expression doctrinale, mais l’intitulé du titre Ier du livre IV du code rural et de la pêche maritime ([13]).

La définition générale du bail rural figure aujourd’hui à l’article L. 4111 du code rural et de la pêche maritime : « Toute mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l’article L. 311-1 est régie par les dispositions du présent titre, sous les réserves énumérées à l’article L. 411-2. Cette disposition est d’ordre public ».

Cet article pose ainsi quatre critères cumulatifs de qualification :

– la mise à disposition, qui constitue la « modalité de délivrance qui consiste à rendre une chose accessible à son destinataire de manière à ce que celui-ci puisse effectivement en prendre possession » ([14]). Le preneur doit donc jouir de l’immeuble ;

– le caractère onéreux de la mise à disposition : les juges vérifient que le bail est soumis à une contrepartie ([15]) qui peut prendre des formes diverses ([16]) ;

– à usage agricole : cette condition exige un bien foncier rural non bâti permettant culture et élevage par un exploitant, ainsi que ses accessoires ([17]) ;

– l’exercice d’une activité agricole : définie par l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime comme « toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l’acte de production ou qui ont pour support l’exploitation ». Une activité peut être qualifiée d’agricole par détermination de la loi, par nature ou par rattachement.

Les règles du statut du fermage ont une portée générale. L’article L. 411‑1 du code rural et de la pêche maritime vise « toute mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole ». Cela signifie que les règles relatives aux baux ruraux s’appliquent à l’ensemble des exploitations agricoles et à tous les contrats entrant dans son champ.

Le statut a également un caractère impératif. Les parties ne peuvent légalement pas conclure un contrat qui ne soit pas soumis au statut du bail rural dès lors que celui-ci en contient les éléments constitutifs, ni échapper au statut en se limitant à un accord verbal.

Pour limiter les contournements du statut, le législateur a notamment créé une présomption de bail rural pour deux types de conventions ([18]) :

– la vente d’herbe est un contrat par lequel un propriétaire foncier cède à un preneur les foins ou tout autre fruit du fonds, lequel les recueille ou les faits recueillir. Cette pratique est répandue « en particulier dans les zones de montagne » ([19]) ;

– la prise en pension d’animaux est une convention par laquelle un « propriétaire accepte de prendre en garde, d’entretenir, nourrir et soigner sur son fonds les animaux d’un tiers contre un paiement » ([20]).

L’article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit que cette présomption de bail rural peut être renversée pour les deux conventions lorsque le cédant ou le propriétaire apporte les preuves qu’il n’a pas eu pour objectif de contourner les règles du statut, en d’autres termes qu’il est de bonne foi, et que le contrat est conclu isolément ([21]).

Le caractère statutaire des dispositions du code rural n’a pas pour effet d’écarter la théorie générale du contrat précisée dans le code civil : « Si au plan intellectuel le statut des baux ruraux apparaît comme une exception au sein du droit du bail organisé par le code civil, il n’en reste pas moins vrai que le statut constitue le droit commun des baux ruraux et tout bail à usage agricole y est soumis » ([22]). Le code civil s’applique en cas de silence du statut.

Éléments de comparaison internationale

La plupart des pays de l’ouest de l’Europe ont mis en place un statut du fermage.

Les « mesures les plus vigoureuses et les plus précoces » concernant le statut du fermage sont apparues en Irlande. En 1879, le fermage concerne 96 % des surfaces, principalement détenues par les Anglais qui, ne résidant pas en Irlande, investissent insuffisamment dans leurs terres. À la suite de la crise agricole des années 1870, le Fair Rent Act, adopté en 1881, introduit des procédures de révision des montants de fermage et établit une durée minimale de convention de 15 ans.

En Angleterre, le droit à une indemnisation du fermier en fin de bail apparaît en 1906. En 1917, un contrôle public du montant du fermage est acté, il s’en suit la création des tribunaux spécialisés, les « Agricultural Land Tribunals », qui existent encore aujourd’hui. Une durée minimum de bail est également établie.

En Belgique et aux Pays-Bas, l’intervention publique en faveur des exploitants agricoles apparaît dans les années 1930. Elle prend la forme d’une révision à la baisse des montants des locations, de la création d’entités chargées du règlement des différends, de la fixation d’une durée minimum du bail et de l’introduction d’un droit à indemnisation pour les exploitants .

Enfin, en Allemagne, « il n’existe pas réellement de droit homogène sur les questions foncières du fait des trajectoires très différentes entre les Länder de l’est, ceux du nord et ceux du sud ». Il existe toutefois un droit de préemption depuis le XIXème siècle.

Le statut du fermage apparaît comme relativement généralisé en Europe de l’Ouest. Il précise, selon les pays, la durée minimale des baux (5 ans en Espagne, 9 ans en Belgique, 12 ans en Allemagne), l’existence d’un droit au renouvellement du bail (Belgique), d’un droit de cession intrafamiliale (Belgique, Allemagne) et prévoit une indemnité pour amélioration du fonds (Allemagne, Angleterre, Belgique, Espagne) ([23]).

Source : F. Courveux, Augmentation de la part des terres agricoles en location : échec ou réussite de la politique foncière ?, Économie et statistique n° 444-445, 2011.

3.   Une dérogation à la liberté contractuelle

Le bail rural est soumis partiellement à la théorie générale du consentement. Il requiert notamment le consentement des parties, librement donné de part et d’autre. Le consentement dans le bail rural est soumis à l’article 1109 du code civil aux termes duquel « il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol ». En conséquence, un bail rural est nul si le preneur s’est trompé par exemple sur la valeur culturale des terres ([24]).

Néanmoins, la création d’un statut du fermage a pour conséquence naturelle une restriction forte du champ de la liberté contractuelle. La durée du contrat, le montant du loyer – appelé « fermage » – ainsi que le choix du contractant sont fortement encadrés. Il ressort du caractère impératif du statut que les clauses du contrat de bail qui y contreviennent encourent ([25]) :

– la nullité lorsque le non-respect de la prohibition de certaines opérations, comme la sous-location des baux ruraux par exemple, entraîne une nullité absolue de l’opération ;

– l’éradication lorsque « toute disposition des baux, restrictive des droits stipulés par le présent titre, est réputée non écrite » ([26]). La clause réputée non écrite n’entraîne pas la nullité du bail lui-même ([27]).

Les principes directeurs du statut, qui constituent autant de dérogations à la liberté contractuelle, sont principalement au nombre de quatre :

– le bail rural ne peut être conclu pour une durée inférieure à neuf ans ([28]), aux termes de l’article L. 411-5 du code rural ;

– le code rural et de la pêche maritime pose un principe de reconduction tacite du bail rural pour une durée de neuf ans ([29]) ;

modulo certaines exceptions, notamment dans le cadre des exploitations familiales, les baux ruraux sont de plus soumis à un principe général d’incessibilité ([30]), c’est-à-dire que le preneur ne peut pas transférer à un tiers tout ou partie de son droit personnel d’exploiter le fonds loué ([31]) ;

– enfin, le prix du bail n’est pas soumis à la négociation des parties mais fait l’objet d’un strict encadrement. Le code rural établit une distinction entre le loyer des bâtiments d’habitation et celui des bâtiments d’exploitation et des terres nues.

 

Conditions d’encadrement de la fixation des prix du fermage

Loyer des bâtiments d’habitation

Loyer des terres nues et des bâtiments d’exploitation

Le loyer des bâtiments d’habitation est fixé en monnaie entre des maxima et des minima qui sont arrêtés par l’autorité administrative sur la base de références calculées d’après des modalités définies par décret. Ce loyer ainsi que les maxima et les minima sont actualisés, chaque année, selon la variation de l’indice de référence des loyers publié par l’INSEE chaque trimestre et qui correspond à la moyenne, sur les douze derniers mois, de l’évolution des prix à la consommation hors tabac et hors loyers.

Il est fixé en monnaie entre des maxima et des minima arrêtés par l’autorité administrative.

Ils varient chaque année selon un indice national des fermages composé pour 60 % de l’évolution du revenu brut d’entreprise agricole à l’hectare constaté sur le plan national au cours des cinq années précédentes et pour 40 % de l’évolution du niveau général des prix de l’année précédente.

Source : article L. 411-11 du code rural et de la pêche maritime

Il ressort de l’article L. 411-11 du code rural et de la pêche maritime que l’autorité administrative détermine ces minima et maxima sur proposition des commissions consultatives paritaires départementales et, le cas échéant, de la commission nationale.

En tant que le bail rural ne prévoit pas seulement les relations contractuelles unissant les parties mais qu’il est aussi un instrument de politique publique au service d’objectifs de politique agricole. À ce titre, sa conclusion est soumise à un « contrôle des structures ».

Le contrôle des structures est l’une des composantes du statut d’ordre public car il vient encadrer la liberté contractuelle des parties en empêchant le propriétaire de choisir librement son preneur. Il a été mis en place pour éviter l’agrandissement excessif des surfaces agricoles appartenant à un même exploitant pour préserver des exploitations familiales puis, ultérieurement, garantir la sécurité alimentaire de la France en limitant l’installation de sociétés agricoles étrangères.

Ce contrôle est opéré par les préfets après consultation des commissions départementales d’orientation agricole (CDOA) qui rassemblent des représentants de l’administration, des collectivités territoriales, des agriculteurs, de la Mutualité sociale agricole (MSA) et de diverses associations (de protection de l’environnement, de consommateurs, etc.). Ce contrôle intervient pour l’attribution d’autorisations d’exploiter aux agriculteurs souhaitant conclure un bail rural, pour les demandes individuelles d’agrandissement des exploitations ou encore pour la validation des projets d’installation de jeunes agriculteurs.

4.   Une juridiction spécialisée : les tribunaux paritaires des baux ruraux

La création d’une juridiction spécialisée s’inscrit dans un héritage juridique des années 1930 préconisant une distinction nette entre le droit rural et le droit commun. Les premiers tribunaux paritaires furent institués au moment de l’adoption du statut du fermage, en 1946. En matière de baux ruraux, ils se sont vus confier une compétence générale et exclusive ([32]). La mise en place d’une juridiction particulière n’a pas manqué de soulever des critiques de la part de certains observateurs, l’un d’eux la qualifiant de « solution véritablement hérétique, heurtant les principes fondamentaux et opérant une véritable désagrégation du système général de la compétence » ([33]).

Le tribunal paritaire des baux ruraux (TPBR) est défini à l’article L. 491-1 du code rural et de la pêche maritime : « Il est créé, dans le ressort de chaque tribunal judiciaire, un tribunal paritaire des baux ruraux qui est seul compétent pour connaître des contestations entre bailleurs et preneurs de baux ruraux relatives à l’application des titres Ier à VI et VIII du livre IV du présent code ». Les TPBR ne siègent pas en permanence mais tiennent des sessions, dont la fréquence varie selon les besoins.

Il s’agit d’une juridiction autonome présidée par un juge du tribunal judiciaire désigné par le président du tribunal judiciaire ([34]).

Elle est composée, en nombre égal, de bailleurs non preneurs et de preneurs non bailleurs, « répartis, s’il y a lieu, entre deux sections ; l’une des sections est composée de bailleurs et de preneurs à ferme, l’autre de bailleurs et preneurs de baux à métayage » ([35]). Aux termes de l’article L. 492-2 du code rural et de la pêche maritime, « les assesseurs sont désignés pour une durée de six ans par le premier président de la cour d’appel, après avis du président du tribunal paritaire, sur une liste dressée dans le ressort de chaque tribunal paritaire par l’autorité administrative sur proposition des organisations professionnelles les plus représentatives intéressées pour les preneurs non bailleurs ainsi que sur proposition, pour les bailleurs non preneurs, des organisations professionnelles les plus représentatives intéressées et, le cas échéant, des organisations de propriétaires ruraux représentatives au plan départemental. » Dans la pratique, les TPBR n’ont pour la plupart qu’une seule section composée de deux représentants des bailleurs et de deux représentants des preneurs ([36]).

Jusqu’au 1er janvier 2018, les assesseurs étaient élus parmi leurs pairs, au scrutin uninominal majoritaire à un tour. Les élections de 2010 ayant été marquées par une forte abstention ([37]), l’article L. 492-2 précité a été modifié par la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle ([38]) et prévoit désormais qu’ils sont désignés. Ils doivent être de nationalité française, avoir 26 ans au moins et posséder depuis cinq ans au moins la qualité de bailleur ou de preneur de baux à ferme ou à métayage ([39]).

En outre, les TPBR sont composés d’un greffe, selon les cas le greffe du tribunal judiciaire ou le greffe détaché de la chambre de proximité et d’un ministère public, exercé par le procureur de la République près du tribunal judiciaire ([40]).

La représentation des parties n’est pas obligatoire. Il ressort de l’article 883 du code de procédure civile que « les parties ont la faculté de se faire assister ou représenter ». L’article suivant précise que sont habilités à assister ou représenter les parties les avocats, les huissiers de justice, les membres de leur famille, leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ou un membre ou un salarié d’une organisation professionnelle agricole.

Les 272 TPBR répartis sur le territoire sont saisis d’environ 3 000 affaires par an – 3 036 en 2016, 2 831 en 2017, 2 829 en 2018. Sur la totalité des décisions rendues, environ 50 % ont statué sur la demande. Les autres décisions portent sur des radiations, retraits du rôle, caducités, constats de désistement, homologation de procès-verbaux, etc. Le nombre d’affaires nouvelles présentées devant les TPBR connait un déclin : en 2018, ils ont enregistré une baisse de 12 % par rapport à 2016 et de 6 % par rapport à 2017 ([41]).

évolution du nombre de Décisions prises par les TPBR relatives à des contentieux portant sur les baux ruraux entre 2015 et 2018

 

Évolution de 2015 à 2018

Décisions ne statuant pas sur la demande

5 %

Autres

– 18 %

Caducité de la demande

– 12 %

Conciliation des parties

– 22 %

Désistement du demandeur

+ 0 %

Incompétence

+ 50 %

Radiation

– 24 %

Retiré

+ 106 %

Décisions statuant sur la demande

11 %

Acceptation partielle

+ 5 %

Acceptation totale

– 24 %

Rejet de la demande

– 15 %

Jonction et interprétation

+ 14 %

Non classé

– 7 %

Général

7 %

Source : contribution écrite de la direction des affaires civiles et du Sceau.

B.   Un statut au service du modèle agricole français

1.   Un régime juridique qui vise à favoriser l’investissement des fermiers dans la durée

a.   Un cadre incitatif pensé en réponse à une défaillance de marché

Le statut du fermage vise en premier lieu à offrir à l’exploitant agricole une stabilité pour lui permettre d’inscrire son exploitation dans la durée, et par conséquent l’inciter à moderniser son appareil productif. En effet, « l’objectif de garantir la stabilité de l’agriculteur pour l’inciter à investir dans la productivité du sol constitue l’argument phare pour prôner l’individualisation des droits de propriété » ([42]). L’investissement est en effet un choix économique qui s’inscrit dans le temps long, il est « la confiance en acte » ([43]).

