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N° 4390

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 juillet 2021.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA MISSION d’information commune ([1])

relative aux entreprises en difficulté du fait de la crise sanitaire

Président
M. Romain GRAU
 

Rapporteurs
Mme Anne-Laurence PETEL et M. Antoine SAVIGNAT

Députés

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La mission d’information est composée de :

M. Romain Grau, président

Mme Anne-Laurence Petel et M. Antoine Savignat, rapporteurs

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Jean-Louis Bricout, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Jennifer De Temmerman, Mme Typhanie Degois, Mme Cécile Delpirou, Mme Christelle Dubos, Mme Stella Dupont, M. Raphaël Gauvain, M. Philippe Huppé, M. Mohamed Laqhila, M. Christophe Naegelen, Mme Valérie Oppelt, M. Éric Pauget, M. Stéphane Peu, M. Richard Ramos, M. Rémy Rebeyrotte, M. François Ruffin, M. Robert Therry et Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas.

 


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SOMMAIRE

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SYNTHÈSE

AVANT-PROPOS DU PRÉSIDENT

INTRODUCTION DES RAPPORTEURS

PREMIÈRE PARTIE : ÉTAT DES LIEUX DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DES ENTREPRISES FRANÇAISES ET DU CADRE APPLICABLE AUX ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

I. l’économie française maintenue à flot grâce au « quoi qu’il en coûte »

A. les pouvoirs publics ont mis en place une palette de dispositifs de soutien sans précédent pour les entreprises

1. Le financement de l’activité partielle et les aides du fonds de solidarité : des subventions qui ne créent pas d’endettement pour les entreprises

a. L’activité partielle a été assouplie pour sauvegarder les emplois

b. Le fonds de solidarité vise à compenser les pertes subies

c. Des mesures de soutien complémentaires

2. Les reports de charges sociales et fiscales et l’octroi de prêts garantis par l’État : des mesures efficaces qui posent néanmoins la question de l’endettement de leurs bénéficiaires

a. Des reports de prélèvements obligatoires qui posent la question de leur apurement

i. Les reports de charges sociales

ii. Les reports de charges fiscales

b. L’État a massivement garanti des prêts bancaires dont le remboursement sera un enjeu majeur de la reprise

c. Les poursuites en cas de non-paiement des loyers et des factures énergétiques ont été arrêtées

B. les entreprises ont largement sollicité ces dispositifs

1. Le recours aux aides varie en fonction du temps et des secteurs d’activité

a. Une évolution constatée au cours de la crise sanitaire

b. Une hétérogénéité selon l’activité des entreprises

2. Les aides ont bénéficié aux entreprises qui en avaient le plus besoin

a. Des mesures de soutien correctement ciblées

b. Des recours qui n’ont pas été systématiques

II. la situation actuelle ne doit pas masquer les difficultés des entreprises amenées à persister dans les mois et années à venir

A. un paradoxe apparent : Le niveau historiquement bas du nombre d’entreprises en procédure collective

1. Une chute inédite du nombre de défaillances

a. Une baisse de près de 40 % du nombre de défaillances entre 2019 et 2020

b. Un sursis qui concerne principalement les entreprises les plus petites, indépendamment du secteur d’activité

2. Un effet de rattrapage encore à venir

B. LA CRISE amplifie LES FAIBLESSES STRUCTURELLES du tissu entrepreneurial français

1. La crise provoque un endettement des entreprises et compromet leurs capacités à investir

a. Des effets multiples et néfastes sur l’économie française

b. L’endettement risque de peser sur le besoin en fonds de roulement et les capacités d’investissement

ii. Une problématique d’autant plus centrale que le niveau d’endettement des entreprises françaises est structurellement élevé

2. Ces effets conjoncturels interviennent dans un contexte économique structurellement marqué par certaines fragilités du tissu économique français et plus particulièrement des TPE

a. Un tissu productif caractérisé par une grande concentration et un nombre insuffisant d’entreprises de taille intermédiaire

b. Les fonds propres des TPE sont structurellement faibles

III. Face À cette situation, Le cadre applicable aux entreprises en difficulté présente une boîte à outilS à la fois foisonnante et complexe

A. LA NOTION D’entreprise en difficulté

B. Le droit français prévoit une diversité de procédures offrant des solutions différentes en fonction du niveau de gravité des difficultés

1. Les fondements du droit des entreprises en difficulté

a. Du droit de la faillite au droit des entreprises en difficulté

b. Un droit qui donne aujourd’hui la priorité aux objectifs de poursuite de l’activité et de maintien de l’emploi

2. Les procédures amiables : une intervention précoce assortie de nombreux avantages

a. Caractéristiques communes

b. Le mandat ad hoc

c. La procédure de conciliation

3. Les procédures collectives : des outils nombreux pour tenter de sauver l’entreprise à un stade plus avancé des difficultés

a. Les procédures de sauvegarde et de redressement

i. Des distinctions importantes concernant les modalités d’ouverture

ii. Des similitudes concernant le déroulement de la procédure et son traitement

iii. Les variantes de la sauvegarde : la procédure de sauvegarde accélérée et la procédure de sauvegarde financière accélérée

b. La liquidation judiciaire

4. Un bilan chiffré insatisfaisant

a. Alors qu’une prise en charge précoce des difficultés augmente significativement les chances de survie de l’entreprise,…

b. … les procédures préventives représentent une faible part du contentieux, composé pour l’essentiel de liquidations directes

C. une multitude d’ACTEURS susceptibleS d’intervenir

1. Le rôle des pouvoirs publics

a. Au niveau national

b. Au niveau local

i. Le rôle du CODEFI

ii. Le rôle du CRP

iii. D’autres intervenants

2. Des initiatives privées également nombreuses

SECONDE PARTIE : PRÉPARER L’AVENIR  ANTICIPER, ACCOMPAGNER, RENFORCER L’EFFICACITÉ DES PROCÉDURES ET POSER LES CONDITIONS DU REBOND

I. anticiper : préparer la sortie de crise pour éviter une « déperfusion » trop brutale des entreprises

A. lever progressivement les mesures de soutien aux entreprises

1. Maintenir au cas par cas les aides qui ne créent pas d’endettement pour les entreprises

a. Le maintien d’un régime d’activité partielle de longue durée

b. La prolongation du fonds de solidarité pour les entreprises durablement touchées

2. Réussir la sortie des prêts garantis par l’État

a. Un endettement brut conséquent

b. Un besoin d’allongement de l’amortissement

c. Prolonger ou transformer les prêts garantis par l’État ?

3. Échelonner les recouvrements des prélèvements obligatoires

B. isoler le fait « covid-19 » du bilan des entreprises

1. La lisibilité des comptes des entreprises au cours d’exercices marqués par un contexte particulièrement exceptionnel pose problème

a. Des conséquences sur l’ensemble des éléments constitutifs des comptes

b. L’isolement d’un « fait Covid-19 » permettrait d’obtenir une image fidèle de la situation réelle

2. Inscrire les conséquences économiques de la pandémie dans les comptes annuels

a. Le principe d’une annexe « fait Covid-19 » au bilan et au compte de résultat

b. La présentation des déséquilibres engendrés au bilan et au résultat

C. renforcer durablement les capacités de financement des entreprises

1. Un besoin important de renforcement des fonds propres pour les entreprises les plus touchées

a. Une minorité d’entreprises durablement endettées qui pourrait freiner considérablement la reprise

b. Un nécessaire rééquilibrage du ratio d’endettement

2. Inciter le renforcement des fonds propres et mobiliser de nouveaux outils

a. Les propositions du Gouvernement vont dans le bon sens…

b. … mais pourraient voir leur ambition rehaussée

3. Raccourcir les délais de paiement pour garantir les capacités de trésorerie des entreprises françaises

a. Les délais de paiement sont encadrés par le droit

b. Un constat récurrent et renforcé par la crise : les délais de paiement sont globalement trop longs et fragilisent le tissu économique

c. Les leviers pour réduire les délais de paiement

II. DÉTECTER LES DIFFICULTÉS ET ACCOMPAGNER LES ENTREPRISES

A. LES MULTIPLES FREINS DE LA PRévention

1. Les lacunes de la détection : des fragilités souvent non détectées malgré une multitude d’acteurs

a. Panorama des acteurs susceptibles de repérer les difficultés et de lancer l’alerte

i. L’entreprise et ses partenaires

ii. Le tribunal et le greffe

iii. Les services administratifs

b. Des faiblesses nombreuses

i. Dans les petites entreprises, le dirigeant méconnaît souvent ses propres difficultés et n’est pas assez averti par son entourage

ii. Les outils publics de détection des difficultés des entreprises manquent d’efficacité en raison d’un fonctionnement en silo et d’un ciblage parfois inadapté

2. Les lacunes de l’orientation : une gouvernance éclatée, des procédures méconnues et la crainte très ancrée du tribunal

B. Des évolutions indispensables

1. Outiller le chef d’entreprise

a. Garantir un véritable droit et devoir de formation des chefs d’entreprise

b. Inciter le chef d’entreprise à se faire accompagner par des professionnels compétents dans son projet entrepreneurial

c. Diffuser les outils de diagnostic

2. Mobiliser les partenaires de l’entreprise autour de la mission d’alerte et d’information

a. Le rôle de l’expert-comptable

b. Le rôle du commissaire aux comptes

c. Mobiliser et responsabiliser l’ensemble des partenaires de l’entreprise

d. Systématiser l’accompagnement psychologique des dirigeants et soutenir les initiatives privées

3. Rassembler l’ensemble des acteurs autour d’une gouvernance territoriale modernisée

a. Coordonner et moderniser l’action au niveau local

i. Décloisonner les sphères judiciaires et administratives

ii. Moderniser et renforcer les capacités d’intervention des services de l’État

iii. Veiller au bon déploiement des comités locaux de sortie de crise et des conseillers départementaux de sortie de crise

b. Améliorer la lisibilité des dispositifs existants et communiquer auprès des chefs d’entreprise

4. Vers un nouveau tribunal des entreprises : faire du tribunal la clé de voûte de la prévention des difficultés des entreprises

a. Le champ des compétences actuel du tribunal de commerce : un frein à l’efficacité de la prévention

b. Vers un tribunal des entreprises aux compétences repensées pour en faire un véritable lieu de la prévention et de la protection de toutes les entreprises

III. AMÉLIORER LE TRAITEMENT DES DIFFICULTÉS : MODERNISER LES PROCÉDURES POUR SE DONNER LES MOYENS DE PASSER LE CAP DE LA CRISE

A. Un vent De réformeS

1. Des modifications provisoires prises par ordonnances dans le contexte de la crise sanitaire et économique

a. L’ordonnance n° 2020-306 du 23 mars 2020 : des mesures urgentes pour faire face à la crise

b. L’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 : des dérogations temporaires d’ampleur pour simplifier et renforcer l’attractivité des procédures

c. L’ordonnance n° 2020-1443 du 25 novembre 2020 : des mesures pour compléter le cadre dérogatoire

2. L’instauration d’une procédure de sortie de crise simplifiée pour les petites entreprises à l’occasion de la loi du 31 mai 2021 portant dispositions relatives à la sortie de crise

3. Les modifications envisagées concernant les procédures de restructuration préventives dans le cadre de la directive « restructuration et insolvabilité »

a. Les grands principes de la directive en matière de restructuration préventive

b. Les enjeux de la transposition en droit français

B. Un mouvement à poursuivre et consolider

1. Améliorer l’attractivité des procédures amiables

a. Encadrer davantage le coût des procédures amiables

i. Les enjeux relatifs à la rémunération des mandataires de justice

ii. La question de la prise en charge des frais de procédure par le débiteur

b. Pour une procédure de conciliation modernisée

2. Adapter les procédures collectives pour les entreprises ayant particulièrement souffert de la crise

a. Élargir le bénéfice de la procédure simplifiée de sortie de crise à l’ensemble des PME

b. Allonger la durée des plans de continuation pour les entreprises particulièrement touchées par la crise

3. Garantir la rapidité et la souplesse des procédures

a. Permettre une saisine plus rapide du tribunal

b. Réduire les délais de la période d’observation

c. Repenser le rôle du juge-commissaire en matière de contestation et déclaration de créances

i. Donner compétence au juge-commissaire en matière de contestation des créances

ii. Prévoir la déclaration des créances sous la seule responsabilité du mandataire judiciaire

d. Conforter la place des administrateurs et des mandataires judiciaires

4. Lever les obstacles procéduraux à la réussite du sauvetage de l’entreprise

a. Assurer l’accès à la commande publique

i. Des évolutions juridiques récentes qui vont dans le bon sens

ii. Parachever la réforme en autorisant toutes les entreprises en procédure de redressement judiciaire à accéder à la commande publique

b. Aligner le traitement des financements en crédit-bail avec celui des prêts bancaires « classiques »

c. Inscrire durablement dans notre droit le privilège du « post money »

5. Rendre le redressement judiciaire plus protecteur du chef de TPE et PME

6. Repenser les rapports de force entre les différentes parties prenantes

a. Renforcer les outils permettant de passer outre le blocage de l’actionnaire

b. Porter une attention particulière aux petits créanciers pour éviter un effet « domino »

7. Le droit des entreprises en difficulté est-il trop complexe ?

IV. POSER LES CONDITIONS NÉCESSAIRES du rebond

A. Permettre un traitement accéléré de la liquidation lorsqu’aucune autre solution n’est possible

1. La liquidation entraîne des conséquences très lourdes pour l’entrepreneur individuel

2. Des délais qui peuvent s’éterniser

3. Envisager de modifier les conditions de licenciement des salariés protégés en cas de liquidation judiciaire

4. Consolider et renforcer les procédures de liquidation simplifiée et de rétablissement professionnel

a. Pérenniser les modifications apportées par l’ordonnance du 20 mai 2020 concernant la procédure de liquidation simplifiée

b. Développer le recours à la procédure de rétablissement professionnel

5. Limiter dans le temps le principe d’interdiction d’exercer une activité professionnelle et envisager de prévoir une durée légale de la procédure de liquidation

B. FAVORISER LES reprises

1. Permettre, sous condition, la reprise par le dirigeant

a. Le droit commun : un principe d’interdiction de cession au chef d’entreprise avec des dérogations

b. Les dispositions controversées de l’article 7 de l’ordonnance du 20 mai 2020

c. Face aux controverses, promouvoir une solution permettant de limiter les effets d’aubaine

i. Des avis partagés

ii. Un équilibre à trouver

2. Réfléchir à un nouveau dispositif fiscal pour inciter aux reprises

a. Les dispositions de l’article 44 septies du code général des impôts

b. Un bilan peu satisfaisant rendant nécessaire une réflexion pour un nouveau dispositif

C. SUPPRIMER LES STIGMATES ASSOCIés aux PROCédures collectives ET GARANTIR LE DROIT À l’OUBLI

1. Des stigmates solidement ancrés

2. Consolider le principe du droit à l’oubli dans notre cadre juridique

3. Un changement culturel nécessaire

4. Réformer le régime de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif

a. Consacrer un principe de proportionnalité entre le préjudice causé par la faute de gestion et la condamnation

b. Revoir les règles de prescription et définir la faute de gestion

D. PROTÉGER LE CHEF D’ENTREPRISE

1. Mieux protéger les biens personnels de l’entrepreneur

2. Poursuivre la réflexion pour aller vers une protection sociale des entrepreneurs

LISTE DES PROPOSITIONS

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

DÉPLACEMENTS

ANNEXE 1 : L’ÉCOSYSTÈME DU CHEF D’ENTREPRISE  EN difficulté

ANNEXE 2 : CONTRIBUTION DU GROUPE DE TRAVAIL LOCAL ANIMÉ PAR LA CORAPPORTEURE ANNE-LAURENCE PETEL


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   SYNTHÈSE

La crise sanitaire que nous traversons est aussi une crise économique, qui suscite des inquiétudes majeures pour l’ensemble du tissu économique français. La France est entrée dans la pire récession qu’elle ait connue depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec un recul de 8,2 % du produit intérieur brut (PIB) en 2020 et de 13,8 % sur le seul second trimestre de l’année ([2]).

Face à ce choc inédit, les moyens déployés par les pouvoirs publics ont été à la hauteur des besoins, avec la mise en place d’une palette de dispositifs de soutien sans précédent pour les entreprises. L’activité partielle, le fonds de solidarité, l’octroi de prêts garantis par l’État (PGE), le report du paiement de cotisations sociales et l’ensemble de la politique du « quoi qu’il en coûte » ont permis de maintenir notre économie à flot.

Ce soutien puissant et efficace explique que, paradoxalement, les défaillances d’entreprises ont beaucoup diminué depuis le début de la pandémie. En 2020, leur nombre était inférieur de près de 40 % à celui de l’année précédente. Ce « sursis » concerne principalement les entreprises les plus petites, indépendamment du secteur d’activité.

Si le pire a pu être évité grâce à l’intervention massive des pouvoirs publics, la situation actuelle n’en est pas moins inquiétante, notamment dans la perspective d’un arrêt progressif des aides exceptionnelles mises en place. Les difficultés des entreprises sont amenées à persister dans les mois et les années à venir.

Une attention toute particulière doit être portée sur les petites entreprises, qui sont les plus touchées et qui sont déjà fragilisées par un certain nombre de difficultés structurelles et antérieures à la crise, tenant à la faiblesse de leurs fonds propres, aux difficultés récurrentes de trésorerie et à un niveau d’endettement élevé. Cet endettement, mécaniquement accru par le recours aux PGE, risque de peser, dans le contexte de la reprise, sur les besoins en fonds de roulement et les capacités d’investissement des entreprises françaises.

Une nécessité se dégage à l’aune de ce constat : préparer l’avenir pour permettre à l’économie française de passer le cap de la crise. Les priorités des rapporteurs s’organisent en quatre temps : anticiper la sortie de crise, détecter et accompagner les entreprises en difficulté, renforcer l’efficacité des procédures amiables et collectives et enfin poser les conditions du rebond.

 

 

1.   Anticiper et préparer la sortie de crise pour éviter une « déperfusion » trop brutale des entreprises

Tout l’enjeu de la sortie de crise réside donc dans les modalités de la « déperfusion » – pour employer une métaphore médicale qui correspond bien à cette situation d’injection lente et continue d’argent public dans la trésorerie des entreprises. Vos rapporteurs proposent une stratégie organisée autour de trois grands axes pour répondre à cette problématique.

Tout d’abord, il est essentiel de donner de la visibilité sur le devenir des dispositifs de soutien exceptionnels actuels et d’éviter toute brutalité dans l’arrêt des aides.  Les aides publiques qui ne créent pas d’endettement doivent être maintenues en fonction des circonstances (propositions n° 1, 2 et 4). Une réflexion poussée doit être conduite concernant l’avenir des PGE. Vos rapporteurs préconisent d’allonger au cas par cas la durée d’amortissement des PGE au-delà de six ans, jusqu’à une durée maximale fixée à dix ans (proposition n° 3). 

Ensuite, vos rapporteurs proposent d’isoler le fait « Covid-19 » dans le bilan des entreprises via une annexe comptable, afin d’obtenir une image fidèle de la situation réelle des entreprises françaises et de ne pas entraver leur capacité à investir (proposition n° 6).

Enfin, les capacités de financement des entreprises françaises doivent être renforcées. Pour cela, des actions doivent être conduites pour renforcer les fonds propres des entreprises françaises. Il est en particulier essentiel de davantage attirer l’épargne des ménages vers les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), notamment via le déplafonnement des versements des plans d’épargne en actions (PEA) destinés aux PME (proposition n° 9). Les délais de paiement doivent également être raccourcis pour garantir les capacités de trésorerie des entreprises françaises et éviter les faillites en cascade. L’exemplarité de la commande publique en la matière doit être mieux garantie (proposition n° 10).

2.   Détecter les difficultés et accompagner les entreprises

Malgré tous les efforts mis en place, le nombre d’entreprises en difficulté risque de s’accroître, ne serait-ce que par un effet de rattrapage. L’une des priorités essentielles est de s’assurer des capacités de détections des difficultés des entreprises, afin d’être en mesure de les orienter et de les accompagner le plus en amont possible vers les dispositifs appropriés.

Les travaux de la mission ont mis en évidence que plus les difficultés des entreprises sont repérées en amont, plus les mesures pouvant être mises en place sont efficaces. En particulier, plus l’entreprise se rend tôt devant le tribunal pour résoudre ses difficultés, plus les chances de sauvetage sont élevées. La conciliation et le mandat ad hoc permettent de conclure un accord amiable dans 50 à 70 % des cas. La moitié des entreprises en sauvegarde obtiennent un plan de continuation contre un quart pour les entreprises en redressement (27 %) ([3]).

Pourtant, les procédures préventives sont très peu mobilisées : les procédures amiables représentent à peine environ 7 % des procédures, la sauvegarde paraît encore plus marginale (entre 2 et 3 %). Par conséquent, la grande majorité des procédures ouvertes par le tribunal sont des liquidations directes (entre 60 et 70 % selon les années).

Les freins à la prévention sont multiples. Les fragilités ne sont souvent pas détectées, malgré une multitude d’acteurs susceptibles d’intervenir : les partenaires de l’entreprise, le tribunal et le greffe, les services administratifs, etc. Dans les petites entreprises, le dirigeant méconnaît souvent ses propres difficultés ou refuse de les voir. Il n’est pas suffisamment alerté par son entourage. Les outils publics de détection des difficultés manquent d’efficacité en raison d’un fonctionnement en silo et d’un ciblage parfois inadapté. Une fois les difficultés repérées, le chef d’entreprise n’est pas suffisamment orienté vers les bons interlocuteurs et les bonnes procédures. La crainte du tribunal, perçu comme lieu d’échec et de sanction est particulièrement délétère.

Face à ces lacunes, il est essentiel de mieux outiller le chef d’entreprise, en :

– garantissant un droit et un devoir de formation des chefs d’entreprise (proposition n° 11) ;

– incitant le chef d’entreprise à se faire accompagner par des professionnels compétents et diffuser les outils de diagnostics (propositions n° 12 et 13) ;

– renforçant le rôle de l’expert-comptable en matière de prévention (proposition n° 14) ;

– mobilisant les partenaires financiers et en particulier les banques (proposition n° 16) ainsi que les créanciers publics (proposition n° 17) autour de l’alerte et de l’orientation du chef d’entreprise ;

– soutenant le déploiement des initiatives privées et en particulier des groupements de prévention agréés, et veillant à garantir l’accompagnement psychologique des chefs d’entreprises (proposition n° 18) ;  

Il est également nécessaire de repenser la gouvernance territoriale de l’accompagnement des entreprises en difficulté dans le sens de la modernisation et du décloisonnement (propositions n° 20, 21, 23). En particulier, vos rapporteurs proposent d’améliorer la communication d’information entre les services administratifs et le tribunal de commerce et de prévoir la présence du président du tribunal de commerce ou d’un représentant au CODEFI ([4]) (proposition n° 19).

 

Enfin, vos rapporteurs préconisent une réforme d’ampleur du tribunal de commerce. Ils proposent ainsi la création d’un tribunal des entreprises, lieu de prévention et d’accompagnement des entreprises en difficulté (proposition n° 24). Cette réforme a vocation à s’articuler autour de deux grands piliers :

– le transfert du contentieux relatif aux sanctions au tribunal judiciaire, afin de distinguer clairement les procédures de prévention et de traitement des sanctions ;

– une compétence exclusive pour le tribunal de commerce sur l’ensemble des mesures et des procédures relevant du livre VI du code de commerce, quelle que soit la nature d’activité ou le statut de l’entreprise.

3.   Améliorer le traitement des difficultés : moderniser les procédures pour se donner les moyens de passer le cap de la crise

La crise a mis en lumière un certain nombre de failles structurelles du droit des entreprises en difficulté, avec des procédures globalement trop lourdes et longues, éprouvantes pour le chef d’entreprise et l’ensemble des parties prenantes. Le droit des entreprises en difficulté s’articule autour d’une recherche toujours complexe d’un juste équilibre entre la protection des intérêts de chacun (débiteurs, salariés, créanciers, actionnaires).

Face à la situation actuelle, le droit des entreprises en difficulté doit s’adapter pour proposer des réponses appropriées aux entreprises et soutenir la vie économique. Un certain nombre de réformes et d’adaptations ont déjà été inscrites dans notre droit – souvent par voie d’ordonnances et de façon temporaires – ou sont encore en cours. Ces efforts doivent se poursuivre et il convient d’inscrire certains instruments durablement dans notre corpus juridique. Parallèlement, la directive européenne « restructuration et insolvabilité » doit être prochainement transposée en droit français, par voie d’ordonnance également.

Vos rapporteurs proposent de parachever ce mouvement de réforme, dans le sens du pragmatisme et de l’efficacité, de façon à être en mesure de faire face à la crise actuelle. In fine, la crise doit être saisie comme une opportunité pour améliorer notre droit.

En premier lieu, il est nécessaire d’améliorer l’attractivité des procédures amiables. Pour cela, il est nécessaire d’agir sur leur coût, dans le sens d’une plus grande transparence et en veillant à développer des forfaits pour les TPE et PME (proposition n° 26). Les modifications apportées à la procédure de conciliation dans le cadre de la crise méritent d’être pérennisées dans notre droit, avec le principe de suspension des poursuites et l’allongement de la durée de la procédure à 10 mois maximum (proposition n° 27). 

 

En deuxième lieu, vos rapporteurs appellent à adapter les procédures collectives pour les entreprises ayant particulièrement souffert de la crise, notamment en allongeant la durée des plans de continuation à 15 ans pour les entreprises concernées (proposition n° 29).

En troisième lieu, il est essentiel de garantir la rapidité et la souplesse des procédures (propositions 30 à 34), en assurant une saisine rapide du tribunal et réduisant les délais de la période d’observation notamment.

En quatrième lieu, un certain nombre d’obstacles procéduraux peuvent être levés pour accroître les chances de réussite du sauvetage de l’entreprise. En ce sens, il est souhaitable de mieux garantir l’accès à la commande publique des entreprises en difficulté (proposition n° 35), de réformer le traitement du crédit-bail (proposition n° 36) et d’inscrire durablement dans notre droit le privilège de « post money », qui permet de faciliter les apports financiers en période d’observation (proposition n° 37).

Le redressement judiciaire doit également être rendu plus protecteur du chef de TPE et de PME à travers la protection des biens personnels du dirigeant en redressement judiciaire (proposition n° 38). 

Enfin, une réflexion de fond doit être conduite pour réinterroger l’équilibre entre les différentes parties prenantes aux procédures de restructuration : débiteurs, actionnaires, créanciers. Vos rapporteurs proposent de rééquilibrer le droit des créanciers par rapport à celui des actionnaires (proposition n° 39) et de porter une attention particulière aux petits créanciers afin d’éviter un effet « domino » des faillites. Il paraît dès lors souhaitable de revoir l’ordre des privilèges afin de placer les créanciers chirographaires (et notamment les fournisseurs) avant les créanciers publics, qui bénéficient en l’état actuel du droit du privilège du Trésor (proposition n° 40).

4.   Poser les conditions nécessaires du rebond

Toutes les entreprises ne seront pas sauvées et il n’est pas souhaitable de maintenir artificiellement en vie notre économie. Pour les entreprises qui connaissent des difficultés irrémédiables, les procédures de liquidation doivent pouvoir être conduites dans les meilleures conditions possible, sachant qu’il s’agit d’une période éprouvante pour le chef d’entreprise. Les reprises doivent être encouragées et surtout, le rebond de l’entrepreneur favorisé, ce qui nécessite de sortir de la stigmatisation et la culpabilité du dirigeant en faillite.

Vos rapporteurs préconisent un traitement accéléré de la liquidation lorsqu’aucune autre solution n’est possible (propositions n° 40 à 45). En particulier, il est souhaitable de limiter dans le temps l’interdiction d’exercer une activité professionnelle (proposition n° 45).

La crise sanitaire rend nécessaire une réflexion sur les reprises, dans un contexte où les dépôts de bilan sont susceptibles d’augmenter. Outre une réflexion concernant les possibilités de reprises par le dirigeant lui-même (proposition n° 46), vos rapporteurs proposent de concevoir un nouveau dispositif d’incitation fiscale en ce sens (proposition n° 47).

Les stigmates associés aux procédures collectives et plus particulièrement à la faillite doivent être supprimés pour garantir un véritable droit à l’oubli, condition essentielle au rebond de l’entrepreneur. Vos rapporteurs proposent de poursuivre les efforts de déstigmatisation en réduisant la durée des mentions au K-Bis (proposition n° 48) et de réformer le régime de la faute de gestion ayant entraîné une insuffisance d’actif (proposition n° 50).

Enfin, la protection de l’entrepreneur et de ses biens apparaît comme une condition sine qua non du droit à la deuxième chance et du rebond. Vos rapporteurs préconisent plusieurs évolutions pour mieux protéger les biens personnels de l’entrepreneur (proposition n° 51) et invitent à poursuivre la réflexion pour aller vers une protection sociale des entrepreneurs (proposition n° 52).


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   AVANT-PROPOS DU PRÉSIDENT

Nous vivons une crise d’une ampleur inouïe, la plus grande tempête que le pays ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale. La crise sanitaire est rapidement devenue une crise économique qui s’est traduite par une récession, là aussi inédite par son importance en France depuis 1945, à hauteur de 8,2 % du produit intérieur brut (PIB) en 2020 et de 13,8 % sur le seul second trimestre de l’année.

Pour faire face à ce choc exogène et essayer d’éviter qu’il ne se transforme en crise systémique, des mesures de soutien aux entreprises ont été rapidement et massivement mobilisées, dès les premières semaines de la crise. Les dispositifs mis en place ont perduré et évolué au fur et à mesure de celle-ci. Ils ont eu pour but d’éviter des faillites et, ce faisant, des plans de licenciement.

Ainsi, le Gouvernement a mis en place dès le premier confinement, au moment même où la chute de l’activité économique a été la plus brutale, différents mécanismes utilisés depuis lors comme, notamment, les reports de charges, l’activité partielle et les prêts garantis par l’État (PGE) qui ont été les dispositifs les plus mobilisés dans l’urgence par les entreprises. Et les chiffres en cause peuvent donner le tournis. Ainsi, sur les 135 milliards d’euros de PGE accordés par les banques, environ 80 % l’ont été au cours du premier semestre 2020. Ils ont bénéficié à environ 600 000 entreprises.

Le « quoi qu’il en coûte » a permis de maintenir à flot l’économie française et d’éviter une cascade de défaillances. Ce soutien puissant et efficace explique que, paradoxalement, les défaillances d’entreprises ont beaucoup diminué depuis le début de la pandémie. Ainsi, en 2020, leur nombre était inférieur de près de 40 % à celui de l’année précédente.

Toutefois notre devoir de lucidité doit nous conduire à ne pas nous contenter de ce constat positif. En effet, il n’est pas possible d’occulter les risques pesant sur les entreprises, notamment liés au remboursement de la dette qu’elles ont contractées du fait du bénéfice des PGE ou des reports de charges sociales et fiscales. Cet endettement brut conséquent pourrait mettre en difficulté des entreprises, et plus particulièrement les plus petites d’entre elles, fragilisées par la faiblesse de leurs fonds propres.

Par ailleurs, aujourd’hui, la situation s’avère également inquiétante notamment dans la perspective d’un arrêt progressif des aides exceptionnelles mises en place.

 

Face à cela, les élus de la Nation que nous sommes ne pouvaient pas rester l’arme au pied, les bras ballants. Nous devons certes comprendre la situation économique et les ressorts qui sont les siens dans les mois à venir. En revanche, notre devoir est de prévoir en étant correctement éclairés. Nous sommes dans le même esprit que le navigateur qui doit prendre la mer et qui souhaite ardemment que la tempête ne survienne pas. Mais, dans un souci de réalisme, parce qu’il ne décide pas si la tempête survient ou non, il est préférable de tout faire pour que l’embarcation puisse résister aux orages.

C’est la raison pour laquelle, le 20 janvier dernier, nous avons tenu la réunion constitutive de cette mission d’information réunissant 23 députés venant des commissions des affaires économiques, des finances et des lois. Les travaux ont duré plus de six mois. Nous avons pu les conduire dans un climat transpartisan. Nous avons eu également la possibilité de dialoguer étroitement avec les membres du Gouvernement sans aucune difficulté.

Nous avons auditionné en formation plénière 210 personnes, alternant auditions et déplacements de terrain pour être au plus de la réalité et permettre à ceux qui n’avaient pas toujours la parole – entrepreneurs, avocats, mandataires, experts‑comptables, juges, fonctionnaires ou élus locaux – de s’exprimer. Nous avons aussi auditionné les organisations représentatives, les associations de professionnels. L’idée majeure a été d’écouter les acteurs les plus concernés, ceux qui, chaque jour, se battent pour sauver des entreprises, sauver des emplois et éviter que des créanciers ne perdent leur mise. Pour résumer, il s’est agi de comprendre par nos auditions et nos rencontres ce qui fonctionne et ce qui fonctionne moins.

À l’issue de nos travaux, un constat s’impose : la France n’est pas démunie. Elle dispose d’un droit sophistiqué et précis ainsi que d’acteurs compétents et aguerris. Le cadre applicable aux entreprises en difficulté présente une palette d’outils dont un grand nombre ont prouvé leur efficacité. Plus profondément, là où d’autres systèmes juridiques (comme notamment le droit américain) mettent plus l’accent sur la préservation des intérêts des créanciers, le triptyque sur lequel le droit français a été bâti, soit la poursuite de l’activité, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif, est particulièrement adapté à notre économie et à notre société.

Aujourd’hui, si nous voulons nous préparer à supporter une augmentation du nombre de défaillances, l’objectif n’est donc pas de remettre en cause ce triptyque fondateur mais plutôt de savoir ajuster les différents dispositifs applicables. Ce fut là progressivement l’idée qui s’est dégagée de nos auditions.

Nul besoin donc d’envisager un grand soir. Il nous a fallu conduire un travail plus exigeant consistant à analyser avec précision et pondération l’efficacité des dispositifs existants pour en proposer la réforme quand cela nous a semblé nécessaire et utile. Les législateurs que nous sommes ne sont que trop conscients, en effet, que la matière a fait l’objet de nombreuses réformes depuis les années 1980. Il est donc loin de nos intentions de proposer des réformes pour le plaisir de multiplier les textes.

Les 52 propositions qui découlent de ces travaux et qui ont été brillamment exposées par les co-rapporteurs dans le rapport qui suit sont marquées par cet état d’esprit. Certaines sont très concrètes et peuvent être mises en œuvre rapidement. D’autres exigeront plus de temps et ne pourront être mises en place qu’avec l’accord de nombreux acteurs. Ces 52 propositions sont toutes marquées par la nécessité de sauver les entreprises qui doivent l’être et les emplois qui peuvent l’être, sans mettre à mal de manière excessive les créanciers qui sont eux aussi des acteurs économiques.

Il s’agit ainsi de proposer toutes les solutions qui vont permettre un décloisonnement entre les acteurs concernés du sujet des entreprises en difficulté. De la même façon que selon un proverbe nigérian, « il faut tout un village pour éduquer un enfant », sauver des entreprises et des emplois ne peut se faire seul. Par conséquent, tout ce qui pourra permettre d’améliorer les outils de détection et surtout de mutualiser entre les acteurs les résultats de ces outils sera bienvenu. Cela est particulièrement vrai s’agissant des petites et moyennes entreprises (PME) dans nos territoires au niveau, notamment des acteurs du comité départemental d'examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI).

Il s’agit aussi de développer à la fois les actions de prévention et les procédures amiables en étant convaincus que, comme en matière médicale, plus une difficulté est prise en amont, plus les chances de la résoudre et de la surmonter sont grandes. Les procédures amiables sont insuffisamment utilisées par les PME alors qu’elles constituent des outils utiles et efficaces. C’est pourquoi, de nombreuses propositions visent à développer ce volet.

Pour maintenir l’activité et l’emploi, sans pour autant porter une atteinte disproportionnée aux intérêts des créanciers, les propositions sont nombreuses, allant du raccourcissement de la période d’observation (permettant ainsi de limiter le calvaire des fournisseurs) à l’opposabilité du plan de redressement judiciaire à la caution du dirigeant personne physique permettant ainsi d’éviter des scénarios catastrophe que nous connaissons encore trop souvent, en passant par les dispositifs fiscaux adéquats. Enfin, notre mission a aussi analysé ce qui se passait ensuite en cas de liquidation tant pour les créanciers que pour les entrepreneurs. L’idée majeure est d’essayer d’éviter que l’accident de la liquidation ne soit suivi par d’autres événements tout aussi négatifs entraînant le « suraccident ». Nous avons ainsi réfléchi au régime des sanctions applicables aux entrepreneurs mais aussi au rebond de ces mêmes entrepreneurs.

Au cours de nos travaux, nous avons aussi pris davantage conscience de l’importance stratégique du droit des entreprises en difficulté, tout comme, plus largement, du droit des affaires pour l’attractivité de notre pays. Cette crise constitue donc une opportunité pour faire évoluer nos règles dans le bon sens. Les rapports de la Banque mondiale « Doing business » nous le rappellent chaque année. La France doit encore s’améliorer dans la prise en compte de ce facteur dans la compétition économique mondiale.

Enfin, les réflexions qui nous ont animés durant ces six mois nous ont fait toujours plus prendre conscience des difficultés culturelles à appréhender l’échec, à la différence des États-Unis par exemple. Échouer reste encore un stigmate difficile et lourd à porter. Gageons que nos travaux contribuent à faire évoluer nos mentalités à ce propos.

En tout dernier lieu, ce rapport tout comme nos travaux sont un appel à l’action. À n’en pas douter l’économie française a été sauvée de l’effondrement par le déploiement massif des aides que nous avons mentionnées. Toutefois, si nous voulons faire en sorte que cette crise constitue une opportunité positive, nous avons un devoir d’action pour rendre notre économie plus forte. Souvenons-nous de la célèbre phrase de Miles Davis : « Quand vous jouez une note, seule la suivante permettra de dire si elle était juste ou fausse. »

 

Romain Grau

 

 

 


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   INTRODUCTION DES RAPPORTEURS

La crise sanitaire qui sévit depuis le début de l’année 2020 est venue déstabiliser les pays et les économies du monde entier. L’arrêt forcé des activités humaines a bouleversé nos vies et l’économie française a connu une récession historique de 7,9 % en 2020, jamais vue sous la Cinquième République. Salariés au chômage partiel, rideaux baissés dans les centres-villes, écoles fermées, productions au ralenti ou à l’arrêt, avions cloués au sol… Le temps s’est suspendu pendant plusieurs mois et avec lui la vie et le travail de millions de Françaises et de Français. Le retour à la normale, progressif, met au jour les conséquences sur nos entreprises d’une économie soutenue massivement mais artificiellement pendant la crise par les aides de l’État.

Car, si, paradoxalement, le chiffre des défaillances d’entreprises est 39 % plus bas qu’en 2019 en raison des mesures massives de soutien, il ne fait nul doute que les entreprises, qui devront bientôt lâcher la main de l’État protecteur pour reprendre le cours normal de leur vie, sortent fragilisées de cette période et l’année qui vient connaîtra un rattrapage des défaillances.

Cette situation inédite imposait de porter une réflexion d’ensemble sur les entreprises en difficultés, qu’elles le soient par un effet conjoncturel ou non, et de porter notre attention sur les très petites entreprises (TPE) et les moyennes entreprises (PME) qui constituent plus de 99 % du tissu économique de notre pays.

Aussi, la première interrogation sur l’avenir de notre économie se pose : allons-nous faire face à un tsunami de défaillances ou bien y aura-t-il un rattrapage écrêté dans la décennie à venir ?

Au-delà, nous devons aller plus loin pour mieux prévenir les difficultés, mieux accompagner l’entreprise et mieux aider le dirigeant à rebondir. In fine, des améliorations doivent être proposées pour rendre l’écosystème dans lequel évolue l’entreprise, composé d’une galaxie d’interlocuteurs, plus accessible et plus efficient. De même, le droit, complexe et peu connu du dirigeant et des spécialistes du chiffre qui l’entourent, doit connaître des évolutions visant à dédramatiser et inciter le recours aux procédures en amont.

Il est habituel de considérer une entreprise comme étant en difficulté lorsqu’elle ne peut plus honorer ses créances fiscales et sociales ni le paiement de ses fournisseurs. Dans un contexte de sortie de crise, nous proposons d’identifier par une annexe comptable « fait Covid-19 » l’impact de la crise sur les comptes de l’entreprise afin de mieux prévoir son accompagnement. En fonction du degré de gravité de la situation de l’entreprise, différentes procédures inscrites dans notre droit interviennent soit pour prévenir, soit pour traiter les difficultés. Pas moins de neuf procédures existent, amiables ou collectives. Lorsque son entreprise entre en procédure, le chef d’entreprise entre alors dans une machine juridique, que bien souvent il ignore, pour se trouver confronté à des juges, des créanciers publics et privés, des administrateurs et mandataires de justice, face auxquels il éprouve à la fois la crainte de la liquidation et la culpabilité de l’échec. Il évolue dès lors dans un univers qui ne lui est pas familier où le droit est un maquis.

Nous ne pouvons pas aborder le droit des entreprises en difficultés et nous intéresser à l’efficacité de l’écosystème qui entoure nos entreprises, sans rappeler qu’une entreprise en difficulté est avant tout une communauté humaine confrontée à l’échec. Un dirigeant confronté à une difficulté fait face à ses salariés, qu’il veut préserver, à ses fournisseurs, qu’il doit payer, à ses clients, qu’il doit satisfaire. Il est rarement un escroc et la plupart du temps, souvent pris dans un engrenage et une succession de problèmes dont il porte ou non la responsabilité. Du point de vue du droit, il existe une multitude d’outils de prévention qu’il devrait connaître et vers lesquels il devrait se diriger. Dans l’imaginaire du dirigeant, le tribunal de commerce est synonyme de la fin de son entreprise. Pourtant, le temps où le failli était passible de vingt ans de travaux forcés pour des manquements à des obligations légales, comme le prévoyait le code de commerce en 1807, est révolu. Les lois du 25 janvier 1985 et celle du 26 juillet 2005, constituent un tournant dans le droit des entreprises en difficulté en introduisant les procédures de redressement judiciaire et de sauvegarde.

Malgré les évolutions de la législation et les changements de paradigmes, visant à protéger le dirigeant plutôt qu’à le sanctionner, le droit des entreprises en difficulté souffre encore d’une image biaisée. Le dirigeant n’est pas incité à demander la protection du tribunal. Cette difficulté se conjugue à un second problème, intrinsèque à la psychologie même du dirigeant d’entreprise, celui de refuser de l’aide. Tous nous ont parlé d’un sentiment de culpabilité qui conduit au déni des difficultés et à la peur d’être stigmatisé, marqué au fer rouge de l’échec. Dans l’imaginaire collectif, la figure du chef ou de la cheffe d’entreprise est chargée de courage et sa responsabilité à la fois professionnelle et vis-à-vis de sa famille fait de lui, ou d’elle, un être solitaire. L’animosité du monde de l’entrepreneuriat à laquelle il est confronté tous les jours, le force à se forger une protection imperméable à tout signe de difficulté. Il en résulte que bien souvent un chef d’entreprise se repliera sur lui-même, croira en sa capacité à restaurer la santé de son entreprise, n’abandonnera pas ce combat avant qu’il n’en soit contraint. La seule expérience du tribunal de commerce sera alors la liquidation judiciaire.

Cette situation est communément résumée par les dirigeants de TPE-PME à l’expression de 3D : dépôt de bilan, divorce, dépression.

Les auditions menées ont été l’occasion pour une multitude d’acteurs, dont des avocats et des administrateurs judiciaires, de nous affirmer avec force que cette incompréhension est un obstacle décisif à un système plus efficace de prévention des entreprises. Pour le lever, une révolution des mentalités est nécessaire : pousser la porte du tribunal de commerce ne doit plus être perçu comme la fin de tout par le dirigeant d’entreprise, mais comme un acte de bonne gestion pour assurer la pérennité de l’entreprise et de ses emplois.

Dédramatiser le tribunal de commerce, mieux faire connaître et valoriser les procédures amiables est apparu nécessaire. C’est l’objet d’une proposition qui vise à séparer les procédures de la sanction, en distinguant clairement les rôles entre un tribunal des entreprises, chargé exclusivement d’accompagner et de mettre en œuvre les procédures amiables et collectives, et un tribunal judiciaire à qui reviendrait le contentieux des sanctions. La modernisation de la procédure de conciliation par la pérennisation des dispositions de l’article 2 de l’ordonnance du 20 mai 2020 va également dans le sens d’un renforcement de l’attractivité des procédures amiables.

Autre condition de la réussite des procédures, la détection précoce et la prévention des difficultés, deux piliers d’une réforme efficace du droit des entreprises. Renforcer la prévention et optimiser la détection, c’est retenir en amont la source des difficultés qui, s’accumulant, poussent une entreprise à la liquidation judiciaire, où tout le monde y perd. Le traitement préventif des difficultés doit être renforcé à l’heure où 52 % des demandes d’ouverture concernent des procédures de liquidation judiciaire, quand les procédures amiables ne représentent que 7 % des demandes.

Les chefs d’entreprise sont confrontés à un droit qui a profondément évolué depuis 2005 et qui est en théorie très efficace puisque, d’après la Conférence générale des Juges consulaires de France, 70 à 80 % des entreprises ayant recours à des procédures amiables ne vont pas jusqu’à la procédure judiciaire. Seulement, ce sont les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui les utilisent. Comment un dirigeant d’une TPE ou d’une petite PME, n’ayant ni la formation en droit des entreprises, ni les moyens d’engager un cabinet d’avocat, pourrait-il s’en saisir ?