La théorie économique permet d’éclairer l’origine de la nécessité d’un statut du fermage pour servir cet objectif de politique agricole. En effet, le fermier n’a pas d’intérêt, au sens de la microéconomie, à œuvrer pour la productivité de son sol et sa fertilité s’il n’est pas assuré de pouvoir bénéficier de son rendement. Le statut du fermage donne un cadre incitatif à l’exploitant en assurant une durée minimale de convention et en prévoyant en sa faveur une indemnité de sortie. Le statut du fermage est ainsi une intervention publique en réponse à une défaillance de marché inhérente au foncier rural : l’asymétrie d’information au profit du preneur. Le propriétaire terrien n’est pas en mesure d’obtenir les informations par lui-même sur le soin apporté par l’exploitant agricole à la fertilité des sols. Le régime juridique du statut du fermage est un outil incitatif permettant de donner au fermier un intérêt personnel à la bonne exploitation du fonds.

b.   Une voie d’accès au foncier plus efficace que le modèle de l’exploitant‑propriétaire

Le statut du fermage « organise la coexistence de deux ensemble des droits de propriété sur un même bien », angle mort de code civil de 1804 qui encadrait principalement le régime juridique de l’exploitant agricole également propriétaire de ses terres, dressé en modèle du fermier « libéré des servitudes collectives » ([44]).

Le fermage présente des avantages par rapport au modèle de l’exploitant‑propriétaire. L’économiste Jean Madec a démontré en 1969 ([45]) que la logique d’accession à la propriété du foncier était en réalité un frein à la modernisation agricole dans la mesure où les « ressources destinées au rachat des terres jusqu’alors en location étaient ainsi employées, au détriment des investissements productifs » ([46]).

2.   Un statut au service de l’exploitation familiale

Le deuxième objectif du statut du fermage, outre celui de la modernisation des appareils productifs, est de préserver le caractère familial de l’agriculture française, conformément à un héritage multiséculaire. Ainsi que l’a indiqué M. Jean-François de Montgolfier, directeur des affaires civiles et du Sceau, « le droit rural reflète ce fait sociologique, en consacrant de multiples manières le caractère familial de l’exploitation agricole ».

Le code rural et de la pêche maritime comporte plusieurs dispositions de nature à favoriser la « poursuite de l’activité au sein de la famille de l’exploitant, lorsque celui-ci a la qualité de preneur » ([47]), comme autant de traductions de la « préoccupation constante du législateur de favoriser le maintien de l’exploitation au sein de la famille » ([48]).

L’illustration la plus évidente de cette préoccupation est la possibilité de transmission du bail rural aux autres membres de la famille exploitante, en dérogation au principe de l’article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime qui prévoit que « toute cession de bail est interdite ». Deux exceptions sont prévues. La première, précisée à l’article L. 411-34 du même code, permet, en cas de décès du preneur, la continuation du bail au profit de son conjoint, de son partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité, de ses ascendants et de ses descendants ([49]). La seconde, indiquée à l’article L. 411-35 du même code, permet la transmission du bail rural entre vifs si elle est consentie, au profit du conjoint, du partenaire d’un pacte civil de solidarité du preneur participant à l’exploitation, ou d’un descendent du preneur ([50]).

De surcroît, il ressort de l’article L. 412-5 du code rural et de la pêche maritime que « bénéficie du droit de préemption le preneur ayant exercé, au moins pendant trois ans, la profession agricole et exploitant par lui-même ou par sa famille le fonds mis en vente ».

Ces dispositions sont révélatrices de la volonté du législateur de privilégier un modèle familial d’exploitation agricole. Dans un arrêt de 2008 ([51]), la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a considéré en ce sens que les dispositions du code rural français « poursuivent des buts d’intérêt général, à savoir […] soutenir les exploitations agricoles moyennes comme modèle de développement de l’agriculture française, en en facilitant la transmission familiale ».

3.   Un statut aujourd’hui majoritaire

Le statut du fermage est aujourd’hui devenu majoritaire. Entre 1946 et 1980, la proportion de terre agricole en location s’établit entre 40 et 51 %. À partir de 1980, une augmentation importante du recours au fermage conduit à ce qu’en 2010, 75,9 % de la surface agricole utile (SAU) soit en fermage et 0,8 % en métayage ([52]). En 2016, en France métropolitaine, 22 111 exploitations sont en location et 5 592 sont en faire-valoir direct ([53]).

Part de la surface agricole utile (SAU) en location en France

Source : F. Courveux, « Augmentation de la part des terres agricoles en location : échec ou réussite de la politique foncière ? », Économie et statistique n° 444-445, 2011

La hausse constante de la part des de terres agricoles en location depuis les années 1980 est un phénomène qui « constitue davantage la marque d’une réussite que d’un échec de la politique foncière dans la mesure où son objectif premier n’est pas tant de favoriser l’accès à la propriété foncière aux exploitants agricole que de leur assurer la stabilité nécessaire à leur modernisation et à l’accroissement de leur productivité » ([54]).

C.   Unité du statut mais diversité des situations

Le bail rural présente l’apparence d’une unité juridique dont les principes sont au service d’un modèle d’agriculture spécifique : l’exploitation familiale. Toutefois, il apparaît d’une part que sa déclinaison sur le territoire offre une grande diversité et d’autre part que le législateur a souhaité prévoir de nouveaux dispositifs pour s’y adapter.

 

1.   De fortes disparités régionales dans les cultures et les pratiques

La pratique juridique du bail rural est confrontée à une grande diversité de situations (modes de culture, types d’exploitation etc.). La mise en œuvre du régime juridique du bail rural est donc aussi le fruit de l’histoire et de la géographie. Les auditions menées par les Rapporteurs ont mis en évidence l’existence de profondes différences d’un département à un autre. La carte ci-dessous met notamment en évidence d’importantes disparités concernant les surfaces moyennes des exploitations.

Surface agricole moyenne des exploitations agricoles par région

Données régionales sur les surfaces moyennes des exploitations agricoles françaises en 2016.

Source : Agreste – Enquête sur la structure des exploitations agricoles en 2016

Ainsi le sud de la France, en raison, notamment, de la moindre étendue des exploitations et de leur caractère souvent individuel, fait la part belle aux baux verbaux. En effet, bien que, depuis la loi du 6 juillet 1989 ([55]), il soit prévu que « les contrats de baux ruraux doivent être écrits » ([56]), il existe encore de nombreux baux ruraux oraux. À l’échelle du pays, le Conseil supérieur du notariat estime qu’environ 50 % des baux ruraux sont verbaux. En cas de litige, dès lors que la relation entre le propriétaire et l’exploitant répond aux critères du bail rural ([57]), le juge peut requalifier à tout moment l’accord verbal en contrat de bail rural et soumettre les parties à l’ensemble des obligations y afférant.

Cette pratique a pour conséquence un moindre contrôle sur la transmission des surfaces agricoles et une plus grande difficulté à jouer sur la précision des instruments juridiques mis à disposition des bailleurs et des fermiers. En effet, en cas de conflit, le bail sera requalifié en bail à fermage classique de 9 ans.

À l’inverse, le nord de la France se caractérise par des exploitations plus grandes, souvent en société et dont la rentabilité est plus importante. Compte tenu des enjeux financiers plus élevés auxquels s’exposent bailleurs et fermiers en cas de conflit, les baux écrits y sont plus fréquents, tout comme le recours aux baux à long terme.

Cette différenciation entre les régions et la variabilité des situations d’un département à l’autre s’observent également dans la rentabilité des terres. Selon la contribution écrite du ministère de l’Agriculture : « Le rendement est le plus élevé (supérieur à 3,5 %) là où le prix des terres louées est le plus bas (régions pays de la Loire, nord de la Nouvelle-Aquitaine, Bourgogne Franche-Comté). À l’inverse le prix élevé des terres maintient un rendement locatif plus bas (moyenne inférieure à 2,5 %) dans d’autres régions (secteurs du bassin parisien notamment) ».

Rendement des terres louées par département

Source : terre d’Europe Scafr d’après SAFER et SSP.

Ce constat doit être nuancé par le fait que le prix du bail est fréquemment contourné par une pratique interdite, sanctionnée par l’article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime : le « pas-de-porte ». Ainsi, selon M. Bernard Bizouard, président de l’Union nationale des experts-comptables agricoles (UNECA) entendu par la mission d’information, « tandis que dans certains départements, on ne trouve pas d’exploitants, dans d’autres les pas-de-porte viennent réguler la demande ».

Pas-de-porte

La direction des affaires civiles et du Sceau définit le pas-de-porte (aussi appelé « droit d’entrée », ou « chapeau ») comme « un supplément de loyer remis par le locataire à son bailleur lors de la prise à bail. Dans le cadre d’une cession de fonds, le pas-de-porte peut également se confondre avec le paiement d’un droit au bail, imputé au cessionnaire par le cédant ».

Cette pratique, qui contourne doublement le statut en écartant certains exploitants de l’accès à la terre et en dépassant les loyers fixés par le préfet, est interdite et pénalement sanctionnée, en application de l’article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.

Cette interdiction se justifie par la non-cessibilité du bail rural, hormis dans un cadre familial (donc à titre gratuit) ou dans le cas d’un bail cessible auquel cas l’interdiction est levée. En outre, le statut du bail rural prévoit déjà l’indemnisation des améliorations du fonds opérées par le preneur ([58]).

Bien que sévèrement sanctionnée, la pratique persiste, en particulier dans le nord de la France et dans le bassin parisien. En effet, à défaut de changement d’exploitant, le pas-de-porte ne peut pas être caractérisé. Ainsi, la direction des affaires civiles et du Sceau constate que « certains propriétaires terriens peuvent contourner l’interdiction légale en constituant une société preneuse à bail rural de leurs terres, dont les parts sont cédées en intégralité à un tiers (futur exploitant), moyennant un prix comprenant une valeur incorporelle correspondant au pas-de-porte ».

L’interdiction de la cession du bail à titre onéreux est régulièrement remise en question car elle empêche les sociétés agricoles de valoriser leur bail parmi leurs actifs. C’est pourquoi le législateur a prévu une dérogation dans la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d’orientation agricole en permettant « l’insertion dans le contrat de bail d’une clause autorisant le locataire à céder son bail » ([59]).

Cette diversité de pratiques se répercute sur l’activité des instances chargées du contrôle des structures. Malgré la régionalisation des schémas directeurs des exploitations agricoles depuis 2014 ([60]), les personnes auditionnées constatent unanimement une grande diversité de pratiques au stade du contrôle des structures, y compris entre les départements d’une même région. Les schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles (SDREA) ([61]) encadrent en effet la stratégie agricole d’une région qui s’exprime par les critères appliqués pour le contrôle des structures.

Les différences de pressions foncières et de taille des exploitations conduisent en effet à un renforcement ou un allègement de la concurrence et, par conséquent, du contrôle opéré par l’administration. Dans certaines régions, les candidatures sont nombreuses, tandis que dans d’autres elles sont uniques car bailleurs et preneurs se sont préalablement mis d’accord.

2.   Une pluralité de modes d’exploitation et de types de contrat

Enfin cette diversité repose sur le recours à des modes d’exploitation différents. Il existe de nombreuses formes juridiques d’exploitations agricoles ainsi qu’une pluralité de contrats de baux ruraux.

Initialement conçu au service de l’exploitation individuelle ou familiale, le statut du bail rural encadre également d’autres types d’exploitations :

– de nombreux fermiers constituent une société agricole dont l’un ou plusieurs des associés sont les preneurs à bail, qui reste intuitu personae ;

Les types d’exercice en société

Il existe quatre formes juridiques principales de structures sociétaires :

 Le groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) ([62]) est destinée à permettre la réalisation d’un travail en commun « dans des conditions comparables à celles existant dans les exploitations de caractère familial » ([63]). Cette volonté se manifeste juridiquement par les limites imposées à sa dimension, et notamment par les restrictions concernant le nombre d’associés (dix au maximum). Elle permet ainsi aux exploitants qui se rassemblent de conserver leur statut agricole propre.

 L’exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) ([64]) est une société civile dont l’objet exclusif doit être une activité agricole. Elle est également soumise à la limitation du nombre d’associés (compris entre 1 et 10). Tous les associés ne sont pas tenus d’être exploitants et ne sont responsables des dettes qu’à concurrence de leurs apports.

 La société civile d’exploitation agricole (SCEA) est une société soumise aux règles de droit commun de la société civile à laquelle un objet agricole est donné. Les associés ont une grande liberté dans la rédaction des statuts, pas de capital minimum à la constitution, et les époux peuvent être les seuls associés.

 Outres ces sociétés d’exploitation, il existe également des groupements fonciers agricoles (GFA) ([65]) qui permettent de rassembler dans un même patrimoine des droits sur des terres appartenant à des personnes différentes. Le GFA peut favoriser la conservation d’un domaine familial en évitant un partage ou une aliénation.

– certaines exploitations font le choix d’adopter des nouvelles formes d’agriculture, soit biologique, soit en parallèle avec d’autres activités (ferme-auberge, production d’énergie etc.).

Par ailleurs, des modes d’exploitation échappant au statut persistent ou émergent :

– de nombreux fermiers en exploitation individuelle sont également propriétaires d’une partie des terres qu’ils exploitent ;

– certains propriétaires ne recourent pas au statut du bail rural en faisant exploiter leur surface agricole à façon (ou en faire valoir indirect). Dans sa contribution écrite, le ministère de la Justice observe par exemple « la tendance croissante des bailleurs à faire exploiter leurs terres par des entreprises de travaux agricoles (ETA), pour éviter le statut du fermage ».

Le régime des baux ruraux a fait l’objet de différentes réformes. Sous la Vème République, cinq lois d’orientation agricole se sont succédées : les lois du 5 août 1960 et du 8 août 1962 ([66]), la loi du 4 juillet 1980 ([67]), la loi du 9 juillet 1999 ([68]) et la loi du 6 janvier 2006 ([69]). Les modifications apportées au statut depuis 1980 ont principalement consisté en des ajustements techniques et juridiques visant à accompagner l’émergence de nouveaux modes d’exploitation, procédant souvent à l’inscription dans la loi de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Ces réformes se sont inscrites dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) de l’Union européenne. Prévue par le traité de Rome du 25 mars 1957 et entrée en vigueur le 30 juillet 1962, la PAC se fixe pour objectif « d’accroître la productivité de l’agriculture […] d’assurer ainsi un niveau de vie équitable à la population agricole […] de garantir la sécurité des approvisionnements […] d’assurer des prix raisonnables » ([70]). Elle repose essentiellement sur des mécanismes d’aides, de subventions et d’encadrement des prix. Les réformes du droit rural français sont donc intervenues dans ce contexte de convergence entre les politiques agricoles française et européenne.

 

 

L’évolution la plus remarquable reste la création, par le législateur, d’autres baux dérogeant partiellement au statut initial afin de répondre aux attentes de différentes formes juridiques d’exploitation ([71]). L’un d’entre eux, le bail rural à long terme, occupe désormais une place centrale dans le paysage juridique.