Ce problème d’accès au droit nous a beaucoup interrogé lors de nos auditions, dont l’un des principaux enseignements est le manque de connaissance. Le manque de connaissance des procédures et du droit par les chefs d’entreprise, mais également par certains professionnels de la gestion, privés ou publics, qui sont insuffisamment formés sur les procédures amiables. Des propositions sont faites pour améliorer la connaissance de l’entreprise par les services de l’État mais aussi du droit des entreprises en difficulté par les professionnels du chiffre. Par conséquent un droit d’alerte et un devoir de prévention nous semble devoir incomber aux experts‑comptables et aux créanciers publics et bancaires pour éviter et anticiper l’accumulation des difficultés. Vos rapporteurs proposent que les TPE-PME puissent bénéficier d’une aide financière pour pouvoir avoir recours à leurs droits, plafonnée mais facile d’accès.

 

Le manque de connaissance de ce qu’est la vie d’une entreprise par de nombreuses parties prenantes des procédures constitue un frein regrettable à une meilleure prise en charge. Parler le même langage que le chef d’entreprise est un préalable à la confiance dans l’accompagnement qui lui sera proposé.

Le cloisonnement des métiers et le manque de transversalité agissent au détriment du dirigeant, qui confronté à une galaxie d’interlocuteurs ne sait finalement vers qui se tourner. Les auditions des professionnels de l’accompagnement des entreprises ont sur ce sujet été claires : sur le terrain, la communication insuffisante entre les acteurs se traduit par l’incapacité à partager des informations utiles entre administrations publiques et tribunaux de commerce par exemple.

La rationalisation et la simplification de tout le dispositif de prévention, d’accompagnement et de rebond des entreprises sont plus que jamais fondamentales. Identifier les acteurs utiles, coordonner les actions et unifier le contact entre les différents interlocuteurs dans les territoires, voici trois conditions de la réussite d’une meilleure prévention des difficultés.

Dans un souci de décloisonnement des intelligences et de retour concret des territoires en la matière, votre co-rapporteure Mme Anne-Laurence Petel a animé tout le long de cette mission d’information un groupe de travail local réunissant chefs d’entreprise et professionnels du droit et du chiffre dans une volonté d’échange transversal interprofessionnel. Ce groupe de travail a permis d’obtenir des retours d’expérience, des exemples et des propositions qui ont été présentées à la mission d’information lors d’un déplacement à Aix-en-Provence.

Cette réflexion s’inscrit dans un processus de synergie que l’État, les professionnels de l’accompagnement des entreprises mais aussi les collectivités doivent saisir pour améliorer le traitement des entreprises en difficulté. La part des territoires dans ce processus n’est pas à négliger et, dans ce contexte de reprise économique, il est primordial de soutenir les initiatives prises par certaines régions comme celle de Normandie avec la mise en place du dispositif intitulé « anticipation redressement mutations économiques » (ARME), visant à accompagner les entreprises dans les mutations économiques et à les soutenir dans leurs difficultés.

S’il existe de nombreux organismes pouvant accompagner l’entreprise ou son dirigeant, parmi eux les groupements de prévention agréés (GPA) méritent d’être développés dans chaque département et nous en faisons la proposition. Ils sont chargés par la loi de « fournir à [leurs] adhérents, de façon confidentielle, une analyse des informations économiques, comptables et financières que ceux-ci s'engagent à [leurs] transmettre régulièrement. » Constitués de chefs d’entreprise et de professionnels du chiffre et du droit bénévoles, leur capacité à parler le même langage que le dirigeant et leur compréhension fine des enjeux sont un gage de leur efficacité. À ce titre le GPA du département du Loir-et-Cher fait figure de modèle.

Enfin, les auditions ont souligné l’aspect psychologique et les répercussions des difficultés professionnelles sur la sphère familiale. L’Aide psychologique pour les entrepreneurs en souffrance aiguë (APESA) vient accompagner la femme ou l’homme qui dirige une entreprise, accablé par les difficultés et leurs conséquences sur sa vie personnelle, mais aussi sur celle de ses salariés que bien souvent il côtoie au quotidien. La souffrance psychologique que peut éprouver un dirigeant d’entreprise est bien réelle, et peut le mener à des actes extrêmes. Favoriser l’accès au soutien psychologique est primordial.

Enfin, il n’y a pas de sortie de crise réussie, qu’elle soit conjoncturelle ou structurelle, sans rebond effectif.

Si nous voulons sortir de la stigmatisation de l’échec qui est un mal français et dynamiser l’esprit d’initiative nécessaire à la création d’entreprise, nous devons cesser de marquer au fer rouge les dirigeants victimes de leurs difficultés mais aussi éviter de les fragiliser excessivement sur leurs biens personnels. Pour que le droit au rebond soit effectif et réel nous devons réduire l’inscription des procédures collectives au K-bis mais aussi prévoir un principe de prescription triennale pour la faute avérée de gestion. Le caractère imprescriptible de cette faute n’est pas justifié et participe de la très forte stigmatisation de la faillite. Il apparait évident que nous devons revenir à une proportionnalité raisonnable de la sanction. Rappelant le caractère très exceptionnel de l’imprescriptibilité en droit, certains praticiens et spécialistes n'hésitent pas à rappeler que la faute de gestion partage ce sort avec le crime contre l'humanité...

Parallèlement nous proposons de renforcer la protection des biens personnels du dirigeant en alignant le régime de protection en procédure de redressement sur le régime applicable dans le cadre de la sauvegarde.

Qu’il s’agisse d’un contexte de sortie de crise, comme nous sommes en train de le vivre en 2021, ou dans le cours normal de la vie d’une entreprise, par temps calme, la connaissance et la structuration de l’écosystème de prévention, d’accompagnement et de rebond du dirigeant d’entreprise est une nécessité à laquelle nous devons nous atteler.

 

Anne-Laurence Petel et Antoine Savignat

 

 


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   PREMIÈRE PARTIE : ÉTAT DES LIEUX DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DES ENTREPRISES FRANÇAISES ET DU CADRE APPLICABLE AUX ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

La pandémie de Covid-19 et les mesures prises pour y faire face dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire déclaré le 23 mars 2020 ([5]) ont conduit à un arrêt brutal de pans entiers de notre économie.

Cette baisse soudaine de l’activité a été provoquée par la fermeture des lieux d’accueil du public ([6]) et l’interdiction des déplacements du fait du confinement ([7]), auxquelles s’est ajouté le choc des effets de la pandémie sur la demande de biens et de services des ménages et des entreprises, aux niveaux national et international.

La crise sanitaire est donc rapidement devenue une crise économique qui s’est traduite par une récession, par son ampleur inédite en France depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, à hauteur de 8,2 % du produit intérieur brut (PIB) en 2020 et de 13,8 % sur le seul second trimestre de l’année ([8]).

Si les effets de la crise se sont atténués après le premier confinement (mars-mai 2020), les vagues successives de reprise de l’épidémie ont néanmoins maintenu l’économie, affectée par le maintien ou la succession de mesures restrictives (confinement, couvre-feu, fermetures administratives), dans une situation très fragile.

niveau d’activitÉ

(en pourcentage du niveau normal)

Source : Banque de France.

Si le pire a pu être évité grâce à l’intervention massive des pouvoirs publics, la situation actuelle n’en est pas moins inquiétante, notamment dans la perspective d’un arrêt progressif des aides exceptionnelles mises en place. Une augmentation du nombre d’entreprises en difficulté doit être anticipée. Face à cette situation, le cadre applicable aux entreprises en difficulté présente une palette d’outils à la fois foisonnants et complexes.

I.   l’économie française maintenue à flot grâce au « quoi qu’il en coûte »

Des mesures de soutien aux entreprises ont été rapidement et fortement mobilisées dès les premières semaines de la crise. Les dispositifs mis en place ont perduré et évolué au fur et à mesure de celle-ci. Ils ont eu pour but d’éviter des faillites et, ce faisant, des plans de licenciement.

Ce soutien puissant et efficace explique que, paradoxalement, les défaillances d’entreprises ont beaucoup diminué depuis le début de la pandémie. En 2020, leur nombre était inférieur de près de 40 % à celui de l’année précédente ([9]) (cf. infra).

Comme dans la plupart des pays de l’Union européenne (UE), ces dispositifs se sont principalement articulés autour de quatre types de mécanismes :

– l’activité partielle ;

– la subvention ou l’apport de fonds ;

– les prêts garantis ;

– le report de charges sociales et fiscales.

Vos rapporteurs saluent la réaction rapide et efficace des pouvoirs publics pour éviter un effondrement des entreprises françaises du fait de la crise sanitaire. Il faut souligner que cette efficacité a été globalement reconnue et saluée par les personnes auditionnées dans le cadre de la mission.

La répartition du recours à ces dispositifs par secteur d’activité a beaucoup varié depuis le début de la crise sanitaire. Quant à l’intensité de leur utilisation, elle a été fonction de la taille des entreprises.

A.   les pouvoirs publics ont mis en place une palette de dispositifs de soutien sans précédent pour les entreprises

Le financement de l’activité partielle et les aides versées aux secteurs les plus touchés ont constitué des mesures de court terme qui n’ont pas endetté les entreprises.

En revanche, l’octroi de prêts garantis ainsi que le décalage du paiement des impôts et des cotisations impliqueront un remboursement ou un paiement à moyen terme de la part de leurs bénéficiaires.

1.   Le financement de l’activité partielle et les aides du fonds de solidarité : des subventions qui ne créent pas d’endettement pour les entreprises

Pour faire face à la baisse de leur activité, les entreprises ont pu recourir plus facilement au « chômage partiel », dont le dispositif a été très largement adapté avec des conditions de financement beaucoup plus avantageuses que dans le cadre du droit commun. D’abord conçu pour les petites entreprises, le fonds de solidarité a été mis en place afin d’offrir une compensation des pertes de chiffre d’affaires.

a.   L’activité partielle a été assouplie pour sauvegarder les emplois

i. Le cadre applicable avant la crise sanitaire

L’indemnisation des salariés placés en activité partielle fait habituellement partie des dispositifs de maintien et de sauvegarde de l’emploi prévus par le code du travail, au même titre que les aides à l’adaptation des salariés aux évolutions de l’emploi et des compétences ou que celles relatives aux actions de reclassement et de reconversion professionnelle.

Elle peut intervenir lorsque l’entreprise est contrainte de réduire ou de suspendre temporairement son activité en raison de la conjoncture économique, de difficultés d’approvisionnement, de la restructuration de l’entreprise ou encore en cas de circonstances exceptionnelles (article R. 5122-1 du code du travail). L’activité partielle se traduit alors par une fermeture temporaire de l’établissement ou par une réduction du temps de travail en deçà de la durée légale (article L. 5122-1 du même code).

Avant la crise sanitaire ([10]), l’activité partielle consistait, pour le salarié, à percevoir une indemnité correspondant à 70 % de sa rémunération brute (environ 84 % du salaire net) par heure d’activité partielle tandis que l’employeur recevait une allocation horaire de la part de l’État et de l’assurance chômage – par le biais de l’agence de services et de paiement (ASP) ([11]) – égale à 7,74 euros pour les entreprises de moins de 250 salariés et à 7,23 euros au-delà de cet effectif

ii. Un cadre dérogatoire plus avantageux, qui a évolué au fil de la crise

La crise sanitaire a conduit à l’assouplissement du recours à l’activité partielle puis à une réforme structurelle de celle-ci.

Afin de « limiter les ruptures des contrats de travail et d’atténuer les effets de la baisse d’activité, en facilitant et en renforçant le recours à l’activité partielle pour toutes les entreprises quelle que soit leur taille, notamment […] en réduisant le reste à charge pour l’employeur » ([12]), le décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 relatif à l’activité partielle a porté le montant de l’allocation pour l’employeur au même niveau que l’indemnité perçue par le salarié, soit 70 %, de manière à supprimer, pour les rémunérations inférieures à quatre fois et demie le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), le reste à charge pour l’entreprise.

Le décret a également assoupli la procédure de dépôt des demandes d’activité partielle en permettant à l’employeur de recueillir, le cas échéant, l’avis du comité social et économique (CSE) postérieurement à la demande d’activité partielle et dans un délai de deux mois ainsi qu’en abaissant de quinze à deux jours le délai d’acceptation des demandes d’autorisation préalable par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) ([13]).

Quant à l’ordonnance du 27 mars 2020 ([14]), elle a temporairement étendu le régime de l’activité partielle aux apprentis et salariés en contrat de professionnalisation, aux salariés à temps partiel et permis à l’employeur de l’imposer à un salarié protégé sans avoir à recueillir son accord.

Ce régime particulier a duré jusqu’au 31 mai 2020. Du 1er juin au 31 octobre 2020, l’allocation de l’employeur a été abaissée à 60 %, en application de l’ordonnance du 24 juin 2020 ([15]) et du décret du 29 juin 2020 ([16]), sauf dans les entreprises particulièrement affectées par les effets de mesures de lutte contre la pandémie (tourisme, hôtellerie, restauration, sport, culture, transport aérien, événementiel et entreprises fermées administrativement) pour lesquelles le taux est demeuré de 70 %, soit un reste à charge à 0, jusqu’à la fin de l’année 2020.

L’adaptation du dispositif selon la situation des entreprises fait apparaître la notion de « secteurs protégés », dont les entreprises ont subi une baisse du chiffre d’affaires très importante (80 % jusqu’au 30 juin 2021).

 

évolution du dispositif d’activité partielle

Périodes

Allocation (employeur)

Indemnité (salarié)

Jusqu’au 29 février 2020

7,74 € par heure (entreprises de moins de 250 salariés)

7,23 € par heure (entreprises de plus de 250 salariés)

70 % de la rémunération brute horaire de référence

Du 1er mars au 31 mai 2020

70 % de la rémunération horaire brute de référence

Du 1er juin 2020 au 31 mai 2021

Cas général : 60 %

 

Secteurs protégés, secteurs connexes avec perte de chiffre d’affaires et entreprises fermées : 70 %

Du 1er au 30 juin 2021

Cas général : 52 %

 

Secteurs protégés, secteurs connexes avec perte de chiffre d’affaires et entreprises fermées : 70 %

Le décret n° 2020-926 du 28 juillet 2020 a mis en place un dispositif spécifique d’activité partielle en cas de réduction d’activité durable, dit « de longue durée » (APLD).

Reposant sur la conclusion d’un accord collectif qui comprend des engagements de maintien de l’emploi, l’APLD permet à une entreprise de réduire son activité pour une durée de six mois à deux ans à hauteur de maximum 40 % de l’horaire légal par salarié. L’allocation d’activité partielle de l’employeur s’élève à 70 % pour les secteurs « protégés » et les entreprises fermées administrativement et à 60 % pour les autres.

L’APLD entend remplacer à terme le dispositif exceptionnel d’activité partielle. L’intérêt de ce nouveau dispositif pour les entreprises est qu’il maintiendra un taux d’au moins 60 % hors secteurs protégés ou fermés alors que le montant de l’allocation pour l’employeur passe à 52 % (juin 2021) puis à 36 % (à compter de juillet 2021) de la rémunération horaire brute de référence dans le cas général.

Vos rapporteurs notent que cette transformation structurelle de l’activité partielle dotera la France d’un des systèmes les plus protecteurs en Europe.

Ils s’inquiètent toutefois de sa lisibilité pour les entreprises et notamment pour les plus petites d’entre elles.

b.   Le fonds de solidarité vise à compenser les pertes subies

Mis en place par l’ordonnance du 25 mars 2020 ([17]) pour une durée initiale de trois mois, le fonds de solidarité a été reconduit jusqu’au 31 décembre 2020 ([18]) puis jusqu’au 30 juin 2021 ([19]).

À l’origine, le fonds de solidarité comprenait deux volets :

– un volet destiné à compenser les pertes de chiffre d’affaires consistant au versement d’une aide égale au montant de perte déclaré par l’entreprise dans la limite initiale de 1 500 euros ;

– un volet destiné aux entreprises fermées administrativement ou appartenant aux secteurs « protégés » (tourisme, hôtellerie, restauration, sport, culture, transport aérien et événementiel) prenant la forme d’une aide complémentaire unique d’un montant maximal de 10 000 euros lors de sa mise en place.

L’aide compensatrice versée mensuellement dans le cadre du fonds de solidarité est instruite par la direction générale des finances publiques (DGFiP). Plafonnée à 1 500 euros au début de la crise sanitaire, elle a été portée à un montant maximum de 10 000 euros pour les entreprises des secteurs protégés à compter du mois d’octobre, puis à 200 000 euros à compter du mois de décembre.

Le montant maximum de l’aide varie selon que l’entreprise fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public, qu’elle est située dans une zone de couvre-feu ou bien qu’elle appartient à un secteur « protégé ».

La mise en œuvre du fonds de solidarité a en effet nécessité de classer les entreprises en fonction de l’impact de la crise sanitaire sur leur secteur d’activité. Le décret du 30 mars 2020 ([20]) modifié établit une liste, selon la nomenclature d’activités française (NAF) ([21]), des secteurs les plus affectés par les mesures de restriction (liste dite « S1 ») ainsi que des activités indirectement touchées car dépendantes de ces secteurs (liste « S1 bis »). Enfin, les entreprises faisant l’objet d’une fermeture administrative appartiennent à la liste « S2 » dans la terminologie officielle.

L’inscription d’une activité sur la liste S1 ou S1 bis est devenue un enjeu crucial puisque la seconde définit des conditions d’éligibilité plus exigeantes et prévoit des aides moins généreuses. Les distinctions entre les deux peuvent apparaître discutables, d’autant plus que plusieurs acteurs auditionnés par la mission ont mis en avant le manque de lisibilité de ce système pour les dirigeants d’entreprise.

Dans leur rapport d’information sur les propositions du groupe de suivi des conséquences économiques du second confinement ([22]), les députés Stéphane Travert et Julien Dive estimaient que ces listes n’avaient pas le niveau de finesse suffisant pour accompagner toutes les situations qui le justifieraient, d’autant plus que les nomenclatures NAF n’identifient parfois que partiellement certaines activités.

Par exemple, au mois de novembre 2020, lors du deuxième confinement, une entreprise pouvait bénéficier d’une compensation maximale de 10 000 euros si elle faisait l’objet d’une interdiction d’accueil du public tandis que les entreprises restées ouvertes mais subissant une perte de la moitié de leur chiffre d’affaires pouvaient percevoir une aide maximale de 1 500 euros, sauf si celles-ci appartenaient à un secteur protégé où l’aide demeurait de 10 000 euros.

Les conseils régionaux pouvaient également verser une aide complémentaire unique, d’un montant maximal de 10 000 euros, aux entreprises fermées administrativement ou appartenant à un secteur protégé jusqu’à la fin du mois d’octobre 2020. Cette aide pouvait s’élever jusqu’à 15 000 euros pour les discothèques. Ces entreprises bénéficiaires du second volet du fonds de solidarité pouvaient également percevoir une autre aide forfaitaire de la part de leur département, commune ou intercommunalité d’un montant compris entre 500 et 3 000 euros.

c.   Des mesures de soutien complémentaires

Si l’indemnisation de l’activité partielle et le versement d’aides du fonds de solidarité ont été deux mesures majeures de soutien aux entreprises pendant la crise sanitaire, d’autres dispositifs ont permis d’éviter les défaillances sans pour autant créer de l’endettement brut pour ces entreprises.

La politique actionnariale de l’État a également été mobilisée au travers de l’Agence des participations de l’État (APE) afin de soutenir en fonds propres, quasi fonds propres et titres de créances les entreprises stratégiques fragilisées par la crise sanitaire. À titre d’exemple, Air France-KLM a ainsi bénéficié d’une avance en compte courant d’actionnaire de l’État de 3 milliards d’euros tandis que ce dernier a également souscrit pour 88 millions d’euros d’obligations auprès d’EDF.

Plusieurs plans de soutien sectoriels ont également été élaborés, à destination des filières aéronautiques (fonds de soutien de 150 millions d’euros), automobile et touristique notamment.

La loi de finances pour 2021 ([23]) a créé un dispositif de crédit d’impôt en faveur des bailleurs qui acceptent de renoncer à des loyers échus et dus au titre de novembre 2020 par des entreprises locataires administrativement fermées ou appartenant à un secteur protégé. Le crédit est égal à 50 % des sommes abandonnées et s’impute sur l’impôt sur le revenu.

L’aide exceptionnelle pour la prise en charge des coûts fixes a été mise en place pour le premier semestre 2021. Elle a pour objectif de compenser le poids des charges fixes pour les entreprises fermées administrativement et celles du secteur touristique ayant perdu la moitié de son chiffre d’affaires sur la période. Elle couvre 90 % des pertes d’exploitation pour les entreprises de moins de 50 salariés et 70 % pour les autres, dans la limite de 10 millions d’euros.

La DGFiP a donné des instructions aux services gestionnaires pour qu’ils traitent plus rapidement les remboursements de crédits de TVA ([24]).

La troisième loi de finances rectificative ([25]) pour 2020 a assoupli les conditions de report en arrière (carry back) de déficit pour l’impôt sur les sociétés (IS). En temps normal, une entreprise qui subit un déficit au cours d’un exercice peut reporter le déficit sur l’exercice précédent pour obtenir une créance d’impôt, dans la limite d’1 million d’euros, qui peut être utilisée pour payer l’IS des cinq années suivantes. Au-delà, l’entreprise peut en réclamer le remboursement à l’administration fiscale. La mesure a temporairement permis le remboursement immédiat du stock de créance, sans attendre le délai de cinq ans.

La troisième loi de finances rectificative a également permis aux communes et à leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) d’accorder un dégrèvement, compensé pour moitié par l’État, à hauteur des deux tiers de la cotisation foncière des entreprises (CFE) – qui compose la contribution économique territoriale (CET) avec la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) – pour soutenir les secteurs particulièrement touchés par la crise sanitaire (hôtellerie, restauration, événementiel, sport, culture…).

2.   Les reports de charges sociales et fiscales et l’octroi de prêts garantis par l’État : des mesures efficaces qui posent néanmoins la question de l’endettement de leurs bénéficiaires

Afin de soulager la trésorerie des entreprises, deux mesures majeures ont été mises en place : les possibilités de report des charges fiscales et sociales et la mise en place des prêts garantie par l’État (PGE).

a.   Des reports de prélèvements obligatoires qui posent la question de leur apurement

Ces dispositifs concernent l’URSSAF, pour les reports et les exonérations de cotisations sociales, et la DGFiP, pour le report des échéances fiscales et le règlement des dettes vis-à-vis du Trésor public. Si ces possibilités existaient déjà dans des conditions très encadrées avant la crise, elles ont été considérablement amplifiées pour faire face à la situation exceptionnelle.

i. Les reports de charges sociales

Ainsi, les mesures de report des charges sociales – qui existent toujours en juin 2021 – concernent les entreprises qui connaissent « une fermeture ou une restriction directe ou indirecte de leur activité du fait des mesures décidées par les pouvoirs publics » ([26]). Concrètement, cette mesure permet le report de tout ou partie du paiement des cotisations dues par les salariés et leur employeur, les cotisations concernées devant néanmoins être déclarées aux dates prévues.

Le report fonctionne par accord tacite de l’URSSAF puisque l’employeur doit seulement adresser une demande, considérée comme acceptée par l’organisme de recouvrement sous quarante-huit heures. Ce dernier prendra ensuite contact avec les entreprises bénéficiaires pour leur proposer un plan d’apurement de leurs dettes sans application d’une pénalité ou d’une majoration de retard quelconque. Ce dispositif de report a été reconduit chaque mois depuis le début de la crise sanitaire.

La troisième loi de finances rectificative pour 2020 ([27]) a ensuite mis en place un dispositif d’exonération de cotisations et de contributions sociales et patronales, couplé à une aide au paiement de ces cotisations. Cette annulation de charges concerne toute la période de février à mai 2020 et bénéficie aux entreprises :

– de moins de 250 salariés dont l’activité relève d’un des secteurs particulièrement affectés par la crise sanitaire (liste S1) ou d’un secteur fortement dépendant de ceux-ci et ayant subi une baisse importante du chiffre d’affaires (liste S1 bis) ;

– de moins de 10 salariés dont l’activité a fait l’objet d’une fermeture administrative (liste S2).

Ces bénéficiaires perçoivent également une aide au paiement qui correspond à 20 % des salaires versés pendant la période d’application de l’exonération, hors activité partielle.

Cette possibilité d’exonération a été prorogée à plusieurs reprises face aux nouvelles vagues de pandémie et des mesures sanitaires qui les ont accompagnées. Dernièrement, le décret n° 2021-709 du 3 juin 2021 a prolongé le dispositif pour les employeurs et travailleurs indépendants relevant de certains secteurs dont l’activité est particulièrement affectée par la crise sanitaire, aux périodes d’emploi des mois de mars et avril 2021.

éligibilité à l’exonération de cotisations

Secteur d’activité

Moins de 10 salariés

Entre 10 et 250 salariés

Plus de 250 salariés

S1 (directement affecté)

oui

oui

non

S1 bis (indirectement affecté)

oui

oui

non

S2 (fermés)

oui

non

non

Autres secteurs

non

non

non

Source : URSSAF.

ii. Les reports de charges fiscales

Les entreprises concernées par une interruption ou une restriction de leur activité liée à une mesure de fermeture ou lorsque leur situation financière le justifie peuvent solliciter un report de leurs échéances fiscales auprès du service des impôts des entreprises (SIE) dont elles relèvent.

Ces possibilités de report concernent l’impôt sur les sociétés (IS), la taxe sur les salaires et la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ne peut faire l’objet d’un décalage dans le temps du paiement.

Le fait de repousser l’acquittement d’une imposition entraîne la mise en place de plans de règlement qui visent à échelonner le paiement sur une durée de 12, 24 ou 36 mois en fonction du niveau d’endettement.

La DGFiP a également favorisé l’accélération des remboursements de trop-versés en raison de la mécanique de l’impôt (cf. supra) : crédits de TVA et d’IS notamment.

À noter à ce titre qu’une entreprise redevable doit calculer et verser l’IS spontanément en quatre acomptes à l’issue de chaque trimestre. Le premier acompte que les entreprises devaient verser le 15 mars 2020 a été reporté afin de soulager leur trésorerie au moment du premier confinement. Celles qui l’avaient déjà versé avant cette date ont pu en obtenir le remboursement.

b.   L’État a massivement garanti des prêts bancaires dont le remboursement sera un enjeu majeur de la reprise

Les prêts garantis par l’État (PGE) ont été mis en place pour faciliter le refinancement bancaire des entreprises. Ce mécanisme a été introduit dès la première loi de finances rectificative pour 2020 ([28]) et précisé par un arrêté du ministre de l’économie et des finances du 23 mars 2020 ([29]).

Les PGE échappent en partie au régime classique des aides d’État de l’Union européenne qui interdit, en temps normal, à un État-membre d’accorder une aide faussant ou menaçant de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises, en raison de son incompatibilité avec le marché intérieur ([30]). La Commission européenne a en effet considéré ([31]) que les PGE faisaient partie des aides destinées « à remédier à une perturbation grave de l’économie » ([32]) et par conséquent autorisées par le traité.

Le PGE est ouvert à toutes les entreprises jusqu’au 31 décembre 2021, quelles que soient leur taille, leur forme juridique ([33]) et leur situation vis-à-vis de la pandémie.

Il peut être souscrit auprès de la banque habituelle de l’entreprise ou auprès de plateformes de prêt qui ont un statut d’intermédiaire en financement participatif. Le prêt est égal à trois mois de chiffre d’affaires de 2019 maximum. Pour les entreprises innovantes ou celles créées depuis le 1er janvier 2019, le montant peut correspondre à deux années de masse salariale.

Aucun remboursement de l’emprunteur n’est exigé au cours de la première année. À l’issue de celle-ci, l’entreprise peut soit le rembourser intégralement, soit l’amortir sur les cinq années à venir au plus. Il est également possible de rembourser partiellement le PGE lors de son premier anniversaire puis d’étaler l’amortissement du reste sur les cinq années suivantes.

Dans ce cadre, les banques se sont engagées à proposer une tarification maximale de 1 à 1,5 % de taux d’intérêt pour les PGE remboursés avant le 31 décembre 2023 et de 2 à 2,5 % pour ceux qui le seront après le 1er janvier 2024.

La garantie assurée par l’État couvre une partie du capital, des intérêts et des accessoires dus jusqu’à l’échéance qui s’élève à hauteur de :

– 90 % pour les entreprises qui emploient moins de 5 000 salariés et réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 1,5 milliard d’euros ;

– 80 % pour les entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires entre 1,5 et 5 milliards d’euros ;

– 70 % pour les entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 5 milliards d’euros.

En cas de refus de l’établissement bancaire, une entreprise peut saisir le médiateur du crédit (dont le rôle est détaillé infra). Si la médiation n’aboutit pas, le comité départemental de financement des entreprises (CODEFI) peut proposer d’autres dispositifs comme les prêts du fonds de développement économique et social (FDES), les prêts exceptionnels, les prêts bonifiés et les avances remboursables.

c.   Les poursuites en cas de non-paiement des loyers et des factures énergétiques ont été arrêtées

Une ordonnance du 25 mars 2020 ([34]) a permis le report intégral ou l’étalement des loyers ainsi que des factures d’eau, de gaz et d’électricité des entreprises. Elle interdit également les pénalités financières et les réductions de fournitures conséquentes au non-paiement d’une facture.

Cette mesure provisoire a été pérennisée par la loi du 14 novembre 2020 ([35]) avec effet au 17 octobre 2020 pour les entreprises subissant une fermeture administrative. Elle dispose que les bailleurs ne pourront encourir « d’intérêts, de pénalités ou de toute mesure financière ou toute action, sanction ou voie d’exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives ».

Le décret du 30 décembre 2020 ([36]) précise que cette protection s’applique aux entreprises fermées administrativement qui comptent moins de 250 salariés et disposent d’un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros. La perte de chiffre d’affaires doit être de plus de 50 % au titre du mois de novembre 2020.

Cette mesure constitue l’autre volet de soutien en cas de difficultés de paiement des baux commerciaux avec le crédit d’impôt octroyé aux propriétaires en cas de renoncement à leurs loyers (cf. supra).

B.   les entreprises ont largement sollicité ces dispositifs

Au cours de ses travaux, la mission n’a pu que constater l’appréciation très positive des acteurs du monde de l’entreprise concernant la réactivité des autorités publiques.

Les dispositifs présentés ci-avant ont en effet été mis très rapidement en place dès les premières semaines de l’état d’urgence sanitaire et ont permis d’éviter un enchaînement de faillites d’entreprises.

Néanmoins, plusieurs acteurs ont souligné le foisonnement des aides de soutien et une complexité grandissante de celles-ci. Une inquiétude croissante tient également aux conséquences que certaines de ces mesures entraînent sur le niveau d’endettement des entreprises françaises.

1.   Le recours aux aides varie en fonction du temps et des secteurs d’activité

Le rythme de recours aux quatre principaux dispositifs (activité partielle, fonds de solidarité, report de charges et PGE) a été très hétérogène, comme l’a constaté le comité de suivi et d’évaluation de ces mesures, présidé par M. Benoît Cœuré, entendu par la mission d’information ([37]).

a.   Une évolution constatée au cours de la crise sanitaire

Lors du premier confinement, au moment même où la chute de l’activité économique a été la plus brutale, ce sont les reports de charges, l’activité partielle et les PGE qui ont été les dispositifs les plus mobilisés dans l’urgence par les entreprises.

Sur les 135 milliards d’euros de PGE accordées par les banques, environ 80 % l’ont été au cours du premier semestre 2020. Ils ont bénéficié à environ 600 000 entreprises.

évolution du recours aux pge

Source : France Stratégie (comité de suivi).

Les reports dans le temps du paiement des cotisations de sécurité sociale ont été particulièrement massifs. Ils ont été utilisés par 2,4 millions d’entreprises entre mars et septembre 2020.

Pour l’activité partielle, cette même période a représenté les deux tiers de la dépense. En avril 2020, elle concernait 29 % des salariés du secteur privé et représentait 6 % du volume horaire de temps de travail de ce même secteur ([38]). Son recours apparaît du même ordre de grandeur pour toutes les professions et catégories sociales (PCS) au sens de l’INSEE.

évolution du recours à l’activité partielle

Source : France Stratégie (comité de suivi).

Si le PGE représente à ce stade un coût pratiquement nul pour les finances publiques, l’activité partielle a, en revanche, entraîné une dépense de 17,8 milliards d’euros en 2020 ([39]) tandis que les exonérations de cotisations sociales et le versement d’aide au paiement de celles-ci ont représenté un montant de 3,9 milliards d’euros à la charge de l’État ([40]).

De manière générale, les dispositifs les plus coûteux pour l’État et les régimes de sécurité sociale ont été logiquement ceux qui ont créé le moins d’endettement brut pour les entreprises.

Vos rapporteurs rappellent qu’en l’absence d’une intervention forte de l’État les conséquences sur l’économie d’une hausse du nombre de faillites et de licenciements auraient probablement coûté plus cher pour les finances publiques à moyen et long termes.

Le fonds de solidarité a, quant à lui, été davantage mobilisé à partir de la deuxième période de confinement (novembre-décembre 2020). Au cours de l’année 2020, il a représenté une dépense de 11,8 milliards d’euros dont ont bénéficié près de 1,9 million d’entreprises. Cependant, les aides du fonds atteignaient 2,4 milliards d’euros pour le seul mois de février 2021 contre 1,6 milliard d’euros pour l’activité partielle et 800 millions d’euros de PGE.

évolution du recours aux aides du fonds de solidarité

Source : France Stratégie (comité de suivi).

b.   Une hétérogénéité selon l’activité des entreprises

Si le premier confinement a mis un coup d’arrêt soudain à l’ensemble de l’économie, cela n’a pas été le cas des deuxième et troisième périodes qui ont surtout affecté les secteurs touchés par les fermetures administratives ou les restrictions de déplacement en occasionnant une perte de chiffre d’affaires particulièrement importante, d’où la pertinence du fonds de solidarité dont les aides sont davantage ciblées.

Les secteurs n’ont pas tous été touchés avec la même intensité, et cela s’en ressent dans le recours aux aides, comme en témoigne le graphique ci-après.

 

 

 

 

répartition des aides du fonds de solidarité depuis leur mise en œuvre

(en millions d’euros)

Source : Etalab (data.gouv.fr).

 

Le secteur de l’hébergement et de la restauration : un secteur particulièrement ébranlé par la crise

 

Le secteur de l’hébergement et de la restauration est celui qui a eu le plus recours à l’ensemble des dispositifs de crise. S’il représente seulement 5 % de l’emploi salarié, son volume d’heures chômées s’élève à 24 % du total des heures indemnisées au titre de l’activité partielle depuis le début de la crise sanitaire. Ce secteur a également bénéficié du tiers du montant des aides du fonds de solidarité et d’un dixième des cotisations sociales reportées. Il est aussi le plus touché sur la durée, comme en témoigne le niveau de recours aux différents dispositifs en février 2021.

 

PLACE DU SECTEUR DE LA RESTAURATION ET DE L’HÉBERGEMENT DANS LE RECOURS AUX DISPOSITIFS

(en pourcentage)

Source : France Stratégie (comité de suivi).

En revanche, le recours aux dispositifs est globalement homogène sur le territoire, même si les différences de composition du tissu productif font apparaître quelques spécificités.

Rapportées à leur poids dans le PIB au niveau national, certaines régions se distinguent par une utilisation accrue de plusieurs mesures d’aides. Les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), Occitanie, Corse ainsi que les territoires ultra-marins ont davantage eu besoin du fonds de solidarité en raison du poids du secteur touristique.

De manière générale, la part de chaque secteur dans le bénéfice des aides du fonds de solidarité reflète la structure entrepreneuriale du territoire. Par exemple, si les entreprises de l’hébergement et de la restauration sont les plus concernées dans les Pyrénées-Orientales et dans les Bouches-du-Rhône, c’est le secteur du transport et de l’entreposage qui concentre le plus d’aides dans le Val‑d’Oise.

part des aides du fonds de solidarité par principaux secteurs et par départements

(en pourcentage)

 

Bouches-du-Rhône

Pyrénées-Orientales

Val-d’Oise

Hébergement et restauration

33,2

38,7

21,8

Commerce

16,3

15,5

11,5

Transports et entreposage

6,9

< 2

30,2

Activités spécialisées, scientifiques et techniques

9,2

10

6,4

Source : Etalab (data.gouv.fr).

2.   Les aides ont bénéficié aux entreprises qui en avaient le plus besoin

Le comité de suivi et d’évaluation des aides observe que le recours aux aides a été maximal pour les entreprises dont la santé financière était médiane avant la crise sanitaire alors qu’il a été plus faible pour celle dont la santé était soit mauvaise, soit excellente.

a.   Des mesures de soutien correctement ciblées

Cette analyse vaut pour l’ensemble des dispositifs et des indicateurs (cotation de la Banque de France, rentabilité, liquidité, poids des charges financières, niveau du fonds de roulement, etc.). Par exemple, en observant les taux de rentabilité financière nette ([41]), le recours à l’activité partielle, le report de charges et l’utilisation de PGE sont minimes pour le premier et les trois derniers déciles tandis qu’ils atteignent leur point culminant dans les troisième et quatrième déciles.

Par ailleurs, les dispositifs mis en œuvre ont été utilisés avec plus d’intensité par les très petites entreprises (TPE). Alors qu’elles comptent pour environ 20 % de l’emploi salarié, elles ont pu bénéficier de 56 % du montant total des cotisations reportées et d’environ 27 % de l’activité partielle ainsi que des PGE.

Vos rapporteurs constatent donc que les mesures de soutien n’ont globalement ni bénéficié à des entreprises sur le point de disparaître, ni constitué un effet d’aubaine pour celles affichant une bonne performance.

En conséquence, ils soulignent la pertinence des dispositifs mis en œuvre.

En effet, les entreprises dites « zombies » ([42]) ne semblent pas avoir mobilisé de façon significative les dispositifs au-delà de ce qu’elles représentaient dans l’économie avant la crise sanitaire.

Concernant le lien avec le chiffre d’affaires, les aides ont logiquement été plus utilisées par les entreprises ayant subi les pertes les plus importantes du fait de la crise sanitaire. Toutefois, le niveau de compensation varie nettement selon les secteurs.

exemples d’effets des dispositifs au regard des pertes de chiffre d’affaires

(en pourcentage)

 

Perte de chiffre d’affaires (au 2e trimestre 2020 par rapport au 2e trimestre 2019)

Compensation par les aides de trésorerie (reports de charge et PGE)

Compensation par les mesures subventionnelles (activité partielle et fonds de solidarité)

Transports et entreposage

48

21

2

Information et communication

6

148

22

Hébergement et restauration

65

56

18

Source : France Stratégie (comité de suivi).

Ces disparités s’expliquent par la nature même des mesures de soutien. Seules les aides du fonds de solidarité sont liées au niveau de perte de chiffre d’affaires alors que l’activité partielle, proportionnelle à la masse salariale et donc indépendante du chiffre d’affaires, est un dispositif de subvention pour les entreprises, de même que les PGE et les reports de charge accordés par les URSSAF qui constituent in fine des mesures de soutien à la trésorerie, indépendantes du niveau des pertes.

b.   Des recours qui n’ont pas été systématiques

Enfin, une majeure partie des entreprises n’a en réalité eu recours qu’à une seule des mesures de soutien. De plus, la part des entreprises ayant cumulé au moins trois types d’aides diminue à mesure que la taille de l’entreprise augmente.

part des entreprises n’ayant eu recours qu’à un seul dispositif

(en pourcentage)

Taille de l’entreprise

Activité partielle

Report de cotisations

PGE

Fonds de solidarité

Total

Entre 5 et 10 salariés

20

6

2

0

28

Entre 10 et 250 salariés

29

4

1

0

34

Plus de 250 salariés

44

5

< 1

< 1

49

Source : France Stratégie (comité de suivi).

Il ressort de ces statistiques que l’activité partielle apparaît comme le dispositif le plus autonome, tandis que les aides du fonds de solidarité sont presque toujours associées à une autre mesure. Par ailleurs, le cumul des dispositifs a été plus fort pour les entreprises des secteurs d’activité les plus touchés par la crise sanitaire. Si, dans l’agriculture, 82 % des entreprises n’ont eu recours qu’à une seule mesure, ce taux chute à 39 % dans la restauration et l’hébergement.

Certaines entreprises n’ont eu recours à aucun des dispositifs mis en place pour lutter contre les effets de la crise sanitaire. Elles représentent 10 % du total des entreprises.

En toute logique, le non-recours est inversement proportionnel à l’intensité du choc subi. Par exemple, il est 50 % plus élevé que la moyenne dans le secteur de l’information et de la communication. De même, les entreprises ayant connu une hausse de leur chiffre d’affaires d’avril à juin 2020 ou celles qui figuraient dans le quart ayant la meilleure rentabilité ou la meilleure situation de liquidité avant-crise représentent les deux tiers du non-recours.

Cette situation s’est traduite par une sous-consommation budgétaire des crédits alloués aux mesures d’urgence. Plus de 40 % des autorisations d’engagement et des crédits de paiement ouverts par les quatre lois de finances rectificatives de 2020 n’ont pas été utilisées.

Les écarts les plus importants entre la prévision en loi de finances rectificative et l’exécution s’observent sur les exonérations de cotisations (près de 50 % de moins) et les aides du fonds de solidarité (– 40 %).

 

consommation des crédits de paiement ouverts sur les programmes de la mission plan d’urgence face à la crise sanitaire en 2020

(en millions d’euros)

Source : Cour des comptes (note d’analyse de l’exécution budgétaire de la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire en 2020).

Au cours de ses travaux, la mission a également relevé un sentiment de complexité vis-à-vis de ces aides pour les entreprises les plus petites. Ce ressenti est particulièrement important pour l’évolution du fonds de solidarité qui s’est complexifié au fur et à mesure de la crise.

II.   la situation actuelle ne doit pas masquer les difficultés des entreprises amenées à persister dans les mois et années à venir

Le « quoi qu’il en coûte » – pour reprendre l’expression utilisée par le Président de la République ([43]) a permis de maintenir à flot l’économie française et d’éviter une cascade de défaillances du fait de la chute brutale de l’activité lors du premier confinement. Les aides publiques se sont ensuite plus particulièrement concentrées sur les secteurs les plus touchés du fait du maintien des mesures restrictives pour freiner la propagation de la pandémie, notamment les secteurs du commerce, de l’hébergement, de la restauration et du tourisme.

Ce constat positif ne doit pas occulter les risques pesant sur les entreprises, notamment liés au remboursement de la dette qu’elles ont contractées du fait du bénéfice des prêts garantis par l’État ou des reports de charges sociales et fiscales. Cet endettement brut conséquent pourrait mettre en difficulté des entreprises, et plus particulièrement les plus petites d’entre elles, fragilisées par la faiblesse de leurs fonds propres.

A.   un paradoxe apparent : Le niveau historiquement bas du nombre d’entreprises en procédure collective

La déclaration de l’état d’urgence sanitaire et l’adoption de mesures restrictives pour lutter contre la propagation de la pandémie de Covid-19 dès le mois de mars 2020 se sont paradoxalement traduites par un net coup d’arrêt des ouvertures de procédures collectives devant les tribunaux.

À très court terme et de manière temporaire, ce tarissement des défaillances a résulté de la fermeture des tribunaux de commerce et des mesures prises pour adapter le droit des entreprises en difficulté à la crise sanitaire. En toute logique, la fermeture des tribunaux de commerce à compter du 16 mars 2020 ([44]), et ce pendant la durée du premier confinement, a mécaniquement conduit à diminuer le nombre d’ouvertures de procédure. En outre, l’ordonnance prise dès le mois de mars 2020 pour adapter le droit des entreprises en difficulté à la crise sanitaire a « gelé » au 12 mars 2020 l’appréciation de l’état de cessation de paiements. Ainsi, en raison de l’état d’urgence sanitaire, toutes les entreprises qui se sont retrouvées en cessation de paiements entre le 13 mars et le 23 août 2020 ont ainsi bénéficié, de plein droit, d’une parenthèse puisque le délai d’observation de 45 jours ne pouvait débuter qu’à compter du 23 août.

Toutefois, c’est essentiellement le soutien apporté au secteur marchand par les aides publiques qui a permis aux entreprises susceptibles d’être en difficulté de ne pas être en défaillance.

Se pose dès lors la question du rattrapage de ces absences de faillites alors que les effets de la crise sanitaire s’amenuisent et que le retour à la normale impliquera l’arrêt des aides publiques.

1.   Une chute inédite du nombre de défaillances

a.   Une baisse de près de 40 % du nombre de défaillances entre 2019 et 2020

En 2020, seulement 31 010 entreprises ont été en situation en défaillance ([45]) contre 51 502 l’année précédente (– 39,8 %) d’après l’INSEE, soit un nombre moyen de 2 584 dépôts de bilan par mois contre 4 292 en 2019. En prenant en compte le seul deuxième trimestre de l’année 2020, l’écart atteint – 55,3 % par rapport à la même période en 2019.

 

L’année 2019 ayant elle-même été une année relativement basse en termes de défaillances, la baisse du nombre de faillites en 2020 s’élève à 44,8 % en comparaison avec la moyenne des cinq dernières années et à 47,2 % en comparaison de celle des dix années précédentes.

nombre de défaillances par mois de janvier 2020 à avril 2021

Source : INSEE.

nombre de défaillanceS par année de 2015 à 2020

Source : INSEE.