Le bail rural à long terme, conclu par acte notarié pour une durée d’au moins 18 ans, offre davantage de visibilité au fermier tout en majorant le prix du fermage pour le bailleur. Lorsque le bail est conclu pour une durée d’au moins 25 ans, son renouvellement n’est pas automatique si aucune clause supplémentaire ne le prévoit, permettant ainsi au bailleur d’être certain de disposer à nouveau de son bien à l’échéance du contrat.

Les Rapporteurs constatent le succès de ce dispositif qui clarifie la relation entre le bailleur et le preneur. Lors de son audition, M. Samuel Crevel, avocat et enseignant en droit rural, a indiqué qu’il « observe tendanciellement que les baux à long terme deviennent quasiment le principe. Les bailleurs les imposent car ils sont attirés par les avantages fiscaux et encore plus par la perspective d’une reprise certaine pour les baux de 25 ans ».

En effet, en cas de cession, les propriétaires de terres mises à bail bénéficient d’une minoration des droits de mutation à titre gratuit et d’une exonération de la taxe de publicité foncière. S’agissant de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), les biens mis à bail à long terme et ceux mis à bail cessible en sont exonérés ([72]), à condition que le preneur utilise le bien dans l’exercice de sa profession principale et qu’il ait un lien avec le bailleur ([73]). À défaut de ces deux dernières conditions, ces biens sont exonérés à concurrence des trois quarts de leur valeur lorsque la valeur totale des biens loués n’excède pas 101 897 euros ([74]), et pour moitié au-delà de cette limite.

Pour les autres baux ruraux, les bailleurs ne bénéficient d’aucun avantage fiscal. Au contraire, « le paiement des primes d’assurances contre l’incendie des bâtiments loués, celui des grosses réparations et l’impôt foncier sont à la charge exclusive du propriétaire » ([75]) et le montant de l’exonération de taxe foncière sur la propriété non bâtie prévue pour les terres agricoles ([76]) « doit, lorsque ces terres sont données à bail, être intégralement rétrocédé aux preneurs des terres considérées » ([77]).

Le niveau de la fiscalité supportée par les bailleurs est considéré par certaines personnes entendues par les Rapporteurs comme élevé et pèse sur l’attractivité du statut, en particulier lorsqu’il est analysé au regard du rendement locatif en baisse des baux ruraux.

En conséquence, si des ajustements juridiques sont nécessaires, qui auront des effets incitatifs pour les bailleurs et les preneurs, les Rapporteurs sont convaincus qu’il est indispensable, en premier lieu, de renforcer le soutien financier de l’État au bailleurs. Le levier fiscal, qui a démontré son efficacité dans le cadre des baux à long terme, doit être envisagé si la France veut être en mesure de faire perdurer son modèle agricole.

Recommandation n° 1 : prévoir des incitations fiscales bénéficiant aux propriétaires pour encourager la mise à bail des terres agricoles.

 

*

*     *

Au terme de leurs travaux, les Rapporteurs observent un large consensus sur la nécessité de préserver un statut d’ordre public pour le bail rural. Beaucoup s’accordent également sur le besoin urgent de le moderniser pour éviter que les propriétaires ne le contournent.

En effet, ce régime protecteur du fermier, est peu protégé juridiquement et laisse au propriétaire d’autres moyens de valoriser leurs terres. Il devient de plus en plus difficile d’assurer aux agriculteurs, a fortiori lorsqu’ils ne sont pas issus d’une famille d’agriculteurs, de trouver des terres mises à bail.

Il semble qu’il y ait encore aujourd’hui un décalage entre, d’une part, les attentes et les pratiques, très différentes sur le territoire, des exploitations agricoles et, d’autre part, les instruments juridiques mis à leur disposition. C’est cette situation que les Rapporteurs souhaitent, par leurs travaux, proposer de corriger pour préserver l’attractivité du régime juridique des baux ruraux.

 


Les différents type de baux ruraux

Type de bail

Définition

Durée

Loyer

Conclusion

Renouvellement

Base juridique

Bail à ferme

Mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole

9 ans minimum

Fermage dont le prix est encadré par arrêté du préfet

Verbal, sous seing privé ou par acte notarié si sa durée excède 12 ans

Automatique et pour une durée de 9 ans. Le bailleur peut le refuser si le preneur a atteint l’âge de la retraite

Art. L. 411-1 et suivants du CRPM

Bail à métayage

Mise à disposition d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole en contrepartie d’un partage des produits

Partage des produits du bail avec le bailleur

Art. L. 417-1 et suivants du CRPM

Bail à long-terme

(ou bail à long préavis ou bail de carrière)

Bail dérogatoire, plus long qui confère au preneur une stabilité accrue et au bailleur des avantages fiscaux

18 ans minimum

Fermage pouvant être majoré de 15 % pour les baux de 18 ans, de 20 % pour ceux de 25 ans et de 25 % pour les baux de carrière

Acte notarié

Si le bail est conclu pour moins de 25 ans, renouvellement automatique pour une durée d’au moins 9 ans.

Si le bail est conclu pour 25 ans ou plus, pas de renouvellement automatique mais renouvellement possible si une clause le prévoit.

Art. L. 416-1 et suivants du CRPM

Bail rural cessible

Bail dérogatoire qui offre une meilleure stabilité à l’exploitation agricole en autorisant le locataire à céder son bail en dehors du cadre familial en contrepartie de certains avantages pour le bailleur

Fermage pouvant être majoré de 50 %

Acte notarié et clause autorisant la cession

Automatique et pour une durée d’au moins 5 ans

Art. L. 418-1 et suivants du CRPM.

Bail de petite parcelle

Bail conclu pour des parcelles dont la superficie est inférieure à un seuil maximum fixé par arrêté préfectoral et qui constituent ni un corps de ferme, ni une partie essentielle de l’exploitation du preneur

Durée libre

Prix libre et possibilité de bail verbal, pas d’état des lieux

Convention de mise à disposition

Pas de droit au renouvellement

Art. L. 411-3 du CRPM

Bail rural à clause environnementale

Possibilité d’inclure des clauses visant au respect par le preneur de pratiques ayant pour objet la préservation de la ressource en eau, de la biodiversité, des paysages, de la qualité des produits, des sols et de l’air, la prévention des risques naturels et la lutte contre l’érosion

Identique au type de bail auquel les clauses sont ajoutées

Identique au type de bail auquel les clauses sont ajoutés

Identique au type de bail auquel les clauses sont ajoutés

Identique au type de bail auquel les clauses sont ajoutés

Art. L. 411-27 et R. 411-9-11-1 du CRPM

Bail consenti par une SAFER

Les propriétaires peuvent confier la gestion leurs terres à une société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) dans l’attente d’une orientation définitive du bien.

1 à 6 ans

Fermage dont le prix est encadré par arrêté du préfet

Convention de mise à disposition

Un renouvellement possible (maximum 12 ans au total)

Art. L.142-6 du CRPM

Bail d’un an renouvelable

Le bailleur peut consentir à un exploitant agricole déjà installé sur une autre exploitation une location annuelle renouvelable sur lequel il se propose d’installer plusieurs descendants

1 an

Fermage dont le prix est encadré par arrêté du préfet

Sous seing privé

Renouvellement annuel et durée maximale de six ans

Art. L. 411-40 du CRPM

 


– 1 –

 

II.   La nécessaire modernisation du régime juridique du bail rural

Le régime juridique du bail rural est le fruit de l’histoire et a connu de nombreux ajustements. Il repose sur un équilibre subtil entre les intérêts en présence : ceux des fermiers et des propriétaires, mais aussi ceux de l’agriculture française dans son ensemble.

Comme l’a indiqué M. Samuel Crevel lors de son audition : « Lorsque l’on touche à un des aspects du statut, il faut veiller à ce que les changements ne ricochent pas sur une autre disposition, afin de ne pas le déséquilibrer ».

Conscients de cette difficulté, les Rapporteurs, par leurs constats et leurs propositions, souhaitent apporter des améliorations au statut afin de préserver son attractivité malgré les transformations du monde agricole, sans déséquilibrer ni affaiblir le statut d’ordre public au fondement du droit rural français.

A.   Un statut confronté aux transformations de l’agriculture française

Le cadre juridique des baux ruraux a dû s’adapter aux bouleversements connus par l’agriculture depuis 1945 : la mécanisation du travail agricole et l’amélioration des rendements grâce au progrès technique, l’ouverture des échanges économiques mondiaux et la politique agricole commune de l’Union européenne, la transition écologique et les évolutions du monde rural.

1.   Les mutations de la démographie agricole

Le monde agricole connaît de profondes mutations qui remettent en question le modèle qu’a choisi la France pour son agriculture. En effet, depuis la Seconde Guerre mondiale, le cadre juridique des exploitations agricoles favorise les structures familiales. Or la démographie de la profession d’agriculteur évolue.

En premier lieu, on observe une montée en puissance des reprises hors cadre familial. Un tiers des installations sont désormais le fait d’un agriculteur dont les parents ne sont pas eux-mêmes agriculteurs. Comme l’a indiqué la direction des affaires civiles et du Sceau, plusieurs études révèlent « la baisse constante du nombre d’enfants d’agriculteurs souhaitant leur succéder lors de leur départ à la retraite » ([78]).

Or le renouvellement de la profession est appelé à s’accélérer. Comme le rappelle l’Assemblée des départements de France : « En moyenne un agriculteur sur trois sera retraité d’ici 2025. Ce chiffre correspond à environ 160 000 exploitants et à cet horizon seulement une seule installation est prévue pour deux départs. » ([79])

En outre, pour ces nouveaux exploitants, souvent jeunes, le coût du foncier peut être une source de difficultés et rendre un projet de reprise caduc puisqu’ils doivent par ailleurs acquérir l’ensemble de leurs moyens de production. La fragilité des jeunes exploitations constituent un frein pour les bailleurs, c’est pourquoi certaines SAFER ont choisi de mettre en place des assurances de perte de loyer pour les accompagner ([80]).

Afin de permettre la mise à disposition du plus grand nombre de terres, notamment pour faciliter l’installation des jeunes agriculteurs, les Rapporteurs proposent que les agriculteurs retraités soient dans l’obligation de prendre leur parcelle de subsistance sur des terres dont ils sont propriétaires et non sur des terres qu’ils ont à bail. En effet, actuellement l’article L. 732-39 du code rural et de la pêche maritime prévoit qu’un arrêté du préfet fixe « la superficie dont un agriculteur est autorisé à poursuivre l’exploitation ou la mise en valeur sans que cela fasse obstacle au service des prestations d’assurance vieillesse liquidées par un régime obligatoire ». Or certains agriculteurs retraités conservent des terres à bail (dans la limite de la surface maximale admise pour la parcelle de subsistance) alors qu’ils disposent par ailleurs de terres dont ils sont propriétaires.

Recommandation n° 2 : compléter l’article L. 732-39 du code rural et de la pêche maritime afin d’obliger l’agriculteur retraité à prendre prioritairement sa parcelle de subsistance parmi les terres dont il est propriétaire.

Force est de constater qu’il existe une tendance à la transformation du modèle agricole français. Ainsi que l’écrit M. Hubert Bosse-Platière, auditionné par les Rapporteurs, « devant la chute inexorable du nombre d’agriculteurs, le droit rural semble tendre vers un autre objectif prioritaire : l’installation des jeunes en agriculture, au point que l’on peut se demander si la défense de l’exploitation agricole familiale constitue toujours le modèle du droit rural » ([81]).

Pour leur part, les Rapporteurs estiment nécessaire de trouver les moyens de concilier deux objectifs : préserver les exploitations familiales, encore très majoritaires, sans pénaliser l’installation de nouveaux professionnels.

2.   La difficile prise en compte de l’essor de l’exercice en société

a.   La croissance de l’exercice en société présente un défi juridique

De nouvelles modalités d’exercice se sont développées, en particulier l’exercice en société, qui apparait comme une conséquence logique des mutations démographiques précédemment évoquées.

On observe une tendance globale, commune à l’ensemble des pays européens, à la concentration des exploitations agricoles. Elle se traduit souvent par la constitution de sociétés par capital, dont les statuts sont spécifiquement adaptés à l’agriculture ([82]).

Nombre d’exploitations dans les États membres de l’Union européenne

(en milliers)

Source : Eurostat – Recensements agricoles et Enquêtes structures

Le recours à ces structures juridiques répond mieux aux besoins des agriculteurs qui, comme l’a indiqué le Conseil supérieur du notariat lors de son audition, « sont désormais souvent de véritables entrepreneurs ». Ainsi que l’a rappelé la direction des affaires civiles et du Sceau dans sa contribution écrite, « la mise en société d’une exploitation apporte certains avantages qui facilitent la transmission de l’exploitation agricole. Elle permet de transmettre les parts sociales, y compris de manière progressive sur plusieurs années (par exemple, transmission d’une partie des parts sociales aux enfants avant la cessation d’activité, puis transmission du reliquat de parts sociales au moment de la cessation d’activité). Elle protège également l’exploitant agricole de poursuites de ses créanciers sur son patrimoine personnel. »

Comme le montre le graphique ci-après, le nombre de sociétés augmente rapidement et le métier d’agriculteur s’apparente de plus en plus à celui d’entrepreneur. Les Rapporteurs sont sensibles à la nécessité d’adapter à cette réalité le cadre juridique dans lequel les exploitations évoluent.

Nombre d’exploitation selon la dimension économique

 

Source : Agreste – Recensements agricoles 1988, 2000, 2010 et 2016.

Or le statut du bail rural ne répond pas pleinement aux besoins des sociétés agricoles. Comme l’a indiqué M. Samuel Crevel lors de son audition, « le statut reste en effet à l’image d’une exploitation individuelle et familiale dans laquelle le locataire est astreint à réaliser personnellement les travaux agricoles. Cette rigidité du statut est de plus en plus fréquemment préjudiciable au développement économique du locataire (difficulté à se restructurer, à se diversifier) en même temps qu’elle fait planer sur lui des menaces juridiques (risque de déchéance du droit de préemption, du droit de cession et même résiliation). »

L’incessibilité du bail empêche la valorisation du bail comme d’un actif, freinant ainsi le développement des sociétés agricoles et menaçant leur solidité financière. Selon M. Samuel Crevel, « les bailleurs répugnent à donner à bail à une société » car en l’absence de possibilité de cession, ils savent qu’ils auront beaucoup de difficultés à reprendre leur bien autrement qu’en engageant une procédure de résiliation coûteuse.

 

De plus les sociétés échappent en partie au contrôle des structures qui se fixe pourtant comme objectif le maintien d’exploitations de taille raisonnable. En effet, le transfert partiel de parts sociales d’une société agricole ne peut faire l’objet ni d’un contrôle des structures ni du droit de préemption des SAFER ([83]).