Le point le plus bas a été atteint lors du mois d’avril 2020 avec 1 465 défaillances recensées contre 4 547 au mois d’avril 2019 (– 67,8 %). À l’inverse, l’écart le plus faible se situe au mois d’août 2020 (– 12,6 %).

comparaison des défaillances de janvier 2020 à avril 2021 par rapport aux mêmes mois de l’année 2019

Source : INSEE.

Ce nombre historiquement bas de défaillances se maintient en 2021. D’après la Banque de France, il s’élève à un peu moins de 2 200 par mois depuis le début de l’année, soit un niveau comparable à celui de 2020 en omettant la période d’avant-crise (janvier-février). Le décalage par rapport aux mêmes mois de l’année 2019 oscille autour de – 50 %.

En conséquence, il y a lieu de craindre un effet de rattrapage après la fin des aides publiques.

Il ressort en effet des statistiques présentées ci-avant qu’entre 20 000 et 25 000 entreprises seraient, en quelque sorte, « en sursis » car maintenues en vie grâce aux mesures de soutien depuis le début de la pandémie.

Une simulation réalisée pour le compte de la direction générale du Trésor ([46]) estime que la part d’entreprises devenues insolvables aurait été de 11,9 % sans soutien public au lieu de 6,6 % grâce à celui-ci. L’endettement pour faire face aux besoins de liquidités aurait été plus élevé à hauteur de 20 millions d’euros.

simulation de L’impact de la crise sur les entreprises pour la période de mars à décembre 2020

Source : Direction générale du Trésor.

jugements d’ouverture de procédure collective de mars à décembre 2020

Source : Infogreffe.

b.   Un sursis qui concerne principalement les entreprises les plus petites, indépendamment du secteur d’activité

Ce maintien en vie d’entreprises susceptibles d’être en difficulté est relativement homogène selon les secteurs, l’écart entre la variation la plus élevée et la plus faible par rapport à 2019 n’étant que de 15,7 points de pourcentage.

Les différentiels les plus importants concernent le secteur de la construction et celui des transports et de l’entreposage où le nombre de défaillances a été inférieur d’environ 45 %. À l’opposé, les activités immobilières, celles de finances et d’assurance ainsi que le secteur de l’information et de la communication présentent un moindre écart (environ – 30 %).

écart entre le nombre de défaillances en janvier 2021 par rapport à janvier 2020

(en pourcentage)

Source : Banque de France.

La baisse importante des défaillances n’a concerné que les petites et moyennes entreprises (PME). Parmi elles, ce sont les microentreprises qui affichent la différence la plus importante (– 41 % de dépôts de bilan). À l’inverse, les entreprises de taille moyenne sont celles qui présentent l’écart le plus faible (– 25 %).

écart des défaillances entre janvier 2020 et janvier 2021 par taille d’entreprise

(en pourcentage)

Taille

Écart

Microentreprises et taille indéterminée

– 40,6

Très petites entreprises

– 35,7

Petites entreprises

– 29,2

Moyennes entreprises

– 24,8

Entreprises de taille intermédiaires et grandes entreprises

+ 42,4

Source : Banque de France.

Il ressort de ces éléments que la protection contre les faillites a été inversement proportionnelle à la taille de l’entreprise.

 

L’effet de la crise sanitaire sur la création des entreprises

La crise sanitaire n’a en revanche pas affecté la création d’entreprises dans sa globalité, l’année 2020 marquant même un record d’après l’INSEE ([47]) avec près de 850 000 créations (+ 4 % par rapport à 2019).

Toutefois, cette hausse est portée par l’essor des microentreprises (+ 9 %) alors que les créations de société demeurent stables.

Les secteurs qui contribuent le plus à cette augmentation sont les activités de transports et d’entreposage (+ 22 %), le commerce (+ 9 %) ainsi que les activités immobilières. En revanche, l’enseignement et les activités spécialisées, scientifiques et techniques accusent une diminution du nombre de créations par rapport à 2019 (respectivement – 8 % et – 3 %).

2.   Un effet de rattrapage encore à venir

Force est de constater que le « mur de faillites », comme beaucoup d’acteurs le désignent, n’a pas encore été atteint.

Comme évoqué précédemment, le nombre de défaillances au premier trimestre 2021 demeure pratiquement aussi faible qu’au second trimestre 2020, soit au plus fort de la crise sanitaire et lorsque les mesures de restrictions affectaient la quasi-totalité des secteurs d’activité.

Après un léger rebond à l’été 2020 entre les deux vagues de l’épidémie en France, le nombre de faillites semble s’être stabilisé entre 2 000 et 2 500 chaque mois. Pour les quatre premiers mois de l’année 2021, elles s’avèrent moitié moins nombreuses que sur la même période en 2019.

Toutefois, la proportion de liquidations judiciaires parmi l’ensemble des défaillances est en hausse, ce qui signifie que la situation des entreprises qui arrivent à ce stade est irréversible.

Se pose dès lors la question du rattrapage des 20 000 à 25 000 entreprises qui auraient été susceptibles d’être en difficulté si la crise sanitaire n’avait pas eu lieu. En toute logique, les sociétés maintenues artificiellement en vie sont, d’après la plupart des acteurs auditionnés par la mission, celles qui connaissaient déjà des difficultés récurrentes de trésorerie avant le début de la pandémie (manque de rentabilité, faiblesse des capitaux propres…).

Pourtant, les éléments évoqués précédemment quant aux dispositifs d’aide publique mis en place pour soutenir les entreprises (activité partielle, fonds de solidarité, prêts garantis par l’État ou encore reports de charges sociales et fiscales) montrent qu’ils n’ont que peu voire pas profité aux entreprises dites « zombies », c’est-à-dire aux sociétés qui ne réalisaient plus assez de bénéfices pour couvrir leurs frais financiers depuis plusieurs années.

Comme le remarquait France Stratégie en décembre 2020 ([48]), la crise sanitaire a plutôt créé une situation de « mise en hibernation » que de « zombification ». Son analyse montre d’ailleurs que les principaux facteurs susceptibles d’entraîner la défaillance d’une entreprise demeurent les mêmes qu’avant la crise, soit l’endettement et la diminution de la productivité du travail.

Enfin, les indicateurs permettant de détecter les difficultés des entreprises ont perdu de leur pertinence du fait de l’activation des différentes mesures de soutien, ce qui ajoute une difficulté supplémentaire pour anticiper quelles entreprises risquent de faire l’objet d’une procédure collective à l’issue de la pandémie.

L’ambition de vos rapporteurs est avant tout d’éviter les défaillances d’entreprises performantes et viables dans une situation normale.

L’objectif n’est donc pas de préserver les 20 000 à 25 000 entreprises qui ont été, en quelque sorte, sauvées par le contexte exceptionnel de la pandémie de Covid‑19, le processus de destruction créatrice étant un élément clé de la croissance de la productivité.

L’enjeu de la « déperfusion » des aides publiques va, en réalité, se cristalliser autour du traitement de l’endettement brut qui résulte des reports de cotisations sociales et de la souscription des prêts garantis par l’État principalement, l’activité partielle et les aides du fonds de solidarité constituant l’équivalent de subventions sans perspective de remboursement aux finances publiques.

B.   LA CRISE amplifie LES FAIBLESSES STRUCTURELLES du tissu entrepreneurial français

Si la crise sanitaire a eu un impact sur l’ensemble de l’économie française, c’est essentiellement le sort des petites et moyennes entreprises et plus particulièrement des plus petites d’entre elles qui suscite l’inquiétude de vos rapporteurs.

À la fois les plus fragiles et les plus répandues, elles composent la majeure partie du tissu économique au niveau local. Ce sont elles qui sont le plus susceptibles d’être en difficulté de manière générale et plus encore du fait des conséquences financières de la pandémie.

 

1.   La crise provoque un endettement des entreprises et compromet leurs capacités à investir

La pandémie de Covid-19 a entraîné une crise sanitaire ayant elle-même provoqué une crise économique. En 2020, le produit intérieur brut (PIB) de la France s’est contracté de 8,2 %, soit une récession inédite depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ([49]). Ce niveau est supérieur à la moyenne des États-membres de l’Union européenne (– 6,2 %) et de ceux de la seule zone euro (– 6,6 %).

a.   Des effets multiples et néfastes sur l’économie française

La crise économique consécutive aux mesures de lutte contre la pandémie se caractérise par plusieurs phénomènes :

– une chute de la consommation des ménages malgré le maintien de leur niveau de revenu ayant entraîné une augmentation importante de l’épargne (+ 41,7 % pour passer de 14,9 % de revenu disponible brut ([50]) en 2019 à 21,3 % en 2020) ;

– un repli du taux de marge ([51]) des entreprises, passé de 33 % en 2019 à 29 % en 2020 ;

– une diminution de 7,7 % de l’investissement des entreprises ([52]) qui chute de 307,8 milliards à 284,2 milliards d’euros entre 2019 et 2020.

– un maintien du niveau d’emploi salarié grâce à l’activité partielle mais aussi à l’ensemble des mesures de soutien aux entreprises ;

– une hausse de l’endettement des entreprises du fait des aides publiques (prêts garantis par l’État et reports de cotisations sociales principalement) et de la baisse de l’investissement ;

– une réduction de nombre de défaillances d’entreprises (cf. supra) pour les raisons commentées ci-avant.

À noter également une détérioration de la balance courante de la France à hauteur de 37 milliards d’euros (– 1,7 point de PIB) du fait, principalement, de l’industrie manufacturière, du tourisme et des revenus des investissements étrangers.

 

évolution du pib et de ses composantes depuis 2015

(en pourcentage)

Source : INSEE.

Concernant la diminution de l’investissement, il convient de rappeler que les entreprises n’ont pas eu d’autres choix que le report sine die de toutes leurs dépenses jugées non essentielles à court terme dans un contexte de choc économique brutal. La chute de la demande en biens et services des ménages et des entreprises a fortement réduit le taux d’utilisation des capacités de production.

La mission a pu constater que le phénomène suscitant le plus d’inquiétude est celui de la hausse importante de l’endettement des entreprises, qui laisse craindre une augmentation des défaillances au-delà du seul effet de rattrapage attendu. Le risque principal est ainsi de voir disparaître du paysage économique français des entreprises pourtant viables avant la crise sanitaire.

b.   L’endettement risque de peser sur le besoin en fonds de roulement et les capacités d’investissement

À cause de la pandémie, les entreprises françaises ont connu une chute brutale de leur chiffre d’affaires. En conséquence, elles ont dû réduire leurs charges et emprunter pour pouvoir faire face à leurs échéances. Pour cela, elles ont bénéficié d’un soutien des autorités publiques d’une ampleur à la hauteur des besoins.

i. Les risques associés à un niveau d’endettement trop élevé

La situation financière des entreprises est donc le principal point d’attention des conséquences économiques de la crise sanitaire. Le niveau d’endettement risque de peser à la fois :

 sur la capacité à mobiliser la trésorerie nécessaire lors de la reprise. Ainsi, le risque de pression forte sur les besoins en fonds de roulement des entreprises françaises a été souligné à plusieurs reprises au cours des auditions. La crainte et que les entreprises ne parviennent pas à mobiliser suffisamment de liquidités pour permettre à l’économie de repartir ;

 sur les capacités d’investissement à plus long terme, dont dépend largement notre compétitivité.

Une simulation réalisée pour le compte de la direction générale du Trésor ([53]) estime que l’investissement des entreprises devrait être réduit de 2 % à moyen terme en émettant l’hypothèse que la demande et le niveau de profit reviendraient à leur situation d’avant la crise sanitaire. Au niveau national, l’agrégation de l’ensemble des surcroîts d’endettement provoquerait un manque d’investissement d’environ 4 milliards d’euros.

Deux raisons peuvent expliquer le lien entre la hausse de l’endettement et la difficulté à investir. Premièrement, les bénéfices générés servent d’abord au remboursement des créanciers lorsqu’une entreprise à une dette élevée. Deuxièmement, un niveau important d’endettement renchérit le coût du crédit puisque la banque fait supporter une prime de risque à l’emprunteur qui est plus susceptible d’être un jour défaillant. Faute d’accès à l’emprunt, l’entreprise ne peut, en conséquence, réaliser des investissements.

À cela s’ajoute un phénomène d’incertitude généralisé quant aux conditions de la reprise une fois la crise sanitaire passée et les mesures d’aide levées. Dans ce contexte particulier, la priorité des entreprises n’est pas à l’extension des capacités de production.

ii. Une problématique d’autant plus centrale que le niveau d’endettement des entreprises françaises est structurellement élevé

Il convient de rappeler que la France se distinguait déjà par un endettement de ses entreprises plus élevé que chez ses voisins européens. Avant la crise, la dette nette des sociétés non financières françaises était en effet égale à 73 % du PIB, soit environ 1 700 milliards d’euros, en France contre 41 % en Allemagne et 57 % au Royaume‑Uni. Son taux de croissance annuel était déjà de 6,5 % en 2018 et de 4,9 % en 2019.

Cet endettement a d’ailleurs connu une dynamique singulière au cours des dix dernières années par rapport au reste de l’Europe. De 2009 à 2016, il a augmenté de 16 points de PIB en France ([54]) alors qu’il est resté globalement stable dans les autres États-membres de la zone euro.

iii. Si les dispositifs d’aides ont permis de sauver l’économie française, ils ont également accru le niveau d’endettement des entreprises

À ce phénomène structurel d’endettement relativement important des entreprises françaises s’ajoutent donc la question du remboursement des PGE ainsi que celle du règlement des créances sociales et fiscales.

En juin 2021, 680 000 PGE ont été accordés par les banques aux entreprises. Ils constituent un capital de 138,4 milliards d’euros. Le secteur du commerce représente presque un quart des PGE accordés avec 32,9 milliards d’euros.

flux trimestriels de trésorerie, de dette brute et de dette nette des sociétés non financières depuis 2017

(en milliards d’euros)

Source : Banque de France.

Toutefois, l’endettement créé par le bénéfice des PGE et des reports de cotisations ne semble pas avoir accru la dette nette des entreprises puisque celle-ci a pratiquement augmenté à due proportion de la trésorerie. La Banque de France relevait ainsi qu’en 2020 la dette financière brute a augmenté de 230 milliards d’euros tandis que la trésorerie a progressé de 217 milliards d’euros, soit un endettement net de seulement 13 milliards d’euros.

Vos rapporteurs s’inquiètent néanmoins de cet endettement qui risque de grever les finances des très petites entreprises déjà confrontées à une fragilité structurelle de leurs fonds propres (cf. infra).

En effet, ce niveau agrégé d’endettement net masque des différences importantes selon les entreprises. Certaines d’entre elles risquent de sortir de la crise sanitaire avec un bilan affaibli et seront les plus à même de connaître des difficultés susceptibles d’entraîner des défaillances.

2.   Ces effets conjoncturels interviennent dans un contexte économique structurellement marqué par certaines fragilités du tissu économique français et plus particulièrement des TPE

L’endettement brut généré par la crise sanitaire s’ajoute ainsi à une situation de fragilité structurelle du fait de la faiblesse des fonds propres des entreprises françaises, et en particulier des TPE, qui représentent en nombre l’essentiel du paysage entrepreneurial français. La crise sanitaire est venue percuter de plein fouet une économie française marquée par des difficultés structurelles, notamment concernant son tissu de petites et moyennes entreprises (PME).

a.   Un tissu productif caractérisé par une grande concentration et un nombre insuffisant d’entreprises de taille intermédiaire

L’économie française se caractérise par la concentration de l’emploi salarié et de la valeur ajoutée dans un petit nombre de sociétés, eu égard à l’effectif total des entreprises. À l’opposé, le tissu économique local est constitué d’une myriade de très petites entreprises, celles qui sont le plus susceptibles d’être en difficulté et plus encore du fait de la crise sanitaire. La France souffre structurellement d’un maillage insuffisant d’entreprises de taille intermédiaire, qui contraste avec le modèle allemand, souvent cité en exemple en la matière.

La classification des entreprises en France

Les critères actuels pour déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique ont été définis par le décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008, pris en application de l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

Ils distinguent quatre catégories d’entreprises :

– les microentreprises ([55]) : moins de 10 salariés et chiffre d’affaires annuel inférieur à 2 millions d’euros ;

– les petites et moyennes entreprises (PME) : moins de 250 salariés et chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d’euros ;

– les entreprises de taille intermédiaire (ETI) : moins de 5 000 salariés et chiffre d’affaires annuel inférieur à 1,5 milliard d’euros ;

– les grandes entreprises (GE) : plus de 5 000 salariés et chiffre d’affaires annuel supérieur à 1,5 milliard d’euros.

En 2018, le nombre de PME était légèrement inférieur à 150 000. Celui des TPE s’élevait à près de 3,7 millions. Ensemble, elles représentaient la quasi-totalité des entreprises en France (99,4 %). Elles employaient près de la moitié des salariés du secteur privé (6,2 millions). Quant à leur chiffre d’affaires, avec 1 450 milliards d’euros, il était égal à 36,5 % du total des entreprises.

Il apparaît dès lors que le tissu productif français se caractérise par sa très grande concentration puisque, à l’inverse, environ 250 entreprises emploient un peu plus du quart des salariés et réalisent le tiers de la valeur ajoutée totale.

Les activités tertiaires (commerce, transports-entreposage et l’ensemble des services marchands hors secteur financier) concentrent près des deux tiers de la valeur ajoutée, témoignage de la transformation profonde de la structure productive de l’économie française depuis la fin des Trente Glorieuses ([56]). Cette tertiarisation est encore plus forte pour les TPE dont 72 % de leurs salariés travaillent pour ces secteurs d’activité.

À noter également que la part de salariés de TPE travaillant dans le secteur de la construction (18 %) est également supérieure à la moyenne (10 %). Ces entreprises incarnent le tissu économique de proximité : petits commerces de détail, bars, restaurants, garages automobiles, etc.

Si les TPE ne représentent que 11 % de la valeur ajoutée au niveau agrégé, cette part atteint 28 % dans l’hébergement et la restauration, 22 % dans la construction et 20 % dans les services aux particuliers.

Les trois quarts de ces entreprises n’ont aucun salarié, un tiers d’entre elles appartenant d’ailleurs à des microentreprises aux sens fiscal et social. Seulement 14 % ont plus d’un salarié à temps plein.

Les deux tiers des TPE ont moins de dix années d’ancienneté. Près de la moitié (44 %) a même moins de cinq ans d’existence.

caractéristiques des entreprises par catégorie en 2018

Source : INSEE.

Vos rapporteurs considèrent que c’est autour des PME et plus particulièrement des TPE que se cristallise la question de la prévention des difficultés pour l’après-crise.

 

Des mutations qui font apparaître des gagnants et des perdants

La pandémie de Covid-19 n’a pas en elle-même modifié le dynamisme des différents secteurs d’activité de l’économie française. Elle a cependant accéléré des transformations déjà à l’œuvre depuis plusieurs années.

Ces mutations concernent principalement des modes de consommation liés aux nouvelles technologies de l’information et de la communication.

C’est notamment le cas du commerce en ligne et des livraisons à domicile, porté par le phénomène de la « plateformisation », c’est-à-dire l’émergence d’interfaces dans les rapports entre les consommateurs et les producteurs de biens et de services, aussi qualifiée péjorativement de « ubérisation ».

Ces secteurs ont été non seulement peu touchés par les effets de la crise du fait des relations dématérialisées avec leur clientèle sur lesquelles elles reposent mais elles ont également bénéficié de la fermeture administrative des entreprises de commerce en détail ou des restaurants du fait des mesures de confinement ou de couvre-feu.

Dans son bilan national des entreprises en 2020, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce observait que ce sont dans les secteurs de la livraison à domicile ou du retrait de commandes (click and collect) que les créations d’entreprises ont connu un véritable essor depuis le début de la pandémie, développement qui avait certes débuté au cours des années précédentes mais qui a connu une accélération certaine.

b.   Les fonds propres des TPE sont structurellement faibles

Compte tenu de leur petite taille, l’accès au financement par crédit bancaire est soit plus difficile, soit plus onéreux pour les TPE. En conséquence, ces entreprises ont intérêt à disposer de fonds propres suffisants pour faire face aux aléas de la conjoncture. Or, elles ne disposent que de 4,8 % (129,7 milliards d’euros) du total des capitaux propres des entreprises (selon les chiffres de 2018) alors qu’elles représentent 11 % de la valeur ajoutée et 9 % du chiffre d’affaires ([57]).

Les fonds propres

En comptabilité, les fonds propres correspondent aux sommes versées par les associés (ou les actionnaires, le cas échéant) augmentées des profits générés et non redistribués (sous forme de dividendes). En conséquence, les fonds propres sont égaux au patrimoine net d’une entreprise sans ses dettes.

En pratique, les fonds propres d’une TPE sont principalement issus des fonds personnels de son dirigeant ainsi que des bénéfices. La prééminence des résultats est une caractéristique propre aux entreprises de cette taille.

 

L’INSEE constate que la part des fonds propres dans le bilan des TPE s’est cependant accrue au cours des dernières années avant la pandémie de Covid-19 pendant que leur taux d’endettement reculait ([58]). Cette progression résultait de l’accumulation de bénéfices passés et réinvestis dans l’entreprise du fait de l’évolution relativement favorable de l’activité économique et de la rentabilité des entreprises entre 2014 et 2018, d’où un accroissement de la part occupée par l’autofinancement dans le bilan des TPE.

Toutefois, cette légère amélioration dissimule deux réalités bien différentes. Si les services aux entreprises et le secteur de l’information et de la communication sont ceux où les TPE sont les mieux capitalisées, c’est le constat inverse qui s’observe dans les secteurs de l’hébergement et de la restauration, secteurs les plus touchés par la crise sanitaire. Ces domaines d’activité se démarquent par la faiblesse des résultats réinvestis en fonds propres et par un endettement financier élevé. Cette insuffisance semble révélatrice d’un problème de rentabilité et donc de difficultés financières in fine.

De 2014 à 2018, un cinquième des TPE avait déjà des fonds propres négatifs. Dans le secteur de l’hébergement et de la restauration, de l’immobilier ou encore des services aux particuliers, c’est près du quart des TPE qui sont concernées.

L’insuffisance de fonds propres augmente le risque d’insolvabilité et crée donc une incertitude sur la viabilité de l’entreprise ce qui compromet l’accès au financement auprès des banques et enclenche une forme de cercle vicieux. À noter que le code de commerce prévoit que les associés doivent décider s’il y a lieu de dissoudre la société lorsque les capitaux propres deviennent inférieurs à la moitié du capital social ([59]). En temps normal, la présence de fonds propres négatifs est le facteur qui influe le plus sur le risque de défaillance. D’après l’INSEE, il multiplie par deux le risque de faillite d’une entreprise.

Ce cas de figure peut également créer une situation d’insuffisance de liquidité qui fragilise la trésorerie de l’entreprise car il réduit mécaniquement son fonds de roulement ([60]).

Vos rapporteurs s’inquiètent d’un risque de contagion avec des défaillances en chaîne dans certains secteurs d’activité. En effet, les retards de paiement de la part d’entreprises défaillantes sont susceptibles de mettre à leur tour en difficulté d’autres entreprises en raison de l’intensité des relations commerciales.

Celles-ci reposent sur le « crédit interentreprises » qui correspond à la négociation des délais de paiement entre clients et fournisseurs. En 2017, ces dettes commerciales représentaient 7,5 % du total du passif des entreprises d’après l’Observatoire des délais de paiement.

L’INSEE a estimé que l’existence de retards clients augmente la probabilité de défaillance d’une entreprise de 25 % et de 40 % s’ils dépassent 30 jours ([61]).

Au final, la situation actuelle est donc préoccupante par bien des aspects et il convient d’anticiper le choc à venir, qui risque de se traduire par une augmentation du nombre d’entreprises en difficulté.

III.   Face À cette situation, Le cadre applicable aux entreprises en difficulté présente une boîte à outilS à la fois foisonnante et complexe

Pour faire face aux difficultés des entreprises, un certain nombre d’outils existe dans le droit commun. À côté des procédures judiciaires, une série d’acteurs est susceptible d’intervenir dans le cadre de la prévention et de l’accompagnement des entreprises en difficulté.

A.   LA NOTION D’entreprise en difficulté

La notion d’entreprise en difficulté n’est pas à proprement parler définie en droit français, même si le titre VI du code de commerce, qui s’intitule « des difficultés des entreprises », leur est entièrement consacré.

Sur le plan juridique, la notion d’entreprise en difficulté, bien que non définie par la loi, peut faire l’objet de deux définitions. Une définition restreinte conduit à limiter la notion d’entreprise en difficultés aux structures ayant atteint des difficultés telles que la cessation des paiements devient inévitable : l’actif disponible ne permet plus de faire face au passif exigible. Cette situation peut entraîner la mise en place d’une procédure de redressement ou de liquidation, selon les cas de figure. Une définition plus élargie consiste à inclure dans la notion d’entreprises en difficulté les entreprises faisant l’objet d’une procédure judiciaire dite préventive (mandat ad hoc, conciliation et procédure de sauvegarde), qui permet un traitement précoce des difficultés, c’est-à-dire pouvant intervenir avant la cessation des paiements ([62]).

Sur le plan économique, une entreprise en difficulté peut être définie selon la méthode du faisceau d’indices, qui permet de repérer le cumul d’un certain nombre de fragilités, telles que la diminution du carnet de commandes, la multiplication des incidents de paiement, les demandes de licenciement économique, etc.

Enfin, on peut noter qu’au plan statistique, le concept de « défaillance d’entreprise » est préféré à celui d’entreprise en difficulté dans la mesure où la défaillance peut être mesurée à l’aune d’un critère objectif et public : la déclaration de cessation de paiements. Ainsi, selon l’INSEE, « une unité légale est en situation de défaillance ou de dépôt de bilan à partir du moment où une procédure de redressement judiciaire est ouverte à son encontre. Cette procédure intervient lorsqu’une unité légale est en état de cessation de paiements, c’est-à-dire qu’elle n’est plus en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. »

La notion d’entreprise en difficulté est également appréhendée par le droit européen. Dans le cadre de lignes directrices édictées en 2014 ([63]), la Commission européenne détaille les conditions de compatibilité des aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté autres que les établissements financiers avec l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Selon ces lignes directrices, « une entreprise est considérée en difficulté lorsqu’il est pratiquement certain qu’en l’absence d’intervention de l’État, elle sera contrainte de renoncer à son activité à court ou à moyen terme ». Des critères précis sont énumérés, comme détaillé dans l’encadré ci-après. On peut d’ailleurs noter que ce cadre a fait l’objet d’un assouplissement temporaire dans le contexte de la crise sanitaire, afin notamment de permettre aux entreprises en difficulté de bénéficier des PGE ([64]).

 

Les critères permettant de définir une entreprise en difficulté au regard du droit de l’Union européenne

Selon les lignes directrices de la Commission européenne de 2014, une entreprise est une entreprise en difficulté lorsqu’au moins une des conditions énumérées ci-dessous est remplie :

– s’il s’agit d’une société à responsabilité limitée, lorsque plus de la moitié de son capital social souscrit a disparu en raison des pertes accumulées ;

– s’il s’agit d’une société dont certains associés au moins ont une responsabilité illimitée pour les dettes de la société, lorsque plus de la moitié des fonds propres, tels qu’ils sont inscrits dans les comptes de la société, a disparu en raison des pertes accumulées ;

– lorsque l’entreprise fait l’objet d’une procédure collective d’insolvabilité ou remplit, selon le droit national qui lui est applicable, les conditions de soumission à une procédure collective d’insolvabilité à la demande de ses créanciers ;

– dans le cas d’une entreprise autre qu’une PME, lorsque depuis les deux exercices précédents : le ratio emprunts/capitaux propres de l’entreprise est supérieur à 7,5 et le ratio de couverture des intérêts de l’entreprise, calculé sur la base de l’EBITDA, est inférieur à 1,0.

B.   Le droit français prévoit une diversité de procédures offrant des solutions différentes en fonction du niveau de gravité des difficultés

Le livre VI du code de commerce prévoit une série de procédures juridiques pour assurer la prévention et le traitement des difficultés des entreprises. Les procédures amiables, qui peuvent être mises en place en amont de graves incidents, doivent permettre un traitement négocié, consensuel et confidentiel des difficultés entre l’entreprise et ses créanciers. Les procédures collectives interviennent davantage en aval des difficultés. Elles placent l’entreprise sous la protection du tribunal et offrent, comme leur nom l’indique, un traitement collectif des dettes, ce qui signifie que les créanciers sont dans l’obligation de renoncer à leur droit de poursuite individuel. Contrairement aux procédures amiables, les procédures collectives ne sont pas confidentielles.

1.   Les fondements du droit des entreprises en difficulté

a.   Du droit de la faillite au droit des entreprises en difficulté

i.   La naissance du droit contemporain des entreprises en difficulté

Le droit français des entreprises en difficulté a peu à peu évolué du droit des faillites, au droit des entreprises en difficulté, bien que cette mue ne puisse être considérée comme pleinement achevée.

 

Ce changement sémantique témoigne de la volonté du législateur de faire disparaître de notre droit le terme de « faillite » et la connotation morale qui l’accompagne. Le droit a ainsi évolué vers un ensemble de règles destinées à prévenir et traiter les défaillances d’entreprises et non plus simplement à punir le dirigeant fautif et à prévoir les modalités de répartition de l’actif entre les créanciers.

Les origines du droit des faillites en France : un régime très répressif

Sous l’Ancien régime, le débiteur pouvait être condamné à mort ou aux travaux forcés.

En 1807, le code de commerce témoigne de la volonté de l’empereur Napoléon d’insister sur la dimension morale de la faillite. Le failli devait déposer son bilan dans les 3 jours de la cessation des paiements, des scellés étaient apposés sur ses biens. Il était emprisonné, à moins d’obtenir un sauf-conduit si l’état apparent de ses affaires ne révélait pas une situation de banqueroute.

Ce jugement moral à l’égard du commerçant failli imprègne l’imaginaire collectif. Au XIXe siècle, le personnage balzacien de César Birotteau l’illustre de façon éloquente. Adjoint au maire et parfumeur, ce dernier finit ruiné et meurt d’épuisement après avoir passé sa vie à rembourser ses créanciers, donnant ainsi un sens prémonitoire à cette exclamation située au début du roman : « On connaît mes opinions sur la faillite ! La faillite est la mort d’un commerçant, je mourrais ! ».

Cette dimension très répressive commence à s’atténuer au cours du XIXe siècle, avec la loi sur la faillite du 28 mai 1838 (diminution des sanctions, accélération des procédures), celle du 17 juillet 1856 créant le concordat par abandon d’actif, ou encore la loi du 4 mars 1889 relative à la liquidation judiciaire, qui marque l’apparition de la notion du débiteur « malchanceux et de bonne foi ». Il faut toutefois attendre le XXe siècle pour voir la mutation du droit de la faillite vers le droit des entreprises en difficulté.

Il faut attendre la deuxième moitié du XXe siècle pour qu’un changement de paradigme juridique s’opère véritablement.

La première étape essentielle est franchie avec la réforme de 1967, qui laisse de côté la notion traditionnelle de faillite et fait apparaître les premiers éléments d’un droit des entreprises en difficulté.

La loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, dite loi Badinter, constitue la deuxième et grande étape de ce mouvement. Elle est précédée de la loi du 1er mars 1984 qui instaure les premières procédures préventives avec le règlement amiable. Le législateur est ici venu modifier profondément les équilibres entre les différentes parties prenantes, dans un sens largement favorable au débiteur. La loi entérine le recul du droit des créanciers et l’accroissement des pouvoirs du tribunal. Elle est également marquée par une prise en considération croissante des salariés. Le recul des droits de créanciers se manifeste notamment par la suppression de l’assemblée concordataire, qui auparavant décidait in fine du sort de l’entreprise.

ii.   Depuis la loi Badinter, de nombreuses évolutions

Depuis la loi Badinter, de nombreuses évolutions du droit des entreprises en difficulté se sont succédé au fil des réformes, selon un mouvement de balancier, tantôt favorable aux débiteurs, tantôt favorable aux créanciers.

La loi n° 94-475 du 10 juin 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises a ainsi marqué une volonté de redonner confiance aux partenaires de l’entreprise, au premier rang desquels se trouvent les banques.

Au cours des années 2000, la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises a constitué une nouvelle étape centrale. Elle s’inscrit dans la continuité de la loi Badinter, avec l’instauration de la procédure de sauvegarde et plusieurs aménagements significatifs du droit des entreprises en difficulté. La réforme se caractérise par de nombreuses innovations juridiques dont la plus significative est la procédure de sauvegarde (détaillée infra).

Par la suite, de nombreux textes techniques ont été votés, certains comportant des apports significatifs au droit des entreprises en difficulté. Il faut ainsi citer l’ordonnance du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, parachevant la réforme de 2005 avec des mesures pour rendre la sauvegarde plus attractive et faciliter les liquidations, la loi du 22 octobre 2010 introduisant la sauvegarde financière accélérée, l’ordonnance du 12 mars 2014, qui comporte pas moins de 117 articles, plutôt marquée par un rééquilibrage en faveur des créanciers et permettant des évolutions significatives telles que l’introduction de la procédure de sauvegarde accélérée, l’extension du privilège de la conciliation ou encore la simplification du mécanisme de déclaration de créance.

Plus récemment, des avancées ont été permises par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », notamment pour limiter les risques de blocage par les actionnaires des procédures collectives ([65]), et la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi PACTE », qui a procédé à un certain nombre de retouches bienvenues et a cherché à mieux garantir le rebond de l’entrepreneur ([66]). L’actualité législative au sujet des entreprises en difficulté est aujourd’hui de nouveau sous un « vent de réforme », notamment sous l’influence de la crise sanitaire et économique actuelle et dans le contexte à venir de la transposition de la directive européenne « restructuration et insolvabilité ». Les caractéristiques précises de ces évolutions très récentes ou à venir seront détaillées infra ([67]).

Plusieurs remarques peuvent être formulées au vu de ce tableau des évolutions historiques du droit des faillites :

 le poids de l’héritage historique continue de jouer un rôle important : le droit des faillites a évolué d’un droit très répressif, accordant une place centrale à la sanction du débiteur et au règlement des créanciers, à un droit moderne tâchant de favoriser la prévention des difficultés, de sauver les entreprises viables et de garantir le rebond de l’entrepreneur. Néanmoins, la connotation morale de la faillite continue d’imprégner certains pans du droit des entreprises en difficulté (notamment en matière de sanctions) et joue encore une place centrale dans l’imaginaire collectif. Cette spécificité tranche avec d’autres modèles étrangers, comme le modèle américain où la conception de la faillite, tout comme celle de l’endettement, est très différente ;

– ces dernières décennies, le droit français des entreprises en difficulté a tendance à osciller entre la protection des créanciers et celle des débiteurs. On peut noter que ces oscillations sont dépendantes des effets du cycle économique. En bas de cycle, les évolutions juridiques ont plutôt tendance à favoriser le débiteur et les emplois, afin de préserver la survie du tissu entrepreneurial, tandis qu’en haut de cycle, la protection des créanciers prend une place plus importante.

b.   Un droit qui donne aujourd’hui la priorité aux objectifs de poursuite de l’activité et de maintien de l’emploi

Comme le mentionne à plusieurs reprises le livre VI du code de commerce, les procédures qui y sont prévues doivent permettre « la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif ». Cette formule, héritée de la loi Badinter de 1985, place donc l’apurement du passif en troisième et dernière position des objectifs fixés par le droit des procédures collectives.

À la différence d’autres traditions juridiques – notamment la tradition anglo-saxonne –, le droit français des entreprises en difficulté se caractérise donc par la place primordiale accordée aux objectifs de maintien de l’activité et de sauvegarde de l’emploi. Ainsi, le droit des entreprises en difficulté poursuit avant tout un objectif d’intérêt général qui consiste à préserver le tissu économique et les emplois qui s’y rattachent. D’autres traditions juridiques accordent une place plus importante à la question de la protection de créanciers, ce qui témoigne d’une vision différente du rôle de l’État dans l’économie. Ce choix du législateur tient également aux particularités du modèle social français, où les rigidités du marché du travail (mobilités sectorielle et géographique limitées, notamment) rendent d’autant plus impératif l’objectif de préservation de l’emploi.

 

Le modèle américain de traitement des procédures de restructuration

Issu de la loi de 1978 sur la loi fédérale sur la faillite (Bankruptcy Reform Act), le modèle américain laisse une place importante aux créanciers dans la procédure. Il fonctionne selon les principales caractéristiques suivantes.

La demande d’ouverture de la procédure, présentée par le débiteur ou l’un de ses créanciers, entraîne la suspension automatique des actions des créanciers. L’activité de l’entreprise est poursuivie, le débiteur restant aux commandes (debtor in possession). Par exception, le tribunal peut désigner un administrateur (trustee) chargé de gérer les biens de l’entreprise, s’il s’avère qu’il en va de l’intérêt des créanciers ou que le débiteur ou ses dirigeants sont coupables de fraude ou de mauvaise gestion. Il peut également nommer un contrôleur (examiner), lorsque le montant des dettes du débiteur est élevé.

La procédure fait intervenir des comités de créanciers (creditors’ and equity security holders’ committees), institués dans chaque affaire par un représentant du ministère de la Justice (US trustee) et chargés de convenir avec le débiteur d’un plan de réorganisation permettant à terme le règlement de ses dettes.

Pendant un délai de 120 jours, qui peut être prorogé par le tribunal, seul le débiteur est compétent pour établir un projet de plan. Ce délai est cependant ramené à 100 jours pour les entreprises dont les dettes sont inférieures à 2 millions de dollars. À l’issue de ces délais, les créanciers, les actionnaires ou l’administrateur se voient reconnaître la possibilité de présenter leur projet.

Le plan de restructuration obéit à quelques grands principes :

– l’« absolute priority rule » : consacre le caractère prioritaire absolu (à différence de la règle de priorité relative) des créanciers titulaires de sûretés par rapport aux employés, aux créanciers « chirographaires » et aux actionnaires. Le désintéressement intégral des classes prioritaires doit donc avoir lieu avant que des classes juniors puissent à leur tour percevoir leur dû ;

Source : SER des États-Unis, DG Trésor.

– le « best interest of creditors test » consacre le principe selon lequel les créanciers acceptant un plan de restructuration dans le cadre du chapitre 11 ne peuvent connaître un traitement moins favorable que dans le cadre du scénario liquidatif prévu au chapitre 7 (voir ci-dessous).

Le plan de restructuration doit ensuite faire l’objet d’un vote des créanciers. À l’issue de ce vote, et s’il est favorable, le plan est adopté par le tribunal fédéral. Il convient toutefois de noter que le chapitre 11 prévoit des dispositions selon lesquelles le plan peut être arrêté, même s’il n’a été approuvé que par un seul comité de créanciers, si le tribunal estime que les intérêts des créanciers dans leur ensemble sont suffisamment préservés. Une fois arrêté, le plan de restructuration s’impose au débiteur endetté.

À l’inverse des procédures collectives françaises, très judiciarisées, la procédure prévue au chapitre 11 repose davantage sur une logique de contractualisation entre débiteur et créanciers ([68]). Cette négociation « commerciale » est presque systématiquement conduite en l’absence de l’appréciation d’un quelconque organe judiciaire.

Le chapitre 7 du titre 11 concerne la procédure de liquidation de l’entreprise en difficulté. Un administrateur judiciaire est nommé pour organiser la vente des actifs du débiteur endetté, à l’exception des biens que les créanciers ne peuvent revendiquer, et désintéresse les différents créanciers en fonction des sommes récupérées. La procédure dure en moyenne quatre mois. Comme en droit français, à l’issue de cette procédure, le débiteur est en principe libéré de ses obligations pour toute dette contractée préalablement au dépôt de bilan.

2.   Les procédures amiables : une intervention précoce assortie de nombreux avantages

a.   Caractéristiques communes

Les procédures amiables – le mandat ad hoc et la conciliation – sont des procédures prévues dans le code de commerce qui permettent d’intervenir à un stade précoce des difficultés de l’entreprise pour favoriser la négociation avec les créanciers et favoriser la poursuite de l’activité. Depuis plusieurs années, le législateur cherche à encourager ces procédures qui ont pour avantage, par rapport aux procédures collectives, d’être confidentielles, à l’initiative exclusive du dirigeant d’entreprise et de pas avoir pour conséquence son dessaisissement ([69]). En revanche, contrairement à ce qui prévaut dans le cadre des procédures collectives, elles n’entraînent en principe pas la suspension des poursuites judiciaires en cours à l’encontre de l’entreprise en difficulté. Elles ne peuvent être ouvertes qu’à l’initiative du dirigeant.

Les procédures amiables se traduisent par l’intervention d’un tiers, désigné par le juge, dans la vie de l’entreprise : le mandataire dans le cadre du mandat ad hoc et le conciliateur dans le cadre de la conciliation.

En cas d’issue positive, ces procédures se concluent par un accord amiable, ayant force de contrat, qui doit donc emporter l’unanimité des parties concernées pour être applicable et, qui dans le cadre d’une procédure de conciliation peut être homologué par le tribunal ou constaté par le président.

b.   Le mandat ad hoc

Née de la pratique des tribunaux, la procédure du mandat ad hoc a été introduite dans notre corpus juridique par la loi n° 94-475 du 10 juin 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises. Elle est aujourd’hui mentionnée à l’article L. 611-3 du code de commerce. Elle s’adresse aux entreprises qui ne sont pas en cessation de paiements. Elle permet au dirigeant de l’entreprise fragilisée de bénéficier de l’assistance d’une tierce personne, le mandataire ad hoc, nommé par le juge sur proposition du débiteur et chargé d’aider ce dernier à négocier avec ses créanciers pour obtenir des rééchelonnements ou de nouveaux financements. La durée du mandat ad hoc n’est pas limitée en droit, mais le mandataire ad hoc est en règle générale nommé pour trois mois, sa mission étant renouvelable plusieurs fois.

c.   La procédure de conciliation

La procédure de conciliation a été créée par le législateur à l’occasion de la loi du 26 juillet 2005, en remplacement du règlement amiable, institué par la loi du 1er mars 1984. Les conditions qui encadrent cette procédure sont détaillées aux articles L. 611-4 à L. 611-10-3 du code de commerce. Elle est ouverte à l’ensemble des entreprises, à l’exception des entreprises agricoles qui bénéficient d’une procédure adaptée (le règlement amiable agricole).

Cette procédure est ouverte aux entreprises qui ne sont pas encore en cessation de paiements, ou en cessation de paiements depuis moins de 45 jours ([70]). Le tribunal désigne un conciliateur – dont le nom peut être suggéré par le débiteur – qui, à l’image du mandataire ad hoc, joue un rôle d’intermédiaire entre l’entreprise débitrice, ses créanciers et autres partenaires avec pour objectif de faire aboutir les négociations relatives aux créances.

Le débiteur peut demander au président du tribunal des délais de grâce de droit commun (article L. 611-7 du code de commerce) qui peuvent lui être accordés pour une durée de deux ans.

La durée maximale de droit commun de cette procédure est de quatre mois, avec une possibilité de prorogation d’un mois. Comme nous y reviendrons dans la deuxième partie de ce rapport, cette durée a été temporairement allongée à dix mois dans le cadre des dispositions prises par l’ordonnance du 20 mai 2020.

Lorsque les parties parviennent à un accord, son contenu peut être, au choix du débiteur, constaté par le juge ou homologué par le tribunal. L’accord peut prévoir le rééchelonnement du passif, des remises de dettes, des conversions en capital ou instrument subordonné, des nouveaux concours financiers, une augmentation de capital ou encore une restructuration de l’entreprise. Il interrompt ou interdit toute action en justice. En cas d’homologation, le tribunal vérifie alors que le débiteur n’est pas ou n’est plus en cessation des paiements ou que l’accord trouvé y met fin, que l’accord est de nature à assurer la pérennité de l’activité de l’entreprise et qu’il ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non-signataires (article L. 611-18 du code de commerce). L’homologation met fin au caractère confidentiel de la procédure puisqu’elle conduit à un jugement dont tout intéressé peut prendre connaissance. Le jugement mentionne les éventuels apports de fonds nouveaux garantis par le privilège de conciliation ainsi que les garanties et sûretés éventuellement consentis. Il ne reprend pas les termes du protocole qui demeure confidentiel. Le protocole déposé au greffe n’est accessible qu’aux parties signataires et convoquées à l’audience (signataires et représentants des salariés) sauf en cas de recours, le tiers-opposant pouvant y accéder.

Les créanciers ayant consenti dans le cadre de l’accord de conciliation homologué, un nouvel apport de trésorerie en vue d’assurer la poursuite de l’activité de l’entreprise et sa pérennité, bénéficient du privilège de « new money », ou privilège d’argent frais, leur permettant d’être payés pour le montant de cet apport, selon un rang très favorable par rapport aux autres créanciers.

Les procédures amiables : un moyen pour mieux préparer une procédure collective, le cas du prepack cession

Les procédures amiables peuvent être utilisées de façon autonome, mais elles peuvent également être utilisées comme un préalable à l’ouverture d’une procédure collective. Le mandat ad hoc est lui-même souvent utilisé comme une antichambre de la procédure de conciliation ou de sauvegarde. En cas de procédure de conciliation, l’entreprise peut bénéficier de la procédure de sauvegarde dite accélérée, qui présente un certain nombre d’avantages.