Enfin, comme l’a souligné Mme Christine Lebel, maître de conférence en droit privé à l’université de Bourgogne, lors de son audition, l’inapplicabilité du droit des procédures collectives aux sociétés agricoles pose problème : « La question de la mise à disposition du bail à une société d’exploitation est source de difficultés dès lors que la société est en difficulté financière car l’associé-exploitant, preneur à bail, n’a pas la qualité de débiteur. Il ne bénéficie pas de la protection de la procédure collective, que ce soit pour limiter les résiliations au cours de la période d’observation (le bail n’étant pas un contrat en cours entre le preneur et le bailleur) ou en cours d’exécution du plan car les dispositions de celui-ci (notamment le paiement échelonné des dettes) ne lui sont pas opposables. » Il en résulte « une machine infernale pour transmettre les exploitations en difficulté à un tiers dès lors que l’exploitant en place n’a pas les moyens d’en assurer la pérennité ».

Les Rapporteurs sont donc favorables à ce que les exploitations agricoles de forme sociétaire puissent bénéficier de tout ou partie des dispositifs existants dans le code de commerce pour soutenir et accompagner les entreprises en difficulté. Une telle extension du droit des procédures collectives permettrait de sécuriser les agriculteurs mais aussi leurs bailleurs qui pourraient figurer parmi les créanciers prioritaires. En outre, cela éviterait le maintien pour une durée trop longue, avec les conséquences dramatiques que cela peut avoir (surendettement, suicide), d’exploitations non viables et faciliterait le rebond des agriculteurs.

Recommandation n° 3 : permettre aux exploitations agricoles en société de bénéficier de la protection du droit des procédures collectives, sous réserve des adaptations nécessaires à la réalité économique et juridique du monde agricole.

b.   Des tentatives d’ajustement au succès mitigé

En 2005, le rapporteur du projet de loi d’orientation agricole, M. Antoine Herth, appelait de ses vœux le « passage d’une logique patrimoniale et familiale à une logique d’entreprenariat » et constatait qu’il était « impératif de proposer aux exploitants de disposer des moyens juridiques à même de leur permettre de développer leur activité. La création de véritables entreprises, dont la transmission serait favorisée, doit donc être encouragée, d’autant que cela permettrait ainsi le renouvellement des générations en agriculture. » ([84])

La loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006 ([85]) a effectivement créé un bail rural cessible hors cadre familial. Conclu pour au moins 18 ans, il permet au preneur de donner une valeur patrimoniale à son bail. Ce dispositif est donc attractif pour les agriculteurs qui exercent en société. Il reste peu utilisé en raison du manque de visibilité concernant l’indemnité de non-renouvellement.

Selon le ministère de la Justice ([86]), « le bail cessible hors cadre familial [n’a pas] rencontré le succès escompté. Les raisons de cet échec tiendraient à une certaine imprécision du dispositif initial, à l’inconvénient pour le preneur de ne pouvoir le céder qu’à des cessionnaires extérieurs aux membres de la famille visés à l’article L.411-35, et au coût élevé pour le bailleur de la rupture de ce contrat. »

En outre, le bail cessible n’intéresse pas nécessairement les jeunes agriculteurs pour lesquels la cessibilité n’est pas une priorité et qui ne souhaitent pas payer un surplus de loyer en échange de cette possibilité. Le dispositif s’adresse donc plutôt aux agriculteurs en seconde partie de carrière qui souhaitent anticiper la fin de leur activité et la transmission de leur exploitation.

Les Rapporteurs constatent que le frein principal au recours à la clause de cessibilité est lié à la question de l’indemnisation. L’ensemble des baux fait d’ailleurs face à cette difficulté. Il est aujourd’hui impossible d’anticiper le coût de l’indemnité de résiliation alors qu’il s’agirait pour les bailleurs et les preneurs d’une garantie intéressante pour la viabilité financière de leur exploitation ou de leur patrimoine. Ils recommandent donc que le statut prévoie plus clairement les conditions de la cessibilité et les modalités de calcul de l’indemnité de résiliation.

Recommandation n° 4 : mieux définir, en particulier dans le cadre du bail cessible, les conditions de la cessibilité et les modalités de calcul de l’indemnité de résiliation.

3.   Un manque de souplesse qui freine l’innovation dans le secteur agricole

Outre les formes juridiques adoptées par les exploitations, la manière dont l’activité agricole est exercée a également évolué. M. Jean-Baptiste Millard, délégué général du think tank Agridées, entendu par la mission d’information, observe « la diversification croissante des activités ayant pour support l’exploitation agricole ». En effet, un nombre croissant d’exploitations souhaitent pouvoir utiliser des terres agricoles pour développer des activités touristiques (par exemple des fermes‑auberges) ou produire de l’énergie (par exemple avec l’installation de panneaux photovoltaïques). D’autres aimeraient pouvoir travailler avec un tiers pour procéder à des cultures spécifiques et temporaires.

Or, en l’état actuel du droit, de telles activités, qui peuvent pourtant accroître la rentabilité des exploitations, sont impossibles dans le cadre du bail rural et peuvent conduire à sa résiliation car elles sont assimilées à des sous-locations ([87]), y compris si elles ne portent que sur une partie du bien ([88]). Même si elles en sont d’accord, les parties ne peuvent déroger aux règles d’ordre public qui encadrent le fermage, par exemple en prévoyant une sous-location temporaire ou un partage des produits. De l’avis des Rapporteurs, cette situation empêche bailleurs et preneurs d’innover ensemble et d’établir une relation qui leur convienne davantage et dont ils pourraient tous les deux tirer avantage. Lors de son audition, la Fédération national des agents immobiliers (FNAIM) a indiqué qu’il était fréquent que « des clauses illégales soient écrites de bonne foi par les parties dans leur contrat de bail rural ».

Pour M. Bruno Ronssin, président de la Fédération nationale des propriétaires ruraux, entendu par la mission d’information, « le pont entre les propriétaires et les fermiers a été coupé et il faut rétablir des espaces de dialogue et de négociation. Sinon le propriétaire se désintéresse de l’exploitation de ses terres et n’investit plus. […] Il faut laisser les preneurs et les bailleurs faire comme bon leur semble, les laisser expérimenter de nouvelles relations en restant dans le cadre du contrat. »

De la même manière, les co-contractants ne peuvent pas s’entendre sur une indemnité de résiliation ou sur les modalités de calcul de celle-ci alors qu’il pourrait s’agir d’un moyen d’accroître la sécurité juridique et financière du bailleur comme du preneur. Ils ne peuvent pas davantage prévoir une adaptation du montant du fermage en fonction de la qualité des installations mises à disposition ou des améliorations opérées par le bailleur au cours du bail. En effet, lors de son audition, le Conseil national de l’expertise foncière agricole et forestière (CNEFAF) notait que le bail ne permettait pas de prendre en compte certains immeubles, tels que les systèmes d’irrigation ou de drainage, qui ont un coût d’entretien élevé à la charge du bailleur. Il en résulte une désincitation à l’investissement des bailleurs.

Les Rapporteurs souhaitent donc explorer la possibilité de donner davantage de souplesse aux parties pour leur permettre d’innover et de poursuivre la modernisation de l’agriculture française.

Ainsi que l’a décrit M. Benoît Grimonprez, professeur de droit privé à l’université de Poitiers, deux options s’offrent au législateur : « Plus de souplesse et de liberté pourraient être laissées aux parties au bail : soit en permettant, dans le bail rural de droit commun, une plus grande part de négociation sur certains éléments du contrat – par exemple sur la stipulation de clauses environnementales, sur la diversification des activités du fermier, sur la cession du bail, sur le régime de l’indemnisation du preneur sortant – ; soit continuer à élargir l’offre de baux ruraux spéciaux, adaptés au projet d’entreprise du preneur ou aux besoins du territoire ou des acteurs locaux. »

Compte tenu des difficultés des parties à s’emparer des dispositifs existants, souvent très exigeants, les Rapporteurs proposent d’ouvrir la possibilité pour les co-contractants de s’accorder sur des clauses spécifiques, aujourd’hui considérées comme illégales, pour permettre aux preneurs de diversifier leur activité sans encourir la résiliation de leur bail ([89]).

Ces clauses pourraient notamment consister à autoriser la sous-location d’une partie du bien, notamment des bâtiments ou des parcelles pour des cultures temporaires (melon, pommes de terres, etc.), dès lors qu’ils ne sont pas essentiels à l’exploitation. Un tel mécanisme permettrait la valorisation de biens sous-exploités (bâtiments abandonnés, parcelles isolées, etc.) et offrirait l’opportunité de développer de nouvelles activités économiques en zone rurale (ferme-auberge, vente directe). En contrepartie de son accord, le bailleur pourrait bénéficier d’une majoration du fermage ou d’une partie des revenus issus de ces nouvelles activités.

Cette proposition a reçu l’assentiment de nombreux experts du droit rural estimant qu’il s’agirait d’un dispositif « dynamisant pour les preneurs et équitable économiquement » ([90]), offrant des « espaces de liberté au sein du statut d’ordre public » ([91]).

Recommandation n° 5 : ouvrir la possibilité, en cas d’accord écrit des deux parties, de fixer des clauses supplémentaires dans le contrat de bail rural afin de permettre, notamment, des sous-locations temporaires ou des activités annexes en contrepartie d’une majoration du fermage ou d’un partage des revenus issus de ces dérogations.

Les Rapporteurs n’excluent pas la possibilité d’élargir progressivement, selon les demandes des acteurs de terrain, le champ des clauses pouvant être prévues, notamment concernant la durée du bail, les conditions de reprise ou de cession etc.

4.   Une utilisation encore limitée des outils environnementaux

L’agriculture est au cœur de la transition écologique. Différents dispositifs ont été créés mais leur usage est encore limité. Pour M. Frédéric Rocheteau, avocat au Conseil d’État et la Cour de cassation, « le fermage n’est pas adapté aux enjeux environnementaux. Il a été imaginé à une époque où la vision de l’agriculture était différente. »

Les objectifs de la politique agricole sont en cours de transformation. Ainsi que l’a souligné M. Luc Bodiguel, chercheur au CNRS, « le bail rural et la politique agricole dans son ensemble poursuivent toujours l’objectif de sécurité alimentaire mais le contenu de cette notion a évolué. Il s’agissait initialement de produire massivement à un coût faible. Désormais, il s’agit de fournir des produits de meilleure qualité et de prendre en compte la taille des circuits de distribution. »

Les dispositifs existants, en particulier les clauses environnementales sont des mécanismes utiles aux bailleurs publics mais peu aux bailleurs privés, qui sont les plus nombreux. Plusieurs freins s’opposent au développement des baux privés à clauses environnementales. Premièrement, le bailleur ne peut pas imposer un mode d’agriculture à son preneur. Deuxièmement, le preneur craint, en souscrivant à des clauses supplémentaires, de s’exposer à des risques plus élevés de résiliation. Troisièmement, une baisse du fermage pour les exploitations écologiquement responsables pénaliserait les bailleurs. Quatrièmement, il n’existe pas d’incitations fiscales pour compenser une telle baisse du fermage ou le recours à des clauses environnementales. Cinquièmement, il est presque impossible de rémunérer le bailleur dont le mode d’exploitation préserve la qualité de la terre au titre des améliorations opérées sur le fonds. Certaines pratiques agricoles écologiquement responsables pourraient même être considérées comme des dégradations si elles venaient à réduire la rentabilité du bien.

Comme le résume M. Hubert Bosse-Platière, « le fermier qui jouit d’un principe juridique de liberté économique l’aborde comme une contrainte tandis que le bailleur y voit une diminution intolérable du montant de son famélique loyer » ([92]).

Les dispositifs existants actuellement impliquent les pouvoirs publics et en particulier les collectivités territoriales. En tant que bailleurs publics des terres agricoles qui leur appartiennent, les collectivités peuvent mettre à bail sous condition, en contrepartie d’une incitation financière. Cette pratique est utile pour les zones de non-traitement ou pour réduire l’usage de pesticide sur des terres en bordure de commune, dans des zones de captage, etc.

Depuis la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ([93]), l’article L. 132-3 du code de l’environnement prévoit la possibilité pour les propriétaires de conclure un contrat avec une collectivité au terme duquel le propriétaire d’un bien immobilier met en place une protection environnementale attachée à son bien, pour une durée pouvant aller jusqu’à 99 ans. Dans la mesure où les obligations sont attachées au bien, elles perdurent même en cas de changement de propriétaire. La finalité du contrat doit être le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de la biodiversité ou de services écosystémiques. Toutefois en l’absence d’incitation fiscale, le recours aux « obligations réelles environnementales » reste rare alors qu’elles pourraient être un moyen de mettre à bail des terres spécifiquement réservées pour l’agriculture biologique.

De plus, l’article L. 132-3 du code de l’environnement prévoit que « le propriétaire qui a consenti un bail rural sur son fonds ne peut, à peine de nullité absolue, mettre en œuvre une obligation réelle environnementale qu’avec l’accord préalable du preneur ». Dans sa contribution, la direction des affaires civiles et du Sceau a souligné que « l’ajout tardif de cette condition lors des débats parlementaires est jugé par la doctrine comme privant largement la mesure d’effectivité ».

De nouveaux outils sont en cours de développement. La FNSEA propose notamment « des contrats de prestation de services environnementaux qui visent à une rémunération directe des agriculteurs par les personnes souhaitant la mise en place de mesures environnementales, sans passer par le propriétaire » ([94]). Ce dispositif peut permettre à des collectivités ou des personnes privées (via la responsabilité sociale des entreprises par exemple) de soutenir financièrement les exploitants dont l’activité induit des externalités positives (entretien des haies, préservation de la qualité des sols et de l’air etc.).

Les Rapporteurs constatent donc l’ampleur des défis auxquels fait face l’agriculture française : renouvellement de la profession, évolution des structures juridiques, transformation des modes d’exploitations et défi de la transition écologique. Pour chacun de ces enjeux, le bail rural apporte une solution qui n’est pas pleinement satisfaisante malgré les efforts récents du législateur.

En outre, à ces problématiques s’ajoutent des difficultés propres au statut : le déséquilibre de la relation entre le preneur et le bailleur, le fonctionnement du contrôle des structures et le manque de sécurité juridique dans la relation entre les propriétaires et les fermiers.

B.   Un dispositif nécessaire à la politique publique agricole qui doit rester attractif pour les propriétaires

1.   Un statut d’ordre public qui a démontré son efficacité…

Les Rapporteurs souhaitent donc insister sur les réussites d’un régime souvent critiqué. Lors de son audition, l’association Terre de liens a indiqué que « le statut du fermage et les autres politiques de régulation foncière et de développement agricole en France ont limité les inégalités d’accès foncière et contenu la spéculation. C’est très clair en comparaison de nos voisins européens ne disposant pas de telles politique ».

 

 

a.   Le contrôle des structures a su contenir la concentration

Le contrôle des structures, composante essentiel du caractère d’ordre public du bail rural, a démontré son efficacité. Sa finalité demeure depuis l’origine de limiter la concentration des terres en contrôlant les agrandissements et les cessions avec pour finalité le maintien d’exploitations familiales « à taille humaine » et la protection de la souveraineté alimentaire en évitant l’installation de grandes sociétés étrangères.