Qu’il s’agisse du mandat ad hoc ou de la conciliation, les procédures amiables peuvent également être utilisées comme un moyen pour faciliter les cessions dans de bonnes conditions et préserver la valeur de l’entreprise. C’est l’objet du prepack cession, introduit en droit français par l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives et codifié à l’article L. 611-7 du code de commerce. Ainsi, cet article qui concerne le rôle du conciliateur prévoit que ce dernier « peut être chargé, à la demande du débiteur et après avis des créanciers participants, d’une mission ayant pour objet la cession partielle ou totale de l’entreprise qui pourrait être mise en œuvre, le cas échéant, dans le cadre d’une procédure collective ultérieure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ».

La mise en œuvre du prepack cession permet au tribunal de décider, sur demande du débiteur et du conciliateur ou du mandataire ad hoc, de ne pas ouvrir un délai pour le dépôt des offres en liquidation judiciaire. Le tribunal doit toutefois préalablement s’assurer que les démarches effectuées par le mandataire ad hoc ou le conciliateur ont assuré une publicité suffisante de la préparation de la cession (article L. 642-40 du code de commerce). Cette publicité est effectuée de manière encadrée, dans le but de trouver un ou plusieurs candidats repreneurs tout en évitant d’alarmer les partenaires de l’entreprise de ses difficultés. Le tribunal peut toutefois décider d’ouvrir un délai pour le dépôt des offres de reprises, mais ce délai est raccourci car la cession a été préparée en amont dans le cadre des procédures amiables.

3.   Les procédures collectives : des outils nombreux pour tenter de sauver l’entreprise à un stade plus avancé des difficultés

Comparativement aux procédures amiables, les procédures collectives interviennent à un stade plus avancé des difficultés de l’entreprise. Elles se caractérisent par un traitement collectif du passif du débiteur. Dès lors qu’une telle procédure est engagée, chaque créancier est privé de son droit d’agir à titre individuel. Dans le même temps, le débiteur a interdiction de régler ses dettes antérieures à l’ouverture de la procédure. Ces procédures permettent donc de s’affranchir de la règle de l’unanimité pour imposer aux créanciers une solution d’apurement favorable au débiteur. Les contreparties pour ce dernier sont, d’une part, la publicité de l’ouverture de la procédure et, d’autre part, son dessaisissement possible de la gestion de l’entreprise.

Trois types de procédures collectives peuvent être envisagés, selon le degré de fragilité financière de l’entreprise : la sauvegarde, le redressement et la liquidation.

a.   Les procédures de sauvegarde et de redressement

i.   Des distinctions importantes concernant les modalités d’ouverture

Inspirée du chapitre XI de la loi fédérale américaine sur l’insolvabilité, la sauvegarde est une procédure collective créée par le législateur à l’occasion de la loi du 26 juillet 2005. Elle est aujourd’hui codifiée aux articles L. 620 à L. 628 du code de commerce.

Il s’agit d’une procédure originale, en ce qu’elle est à la fois collective et préventive. Le débiteur s’y soumet volontairement, « sans être en cessation des paiements », s’il justifie « de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter » (article L. 620-1 du code de commerce). La sauvegarde repose donc sur une logique de responsabilisation du chef d’entreprise.

Ces deux caractéristiques de la sauvegarde – initiative du débiteur et ouverture aux entreprises qui ne sont pas en cessation de paiements – la différencient fondamentalement de la procédure de redressement, dont l’existence est plus ancienne.

Ainsi, dans le cadre des procédures de redressement, seules sont concernées les entreprises en cessation de paiements. L’initiative de la procédure est partagée : une entreprise en difficulté peut faire l’objet d’une telle procédure à la demande de son dirigeant dans les 45 jours à compter de la date de la cessation de paiements, mais également à la demande d’un créancier ou du procureur de la République en l’absence de procédure de conciliation en cours.

En outre, par rapport à la procédure de sauvegarde, la procédure de redressement peut se distinguer par le dessaisissement du débiteur au profit de l’administrateur, alors que celui-ci est simplement chargé d’assister le débiteur dans le cadre de la procédure de sauvegarde.


En revanche, dans les modalités de traitement qu’elles offrent, ces deux procédures sont très proches. Elles visent à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.

ii.   Des similitudes concernant le déroulement de la procédure et son traitement

Une fois la procédure (sauvegarde ou redressement) ouverte par le tribunal, elle donne lieu à une période d’observation qui doit permettre d’élaborer un bilan économique et social de l’entreprise.

C’est une période de répit pour le débiteur, puisqu’elle s’accompagne d’une suspension automatique et générale des poursuites individuelles. Par principe, les contrats en cours sont poursuivis, car nécessaires au maintien de l’activité de l’entreprise.

Le juge nomme un mandataire judiciaire, et éventuellement un administrateur judiciaire. Comme en matière de mandat ad hoc ou de conciliation, le débiteur peut proposer un administrateur à la désignation du tribunal ([71]).

Le bilan économique et social est établi par l’administrateur, qui précise l’origine et l’importance des difficultés de l’entreprise et dresse un bilan du passif, de l’actif, des contrats et du nombre de salarié. Ce bilan doit ensuite permettre d’élaborer un plan de continuation.

Les règles de fixation de la rémunération du dirigeant

Dans l’objectif de garantir l’honneur et la réputation du dirigeant, la loi PACTE a modifié les règles relatives à la fixation de la rémunération des dirigeants dans le cadre du redressement judiciaire. Ainsi l’article L.631-11 du code de commerce pose désormais pour principe le maintien en l’état de la rémunération des dirigeants en cas de redressement judiciaire (c’est déjà le cas en sauvegarde), à moins que le juge-commissaire, saisi par l’administrateur (à défaut par le mandataire judiciaire) ou par le parquet n’en décide autrement. Auparavant, la rémunération était fixée par le juge-commissaire. En revanche, en cas de liquidation judiciaire, la rémunération du débiteur personne physique ou du dirigeant de la personne morale reste définie par le juge-commissaire.

Le plan de continuation est élaboré par le débiteur ou l’administrateur dans le cadre d’un dialogue avec les créanciers, selon des modalités qui diffèrent en fonction de la taille de l’entreprise (voir l’encadré ci-dessous).

Les modalités de consultation des créanciers en fonction de la taille de l’entreprise : consultation individuelle ou mise en place des comités de créanciers.

En règle générale, la consultation des créanciers passe par des consultations dites individuelles. Dans ce cas, les propositions du débiteur sont communiquées au mandataire judiciaire, qui consulte les créanciers. Il revient au tribunal d’arrêter le plan. Dans ce cadre, le tribunal peut imposer aux créanciers récalcitrants des délais de paiement allant jusqu’à 10 ans, mais pas de remise de dette.

Depuis la loi de 2005 sur la sauvegarde, dans les entreprises qui emploient plus de 150 salariés ou réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 20 millions d’euros ([72]), la consultation des créanciers intervient dans un cadre collectif via la réunion de comités de créanciers constitués en fonction de la nature de leurs créances. Doivent ainsi être mis en place un comité des établissements de crédits et un comité des fournisseurs ([73]). Le cas échéant, une assemblée des obligataires est constituée.

Ces comités doivent être réunis par l’administrateur judiciaire dans un délai de 30 jours à compter du jugement d’ouverture. Chaque comité vote à la majorité des deux tiers des votants ([74]) sur le plan proposé par le débiteur ou, depuis l’ordonnance du 12 mars 2014, sur tout projet de plan présenté́ par un de leurs membres.

Dans le cadre de cette procédure, si le plan a été adopté par tous les comités, le tribunal doit l’accepter ou le refuser, sans pouvoir proposer de plan alternatif. Le tribunal veille alors à ce que l’intérêt de l’ensemble des créanciers soit suffisamment protégé. Le plan adopté est contraignant pour tous les créanciers concernés, y compris ceux qui s’y étaient opposés lors du vote ou qui n’ont pas voté. Le débiteur peut également se voir imposer par le juge des mesures correspondant au souhait d’une majorité de créanciers.

Lorsqu’aucun projet de plan n’a été adopté par l’ensemble des comités, ou lorsque le tribunal a refusé d’arrêter le plan des créanciers, la procédure est reprise selon les modalités de droit commun (consultation individuelle des créanciers sur les seules propositions du débiteur, plan arrêté par le tribunal).

Pour citer les travaux des sénateurs portant sur l’adaptation du droit des entreprises en difficulté face à la crise  ([75]) , l’effet des comités de créanciers est donc ambivalent sur la position de négociation des créanciers : « les créanciers membres des comités peuvent se voir imposer un effacement de tout ou partie de leurs créances contre leur gré, ce qui n’est pas le cas selon la procédure de droit commun ; mais ils peuvent également proposer (puis faire adopter par les comités et arrêter par le tribunal) un plan correspondant mieux à leurs intérêts que ce que le débiteur serait prêt à accepter ».

Quelles que soient les modalités de consultation des créanciers, le tribunal peut arrêter ou refuser d’arrêter un plan de continuation s’il ne satisfait pas aux exigences requises de maintien des activités et des emplois et d’apurement du passif.

L’arrêt du plan par le tribunal met fin à la période d’observation. Le plan comporte les mesures économiques de réorganisation et les modalités de règlement de créanciers (ainsi que les délais ou remises prévus). La durée de droit commun du plan de continuation ne peut excéder 10 ans, ce délai étant de 15 ans pour les entreprises agricoles ([76]). À la différence du redressement judiciaire, la sauvegarde ne peut déboucher sur une cession forcée de l’entreprise contre la volonté du débiteur. Une cession partielle est toutefois possible. En redressement, une cession partielle ou totale peut être décidée par le tribunal (on parle alors non plus de plan de continuation mais de plan de cession).

Un administrateur judiciaire est nommé par le tribunal pour veiller à l’exécution du plan. Le plan peut être résolu si le débiteur n’exécute pas ses engagements. Lorsque les échéances du plan sont intégralement payées, le tribunal constate la bonne exécution, à la demande du commissaire chargé de l’exécution du plan, du débiteur ou de tout intéressé.

En cas de refus d’arrêter le plan, le tribunal peut convertir la procédure en redressement (lorsqu’il s’agit d’une procédure de sauvegarde) ou en liquidation.

iii.   Les variantes de la sauvegarde : la procédure de sauvegarde accélérée et la procédure de sauvegarde financière accélérée

La procédure de sauvegarde financière accélérée et la procédure de sauvegarde accélérée sont des variantes de la procédure de sauvegarde. Concrètement, elles permettent l’homologation dans des délais très courts d’un projet de plan négocié avec les créanciers dans le cadre d’une phase amiable qui n’a pu aboutir en raison de créanciers récalcitrants minoritaires. Comme son nom l’indique, la procédure de sauvegarde financière accélérée concerne uniquement les créanciers financiers. La durée d’élaboration de ce plan est limitée à 3 mois, prorogeable 1 mois pour la sauvegarde accélérée et à 1 mois prorogeable 1 mois pour la sauvegarde financière accélérée.

Ces procédures sont normalement réservées aux grandes entreprises (les seuils qui s’appliquent sont les mêmes que ceux exigés pour la constitution des comités de créanciers ([77])). Elles peuvent être demandées uniquement par un débiteur engagé dans une procédure de conciliation, si ce dernier a élaboré un projet de plan susceptible d’assurer la pérennité de l’entreprise. Le débiteur ne doit pas être en cessation de paiements depuis plus de 45 jours.

Ces procédures sont en passe de fusionner dans le cadre de l’ordonnance de transposition de la directive « insolvabilité et restructuration », selon des modalités qui seront explicitées infra.

b.   La liquidation judiciaire

La liquidation judiciaire poursuit une logique différente des procédures précédentes : son but est de réaliser l’actif pour payer le passif. Comme le prévoit l’article L. 640-1 du code de commerce, l’ouverture d’une liquidation nécessite deux critères principaux : la cessation de paiements et le redressement manifestement impossible. La liquidation peut être ouverte à la demande du débiteur, d’un créancier ou du procureur de la République, en l’absence de procédure de conciliation en cours.

Un mandataire judiciaire est nommé par le juge comme liquidateur. Il exerce « à la place du débiteur, ses droits et actions sur ses biens, pendant toute la durée de la liquidation ». Les contrats de travail des éventuels employés de l’entreprise mise en liquidation font l’objet d’une rupture dans un délai de 15 jours suivant le jugement ([78]). L’assurance de garantie des salaires (AGS) couvre les créances afférentes. Un juge-commissaire veille au bon déroulement de la procédure.

La clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ne permet pas aux créanciers de recouvrer leur droit de poursuite individuelle, de sorte que le débiteur est, sauf exception, libéré de ses dettes. En l’absence de suspicion de fraude, la clôture de cette procédure met fin à toutes les poursuites judiciaires engagées par les créanciers à l’encontre de l’entreprise débitrice.

Face aux critiques récurrentes relatives aux délais parfois très longs de la liquidation, le législateur a conçu, à l’occasion de la loi de 2005, une procédure de liquidation judiciaire simplifiée pour les très petites entreprises, prévue à l’article L. 644-1 et suivants du code de commerce. Les formalités relatives à la cession des actifs et à la vérification des créances sont allégées. Seules sont vérifiées les créances susceptibles de venir en rang utile dans les répartitions, ainsi que les créances salariales. La clôture de la procédure doit intervenir au plus tard 6 mois après son ouverture, selon la taille de l’entreprise, sauf prorogation décidée par un jugement spécialement motivé et pour une durée maximum de 3 mois. Notons également qu’une procédure de rétablissement professionnel existe pour les cas les plus simples.

 

 

4.   Un bilan chiffré insatisfaisant

a.   Alors qu’une prise en charge précoce des difficultés augmente significativement les chances de survie de l’entreprise,…

Les chiffres montrent que plus les difficultés sont traitées en amont, plus les chances de trouver une issue positive aux difficultés du débiteur sont importantes.

La conciliation et le mandat ad hoc permettent de conclure un accord amiable dans 50 à 70 % des cas.

La moitié des entreprises en sauvegarde obtiennent un plan de continuation contre un quart pour les entreprises en redressement (27 %) ([79]).

Les plans s’avèrent également plus robustes lorsqu’ils ont pu être établis à un stade relativement précoce des difficultés. Ainsi, environ trois quarts des plans de sauvegarde se poursuivent au bout de cinq ans, contre 40 % pour les plans de redressement ([80]). Les chances de survie à cinq ans d’une entreprise en sauvegarde ayant réussi à restructurer sa dette sont ainsi supérieures à celles des entreprises nouvellement créées, ce qui n’est pas le cas pour les entreprises en redressement.

Selon le rapport de la mission « justice économique », la moyenne du nombre d’emplois concernés par une procédure collective est de 2, 8, contre 18 en procédures amiables.

b.   … les procédures préventives représentent une faible part du contentieux, composé pour l’essentiel de liquidations directes

Pourtant, les procédures préventives sont très peu mobilisées :

– les procédures amiables représentent à peine environ 7 % des procédures ;

– la sauvegarde paraît encore plus marginale, avec entre 2 et 3 % des procédures ;

– le redressement concerne quant à lui environ un tiers des procédures.

Par conséquent, la grande majorité des procédures ouvertes par le tribunal sont des liquidations directes (entre 60 et 70 % selon les années), ce qui illustre la trop faible attractivité des procédures de prévention et de restructuration.

Les chiffres du ministère de la justice sur le nombre de
procédures ouvertes

Source : Références statistiques du ministère de la justice pour l’année 2019.

Les entreprises ne sont pas égales face au risque de défaillance. Ainsi, les entreprises de 0 à 10 salariés représentent plus de 90 % des procédures collectives (et 65 % pour les entreprises de moins de 5 salariés). Le secteur d’activité est également déterminant. Ainsi, le secteur de la construction et celui du commerce sont les plus concernés. Ils représentent chacun environ 22 % du nombre de défaillance d’entreprises, devant les services aux entreprises et le secteur des cafés hôtels et restaurants (HCR) à 14 % chacun, et l’industrie 9 % ([81]).

C.   une multitude d’ACTEURS susceptibleS d’intervenir

À côté du traitement et de la prévention judiciaire des difficultés des entreprises, une multitude d’acteurs sont susceptibles d’intervenir pour accompagner et aider les entreprises en difficulté.

 

1.   Le rôle des pouvoirs publics

Comme l’indique la circulaire du 9 janvier 2015 relative aux modalités d’accueil et de traitement des dossiers des entreprises confrontées à des problèmes de financement « dans le cadre du traitement de leurs difficultés économiques et financières, les services de l’État peuvent aider les entreprises in bonis qui en font la demande à élaborer et à mettre en œuvre des solutions permettant d’assurer leur pérennité́ et leur développement ». Cet accompagnement prend plusieurs formes.

a.   Au niveau national

Au niveau national, l’architecture administrative de soutien aux entreprises en difficulté fait intervenir plusieurs administrations qui fonctionnent en interministériel. Au cœur de cet édifice administratif se trouve le comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI), créé en 1982 en remplacement du comité interministériel pour l’aménagement des structures industrielles. À l’origine intervenant uniquement sur des dossiers industriels, son champ s’est peu à peu élargi à l’ensemble des secteurs d’activité. Son secrétariat est placé auprès de la direction générale du trésor. Agissant dans un cadre confidentiel, le CIRI vient en aide aux entreprises de plus de 400 salariés, à travers une action qui s’organise en trois temps : la mise en place d’un diagnostic, l’élaboration d’un plan d’affaires et la conduite d’une action de médiation auprès des partenaires pour permettre le financement du plan d’affaires. L’intervention du CIRI se déploie généralement dans le même temps qu’une procédure amiable, le CIRI coordonnant alors son action avec celle du mandataire ad hoc ou du conciliateur. Le CIRI peut également intervenir dans le cadre d’une procédure collective.

Le CIRI peut également apporter une aide financière en dernier recours. Il peut recommander aux commissions des chefs de services financiers (CCSF) de mettre en place des moratoires ou d’accorder des plans d’apurement des créances sociales et fiscales. Le CIRI peut également à titre exceptionnel accorder des prêts avec le fonds de développement économique et social (FDES ([82])), afin de participer au bouclage d’un tour de table financier. L’intervention de l’État comme prêteur reste exceptionnelle. Elle doit notamment avoir lieu dans des conditions strictement analogues à celles des financeurs privés compte tenu des règles européennes sur les aides d’État.

 

 

Le bilan de l’action du CIRI en 2019 et 2020

En 2020, le CIRI a été saisi par 70 entreprises, soit près du double du nombre de saisines de 2019 (39). Le CIRI estime avoir permis la sauvegarde de 31 520 emplois en 2019 et de 54 596 en 2020.

Avec les dossiers déjà en portefeuille, au titre de l’année 2020, les interventions du CIRI ont concerné 106 entreprises, représentant 165 750 emplois en France. Pour l’année 2019, le taux de succès en nombre de dossiers s’élève à 86 % ; il atteint 98 % en 2020.

Source : rapport d’activité pour l’année 2020 du CIRI.

Outre le rôle du CIRI, une mission à la restructuration des entreprises a également été créée au sein de la DGE. Elle est chargée d’intervenir sur les dossiers de plus petite taille (TPE et PME), en lien sur le terrain avec les comités départementaux d’examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI) et les commissaires à la restructuration.

Enfin et dans l’optique de donner une forme de représentation politique à cette politique publique, le Gouvernement a institué le 13 novembre 2017 un Délégué interministériel aux restructurations d’entreprises (DIRE) ([83]). Sans préjudice des attributions des services compétents en matière de restructurations d’entreprises, le DIRE anime et coordonne la réponse de l’État en matière de restructurations d’entreprises.

 

 

b.   Au niveau local

L’action des pouvoirs publics se décline également au niveau local, à travers plusieurs intervenants.

i.   Le rôle du CODEFI

Les comités départementaux d’examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI) constituent le rouage clé au niveau local de la politique de prévention et d’accompagnement des difficultés des entreprises. Le CODEFI est conçu pour être le pendant du CIRI sur les territoires, bien que leurs modalités d’intervention diffèrent et que leurs moyens humains soient moins conséquents. Institués dès 1974 en remplacement des comités départementaux d’aide aux entreprises, les CODEFI ont vu leurs attributions se renforcer au cours des années. Ils sont aujourd’hui en charge d’accompagner les entreprises in bonis de moins de 400 salariés. Les réunions du CODEFI sont généralement tenues mensuellement, sous l’égide du préfet.

La composition du CODEFI

Outre le préfet qui en assure la présidence, le CODEFI est composé de :

– un vice-président : le DDFiP

– un secrétaire permanent : un collaborateur du DDFiP ;

– le commissaire au redressement productif ou son adjoint ;

– des membres de plein droit : le directeur de la DREETS, le directeur de l’URSSAF et le directeur de la Banque de France ;

– plusieurs observateurs : le procureur de la République, le directeur départemental des territoires (si nécessaire), ou toute autre personne sur demande du préfet.

Depuis 2004, le CODEFI est doté d’un secrétariat permanent qui est assuré par la direction départementale des finances publiques (DDFiP).

En pratique, une cellule de suivi opérationnelle de suivi (COS) assure l’examen des dossiers. C’est elle qui saisit le CODEFI. Elle associe les différents acteurs de l’État, notamment les commissaires aux restructurations et la prévention des difficultés des entreprises (CRP) ([84]), ou son adjoint, le secrétaire permanent du CODEFI, la DREETS, le directeur de la Banque de France et le représentant de la médiation nationale du crédit.

Le CODEFI a pour objectif de mettre en œuvre des mesures industrielles, sociales et financières pour assurer le redressement des entreprises, le maintien des emplois et leur contribution au développement économique. La circulaire du 9 janvier 2015 leur confie expressément 3 missions : la détection des difficultés des entreprises, le traitement de ces difficultés et le diagnostic de la situation départementale.

La mission de traitement des difficultés des CODEFI

La circulaire du 9 janvier 2015 précise que « le secrétaire permanent du CODEFI ou le CRP élabore un diagnostic sur la situation de l’entreprise et de son secteur d’activité, fait émerger les propositions de redressement et mène les négociations avec les acteurs économiques (actionnaires, créanciers, clients, fournisseurs...). Il agit en concertation avec l’entreprise et ne doit pas se substituer au chef d’entreprise ni au mandataire ad hoc ou au conciliateur. » Le CODEFI peut financer, sous conditions, un audit permettant notamment de valider les hypothèses de redressement de l’entreprise ou orienter l’entreprise vers un prêt permettant de financer sa restructuration. Il peut également, tout comme le CIRI, accorder des prêts du FDES dans le cadre d’un plan de restructuration et lorsque les perspectives de redressement sont réelles. Pour être éligible à cette procédure, l’entreprise doit être en situation régulière par rapport à ses obligations fiscales et sociales.

Depuis la crise sanitaire, il peut également accorder aux entreprises – qui se sont vues refuser un PGE par leur banque ou qui auraient obtenu un PGE insuffisant pour couvrir leur besoin – un prêt direct de l’État (prêt exceptionnels petites entreprises, avances remboursables, prêt à taux bonifiés) ([85]).

Le CODEFI peut être saisi à la demande du chef d’entreprise et peut réorienter ce dernier vers la bonne structure en cas de besoin. Le cas échéant, le CODEFI agit en concertation avec le mandataire ad hoc ou le conciliateur.

En 2020, les CODEFI ont connu en une hausse de 157 % du nombre de dossiers reçus notamment en raison de la mise en place d’outils consacrés aux entreprises n’ayant pas pu avoir accès aux prêts garantis par l’État (PGE) : les avances remboursables, les prêts à taux bonifiés et les prêts exceptionnels petites entreprises. Les CODEFI ont reçu 4 084 dossiers en 2020, représentant 152 175 emplois directs. En 2019, le nombre de dossiers reçus s’élevait à 1 584 (pour 111 463 emplois directs). En 2018, 3 305 dossiers ont été examinés, représentant 110 777 emplois directs ([86]).

Rôle des commissions des chefs des services financiers (CCSF) et articulation de leurs missions avec le CIRI et le CODEFI

Afin d’examiner la situation des agriculteurs, commerçants, artisans, professions libérales ou de toute personne morale de droit privé en retard pour le paiement de toute somme due au titre d’impôts, de taxes, de produits divers du budget de l’État, des cotisations de sécurité sociale des régimes obligatoires de base et des cotisations ou contributions prévues à l’article L.351-21 du code du travail, il a été institué dans chaque département, par décret no 2007-686 du 4 mai 2007, une commission des chefs des services financiers et des représentants des organismes de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et de l’assurance chômage (CCSF) qui peut accorder des délais de paiement et, dans le cadre des dispositions prévues par le code de commerce, des remises de dettes aux entreprises en difficulté.

Concernant l’articulation des missions de la CCSF avec le CODEFI ou le CIRI, lorsque du passif public a été constitué ou va l’être par une entreprise qui a saisi le CODEFI ou le CIRI, la CCSF :

– alerte sans délai le secrétaire permanent du CODEFI ou le CRP / secrétariat général (SG) CIRI de l’existence de ce passif ;

– tient régulièrement informé le secrétaire permanent du CODEFI ou le CRP/SG CIRI et l’administration centrale de l’évolution du dossier ;

– peut accorder un plan temporaire durant le temps nécessaire aux négociations et, après échange préalable avec le secrétaire permanent du CODEFI ou le CRP/le SG CIRI, fixe les orientations en ce qui concerne la défense des intérêts de l’État créancier. À l’issue des négociations, conduites par le secrétaire permanent du CODEFI ou le CRP/le SG CIRI, la CCSF recueille les recommandations formulées sur les modalités d’apurement du passif, recommandations qui peuvent être différentes des orientations initiales de la CCSF et prennent en compte l’effort accepté par les autres partenaires de l’entreprise.

De leur côté, le secrétaire permanent du CODEFI ou le CRP/le SG CIRI :

 informe sans délai le président de la CCSF concernée de la saisine du CODEFI ou du CIRI ;

 demande à l’entreprise de saisir la CCSF compétente pour traiter le passif public ;

 échange régulièrement avec le président de la CCSF, ou son secrétariat sur l’avancée du dossier.

Source : circulaire du 9 janvier 2015 relative aux modalités d’accueil et de traitement des dossiers des entreprises confrontées à des problèmes de financement.

ii.   Le rôle du CRP

La mission des CODEFI s’articule avec celle des CRP qui interviennent à l’échelon régional. Créés en 2012 dans le contexte de la mise en place du ministère du redressement productif, les CRP placés sous la tutelle de la DGE et au nombre de 22 interviennent auprès des entreprises de moins de 400 salariés, et en priorité de plus de 50 salariés. Ils sont pour la plupart positionnés au sein des DREETS. Ils ont une mission de veille et d’accompagnement des entreprises en difficulté pour les aider à identifier les leviers d’actions leur permettant de rebondir, ainsi que, le cas échéant, un rôle de médiation entre les différentes parties prenantes à la restructuration d’une entreprise. Ils peuvent agir aussi bien en amont (détection, alerte et prévention) que dans les procédures de restructuration et dans les démarches auprès du tribunal de commerce. Depuis leur création en 2012, les CRP ont accompagné 4 028 entreprises en difficulté, représentant 270 000 emplois ([87]).

iii.   D’autres intervenants

En présence de difficultés plus ponctuelles et ciblées, les entreprises, quelle que soit leur taille, peuvent faire une demande de médiation auprès, selon la nature des difficultés, du réseau territorial de la Médiation du crédit (difficultés avec les partenaires financiers) ou de la Médiation des entreprises (difficultés interentreprises).

La médiation du crédit et la médiation des entreprises

La médiation du crédit, créée dans le contexte de la crise de 2008, vient en aide de façon confidentielle aux entreprises rencontrant des difficultés avec un ou plusieurs établissements financiers (banques, crédit bailleurs, sociétés d’affacturage, assureurs‑crédit…). Le rôle de la médiation du crédit est de rétablir le dialogue entre l’entreprise et ses partenaires financiers et de faciliter la recherche de solutions communes.

Au niveau national, cette fonction est assurée par M. Frédéric Visnovsky. La Médiation du crédit est présente sur l’ensemble du territoire, grâce à l’action de 105 médiateurs territoriaux qui sont les directeurs de la Banque de France en métropole et les directeurs des instituts d’émission en Outre-mer.

Il faut noter que le réseau de la Banque de France met également à la disposition des entrepreneurs un réseau de 102 correspondants départementaux TPE-PME chargés d’assister les dirigeants d’entreprises sur toutes les questions relatives à la création, gestion, développement, traitement des difficultés ou encore à la transmission d’entreprise. Comme l’a indiqué la Banque de France lors de son audition, ces correspondants ont été spécialement formés sur la question des entreprises en difficulté afin d’être en mesure d’orienter en cas de besoin vers les tribunaux de commerce les dirigeants d’entreprises en difficulté.

La médiation des entreprises a pour objectif premier de restaurer la confiance et les relations d’affaires entre les entreprises ou entre entreprises et acheteurs publics via un service de médiation rapide – moins de trois mois et confidentiel. Cette médiation garantit la préservation du secret des affaires et de la notoriété des entreprises. Tout différend lié à l’exécution d’un contrat de droit privé, y compris tacite, ou d’une commande publique, peut faire l’objet d’une saisine du médiateur. Il s’agit par exemple de retard de paiements, ou de services ou marchandises non conformes.

Cette mission est depuis le 14 janvier 2016 confiée à M. Pierre Pelouzet. Il est assisté de plusieurs médiateurs délégués nationaux ainsi que d’une équipe de médiateurs régionaux.

Dans le contexte de la crise sanitaire, un comité de crise sous l’égide du Médiateur des entreprises et du Médiateur du crédit a été créé. Il réunit les fédérations d’entreprises, la DGCCRF et les chambres consulaires, pour permettre de traiter en temps réel les cas les plus graves de détérioration du crédit inter-entreprises et d’encourager les entreprises à fluidifier leurs relations commerciales.

Les réseaux consulaires (CCI et CMA) prennent également part à cette politique publique, à travers notamment des actions d’information et de sensibilisation. Cet accompagnement peut notamment se matérialiser par des journées de conseils, de formation ou de mise en réseau. Les réseaux consulaires ont joué un rôle clé dans la crise comme point d’entrée pour le renseignement et l’orientation des dirigeants. Vos rapporteurs saluent les initiatives prises par certaines d’entre elles, à l’instar de la CCI de Nice-Côte-d’Azur qui a déployé un guide des entreprises en difficulté et déploie des formations pour la santé des dirigeants.

Les collectivités territoriales jouent un rôle important au titre de leur compétence en matière économique, reconnue par la loi du 7 août 2015, dite « loi NOTRe ». Ainsi, plusieurs conseils régionaux proposent des subventions, des apports en fonds propres ou des prêts, pour répondre aux préoccupations de consolidation des entreprises fragilisées et à leur situation financière.

2.   Des initiatives privées également nombreuses

À côté des actions conduites par les pouvoirs publics, plusieurs initiatives privées apportent également un soutien en matière de prévention et d’accompagnement des difficultés des entreprises. Deux structures en particulier sont spécialisées en matière de prévention et d’accompagnement, il s’agit des groupements de prévention agréés (GPA) et des centres d’information sur la prévention (CIP).

Les groupements de prévention agrées (GPA) font l’objet d’une reconnaissance législative, consacrée dès la loi du 1er mars 1984 et codifiée à l’article L. 611-1 du code de commerce. Les GPA remplissent une double mission de prévention et d’accompagnement. Agréés par arrêté du préfet, les GPA fonctionnent selon un principe de libre adhésion des entreprises, moyennant une cotisation financière. En vertu de l’article L. 611-1 précité, le GPA fournit à ses adhérents, de façon confidentielle, une analyse comptable et financière des informations que ceux-ci s’engagent à lui transmettre. Lorsque le groupement détecte des indices de difficultés, il en informe l’adhérent et peut lui proposer l’intervention d’un expert. Le GPA peut bénéficier de l’appui technique des administrations compétentes de l’État et de la banque de France et d’aides émanant des collectivités territoriales. En pratique, les GPA sont souvent mis en place dans le cadre d’un dialogue étroit avec les fédérations professionnelles.

Les centres d’information sur la prévention (CIP) occupent également une place importante en matière de prévention et d’accompagnement. Ils sont composés de bénévoles experts-comptables/commissaires aux comptes, avocats, anciens juges consulaires (juges honoraires n’étant plus en fonction). Ils reçoivent, informent et orientent les chefs d’entreprise en difficulté de manière gratuite et confidentielle. Aujourd’hui le CIP national fédère près de soixante-dix CIP territoriaux, constitués sous la forme associative par les représentants locaux des mêmes institutions. Le réseau des CIP reçoit ainsi les chefs d’entreprise, généralement de TPE et petites PME, qui en ont besoin au cours des « entretiens du Jeudi » dans le respect d’une charte d’éthique et d’une stricte confidentialité.

Enfin, il faut également citer le rôle essentiel joué par les fédérations professionnelles ainsi que par un certain nombre d’associations qui se sont spécialisées dans l’accompagnement pratique et psychologique des dirigeants en difficulté, telles que, sans être exhaustif, SOS entrepreneurs, l’APESA, 60 000 rebonds, AMAROK, l’association Aide Entreprise OSDEI. On peut noter qu’un certain nombre de ces associations se sont regroupées sous une même bannière dans le cadre du « portail du rebond », accessible en ligne et lauréat du grand prix européen de la promotion et de l’esprit d’entreprise.

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   SECONDE PARTIE : PRÉPARER L’AVENIR  ANTICIPER, ACCOMPAGNER, RENFORCER L’EFFICACITÉ DES PROCÉDURES ET POSER LES CONDITIONS DU REBOND

L’état des lieux dressé dans la première partie du présent rapport met en exergue une évidence : la nécessité de préparer l’avenir pour permettre à l’économie française de passer le cap de la crise. Les priorités de vos rapporteurs s’organisent en quatre temps :

 anticiper : il s’agit là de préparer la sortie de crise et d’apporter un soutien nécessaire aux entreprises pour éviter une augmentation trop importante des faillites évitables. Pour cela, la « déperfusion » de l’économie doit être menée avec finesse et souplesse, tandis que des mesures plus structurelles sont également nécessaires pour renforcer les capacités en fonds propres des entreprises françaises ;

– détecter et accompagner : malgré tous les efforts mis en place, le nombre d’entreprises en difficulté risque de s’accroître, ne serait-ce que par un effet de rattrapage. L’une des priorités essentielles est de s’assurer des capacités de détections des difficultés des entreprises, afin d’être en mesure de les orienter et de les accompagner le plus en amont possible vers les dispositifs appropriés ;

 renforcer l’efficacité des procédures : le cadre juridique applicable au droit des entreprises en difficulté a fait l’objet d’évolutions significatives prises dans le contexte de la crise. La période actuelle doit être saisie comme une opportunité pour moderniser le droit des entreprises en difficulté et le rendre plus efficace, dans un contexte où le contentieux risque de s’accroître ;

– permettre le rebond : toutes les entreprises ne seront pas sauvées et il n’est pas souhaitable de maintenir artificiellement notre économie. Pour les entreprises qui connaissent des difficultés irrémédiables, les procédures de liquidation doivent pouvoir être conduites dans les meilleures conditions possible, sachant qu’il s’agit d’une période éprouvante pour le chef d’entreprise. Les reprises doivent être encouragées et surtout, le rebond de l’entrepreneur favorisé, ce qui nécessite de sortir de la stigmatisation et la culpabilité du dirigeant en faillite.

 

 

I.   anticiper : préparer la sortie de crise pour éviter une « déperfusion » trop brutale des entreprises

Le déconfinement par étapes et l’accélération de la campagne de vaccination contre la Covid-19 laissent entrevoir la sortie de la période de crise sanitaire. D’après les dernières projections de la Banque de France ([88]), l’activité commencerait à dépasser son niveau d’avant la pandémie dès le premier trimestre 2022. Le PIB du pays progresserait de 5,75 % en 2021, soit plus d’un point au-dessus que la moyenne des États-membres de la zone euro. Ce rattrapage de la croissance se poursuivrait en 2022 (4 %) et en 2023 (2 %).

Si vos rapporteurs estiment qu’il convient de rester prudent, notamment au vu des évolutions encore incertaines concernant la situation sanitaire, ils considèrent qu’il est urgent d’anticiper l’horizon de la reprise d’une vie économique normale.

Cette reprise devrait être synonyme d’un rebond significatif de l’activité et d’un retour de la croissance. Néanmoins, ce retour à la normale devrait également se traduire par un retour des défaillances d’entreprises. Au-delà d’un phénomène de rattrapage des 20 000 à 25 000 dépôts de bilan n’ayant pas eu lieu au cours de la crise sanitaire, vos rapporteurs s’inquiètent de la réaction en chaîne que pourrait provoquer la mise en difficulté d’entreprises en raison de la levée des différentes mesures de soutien mises en place par le Gouvernement depuis le début de pandémie.

Tout l’enjeu de la sortie de crise réside donc dans les modalités de la « déperfusion » – pour employer une métaphore médicale qui correspond bien à cette situation d’injection lente et continue d’argent public dans la trésorerie des entreprises. Placées dans un état de dépendance vis-à-vis de l’aide de l’État, certaines entreprises risquent de se retrouver face à un « mur de dettes » engendré par la crise sanitaire qui, au mieux, obérera pour longtemps leur capacité à investir et à contribuer à la richesse nationale ou, au pire, les mettra en difficulté et pourrait les mener jusqu’à la liquidation judiciaire.

En conséquence, il ressort des travaux de la mission et des réflexions de vos rapporteurs qu’il convient d’agir dès maintenant sur la situation financière et économique, tant conjoncturelle que structurelle, des entreprises françaises et plus particulièrement des plus petites d’entre elles.

À court terme, l’amortissement de la sortie de la crise sanitaire doit nécessairement passer par une levée très progressive et mesurée des aides publiques. À moyen terme, l’isolement d’une dette « Covid-19 » dans le bilan des entreprises s’impose afin de ne pas compromettre le rebond de celles qui étaient viables voire performantes avant le début de la crise sanitaire. Enfin, le renforcement durable des fonds propres des petites et moyennes entreprises apparaît comme la mesure de long terme la mieux à même de garantir leur capacité à rebondir et investir.

A.   lever progressivement les mesures de soutien aux entreprises

Les dispositifs de soutien aux entreprises susceptibles d’être mises en difficulté du fait des mesures de lutte contre la propagation de la pandémie ont été de quatre ordres : sauvegarde de l’emploi (activité partielle), allègement des charges fiscales et sociales (reports, exonérations…), soutien à la trésorerie (prêts garantis) et subventions aux secteurs les plus touchés (fonds de solidarité).

La « déperfusion » va donc impliquer de lever une à une ces différentes aides. Le processus de sortie de crise doit être le plus progressif possible en permettant, dans certains cas de figure, le maintien de plusieurs mesures associées à l’échelonnement des remboursements et au recouvrement. La question des prêts garantis par l’État (PGE) constitue, à elle seule, un point majeur d’attention.

1.   Maintenir au cas par cas les aides qui ne créent pas d’endettement pour les entreprises

Au cours de ses travaux, la mission a pu constater un consensus autour de la volonté de maintenir à court terme un certain nombre d’aides pour les entreprises les plus affectées par les effets de la pandémie au-delà de la fin de la crise sanitaire.

Vos rapporteurs partagent ce point de vue et estiment qu’une sortie brutale des mesures de soutien ruinerait les efforts consentis jusqu’ici.

Il semble nécessaire que la période de transition soit relativement longue, de l’ordre de six mois à un an, afin d’accompagner le tissu productif local, essentiellement composé de TPE et de PME, jusqu’au retour à la normale. En outre, il est indispensable de donner aux acteurs une forme de visibilité sur l’évolution des aides, pour éviter une forme d’inertie des comportements économiques, qui risque de freiner la reprise.

a.   Le maintien d’un régime d’activité partielle de longue durée

La mise en place d’un dispositif d’activité partielle de longue durée (APLD), jusqu’au 30 juin 2022, permettant aux entreprises confrontées à une réduction durable de leur activité de diminuer les horaires de travail de leurs salariés en contrepartie de la conclusion d’un accord collectif ([89]) va dans le bon sens.

Elle va de pair avec un retour au droit commun du régime de l’activité partielle dont l’allocation à destination de l’employeur correspondra désormais à 36 % de la rémunération horaire brute du salarié, niveau plus élevé qu’avant la crise ([90]) et qui fait du système français l’un des plus généreux en Europe. Il s’agit d’un outil précieux, qui permet de conserver les savoir-faire et capacités de l’outil de production nationale et de lutter contre les effets d’hystérèse du chômage.

Proposition n° 1 : Encourager le recours au dispositif d’activité partielle de longue durée.

b.   La prolongation du fonds de solidarité pour les entreprises durablement touchées

Le fonds de solidarité ne devait plus compenser les pertes de chiffre d’affaires au‑delà du 31 mai 2021 ([91]). Le Gouvernement a cependant annoncé qu’il devrait être reconduit au titre des pertes subies de juin à août afin d’accompagner les entreprises pendant les différentes étapes de réouverture.

Par ailleurs, une dynamique de reprise différenciée selon les secteurs est constatée en fonction du caractère saisonnier de l’activité mais aussi, au sein d’un même secteur, des spécificités économiques locales, notamment dans les régions fortement dépendantes du tourisme d’affaires ou du tourisme international. C’est le cas des cafés-hôtels-restaurants ou des entreprises de l’événementiel en Île‑de‑France ou bien encore des salles de sport dont la réouverture en juin 2021 correspond à une période estivale réputée peu propice aux abonnements et qui verront leur activité ne rebondir qu’à l’automne seulement.

Vos rapporteurs proposent d’affiner l’éligibilité aux aides en fonction de critères plus précis et s’interrogent sur l’opportunité de prolonger les aides attribuées au titre du fonds de solidarité aussi longtemps que nécessaire pour les secteurs d’activité touchés à long terme par les effets de la crise, à l’instar de l’aéronautique. Auquel cas, il conviendrait de s’assurer de la bonne articulation entre l’usage du fonds de solidarité et le déploiement des aides prévues dans le cadre des plans de filière.

La reconduction ne doit pas seulement prendre la forme d’une révision des listes de secteurs d’activité éligibles (S1 et S1 bis ([92])) mais d’un examen au cas par cas. Cet affinement de l’éligibilité aux aides sera permis par la réduction importante du nombre de bénéficiaires potentiels du fait de la reprise de l’activité économique à son niveau d’avant crise.

Cette mission pourrait éventuellement être confiée aux comités départementaux de sortie de crise mis en place dans le cadre du plan d’action d’accompagnement des entreprises élaboré par le ministère de l’économie, des finances et de la relance et le ministère de la justice. Présidé par le préfet, ce comité est appelé à réunir les membres du comité départemental d’examen des difficultés des entreprises (CODEFI) ([93]) ainsi que les représentants locaux des partenaires du plan d’action : experts-comptables, commissaires aux comptes, établissements bancaires, chambres de commerce et d’industrie (CCI), chambre des métiers et de l’artisanat (CMA), greffiers des tribunaux de commerce, administrateurs et mandataires judiciaires. Les comités départementaux pourraient également s’appuyer sur les plateformes locales d’Initiative France, réseau associatif de financement et d’accompagnement de créateurs d’entreprise.

Proposition n° 2 : Prolonger les aides du fonds de solidarité pour les entreprises subissant des pertes de chiffre d’affaires du fait des conséquences économiques de la pandémie de Covid-19 en retenant des critères plus précis liés aux coûts fixes et au caractère saisonnier de l’activité.

2.   Réussir la sortie des prêts garantis par l’État

Près de 140 milliards de prêts ont été accordés par les banques avec la garantie de l’État. Ils ont concerné un peu plus de 680 000 entreprises. Le secteur du commerce représente à lui seul presque un quart du capital des PGE consentis.

Pour rappel, le PGE constitue la mesure la plus « large » accordée aux entreprises puisque sa souscription auprès d’un établissement bancaire est indépendante de la taille, de la forme juridique ou du secteur d’activité de l’entreprise de même que de sa situation vis-à-vis des restrictions sanitaires. Il peut atteindre jusqu’à l’équivalent de trois mois de chiffres d’affaires.

Son remboursement doit intervenir à l’issue de la première année de prêt et pour une durée de cinq ans maximum ensuite. Les prêts consentis en 2020 pourront donc être amortis jusqu’en 2026.

Eu égard aux sommes en jeu et au délai de remboursement, il est apparu, au cours des travaux de la mission, que le sort des PGE occupait une place centrale dans les enjeux de la sortie de crise pour la situation financière des entreprises.

a.   Un endettement brut conséquent

La dette liée aux PGE pèse en effet sur les finances des sociétés. Son poids est susceptible de les contraindre à réduire leurs dépenses d’investissement et, ce faisant, à compromettre les gains de productivité à moyen et long termes. Dans les cas les plus problématiques, il pourrait également mettre en difficulté les entreprises les plus fragiles et augmenter le nombre de défaillances.

D’après la Banque de France et Bpifrance, entre 4 et 7 % des PGE accordés risqueraient ainsi de ne pas être remboursés par les entreprises emprunteuses ([94]).

L’enjeu que représente la sortie des PGE dépasse donc la question de la seule solvabilité des entreprises y ayant souscrit et concerne en réalité la capacité de rebond de l’économie nationale.

L’objectif des PGE était de soutenir la trésorerie des entreprises dans un contexte de forte baisse d’activité. C’est pourquoi le montant maximal d’un prêt correspond à trois mois de chiffre d’affaires. En pratique, il a également pu servir à rembourser tout ou partie de dettes antérieures ou bien à financer des investissements à coût réduit.

b.   Un besoin d’allongement de l’amortissement

Un grand nombre d’acteurs auditionnés ont formulé le souhait d’allonger la durée de remboursement du PGE sur dix ans. Cette proposition permettrait de soulager la situation financière des entreprises pour lesquelles l’échéance d’un remboursement en moins de cinq ans n’apparaît pas soutenable.