Une comparaison historique avec des pays qui n’ont pas opéré un contrôle aussi strict met en effet en évidence une concentration plus rapide des terres. C’est par exemple le cas du Danemark qui a supprimé sa politique des structures au début des années 1990 ([95]). Le graphique ci-après montre par exemple un maintien dans le temps de la concentration des exploitations en France (depuis 1990 environ 80 % des exploitations utilisent 40 % de la surface agricole disponible et 20 % en utilisent 60 %) et une concentration croissante au Danemark (en 1990, les 20 % d’exploitations les plus grandes exploitaient 50 % de la surface agricole, contre 70 % aujourd’hui).

Concentration foncière entre 1990 et 2013 en France et au Danemark

Source : Eurostat – « Hétérogénéité et différenciation des unités de production agricole européennes », Notes de synthèse Foncier et développement, juillet 2018, n° 26.

b.   Les exploitations familiales restent malgré tout majoritaires

Le recul des structures familiales doit également être nuancé. Comme le rappelle Mme Véronique Barabe-Boucharda : « La diminution, incontestable, de la contribution familiale à l’activité doit toutefois être relativisée. Malgré ce recul, elle reste très largement prépondérante dans la mesure où les actifs familiaux représentent encore 84 % des actifs permanents, 63 % du travail étant fourni par les chefs d’exploitations et leurs conjoint ou concubin co-exploitants, 14 % par les conjoints ou assimilés non co-exploitants et 7 % par les autres actifs familiaux. Et même si les sociétés représentent aujourd’hui un bon quart de l’ensemble des exploitations, leur avènement ne signe pas la disparition des entreprises familiales, bien au contraire : en 2000, 93 % des sociétés agricoles étaient exclusivement familiales et seulement 5 % de ces sociétés civiles réunissaient des associés dépourvus de lien de parenté » ([96]).

Aux yeux des Rapporteurs, il est donc encore indispensable de poursuivre une transition visant à ne pas pénaliser les exploitations familiales sans priver les autres agriculteurs de l’accès au foncier agricole.

c.   Un statut indispensable

L’ensemble des auditions a mis en évidence le consensus des acteurs sur la nécessité de préserver le statut car, comme l’écrit M. Hubert Bosse-Platière, ils sont conscients qu’une « autre voie plus libérale reviendrait à surenchérir le coût du foncier et le coût de la transmission ce qui n’arrange personne, ni bailleur, ni fermier » ([97]). La réforme n’est pas impossible mais elle exige une attention très particulière quant à ses effets sur l’ensemble des parties prenantes.

S’il fait l’objet de critique, une crainte domine : qu’une évolution trop brutale vienne déséquilibrer et faire disparaître ce statut dont la stabilité est un atout majeur.

Les Rapporteurs constatent donc la nécessité de protéger le statut et de continuer à organiser la cohabitation des modèles familiaux et sociétaire. Mais il leur semble possible, en analysant ses faiblesses, de corriger certains défauts du régime juridique du bail rural qui nuisent aujourd’hui à son attractivité.

2.   … mais dont l’attractivité doit être préservée

a.   Le bail rural doit rester attractif en particulier pour les propriétaires

i.   Les enjeux liés au rendement locatif

Le rendement locatif ([98]) brut moyen pour les bailleurs s’établit à 2,71 % en 2018 ([99]), mais il varie selon les régions. Il est en baisse constante depuis 1999, date à laquelle il se situait à 4,5 % ([100]). Il demeure néanmoins supérieur au rendement du livret A et à celui du Plan épargne logement. En cela, le taux de rendement du bail est satisfaisant, en particulier compte tenu du caractère peu risqué de ce type d’investissement.

 

Cette diminution peut s’expliquer par deux facteurs : une hausse constante du prix des terres louées d’une part ([101]), et une augmentation plus modérée, voire une baisse, des loyers d’autre part ([102]). En effet, l’Assemblée des départements de France précise de surcroît dans sa contribution écrite que le prix du loyer des bâtiments à usage agricole précisé dans un arrêté préfectoral est fixé à « des niveaux très bas », entre 20 et 52 euros par hectare pour les « moins bonnes terres » et de 90 à 140 euros pour les meilleures terres. Elle dénonce une « érosion constante de la rémunération des biens loués par les propriétaires bailleurs ». Mme Christine Lebel a soutenu lors de son audition que « le bailleur a l’impression d’être le financeur indirect des entreprises, comme si le législateur avait décidé que le bailleur était un riche rentier, et donc qu’il devait pérenniser les exploitations en ne percevant qu’un très faible loyer ».

Évolution du taux de rendement des terres et prÉs louÉs non bâtis, du plan Épargne logement et du livret A depuis 1999

Le caractère peu rémunérateur du bail rural résulte également du coût de l’entretien qui reste à la charge des propriétaires. La poursuite de la baisse du rendement locatif des terres agricoles risque donc de freiner leurs investissements, en particulier dans les bâtiments d’exploitation, plus couteux en entretien. M. Bruno Ronssin, directeur de la Fédération nationale de la propriété rurale, souligne ainsi que les bailleurs n’ont plus la possibilité d’accompagner les fermiers dans leur projet en raison du faible rendement en cas d’investissement.

En outre, ce décalage entre les prix du marché et les prix du fermage peut renforcer la pratique dite des « pas-de-porte », pourtant prohibée par l’article L. 411‑74 du code rural et de la pêche maritime (cf. supra).

Les Rapporteurs sont favorables à une remodélisation de la fixation des indices du prix du fermage, qui ne doivent pas être déplafonnés, mais dont le calcul des barèmes pourrait être révisé pour mieux tenir compte des prix du marché.

Recommandation n° 6 : repenser la fixation des indices du prix du fermage en redéfinissant les critères de calcul des barèmes, sans les déplafonner, ni modifier les équilibres existants.

ii.   Des difficultés dans la sanction du non-respect des obligations du preneur

Le code rural prévoit que le bailleur peut demander la résiliation du bail s’il justifie, notamment, de plusieurs défauts de paiement du fermage ou d’agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, qui peuvent prendre la forme d’un défaut d’entretien. Toutefois, les Rapporteurs ont constaté au cours des auditions menées que les propriétaires rencontrent des difficultés pour obtenir la résiliation du bail en application de ces deux motifs.

L’article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime prévoit que le bailleur peut demander la résiliation du bail à la suite de « deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l’échéance ». De plus, « cette mise en demeure devra, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposition ». Aux termes de l’article R. 411-10, cette mise en demeure est faite par lettre recommandée avec avis de réception. L’absence de la mention expresse de l’article L. 411-31 a pour conséquence la nullité de la mise en demeure ([103]).

Il n’est pas nécessaire que les deux mises en demeure portent sur des échéances de fermage différents. Si un seul fermage est impayé, il peut être procédé à une première mise en demeure et, « si l’échéance demeure impayée après trois mois, il peut alors être fait une nouvelle mise en demeure pour la même échéance » ([104]).

L’application de cette disposition a fait l’objet d’un important contentieux. La procédure vise à garantir une certaine stabilité contractuelle. Dans les faits, elle permet aux exploitants de mettre en place des stratégies dilatoires, en attendant trois ou six mois si deux mises en demeure se succèdent, pour payer le fermage, rendant alors impossible la résiliation du bail. Cette lenteur soulève des difficultés pour les propriétaires et nuit à l’attractivité du bail rural.

De surcroît, un paiement encore plus tardif est possible : « Le preneur pourra échapper au prononcé de la résiliation s’il paye après expiration du délai mais avant saisine du tribunal paritaire des baux ruraux. En effet les motifs de résiliation judiciaire s’apprécient au jour de la demande en justice. » ([105]) Le preneur peut également payer le fermage lors de l’audience de conciliation.

Les rapporteurs considèrent que cette procédure de recouvrement du fermage non payé est surannée et doit être modernisée. Ils proposent que la résiliation soit automatique après deux mises en demeure non suivies d’effet. Le juge ne pourrait alors que constater la résiliation du contrat de bail.

Recommandation n° 7 : sanctionner plus sévèrement le non-paiement du fermage, en prévoyant qu’après deux mises en demeure non suivies d’effet, le juge ne pourrait que constater la résiliation du contrat.

De surcroît, les bailleurs font face au même type de difficultés s’agissant du deuxième motif de résiliation prévu à l’article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime. Aux termes de l’article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime, le propriétaire peut en effet demander la résiliation du bail s’il justifie d’« agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds » ([106]). La doctrine souligne toutefois que « la résiliation est en pratique difficile à obtenir » ([107]) sur ce fondement. La notion de compromission de la bonne exploitation du fonds fait en effet l’objet d’une appréciation restrictive par la jurisprudence ([108]). Les Rapporteurs estiment qu’il conviendrait de remplacer ce motif par celui du défaut d’entretien, le juge interprétant d’ores‑et‑déjà cette notion de manière restrictive dans le cadre de l’application des dispositions actuelles.

Recommandation n° 8 : à l’article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime, substituer le défaut d’entretien à l’exigence pour le bailleur de démontrer la compromission de la bonne exploitation du fonds pour obtenir la résiliation du bail.

iii.   Une liberté contractuelle encadrée qui menace la jouissance du droit de propriété

Plusieurs principes du statut du fermage sont des dérogations à la liberté contractuelle, dans le but de protéger le preneur. Ils constituent des rigidités susceptibles de détourner les propriétaires du bail rural.

Au-delà des principes de tacite reconduction, de durée minimum du bail et d’interdiction de la sous-location, déjà évoqués, plusieurs dispositions sont exemplaires de la restriction de la liberté contractuelle du propriétaire.

En premier lieu, le choix du contractant est limité. Le preneur doit obtenir une autorisation d’exploiter qui découle des règles relatives au contrôle des structures.

En second lieu, le principe du renouvellement automatique permet au preneur de se passer du consentement du propriétaire. Il ressort en effet de l’article L. 411-46 du code rural et de la pêche maritime que « le preneur a droit au renouvellement du bail, nonobstant toutes clauses, stipulations ou arrangements contraires, à moins que le bailleur ne justifie de l’un des motifs graves et légitimes mentionnés à l’article L. 411-31 ou n’invoque le droit de reprise ». Les possibilités prévues par le droit permettant au propriétaire de récupérer ses terres après la conclusion du bail rural sont peu nombreuses et conditionnées à de stricts critères ([109]).

Selon les représentants de la FNAIM, auditionnés par les Rapporteurs, davantage que le faible rendement du bail rural, ce sont ces restrictions à la liberté contractuelle qui détournent les propriétaires du statut du fermage. Ils soulignent que de plus en plus de propriétaires préfèrent aujourd’hui vendre leurs terres ou les laisser en friche plutôt que de conclure un bail rural.

Une conséquence parallèle de ces rigidités est qu’elles entraînent un recours important aux baux ruraux verbaux, certains propriétaires croyant – à tort – que ne pas signer de convention leur permettra d’échapper à ces dispositions.

Au regard de ces difficultés, les Rapporteurs suggèrent de s’inspirer de l’évolution prévue dans le cadre de la réforme du statut du fermage de Wallonie ([110]). Cette dernière prévoit, « pour répondre à la critique récurrente de la perpétuité des baux ruraux » ([111]), de limiter la durée du bail dit « classique » à trois renouvellements après une première période de 9 ans. Au terme de ces renouvellements, le bail prend fin de plein droit ([112]). Cette évolution permet de renforcer l’attractivité du bail rural pour les propriétaires en leur donnant un horizon temporel de récupération de la jouissance leur bien. Si le preneur cède la convention à son descendant, le délai est réinitialisé.

Recommandation n° 9 : limiter à trois fois neuf ans le nombre de renouvellements du bail rural, lorsqu’il est écrit, et donner la possibilité d’un quatrième renouvellement si le preneur se trouve à moins de neuf ans de la retraite.

En outre, le bailleur peut céder son bien immobilier à utilisation agricole sans qu’il n’y ait d’effet sur la situation du fermier dont le bail se poursuit avec le nouvel acquéreur ([113]). Un certain nombre d’obligations pèsent sur la vente d’une terre agricole occupée, par exemple celle d’information de l’acheteur potentiel sur les prérogatives du preneur. Surtout, une décote résultant de l’existence d’un bail rural en cours, qui prive l’acquéreur de la jouissance immédiate de son bien, s’applique sur le prix de vente. La doctrine la chiffre en général à 30 % de la valeur libre, mais « la pratique démontre que cette décote est bien supérieure, les prix d’une même terre agricole pouvant varier du simple au triple selon qu’elle est occupée ou libre » ([114]).

Aux termes de l’article L. 412-5 du code rural et de la pêche maritime, le preneur bénéficie d’un droit de préemption et peut, à ce titre, saisir le TPBR d’une demande de révision du prix de vente si celui-ci lui semble trop élevé, empêchant ainsi le propriétaire de vendre au prix voulu (y compris s’il dispose d’un autre acquéreur acceptant ce prix). Les Rapporteurs considèrent que dès lors qu’il fait usage de son droit de préemption, le mécanisme de décote ne devrait pas être appliqué. En effet, le preneur n’est pas concerné par les difficultés tirées de l’indisponibilité des terres, puisqu’il les exploite lui-même. Une telle évolution permettrait de renforcer l’attractivité de l’investissement dans les terres agricoles et le recours au bail rural de la part des bailleurs.

Recommandation n° 10 : en cas de cession à titre onéreux de biens ruraux, ne pas appliquer la décote liée aux terres occupées lorsque le preneur fait usage de son droit de préemption.

b.   Un besoin de simplification du contrôle des structures

i.   Accroître l’uniformité et la transparence du contrôle

Malgré ses origines et son importance dans le modèle agricole français, le contrôle des structures fait l’objet de nombreuses critiques. Son application est variable sur le territoire. Selon l’association Terre de liens, « le contrôle de structure semble tombé en désuétude dans certains territoires ». Les critères et les pratiques, notamment en matière de publicité, varient d’un département à l’autre. Depuis un décret du 22 juin 2015, les SAFER ont l’obligation de procéder à la publicité d’appels à candidatures liés aux opérations foncières d’attribution, au moins quinze jours avant l’attribution ([115]), notamment sur les sites internet des préfectures ([116]). Cette pratique ne semble pas être pleinement entrée en vigueur et plusieurs personnes auditionnées ont indiqué qu’un délai de quinze jours est trop court pour monter un dossier solide de candidature.

Dans certaines régions, c’est le manque de transparence et de publicité du contrôle qui conduit des candidats à se désister. Lors de son audition, la FNSAFER a ainsi indiqué que « dans certaines régions comme l’Île-de-France, il n’y a souvent qu’un seul candidat car les jeunes agriculteurs ne veulent pas entrer en conflit avec des agriculteurs plus puissants ».

Les Rapporteurs souhaitent qu’un effort important soit engagé pour renforcer la transparence du fonctionnement du contrôle des structures. L’ensemble des procédures soumises à ce contrôle doit faire l’objet d’une publicité au moins deux mois avant la décision d’attribution afin de s’assurer de l’équité des différents candidats. Afin de favoriser l’accès des personnes intéressées à ces informations, ils recommandent également la publication de ces annonces dans la presse locale.

Recommandation n° 11 : renforcer la publicité foncière (allongement à deux mois des délais pour les attributions par la SAFER et publication dans la presse locale de l’ensemble des demandes d’autorisation).

ii.   Recentrer le contrôle sur les opérations à risque

Le champ d’application du contrôle est également contesté. À l’heure actuelle, 80 % des demandes sont validées sans demande d’informations complémentaires. Aux yeux des Rapporteurs, cela signifie que le périmètre de ces contrôles n’est pas adéquat. Lorsque les délais d’instruction sont longs, ce sont des exploitations qui restent inutilement dans l’impossibilité d’exercer, parfois durant toute une récolte. La Fédération nationale des propriétaires ruraux estime que l’existence d’un dispositif aussi contraignant, y compris pour de petites surfaces, dissuade les propriétaires de mettre à bail et peut aboutir à laisser des parcelles en friche.

Le régime de la déclaration, plus souple que celui de l’autorisation, ne concerne qu’un petit nombre de transactions. Il s’applique lorsque « le bien agricole à mettre en valeur est reçu par donation, location, vente ou succession d’un parent ou allié jusqu’au troisième degré inclus », que « le déclarant satisfait aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle », que « les biens sont libres de location » et qu’ils « sont détenus par un parent ou allié […] depuis neuf ans au moins » ([117]).

Pourtant, selon M. Samuel Crevel, « la bonne piste était le régime de la déclaration qui constituait un assouplissement (et non une mise à l’écart) du contrôle pouvant faciliter les reprises ».

Les Rapporteurs partagent cette analyse et proposent de retirer l’exigence que le bien soit libre pour pouvoir bénéficier du régime déclaratif car elle implique un délai supplémentaire inutile. Cette condition prive de nombreuses cessions du bénéfice de ce régime plus souple de contrôle des structures. Cette simplification permettrait de recentrer le périmètre d’intervention de ce contrôle.

Cette transformation a été amorcée par la jurisprudence. Dans une décision du 31 mars 2017, le Conseil d’État a considéré que « lorsque la transmission des terres selon l’une des modalités prévues par le II de l’article L. 331-2 s’accompagne de la délivrance d’un congé au preneur en place, l’exploitant qui bénéficie de la transmission peut valablement déposer sa déclaration avant le départ effectif du preneur, cette déclaration ne prenant effet, dans ce cas, qu’après ce départ » ([118]).

Recommandation n° 12 : retirer, au II de l’article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, l’exigence de liberté du bien pour pouvoir bénéficier du régime déclaratif de contrôle des structures dans le cadre des cessions intrafamiliales.

Ils estiment également qu’une réflexion pourrait être engagée pour intégrer au contrôle des structures un nouveau critère, celui de la volonté du bailleur, lorsque plusieurs candidatures remplissent les critères d’attribution.

iii.   Mieux contrôler l’agrandissement des sociétés agricoles

Le contrôle des sociétés agricoles est, à l’inverse, partiel puisque les cessions partielles de parts sociales échappent au contrôle des structures. Elles ne font pas l’objet d’une consultation de la CDOA et ne permettent pas aux SAFER d’intervenir pour exercer leur droit de préemption. Le législateur a essayé de corriger cette lacune. Comme le rappelle la direction des affaires civiles et du Sceau dans sa contribution écrite, « l’inquiétude de voir se développer à grande échelle des prises de contrôle, le cas échéant étrangères, de terres agricoles françaises par le biais de sociétés qui feraient perdre aux agriculteurs la maîtrise du foncier agricole s’est exprimée récemment lors des débats parlementaires de la loi du 20 mars 2017 relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle ». Mais le Conseil constitutionnel a censuré une disposition visant à permettre aux SAFER d’exercer leur droit de préemption lors de cessions partielles, considérant qu’il s’agissait d’une « atteinte manifestement disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre » ([119]).

Il s’agit d’un véritable « trou dans la raquette » du contrôle des structures, d’autant que la concentration des surfaces concerne en premier lieu les formes sociétaires d’exploitation.

Surface agricole des exploitations

Source : Agreste - Recensement agricole 2010 et enquête structure 2016.

Le contrôle des structures ne parvient donc qu’à ralentir l’agrandissement des exploitations. Le ministère de la Justice s’inquiète que « les outils offerts par le droit des sociétés pour protéger le modèle de l’exploitation familiale, qui demeure une réalité sociologique en France, s’avèrent insuffisants, voire inutiles, pour lutter contre les phénomènes d’agrandissement ou de concentrations d’exploitations, parfois désignées comme ʺ firmes agricoles ʺ. Le développement d’exploitations de très grandes dimensions, dont la gouvernance n’est pas exercée par des personnes ayant la qualité d’exploitants agricoles, s’accroit au détriment du modèle contraire, celui de l’exploitation familiale. »

Les Rapporteurs souhaitent donc que le contrôle des structures puisse, malgré l’impossibilité pour la SAFER d’exercer son droit de préemption, contrôler les cessions partielles de parts sociales et disposer des moyens juridiques suffisant pour les empêcher lorsqu’elles aboutiraient à des agrandissements excessifs.

Recommandation n° 13 : permettre l’exercice du contrôle des structures sur les cessions partielles de parts sociales.

Enfin, l’exercice du droit de préemption des SAFER, qui peut intervenir lors de la cession de terres agricoles, est également régulièrement considéré comme trop interventionniste sans que sa pertinence soit toujours démontrée au regard des objectifs fixés par les SDREA. Or, les Rapporteurs sont attachés à ce que l’exercice de ce droit soit strictement proportionné et nécessaire car il constitue une perte de recettes pour les collectivités locales, qui ne perçoivent pas les droits de mutations, et présente un caractère dissuasif pour les propriétaires et acquéreurs potentiels de foncier agricole.

 

Les Rapporteurs estiment donc que si le contrôle conserve sa raison d’être et que les objectifs qu’il poursuit sont encore d’actualité, son périmètre d’intervention et ses critères pourraient faire l’objet d’une simplification.

Les dysfonctionnements du contrôle des structures conduisent certains agriculteurs à contourner ce dispositif, en exploitant sans autorisation d’exercer ou en ayant recours à des baux verbaux dont la sécurité juridique est insuffisante. L’association Terre de liens observe que « le contrôle des structures est souvent contourné et de nombreuses dispositions sont peu appliquées que ce soit par volonté de s’extraire du droit, par méconnaissance du droit ou par peur de représailles sociales à le mettre en œuvre ».

C.   Renforcer la sécurité juridique des baux au service d’une confiance renouvelée entre le bailleur et le preneur

La sécurité juridique renvoie à une double dimension : la bonne connaissance du droit applicable d’une part, et la stabilité des relations juridiques d’autre part.

Au fil des auditions, les Rapporteurs sont arrivés à la conclusion que la sécurité juridique des baux ruraux doit être améliorée, à l’issue d’un triple constat : une insuffisance des baux écrits et des états de lieux d’entrée, un détournement fréquent de la procédure de révision pour fermage anormal et un fonctionnement à parfaire des tribunaux paritaires des baux ruraux.

1.   Des difficultés liées au caractère verbal de certains baux et à l’absence d’état des lieux d’entrée

Le volume de contentieux portant sur les baux ruraux est à mettre en lien avec l’absence fréquente d’état des lieux d’entrée lors de la conclusion de la convention et le caractère oral d’une partie substantielle des baux ruraux.

Aucun état des lieux n’est obligatoire au début du bail rural. Un état des lieux permet de « constate[r] avec précision l’état des bâtiments et des terres ainsi que le degré d’entretien des terres et leurs rendements moyens au cours des cinq dernières années » ([120]). Il ressort de l’article L. 411-4 du code rural et de la pêche maritime que l’état des lieux est établi contradictoirement dans le mois qui précède l’entrée en jouissance ou dans le mois qui la suit. Passé ce délai, la partie la plus diligente peut établir un état de lieux qu’elle notifie à l’autre partie. Cette formalité ne constitue néanmoins pas une condition de validité de la convention.

Son caractère facultatif est créateur de contentieux dans la mesure où l’état des lieux est « majeur pour chacune des parties » ([121]). Il sert en effet trois objectifs : il permet d’identifier les travaux qui sont à la charge du propriétaire, de présenter des preuves d’atteinte au fonds dans l’hypothèse d’une demande de résiliation pour dégradation ou pour défaut d’entretien entrainant la compromission de la bonne exploitation du fonds ([122]) et, enfin, facilite la preuve des améliorations réalisées sur les terres par le preneur en sortie de bail qui lui ouvrent droit à une indemnité ([123]).

Une partie importante des baux ruraux est orale, ce qui occasionne une forte insécurité juridique. L’article L. 411-4 du code rural et de la pêche maritime prévoit que les « contrats de baux ruraux doivent être écrits » ([124]). Néanmoins, cette exigence n’est pas un critère de validité du contrat, le deuxième alinéa du même article précisant qu’à défaut d’écrit enregistré avant le 13 juillet 1946, les baux verbaux sont « censés faits pour neuf ans aux clauses et conditions fixées par le contrat type établi par la commission consultative des baux ruraux ». De surcroît, la preuve de l’existence du bail rural peut être apportée par tous moyens ([125]).

Le caractère oral d’une partie importante des baux ruraux est créateur de difficultés plurielles, notamment par manque d’information des bailleurs qui ne savent pas toujours ce à quoi ils s’engagent. La doctrine met en lumière des difficultés probatoires importantes ([126]) relatives à l’existence même du bail rural, à sa date de début, à son prix, ou encore, et surtout, au respect de l’obligation d’information. Dans ce dernier cas, et en l’absence de bail rural écrit, le preneur doit établir la preuve du respect de l’obligation d’information prévue à l’article L. 331-6 du code rural et de la pêche maritime qui dispose que « tout preneur doit faire connaître au bailleur, au moment de la conclusion du bail ou de la prise d’effet de la cession de bail selon les cas, la superficie et la nature des biens qu’il exploite ».

Les Rapporteurs considèrent que la rédaction de baux ruraux écrits avec état des lieux d’entrée doit être encouragée par le législateur car ils permettent une meilleure sécurité juridique, profitable à tous. Une majorité des personnes auditionnées se sont en ce sens déclarées favorables à l’extension de l’écrit et d’un état des lieux d’entrée. Toutefois, certains, par exemple l’association Terre de lien, soulignent que dans des secteurs agricoles spécifiques, les propriétaires sont particulièrement rétifs à l’idée d’une convention écrite et qu’il existerait alors un risque de détournement du statut.

Les Rapporteurs appellent ainsi à prévoir des incitations au recours à l’écrit pour les baux ruraux conclus pour une surface excédant un certain seuil – plutôt qu’à créer une obligation à laquelle serait attachée une sanction de nullité du bail. Cette surface pourrait être fixée par arrêté préfectoral et pourrait varier en fonction des cultures.

Le caractère incitatif découlerait du fait que le bénéfice des dispositions prévues dans le cadre des recommandations n° 1 et 9 du présent rapport, relatives respectivement aux incitations fiscales et à la limitation du nombre de renouvellement serait conditionné au caractère écrit du bail.

En outre, plusieurs personnes auditionnées ont insisté sur le fait que cette nouvelle obligation doit être simple et peu coûteuse. Il est proposé que les pouvoirs publics mettent à disposition des parties un modèle de « bail rural type » ainsi qu’un « état des lieux type » ([127]) . En Wallonie, le modèle d’état des lieux prévu dans le cadre de la réforme de 2019 est peu onéreux pour les parties dans la mesure où il s’agit essentiellement d’un travail d’observation et de description des équipements naturels (arbres, cours d’eau, etc.), des éléments artificiels (abris, clôtures, etc.) ou encore des bâtiments ([128]). L’élément le plus cher est une analyse de sol mais celle-ci est réalisée par des experts qui bénéficient de subventions publiques ([129]).

Recommandation n° 14 : rendre l’état des lieux obligatoire pour les baux ruraux conclus pour une surface dépassant un seuil fixé par arrêté préfectoral et variant selon les cultures.

Recommandation n° 15 : mettre à disposition des parties un modèle de bail rural et d’état des lieux d’entrée.

2.   Un détournement de la procédure en révision du fermage anormal

La possibilité de saisine du tribunal paritaire en application de la procédure en révision du fermage anormal est fréquemment détournée. L’article L. 411-13 du code rural et de la pêche maritime précise que lorsque le preneur ou le bailleur a contracté un bail rural à un prix supérieur ou inférieur d’au moins un dixième de la valeur locative de la catégorie du bien particulier donné à bail, il peut, « au cours de la troisième année de jouissance, et une seule fois pour chaque bail, » saisir le tribunal paritaire qui fixe alors pour la période restante du bail un prix normal du fermage conforme aux dispositions des articles L. 411-11 et suivants du même code. Cette disposition est un compromis entre le souhait du législateur de préserver la stabilité contractuelle et celui de veiller à l’application des arrêtés préfectoraux fixés ([130]).

Dans la pratique, les personnes auditionnées par les Rapporteurs mettent en avant des stratégies de détournement de cette procédure. Certains preneurs proposent aux propriétaires un fermage délibérément au-dessus des fourchettes prévues par arrêté préfectoral pour remporter la mise à bail, puis enclenchent trois ans plus tard une procédure de révision auprès du tribunal paritaire après contraction du bail rural.

En conséquence de quoi, les Rapporteurs proposent de modifier la procédure de révision en prévoyant que lorsque le preneur ou le bailleur a contracté un bail rural à un prix supérieur ou inférieur à la valeur locale de la catégorie du bien particulier donné à bail, il puisse saisir au cours de la sixième année de jouissance le TPBR, au lieu de la troisième année actuellement. Cette recommandation a d’ailleurs fait l’objet d’un consensus entre la section nationale des fermiers et métayers (SNFM) et la section nationale des propriétaires ruraux (SNPR) de la FNSEA ([131]).

Recommandation n° 16 : modifier la procédure de révision en fermage anormal, en rendant possible la saisine du TPBR au cours de la sixième année après la conclusion du bail.


3.   Le fonctionnement des tribunaux paritaires des baux ruraux est globalement satisfaisant mais pourrait être amélioré

L’existence d’une juridiction spécialisée n’est pas remise en cause par la très grande majorité des personnes entendues par les Rapporteurs. Les TPBR ont fait la preuve de leur utilité et de leur efficacité, qui s’expliquent principalement par leur proximité et par le profil des assesseurs. En effet, Mme Caroline Varlet‑Angove, avocate experte auprès du Conseil national des barreaux, souligne par exemple l’existence d’une interaction bénéfique entre le président et les assesseurs, qui connaissent plus finement que les juges professionnels les particularités et les contraintes du milieu agricole. Lors de son audition, le ministère de l’Agriculture a également précisé que le bilan du passage de l’élection à la désignation des assesseurs est positif, la procédure étant ainsi plus opérationnelle et plus simple.

Toutefois, deux séries de difficultés ont été mises en avant : l’une d’elles a trait au caractère non obligatoire de la représentation par un avocat, et l’autre à l’audience de conciliation.