En effet, le remboursement de l’équivalent d’un quart du chiffre d’affaires annuel (correspondant au montant maximum de PGE) nécessite le dégagement d’un flux de trésorerie égal à 5 % de ce chiffre d’affaires pendant cinq ans, ce qui n’est pas supportable pour une entreprise traversant des difficultés.

Toutefois, afin d’éviter des effets d’aubaine éventuels, il conviendrait de circonscrire ces allongements au cas par cas et de prévoir des allongements des délais de remboursement en fonction des besoins des entreprises. Ainsi, un délai maximal pourrait être fixé à dix ans, mais il serait loisible de décider d’un délai intermédiaire, afin d’apporter une réponse au plus près des problématiques rencontrées par l’entreprise. Il pourrait être décidé un réexamen du dossier chaque année pour envisager une réduction du délai en fonction de l’évolution de la santé financière de l’entreprise. Comme pour les aides du fonds de solidarité (cf. supra), des critères de sélection pourraient être introduits tandis que l’instruction des demandes pourrait éventuellement être confiée au comité départemental de sortie de crise.

Cet étalement du remboursement doit néanmoins être négocié au niveau de l’Union européenne car la limite de six ans a été fixée par la Commission européenne ([95]). Vos rapporteurs saluent les négociations déjà engagées dans cette direction par le Gouvernement auprès des institutions européennes.

Enfin, vos rapporteurs estiment qu’il serait opportun d’intégrer à la consolidation des prêts actuels les PGE. Cette proposition permettrait de convertir de multiples crédits de court terme en un crédit de long terme. De cette manière, les entreprises pourraient réunir, dans un même emprunt, un crédit de trésorerie, un crédit courant et un PGE.

Afin de faciliter l’accès aux prêts de consolidation, deux niveaux de recours pourraient être prévus en cas de refus par les établissements bancaires : le médiateur du crédit et le président du tribunal de commerce afin d’entamer un mandat ad hoc ou une procédure de conciliation et de poser les termes de négociation entre un administrateur ou mandataire judiciaire et le partenaire bancaire.

Proposition n° 3 : Permettre d’allonger au cas par cas la durée d’amortissement des prêts garantis par l’État au-delà des six ans, jusqu’à une durée maximale fixée à 10 ans.

– Pour cela, approfondir le dialogue au niveau européen pour autoriser les États-membres à aller au-delà du plafond actuel.

– Envisager de confier l’évaluation au cas par cas des nécessités d’allonger l’étalement du remboursement aux comités départementaux de sortie de crise.

– Envisager un réexamen annuel pour moduler le délai en fonction de l’évolution financière de l’entreprise.

– Rendre fongible le PGE dans un prêt de consolidation.

c.   Prolonger ou transformer les prêts garantis par l’État ?

Le plan d’action du Gouvernement pour l’accompagnement des entreprises dans la sortie de crise envisage la prolongation de la disponibilité des PGE jusqu’au 31 décembre 2021. Le dispositif initial devait prendre fin le 31 décembre 2020 ([96]) avant d’être reconduit jusqu’au 30 juin 2021 ([97]) par la loi de finances pour 2021.

Vos rapporteurs saluent cette volonté de prolonger la possibilité pour les entreprises de souscrire un PGE auprès des banques.

Se pose également la question de la transformation éventuelle des PGE en prêts participatifs, dont le remboursement serait subordonné à celui de toutes les autres créances bancaires. Cette forme d’endettement « subordonné » apparaît ainsi comme un endettement long, quasiment assimilé à des fonds propres, contribuant à améliorer la structure financière des entreprises. Plusieurs propositions de loi ont d’ailleurs été déposées pour défendre cette transformation des PGE ([98]).

Toutefois, le prêt participatif étant particulièrement risqué pour le prêteur, en raison de sa nature de dette subordonnée, la transformation du PGE en endettement long impliquerait d’offrir des garanties aux banques. Le développement de la fiducie – qui permet le transfert de biens, de droits ou de sûretés à un tiers agissant au profit d’un bénéficiaire ([99]) – pourrait être une solution.

La question du renforcement des fonds propres fera l’objet de développements ultérieurs de vos rapporteurs.

3.   Échelonner les recouvrements des prélèvements obligatoires

Pour aider les entreprises, les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) ont permis le report du paiement des charges sociales sans pénalité, ni majoration de retard.

L’administration fiscale a également permis le décalage dans le temps du règlement d’impôts comme l’impôt sur les sociétés (IS), la taxe sur les salaires, la contribution économique territoriale (CET) ou encore le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu (IR) pour les travailleurs indépendants. Ces reports ont concerné près de 115 000 entreprises pour un montant de 3,5 milliards d’euros.

Ces facilités accordées aux entreprises représentent donc une dette importante pour leurs bénéficiaires. La question des modalités de leur recouvrement constitue un enjeu fort dans la mesure où le non-paiement d’une contribution peut souvent être l’un des éléments déclencheurs d’une procédure collective.

Dans le cadre du plan d’action du Gouvernement pour l’accompagnement des entreprises en sortie de crise, l’État et les URSSAF proposeront des plans d’apurement pour permettre aux bénéficiaires des reports d’allonger la durée de règlement de leurs dettes vis-à-vis des finances publiques et des organismes de sécurité sociale.

Pour les petites et moyennes entreprises, c’est-à-dire celles de moins de 250 salariés, des propositions d’apurement sont d’ores et déjà envoyées par le réseau des URSSAF depuis le mois de février 2021. Ils tiennent compte de l’importance de la dette et du nombre de reports afin d’en étaler la durée et d’échelonner les mensualités. Pour les autres sociétés, un contact individuel est directement pris par les URSSAF.

La commission des chefs de services financiers (CCSF) ([100]) peut, quant à elle, accorder des plans d’apurement échelonnés qui regroupent à la fois les dettes sociales et fiscales. La durée maximale de ces plans a été allongée de trois à quatre ans.

Vos rapporteurs invitent l’administration fiscale et le réseau des URSSAF à allonger le plus possible les plans d’apurement des dettes fiscales et sociales dans la mesure où cette facilité paraît neutre à moyen terme pour les finances publiques et celles des organismes de sécurité sociale.

Proposition n° 4 : Allonger la durée des plans de recouvrement proposés pour le recouvrement des cotisations sociales et des impositions reportées pendant la crise sanitaire.

Afin de soulager la trésorerie des entreprises, la direction générale des finances publiques (DGFiP) avait donné des instructions visant à accélérer les restitutions de créances d’impositions auxquelles elles pouvaient avoir droit. Ces remboursements concernaient principalement les crédits de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ainsi que les trop-versé d’IS. La part des demandes ayant reçu une suite favorable dans un délai de trente jours a ainsi augmenté de 15,6 % entre 2019 et 2020 ([101]).

Vos rapporteurs appellent à la poursuite de cet effort de célérité de la part de l’administration fiscale car, pour un dirigeant d’entreprise, les délais peuvent avoir un impact financier conséquent.

Proposition n° 5 : Poursuivre l’accélération du traitement des demandes de remboursement de crédit ou de restitution de trop-versé au titre d’impositions dont sont redevables les entreprises.

B.   isoler le fait « covid-19 » du bilan des entreprises

Un grand nombre d’acteurs entendus par la mission d’information s’est prononcé en faveur d’un « isolement » des conséquences financières de la Covid-19 d’un point de vue comptable. C’est particulièrement le cas du groupe de travail d’Aix-en-Provence constitué à l’initiative de la co-rapporteure ([102]).

1.   La lisibilité des comptes des entreprises au cours d’exercices marqués par un contexte particulièrement exceptionnel pose problème

Parmi les dispositifs de soutien aux entreprises, certains comme le PGE ou les reports de charges sociales et fiscales ont créé une dette inscrite au passif du bilan des entreprises tandis que la baisse de l’activité a diminué le chiffre d’affaires présenté dans le compte de résultat.

Toutefois, l’analyse de la situation financière des entreprises à la suite de la crise sanitaire ne saurait se limiter à l’évaluation des pertes directes et au décompte des sommes à rembourser au titre des aides perçues.

a.   Des conséquences sur l’ensemble des éléments constitutifs des comptes

En effet, les conséquences de la pandémie ont créé un certain nombre de déséquilibres dans l’ensemble des entrées des comptes annuels des entreprises, qu’il s’agisse de leur bilan (ressources et emplois) ou de leur résultat (charges et produits).

La baisse des investissements et l’absence de renouvellement de l’appareil productif influent, par exemple, sur les immobilisations constitutives de l’actif d’une entreprise de même que l’allongement des délais de paiement des commandes augmente les créances.

Quant au passif, s’il est affecté par la hausse de l’endettement, il faut aussi tenir cas des crédits inter-entreprises du fait des retards de paiement ou encore des capitaux propres entamés par les pertes subies.

L’impact de la pandémie sur les comptes annuels ne devrait donc pas se limiter aux exercices 2020 et 2021 en raison de l’endettement contracté du fait des PGE. De plus, le plan d’action pour l’accompagnement des entreprises dans la sortie de crise du Gouvernement entend mettre à disposition des sociétés qui continueront à en avoir besoin « une palette diversifiée de mesures permettant de prévenir ou de remédier aux fragilités identifiées » ([103]).

Comme cela a été dit plus haut, cette palette comprendrait la prolongation des PGE, des prêts exceptionnels pour les petites entreprises et des avances remboursables et prêts bonifiés pour les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Si vos rapporteurs saluent le maintien ou la mise en place de ces aides publiques, ils constatent qu’elles continueront à dégrader le bilan des entreprises pour les années à venir, d’où la nécessité d’isoler la « dette Covid-19 » au niveau comptable et, au-delà, le fait « Covid19 » car pour certains secteurs la crise aura pu avoir un effet positif sur leur activité.

b.   L’isolement d’un « fait Covid-19 » permettrait d’obtenir une image fidèle de la situation réelle

La lecture des comptes annuels d’une entreprise a pour but d’obtenir une image fidèle de son patrimoine, de sa situation financière ainsi que de son résultat, selon les termes employés par le code de commerce ([104]). Elle permet d’apprécier la santé d’une société, c’est pourquoi les comptes sont en principe obligatoirement déposés au registre du commerce et des sociétés (RCS) et font l’objet d’une publication au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, en application des articles L. 232-21 à L. 232-26 du code de commerce.

L’isolement de la « dette Covid-19 » et plus généralement d’un « fait Covid‑19 » constitue donc un enjeu pour l’examen de la solvabilité d’une entreprise. Les données des comptes annuels servent d’ailleurs de base de calcul pour la cotation attribuée par la Banque de France. Cette cotation estime la capacité d’une entreprise à honorer ses engagements financiers à un horizon compris entre un et trois ans et permet donc au prêteur éventuel d’évaluer le risque de défaut encouru. Elle s’appuie donc sur la documentation comptable mais aussi sur l’environnement de l’entreprise (secteur d’activité, liens économiques et financiers avec d’autres entreprises) et le marché sur lequel elle opère (positionnement, liens avec les clients et les fournisseurs, etc.).

L’adaptation du processus de cotation de la Banque de France
face à la crise sanitaire

Dans le contexte de la crise de la Covid-19 et de ses conséquences économiques, la Banque de France a adapté en 2020 son processus de cotation afin de refléter le mieux possible les fondamentaux du tissu productif tout en intégrant l’effet des dispositifs de support public qui ont été décidés, et d’éviter des dégradations automatiques et systématiques non justifiées de la cote de crédit.

L’exercice de cotation a ainsi été décalé de plusieurs mois jusqu’en septembre 2020 de manière à attendre de disposer de perspectives plus stabilisées sur la trajectoire de l’entreprise et de permettre la collecte la plus large possible des éléments qualitatifs directement auprès des dirigeants des entreprises pour assurer la robustesse du diagnostic sur leur situation financière et la fiabilité de leur cotation.

Environ 260 000 questionnaires ont ainsi été adressés aux dirigeants afin de disposer d’éléments d’information sur la situation financière de leur entreprise pour démultiplier les contacts habituels via les entretiens de cotation. L’objectif était notamment de faire, autant que possible, la part des choses dans la trajectoire financière des entreprises entre celles dont le modèle économique est durablement remis en cause par la crise, et celles qui sont davantage victimes d’impacts passagers. La campagne de cotation 2021 devrait s’effectuer dans la même logique.

Source : Contribution écrite de la Banque de France.

L’enjeu de l’isolement du « fait Covid-19 » dépasse, en conséquence, la seule question de l’examen de la solvabilité mais concerne finalement l’accès au crédit et donc au financement de l’investissement.

Dans la perspective de la reprise de l’activité économique, vos rapporteurs considèrent qu’il est nécessaire d’identifier les effets de la pandémie dans les comptes des entreprises de manière à ne pas entraver leur capacité à investir.

2.   Inscrire les conséquences économiques de la pandémie dans les comptes annuels

Il apparaît donc opportun d’inscrire les conséquences de la pandémie dans les comptes annuels de l’entreprise et dans la lecture qui en sera faite.

Eu égard aux normes comptables et au caractère exceptionnel de la crise sanitaire, il pourrait être recommandé de constituer un document annexé au bilan et au compte de résultat en ce sens.

a.   Le principe d’une annexe « fait Covid-19 » au bilan et au compte de résultat

En raison de l’ensemble des mesures de restriction à l’activité prises pour lutter contre la propagation de la pandémie de Covid-19 (confinement, fermetures administratives, couvre-feu, etc.), le bilan des entreprises affectées par la crise sanitaire souffre d’une lecture biaisée qu’il incombe donc de corriger.

Afin de rendre les comptes des entreprises plus lisibles et d’isoler les faits imputables à la pandémie, vos rapporteurs recommandent de créer une annexe « fait Covid-19 » dans les comptes annuels.

Cette annexe permettrait d’obtenir une information circonstanciée sans détériorer le ratio d’endettement des entreprises emprunteuses. Elle pourrait être utile, à défaut de pouvoir identifier les conséquences de la crise sanitaire dans les bilans des entreprises. Elle comprendrait ainsi tant les dettes accumulées par l’entreprise durant la crise que l’impact de la pandémie sur son activité et sa rentabilité.

L’isolement de l’endettement lié à la pandémie pourrait prendre la forme d’une annexe car elle ne peut actuellement pas faire l’objet d’une nouvelle ligne à part entière du bilan ou du compte de résultat en raison de l’application des règles de l’autorité des normes comptables (ANC). Si celle-ci reconnaît d’ailleurs que « l’événement Covid-19 et ses conséquences constituent un fait pertinent qui doit être mis en évidence dans les comptes et situations établis à compter du 1er janvier 2020 », elle rappelle qu’il a « vocation à figurer dans l’annexe des comptes et des situations intermédiaires » et non dans les rubriques du résultat exceptionnel ([105]).

Les comptes annuels d’une entreprise

Les comptes annuels d’une entreprise sont composés :

– du bilan (tableau d’équilibre entre l’actif et le passif) ;

– du compte de résultat (tableau des bénéfices et des pertes) ;

– de l’annexe comptable.

L’annexe comptable peut comprendre, selon la taille de l’entreprise et les obligations qui en découlent :

– le tableau des amortissements ;

– le tableau des immobilisations et des provisions ;

– l’état des créances et des dettes.

De plus, les comptes de l’exercice 2020 ont déjà été clôturés et les logiciels de comptabilité ne sont pas configurés pour permettre la modification des états financiers des entreprises dans le but d’y intégrer ce « fait Covid-19 » au titre de l’année close.

b.   La présentation des déséquilibres engendrés au bilan et au résultat

Suivant les préconisations formulées par le groupe de travail local de la corapporteure précité, cette annexe pourrait être composée de deux parties.

Une première partie servirait à l’identification du « fait Covid-19 » ([106]). Elle permettrait d’expliquer les variations de l’activité de l’entreprise par rapport à un niveau d’activité normale qui resterait à définir, celui-ci pouvant être l’année 2019 ou bien une moyenne annuelle. Les indicateurs financiers que sont le chiffre d’affaires, la marge brute, le résultat d’exploitation et le résultat net seraient complétés des montants d’aides perçus : PGE, fonds de solidarité, report ou exonération de cotisations sociales, allocation d’activité partielle…

La seconde partie présenterait l’ensemble des déséquilibres bilanciels liés à la crise sanitaire ([107]). Son but serait de fournir une explication sur l’origine de la dette contractée par l’entreprise en donnant une analyse détaillée de son actif et de son passif.

L’actif – qui correspond au patrimoine de l’entreprise – ferait ainsi apparaître les déséquilibres résultant de la baisse d’activité imputable à la Covid-19 : non‑renouvellement de l’appareil productif et baisse de l’investissement au niveau des immobilisations, allongement du délai de règlement des clients au niveau des créances, diminution de la trésorerie pour ce qui concerne les disponibilités ou encore accroissement du stock d’invendus.

De même, le passif – qui retrace l’ensemble des ressources à la disposition de l’entreprise (capitaux, dettes et provisions) – mettrait en exergue les conséquences de la crise sanitaire : pertes en raison de la baisse d’activité pour les capitaux propres, recours aux PGE pour les dettes financières, allongement du délai de règlement des commandes pour le crédit interentreprises, reports de charges sociales et fiscales pour les dettes vis-à-vis de l’URSSAF ou des finances publiques.

L’enjeu de l’analyse des déséquilibres est de permettre de comprendre les difficultés de l’entreprise et de cibler les mesures à prendre à court, moyen ou long terme afin de soutenir sa reprise d’activité avec pour objectif de retrouver son fonctionnement d’avant crise.

Enfin, la présence d’une annexe « fait Covid-19 » donnerait une image plus fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise, telle que le prescrit l’article L. 123-14 du code de commerce. Celui-ci précise d’ailleurs que « lorsque l’application d’une prescription comptable ne suffit pas pour donner l’image fidèle mentionnée [à l’article L. 123-14], des informations complémentaires doivent être fournies dans l’annexe ».

Proposition n° 6 : Recommander l’insertion d’une annexe « fait Covid-19 » dans les documents fournis à l’occasion du dépôt des comptes annuels des entreprises.

Cette annexe ferait apparaître l’impact de la pandémie sur le bilan et le résultat des entreprises concernées.

C.   renforcer durablement les capacités de financement des entreprises

La pandémie de Covid-19 a eu un fort impact sur la structure financière des entreprises. Compte tenu de l’endettement brut engendré par les mesures de soutien conjugué à la baisse de l’activité, les entreprises françaises et plus particulièrement les plus petites d’entre elles ont besoin d’un renforcement de leur capacité de financement, en trésorerie et en fonds propres.

1.   Un besoin important de renforcement des fonds propres pour les entreprises les plus touchées

Une minorité d’entreprises risque de compromettre la reprise en obérant la capacité à investir, voire en favorisant les défaillances. Un rééquilibrage du ratio d’endettement apparaît nécessaire.

 

a.   Une minorité d’entreprises durablement endettées qui pourrait freiner considérablement la reprise

La crise intervient dans un contexte de moyen-long terme caractérisé par une sous-capitalisation d’un grand nombre de petites et moyennes entreprises (PME), de l’ordre de 20 % d’après l’Observatoire du financement des entreprises (OFE) ([108]). Un tiers des très petites entreprises (TPE) présentait même des structures financières très dégradées.

Prise dans son ensemble, la situation financière des PME au niveau global avait toutefois connu une relative embellie au cours des quelques années qui ont précédé l’irruption de la pandémie, marquées par une diminution du taux d’endettement et donc une amélioration du ratio de fonds propres.

En conséquence, l’hétérogénéité préexistante des situations financières des entreprises se conjugue avec l’hétérogénéité, notamment sectorielle, du choc actuel. Une sous-population d’entreprises initialement performantes et saines porte désormais un surcroît d’endettement durable tandis que d’autres entreprises initialement plus fragiles n’en ont pas moins été durement déstabilisées.

La persistance d’un endettement élevé risque de contraindre le développement futur de ces entreprises. Compte tenu de l’incertitude élevée et de la nécessité de préserver les flux de liquidités, il se peut que les projets d’investissement et les embauches n’aient été que remis à plus tard chez les moins endettées. Logiquement, ces projets reportés seront mis en œuvre avec la reprise.

En revanche, pour les entreprises trop lourdement endettées, les reports actuels risquent d’aboutir à des annulations, d’autant plus importantes qu’une entreprise qui fait face à un excès de dette consacre d’abord ses ressources au remboursement de celle-ci. Une telle dynamique peut prendre une dimension macroéconomique lorsque le ralentissement de l’investissement vient réduire l’activité des fournisseurs et, in fine, contaminer l’ensemble de l’économie.

b.   Un nécessaire rééquilibrage du ratio d’endettement

Afin d’assurer une reprise durable de l’investissement et d’éviter le risque de défaillances, la priorité est donc de rééquilibrer le ratio d’endettement par rapport aux fonds propres des bilans des entreprises.

Vos rapporteurs considèrent que l’amélioration du ratio d’endettement des entreprises les plus touchées est un objectif qui aura un impact sur l’ensemble de l’économie.

Compte tenu du surcroît du niveau de la dette accumulée, le besoin des entreprises françaises en fonds propre serait de l’ordre de 50 milliards d’euros selon l’OFE.

Pour les grandes entreprises, le besoin en fonds propres peut être couvert de manière habituelle, c’est-à-dire notamment par l’augmentation de capital sur les marchés pour les sociétés cotées, par recapitalisation des filiales françaises de groupes étrangers au niveau de la maison-mère ou bien par l’action des acteurs du capital-investissement.

En revanche, les autres entreprises et plus particulièrement les PME n’auront pas ces possibilités. L’OFE estime que leur besoin s’élèverait à environ 20 milliards d’euros.

Vos rapporteurs estiment que l’effort public doit donc se concentrer sur ces entreprises, en soutien toutefois des acteurs privés mieux à même d’effectuer la sélection des investissements et de les accompagner dans la durée.

2.   Inciter le renforcement des fonds propres et mobiliser de nouveaux outils

Le renforcement des fonds propres des entreprises les plus fragilisées fait d’ores et déjà l’objet de diverses mesures dans le cadre de la sortie de crise. Vos rapporteurs estiment que ces efforts doivent être poursuivis par la mobilisation d’autres instruments.

Cette problématique est d’autant plus prégnante que le besoin en fonds de roulement (BFR) tend à augmenter du fait de la reprise de l’activité économique et de la hausse consécutive du prix des matières premières au niveau mondial. Les décalages des flux de trésorerie correspondant aux décaissements et encaissements créent en effet d’importants besoins de financement à court terme.

a.   Les propositions du Gouvernement vont dans le bon sens…

Le plan d’action du Gouvernement pour l’accompagnement des entreprises dans la sortie de crise entend redresser les entreprises en situation de fragilité en assainissant leurs difficultés financières.

Certaines mesures répondant à cet objectif étaient déjà mises en œuvre et devraient être prolongées. C’est le cas des prêts exceptionnels « petites entreprises » qui constituent des prêts participatifs de l’État couvrant les besoins en investissements et en fonds de roulement des entreprises de moins de 50 salariés dont l’activité a été fragilisée par la crise sanitaire pour une durée de sept ans et un montant maximal de 100 000 euros.

Instaurés par la deuxième loi de finances rectificative pour 2020 ([109]) à destination d’entreprises n’ayant soit pas pu bénéficier des PGE, soit pour un montant insuffisant, ces prêts participatifs sont assimilés à des fonds propres au regard de l’appréciation de la situation financière des entreprises qui en bénéficient, conformément à l’article L. 313‑14 du code monétaire et financier.

La loi de finances initiale pour 2021 ([110]) a également créé un nouveau type de prêt participatif permettant le renforcement des fonds propres des entreprises bénéficiaires dans le cadre du Plan de relance. Il est réservé aux PME et aux ETI justifiant d’un chiffre d’affaires supérieur à 2 millions d’euros qui ont des perspectives de développement mais dont la structure de bilan a été affaiblie par la crise.

Ces prêts « relance » peuvent atteindre 12,5 % du chiffre d’affaires de 2019 pour les PME et 8,4 % pour les ETI. Ils pourront être utilisés jusqu’au 30 juin 2022 et sont remboursables sur huit ans avec un différé de quatre ans. À la différence du prêt exceptionnel « petites entreprises », il est cumulable avec le PGE sous réserve de certains plafonds.

En complément, le Gouvernement a annoncé la création d’un fonds de transition doté de 3 milliards d’euros en soutien des grandes entreprises et des ETI affectées par la crise et nécessitant un renforcement de leur bilan. Ce fonds proposera des prêts, fonds propres et quasi fonds propres après examen individuel des dossiers par un comité consultatif au sein du ministère de l’économie, des finances et de la relance.

Dans le cadre du Plan de relance, l’État entend également orienter l’épargne des ménages en faveur de l’investissement en fonds propres dans les entreprises. Pour cela, un label « relance » pourra être attribué aux produits proposés par les organismes de placement collectif et valorisé dans les plans d’épargne et les contrats souscrits par les investisseurs.

Si vos rapporteurs saluent ces projets d’intervention en faveur du renforcement des fonds propres des sociétés de taille significative, ils regrettent que les très petites entreprises échappent en partie à ces mesures alors même qu’elles sont proportionnellement plus nombreuses à avoir une structure financière dégradée, y compris avant la crise.

 

b.   … mais pourraient voir leur ambition rehaussée

La transformation des PGE en endettement long pourrait être une piste pour améliorer le bilan des entreprises les plus fragiles comme le suggèrent vos rapporteurs (cf. supra).

La mutation des PGE en prêts participatifs permettrait de les inscrire comme des emprunts dits de « haut de bilan », assimilés à des fonds propres car constituant une dette subordonnée.

Cette modification de l’imputation financière des PGE irait dans le sens de l’isolement du « fait Covid-19 » dans les comptes annuels des entreprises que vos rapporteurs défendent (cf. supra).

Par ailleurs, les PGE étant garantis par l’État, ils ne seraient pas particulièrement risqués pour les établissements bancaires qui les ont accordés.

Proposition n° 7 : Permettre la restructuration des prêts garantis par l’État souscrits par les entreprises en endettement long.

Plus généralement, une réflexion devrait être menée quant aux garanties apportées par l’État aux quasi fonds propres, qu’il s’agisse des prêts participatifs « relance », des PGE transformés ou bien des apports dans le cadre du fonds de transition. La mobilisation de la fiducie, introduite dans le code civil depuis 2007 ([111]), pourrait, à ce titre, être développée.

Qu’est-ce que la fiducie ?

La fiducie prend la forme d’un contrat par lequel un débiteur – appelé « constituant » – transfère à un fiduciaire – qui peut être son créancier – la propriété d’un bien afin de garantir le paiement de sa dette. La propriété sert ainsi au paiement préférentiel d’une créance. Ce concept de sûreté est, en réalité, ancien puisqu’il est issu de la fiducia cum creditore du droit romain.

Ce mode de garantie apparaît comme étant le plus complet pour les créanciers. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire que le fiduciaire soit le créancier. Si le constituant remplit ses obligations vis-à-vis de son créancier, le fiduciaire se voit tenu de lui rétrocéder les biens mis en fiducie. Dans le cas contraire, le créancier se trouve placé en situation de bénéficiaire de la fiducie et il se fait alors attribuer le patrimoine.

La fiducie peut ainsi faciliter l’accès au crédit des très petites entreprises en rassurant sa banque par ce mécanisme. Ce mécanisme est de plus particulièrement intéressant pour l’accès aux prêts participatifs, renforçant les fonds propres, marqués par un risque plus grand puisqu’étant subordonnés au paiement prioritaire des autres créances.

La fiducie est d’autant plus opportune dans ce contexte de crise sanitaire où les entreprises ont accumulé des stocks importants du fait de la chute de leur activité. Ces marchandises sont autant de biens transférables à un fiduciaire.

En cas de transformation des PGE en fonds propres ou quasi fonds propres, la fiducie pourrait constituer un instrument très utile, car l’État n’a pas vocation à intervenir dans la gouvernance d’une multitude de TPE et PME françaises. La fiducie pourrait dès lors constituer un outil approprié pour rationaliser cette prise de participation publique en la confiant à un fiduciaire.

Pourtant, la fiducie demeure un instrument méconnu auquel les TPE ont très peu recours. De plus, peu d’acteurs officient comme fiduciaires. Vos rapporteurs estiment donc qu’il convient d’encourager le recours à ce type de garantie.

Une des solutions pourrait être d’autoriser les administrateurs et les mandataires judiciaires à exercer les fonctions de fiduciaire, ce que ne permet actuellement pas l’article 2015 du code civil qui réserve cette qualité aux établissements de crédits, aux entreprises d’investissement, aux entreprises d’assurance ainsi qu’au Trésor public, à la Banque de France, à la Caisse des dépôts et consignations et à La Poste. La profession d’administrateur et de mandataire judiciaire reposant sur la gestion d’une entité ne leur appartenant pas, elle semble à même d’occuper ce rôle et de faire la promotion de la fiducie.

Proposition n° 8 : Encourager le développement de la fiducie.

– Développer la fiducie comme l’une des solutions de mise en œuvre opérationnelle de la transformation en fonds propres ou quasi fonds-propres des PGE.

– Élargir le vivier des fiduciaires potentiels en ouvrant cette possibilité aux administrateurs et mandataires judiciaires.

Concernant la labélisation « relance » de l’épargne des ménages, vos rapporteurs estiment qu’une solution utile pour aller plus loin serait de déplafonner les versements des plans d’épargne en actions (PEA) destinés aux PME. Le PEA dédié aux titres des PME est soumis au plafond global de 225 000 euros fixé pour l’ensemble des PEA par l’article L. 221-32-1 du code monétaire et financier ([112]).

De manière générale, une réflexion devrait être engagée concernant les moyens de mieux drainer l’épargne vers les PME, notamment par le biais du fonds d’investissement de proximité (FIP) et du fonds commun de placement dans l’innovation (FCPI).

Proposition n° 9 : Attirer davantage l’épargne des ménages vers les petites et moyennes entreprises.

– Déplafonner les versements des plans d’épargne en actions (PEA) destinés aux PME en séparant les plafonds de versement en numéraire effectués sur les PEA « classiques » et les PEA destinés au financement des PME.

– Mobiliser les fonds d’investissement de proximité (FIP) et les fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI).

3.   Raccourcir les délais de paiement pour garantir les capacités de trésorerie des entreprises françaises

Cette mesure diminuerait l’endettement via le crédit inter-entreprises et permettrait le renforcement des fonds propres ainsi que du fonds de roulement.

a.   Les délais de paiement sont encadrés par le droit

Depuis la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (LME), les délais de paiement sont encadrés dans les conditions prévues aux articles L. 441-10 à L. 441-16 du code de commerce. Ainsi, le délai contractuel ne peut dépasser 60 jours à compter de la dette d’émission de la facture ou 45 jours fin de mois, selon les cas de figure. À défaut de délai prévu par contrat, le délai légal de droit commun est fixé à 30 jours.

 

Lorsque ces conditions ne sont pas respectées, une indemnité forfaitaire est prévue ainsi que des pénalités de retard pour paiement tardif. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) peut prononcer une sanction administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et deux millions d’euros pour une personne morale (article L. 441-16 du code de commerce). Dans une logique de name and shame, les sanctions prononcées font l’objet d’une publication systématique par la DGCCRF. La loi PACTE précitée a renforcé cette disposition en prévoyant une publication des sanctions par les organes de presse habilités à recevoir des annonces judiciaires et légales.

b.   Un constat récurrent et renforcé par la crise : les délais de paiement sont globalement trop longs et fragilisent le tissu économique

Les délais de paiement excessifs constituent une problématique structurelle du modèle économique français, qui pèse sur les entreprises et en particulier sur les plus petites d’entre elles, en raison de leur trésorerie fragile.

La situation des paiements selon l’Observatoire des délais de paiement
pour l’année 2019-2020

Le rapport de l’Observatoire des délais de paiement constate une stabilisation de la situation des paiements « désormais bien installée en dessous de la limite des 60 jours fixés pour l’essentiel par la loi : à 51 jours d’achats pour les délais fournisseurs et à 44 jours de chiffre d’affaires pour les délais clients ».

Cette moyenne masque toutefois des disparités sectorielles importantes, avec des fragilités particulièrement marquées notamment dans le secteur de la construction.

La crise renforce ce risque. Elle amplifie les problèmes structurels à l’origine de retards de paiement, tels que la complexité et la fragilité des structures de traitement des paiements et le déséquilibre des rapports de force. Dans son dernier rapport annuel, l’Observatoire des délais de paiement dénonce « une nouvelle fois les comportements délibérés et inacceptables d’allongement des délais de paiement qui demeurent récurrents et dont certaines entreprises ont fait, ou essayé de faire, d’autant plus usage à l’occasion de la crise sanitaire, avec des conséquences dramatiques pour leurs fournisseurs ». Pour faire face à cette situation et éviter les risques de rétention de trésorerie de la part des clients, en particulier des grands comptes, un Comité de crise sur les délais de paiement a été institué à la demande du ministre de l’économie et des finances et du gouverneur de la Banque de France.

Ainsi, force est de constater que les délais légaux sont trop peu respectés. 30 % des entreprises contrôlées par la DGCCRF ne sont pas en règle. Ce non-respect est aussi le fait de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics.

Les contrôles de la DGCCRF sur les délais de paiement en 2020

En 2020, La DGCCRF a contrôlé plus de 900 établissements, dont 35 entreprises publiques et 278 entreprises ayant bénéficié d’un prêt garanti par l’État. Lors de ces contrôles, il a été constaté que près de 30 % des entreprises payaient une fraction non-négligeable de leurs factures au-delà des délais légaux.

À l’issue des contrôles, lorsque des manquements ont été mis en évidence, les suites ont consisté pour 40 % en des avertissements, pour 20 % en des injonctions – suites dites pédagogiques et correctives – et pour 40 % en des procédures d’amende administrative. 182 procédures d’amende administrative, représentant au total plus de 29,9 millions d’euros ont ainsi été lancées en 2020, dont 91 décisions de sanction notifiées aux entreprises contrôlées (pour un montant total d’amendes de près de 9,4 millions d’euros), et 91 procédures de sanction en cours (pour un montant, non encore définitif, de plus de 20,5 millions d’euros).

c.   Les leviers pour réduire les délais de paiement

Face à la crise, la question des délais de paiement doit faire l’objet d’une grande attention. C’est un enjeu essentiel au maintien de l’activité et de l’emploi, notamment industriels. C’est aussi un levier précieux pour garantir une trésorerie suffisante des entreprises dans le contexte post-crise et assurer ainsi le financement du besoin en fonds de roulement.

Il faut saluer le rôle du comité de gestion de crise des délais de paiement, mis en place par le Gouvernement.

Comme le souligne l’Observatoire des délais de paiement, il est bien sûr essentiel que les administrations, en particulier les collectivités territoriales, soutiennent la trésorerie de leurs fournisseurs en se montrant irréprochables sur leurs délais de paiement.

Les contrôles conduits par la DGCCRF doivent se poursuivre et les moyens financiers et humains attribués en ce sens doivent être sanctuarisés.

D’autres pistes complémentaires pourraient être envisagées. Le fournisseur devrait être systématiquement informé de la politique des délais de paiement de l’entreprise donneuse d’ordre, et le cas échéant, des éventuelles irrégularités existantes.

Pour aller plus loin, il pourrait être pertinent de raccourcir la durée légale des délais de paiement. On pourrait ainsi envisager de réduire à 30 jours le délai contractuel maximal fin de mois. Cette solution pourrait concerner, au moins dans un premier temps, uniquement les grands donneurs d’ordre dans leurs relations avec les TPE et PME. Des différenciations sectorielles pourraient également être souhaitables, afin de rééquilibrer les rapports entre donneurs d’ordre et fournisseurs dans certaines activités, comme la grande distribution.

Des mesures pourraient également être prises du côté des administrations publiques pour accélérer leurs délais de paiement vis-à-vis de leurs fournisseurs privés.

Proposition n° 10 : Accroître les efforts visant à raccourcir les délais de paiement.

– Garantir l’exemplarité de la commande publique.

– Soutenir la politique de contrôle de la DGCCRF.

– Envisager de réduire à 30 jours fin de mois le délai contractuel maximal, au moins au bénéfice des petites entreprises et des secteurs d’activité les plus sensibles.

II.   DÉTECTER LES DIFFICULTÉS ET ACCOMPAGNER LES ENTREPRISES

Comme cela a été dit, plus les difficultés des entreprises sont repérées en amont, plus les mesures pouvant être mises en place sont efficaces. En particulier, plus l’entreprise se rend tôt devant le tribunal pour résoudre ses difficultés, plus les chances de son sauvetage sont élevées.

Or, les dirigeants se saisissent trop peu des mécanismes de prévention, en particulier ceux de nature judiciaire.

Deux raisons principales mises en évidence par les auditions permettent de comprendre ce constat :

– bien souvent, les problèmes sont insuffisamment repérés, ce qui témoigne d’un mécanisme d’alerte insatisfaisant et des difficultés pour le chef d’entreprise de comprendre et d’admettre sa situation ;

– une fois les difficultés repérées, le chef d’entreprise n’est pas suffisamment orienté vers les bons interlocuteurs et les bonnes procédures.

 

 

 

 

 

 

A.   LES MULTIPLES FREINS DE LA PRévention

La détection des entreprises susceptibles d’être en difficulté présente un certain nombre de lacunes, tant au niveau des acteurs que de l’orientation donnée aux dirigeants.

1.   Les lacunes de la détection : des fragilités souvent non détectées malgré une multitude d’acteurs

a.   Panorama des acteurs susceptibles de repérer les difficultés et de lancer l’alerte

i.   L’entreprise et ses partenaires

De nombreux indices peuvent alerter une entreprise sur ses difficultés financières et économiques (difficultés de trésorerie, déséquilibre du bilan, rupture de contrats, perte de clients important, baisse de commande, retard dans le paiement des salaires, etc.). Le chef d’entreprise peut s’en rendre compte lui-même (ou via un service interne compétent) ou peut également en être alerté par un certain nombre d’acteurs de son entourage. L’entourage de l’entreprise peut, dans certains cas prévus par la loi, exercer un droit d’alerte, y compris vers le tribunal compétent.

Le commissaire aux comptes (CAC), chargé d’effectuer, de manière indépendante, un contrôle comptable, financier et juridique, dispose en vertu de l’article L. 234-1 du code de commerce d’un devoir d’alerte, qui l’oblige à prévenir les dirigeants de l’entreprise dès qu’il relève des faits pouvant compromettre la continuité de l’activité. S’il constate que les décisions prises ne permettent pas d’améliorer la situation, il doit en informer le président du tribunal compétent.

Ce rôle d’alerte a récemment été rehaussé dans le contexte de la crise sanitaire et économique par l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l’épidémie de covid-19. Ainsi, le CAC peut désormais « informer le président du tribunal compétent dès la première information faite, selon le cas, au président du conseil d’administration ou de surveillance ou au dirigeant », s’il estime que « l’urgence commande l’adoption de mesures immédiates et que le dirigeant s’y refuse ou propose des mesures que le commissaire aux comptes estime insuffisantes ». Ces dispositions, prolongées par la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi « ASAP », sont applicables jusqu’au 31 décembre 2021.

 

 

Ce devoir d’alerte reste toutefois par définition limité aux seules entreprises qui font appel à un commissaire aux comptes, cette obligation ne valant qu’au-delà de certains seuils ayant récemment été rehaussés en application de la loi PACTE ([113]). Sont ainsi concernées les sociétés qui, quel que soit leur statut juridique, dépassent deux des trois seuils suivants : 4 millions d’euros de bilan, 8 millions d’euros de chiffre d’affaires hors taxe et 50 salariés.

Disposent également d’un droit d’alerte les associés de l’entreprise ainsi que le comité social et économique (CSE) ([114]). Lorsque le CSE a connaissance de faits pouvant affecter la situation économique de l’entreprise, il peut demander des explications à l’employeur. Si le comité n’a pu obtenir de réponse suffisante de l’employeur ou si celle-ci confirme le caractère préoccupant de la situation, il établit un rapport, transmis au commissaire aux comptes (article L. 2323‑78 du code du travail). Les informations communiquées ont un caractère confidentiel. Quant aux associés et les actionnaires informés des faits pouvant compromettre la continuité de l’activité, ils peuvent alerter la direction de l’entreprise par le biais d’une question écrite. La réponse doit être communiquée au commissaire aux comptes (article L. 225-232 du code de commerce).

Il convient de relever que les groupements de prévention agréés (GPA) sont également investis d’une mission légale d’alerte du chef d’entreprise, bien que cette mission d’alerte semble peu s’observer dans les faits.

Par sa mission comptable et de conseil, l’expert-comptable est en mesure de repérer certaines failles. C’est souvent vers lui que se tourne le chef d’une TPE et PME, qui ne dispose pas nécessairement des ressources utiles en interne, en cas de difficultés. Son rôle potentiellement clé a été souligné à de très nombreuses reprises au cours des auditions même si son intervention peut paraître tardive puisqu’elle se fait au moment du bilan.

Les partenaires financiers sont également susceptibles de lancer les premiers signaux d’alertes, bien que cette tâche puisse être entravée en cas de multi‑bancarisation, qui rend plus difficile l’identification des fragilités.

Enfin, les créanciers institutionnels sont en mesure de repérer très rapidement les retards dans le paiement des impôts et des cotisations sociales (DDFIP et URSSAF), qui constituent des signaux souvent révélateurs de difficultés.

ii.   Le tribunal et le greffe

Les greffes des tribunaux de commerce collectent de nombreuses informations relatives à la santé de l’entreprise, qui permettent de détecter les difficultés : injonctions de payer, référés-provision, non-dépôt des comptes annuels, inscriptions de privilèges, nantissements ou autres garanties, perte de plus de la moitié du capital… Ces informations sont en outre recoupées avec des informations externes (alertes des CAC, plaintes des salariés pour salaires impayés, alertes de la Banque de France notamment).

À partir de ces informations, les greffes ont élaboré un outil de détection, qui mesure la probabilité de défaillance sur la base d’un traitement algorithmique d’apprentissage. Cet indicateur de performance est accessible de façon gratuite et confidentielle.

Le fonctionnement de l’indicateur de performance
des greffes des tribunaux de commerce

Cet outil fonctionne selon un modèle prédictif, qui permet de comparer la situation d’une entreprise donnée avec d’autres entreprises ayant déjà fait l’objet d’une procédure collective. Ainsi, « l’algorithme analyse l’ensemble des données comptables et financières de l’entreprise, plus de 700 critères sont pris en compte (CA, résultat, effectif, données structurelles, localisation, activité, trésorerie, ratio d’endettement global, ratio d’autonomie financière…). L’algorithme compare l’ensemble des entreprises qui sont en base ayant déjà fait l’objet d’une procédure collective au moment de l’ouverture d’un redressement judiciaire et la situation de l’entreprise concernée ([115]) ».

Selon les chiffres communiqués par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC), 1,5 million d’entreprises ont déjà déterminé gratuitement leur probabilité de défaillance en utilisant cet outil.

À partir des données du greffe, le tribunal exerce une mission de prévention. Le président du tribunal dispose ainsi d’un droit d’alerte, qui lui ouvre la possibilité de convoquer pour un entretien de prévention le chef d’entreprise. À l’issue de cet entretien, ou lorsque le chef d’entreprise ne s’y est pas présenté, le juge peut mener une enquête complémentaire. La loi l’autorise à̀ se faire communiquer par les commissaires aux comptes, les membres et représentants du personnel, les administrations publiques, les organismes de sécurité́ et de prévoyance sociale ainsi que les services de la Banque de France « des renseignements de nature à̀ lui donner une exacte information sur la situation économique et financière », y compris lorsque ces informations sont couvertes par le secret.

En plus de ces entretiens, plusieurs tribunaux constituent également des cellules de prévention. Selon le rapport de la mission « justice économique » conduite sous la direction de Georges Richelme ([116]), chaque année, entre 10 000 et 11 000 entretiens de prévention sont menés par les présidents de tribunaux de commerce ou des juges délégués avec le dirigeant d’entreprise ou tout entrepreneur. Cette mission préventive paraît en revanche beaucoup moins développée dans les tribunaux judiciaires.

iii.   Les services administratifs

Outre le rôle clé des créanciers institutionnels (DGFiP et URSSAF) déjà mentionné, la Banque de France est également susceptible de repérer les difficultés, à travers la cotation Banque de France qui est élaborée chaque année pour chaque entreprise non financière de nature industrielle et commerciale ayant son siège social en France dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 000 euros. Cette cotation porte une appréciation sur la capacité d’une entreprise à honorer ses engagements financiers à un horizon compris entre un à trois ans. La cotation est communiquée à l’entreprise.

En application de l’article L. 144-1 du code monétaire et financier, la Banque de France restitue aux adhérents du fichier bancaire des entreprises (FIBEN) certaines informations sur leurs entreprises clientes. Il s’agit principalement des établissements de crédits et financiers, des institutions financières, des assureurs‑crédits, des conseils régionaux, des administrations de l’État compétentes (et notamment le CIRI et les CODEFI et l’administration fiscale). Il faut noter que l’établissement de la cotation fait l’objet de nombreux échanges entre la Banque de France et le dirigeant pour apprécier la dimension « qualitative » de la cotation (environ 50 000 entretiens dits « de cotation » réalisés sur un an). Il s’agit donc d’un outil qui permet au dirigeant de mesurer la situation économique et financière de son entreprise, de faciliter ses relations avec ses partenaires financiers, et d’envisager des mesures pour, le cas échéant, redresser une situation difficile.