La représentation n’est pas obligatoire devant les TPBR. L’extension de la représentation obligatoire devant les TPBR pourrait se justifier par le constat partagé d’une grande technicité du droit rural, « lequel nécessite la présence aux côté du preneur ou du bailleur d’un avocat » ([132]). Cette évolution serait à la fois bénéfique pour les parties et pour les juges, en particulier lors de l’audience de conciliation. Cette disposition pourrait en outre faire diminuer le taux d’appel, qui s’élève pour les TPBR à 23,5 % en 2018, contre 19,8 % pour les tribunaux de grande instance, devant lesquels la représentation par avocat est obligatoire ([133]). La question avait été soulevée lors de l’examen de la loi de programmation 2018-2022 de réforme pour la justice ([134]) : cette évolution figurait à l’article 4 du projet de loi mais n’a pas été retenue par le Sénat. Pour ces raisons, M. le Rapporteur Antoine Savignat suggère de modifier l’article 883 du code de procédure civile afin de rendre obligatoire la représentation des parties par un avocat.

La phase de conciliation est imparfaitement appliquée malgré son efficacité éprouvée. La phase de conciliation est obligatoire. L’article 887 du code de procédure civile prévoit qu’il est procédé, devant le tribunal paritaire des baux ruraux (TPBR), à une tentative de conciliation, constatée par procès-verbal. C’est seulement à défaut de conciliation, ou en cas de non-comparution de l’une des parties, que l’affaire est renvoyée pour être jugée ([135]). La suite de la procédure est irrégulière en cas de manquement à cette exigence ([136]). La tentative de conciliation n’est requise que pour la demande initiale ; elle n’est pas nécessaire pour une demande incidente ni en appel ([137]). Après avoir été modifié par le décret du 1er octobre 2010 ([138]), l’article 887 du code de procédure civile prévoyait que « le tribunal peut, avec l’accord des parties, déléguer la mission de conciliation à un conciliateur de justice désigné à cette fin ». Puis, à l’issue d’une nouvelle modification ([139]), le tribunal peut déléguer la mission de conciliation – y compris sans l’accord des parties.

Cette pratique est particulièrement efficace et appréciée par les parties prenantes, lorsqu’elle est bien mise en œuvre. Selon les représentants de la FNSEA, l’audience de conciliation devrait même être considérée comme le « vrai rôle du tribunal » dans la mesure où « il vaut mieux conclure un mauvais accord de conciliation, dans lequel les parties se sont quand mêmes entendues, qu’un mauvais jugement qui ne convient à personne » ([140]). De la même manière, M. Samuel Crevel considère que la « phase de conciliation peut être très profitable si le président qui la dirige y croit et fait cet effort de diagnostiquer la situation et les besoins des parties prenantes » ([141]). Enfin, le Conseil supérieur du notariat rappelle que cette phase de conciliation présente plusieurs avantages, s’agissant en particulier des délais et des coûts.

Toutefois, dans la pratique, cette étape est souvent perçue comme une formalité et les audiences sont jugées trop rapides, et par conséquent souvent non conclusives. Aussi, Mme Caroline Varlet-Angove a souligné lors de son audition que la qualité des conciliations varie selon les tribunaux, en particulier parce que certains conciliateurs sont éloignés du monde rural et ne parviennent pas à en saisir les enjeux. Enfin, les parties sont souvent absentes lors de l’audience de conciliation, entraînant un renvoi de l’affaire pour être jugée, en application de l’article 888 du code de procédure civile.

Pour améliorer le fonctionnement des procédures de conciliation, et si la représentation par un avocat devant les TPBR restait facultative, M. le Rapporteur Antoine Savignat suggère de prévoir une obligation de double audience de conciliation assortie d’un délai minimum à respecter entre chacune d’elles. Cette disposition permettrait de renforcer l’efficacité de l’audience de conciliation en prévoyant un temps de réflexion pour les parties, de nature à améliorer les chances de trouver un compromis.

 

Recommandation n° 17 de M. le Rapporteur Antoine Savignat : rendre obligatoire la représentation par un avocat devant les TPBR, dès l’audience de conciliation. À défaut, prévoir une obligation de double audience de conciliation avant le renvoi au jugement, et assortir cette obligation d’un délai minimum à respecter entre chaque audience.

En tout état de cause, les Rapporteurs sont favorables à ce que soient précisées dans le droit les différentes étapes de l’audience de conciliation (réunion à huis clos, audition des parties qui présentent leur situation en présence des assesseurs, etc.). Cette évolution aurait pour objet d’éviter les audiences « expresses », dénoncées par les différentes personnes auditionnées.

 

Recommandation n° 18 : préciser les conditions du déroulement de l’audience de conciliation afin de favoriser le dialogue entre les parties.

 

 


– 1 –

 

Travaux de la Commission

Lors de sa réunion du mercredi 22 juillet 2020, la commission des Lois a examiné ce rapport d’information et, à l’unanimité, en a autorisé la publication.

Ces débats ne font pas l’objet d’un compte rendu. Ils sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/tAcfTs

 

 


– 1 –

 

Liste des recommandations

Préserver l’attractivité du bail rural et assouplir la relation contractuelle

Recommandation n° 1 : prévoir des incitations fiscales pour encourager le recours au bail rural écrit.

Recommandation n° 4 : mieux définir, en particulier dans le cadre du bail cessible, les conditions de la cessibilité et les modalités de calcul de l’indemnité de résiliation.

Recommandation n° 5 : ouvrir la possibilité, en cas d’accord écrit des deux parties, de fixer des clauses supplémentaires dans le contrat de bail rural afin de permettre, notamment, des sous-locations temporaires ou des activités annexes en contrepartie d’une majoration du fermage ou d’un partage des revenus issus de ces dérogations.

Recommandation n° 6 : repenser la fixation des indices du prix du fermage en redéfinissant les critères de calcul des barèmes, sans les déplafonner, ni modifier les équilibres existants.

Recommandation n° 7 : sanctionner plus sévèrement le non-paiement du fermage, en prévoyant qu’après deux mises en demeure non suivies d’effet, le juge ne puisse que constater la résiliation du contrat.

Recommandation n° 8 : à l’article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime, substituer le défaut d’entretien à l’exigence pour le bailleur de démontrer la compromission de la bonne exploitation du fonds pour obtenir la résiliation du bail.

 

Encourager la conclusion de baux écrits

Recommandation n° 14 : rendre l’état des lieux obligatoire pour les baux ruraux conclus sur une surface dépassant un seuil fixé par arrêté préfectoral et variant selon les cultures.

Recommandation n° 15 : mettre à disposition des parties un modèle de bail rural et d’état des lieux.

Recommandation  8 : à l’article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime, substituer le défaut d’entretien à l’exigence pour le bailleur de démontrer la compromission de la bonne exploitation du fonds pour obtenir la résiliation du bail, lorsque celui-ci est écrit.

Recommandation n° 9 : limiter à trois fois neuf ans le nombre de renouvellements du bail rural, lorsqu’il est écrit, et donner la possibilité d’un quatrième renouvellement si le preneur se trouve à moins de neuf ans de la retraite.

 

Simplifier le contrôler des structures

Recommandation n° 11 : renforcer la publicité foncière (allongement à deux mois des délais pour les attributions par la SAFER et publication dans la presse locale de l’ensemble des demandes d’autorisation).

Recommandation n° 12 : retirer, au II de l’article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, l’exigence de liberté du bien pour pouvoir bénéficier du régime déclaratif de contrôle des structures dans le cadre des cessions intrafamiliales.

Recommandation n° 13 : permettre l’exercice du contrôle des structures sur les cessions partielles de parts sociales.

 

Prévenir et améliorer la résolution des contentieux relatifs aux baux ruraux

Recommandation n° 16 : modifier la procédure de révision en fermage anormal, en rendant possible la saisine du TPBR au cours de la sixième année après la conclusion du bail.

Recommandation n° 17 de M. le Rapporteur Antoine Savignat : rendre obligatoire la représentation par un avocat devant les TPBR, dès l’audience de conciliation. À défaut, prévoir une obligation de double audience de conciliation avant le renvoi au jugement, et assortir cette obligation d’un délai minimum à respecter entre chaque audience.

Recommandation n° 18 : préciser les conditions du déroulement de l’audience de conciliation afin de favoriser le dialogue entre les parties.

 

Adapter le bail rural aux évolutions de l’agriculture

Recommandation n° 3 : permettre aux exploitations agricoles en société de bénéficier de la protection du droit des procédures collectives, sous réserve des adaptations nécessaires à la réalité économique et juridique du monde agricole.

Recommandation n° 10 : en cas de cession à titre onéreux de biens ruraux, ne pas appliquer la décote liée aux terres occupées lorsque le preneur fait usage de son droit de préemption.

Recommandation n° 2 : compléter l’article L. 732-39 du code rural et de la pêche maritime afin d’obliger l’agriculteur retraité à prendre prioritairement sa parcelle de subsistance parmi les terres dont il est propriétaire.

 

 

 


– 1 –

 

   Annexe : La Réforme des baux ruraux en Wallonie

Le statut des baux ruraux en Wallonie était, avant sa réforme en mai 2019, très proche du régime français. Comme l’a rappelé lors de son audition M. René Collin, ancien ministre de l’agriculture wallon, chargé de cette réforme, il s’agissait d’un régime ancien, conçu en 1929, et rarement réformé puisque la dernière modification du statut datait de 1988.

Les principaux problèmes mis en évidence étaient : l’oralité des baux et la fragilité des relations contractuelles ; le caractère quasi perpétuel du bail à ferme et les abus constatés dans la pratique, qui entrainaient une perte de confiance des propriétaires avec pour conséquence une diminution des terres mises à bail ; l’impossibilité d’avoir une connaissance fiable de l’état du foncier agricole en raison du caractère majoritairement oral des baux ruraux et des multiples cessions, échanges et sous-locations.

Les objectifs de la réforme ont été de préserver la protection les agriculteurs tout en équilibrant mieux les droits des bailleurs et des preneurs, de redonner confiance en l’institution du bail à ferme, de permettre aux propriétaires de mieux gérer leur bien et de favoriser l’installation de jeunes agriculteurs.

Préalablement à la réforme, la notification des ventes de foncier agricole par les notaires a été rendue obligatoire afin d’effectuer un suivi statistique des mutations des surfaces agricoles.

La réforme du bail rural wallon a concerné l’ensemble du statut juridique :

– Le bail et ses modifications doivent être écrits et contenir la date d’entrée, la durée, les données cadastrales et l’état des lieux. Une période transitoire de cinq ans a été prévue pour la régularisation des baux verbaux.

– Le nombre de renouvellements a été limité à trois consécutifs de neuf ans, soit un maximum de 36 ans. Le compte reprend à zéro en cas de reprise du bail. Deux dérogations restent possibles : l’extension du bail au-delà des 36 ans si cela permet au preneur d’atteindre l’âge de la retraite ; le recours à un bail de courte durée de 5 ans pour couvrir les situations temporaires (liquidation de succession par exemple).

– Pour faciliter la vente, notamment en cas de besoin urgent de liquidité, le bailleur peut récupérer jusqu’à deux hectares de son bien loué sous bail à ferme afin de le vendre libre d’occupation.

– En contrepartie, la résiliation du bail ne peut faire passer l’exploitation du preneur en-deçà d’une superficie minimale de rentabilité.

– Des critères d’attribution des terres agricoles appartenant à un bailleur public sont précisés, notamment l’âge de l’exploitant (pour favoriser l’installation des jeunes).

– Le calcul des coefficients de fermage a été repensé. L’index est constitué, à parts égales, de l’indice des prix à la consommation et du revenu du travail agricole à l’hectare. Le montant du fermage résulte de la multiplication du revenu cadastral non indexé des parcelles par ce coefficient.

M. René Collin a indiqué aux Rapporteurs que cette réforme avait fait l’objet d’une large consultation ayant permis de trouver un accord entre l’ensemble des parties. Comme elle n’est entrée en vigueur qu’en janvier 2020, l’évaluation de cette réforme est encore prématurée mais son existence démontre qu’il est possible de mener une réforme ambitieuse du statut juridique des baux ruraux.

 


– 1 –

 

   Liste des personnes entendues

Mardi 11 février 2020

 Table ronde d’universitaires et de professionnels du droit

   M. Hubert Bosse-Platière, professeur de droit privé à l’université de Bourgogne

   Mme Olivia Feschotte Desbois, avocate au Conseil d’État et à la Cour de cassation

   M. Bernard Mandeville, avocat

   M. Jean-Baptiste Millard, délégué général du think tank Agridées

   M. Frédéric Rocheteau, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation

Mercredi 12 février 2020

 Table ronde d’universitaires et de professionnels du droit

   M. Samuel Crevel, avocat, maître de conférence en droit de l’agriculture à l’université Paris 1 Panthéon - Sorbonne

   M. Benoît Grimonprez, professeur de droit privé à l’université de Poitiers

   M. Didier Krajeski, professeur à l’université Toulouse 1 Capitole

   Mme Christine Lebel, maître de conférence en droit privé à l’université de Bourgogne

Mercredi 19 février 2020

 Confédération paysanne

   Mme Véronique Marchesseau, représentante

   Mme Delphine Gavend, représentante

 Jeunes agriculteurs

   Mme Mathilde Roby, représentante

   M. Sébastien Richard, représentant

 Coordination rurale

   M. Christian Convers, représentant

Mardi 25 février 2020

 Association des maires de France

   M. Olivier Pavy, maire référent sur les questions d’urbanisme

   M. Jeff Chopy, conseiller technique

Lundi 24 février 2020

 Dans le cadre de leur visite au Salon international de l’agriculture

   Représentants des syndicats d’agriculteurs

   Représentants de la chambre d’agriculture d’Île-de-France

   Représentants de la sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) d’Île-de-France.