La DGFIP a développé depuis 2017 son modèle prédictif pour repérer de façon précoce les difficultés des entreprises. Ce modèle, élaboré pour anticiper des procédures collectives à moyen terme, a été adapté afin de détecter une dégradation rapide de la situation des entreprises depuis la crise sanitaire ([117]). L’algorithme est fondé sur quelque 80 ratios financiers issus des liasses fiscales. Il modélise le risque d’entrée en procédure collective sous 18 mois, à travers l’attribution d’une note à chaque entreprise, comprise entre 0 (risque nul) et 10 (risque fort) qui traduit la probabilité plus ou moins forte de basculer en procédure collective.

La situation de l’ensemble des entreprises est ainsi analysée quels que soient leur effectif et leur chiffre d’affaires. Une liste d’entreprises est ensuite adressée, depuis 2019, aux directions départementales des finances publiques (DDFIP) 2 à 3 fois par an pour être partagée, le cas échéant, au sein des CODEFI. Cette liste, pour assurer son caractère opérationnel, est constituée d’un maximum de 200 entreprises par département, affectées d’une note supérieure à 7,5, in bonis l’année n-1, et qui ont employé plus de 20 personnes ou réalisé plus de 5 M€ de chiffre d’affaires au cours de l’année n-2.

Les administrations publiques cherchent à renforcer les synergies via un rapprochement des différents outils de détection publics. Cela se traduit par la mise en place de la plateforme dite « signaux faibles », qui réunit depuis 2019 la direction générale des entreprises (DGE) en partenariat avec le ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion (DGEFP), la Banque de France (BDF), la caisse centrale des Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF), et la direction interministérielle du numérique (DINUM).

La plateforme « signaux faibles »

Née d’une expérimentation locale (région Bourgogne-Franche-Comté), la plateforme signaux faibles réunit depuis 2019 la direction générale des entreprises (DGE) en partenariat avec le ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion (DGEFP), la Banque de France (BDF), la caisse centrale des Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF), et la direction interministérielle du numérique (DINUM). Les différents partenaires de la plateforme apportent des données qui visent à améliorer, sur la base de l’intelligence artificielle, la détection des difficultés des entreprises. À ce stade, l’algorithme a été entraîné sur les entreprises de plus de 10 salariés, majoritairement industrielles.

b.   Des faiblesses nombreuses

Malgré la multitude d’acteurs susceptibles de repérer les difficultés et d’avertir le chef d’entreprise, la détection et l’alerte fonctionnent de façon largement insatisfaisante.

i.   Dans les petites entreprises, le dirigeant méconnaît souvent ses propres difficultés et n’est pas assez averti par son entourage

Dans les petites entreprises, le dirigeant est insuffisamment outillé pour repérer ses propres difficultés.

En premier lieu, le chef d’entreprise peut méconnaître la situation financière de sa propre entreprise. Si les grandes entreprises et certaines PME disposent d’un appui juridique et financier en interne, c’est rarement le cas des TPE et PME de petites tailles. Pour ces dernières, le dirigeant est seul face aux enjeux comptables et financiers, alors que les données peuvent être complexes à traiter et qu’il est pris dans la gestion quotidienne de son entreprise.

Au côté de cette barrière technique, la dimension psychologique occupe une place centrale. Les auditions conduites par la mission en ont montré toute l’ampleur : le chef d’entreprise peut refuser de voir les difficultés lorsqu’elles commencent à s’amonceler, alors que son projet entrepreneurial représente un investissement professionnel mais aussi personnel majeur. À un déni éventuel s’ajoutent le sentiment de culpabilité face à l’échec et une injonction sociale de réussite vis-à-vis de ses pairs et de son entourage. Cet engrenage conduit souvent à une dégradation de la situation personnelle. De nombreux chefs d’entreprise ont évoqué « les trois D » pour dépôt de bilan, divorce et dépression.

Confronté à une situation difficile sur laquelle il peut refuser d’ouvrir les yeux, le dirigeant n’est en pratique pas suffisamment averti et orienté par les différents partenaires qui l’entourent :

– les détenteurs du droit d’alerte ne sont que très rarement présents dans les petites entreprises : les commissaires aux comptes ne sont obligatoires que dans les grandes entreprises, les comités sociaux d’entreprise ne concernent pas les TPE. Quant aux GPA, ils ne semblent pas déployés sur l’ensemble du territoire et leur rôle d’alerte ne paraît pas pleinement opérationnel. Toutefois, les GPA constituent un dispositif intéressant car constitué de chefs d’entreprise à même de comprendre toutes les dimensions, et notamment humaines, des difficultés du dirigeant.

  l’expert-comptable, premier interlocuteur du chef d’entreprise, n’a pas de devoir d’alerte. En pratique, il semble assez rare que l’expert-comptable oriente le chef d’entreprise vers les tribunaux et les mesures préventives. De plus, en cas de difficultés, il arrive que l’expert-comptable cesse ses missions auprès de l’entreprise concernée, faute de paiement de ses honoraires. En outre, toutes les TPE n’ont pas d’expert-comptable, ce qui accroît encore le risque d’isolement du dirigeant.

ii.   Les outils publics de détection des difficultés des entreprises manquent d’efficacité en raison d’un fonctionnement en silo et d’un ciblage parfois inadapté

Les informations détenues par les tribunaux et les administrations sont nombreuses, mais le dispositif d’ensemble souffre d’un manque patent de coordination et de caractère transversal.

En particulier, la communication d’information entre les services administratifs et les tribunaux est très lacunaire. Le développement en silo de différents outils prédictifs devant permettre de repérer les difficultés des entreprises sur la base de procédé algorithmique témoigne de ce cloisonnement. Ainsi, il existe aujourd’hui au minimum trois dispositifs distincts de détection, (dispositif prédictif de la DGFiP, l’indicateur de performance des greffes et à la plateforme signaux faibles), bien que la plateforme signaux faibles et son rapprochement en cours avec l’outil de la DGFiP constituent une première évolution à saluer.

Des réticences à l’échange d’information existent au sein même du CODEFI entre les différents services administratifs. En cela, la transmission de données confidentielles, mais nécessaires à la détection, est parfois empêchée ou refusée entre services ayant tous une obligation de confidentialité. Le partage des données confidentielles est un point qu’il apparaît primordial de résoudre pour améliorer l’efficacité de ces services.

Par ailleurs, certaines réformes et mesures récentes sont à l’origine d’effets de bord qui tendent à diminuer l’efficacité des signaux d’alerte. C’est le cas :

– du relèvement du seuil rendant obligatoire le recours à un CAC, qui limite les possibilités d’alerte du tribunal ;

– du relèvement des seuils de prise d’inscription par le trésor public et l’URSSAF, qui ont été rehaussés en même temps que leur période de publicité ait été allongée par la loi PACTE. Pour citer le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNTCT), « si de telles mesures contribuent à préserver le crédit d’une entreprise, il n’en demeure pas moins qu’elles réduisent considérablement la possibilité de détection précoce des difficultés des entreprises en supprimant des outils importants d’identification et de perception que sont notamment les inscriptions de privilège du Trésor et de la Sécurité sociale ([118]) ».

En outre, dans la période actuelle, en signe de clémence pour les entreprises, les organismes sociaux saisissent beaucoup moins les tribunaux, malgré les défaillances de paiement.

2.   Les lacunes de l’orientation : une gouvernance éclatée, des procédures méconnues et la crainte très ancrée du tribunal

Lorsque le chef d’entreprise prend conscience de ses difficultés, généralement il méconnaît largement les dispositifs de prévention et le droit des procédures amiables et collectives, matière complexe et réservée aux initiés. Les professionnels du droit et des chiffres, chargés d’accompagner au quotidien le chef d’entreprise, sont également souvent insuffisamment sensibilisés et formés sur ces questions, alors qu’ils pourraient potentiellement constituer des sources d’information et des relais utiles vers les outils de la prévention et de l’accompagnement.

Surtout, le tribunal reste globalement perçu comme un lieu de menaces et de sanctions ainsi que le signe d’un échec pour le chef d’entreprise. Ce dernier craint également pour sa réputation et les conséquences que cela pourrait avoir pour ses affaires, bien que les procédures amiables soient confidentielles.

Enfin, la complexité du réseau d’acteurs susceptibles d’intervenir pour accompagner le chef d’entreprise est également un frein à l’efficacité du système. Le tissu des entreprises françaises est composé d’un très grand nombre de TPE-PME qui n’ont souvent pas les ressources suffisantes pour faire appel à des conseils spécialisés. Ces entreprises, qui ne sont pas toujours adhérentes d’un syndicat professionnel et ne consultent pas nécessairement les services des chambres de commerce ou des métiers, sont souvent désemparées face à la multiplicité des organismes et des administrations auxquels elles peuvent s’adresser.

Les actions menées par les pouvoirs publics pâtissent d’une certaine lourdeur administrative et surtout d’un dialogue beaucoup trop insuffisant entre le monde de l’entreprise, le monde judiciaire et le monde administratif, qui nuit à l’efficacité des actions de détection et de prévention menées.

B.   Des évolutions indispensables

Il apparaît nécessaire de mieux armer le dirigeant d’entreprise et de mieux mobiliser et rassembler ses interlocuteurs. En outre, une réforme d’ampleur du tribunal de commerce paraît nécessaire pour en faire un véritable lieu de la prévention.

1.   Outiller le chef d’entreprise

Le manque de formation et de sensibilisation des chefs d’entreprise aux enjeux de gestion et leur méconnaissance des outils de prévention existants constituent l’un des freins principaux à lever pour éviter la multiplication des défaillances. Cette question concerne essentiellement les dirigeants de TPE et PME.

a.   Garantir un véritable droit et devoir de formation des chefs d’entreprise

Outre le cursus de formation initiale, propre à chaque parcours, les chefs d’entreprise peuvent accéder à de nombreuses formations continues. Les chambres consulaires sont ainsi tenues de proposer des formations aux dirigeants d’entreprises commerciales ou artisanales. D’autres organismes peuvent également intervenir en la matière, comme l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ou diverses fédérations ou associations agréées.

L’accès à ces formations peut être financé par le fonds d’assurances formation, auprès duquel les travailleurs non‑salariés cotisent, mais également par le crédit d’impôt pour les dépenses de formation, institué par le législateur à l’occasion de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises et codifié à l’article 244 quater M du code général des impôts. Ces formations ne sont pas obligatoires : en France, la création d’une entreprise n’est pas conditionnée à l’obtention d’une formation spécifique, sauf dans certains cas particuliers (les professions réglementées notamment). Ce principe général s’inscrit dans le cadre du fonctionnement traditionnel d’une économie de marché libérale.

La suppression du caractère obligatoire du stage préalable à l’installation
pour les artisans par la loi PACTE

Avant la loi PACTE, une spécificité existait en matière de formation des chefs d’entreprises artisanales. Contrairement au principe qui prévaut désormais, ces derniers étaient dans l’obligation de réaliser une courte formation pour pouvoir obtenir le droit de créer leur entreprise.

Cette formation prenait la forme d’un stage préalable à l’installation (SPI) ([119]) obligatoire, d’une durée de 30 ou 35 heures réparties sur 5 jours, délivré par les chambres de métiers et d’artisanat, pour un coût moyen d’environ 250 euros.

La suppression du caractère obligatoire du SPI par la loi PACTE s’explique par la volonté du législateur de « permettre, d’une part, de fluidifier la création l’entreprise, puisque le créateur pourra commencer son activité à la date qu’il souhaite et, d’autre part, de laisser le choix à chaque créateur d’opter pour l’accompagnement qui lui convient le mieux, au moment qu’il juge le plus opportun ([120]) ».

Lors des auditions conduites par la mission d’information, un certain nombre d’acteurs se sont exprimés en faveur d’un rétablissement du caractère obligatoire du stage préalable à l’installation (SPI) (voir encadré ci-dessus), tandis que d’autres ont évoqué la mise en place d’un permis d’entreprendre. Il est évident que des avancées en matière de formation sont aujourd’hui nécessaires. Pour autant, ces solutions n’ont pas convaincu la mission. En particulier, les critiques formulées à l’égard du SPI lors des débats autour de la loi PACTE semblent fondées, et l’on peut en outre signaler que ce stage ne bénéficiait qu’aux artisans et non à l’ensemble des dirigeants des TPE et PME.

Il n’en reste pas moins qu’une réflexion poussée sur la formation doit être menée. Les formations existent, mais les chefs d’entreprise peuvent être réticents à investir en ce sens, faute de temps ou par crainte de dépenses inutiles.

 

 

C’est pourquoi, pour rendre ce droit à la formation du chef d’entreprise véritablement effectif, la mission propose de rendre obligatoire un nombre annuel d’heures de formation pour les chefs des TPE et PME ([121]), qui serait pris en charge financièrement via les fonds d’assurance formation ou le cas échéant par une montée en puissance du crédit d’impôt pour les dépenses de formation. Ces formations devront inclure un nombre minimal d’heures consacrées aux difficultés des entreprises et aux outils existants pour les résoudre.

Ces préoccupations doivent également être intégrées au stade la formation initiale, notamment par des modules spécifiques sur les questions des difficultés des entreprises dans le cadre de l’enseignement supérieur.

Une attention particulière doit également être portée quant au contenu et à la qualité de ces formations. Des partenariats pourraient être utilement noués avec des praticiens du droit des entreprises en difficulté, pour en assurer le caractère opérationnel.

Proposition n° 11 : Garantir la formation des dirigeants de TPE et PME.

– Rendre obligatoire un nombre annuel d’heures de formation pour les chefs de TPE et PME leur permettant d’acquérir des bases en matière comptable et financière.

– Assurer une prise en charge financière de cette obligation via les fonds d’assurance formation et le cas échéant par le crédit d’impôt pour les dépenses de formation.

– Consacrer une part de ces heures de formation à une initiation aux outils juridiques existants en matière de prévention et d’accompagnement des entreprises en difficulté.

b.   Inciter le chef d’entreprise à se faire accompagner par des professionnels compétents dans son projet entrepreneurial

Aujourd’hui, l’accompagnement par un professionnel du droit ou du chiffre fait souvent défaut au chef d’entreprise, en particulier quand celui-ci se retrouve en difficulté. Selon l’ancien président du tribunal de commerce de Paris M. Jean Messinesi, « l’expérience, les études menées dans ce domaine, et l’exemple allemand où le taux de défaillance est deux fois moins élevé qu’en France, montrent que l’accompagnement des chefs d’entreprise des PME par des experts indépendants est un facteur essentiel de survie des entreprises au cours des premières années qui suivent leur création, ou plus tard lorsque, après des années de succès, elles rencontrent des difficultés dans un monde en mutation. Les grosses PME, les ETI et les grandes entreprises peuvent bien sûr faire appel à des sociétés de conseil spécialisées, dont certaines sont de grande qualité. Mais les petites PME ne le peuvent généralement pas car elles n’en ont pas les moyens ([122]) ».

Pour favoriser le recours à un professionnel du droit ou à un expert‑comptable afin d’accompagner le chef d’entreprise dans ses choix de gestion, il serait pertinent de créer une aide spécifique, sous forme d’un chèque d’aide à l’accompagnement ou d’un crédit d’impôt. Cette aide permettrait au dirigeant en difficulté, ou disposant de peu de trésorerie, d’avoir recours aux conseils d’un professionnel afin de traiter le plus en amont possible ses difficultés. Pour éviter les effets d’aubaine, il conviendrait d’en limiter l’accès aux petites entreprises (TPE et PME de moyenne taille) particulièrement touchées par la crise sanitaire (fermeture administrative, baisse significative du chiffre d’affaires).

Dans cette perspective, le groupe de travail d’Aix-en-Provence précité créé à l’initiative de la co-rapporteure, propose la création d’une aide sous forme de chèque de 1 500 euros ou de crédit d’impôt. Les critères d’éligibilités à ce dispositif pourraient être calqués sur celui du fonds de solidarité en y apportant quelques ajustements. Il s’agirait notamment de définir un critère de seuil de chiffre d’affaires maximum, puisque les grandes entreprises ou celles de taille intermédiaire disposent généralement d’un service juridique ou ont recours à des cabinets juridiques, ainsi qu’une limite dans le temps, de l’ordre de deux ans à compter de la fin de la pandémie.

Proposition n° 12 : Inciter financièrement les entreprises en difficulté du fait de la crise sanitaire à faire appel aux conseils d’un professionnel du droit ou du chiffre.

Mettre en place une aide financière spécifique – sous la forme d’un chèque ou d’un crédit d’impôt – pour inciter les petites entreprises en difficultés du fait de la crise sanitaire à s’entourer de professionnels compétents.

c.   Diffuser les outils de diagnostic

Pour améliorer la connaissance que l’entreprise a de sa propre situation, les outils de diagnostic doivent être davantage mobilisés. De tels outils sont aujourd’hui proposés par plusieurs acteurs, dont plusieurs chambres consulaires, les fédérations professionnelles et leurs antennes locales, mais également les tribunaux de commerce via l’indicateur de performance, le CIP national, les GPA, ou encore Bpifrance qui a également développé un outil spécifique en ce sens. Ces outils de diagnostic permettent au chef d’entreprise de disposer d’une vision d’ensemble de leur situation comptable et financière ainsi que de l’état des relations avec ses fournisseurs et créanciers. Ces éléments doivent lui permettre de se forger une idée fiable de la situation réelle de l’entreprise et de décider le cas échéant de prendre les mesures adéquates.

Vos rapporteurs se félicitent des récentes annonces faites dans le cadre du plan d’action de sortie de crise du Gouvernement, qui prévoit notamment la diffusion gratuite de diagnostics de sortie de crise par les experts-comptables.

Ces actions doivent se combiner avec une diffusion plus massive des autodiagnostics, via notamment l’action des réseaux consulaires.

Proposition n° 13 : Diffuser les outils de diagnostic et d’autodiagnostic pour améliorer les capacités de détection des difficultés des entreprises.

2.   Mobiliser les partenaires de l’entreprise autour de la mission d’alerte et d’information

L’ensemble des partenaires de l’entreprise doivent être mobilisés autour de la mission d’alerte et d’information, qu’il s’agisse de l’expert-comptable, du commissaire aux comptes, du banquier et des créanciers publics et privés.

a.   Le rôle de l’expert-comptable

Le rôle de l’expert-comptable en matière d’alerte et d’orientation doit être renforcé.

Lors des auditions conduites par la mission d’information, plusieurs acteurs se sont prononcés en faveur d’un devoir d’alerte de l’expert-comptable, sur le modèle de celui qui existe aujourd’hui pour le commissaire aux comptes. Cette solution n’emporte pas l’assentiment de tous. Les experts-comptables mettent en garde contre une telle modification, qui pourrait nuire à la qualité de la relation contractuelle et de confiance entre le chef d’entreprise et son expert-comptable.

Si confier aux experts-comptables un devoir d’alerte sur le modèle du commissaire aux comptes, c’est-à-dire, prévoir in fine une obligation d’alerte du tribunal de commerce, ne semble pas la solution la plus adaptée, il est en revanche indispensable de repenser la place de l’expert-comptable en matière de prévention.

Ainsi, il serait opportun de prévoir une obligation d’alerte non pas auprès du tribunal, mais auprès du dirigeant, dans la lignée des propositions formulées dans le rapport de la mission « justice économique » précité. Cette alerte aurait une visée pédagogique et devrait systématiquement permettre l’orientation du chef d’entreprise vers les acteurs et les procédures adéquats. Pour assurer l’efficacité de ce dispositif et responsabiliser le chef d’entreprise, il pourrait être opportun de prévoir que l’absence de réaction en cas d’alerte de l’expert-comptable emporte des conséquences en cas d’engagement de la responsabilité du dirigeant devant le tribunal.

Dans les cas où l’expert-comptable ne perçoit plus d’honoraire, ce qui se révèle en pratique être l’un des signes de détection des difficultés de l’entreprise, la mission préconise l’instauration d’un entretien obligatoire entre l’expert‑comptable et le chef d’entreprise. À l’issue de cet entretien, l’expertcomptable devrait avoir la possibilité d’effectuer un signalement auprès du tribunal.

Enfin, pour que les experts-comptables soient en mesure de mener à bien cette obligation d’information, leur formation au droit des entreprises en difficulté doit être rendue systématique. Ce volet pourrait être intégré au parcours de formation initiale, mais également dans le cadre de leur formation continue. Pour ce faire, des partenariats peuvent être mis en place sur les territoires, sur le modèle de certaines bonnes pratiques déjà observées. Ainsi, à titre d’exemple et comme cela a été indiqué par les représentants du barreau des Hauts-de-Seine auditionnés par la mission, en Ile‑de‑France, les barreaux ont été saisis par l’Ordre des experts‑comptables de la région pour mettre à leur disposition une cellule compétente afin de les assister auprès de leurs clients. Ce type d’initiative, qui témoigne du besoin de renforcer la formation des professionnels du chiffre, doit se généraliser.

Proposition n° 14 : Renforcer le rôle de l’expert-comptable en matière de prévention.

– Instaurer un devoir de prévention de l’expert-comptable, qui aurait l’obligation, en cas de difficultés, d’alerter le chef d’entreprise.

En cas d’arrêt de perception des honoraires, prévoir un entretien obligatoire entre l’expert‑comptable et le chef d’entreprise ainsi qu’un droit d’alerte du tribunal.

– Renforcer la formation des experts-comptables au droit des entreprises en difficulté afin que ces derniers soient davantage en mesure d’orienter et de conseiller le chef d’entreprise.

b.   Le rôle du commissaire aux comptes

Comme cela a été dit plus haut, l’ordonnance du 20 mai 2020 ([123]) a rehaussé le rôle d’alerte du commissaire aux comptes, en le dotant d’un devoir d’alerte du tribunal à un stade précoce de la procédure. Cette mesure est temporaire et n’est applicable que jusqu’au 31 décembre 2021. Vos rapporteurs proposent de pérenniser cette disposition. Il s’agit ainsi de permettre au CAC d’informer le président dès le début de la phase d’alerte en cas d’urgence et de lui permettre d’être entendu à tout moment par le président du tribunal.

Entendue en audition, la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) a formulé des propositions supplémentaires que vos rapporteurs souhaitent relayer car elles vont dans le sens d’un renforcement de l’efficacité de l’alerte. Il s’agit ainsi de :

– permettre au commissaire aux comptes d’informer le directeur général de la société anonyme des difficultés qu’il a découvertes, en plus du président du conseil d’administration (en cas de dissociation des fonctions) ;

– ajouter au courrier adressé au président du tribunal le courrier initialement adressé par le CAC au dirigeant ainsi que sa réponse. Cette nouvelle disposition permettrait une information plus rapide du président du tribunal sur les raisons qui ont conduit au déclenchement de la procédure d’alerte.

Proposition n° 15 : Renforcer l’efficacité de l’alerte donnée par le commissaire aux comptes (CAC).

– Pérenniser les dispositions introduites par l’ordonnance du 20 mai 2020 qui renforcent les capacités d’alerte du CAC.

– Prévoir plusieurs aménagements pour renforcer cette mission d’alerte : permettre aux CAC d’informer le directeur de la société le cas échéant et ajouter au courrier transmis au tribunal le courrier initialement envoyé par le chef d’entreprise.

c.   Mobiliser et responsabiliser l’ensemble des partenaires de l’entreprise

Vos rapporteurs proposent de confier aux créanciers une obligation d’information et d’orientation de l’entreprise en cas de demande de recouvrement de créances. Cette mesure trouverait à s’appliquer aux partenaires financiers (banques et assurances) ainsi qu’aux créanciers publics.

Du côté des partenaires financiers, ces derniers se sont déjà engagés en cas de lettre de refus ou de dénonciation à informer l’entreprise des possibilités offertes par la médiation du crédit ([124]). En toute logique, en cas de prélèvement ou de découvert non régularisé au-delà d’une certaine durée ou à déchéance du terme du prêt, les partenaires financiers devraient être dans l’obligation d’informer le chef d’entreprise sur l’existence des procédures de prévention et renvoyer vers les acteurs de la prévention compétents. Cette évolution s’inscrirait en pleine cohérence avec les « rendez-vous de sortie de crise » entre le partenaire financier et son client qui ont été annoncés dans le cadre du plan d’action du Gouvernement sur l’accompagnement des entreprises précité.

Proposition n° 16 : Mobiliser les partenaires financiers et en particulier les banques autour de l’alerte et de l’orientation du chef d’entreprise.

– Introduire un devoir d’information des partenaires financiers, notamment des banquiers, afin que ces derniers informent le chef d’entreprise sur le rôle des outils et procédures de prévention. Les banquiers pourraient notamment transmettre les informations relatives aux incidents de paiement (impayés, plafond de découvert…) ainsi qu’aux critères de cotation de la Banque de France.

Ces éléments devraient systématiquement figurer dans les courriers adressés à l’entreprise rencontrant des difficultés avec ses partenaires financiers.

Du côté des créanciers publics, les informations relatives à la prévention et plus particulièrement aux procédures juridiques amiables devraient figurer systématiquement sur les courriers envoyés par les URSSAF et la DGFiP en cas d’absence de déclaration ou de retard de paiement, ce qui n’est pas le cas actuellement, comme votre mission a pu le constater au cours de ses échanges et déplacements. Cette communication insuffisante est encore l’un des symptômes du trop grand cloisonnement entre les solutions judiciaires et administratives.

Des liens plus systématiques doivent se tisser, par exemple en encourageant le chef d’entreprise bénéficiaire d’un moratoire par un créancier public à se rendre au tribunal dans le cadre des cellules de prévention.

Proposition n° 17 : Accroître le rôle des créanciers publics en matière d’information et d’orientation du chef d’entreprise.

– Prévoir dans les courriers de relance des créanciers publics, notamment de l’URSSAF, une information systématique et complète sur les dispositifs de prévention existants et notamment les dispositifs judiciaires.

– Encourager le chef d’entreprise bénéficiaire d’un moratoire par un créancier public à se rendre au tribunal dans le cadre des cellules de prévention.

d.   Systématiser l’accompagnement psychologique des dirigeants et soutenir les initiatives privées

Les échanges conduits dans le cadre de cette mission avec les chefs d’entreprise ont permis de mettre l’accent sur le besoin d’accompagnement psychologique des chefs d’entreprise en difficulté, en particulier lorsque le dirigeant est confronté à des procédures collectives qui peuvent être très éprouvantes.

Plusieurs initiatives permettent déjà d’accompagner le dirigeant lors de cette période difficile. Il faut en particulier saluer le réseau associatif dynamique qui existe en la matière et notamment le rôle de l’association d’aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance aiguë (APESA), connue et reconnue notamment par les réseaux consulaires. Elle accompagne les dirigeants en difficulté et les met en relation avec un réseau de psychologues.

Vos rapporteurs considèrent que l’accès à un dispositif de soutien psychologique devrait être systématiquement proposé, par exemple au moment de l’entretien de prévention.

Les antennes régionales des CIP et celles des GPA jouent également un rôle important pour venir en aide au chef d’entreprise. Si dans certains territoires, ces structures sont bien implantées et leur efficacité est saluée, elles ont en revanche plus de mal à se développer dans d’autres territoires.

Comme détaillé supra, les GPA bénéficient d’une existence légale depuis la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises, aujourd’hui codifiée à l’article L. 611-1 du code de commerce. Vos rapporteurs insistent sur la nécessité de soutenir et d’encourager la mise en place de GPA sur l’ensemble des territoires. Vos rapporteurs constatent que les GPA ont le mérite de « parler le même langage » que les dirigeants d’entreprise et sont en mesure d’apporter un soutien relatif à la gestion des ressources humaines, à la réalisation de prospection, à la définition d’un business model, etc.

L’accompagnement psychologique qu’ils sont susceptibles d’offrir aux dirigeants d’entreprise pourrait être expressément inscrit dans le code de commerce.

Proposition n° 18 : Soutenir les initiatives privées et systématiser l’accompagnement psychologique des chefs d’entreprise.

– Généraliser les groupements de prévention agréés (GPA) dans l’ensemble des territoires.

– Systématiser l’accompagnement psychologique des chefs d’entreprise.

– Modifier l’article L. 611-1 du code de commerce afin d’inclure explicitement l’accompagnement psychologique dans les missions des GPA.

3.   Rassembler l’ensemble des acteurs autour d’une gouvernance territoriale modernisée

a.   Coordonner et moderniser l’action au niveau local

La nécessité d’une action davantage coordonnée entre les multiples acteurs de la prévention et de l’accompagnement – tribunaux, services de l’État, collectivités territoriales, fédérations et ordres professionnels, réseaux consulaires, associations, etc. – est absolument essentielle, qu’il s’agisse de la détection, de l’orientation ou de l’accompagnement des entreprises en difficulté.

i.   Décloisonner les sphères judiciaires et administratives

Il paraît en particulier urgent d’instaurer un dialogue beaucoup plus systématique entre les sphères administrative et judiciaire, qui fonctionnent aujourd’hui en silo, au détriment de l’efficacité de la prévention et de l’accompagnement des entreprises en difficultés.

Les comités départementaux d’examen des difficultés des entreprises (CODEFI) constituent l’instance principale de la gouvernance administrative territoriale relative à la détection et à la prévention des difficultés. Or, cette instance souffre de l’absence du président du tribunal de commerce.

Lors des auditions et déplacements de la mission ([125]), les tribunaux de commerce ont déploré à plusieurs reprises le fait de ne pas être avertis suffisamment tôt des tensions de trésorerie (non-paiement des cotisations sociales enregistrées par les URSSAF ou les retards de paiement de la TVA observés par le fisc), alors que ces informations pourraient permettre de donner des conseils pertinents en amont.

Face à ce constat et en cohérence avec le rôle clé du tribunal en matière de prévention, il paraît nécessaire d’ouvrir le CODEFI au président du tribunal de commerce.

Le secret fiscal s’impose dans le cadre des réunions des CODEFI. Il s’agit là d’un de ses éléments constitutifs, garant de son efficacité. Comme le souligne la DGFiP, « le succès de la démarche d’accompagnement des entreprises en sortie de crise repose sur la confiance de ces dernières dans le respect de la plus stricte confidentialité attachée aux secrets des affaires et fiscal ([126]) ».

Associer les présidents des tribunaux de commerce aux réunions des CODEFI nécessite donc de les habiliter explicitement et pour ce cadre précis au secret fiscal ([127]). Dans cette logique, il pourrait être envisagé de modifier l’article L. 135 ZM du livre des procédures fiscales, créé par la loi PACTE, notamment dans l’objectif de permettre le déploiement de la plateforme signaux faibles.

La collaboration entre le CODEFI et le tribunal de commerce impliquerait également que le premier transmette les informations qu’il détient au second. Cela permettrait ainsi au président du tribunal de commerce de faire plus systématiquement usage de la possibilité de convoquer un chef d’entreprise dans le cadre d’un entretien de prévention.

 

Proposition n° 19 : Permettre expressément la participation des présidents de tribunaux de commerce ou du juge de prévention aux CODEFI.

– Les habiliter au secret fiscal en ce sens.

– Rendre obligatoire la transmission des informations détenues par le CODEFI au tribunal de commerce.

Il semble également souhaitable à vos rapporteurs de prévoir la réception du dirigeant d’une entreprise en difficulté par le CODEFI.

Proposition n° 20 : Rendre obligatoire un entretien du CODEFI avec le chef d’une entreprise en difficulté.

ii. Renforcer l’efficacité de la plateforme signaux faibles

Ce travail en partenariat entre les sphères administrative et judiciaire gagnerait également à se systématiser en matière de détection, à travers une évolution de la plateforme signaux faibles.

La fusion déjà évoquée de la plateforme signaux faibles avec l’outil prédictif de la DGFiP va dans le bon sens. Le modèle produira des listes d’entreprises fragiles (parmi les entreprises de plus de 10 salariés), et ces listes seront complétées par l’expertise de plusieurs acteurs au sein des CODEFI, notamment des Médiateurs du crédit (Banque de France) et de la DGFiP.

À terme, un pas supplémentaire doit être franchi via la mise en place d’échanges d’information plus systématiques avec les greffes des tribunaux de commerce, qui disposent comme on l’a vu, de leur propre un outil prédictif. La plateforme gagnerait également à s’ouvrir aux régions, qui disposent de données pouvant être utiles en la matière.

Il paraît en outre essentiel d’élargir la cible de cette plateforme aux entreprises de moins de 10 salariés, qui sont les plus concernées par les défaillances.

Proposition n° 21 : Renforcer l’efficacité de la plateforme « signaux faibles ».

– Pour cela, la rapprocher de l’outil prédictif développé par les greffes des tribunaux de commerce.

– Élargir la cible de cet outil aux entreprises de moins de 10 salariés.

ii.   Moderniser et renforcer les capacités d’intervention des services de l’État

Outre la participation du président du tribunal de commerce, le fonctionnement des CODEFI gagnerait à se moderniser en se rapprochant du modèle du CIRI, dont l’action au niveau national est globalement saluée. Pour cela, leurs moyens financiers et humains méritent d’être consolidés.

À terme, un rapprochement entre le secrétariat permanent des CODEFI et le CRP pourrait également être envisagé, dans un objectif de rationalisation du paysage administratif. Dans le cadre de ce rapprochement, il conviendrait de bien veiller à la diversité des profils : il est nécessaire de valoriser les parcours ayant une connaissance fine des problématiques du secteur privé.

En outre, l’étape « post détection », qui doit permettre d’aller vers le chef d’entreprise dont les difficultés ont été repérées, mériterait d’être davantage définie et systématisée.

Enfin, il convient d’orienter davantage les actions conduites par les services de l’État vers les TPE et les entreprises non industrielles, qui semblent parfois passer en dehors des radars de l’action publique conduite en la matière. Si cela s’explique par la raison d’être initiale de ces outils, conçus pour soutenir l’emploi industriel, les mutations économiques et le contexte de la crise actuelle nécessitent de porter une attention forte à l’économie de proximité, particulièrement touchée par la crise.

Ainsi, des stages dans TPE ou dans les études d’administrateurs et de mandataires judiciaires pourraient être développés à destination des agents publics, appelés à être affectés dans les services en rapport avec les entreprises, que cela soit au cours de leur formation initiale ou dans le cadre de la formation professionnelle.

Proposition n° 22 : Moderniser et renforcer les capacités d’intervention des services de l’État.

– Faire évoluer les CODEFI vers des CIRI locaux à travers une adaptation de leurs modalités d’intervention.

– Envisager le rapprochement du secrétariat permanent des CODEFI avec le CRP.

– Garantir la systématisation d’une étape « post détection » qui permette d’aller vers le chef d’entreprise.

– Apporter une plus grande attention aux TPE et à l’économie de proximité en favorisant les stages et les formations des agents publics en entreprise ou auprès d’administrateurs et de mandataires judiciaires.

iii.   Veiller au bon déploiement des comités locaux de sortie de crise et des conseillers départementaux de sortie de crise

En application du plan d’action du Gouvernement concernant la sortie de crise et l’accompagnement des entreprises en difficulté, des comités départementaux de sortie de crise doivent être mis en place sur l’ensemble du territoire.

● Le comité de sortie de crise

Ces comités témoignent d’une vision renouvelée de la gouvernance territoriale de la prévention, davantage ouverte sur l’ensemble des acteurs (publics et privés) de l’écosystème. Ce comité aura un rôle de veille et de suivi du dispositif de soutien aux entreprises en difficulté. Il devra également assurer la bonne coordination entre les initiatives prises localement dans le cadre du plan d’action et participer à la sensibilisation et à la détection des entreprises en difficulté. Cette déclinaison locale du comité national de sortie de crise sera présidée par le préfet et pourra réunir les représentants locaux des signataires du plan d’action : l’ensemble des services administratifs compétents, les fédérations professionnelles, les praticiens du droit des entreprises collectives, les banques, les professionnels du droit et des chiffres et les associations. Ce comité a vocation à travailler en lien avec les régions.

Ainsi, le comité local de sortie de crise apparaît comme une forme de CODEFI élargi qui permet d’associer l’ensemble des parties prenantes. Son rôle est conçu comme complémentaire du CODEFI actuel : le comité de sortie de crise n’a pas vocation à être habilité au secret fiscal et au secret des affaires et n’assurera pas le suivi opérationnel des dossiers.

Ces évolutions vont globalement dans le bon sens et répondent aux critiques de manque d’ouverture et de déficit de coordination, formulées à plusieurs reprises lors des auditions. Toutefois, il convient de veiller à ne pas favoriser un foisonnement de structures alors même que l’amélioration du traitement des difficultés passe par une simplification et une plus grande réactivité de celles déjà existantes.

● Le conseiller départemental à la sortie de crise

La mise en place de ces comités s’accompagne de la nomination d’un conseiller départemental à la sortie de crise, « interlocuteur de référence destiné à accueillir et conseiller les entreprises en situation de fragilité financière ([128]) ». Cet interlocuteur doit être soumis à un strict cadre de confidentialité, qui est l’une des conditions essentielles de son succès. Le secrétaire permanent du CODEFI endosse ce nouveau rôle dans chaque département. Ce conseiller départemental a vocation à détecter, orienter et apporter une solution à chaque entreprise, soit en lui offrant une sortie financière (prêts directs de l’État) lorsque l’entreprise est éligible, soit en l’orientant vers l’interlocuteur compétent (médiations du crédit ou des entreprises, CCSF, tribunaux de commerce, chambres consulaires, etc.). Chaque entreprise pourra donc contacter son conseiller départemental.

Vos rapporteurs notent que la mise en place de ce conseiller départemental répond au besoin des dirigeants d’identifier un interlocuteur unique, face à la grande multitude d’acteurs existants. Vos rapporteurs s’en félicitent et soulignent qu’il conviendra de bien veiller à la coordination entre l’ensemble des parties prenantes, notamment avec le CRP, pour éviter que ce conseiller se transforme en simple maillon supplémentaire du millefeuille administratif.

b.   Améliorer la lisibilité des dispositifs existants et communiquer auprès des chefs d’entreprise

La pluralité des acteurs intervenant en matière de prévention et d’accompagnement est une richesse, car elle permet potentiellement de répondre aux divers besoins des entreprises à travers un éventail de compétences variées. Mais cette pluralité peut aussi s’avérer contreproductive, lorsqu’elle est insuffisamment coordonnée et conduit à rendre le système illisible pour le chef d’entreprise.

En outre, la communication autour des procédures existantes est un point central pour changer la perception que les entrepreneurs ont de la prévention et plus particulièrement du tribunal de commerce. Plusieurs fiches pédagogiques et claires sont disponibles facilement en ligne, qu’elles soient élaborées par des associations de praticiens, les pouvoirs publics ou les réseaux consulaires. Le problème n’est dès lors pas lié à l’absence de support pertinent, mais plutôt à la communication insuffisante autour de ces sujets.

Les pouvoirs publics prennent conscience de ces problématiques. La mise en place d’un conseiller départemental à la sortie de crise et l’annonce d’un numéro de téléphone unique, opéré conjointement par la DGFiP et l’URSSAF, sont autant d’évolutions à saluer. Il paraît souhaitable que les tribunaux soient associés à cette plateforme téléphonique, dans le sens du décloisonnement entre le monde administratif et le monde judiciaire que vos rapporteurs appellent de leurs vœux. Il serait également pertinent que ce canal unique d’information puisse exister en ligne. Ainsi, vos rapporteurs souscrivent pleinement aux propositions formulées dans le rapport sénatorial sur le droit des entreprises en difficulté précité, qui propose de créer une plateforme en ligne de la prévention. Celle-ci fédérerait l’ensemble des acteurs publics et privés et présenterait une cartographie, notamment au niveau régional, des interlocuteurs et des dispositifs existants.

En outre, des efforts de communication doivent être déployés à chaque échelon de la prévention, à l’échelle nationale via des spots diffusés à la radio et à la télévision et à l’échelle locale par une action accrue des réseaux consulaires et des fédérations professionnelles.

Proposition n° 23 : Concevoir une plateforme en ligne permettant au chef d’entreprise en difficulté de connaître les structures à sa disposition et d’être rapidement orienté vers le ou les dispositifs de prévention les plus appropriés.

Accompagner le lancement de cette plateforme d’une campagne de communication déployée à l’échelle nationale et locale.

4.   Vers un nouveau tribunal des entreprises : faire du tribunal la clé de voûte de la prévention des difficultés des entreprises

La réticence des chefs d’entreprise à se rendre au tribunal constitue l’une des difficultés centrales à laquelle se heurtent toutes les politiques de prévention des difficultés des entreprises. Le système ne pourra véritablement s’améliorer qu’à la condition que le tribunal soit véritablement perçu comme un espace de prévention des difficultés et de protection de l’entreprise, et non un lieu de sanction. Pour cela, une évolution d’ampleur des compétences du tribunal de commerce paraît aujourd’hui nécessaire pour en dédramatiser l’accès.

a.   Le champ des compétences actuel du tribunal de commerce : un frein à l’efficacité de la prévention

Le tribunal de commerce voit ses modalités de fonctionnement régit par le titre II du livre VII du code de commerce. Il est compétent pour connaître les litiges entre particuliers et commerçants ou entre commerçants et sociétés commerciales. Spécificité française, le tribunal de commerce se caractérise par sa composition, faite de juges non professionnels, appelés « juges consulaires », qui exercent leur activité de façon bénévole et sont élus par des commerçants ou des dirigeants d’entreprises ([129]). Les compétences des juges consulaires sont aujourd’hui reconnues et leurs connaissances des enjeux de la vie économique et des affaires en font des praticiens aguerris.

La France compte 134 tribunaux de commerce. Des tribunaux de commerce spécialisés ont été créés par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », (article L. 72‑8 du code de commerce). Ces derniers peuvent seuls connaître des procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidations judiciaires les plus importantes ou les plus complexes ([130]).

Pour autant, la compétence du tribunal de commerce ne le conduit pas à connaître l’ensemble des litiges concernant les entreprises : seules celles exerçant une activité commerciale et artisanale sont concernées. Les autres entreprises relèvent de la compétence du tribunal judiciaire.

Ainsi, concernant plus spécifiquement le livre VI du code de commerce, si les dispositifs de prévention et de traitement sont ouverts à l’ensemble des entreprises – avec des spécificités pour les exploitations agricoles – la juridiction compétente varie en fonction de la nature de l’activité exercée :

– le tribunal de commerce est compétent si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale ;

– le tribunal judiciaire est compétent dans les autres cas (professions libérales et activité agricole notamment) ([131]).

Ce fonctionnement fait l’objet de remises en cause régulière. Au vu des travaux de cette mission, deux principales faiblesses ressortent du système actuel :

– la division du contentieux entre les tribunaux judiciaires et les tribunaux de commerce en fonction de la nature de l’activité économique ne garantit pas un fonctionnement optimal de la justice commerciale. Les tribunaux judiciaires ont à connaître environ 12 % des procédures collectives. Faute d’une masse de contentieux significative, cette question n’est pas prioritaire pour les tribunaux judiciaires, au sein desquels les actions menées en matière de prévention sont assez rares, comme l’a constaté le rapport de la mission « justice économique » précité ;

– la compétence du tribunal de commerce en matière de prévention et de traitement des difficultés des entreprises commerciales, mais également en matière de sanctions (titre V du livre VI du code de commerce : responsabilité pour insuffisance d’actif, faillite personnelle et autres interdictions, banqueroute et autres infractions), brouille le message selon lequel les entreprises peuvent s’y rendre sans crainte pour prévenir et traiter leurs difficultés. La peur du tribunal de commerce n’est donc pas uniquement le reflet de l’héritage de la conception française du droit de la faillite. Elle se fonde également sur cette compétence bien réelle du tribunal de commerce en matière de sanctions.

b.   Vers un tribunal des entreprises aux compétences repensées pour en faire un véritable lieu de la prévention et de la protection de toutes les entreprises

La mission propose donc une réforme d’ampleur des compétences du tribunal de commerce, assise sur deux piliers principaux :

 le transfert au tribunal judiciaire du contentieux relatif aux sanctions, afin de distinguer clairement les procédures de prévention et de traitement des sanctions. Cette évolution du fonctionnement de la justice commerciale permettrait une avancée considérable en faveur de la prévention, comme l’a notamment souligné le professeur François-Xavier Lucas entendu par la mission ;

– une compétence exclusive pour le tribunal de commerce sur l’ensemble des mesures et des procédures relevant du livre VI du code de commerce, quels que soit la nature d’activité ou le statut de l’entreprise. Cette évolution conduirait ainsi à rapprocher notre modèle du modèle belge, où les « tribunaux des entreprises » couvrent l’intégralité des questions relatives aux entreprises, sans distinction en fonction de la nature de leur activité. Vos rapporteurs s’inscrivent ici en plein accord avec les sénateurs MM. François Bonhomme et Thani Mohamed Soilihi, qui plaident également en faveur de cette unification du contentieux dans le cadre du rapport précité ([132]). Comme le soulignent les sénateurs, cette extension du champ de compétence du tribunal de commerce doit aller de pair avec une réflexion autour de la composition du corps électoral des juges consulaires, afin d’y intégrer des professionnels des nouveaux secteurs concernés.

Cette réforme pourrait être suivie d’un changement de nom du tribunal de commerce, afin que celui-ci reflète mieux la nature de ses compétences. Vos rapporteurs proposent ainsi de rebaptiser le tribunal de commerce en tribunal des entreprises.

 

Cette réforme doit également s’accompagner d’un renforcement des moyens des tribunaux de commerce. Comme suggéré par le professeur François‑Xavier Lucas, il paraîtrait tout à fait pertinent de prévoir la mise à disposition d’assistants de justice afin d’accroître les moyens des tribunaux de commerce.

Proposition n° 24 : Créer un tribunal des entreprises, lieu de prévention et d’accompagnement pour les entreprises en difficulté.

– Transférer le contentieux des sanctions au tribunal judiciaire.

– Prévoir une compétence exclusive pour le tribunal de commerce sur l’ensemble des mesures et des procédures relevant du livre VI du code de commerce, quels que soient la nature d’activité ou le statut de l’entreprise.

– Garantir les moyens humains et financiers du tribunal des entreprises, notamment en permettant le détachement d’assistants de justice.

Enfin, des mesures supplémentaires sont souhaitables pour compléter la mission de prévention du tribunal.

En premier lieu, il convient de systématiser les entretiens de prévention conduits par les juges consulaires en cas de difficultés détectées et, sur le modèle de ce qui est déjà mis en place dans plusieurs juridictions, d’instaurer dans chaque tribunal de commerce une cellule de prévention.

En deuxième lieu, pour changer l’image du tribunal et faire qu’il soit perçu non plus comme un espace de menace et de sanctions, mais comme un lieu d’aide et de protection, il pourrait être souhaitable de prévoir que les entretiens de prévention puissent avoir lieu en dehors du tribunal, dans un lieu plus « neutre », comme les locaux des réseaux consulaires par exemple ou bien encore les points justice (pour tenir compte du fait que les CCI sont moins nombreuses que les tribunaux de commerce).

Proposition n° 25 : Consolider la mission préventive du nouveau tribunal des entreprises.

– Prévoir des rendez-vous entre les juges et les chefs d’entreprise dans les locaux des réseaux consulaires (CCI et CMA) ainsi que dans les points justice ou les maisons de justice et du droit.

– Systématiser les entretiens de prévention par le président du tribunal de commerce.

– S’assurer du bon déploiement des cellules de prévention dans les tribunaux.


III.   AMÉLIORER LE TRAITEMENT DES DIFFICULTÉS : MODERNISER LES PROCÉDURES POUR SE DONNER LES MOYENS DE PASSER LE CAP DE LA CRISE

La crise a mis en lumière un certain nombre de failles structurelles du droit des entreprises en difficulté, avec des procédures globalement trop lourdes et longues, éprouvantes pour le chef d’entreprise et l’ensemble des parties prenantes. Les liquidations directes recouvrent la grande majorité des procédures ouvertes par le tribunal (entre 60 et 70 %). Le droit des entreprises en difficulté s’articule autour d’une recherche toujours complexe d’un juste équilibre entre la protection des intérêts de chacun (débiteurs, salariés, créanciers, actionnaires), équilibre qui ne paraît pas toujours optimal dans le modèle français.

Face à la situation actuelle, le droit des entreprises en difficulté doit s’adapter pour proposer des réponses appropriées aux entreprises et soutenir la vie économique. Un certain nombre de réformes et d’adaptations ont déjà été inscrites dans notre droit – souvent par voie d’ordonnances et de façon temporaires – ou sont encore en cours. Ces efforts doivent se poursuivre et il convient d’inscrire certains instruments durablement dans notre corpus juridique. Parallèlement, la directive européenne « restructuration et insolvabilité » doit être prochainement transposée en droit français, par voie d’ordonnance également.

Le temps est donc propice à un mouvement de réforme, qu’il convient de parachever pour moderniser les procédures de traitement des difficultés des entreprises ([133]), dans le sens du pragmatisme et de l’efficacité, de façon à être en mesure de faire face à la crise actuelle. In fine, la crise doit être saisie comme une opportunité pour améliorer notre droit.

A.   Un vent De réformeS

Le droit des entreprises en difficulté est marqué par plusieurs réformes très récentes ou en cours, qui visent, d’une part, à permettre de faire face aux conséquences sur la vie des entreprises de la crise sanitaire, et d’autre part, à moderniser de façon plus structurelle ce droit.

1.   Des modifications provisoires prises par ordonnances dans le contexte de la crise sanitaire et économique

Plusieurs ordonnances ont été prises pour adapter le cadre des restructurations à la crise sanitaire et économique ([134]).

a.   L’ordonnance n° 2020-306 du 23 mars 2020 : des mesures urgentes pour faire face à la crise

Dès le mois de mars 2020, l’ordonnance n° 2020-306, prise en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 portant mesures d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, a permis d’adapter temporairement les procédures de traitement des difficultés des entreprises, afin de tenir compte de leurs conditions de mise en œuvre durant l’état d’urgence sanitaire et les mois suivants. Ainsi, l’ordonnance a gelé au 12 mars 2020 l’appréciation de l’état de cessation de paiements (ceci pendant une durée correspondant à l’état d’urgence sanitaire majoré de trois mois), afin de permettre aux entreprises de bénéficier des mesures ou procédures préventives, même si l’aggravation de leur situation du fait de la crise sanitaire devait normalement les conduire à déclarer la cessation des paiements.

Les contraintes chronologiques ont également été aménagées, afin de prolonger les délais habituels pour faire face à la crise. Concernant les procédures déjà ouvertes, l’ordonnance a permis une prolongation de plein droit de trois mois de la période d’observation, du plan, du maintien de l’activité et de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée. En outre, l’ordonnance a ouvert la possibilité pour le président du tribunal, jusqu’au 23 août 2020, sur requête du commissaire à l’exécution du plan, de prolonger la durée des plans de sauvegarde et de redressement pour une durée de 5 mois. Sur requête du ministère public, un délai supplémentaire d’un an peut également être apporté.

b.   L’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 : des dérogations temporaires d’ampleur pour simplifier et renforcer l’attractivité des procédures

Une deuxième ordonnance, plus substantielle, a apporté de façon temporaire des modifications significatives au droit des entreprises en difficulté. Ainsi, l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l’épidémie de covid-19 a instauré un cadre dérogatoire en matière de restructuration, avec notamment :

 des modifications importantes apportées à la procédure de conciliation, en instaurant le principe de suspension des poursuites – ce principe n’étant normalement applicable qu’aux procédures collectives ;

 des aménagements à la procédure de sauvegarde accélérée : l’ordonnance a supprimé les seuils de droit commun normalement applicables pour pouvoir en bénéficier afin d’élargir son champ de mise en œuvre ;

– des mesures pour faciliter l’adoption des plans de sauvegarde ou de redressement en prévoyant plusieurs évolutions pour accélérer et simplifier la période d’observation. Ainsi, un raccourcissement des délais de consultation des créanciers peut être autorisé par le juge-commissaire (de trente à 15 jours). Un allègement des formalités de consultation des créanciers est également prévu. En outre, les engagements concernant la mise en œuvre du plan peuvent porter sur un passif prévisible et suffisamment vraisemblable pour permettre au tribunal d’apprécier le caractère sérieux du projet de plan ;

 des dispositions offrant la possibilité d’allonger de deux ans les plans de sauvegarde et de redressement, ces dispositions pouvant se combiner avec les possibilités d’extension de la durée des plans prévues par l’ordonnance du mois de mars ;

 une extension du privilège de « post money » à la procédure de sauvegarde et de redressement, avec pour objectif de favoriser des nouveaux apports de financement pendant cette période difficile pour l’entreprise ([135]).

c.   L’ordonnance n° 2020-1443 du 25 novembre 2020 : des mesures pour compléter le cadre dérogatoire

Enfin, une troisième ordonnance n° 2020-1443 du 25 novembre 2020 a été prise, en application de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire. Celle-ci a introduit trois nouvelles dispositions principales :

 la possibilité de proroger la durée de la procédure de conciliation jusqu’à dix mois maximum, sur demande du conciliateur et par décision motivée ;

 un assouplissement procédural en autorisant certains acteurs des procédures du livre VI du code de commerce à communiquer par tout moyen avec le greffe du tribunal ainsi qu’avec les organes juridictionnels de celles-ci ;

– une prise en charge plus rapide par l’association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS).

2.   L’instauration d’une procédure de sortie de crise simplifiée pour les petites entreprises à l’occasion de la loi du 31 mai 2021 portant dispositions relatives à la sortie de crise

Une nouvelle procédure collective conçue spécialement pour accompagner les petites entreprises ayant particulièrement souffert de la crise sanitaire a été créée par le législateur dans le cadre de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire (article 13), à la suite de l’adoption d’un amendement gouvernemental en première lecture au Sénat. Les entreprises visées sont celles qui fonctionnaient dans des conditions satisfaisantes avant la crise économique. Cette procédure, inspirée à la fois de la sauvegarde et du redressement, se caractérise par :

 une période d’observation limitée à trois mois ;

 un principe d’exclusion des cessions.

Cette procédure pourra être ouverte sur demande du débiteur, qui étant en cessation des paiements, dispose cependant des fonds disponibles pour payer ses créances salariales et justifie être en mesure d’élaborer un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise.

L’objectif est aussi d’alléger les formalités afin de renforcer l’attractivité et la souplesse de la procédure. Ainsi, le passif pourra être établi sur déclaration du débiteur et sur des éléments comptables fiables. Il sera possible de faire appel à un seul mandataire de justice, au lieu de deux dans la procédure de droit commun.

Le plan pourra être élaboré pour une durée maximale de 10 ans.

La procédure ne peut être ouverte qu’à l’égard d’un débiteur dont le nombre de salariés et le total de bilan sont inférieurs à des seuils fixés par décret, et dont les comptes apparaissent réguliers, sincères et aptes à donner une image fidèle de la situation financière de l’entreprise. Selon l’exposé sommaire de l’amendement, le Gouvernement envisage de limiter l’accès à cette procédure aux entreprises de moins de 20 salariés et ayant moins de 3 millions d’euros de montant de passif déclaré. À date, les décrets afférents ne sont pas encore parus.

Cette nouvelle procédure de sortie de crise n’a pas vocation, dans l’esprit du législateur, à être inscrite définitivement dans le droit. Une clause d’extinction à deux ans est donc prévue.

 

3.   Les modifications envisagées concernant les procédures de restructuration préventives dans le cadre de la directive « restructuration et insolvabilité »

L’actualité juridique autour du droit des entreprises en difficulté est également marquée par la transposition imminente de la directive « restructuration et insolvabilité » ([136]). Ce texte européen porte sur trois thèmes principaux : les cadres de restructuration préventive, la seconde chance des entrepreneurs et les mesures destinées à améliorer l’efficacité des procédures de restructuration et d’insolvabilité.

Les objectifs de cette directive sont explicités dans son premier considérant. Ainsi, celle-ci doit « contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur » et lever les obstacles à « la libre circulation des capitaux et la liberté d’établis­sement, qui sont dus aux différences entre les législations et procédures nationales en matière de restructuration préventive, d’insolvabilité, de remise de dettes et de déchéances ». « Sans préjudice des droits et libertés fondamentaux des travailleurs », elle vise à garantir « que les entreprises viables et les entrepreneurs en difficulté financière ont accès à des cadres de restructuration préventive efficaces au niveau national, qui leur permettent de poursuivre leurs activités ; que les entrepreneurs honnêtes insolvables ou surendettés peuvent bénéficier d’une remise de dettes totale au terme d’un délai raisonnable, ce qui leur offrirait une seconde chance ; et que l’efficacité des procédures en matière de restructuration, d’insolvabilité et de remise de dettes est améliorée, notamment afin de raccourcir leur durée ».

Comme prévu dans l’habilitation votée à l’article 196 de la loi PACTE, cette directive doit en principe être transposée en droit interne avant le 17 juillet 2021. Un avant-projet d’ordonnance, soumis à consultation publique, est paru en début d’année 2021. Selon les informations recueillies par vos rapporteurs auprès du Gouvernement, cette ordonnance devrait être présentée en Conseil des ministres à la fin du mois de juillet 2021, accusant ainsi un léger retard par rapport à l’habilitation autorisée par le législateur. Il convient également de noter que cette ordonnance devrait également porter sur la réforme du droit des sûretés, autorisée par le législateur à l’article 60 de la loi PACTE, qui doit notamment permettre de « simplifier, clarifier et moderniser les règles relatives aux sûretés et aux créanciers titulaires de sûretés (…) en particulier dans les différentes procédures collectives ».

 

 

a.   Les grands principes de la directive en matière de restructuration préventive

L’intégralité du titre II de la directive concerne les procédures de restructuration préventive. La directive impose ainsi aux États-membres d’introduire dans leur droit une procédure de restructuration préventive, accessible à la demande des débiteurs ([137]), devant répondre à un certain nombre d’exigences et de modalités procédurales.

Les États membres doivent veiller à ce que les débiteurs puissent bénéficier d’une suspension des poursuites individuelles pour permettre le bon déroulement des négociations (article 6). Cette suspension des poursuites individuelles doit être prévue pour 4 mois, avec une possibilité de prorogation lorsque les circonstances le justifient jusqu’à 12 mois.

Les États membres veillent à ce que les parties affectées par le plan soient réparties dans des classes distinctes représentatives d’une communauté d’intérêt suffisante, sur la base de critères vérifiables (article 9). Il s’agit là des classes de créanciers. Au minimum, les créanciers garantis et non garantis sont répartis en classes distinctes aux fins de l’adoption du plan de restructuration. Comme l’ont noté les sénateurs MM. François Bonhomme et Thani Mohamed Soilihi dans le rapport précité, « la logique de la directive est de constituer les classes de parties affectées en fonction du rang des créances et, plus largement, des intérêts en jeu : les créanciers munis de sûretés avant les créanciers chirographaires, les créanciers seniors (bénéficiaires d’un accord de subordination) avant les créanciers juniors, l’ensemble des créanciers avant les associés ou actionnaires ». Les détenteurs de capital font partie des parties affectées dès lors que le projet de plan affecte leurs intérêts. Ils doivent alors être réunis en une ou plusieurs classes distinctes et figurent en principe en bas de classement.

La constitution des classes de créanciers selon les modalités précédemment décrites n’est obligatoire qu’au-delà d’un certain seuil : les États‑membres peuvent faire le choix d’exclure les petites entreprises de ce fonctionnement.

Un plan est adopté s’il recueille l’accord de chaque classe à la majorité requise. Une validation par l’autorité judiciaire ou administrative est nécessaire en cas de créanciers dissidents, de nouveaux financements inscrits dans le plan, ou de perte de plus de 25 % de la main-d’œuvre. En cas de créanciers dissidents, l’autorité en charge de la validation du plan doit vérifier que le plan répond aux critères du « meilleur intérêt des créanciers », autrement dit, il faut que le plan garantisse au créancier dissident une situation plus favorable que celle qu’il pourrait connaître en cas de liquidation ([138]).

Le plan peut également être adopté, sous certaines conditions, via le mécanisme de l’application forcée interclasse. Ce mécanisme permet une validation du plan, quand bien même l’ensemble des classes de créanciers ne se sont pas prononcées en faveur de ce dernier. Comme le précise l’article 11 de la directive et les considérants 53 et 54, pour que le plan soit validé en cas d’application forcée interclasse :

– il devrait être soutenu par une majorité de classes de parties affectées autorisées à voter. Au moins une de ces classes devrait être une classe de créanciers garantis ou avoir un rang supérieur à celui des créanciers ordinaires non garantis ;

– si la majorité des classes autorisées à voter ne soutient pas le plan de restructuration, celui-ci devrait pouvoir néanmoins être validé s’il est soutenu par au moins une classe affectée ou lésée de créanciers de premier rang ([139]).

Dans le cas de l’application forcée interclasse, les États membres doivent veiller à ce que les classes dissidentes de créanciers affectés ne soient pas excessivement lésées par le plan proposé et doivent également prévoir une protection suffisante pour ces classes dissidentes.

Ce mécanisme ne peut être mis en œuvre qu’à la demande ou avec l’accord du débiteur, avec la possibilité pour les États-membres de déroger à cette règle pour les grandes entreprises.

b.   Les enjeux de la transposition en droit français

Le droit français est en partie déjà conforme à la directive, par la place importante accordée aux procédures préventives dans notre corpus juridique. La législation française constitue d’ailleurs l’une des sources d’inspiration du législateur européen en la matière.

En revanche, la transposition de la directive nécessite de revoir les règles applicables aux conditions d’élaboration et d’adoption des plans de restructuration, selon une logique qui donne davantage de place aux créanciers.

L’avant-projet d’ordonnance offre un éclairage sur les choix de transposition envisagés. Dans un souci de parallélisme et de cohérence du droit, les évolutions devraient également concerner les procédures de redressement, bien que celles-ci ne soient pas des procédures préventives. En outre, des modifications de simplification sont également prévues, avec la fusion annoncée des procédures de sauvegarde accélérée et des procédures de sauvegarde financière accélérée.

i.   La réforme des classes de créanciers : des modifications substantielles attendues concernant les conditions d’élaboration des plans de continuation

Comme le dévoile l’avant-projet d’ordonnance, la transposition conduit à modifier le livre VI afin de remplacer le chapitre VI du titre II intitulé « des comités de créanciers », par une section intitulée « des classes de créanciers ». Ce passage des comités de créanciers aux classes de créanciers traduit la volonté du législateur européen d’accroître le rôle des créanciers.

La réforme implique d’abord le regroupement des créanciers en fonction de la nature de la créance, alors que les comités de créanciers actuels sont regroupés en fonction de la qualité des créanciers. Comme l’indique le Gouvernement dans le cadre de son projet d’ordonnance, a minima, il y aurait systématiquement deux classes de créanciers (nantis de sûretés ou non). La constitution d’une classe de créanciers publics serait facultative. Il est proposé qu’il ne puisse pas être constitué de classe de salariés. Une classe de détenteurs de capital serait constituée en sauvegarde (accélérée et non accélérée) et en redressement judiciaire, si les détenteurs de capital sont potentiellement affectés par le projet de plan.

Toute partie affectée par les plans pourra proposer un projet de plan, en sauvegarde comme en redressement. Ce partage de l’initiative, qui existe déjà théoriquement dans le cadre des comités de créanciers (comme expliqué supra), a pour objectif de renforcer la place des créanciers en leur permettant plus systématiquement de « challenger » le débiteur sur son plan.

Le plan pourra être adopté par application forcée interclasse, dans les conditions prévues par la directive décrite supra. La transposition envisagée dans le projet d’ordonnance permet au débiteur de s’opposer à l’adoption du plan en application forcée interclasse, tant en sauvegarde qu’en redressement judiciaire. Au stade de la rédaction de l’avant-projet d’ordonnance, le Gouvernement n’a donc pas fait le choix de prévoir d’application forcée interclasse sans accord du débiteur dans les grandes entreprises, bien que cette possibilité soit ouverte par la directive.

Dans le cadre de la transposition, une modification importante tient aux conséquences en cas d’échec de la procédure d’adoption du plan (rejet par les créanciers ou refus de validation par le tribunal) :

– en sauvegarde, il serait mis fin à la procédure (sauf s’il y avait lieu à conversion en redressement ou en liquidation) ;

– en redressement judiciaire, la procédure serait reprise depuis le début, selon les règles de droit commun aujourd’hui vigueur (consultation individuelle des créanciers).

Dit autrement, le tribunal ne pourra plus imposer de plan en sauvegarde, dès lors que la procédure de classes de créanciers s’applique. L’article L. 626-34 du code de commerce permet actuellement, en cas d’échec de l’adoption d’un projet de plan soumis au vote des comités de créanciers, de basculer vers la sauvegarde de droit commun. Cette possibilité ne devrait donc pas être conservée. En revanche, en redressement, il est prévu le maintien de la possibilité pour le tribunal d’imposer un plan alternatif et des délais de remboursements.

On peut noter ici que cette évolution a fait l’objet de certaines critiques lors des auditions, en particulier par le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ) qui souhaite que l’on conserve les pouvoirs du juge, y compris en sauvegarde. À l’inverse, les sénateurs MM. François Bonhomme et Thani Mohamed Soilihi demandent dans le cadre du rapport précité à aller plus loin et à n’ouvrir la possibilité pour le tribunal d’imposer un plan que pour les procédures de redressement des grandes entreprises.

Selon le projet du Gouvernement, la réforme des classes de créanciers s’appliquera de façon différenciée en fonction de la taille des entreprises, selon la procédure envisagée :

– en cas d’ouverture d’une sauvegarde accélérée, il est proposé une constitution obligatoire des classes de créanciers pour toutes les entreprises quelle que soit leur taille ;

– pour la sauvegarde de droit commun ou le redressement judiciaire, la constitution des classes de créanciers ne serait obligatoire qu’au-delà d’un certain seuil. En dessous de ce seuil, la constitution de classes de créanciers serait facultative, sur option du débiteur. En l’absence d’option, les procédures de droit commun de la sauvegarde et du redressement judiciaires s’appliqueraient.

Concernant la fixation du seuil, le Gouvernement envisageait, dans le cadre de l’avant-projet d’ordonnance, plusieurs options conduisant toutes à retenir des seuils relativement bas (seuil bilanciel fixé à 4 millions d’euros). Il semble que le Gouvernement soit revenu sur cette option initiale et que les seuils finalement envisagés soient alignés sur les seuils déjà applicables en matière de désignation des comités de créanciers (entreprises de plus de 150 salariés ou entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 20 millions d’euros). Ainsi, seules les grandes PME ([140]) et grandes entreprises seraient obligatoirement visées par cette nouvelle procédure.

ii.   Une nouvelle procédure de sauvegarde accélérée

Le projet d’ordonnance prévoit de rénover en la simplifiant la procédure de sauvegarde accélérée. Il est ainsi prévu de fusionner la procédure de sauvegarde accélérée avec la procédure financière accélérée.

Cette nouvelle procédure sera ouverte pour une durée maximale de 4 mois, à toutes les entreprises sans condition de seuil, le Gouvernement prévoyant ainsi de pérenniser la mesure temporaire introduite par l’article 3 de l’ordonnance
n° 2020-596 du 13 mai 2021. Vos rapporteurs saluent cette mesure de simplification et d’élargissement qui paraît bienvenue.

iii.   D’autres aménagements envisagés

L’avant-projet d’ordonnance prévoit de réduire à 12 mois la période maximale (4 mois renouvelables deux fois) de la durée d’observation dans le cadre de la procédure de sauvegarde de droit commun – contre 18 maximum en l’état actuel du droit ([141]), hors prolongations exceptionnelles autorisées par les ordonnances précitées.

Cette réduction du délai est conforme aux exigences de la directive. En revanche, le Gouvernement n’envisage a priori pas de revenir sur la durée maximale de la période d’observation dans le cadre d’une procédure de redressement, qui resterait fixée à 18 mois.

B.   Un mouvement à poursuivre et consolider

La crise a donc conduit à une accélération des évolutions du droit des entreprises en difficulté. Dans le même temps, la transposition de la directive « insolvabilité et restructuration » se traduit par des évolutions notables de ce droit. Face à la situation économique actuelle, ce mouvement doit être parachevé dans le sens d’une plus grande efficacité des outils juridiques déjà existants.

1.   Améliorer l’attractivité des procédures amiables

Comme détaillé dans la première partie du présent rapport, les méthodes amiables ont pour avantage d’être des procédures négociées, rapides et confidentielles, laissant le chef d’entreprise maître de son entreprise. Elles ont pour principal intérêt de permettre une prise en charge en amont des difficultés de l’entreprise, ce qui accroît significativement les chances de sauvetage de l’entreprise.

Outre les mesures visant à mieux faire connaître les procédures amiables des dirigeants d’entreprises déjà développées, nous pouvons en améliorer l’accès et l’attractivité en veillant, d’une part, à limiter leur coût, et, d’autre part, à renforcer les avantages qu’elles procurent. L’objectif in fine est de valoriser ces outils comme des outils de bonne gestion pour le chef d’entreprise.

a.   Encadrer davantage le coût des procédures amiables

i.   Les enjeux relatifs à la rémunération des mandataires de justice

Le coût des procédures amiables fait déjà l’objet d’une forme de contrôle par le juge en vertu de l’article L. 611-14 du code de commerce. Ainsi, « après avoir recueilli l’accord du débiteur et, en cas de recours à la conciliation et au mandat à l’exécution de l’accord, l’avis du ministère public dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, le président du tribunal fixe, au moment de leur désignation, les conditions de la rémunération du mandataire ad hoc, du conciliateur, du mandataire à l’exécution de l’accord et, le cas échéant, de l’expert, en fonction des diligences qu’implique l’accomplissement de leur mission. Leur rémunération est arrêtée à l’issue de celle-ci par ordonnance du président du tribunal qui est communiquée au ministère public. La rémunération ne peut être liée au montant des abandons de créances obtenus ni faire l’objet d’un forfait pour ouverture du dossier. Les recours contre la décision arrêtant la rémunération sont portés devant le premier président de la cour d’appel dans un délai fixé par décret en Conseil d’État. »

Toutefois, en raison de la nature amiable de ces procédures, qui laisse une grande part à la dimension contractuelle, la rémunération du mandataire ad hoc ou du conciliateur n’est pas forfaitisée, alors que le système qui prévaut en cas de procédure collective voit les rémunérations des praticiens régies par un barème fixé par voie réglementaire.

Les procédures amiables ont acquis la réputation d’être des procédures très coûteuses, ce qui constitue aujourd’hui un frein à leur attractivité : un chef d’entreprise, déjà en proie à des difficultés financières, est peu enclin à se tourner vers des procédures qu’il imagine dispendieuses.

Des dispositifs de prise en charge des frais de procédure amiables sont mis en place par certaines collectivités – notamment la région des Hauts‑de‑France –  comme cela a été souligné lors des auditions. Ces bonnes pratiques méritent d’être développées et relayées par l’ensemble de l’écosystème intervenant en matière de prévention.

Pour aller plus loin, il serait souhaitable d’une part de renforcer la transparence sur les montants des rémunérations des mandataires de justice et d’autre part, s’agissant des TPE, de développer le principe de montants forfaitisés pour les procédures amiables.

La transparence constitue l’un des engagements de l’accord de place précité, puisque chaque signataire du plan d’action du Gouvernement sur l’accompagnement des entreprises en sortie de crise s’est engagé à informer l’entreprise des modalités de fixation des frais et honoraires qu’elle doit supporter ainsi que de leur montant prévisible.

Concernant la mise en place de montants forfaitisés, toujours dans le cadre du plan d’action du Gouvernement précité, il est prévu un mandat ad hoc de sortie de crise. Il s’agit là d’un engagement du CNAJMJ à proposer pendant 18 mois une procédure amiable simplifiée, pour les entreprises employant au plus 10 salariés. Ce mandat ad hoc serait limité à 3 mois et son coût plafonné à 1 500 euros hors taxe pour les entreprises de moins de 5 salariés et 3 000 euros hors taxe pour les entreprises entre 5 et 10 salariés.

Il faut saluer cet engagement qui constitue un levier important de développement des procédures amiables dans les petites structures en difficultés, qui manquent par définition de moyens. Outre la nécessité de communiquer autour de ce nouvel outil, il pourrait être opportun d’étendre ce principe de montants forfaitisés aux procédures de conciliation des petites entreprises.

ii.   La question de la prise en charge des frais de procédure par le débiteur

Les coûts des procédures amiables posent également la question, au-delà des enjeux de rémunération des mandataires, de l’ensemble des frais de conseils et d’expertise engagés par les débiteurs et les créanciers (service d’avocats, d’experts-comptables et d’audit financier notamment). Le rapport remis par M. René Ricol au Premier ministre sur l’articulation entre le régime de garantie des salaires (AGS) et les administrateurs et mandataires judiciaires dans le cadre des procédures collectives ([142]), cite dans ce cadre une étude menée par le président du tribunal de commerce de Nanterre, qui montre que, sur six dossiers significatifs, les frais de procédure des conciliations concernées se ventilent de la façon suivante : 6 % pour le conciliateur ; 47 % pour les conseils de la société, 47 % pour le conseil des tiers.

À ce titre, il convient de porter une attention particulière aux dispositions de l’article L. 611-16 du code de commerce, sur la prise en charge par les débiteurs des frais de procédures. Selon cet article, sont réputées non écrites les clauses faisant peser exclusivement sur le débiteur la charge financière de l’intervention de conseils assistant le créancier. Un arrêté du Garde des sceaux, pris en application de cet article, limite ainsi à 75 % des honoraires le montant pouvant être laissé à la charge de l’entreprise débitrice dans le cadre d’une procédure amiable. Il s’agit d’un mécanisme qui doit en principe permettre de protéger le débiteur contre des frais de procédure excessifs. Cette quote-part doit aussi permettre de responsabiliser le créancier (en cas d’une prise en charge à 100 %, le créancier risque de ne plus avoir d’intérêt à négocier des frais de conseil raisonnables).

Comme cela a été souligné au cours des auditions et comme le montre également le rapport de M. Ricol précité, ces dispositions sont en pratique très peu respectées, faute d’un contrôle adéquat. Bien souvent, l’entreprise débitrice se retrouve seule à porter la charge de ses honoraires, ce qui est également un facteur d’inflation du coût des procédures. Le juge semble trop peu impliqué pour assurer le respect de cette règle, notamment du fait du caractère essentiellement contractuel de la procédure amiable.

Face à ce constat, vos rapporteurs appellent les juridictions à mieux contrôler l’application de l’article L. 611-16 du code de commerce. Pour cela, une solution pourrait être de prévoir un avis obligatoire du parquet au moment de l’homologation du plan, avec une attestation sur l’honneur des différents partenaires.

On peut noter que ces évolutions seraient pleinement cohérentes avec les dispositions de la directive « restructuration et insolvabilité », qui prévoient que soit annexé au protocole d’accord de conciliation homologué, un récapitulatif des frais de conseil mis à la charge du débiteur.

Proposition n° 26 : Clarifier et maîtriser le coût financier des mandats de justice et des procédures.

– Garantir la lisibilité et la transparence sur le montant des rémunérations des différents professionnels, en procédure amiable comme en procédure collective. Pour cela, prévoir systématiquement dès l’ouverture de la procédure l’élaboration de devis prévisionnels et engager une réflexion plus large pour revoir la grille des barèmes de rémunération des mandataires en procédure collective.

– S’assurer de la bonne application de l’article L. 611-16 du code de commerce qui fixe un plafond à 75 % du montant des honoraires pouvant être mis à la charge du débiteur. Pour cela, instaurer un avis obligatoire et exprès du parquet au moment de l’homologation du plan.

– Généraliser le principe de montants forfaitisés des procédures amiables pour les petites entreprises, en mandat ad hoc comme en conciliation.

– Faire connaître et favoriser les modalités de prise en charge publique des coûts des procédures amiables, en partenariat avec les collectivités territoriales.

 

b.   Pour une procédure de conciliation modernisée

Plusieurs évolutions mériteraient d’être apportées à la procédure de conciliation en vue de sa modernisation. Comme cela a été détaillé plus haut, plusieurs mesures récentes ont conduit à faire évoluer temporairement le cadre juridique de la conciliation. Deux évolutions principales doivent être notées :

– la possibilité de suspendre les poursuites ;

– l’allongement de la durée de la procédure à 10 mois maximum.

Il paraît aujourd’hui souhaitable de pérenniser ces deux mesures pour une procédure de conciliation plus efficace.

En effet, la plupart des praticiens s’accordent pour considérer que la durée de la procédure de conciliation prévue à l’article L. 611-6 du code de commerce (5 mois) est trop courte, conduisant d’ailleurs à utiliser alternativement le mandat ad hoc et la conciliation.

Concernant la question de la suspension des poursuites en conciliation, cette nouvelle possibilité est globalement saluée comme une avancée significative pour renforcer l’attractivité et l’efficacité des procédures amiables. Il s’agit notamment là d’une mesure précieuse pour éviter « l’effet domino » des défaillances en chaîne : avec ce principe de suspension des poursuites en conciliation, le débiteur peut bénéficier d’un répit sans entrer en procédure collective, qui s’accompagne nécessairement d’une interdiction de règlement des créances antérieures (et donc notamment aux fournisseurs et autres entreprises créancières).

Il paraît toutefois nécessaire de veiller à une application raisonnée de ces nouvelles dispositions par le juge, pour éviter les risques d’effets d’aubaine. En effet, avec cette évolution, le débiteur bénéficie en conciliation d’une protection proche de celle qui peut obtenir dans le cadre de la sauvegarde, tout en maintenant la confidentialité. Ainsi, selon maître Delphine Caramalli, entendue en audition, « la conciliation, procédure préventive, n’est pas adaptée aux entreprises qui nécessiteraient des restructurations opérationnelles profondes (or il faut se rendre à̀ l’évidence que certains secteurs entiers doivent être restructurés en profondeur) ; et la conciliation est, avec le mandat ad hoc, une procédure confidentielle, donc par définition non connue des fournisseurs et sous-traitants qui continuent de faire confiance alors que la société́ pourrait pendant cette période creuser son passif en toute impunité́ ».

La mission considère que les avantages liés à l’introduction de cette possibilité de suspension des poursuites en conciliation, globalement salués par les personnes auditionnées, sont supérieurs à ses inconvénients, à savoir, le risque d’instrumentalisation mentionné. Vos rapporteurs ont toutefois été sensibles à cette mise en garde, et souhaitent que le juge garde une forme de vigilance sur les demandes d’ouverture de conciliation et n’hésite pas à réorienter les entreprises vers une procédure collective si celle-ci est plus adaptée à la situation de l’entreprise.

Proposition n° 27 : Moderniser durablement la procédure de conciliation pour la rendre plus attractive.

– Pérenniser le principe de suspension des poursuites ainsi que la possibilité d’étendre la durée de la procédure jusqu’à 10 mois.

– Veiller à une application raisonnée de ce principe par le juge pour éviter les effets d’aubaine.

2.   Adapter les procédures collectives pour les entreprises ayant particulièrement souffert de la crise

Des adaptations du droit des procédures collectives pour les entreprises ayant particulièrement souffert de la crise sont nécessaires.

a.   Élargir le bénéfice de la procédure simplifiée de sortie de crise à l’ensemble des PME

La procédure simplifiée de sortie de crise constitue une évolution dont il faut se féliciter dans la mesure où elle correspond à un vrai besoin d’adapter les procédures face à la situation actuelle, en particulier pour les petites entreprises.

Comme cela a été dit, le Gouvernement envisage dans le cadre du décret d’application de limiter cette procédure aux entreprises de moins de 20 salariés. Il pourrait être opportun, d’élargir le bénéfice de cette procédure à un nombre plus grand d’entreprises, en relevant ce seuil à 250 salariés.

Proposition n° 28 : Élargir le bénéfice de la procédure de sortie de crise simplifiée à l’ensemble des PME.

b.   Allonger la durée des plans de continuation pour les entreprises particulièrement touchées par la crise

La question de la durée des plans de continuation mérite de faire l’objet d’une réflexion approfondie. Il ressort des travaux conduits par la mission que le délai de 10 ans de droit commun pourrait dans certains cas être trop court pour faire face à des cas particuliers de difficultés nées de la crise sanitaire. Ainsi, le Conseil national du barreau considère que « les difficultés ne cesseront pas du jour au lendemain, et pour l’économie nationale comme pour les créanciers, la disparition pure et simple de ceux qui n’auraient pas pu équilibrer un plan sera pire qu’un étalement de dettes sur une période allongée pour un régime de droit commun unifié à 15 ans maximum sous contrôle du Tribunal, et avis conforme du Ministère Public ».

Vos rapporteurs souhaitent donc, dans le prolongement des dérogations prévues par voie d’ordonnances détaillées plus haut, que le délai du plan de continuation, en sauvegarde comme en redressement, puisse être allongé à 15 ans, lorsque les circonstances le justifient. On peut noter que la durée de 15 ans est déjà la durée de droit commun pour ce qui concerne les plans de continuation dans le domaine agricole.

L’opportunité d’allonger la durée du plan doit relever du pouvoir d’appréciation du juge. Le juge, pour décider de la pertinence d’un plan étalé sur 15 ans, pourrait notamment se fonder sur l’analyse du « fait covid », selon la méthodologie proposée supra. Pour éviter les effets d’aubaine, il serait également souhaitable que cet allongement du plan repose sur la démonstration de l’incapacité à soutenir un plan sur dix ans, comme le propose le Conseil national du Barreau.

Proposition  29 : Prévoir des possibilités d’extension des plans en sauvegarde et en redressement à 15 ans, lorsque les circonstances liées aux difficultés économiques dues à la crise sanitaire le justifient.

3.   Garantir la rapidité et la souplesse des procédures

Plusieurs pistes peuvent être explorées pour améliorer la célérité et la souplesse des procédures.

a.   Permettre une saisine plus rapide du tribunal

Plus la saisine du tribunal intervient rapidement, plus la restructuration a des chances d’aboutir. En l’état actuel du droit, le débiteur en cessation de paiement est dans l’obligation de saisir le tribunal dans les 45 jours qui suivent cette cessation. Le tribunal peut également être saisi par l’un des créanciers du débiteur. La loi de 2005 sur la sauvegarde prévoyait que dans certains cas le tribunal puisse se saisir d’office, en l’état des informations qu’il pouvait détenir.

Ces dispositions ont été contestées devant le Conseil constitutionnel par voie de question prioritaire de constitutionnalité. Ainsi, par une décision du 7 décembre 2012, le Conseil Constitutionnel a considéré que la saisine d’office pour ouvrir une procédure de redressement judiciaire était contraire à la Constitution. Par deux décisions rendues le 7 mars 2014, le juge constitutionnel a considéré contraire à la Constitution, et notamment au principe d’impartialité du juge, les dispositions législatives autorisant la saisine d’office du tribunal pour prononcer la résolution d’un plan de sauvegarde ou de redressement et la saisine d’office pour prononcer la liquidation judiciaire.

Cette possibilité générale de saisine d’office a été définitivement supprimée du droit positif dans le cadre de l’ordonnance du 12 mars 2014 précitée. Le principe d’une saisine d’office n’a été maintenu que pour certains cas exceptionnels, essentiellement pour permettre les évolutions d’une procédure déjà ouverte, étant considéré qu’il s’agit dans ce cas de la même procédure qui se poursuit. Ainsi, le tribunal ne peut plus se saisir d’office pour ouvrir une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Il ne peut, dans ce cas, qu’informer le ministère public, qui pourra le cas échéant décider d’initier l’action (article L. 631-3-1 du code de commerce ([143])).

Or, l’intérêt général lié à la possibilité de garantir une ouverture rapide d’une procédure collective semble rendre nécessaire une nouvelle réflexion sur ces questions, dans le respect des principes constitutionnels. Pour cela, il pourrait être envisagé de prévoir les règles suivantes : lorsque le président du tribunal de commerce saisit le parquet et qu’il n’obtient pas de réponse au-delà d’un certain délai, il pourrait être considéré que cette absence de réponse donne la possibilité au président du tribunal de commerce de s’autosaisir.

Proposition n° 30 : Conduire une nouvelle réflexion pour améliorer les possibilités de saisine du tribunal.

Pour cela, il pourrait être envisagé de prévoir les règles suivantes : lorsque le président du tribunal de commerce saisit le parquet et qu’il n’obtient pas de réponse au-delà d’un certain délai, il pourrait être considéré que cette absence de réponse donne la possibilité au président du tribunal de commerce de s’autosaisir.

b.   Réduire les délais de la période d’observation

Lors des auditions, plusieurs acteurs ont déploré la lourdeur de la période d’observation et ont formulé des suggestions en vue d’en améliorer la célérité.

Si des mesures d’allongement de la durée de la période d’observation ont été nécessaires pendant l’état d’urgence sanitaire, la priorité actuelle doit plutôt être à la réduction de ces délais. Comme expliqué supra, la durée de la période d’observation est en passe d’être raccourcie dans le cadre de la transposition de la directive européenne « restructuration et insolvabilité ». Ainsi, en sauvegarde, la durée maximale de la période d’observation devrait passer de 18 à 12 mois (3 fois quatre mois). En revanche, concernant le redressement, la période d’observation resterait fixée à 18 mois.

Vos rapporteurs se félicitent de l’évolution à venir concernant la sauvegarde.

À terme, il pourrait être envisagé de réduire également la durée de la période d’observation en redressement judiciaire, en prévoyant une durée de 4 mois renouvelables 3 fois (soit 16 mois possibles au total), le premier renouvellement pouvant être obtenu automatiquement et les deux autres nécessitant une requête du parquet.

Des mesures complémentaires pourraient être utilement prises pour que cette période puisse gagner en célérité ainsi qu’en efficacité. Les mesures autorisées par les ordonnances précitées, concernant la réduction du délai de consultation des créanciers ainsi que la possibilité de se fonder sur la base du passif déclaré pourraient être pérennisées.

La période d’observation pourrait également gagner en rapidité à condition de faciliter les conditions d’accès des mandataires de justice aux données nécessaires pour le traitement des dossiers. Les propositions formulées par le CNAJMJ et l’Institut français des praticiens des procédures collectives (IFPPC) aux membres de la mission en ce sens paraissent tout à fait opportunes. Il s’agit ainsi de garantir l’accès ou des retours accélérés d’information de plusieurs organisations telles que la préfecture, l’administration fiscale et les greffes des tribunaux de commerce. En effet, selon les praticiens : « les retours de ces institutions sont souvent trop lents, tardifs ou trop onéreux, ce qui allonge d’autant inopportunément l’avancement des procédures collectives. Il convient donc de permettre l’accès des mandataires judiciaires à l’information, notamment au moyen de plateformes sécurisées permettant d’identifier le demandeur et d’apporter une réponse dématérialisée rapide ».

Proposition n° 31 : Maîtriser les délais de la période d’observation.

– Dans le prolongement de la réduction du délai de la période d’observation en sauvegarde prévue dans le cadre de la transposition de la directive « restructuration et insolvabilité », envisager de réduire le délai de la période d’observation en redressement, en prévoyant une durée de 4 mois renouvelable 3 fois (soit 16 mois possibles au total), le premier renouvellement pouvant être obtenu automatiquement et les deux autres nécessitant une requête du parquet.

– Garantir l’accès aux données nécessaires au bon exercice des missions des mandataires de justice dans des délais raisonnables. Un guichet unique sécurisé pourrait être conçu en ce sens.

c.   Repenser le rôle du juge-commissaire en matière de contestation et déclaration de créances

i.   Donner compétence au juge-commissaire en matière de contestation des créances

Comme l’a suggéré à votre mission l’ancien président du tribunal de Perpignan M. Marcel Piet, il serait pertinent de donner au juge-commissaire compétence pour statuer sur toutes les contestations de créances et prévoir, en cas de contestation, un recours devant le tribunal (aujourd’hui en cas de contestation des déclarations de créance, le recours doit être formé devant la Cour d’appel). Ce serait là un levier important d’accélération du contentieux des contestations de créances. Comme l’analyse M. Marcel Piet, l’évolution proposée « donnerait au juge-commissaire et au tribunal de la procédure une parfaite connaissance du ‘sérieux’ de la contestation et donc des créances à retenir ou non dans le passif de l’entreprise en vue de l’arrêté d’un plan de continuation. De nombreux plans de continuation n’ont pu être arrêtés à cause de la prise en compte de créances contestées qui en définitive ont été rejetées, mais trop tard pour sauver l’entreprise ».

ii.   Prévoir la déclaration des créances sous la seule responsabilité du mandataire judiciaire

Il pourrait être souhaitable d’inscrire durablement dans le droit les dispositions introduites par la première ordonnance du mois de mars 2020 permettant que la déclaration des créances salariales se fasse sous la seule responsabilité du mandataire judiciaire.

Le juge-commissaire qui actuellement doit signer cette déclaration a, en fait, peu de moyens de contrôle sur ces créances. De plus, malgré la célérité que peuvent mettre les juges consulaires à signer ces états de créances, cela retarde malgré tout l’envoi aux AGS et donc le versement des salaires aux employés.

Proposition n° 32 : Repenser le rôle du juge-commissaire en matière de contestation des créances et de déclaration des créances salariales.

– Donner au juge-commissaire compétence en matière de contestation des créances, afin d’accélérer les procédures.

– Pérenniser le principe de déclaration des créances sous la seule responsabilité du mandataire judiciaire.

d.   Conforter la place des administrateurs et des mandataires judiciaires

L’efficacité des mandataires de justice a été globalement saluée au cours des auditions, bien qu’une réflexion soit nécessaire sur le coût des procédures, comme développé supra. Le modèle français en la matière constitue un atout de taille de notre droit commercial, qui a inspiré le législateur européen dans le cadre de la directive « restructuration et insolvabilité ».

En l’état actuel du droit, l’intervention d’un administrateur judiciaire n’est obligatoire qu’au-delà des seuils de 3 millions de chiffre d’affaires et de 20 salariés (articles L. 621-4 et R. 621-11 du code de commerce). Une évolution intéressante pour gagner en efficacité dans les procédures serait de renforcer la place du mandataire de justice, en prévoyant un principe général d’intervention d’un mandataire, avec la possibilité d’y déroger lorsque l’entreprise compte moins de 20 salariés et réalise moins de 3 millions de chiffre d’affaires. Ces dérogations pourraient être obtenues à la demande du débiteur ou du ministère public. Il s’agit donc de faire du principe actuel l’exception, dans l’objectif d’encourager le recours aux mandataires de justice, dont le rôle peut accroître significativement les chances de succès de la procédure.

Proposition n° 33 : Prévoir le principe d’une intervention du mandataire de justice, y compris en deçà des seuils de 3 millions de chiffre d’affaires et 20 salariés, avec une possibilité de demander des dérogations par le débiteur ou le ministère public.

Cette proposition est complémentaire de la proposition n° 26 visant à améliorer la transparence des coûts des procédures.

Une autre évolution bienvenue de notre droit consisterait à apporter une forme de souplesse concernant les conditions d’intervention des mandataires de justice dans le cadre des procédures collectives.