Mercredi 4 mars 2020

 Fédération nationale des SAFER

   M. Emmanuel Hyest, président

   Mme Sabine Agofroy, chargée des relations publiques et des affaires européennes et internationales

Jeudi 11 juin 2020

 Terre de liens

   Mme Hélène Bertau, chargée de gestion locative

   M. Tanguy Martin, chargé de mission

 M. Guillaume Sainteny, membre de l’Académie d’agriculture de France

Mercredi 17 juin 2020

 Ministère de la Justice

   M. Jean-François de Montgolfier, directeur des affaires civiles et du Sceau

 Fédération nationale de la propriété rurale

   M. Bruno Ronssin, directeur

 Union nationale des experts-comptables agricoles

   M. Bernard Bizouard, président

Jeudi 18 juin 2020

 Association pour contribuer à l’amélioration de la gouvernance de la terre, de l’eau et des ressources naturelles (AGTER)

   M. Robert Levesque, président

 Conseil supérieur du notariat

   M. François Devos, directeur des affaires juridiques

   M. Guillaume Lorisson, membre de l’Institut notarial de l’espace rural et de l’environnement

 Conseil national des barreaux

   M. Thomas Charat, président de la commission droit et entreprises

   Mme Caroline Varlet-Angove, avocate spécialisée en droit rural

Mercredi 24 juin 2020

 Ministère de l’Agriculture

   M. Éric Zunino, sous-directeur de la performance environnementale et de la valorisation des territoires

   M. Baptiste Meunier, chef du bureau foncier

   M. Noël De la Pomelie, chargé de mission au bureau foncier

Jeudi 25 juin 2020

 Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA)

   M. Bertrand Lapalus, président de la section nationale des fermiers et métayers

   M. Patrice Chaillou, secrétaire général de la section nationale des fermiers et métayers

   Mme Émilie Laithier, juriste à la section nationale des fermiers et métayers

   M. Patrice Joseph, président de la section nationale des propriétaires ruraux

   M. Jean Barreau, secrétaire général de la section nationale des propriétaires ruraux

   M. Augustin Dufour, juriste à la section nationale des propriétaires ruraux

 Conseil national de l’expertise foncière agricole et forestière

   M. Christophe Duhem, président

   M. Nicolas Doret, expert foncier et agricole

   M. Thibault Loncke, conseiller

Mercredi 1er juillet 2020

 Association des maires ruraux de France

   M. François Descoeur, maire d’Anglards-de-Salers

 Fédération nationale des agents immobiliers (FNAIM)

   M. Jean-Marc Torrollion, président

   M. Bernard Charlotin, président de la commission nationale des affaires rurales et forestières

   M. Olivier Raffin, vice-président de la commission nationale des affaires rurales et forestières commission

 Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF)

   M. Pierre Thomas, président

Jeudi 2 juillet 2020

● M. René Collin, député wallon et de la fédération Wallonie-Bruxelles, ancien ministre wallon de l’Agriculture

Jeudi 9 juillet 2020

 Table ronde d’universitaires

   M. Luc Bodiguel, chargé de recherche au CNRS

   M. Pierre-Etienne Bouillot, maître de conférences à AgroParisTech

 

 

 


([1]) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

([2]) J. Hudault, Droit rural, Encyclopédie universalis.

([3]) M. Bloch, L’individualisme agraire dans la France du XVIIIème siècle, 1978.

([4]) H. Bosse-Platière, Avant-propos à un avant-projet de loi foncière, 2018.

([5]) S. Prigent, Bail rural – Traits fondamentaux du statut du fermage, Répertoire de droit immobilier, Dalloz, octobre 2013.

([6]) B. Peignot, A. Guivarch’h, P. Van Damme, Le statut du fermage, 2007.

([7]) S. Prigent, op. cit.

([8]) B. Peignot, A. Guivarch’h, P. Van Damme, op. cit.

([9]) H. Bosse-Platière, « Incertain(s) regard(s) sur la propriété foncière », Revue de l’Académie de l’agriculture de France, 2019.

([10]) Une première version du statut du fermage fut proposée par le gouvernement du Front populaire et votée par la Chambre des députés. Mais elle fut repoussée par le Sénat en 1936, sous la pression des propriétaires.

([11]) Ordonnance n°45-2380 du 17 octobre 1945 relatif au statut juridique du fermage.

([12]) Loi n° 46-682 du 13 avril 1946 portant modification de l’ordonnance du 4 décembre 1944 relative aux Commissions paritaires compétentes pour statuer sur les contestations entre bailleurs et preneurs de baux à ferme.

([13]) S. Prigent, op. cit.

([14]) G. Cornu, Vocabulaire juridique, Presses universitaire de France, 2011.

([15]) Cass. Civ. 3ème 17 novembre 1998, n° 97-12.409.

([16]) Voir par exemple Cass, Civ. 2 juin 1999, n° 97-14.271 dans laquelle sont considérées comme une contrepartie des réparations sur divers éléments tels qu’une serre et des canalisations d’eau.

([17]) S. Prigent, op.cit.

([18]) Deuxième alinéa de l’article L. 411-1 du code rural.

([19]) S. Prigent, op. cit.

([20]) Ibid.

([21]) C’est-à-dire pour une utilisation simplement saisonnière du bien ou une non-reconduction de l’opération par exemple, voir sur ce point S. Prigent, op. cit.

([22]) S. Prigent, op. cit.

([23]) Hétérogénéité et différenciation des unités de production agricole européennes : illustrations des situations anglaise, allemande et française, Comité technique foncier et développement, juillet 2018.

([24]) Cass, Soc. 4 mai 1956, D. 1957. 313, note Malaurie ; JCP 1957. II. 9762, note Ourliac et de Juglart.

([25]) S. Prigent, op. cit.

([26]) Article L. 415-12 du code rural et de la pêche maritime.

([27]) Cass, Civ. 3ème, 2 décembre 1987, n° 86-10.793.

([28]) Nonobstant toute clause ou convention contraire.

([29]) Article L. 411-50 du code rural et de la pêche maritime.

([30]) Article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime.

([31]) Ce principe s’applique aux cessions à titre onéreux comme à titre gratuit.

([32]) M. Lagarde, R. Bour, Tribunal paritaire des baux ruraux, Répertoire de droit immobilier, 2018.

([33]) H. Solus, Le statut hérétique des tribunaux paritaires des baux ruraux, 1950.

([34]) Article L. 492-1 du code rural et de la pêche maritime.

([35]) Ibid.

([36]) J-P. Moreau, Tribunaux paritaires des baux ruraux, Fasc. 1200-70, JurisClasseur Procédure civile, 2020.

([37]) 74 % d’abstention. En outre, faute d’assesseurs, 18 tribunaux n’ont pas pu être constitués.

([38]) Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, article 104.

([39]) Article L. 492-2 du code rural et de la pêche maritime.

([40]) J-P. Moreau, op. cit.

([41]) Contribution écrite de la direction des affaires civiles et du Sceau.

([42]) F. Courveux, Augmentation de la part des terres agricoles en location : échec ou réussite de la politique foncière ?, Économie et statistique n° 444-445, 2011.

([43]) Colloque du Cercle des économistes, L’investissement : la confiance en acte, Y. Algan, X. Bertrand, A. Shleifer, C. Blanchard-Dignac, B. Gainnier, G. Pepy, H. Vedrine, M. Stevenson, 2014.

([44]) F. Courveux, op. cit.

([45]) J. Madec, Réflexion à propos du marché des terres et de l’accession à la propriété foncière agricole, 1969.

([46]) F. Courveux, op. cit.

([47]) Contribution écrite de la direction des affaires civiles et du Sceau.

([48]) V. Barabé-Bouchard, L’omniprésence de la famille au sein de l’exploitation agricole : une situation de fait encouragée par les règles de droit, revue juridique de l’Ouest, 2012.

([49]) Participant à l’exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès.

([50]) Ayant atteint la majorité ou émancipé.

([51]) CEDH, Affaire Gauchin c. France, 19 juin 2008, n° 7801/03.

([52]) F. Courveux, op. cit.

([53]) Agreste, enquête structure, 2016.

([54]) F. Courveux, op. cit.

([55]) Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

([56]) Article L. 411-4 du code rural et de la pêche maritime.

([57]) Cf. supra.

([58]) Article L. 411-69 du code rural et de la pêche maritime.

([59]) Article L. 418-1 du code rural et de la pêche maritime.

([60]) Article 32 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

([61]) Articles L. 312-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime.

([62])  Articles L. 323-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime.

([63]) Article L. 323-3 du code rural et de la pêche maritime.

([64]) Articles L. 324-4 et suivants du code rural et de la pêche maritime.

([65]) Article L. 322-6 du code rural et de la pêche maritime.

([66]) Les lois n° 60-808 du 5 août 1960 d’orientation agricole et n° 62-933 du 8 août 1962 complémentaire à la loi d’orientation agricole instaurent le contrôle des structures et crée les SAFER.

([67]) La loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 d’orientation agricole reconnait le statut des conjoints d’exploitants agricoles.

([68]) La loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d’orientation agricole permet au bailleur de « reprendre, pour lui-même ou l’un des membres de sa famille jusqu’au troisième degré inclus, une surface déterminée par arrêté du préfet, pris sur proposition de la commission consultative paritaire départementale des baux ruraux, en vue de la construction d’une maison d’habitation » (article 411-57 du code rural et de la pêche maritime).

([69]) La loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d’orientation agricole crée les baux cessibles et les clauses environnementales.

([70]) Article 39 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

([71]) Voir tableau ci-après

([72]) Article 976 du code général des impôts.

([73]) Qu’il en soit le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité, le concubin notoire, l’un de leurs frères et sœurs, l’un de leurs ascendants ou descendants ou le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin notoire de l’un de leurs ascendants ou descendants.

([74]) Quel que soit le nombre de baux.

([75]) Article L. 415-3 du code rural.

([76]) Aux termes de l’article L. 1394 B bis du code général des impôts, et depuis 2006, les terres agricoles sont exonérées, à hauteur de 20 % de leur base d’imposition, de la part communale et intercommunale de la taxe foncière sur les propriétés non bâties.

([77]) Article L. 415-3 du code rural et de la pêche maritime.

([78]) Le monde agricole en tendances. Étude du Centre d’étude et de prospective du ministère de l’Agriculture, La documentation française, sept. 2011.

([79]) Contribution de l’Assemblée des départements de France.

([80]) Audition de la FNSAFER.

([81]) H. Bosse-Platière, « L’avenir familial de l’exploitation agricole », Économie rurale, sept-déc. 2005, p. 4.

([82])  Voir encadré supra.

([83]) Cf. infra.

([84]) Rapport fait au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire de l’Assemblée nationale sur le projet de loi d’orientation agricole, 1ère lecture, M. Antoine Herth, député, n° 2547, XIIème législature, 28 septembre 2005.

([85]) Loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d’orientation agricole.

([86]) Contribution écrite de la direction des affaires civiles et du Sceau.

([87]) Articles L. 411-31 et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime.

([88]) Cass. 3e civ., 19 janv. 2010, n° 09-65.160.

([89]) Le projet de loi d’orientation agricole de 1999, dans sa version initiale, proposait à son article 6 de reconnaitre comme agricoles « les activités de l’exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l’acte de production ou des activités auxquelles il se livre pour valoriser le cheptel et les productions de l’exploitation et qui sont exercées sur le site de l’exploitation […] les travaux que l’exploitant réalise avec le matériel nécessaire à son exploitation et qui présentent un caractère accessoire […] les activités de restauration et d’hébergement à usage touristique ou de loisirs, réalisées par un exploitant sur le site de l’exploitation, à condition qu’elles présentent un caractère accessoire et que, s’agissant de la restauration, elle soit assurée principalement au moyen de produits de l’exploitation ». Cet article avait été supprimé en cours d’examen devant le Parlement.

([90])  Audition de Mme Christine Lebel, maître de conférence en droit privé à l’université de Bourgogne.

([91])  Audition de M. Bernard Mandeville, avocat.

([92])  H. Bosse-Platière, « Baux ruraux - Un statut de la liberté », Droit rural, n° 449, janvier 2017.

([93]) Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

([94])  Contribution écrite de la FNSEA.

([95]) « Hétérogénéité et différenciation des unités de production agricole européennes », Notes de synthèse Foncier et développement, juillet 2018, n° 26.

([96]) V. Barabe-Boucharda, op. cit.

([97])  H. Bosse-Platière, Baux ruraux - Un statut de la liberté, Droit rural, n° 449, Janvier 2017.

([98]) Le rendement locatif détermine le ratio entre les revenus locatifs annuels et la valeur des terres agricoles.

([99]) Contribution écrite du ministère de l’agriculture, sur la base de données issues des SAFER.

([100]) Ibid.

([101]) Le prix des terres et prés libres acquis par des agriculteurs a connu sa première baisse en 2017, après une augmentation continue depuis 1995. Voir « les marchés fonciers ruraux en 2018 », SAFER, mai 2018.

([102]) Audition de M. Didier Krajeski, professeur à l’université Toulouse 1 Capitole.

([103]) Civ. 3e, 13 septembre 2018, n° 17-14.301.

([104]) S. Prigent, op. cit.

([105]) S. Prigent, op. cit.

([106]) Sauf en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes.

([107]) S. Prigent, op. cit.

([108]) Cass., soc. 16 avr. 1953, Bull. civ. IV, n° 273.

([109]) Deux défauts de paiement de fermage ayant persisté à l’expiration d’un délai suivant la mise en demeure, des agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, etc.

([110]) Voir annexe.

([111]) Wallonie agriculture SPW, Réformes des législations relatives au bail à ferme, août 2019.

([112]) Sauf si le bailleur accepte la poursuite du bail ou que les parties décident de conclure un « bail fin de carrière » de quelques années.

([113])  S. Prigent, op. cit.

([114]) B. Mandeville, C. Varlet, Vente de terres agricoles : mesures à prendre face aux risques, La revue bleue – informations juridiques et pratiques n° 330, décembre 2005.

([115]) Décret n° 2015-713 du 22 juin 2015 relatif au schéma directeur régional des exploitations agricoles et au contrôle des structures des exploitations agricoles.

([116])  Article R. 142-3 du code rural et de la pêche maritime.

([117]) Article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime.

([118])  Conseil d’État, 31 mars 2017, n° 392875.

([119])  Conseil constitutionnel, décision n° 2017-748 DC du 16 mars 2017, Loi relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle, § 10.

([120]) Article L. 411-4 du code rural et de la pêche maritime.

([121]) S. Prigent, op. cit.

([122]) Cf supra.

([123]) Articles L. 411-69 et R. 411-15 du code rural et de la pêche maritime.

([124]) Le second alinéa du même article précise : « À défaut d’écrit enregistré avant le 13 juillet 1946, les baux conclus verbalement avant ou après cette date sont censés faits pour neuf ans aux clauses et conditions fixées par le contrat type établi par la commission consultative des baux ruraux ».

([125]) Article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime.

([126]) B. Grimonprez, Formation et durée du bail rural, Synthèse Jurisclasseur, 2019.

([127]) C’est notamment le choix qui a été fait en Wallonie, dans le cadre de la réforme des législations relatives au bail à ferme.

([128]) Wallonie agriculture SPW, Réformes des législations relatives au bail à ferme, août 2019. 

([129]) Audition de M. René Collin, député wallon et de la fédération Wallonie-Bruxelles, ancien ministre wallon de l’agriculture.

([130])  S. Prigent, op. cit.

([131]) Contribution écrite de la FNSEA.

([132]) Contribution écrite de la direction des affaires civiles et du Sceau.

([133]) Ibid.

([134]) Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([135]) Article 888 du code de procédure civile.

([136]) Voir par exemple Cass, 3ème ch. Civile, 19 février 1997, n° 95-15.016

([137]) D. d’Ambra, S. Guinchard, Chapitre 337 – procédure devant le tribunal paritaire des baux ruraux, Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz.

([138]) Décret n° 2010-1165 du 1er octobre 2010 relatif à la conciliation et à la procédure orale en matière civile, commerciale et sociale, article 8.

([139]) Modification opérée par le décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 relatif à la simplification de la procédure civile à la communication électronique et à la résolution amiable des différends, article 26.

([140]) Audition de la FNSEA.

([141]) Contribution écrite de M. Samuel Crevel.