En l’état du droit, le principe est que l’administrateur judiciaire assiste le débiteur dans l’élaboration du plan en sauvegarde. En revanche, en redressement, c’est l’administrateur qui est chargé d’élaborer le plan pour le compte du débiteur. Une forme de souplesse pourrait être introduite afin de permettre à l’administrateur de jouer un rôle plus important dans l’élaboration du plan de sauvegarde, lorsque les circonstances le justifient, ou au contraire pour lui permettre d’être davantage en retrait dans le cadre des procédures de redressement judiciaire, là encore, en fonction des cas d’espèce.

Proposition  34 : Assouplir les modalités d’intervention de l’administrateur entre la sauvegarde et le redressement, en fonction des circonstances.

Permettre à l’administrateur de jouer un rôle plus important dans l’élaboration du plan de sauvegarde, lorsque les circonstances le justifient, ou au contraire d’être davantage en retrait dans le cadre des procédures de redressement judiciaire, là encore en fonction des circonstances.

4.   Lever les obstacles procéduraux à la réussite du sauvetage de l’entreprise

Les chances de sauvetage de l’entreprise pourraient être améliorées en levant un certain nombre d’obstacles procéduraux. Il convient ainsi d’agir pour mieux garantir l’accès à la commande publique et un traitement adapté du crédit-bail. En outre, le privilège de « post money » est un outil à pérenniser pour maximiser les chances de réussite de la procédure de restructuration.

a.   Assurer l’accès à la commande publique

La question de l’accès à la commande publique est une question particulièrement stratégique car beaucoup de petites entreprises réalisent une part non négligeable de leur chiffre d’affaires grâce à celle-ci, particulièrement dans certains secteurs d’activité comme celui du bâtiment et travaux publics (BTP). En cas d’ouverture d’une procédure amiable ou collective, la question de l’accès à la commande publique est encore plus sensible, car d’elle dépendent grandement les chances de survie de l’entreprise et donc de succès de la procédure.

i.   Des évolutions juridiques récentes qui vont dans le bon sens

Des évolutions juridiques récentes permises par la loi ASAP précitée, ont adapté le droit afin de faciliter l’accès des entreprises en difficulté à la commande publique. Avant cette intervention du législateur, les règles qui prévalaient étaient les suivantes :

– aucune interdiction ni restriction d’accès pour les entreprises admises en procédure de sauvegarde, de sauvegarde accélérée et de rétablissement professionnel, l’acheteur public restant toutefois en charge d’apprécier, comme pour les autres candidats, si ces entreprises disposent des capacités techniques, économiques et financières nécessaires pour exécuter le marché. Ce principe est toujours valable aujourd’hui ;

 à l’inverse, en redressement, le principe était celui, en vertu de l’article L. 2141-3 du code de la commande publique, de l’exclusion des entreprises concernées par une procédure de redressement, à moins que l’entreprise puisse justifier avoir été habilitée à poursuivre son activité pendant la durée d’exécution prévisible du contrat.

Des évolutions significatives ont permis de faciliter l’accès à la commande publique des entreprises en redressement judiciaire, tant au stade de la soumission des offres que de l’exécution des contrats. Prolongeant les dispositions temporaires introduites dans le contexte de la crise ([144]), l’article 131 de la loi ASAP a permis deux évolutions significatives qu’il convient de saluer.

En premier lieu, la loi ASAP a clarifié l’accès à la commande publique pour les entreprises en redressement judiciaire bénéficiant d’un plan de redressement. Ainsi, ces dernières sont expressément autorisées à se porter candidates. Une entreprise admise à la procédure de redressement judiciaire mais bénéficiant d’un plan de redressement ne pourra donc plus être exclue de la procédure de passation des marchés publics (modification apportée à l’article L. 2141-3 du code de la commande publique) et des contrats de concessions (article L. 3123-3 du même code).

En second lieu, la loi a interdit à l’acheteur de résilier un marché public au seul motif que l’opérateur économique fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire (modifications apportées aux articles L. 2195-4, L. 2395-2 et L. 3136-4 du code de la commande publique).

ii.   Parachever la réforme en autorisant toutes les entreprises en procédure de redressement judiciaire à accéder à la commande publique

Si ces évolutions vont dans le bon sens, le droit conserve un élément qui fragilise encore beaucoup en pratique l’accès à la commande publique pour les entreprises faisant l’objet d’une procédure de redressement au cours de la phase d’observation.

En effet, lorsque l’entreprise est en période d’observation et ne bénéficie donc pas encore d’un potentiel plan de continuation, elle reste exclue par la loi de la commande publique, à moins d’être en capacité de justifier d’avoir été habilitée « à poursuivre son activité pendant la durée prévisible d’exécution du marché ».

Au cours de la période d’observation, l’entreprise doit apporter la preuve que la durée de la période d’observation, et donc de poursuite de son activité, couvre celle du marché. Pour ce faire, l’entreprise doit produire, en application de l’article R. 2143-9 du code de la commande publique, la copie du ou des jugements prononcés.

Cette disposition conduit à exclure de facto les entreprises en période d’observation de la grande majorité des appels d’offres de marchés publics puisque leur exécution s’étend généralement sur une période supérieure à la période d’observation (6 mois renouvelables).

Les conséquences peuvent être lourdes pour ces entreprises, concernant leur chiffre d’affaires et leur carnet de commandes, et ce d’autant plus que la période d’observation est une période où les besoins en trésorerie sont importants. En outre, cette mesure peut désinciter les entreprises à demander une procédure de redressement judiciaire.

Un pas supplémentaire pourrait être franchi via l’abrogation de cette exclusion légale afin de permettre clairement à l’ensemble des entreprises en redressement judiciaire de librement soumissionner aux marchés publics.

En outre, une clarification semble nécessaire concernant l’articulation de l’article L. 2141-2 du code de la commande publique avec les dispositions de l’article L. 2141-3 du même code. Aux termes des dispositions de l’article L. 2141-2, « le candidat devra justifier par tous moyens être à jour de ses obligations déclaratives ou financières auprès des administrations fiscales ou sociales, le cas échéant le candidat devra démontrer qu’une mesure de régularisation a été entérinée avant toute décision relative à la recevabilité de la candidature » ([145]).

Proposition  35 : Permettre à l’ensemble des entreprises en redressement judiciaire, y compris celles en période d’observation, d’accéder à la commande publique.

Clarifier les règles applicables en prévoyant expressément que le quitus donné par l’administration fiscale et sociale n’est pas obligatoire pour pouvoir candidater à une offre de la commande publique.

La proposition n° 48 doit également permettre d’améliorer l’accès à la commande publique.

b.   Aligner le traitement des financements en crédit-bail avec celui des prêts bancaires « classiques »

Les travaux de la mission ont permis de mettre en avant une des faiblesses du système actuel, qui tient du traitement différencié du crédit-bail par rapport aux prêts bancaires classiques.

Le crédit-bail est aujourd’hui un mode de financement largement utilisé par les TPE et PME, notamment en cas de difficultés d’accès aux prêts bancaires.

Or, le crédit-bail bénéficie d’un régime particulier qui nuit à l’efficacité des procédures collectives. En effet, le crédit-bail est considéré juridiquement comme un contrat de location d’un bien avec option d’achat au terme de la période de location. Ce statut juridique lui confère nombre de privilèges et fait que son régime diffère très nettement de celui qui s’applique à la dette bancaire. En particulier :

– il n’est pas affecté par le gel du passif antérieur : les échéances du crédit‑bail ne sont pas suspendues en période d’observation ;

– les délais du plan de sauvegarde ou de redressement ne lui sont pas applicables. Les échéances du crédit-bail doivent par conséquent être payées selon l’échéance contractuelle, qui ne peut être aménagée ;

– son régime est favorable en cas de levée d’option : celle-ci a lieu sur autorisation du juge-commissaire, l’antérieur devant être apuré en plus du prix de la levée d’option.

Les avantages accordés au crédit-bailleur nuisent à la continuité de l’activité et peuvent précipiter l’entreprise dans la liquidation. Le poids financier des loyers du crédit-bail pèse sur la trésorerie du débiteur et limite l’efficacité de la procédure. Dans la pratique, le montant trop élevé des loyers que le débiteur n’est plus en mesure de payer pousse souvent à la résiliation du crédit-bail et prive donc l’entreprise d’un actif pourtant nécessaire pour permettre la poursuite de l’activité. Cette problématique a été soulignée par de nombreux praticiens ([146]) entendus au cours des auditions et par les chefs d’entreprise eux-mêmes entendus à l’occasion du déplacement de la mission d’information à Aix-en-Provence.

Ce régime dérogatoire pénalise particulièrement les petites entreprises. Les entreprises suffisamment importantes pour se financer via un prêt classique verront leurs échéances de remboursement gelées pendant toute la période d’observation (en cas de prêts bancaires) alors que celles qui n’ont pu souscrire qu’un crédit-bail devront continuer à régler les loyers prévus dans le contrat pendant toute la procédure.

Vos rapporteurs préconisent le traitement du crédit-bail comme une créance financière normale. Il paraît possible et nécessaire de reconnaître que l’essence du contrat de crédit-bail est d’être un mode de financement des activités, à l’instar d’un contrat de prêt ([147]). Ainsi, il convient d’interdire le règlement de redevances pendant la période d’observation et de permettre le ré-étalement sur la durée du plan.

Il s’agit là d’une mesure de simplification bienvenue, qui clarifierait le droit et permettrait d’améliorer les chances de sauvetage des TPE.

Proposition  36 : Aligner le traitement des financements en crédit-bail avec celui des prêts bancaires « classiques ».

– Modifier le régime juridique du crédit-bail afin de l’aligner sur le régime applicable aux créances bancaires.

– En conséquence, interdire le règlement de redevances pendant la période d’observation et permettre le ré-étalement d’un contrat sur la durée du plan.

– Garder la possibilité de résilier le contrat de crédit-bail au cours de la période d’observation.

c.   Inscrire durablement dans notre droit le privilège du « post money »

La période d’observation est une période forte en besoin de trésorerie pour l’entreprise. Une façon de faciliter ces nouveaux apports consiste à mettre en place un privilège dit de « post money ». Ce privilège permet un traitement favorable des créances qui correspondent aux apports consentis pendant la conciliation, puisqu’elles ne sont primées que par les frais de justice et le super privilège des salaires.

 

Le privilège de « post money » existe déjà dans le cadre de la conciliation (article L. 611-11 du code de commerce). Les ordonnances prises pour faire face à la crise ont conduit à étendre ce privilège aux apports consentis dans le cadre des procédures de sauvegarde et de redressement (dont le rang est inférieur au privilège de la conciliation) et dans le cadre des plans lors de l’arrêté du plan ou de sa modification. Il pourrait être pertinent que ce privilège s’applique également aux plans déjà en cours afin que les entreprises en convalescence puissent conforter leur rebond et retrouver du crédit.

C’est là une mesure précieuse pour rendre ces procédures plus efficaces et maximiser les chances de sauvetage de l’entreprise. Plusieurs acteurs se sont exprimés en ce sens, dont le groupe de travail local précité mis en place par la co‑rapporteure.

Vos rapporteurs appellent donc à inscrire durablement dans notre droit ce privilège.

Proposition n° 37 : Inscrire durablement dans notre droit le privilège de « post money » pour les nouveaux apports financiers consentis lors des périodes d’observation des procédures de sauvegarde et de redressement.  Ce privilège doit également s’appliquer aux plans déjà en cours afin que les entreprises en convalescence puissent conforter leur rebond et retrouver du crédit.

5.   Rendre le redressement judiciaire plus protecteur du chef de TPE et PME

Afin d’obtenir un prêt bancaire, les chefs des petites et moyennes entreprises se portent très régulièrement caution sur leurs biens personnels.

En l’état actuel du droit, lors de la période d’observation, le dirigeant est provisoirement protégé au titre des engagements cautions qu’il a pu consentir à ses créanciers. Ainsi, en vertu de l’article L. 622-28 du code de commerce, « le jugement d’ouverture suspend jusqu’au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ». Cette protection vaut tant en sauvegarde qu’en redressement.

En revanche, en cas d’adoption du plan, le sort du dirigeant diffère nettement selon que l’on se trouve en procédure de sauvegarde ou de redressement :

 en plan de sauvegarde, la caution peut se prévaloir des modalités du plan, ce qui empêche la poursuite tant que le plan est respecté. L’article L. 626-11 du code de commerce prévoit ainsi que le jugement qui arrête le plan de sauvegarde en rend les dispositions opposables à tous, « à l’exception des personnes morales, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent s’en prévaloir » ;

 en cas de plan de continuation adopté dans le cadre d’une procédure de redressement, cette possibilité est expressément exclue. Ainsi, l’article L. 631‑20 du code de commerce prévoit que : « par dérogation aux dispositions de l’article L 626-11, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ne peuvent se prévaloir des dispositions du plan ».

Cette différence de traitement trouve son origine dans la volonté du législateur de rendre la procédure de sauvegarde attractive pour le chef d’entreprise, afin de l’inciter à placer l’entreprise sous la protection du tribunal le plus en amont possible. Or, comme cela a été souligné au cours des auditions, « en pratique le fait que les cautions personnes physiques ne bénéficient pas des modalités du plan de redressement est ressenti comme une différence de traitement non justifiée, notamment quand l’état de cessation des paiements, interdisant le recours à une procédure de sauvegarde, est intervenu de manière soudaine suite par exemple à la défaillance de clients importants ([148]) ». 

Le dirigeant qui a fait l’effort de solliciter un redressement judiciaire, de réorganiser son entreprise, puis de préparer un plan de redressement approuvé par le tribunal pourra malgré tout être poursuivi sur ses biens personnels dès lors qu’il s’est porté caution, même si le plan est respecté. En pratique, cela contribue à des situations personnelles très difficiles, outre une démotivation indéniable qui, bien souvent, met en danger la bonne exécution du plan.

Il paraît aujourd’hui souhaitable de procéder à un alignement par le haut de ces deux régimes pour garantir une protection efficace du chef d’entreprise, comme cela semble d’ailleurs envisagé par le Gouvernement dans le cadre de la réforme du droit des sûretés à venir.

Pour éviter les effets d’aubaine et encourager les chefs d’entreprise à se saisir des procédures, il pourrait être prévu de limiter cette nouvelle protection de la caution au cas où la procédure de redressement a été ouverte à l’initiative du débiteur, et non sur assignation des créanciers ou demande du Procureur, comme le propose le Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables (CSOEC).

Proposition n° 38 : Renforcer la protection des biens personnels du dirigeant, en alignant le régime de protection en procédure de redressement sur le régime applicable dans le cadre de la sauvegarde.

 

 

6.   Repenser les rapports de force entre les différentes parties prenantes

L’équilibre entre les différentes parties prenantes aux procédures de restructuration – débiteur, actionnaire, créanciers –, mérite d’être réinterrogé.

a.   Renforcer les outils permettant de passer outre le blocage de l’actionnaire

Le droit français se caractérise par la primauté donnée au débiteur dans la procédure. Dans une note du conseil d’analyse économique, les économistes Guillaume Plantin, David Thesmar et Jean Tirole soulignent ainsi que « le droit des faillites français se distingue très nettement dans les comparaisons internationales par une protection faible des intérêts des créanciers par rapport à ceux des autres parties prenantes, notamment les actionnaires ([149]) ».

L’équilibre actuel mérite d’être interrogé, en particulier concernant la place laissée aux actionnaires.

Dans ce cadre, il convient au préalable d’établir une distinction entre la situation des petites entreprises, où l’actionnaire se confond bien souvent avec le dirigeant, des grandes, où les intérêts du dirigeant et des actionnaires peuvent diverger considérablement.

Il arrive que des actionnaires bloquent des plans de continuation qui pourraient pourtant permettre d’envisager le sauvetage d’une entreprise viable. En effet, les modifications du capital d’une société sont en principe soumises à l’accord de l’assemblée générale, qui peut donc bloquer un plan qui risquerait de porter atteinte aux intérêts des associés ou actionnaires majoritaires, par exemple en prévoyant l’entrée de créanciers au capital de l’entreprise.

Face à ce risque de blocage, et outre les dispositions déjà prévues à l’article L. 631-19-1 (cession forcée en cas de mauvaise gestion) et L. 626-30-2 du code de commerce (possibilité de convertir des créances en titre, sous réserve de l’accord de l’assemblée générale), le législateur a cherché à apporter des réponses, qui restent en l’état actuel incomplètes. Ainsi, la loi Macron a introduit deux instruments codifiés à l’article L. 631-19-2 du code de commerce :

– la dilution forcée permet au tribunal de désigner un mandataire chargé de convoquer l’assemblée générale des actionnaires et de voter à la place des actionnaires récalcitrants en faveur d’une augmentation du capital pour les personnes qui se sont engagées à exécuter le plan. En conséquence, la participation des actionnaires récalcitrants est diluée ;

– la cession forcée consiste à contraindre l’actionnaire à vendre ses parts au créancier. En cas de cession forcée, la loi prévoit que les anciens associés ou actionnaires reçoivent, pour prix de leurs titres, un prix fixé amiablement ou à dire d’expert. Ce dispositif vise à surmonter les situations de blocage imposées par des actionnaires qui refusent le maintien ou la reprise de l’activité.

Les conditions nécessaires pour enclencher ces procédures sont très restrictives. Elles sont réservées aux entreprises d’au moins 150 salariés, dont la cessation d’activité « est de nature à causer un trouble grave à l’économie nationale ou régionale et au bassin d’emploi et si la modification du capital apparaît comme la seule solution sérieuse permettant d’éviter ce trouble et de permettre la poursuite de l’activité, après examen des possibilités de cession totale ou partielle de l’entreprise ». En outre, le tribunal ne peut faire usage de cette faculté qu’à la demande du ministère public ou de l’administrateur (et non d’un créancier ou du mandataire).

Ces conditions restrictives limitent en réalité l’efficacité de ces dispositions, qui n’ont jamais été mises en œuvre. Elles produisent toutefois un effet dissuasif, qui peut avoir un impact favorable au stade la négociation des plans de redressement. Ainsi, le rapport d’évaluation de la loi Macron indique que selon les praticiens, dans un certain nombre de dossiers emblématique (SoLocal, CGG), la simple menace de voir ce texte mis en œuvre a permis de faire adopter des plans de redressement par des actionnaires, au départ récalcitrants.

Il n’en reste pas moins que la situation actuelle n’est pas satisfaisante et que, comme l’affirment plusieurs spécialistes entendus par la mission, les outils actuels visant à limiter le pouvoir de blocage des actionnaires paraissent trop peu efficaces.

Vos rapporteurs considèrent qu’une réflexion de fond mérite d’être menée concernant le traitement des actionnaires dans le cadre des procédures collectives. Comme l’a souligné le professeur M. François-Xavier Lucas entendu par la mission, la prise de risque de l’actionnaire dans les grandes entreprises doit apparaître plus nettement dans le cadre des procédures collectives. Cette réflexion est en cours dans le cadre de la transposition de la directive « insolvabilité et restructuration ».

Elle pourrait à l’avenir se traduire également par une nouvelle évolution du droit (article L. 631-19-2 précité), dans le respect du principe constitutionnel du droit à la propriété. En ce sens, les conditions requises pour faire usage de la dilution ou de la cession forcées pourraient être élargies. Il pourrait également être envisagé d’étendre ces instruments aux procédures de sauvegarde. Une telle évolution mériterait d’être précédée d’une analyse concernant l’impact potentiel sur l’attractivité française en matière d’investissement. Il faut toutefois dans ce cadre noter que le système fonctionne de façon proche aux États-Unis, sans que cela ne se traduise par une baisse d’attractivité de la place américaine.

Proposition n° 39 : Mener une réflexion approfondie pour rééquilibrer le droit des créanciers par rapport aux droits des actionnaires.

Élargir les conditions de recours à la dilution et à la cession forcées et étendre ces possibilités aux procédures de sauvegarde.

b.   Porter une attention particulière aux petits créanciers pour éviter un effet « domino »

Dans le prolongement de cette réflexion, il convient de porter une attention particulière au traitement des créanciers en droit français. Il faut noter que depuis quelques années s’opère un rééquilibrage entre les différents acteurs de la procédure, avec notamment une place plus grande laissée aux créanciers, qui devrait se renforcer dans le cadre de la transposition de la directive « insolvabilité et restructuration ». Ce mouvement doit se poursuivre. Le trop peu de cas fait des créanciers peut nuire aux capacités de financement des entreprises françaises (et donc in fine à l’emploi), notamment car la prise de risque importante du créancier peut le rendre rétif au prêt.

Le risque est également, en période de crise, d’enclencher un effet « domino » ou « boule de neige », car les petits créanciers (notamment les créanciers chirographaires) sont aussi des fournisseurs qui participent à la dynamique économique d’un territoire et qui peuvent se retrouver fragilisés en cas de défaillance de leur donneur d’ordre.

Face à cette situation et dans l’objectif d’éviter une « cascade des faillites », vos rapporteurs adhèrent aux propositions formulées par certains acteurs, comme la confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) qui préconise de revoir l’ordre des privilèges afin de placer les créanciers chirographaires ([150]) avant les créanciers publics, qui bénéficient en l’état actuel du droit du privilège du trésor.

Proposition n° 40 : Dans l’objectif d’éviter les faillites en cascade, revoir l’ordre des privilèges afin de placer les créanciers chirographaires (et notamment les fournisseurs) avant les créanciers publics, qui bénéficient en l’état actuel du droit du privilège du trésor.

7.   Le droit des entreprises en difficulté est-il trop complexe ?

Le droit des entreprises en difficulté compte aujourd’hui sept procédures de restructuration : le mandat ad hoc, la conciliation, la procédure de sauvegarde, la procédure de sauvegarde accélérée, la procédure de sauvegarde financière accélérée, la procédure de sortie de crise temporaire et la procédure de redressement – neuf si l’on compte également la procédure de liquidation et la procédure de liquidation simplifiée. Les modalités d’accès à ces procédures et leurs conditions de mises en œuvre diffèrent en fonction de la taille des entreprises et de l’ampleur de leurs fragilités.

Outre la fusion à venir de la sauvegarde financière et de la sauvegarde accélérée déjà évoquée, certaines voix s’élèvent pour demander de nouvelles simplifications du droit des entreprises en difficulté, qui pourraient notamment se traduire par une fusion des procédures de sauvegarde et de redressement. Certains modèles étrangers ne prévoient qu’un seul mode de restructuration collective, comme l’Italie et sa procédure dite du Concordato preventivo.

Le nombre important de procédures existantes et le raffinement des règles qui leur sont applicables peuvent être perçus comme une faiblesse de notre droit, car il s’agit sans conteste d’une source de complexité importante. Mais cette diversité des procédures peut également être vue comme une force, qui permet d’apporter des solutions diversifiées face à des situations qui peuvent être elles-mêmes très différentes beaucoup selon les cas de figure. Pour reprendre les mots du professeur François-Xavier Lucas en audition, « ce n’est pas le droit des entreprises en difficulté qui est complexe, ce sont les difficultés qui le sont ! ». Ainsi, la multiplicité des procédures n’est pas nécessairement un obstacle à l’efficacité du droit des entreprises en difficulté, il s’agit d’une boîte à outils qui permet d’apporter des réponses sophistiquées au plus près des difficultés rencontrées par les entreprises.

Concernant plus particulièrement la question de la fusion de la procédure de sauvegarde et de la procédure de redressement, les travaux de la mission ont montré la pertinence de ces deux procédures distinctes, tout l’intérêt de la sauvegarde étant de permettre une protection préventive de l’entreprise avant la cessation de paiements, dont la définition fait l’objet d’une jurisprudence fine et aboutie. Vos rapporteurs considèrent donc que cette solution doit être écartée.

Vos rapporteurs estiment qu’une évaluation régulière et plus systématique du droit des entreprises en difficulté serait tout à fait souhaitable, notamment dans l’objectif de renforcer le rôle du Parlement sur ces questions, qui en raison de leur technicité, font souvent l’objet de réformes par voie d’ordonnances. On peut regretter ce recours important aux ordonnances sur cette matière, qui bien que technique, emporte des enjeux considérables en matière d’économie et d’emploi, qui mériteraient que la Représentation nationale puisse s’en saisir davantage.

Proposition n° 41 : Assurer un suivi parlementaire des évolutions concernant le droit des entreprises en difficulté.

En ce sens, assurer un suivi de la mise en œuvre des propositions formulées dans le présent rapport.

 

 

IV.   POSER LES CONDITIONS NÉCESSAIRES du rebond

Lorsque les plans de continuation ne sont pas envisageables, la liquidation s’impose : il s’agit de réaliser les actifs pour assurer le paiement partiel des créanciers. Pour ce faire, les actifs peuvent être cédés en bloc, dans le cadre d’un plan de cession, ou séparément. Pour le dirigeant concerné par la procédure de liquidation, la question centrale est celle de son rebond. Si cette question est traditionnellement peu valorisée dans notre droit, elle tend à prendre une place croissante, selon un mouvement qu’il convient d’encourager.

A.   Permettre un traitement accéléré de la liquidation lorsqu’aucune autre solution n’est possible

La clôture de la procédure de liquidation intervient théoriquement dans trois cas :

 lorsqu’il n’existe plus de passif exigible ou que le liquidateur dispose de sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers ;

– lorsque la poursuite des opérations de liquidation judiciaire est rendue impossible en raison de l’insuffisance de l’actif ;

– ou encore, lorsque l’intérêt de cette poursuite est disproportionné par rapport aux difficultés de réalisation des actifs résiduels, cette dernière possibilité ayant été ajoutée à l’occasion de l’ordonnance du 12 mars 2014 précitée.

La liquidation ne fait pas l’objet d’une limite de temps légale. Si le tribunal fixe une durée prévisionnelle au moment du jugement d’ouverture de la liquidation, cette durée peut par la suite être prorogée par décision motivée (article L. 643-9 du code de commerce).

1.   La liquidation entraîne des conséquences très lourdes pour l’entrepreneur individuel

La période de liquidation emporte des conséquences lourdes, en particulier pour le débiteur entrepreneur individuel. En vertu du premier alinéa de l’article L. 641-9 du code de commerce, « le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu’il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ».

Au côté de ce principe de dessaisissement, la procédure de liquidation s’accompagne également d’une interdiction d’exercer une activité professionnelle autre que salarié, comme en dispose le III de l’article L. 641-9 précité. Cette disposition paraît d’une « grande sévérité », pour reprendre l’expression de la professeure Corinne Saint-Halary Houin, d’autant plus qu’elle dure aussi longtemps que la procédure de liquidation. Il faut noter qu’il peut être très difficile pour un indépendant d’exercer une activité salariée. La Cour de Cassation a toutefois refusé de considérer qu’il s’agissait là d’une question posant un problème constitutionnel justifiant le renvoi au Conseil Constitutionnel dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (décision rendue le 31 mai 2012, n° 12‑40022).

2.   Des délais qui peuvent s’éterniser

En moyenne, les procédures de liquidation durent deux ans et demi. Il arrive cependant qu’elles soient beaucoup plus longues. Les durées excessives des procédures de liquidation posent la question de leur compatibilité avec le droit au procès équitable, garanti par l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui dispose que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable ».

La France a ainsi déjà été condamnée à plusieurs reprises, par la Cour européenne des droits de l’homme, sur ce fondement, en 2002 et en 2011 ([151]), pour des affaires ayant duré en l’espèce respectivement 16 et 20 ans.

Si la Cour de cassation considère qu’une durée particulièrement longue ne suffit pas à elle seule à justifier la clôture d’une procédure ([152]), il s’agit en revanche d’un fondement valable pour mener une action en réparation contre l’État, sur le motif du fonctionnement défectueux de la justice (article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire). En l’espèce, la procédure avait duré plus de 34 ans.

La longueur des procédures de liquidation judiciaire peut accentuer la détresse psychologique du chef d’entreprise confronté à des difficultés irrémédiables. Elle est également loin d’être optimale sur le plan économique, notamment car elle empêche le chef d’entreprise de bonne foi de se lancer dans une nouvelle aventure entrepreneuriale.

3.   Envisager de modifier les conditions de licenciement des salariés protégés en cas de liquidation judiciaire

L’ouverture d’une procédure collective à l’encontre d’une entreprise en difficulté peut conduire au licenciement d’une partie ou de la totalité de ses salariés. Il s’agit alors d’un licenciement pour motif économique dont la procédure diffère de celle d’un licenciement pour motif personnel ([153]).

Les salariés investis de fonctions représentatives dans l’entreprise font l’objet d’une procédure spécifique visant à leur offrir une protection spéciale en cas de licenciement. Cette « protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun » – selon l’expression employée par la Cour de cassation dans l’arrêt Perrier (1974) ([154]) – a pour objectif de les protéger contre une rupture éventuellement abusive de leur contrat de travail du fait de leur engagement, d’où l’appellation courante de « salariés protégés ».

Conformément à l’article L. 2411-1 du code du travail, la qualité de salarié protégé appartient notamment aux délégués syndicaux, représentants de la section syndicale (RSS) et aux représentants élus du personnel qui siègent au comité social et économique (CSE) de l’entreprise ([155]), qu’ils soient titulaires ou suppléants.

Cette protection est également valable pour les membres du personnel ayant exercé ces fonctions ou étant sur le point de les exercer. Le code du travail dispose en effet que le bénéfice de cette procédure spécifique est conservé, pour le délégué syndical, durant les douze mois suivant la cessation de ses fonctions et, pour le membre élu de la délégation du personnel au CSE, pendant les six mois suivants. Il en est de même lorsqu’un salarié prouve que son employeur avait eu connaissance de l’imminence de sa désignation.

Cette protection s’applique aussi aux salariés qui siègent au conseil des prud’hommes (article L. 2411‑22 du même code).

Lors de la mise en œuvre d’une procédure de licenciement économique à son encontre, le salarié protégé bénéficie d’une procédure d’autorisation administrative préalable à la rupture de son contrat de travail. Celle-ci ne peut intervenir que sur autorisation de l’inspecteur du travail ([156]) après avis du CSE.

Avant de rendre sa décision, l’inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire, consistant à auditionner le salarié protégé et son employeur et à examiner l’ensemble des pièces justificatives, dans un délai de deux mois suivant la demande d’autorisation de licenciement ([157]). L’absence de décision vaut rejet de la rupture du contrat de travail.

Si vos rapporteurs estiment que ce dispositif protecteur trouve tout son intérêt lorsque les licenciements pour motif économique ne concernent qu’une partie seulement des salariés, ils s’interrogent sur la pertinence d’une telle procédure en cas de liquidation judiciaire.

En effet, la liquidation judiciaire met définitivement fin à l’activité de l’entreprise. Tous les salariés sont alors licenciés. Pourtant, ceux faisant l’objet d’une protection au regard de leurs fonctions représentatives continuent de bénéficier de l’autorisation administrative préalable de la part de l’inspection du travail.

Cette situation peut paraître surprenante dans la mesure où aucune discrimination à l’encontre d’un salarié protégé ne peut être relevée puisque la totalité des employés est licenciée. Par ailleurs, le licenciement économique consécutif à une liquidation judiciaire résulte d’un jugement prononcé par le tribunal de commerce.

Cette situation crée plusieurs inconvénients. Elle retarde la liquidation dans l’attente de la décision de l’inspecteur du travail et la possibilité pour le salarié protégé d’être recruté par un nouvel employeur puisqu’il demeure lié à son contrat de travail jusqu’à la confirmation de la rupture de celui-ci. Ce délai tend d’ailleurs à « assécher » les fonds disponibles pour payer les créanciers auquel s’ajoute un risque de dépassement de la garantie de l’AGS.

Face à ce constat, vos rapporteurs proposent d’introduire une exception à l’application de la protection contre le licenciement des salariés investis d’une fonction représentative lorsqu’une procédure de liquidation judiciaire est ouverte.

Proposition n° 42 : Introduire une exception à l’application de la protection contre le licenciement des salariés investis d’une fonction représentative, prévue à l’article L. 24111 du code du travail et suivants, lorsqu’une liquidation judiciaire est ouverte.

4.   Consolider et renforcer les procédures de liquidation simplifiée et de rétablissement professionnel

Les procédures de liquidation simplifiée et de rétablissement professionnel constituent des outils efficaces pourtant trop peu utilisés, qu’il convient d’encourager.

a.   Pérenniser les modifications apportées par l’ordonnance du 20 mai 2020 concernant la procédure de liquidation simplifiée

Instaurée par le législateur en 2005, la procédure de liquidation simplifiée apporte un début de réponse à la problématique des délais excessifs des procédures de liquidation. Les délais de clôture de la procédure simplifiée sont de 6 à 9 mois.

 

La loi PACTE et le décret du 21 novembre afférent ont rendu cette procédure – auparavant facultative – obligatoire pour les entreprises ayant moins de cinq salariés, réalisant moins de 750 000 euros de chiffre d’affaires et sans actif immobilier.

Dans le cadre de l’ordonnance du 20 mai 2020 précité (article 6), les règles relatives à la procédure de liquidation simplifiée ont été revues afin d’élargir le recours à cette procédure à un plus grand nombre d’entreprises. Ainsi, la procédure de liquidation simplifiée est désormais ouverte à l’égard de toute personne physique dont le patrimoine ne comprend pas de biens immobiliers. Toutefois, si le nombre de salariés du débiteur au cours des six mois précédant l’ouverture de la procédure est supérieur à cinq, le tribunal peut décider, par un jugement spécialement motivé, de ne pas faire application des dérogations prévues pour cette procédure. Ces dispositions sont applicables jusqu’au 17 juillet 2021. Vos rapporteurs préconisent de les pérenniser, dans la mesure où la procédure de liquidation simplifiée apporte une solution adéquate pour un certain nombre d’entreprises et s’avère favorable au rebond de l’entrepreneur.

Proposition n° 43 : Inscrire durablement dans le droit l’élargissement des entreprises bénéficiaires de la procédure de liquidation simplifiée.

Permettre à l’ensemble des personnes physiques dont le patrimoine ne comprend pas de biens immobiliers d’accéder à cette procédure.

b.   Développer le recours à la procédure de rétablissement professionnel

Créée par l’ordonnance du 12 mars 2014, la procédure de rétablissement professionnel est inspirée du rétablissement personnel des procédures de surendettement des particuliers. Elle est ouverte pour 4 mois avec pour objectif de faire vérifier la situation patrimoniale du débiteur par le juge, assisté par un mandataire. Elle permet au débiteur de bénéficier d’un effacement des dettes dans un délai limité, sans recourir à une liquidation judiciaire. L’objectif est de permettre aux entreprises à l’actif très faible, dont la réalisation aurait donc très peu d’intérêt pour les créanciers, de bénéficier d’une procédure simple et peu coûteuse pour favoriser leur rebond.

La procédure est en principe ouverte aux entreprises personnes physique sans salarié et détenant moins de 5 000 euros d’actifs. Il faut que le débiteur soit de bonne foi et qu’il n’y ait pas d’éléments susceptibles de donner lieu aux sanctions professionnelles de faillite professionnelle ou d’interdiction de gérer ou d’exercer le commerce.

Tout comme la procédure de liquidation simplifiée, cette pratique reste toutefois trop méconnue et peu utilisée.

Afin de favoriser son développement, la loi PACTE a rendu son examen par le tribunal systématique lorsque les entreprises y sont éligibles. Le tribunal doit ainsi vérifier si la situation du débiteur lui permet de bénéficier d’un rétablissement professionnel. Dans ce cas-là, il peut ouvrir la procédure avec accord du débiteur.

L’ordonnance du 20 mai 2020 a rehaussé temporairement le seuil permettant de bénéficier de cette procédure à 15 000 euros d’actifs.

Proposition  44 : Pérenniser les dispositions de l’ordonnance du 20 mai 2020 relatives à la procédure de rétablissement professionnel.

5.   Limiter dans le temps le principe d’interdiction d’exercer une activité professionnelle et envisager de prévoir une durée légale de la procédure de liquidation

Une nouvelle évolution plus substantielle de notre droit paraît aujourd’hui souhaitable pour limiter dans le temps le principe d’interdiction d’exercer une activité professionnelle autre que salarié ainsi que pour raccourcir la durée des procédures de liquidation.

Cette évolution est, qui plus est, nécessaire au vu des nouvelles dispositions du droit européen. La directive « restructuration et insolvabilité » prévoit en effet un délai maximal de trois ans à l’issue duquel les entrepreneurs insolvables doivent être libérés de leurs dettes. Le texte européen prévoit également que toute déchéance du droit d’accéder à une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ou de l’exercer au seul motif que l’entrepreneur est insolvable prend fin au plus tard au terme du délai de remise de dettes, soit les trois ans précités. La remise des dettes impayées est, en outre, déconnectée de la clôture des opérations qui pourraient se prolonger au-delà.

Vos rapporteurs proposent en conséquence de limiter à trois ans l’interdiction d’exercer une activité professionnelle. Plus loin, il pourrait être souhaitable de limiter en principe la procédure de liquidation à trois ans, en prévoyant de possibles exceptions octroyées sous le contrôle du tribunal.

Proposition n° 45 : Inscrire dans le droit une durée maximale de la procédure de liquidation judiciaire et limiter dans le temps les interdictions d’exercer une activité professionnelle.

– Prévoir pour le débiteur personne physique le droit d’exercer à nouveau une activité professionnelle dans un délai de trois ans.

– Prévoir une durée maximale de la procédure de liquidation judiciaire de trois ans, avec des possibilités de déroger à cette règle sous le contrôle du tribunal.

 

B.   FAVORISER LES reprises

La liquidation d’une entreprise ne signifie pas forcément sa disparition. Elle peut en effet faire l’objet d’un plan de cession, dans des conditions prévues et encadrées dans le code de commerce. Ce plan de cession, arrêté par le tribunal, peut du reste également être organisé dans le cadre d’une procédure collective. Comme le prévoit l’article L. 641-1 du code de commerce, « la cession de l’entreprise a pour but d’assurer le maintien d’activités susceptibles d’exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d’apurer le passif ».

La crise sanitaire rend nécessaire une réflexion sur les reprises, dans un contexte où les dépôts de bilan sont susceptibles d’augmenter. Les travaux de la mission ont permis d’identifier plusieurs leviers pour favoriser leur développement, dans l’intérêt de l’emploi et de l’activité.

1.   Permettre, sous condition, la reprise par le dirigeant

La reprise par le dirigeant mérite d’être facilitée, à condition d’être encadrée pour éviter d’éventuelles dérives.

a.   Le droit commun : un principe d’interdiction de cession au chef d’entreprise avec des dérogations

Le droit des entreprises en difficulté prévoit un principe général d’interdiction de reprise par le dirigeant ou ses proches. L’objectif est ainsi d’éviter des détournements de procédures qui consisteraient à organiser des reprises à vil prix, au détriment des créanciers, voire de l’emploi ([158]). Ainsi, le premier alinéa de l’article L. 642-3 du code de commerce, applicable à la cession totale ou partielle de l’entreprise en liquidation, prévoit que : « ni le débiteur, au titre de l’un quelconque de ses patrimoines, ni les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, ni les parents ou alliés jusqu’au deuxième degré inclusivement de ces dirigeants ou du débiteur personne physique, ni les personnes ayant ou ayant eu la qualité de contrôleur au cours de la procédure ne sont admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre. De même, il est fait interdiction à ces personnes d’acquérir, dans les cinq années suivant la cession, tout ou partie des biens compris dans cette cession, directement ou indirectement, ainsi que d’acquérir des parts ou titres de capital de toute société ayant dans son patrimoine, directement ou indirectement, tout ou partie de ces biens, ainsi que des valeurs mobilières donnant accès, dans le même délai, au capital de cette société. ».

Des dérogations existent toutefois à ce principe, prévues au deuxième alinéa du même article L. 642-3. Ainsi, lorsqu’il s’agit d’une exploitation agricole, le tribunal peut autoriser leur cession totale ou partielle à leurs dirigeants (lorsque l’exploitant est une personne morale) ainsi qu’aux parents ou alliés de ces dirigeants ou de l’exploitant personne physique. Sont exclus les contrôleurs et le débiteur lui-même par un patrimoine en EIRL.

Dans les autres cas et sous réserve des mêmes exceptions, le tribunal, sur requête du ministère public, peut autoriser la cession à l’une des personnes visées au premier alinéa précité de l’article L. 642-3 par un jugement spécialement motivé, et donc y compris au débiteur lui-même, après avoir demandé l’avis des contrôleurs.

b.   Les dispositions controversées de l’article 7 de l’ordonnance du 20 mai 2020

L’article 7 de l’ordonnance du 20 mai 2020, pris en application de la loi ASAP, a élargi les dérogations permettant la cession d’une entreprise à son propre dirigeant ou à l’un de ses proches, en allégeant le rôle du ministère public. Il est ainsi prévu que « lorsque la cession envisagée est en mesure d’assurer le maintien d’emplois, la requête prévue au deuxième alinéa de l’article L. 642-[159] peut être formée par le débiteur ou l’administrateur judiciaire ». Pour limiter les risques de détournement de la procédure, il est précisé que « les débats ont alors lieu en présence du ministère public. Le tribunal statue par un jugement spécialement motivé, après avoir demandé l’avis des contrôleurs. Le recours formé par le ministère public contre ce jugement est suspensif. ».

Ainsi, l’article prévoit qu’une requête du ministère public n’est plus nécessaire pour que le tribunal puisse ordonner la cession totale ou partielle de l’entreprise à ses dirigeants, à leurs proches ou à ceux du débiteur personne physique, en redressement ou en liquidation judiciaire. Lors de la publication de l’ordonnance, cette modification temporaire du droit a été justifiée par le Gouvernement comme un moyen de favoriser les chances de reprises, dans un contexte où le nombre de repreneurs potentiels risque de s’étioler. Le rapport au président de la République annexé à l’ordonnance précisait que « le tribunal et le ministère public veilleront à ce que le plan de cession ne soit pas seulement l’occasion, pour le débiteur, d’effacer ses dettes et de réduire ses effectifs en présentant lui-même, ou par personne interposée, une offre de reprise ».

c.   Face aux controverses, promouvoir une solution permettant de limiter les effets d’aubaine

i.   Des avis partagés

● Les critiques exprimées

Un certain nombre de voix se sont élevées pour critiquer les effets d’aubaine nés de ces dispositions. Ainsi, certains ont vu dans les demandes formulées par certains dirigeants ou administrateurs en application de l’article 7 de l’ordonnance un contournement de la procédure pour racheter leur propre entreprise après effacement des dettes, au lieu de travailler à un plan de continuation. Plusieurs affaires ont été particulièrement médiatisées, dont celles concernant les entreprises Alinéa et Orchestra Prémaman.

Dans le cas d’Alinéa, l’offre de reprise retenue a été celle de la société Néomarché détenue et dirigée par Alexis Mulliez, également président de l’enseigne Alina. Cette reprise prévoit la fermeture de 17 magasins et la suppression d’environ 1 000 postes dont une partie devrait être reclassée dans les autres sociétés de la famille Mulliez (Auchan, Décathlon, Boulanger).

Dans le cas d’Orchestra, l’enseigne de prêt à porter pour enfants a vu l’offre de son fondateur, Pierre Mestre, être retenue par le tribunal de commerce de Montpellier. L’offre concurrente, présentée par le saoudien Al Othaim, avait reçu le soutien du comité social et économique.

Lors des auditions, les effets d’aubaine ont également été dénoncés par un certain nombre d’acteurs, mettant en avant un risque important de spoliation des créanciers ainsi qu’un report du coût des licenciements sur l’AGS. Ces critiques ont notamment été formulées par la conférence des juges consulaires, selon qui les dispositions de l’article L. 642-3 du code de commerce sont amplement suffisantes.

Face aux controverses, cette disposition n’a pas été étendue par le législateur jusqu’au 31 décembre 2021, contrairement aux autres dispositions de l’ordonnance du 20 mai 2020.

● Des nuances à apporter

Il semble que les critiques formulées à l’encontre de cette mesure dérogatoire méritent d’être nuancées. En droit, la procédure est entourée d’un certain nombre de garanties. Ainsi, comme l’analyse un article de la presse spécialisée « la possibilité pour le dirigeant de l’entreprise de présenter une offre de reprise n’est pas nouvelle ; la disposition dérogatoire n’a fait que supprimer l’obligation d’une requête formée par le ministère public. Non seulement celui-ci demeure présent lors de l’audience, mais il peut également exercer un recours suspensif contre la décision du tribunal. Enfin, le tribunal est lui-même souverain et reste le garant de l’équilibre économique et social de la solution ([160]) ».

Concernant l’appréciation du tribunal, dans plusieurs cas d’espèce, ce dernier a refusé les offres de reprises proposées par l’ancien dirigeant, notamment quand celle-ci était moins favorable à l’emploi, comme ce fut le cas pour la reprise du groupe Camaïeu. Pour le cas d’Alinéa, l’offre proposée par l’ancien dirigeant constituait la seule solution alternative à une liquidation sans cession.

Certains acteurs ont au cours des auditions souligné l’utilité d’une telle mesure en période de crise.

La CPME en particulier estime que le dispositif mériterait d’être repris, à condition de l’assortir de plusieurs garde-fous pour garantir la probité du débiteur (absence d’action en cours pour insuffisance d’actif ou autres interdictions et sanctions). La CPME propose également de compléter ces obligations par un avis spécialement motivé du liquidateur.

Le CNJAMJ considère que l’opportunité de cette mesure mérite d’être reconsidérée et estime qu’elle pourrait être utile pour la reprise des petits fonds de commerce, notamment dans le secteur de la restauration et bars dans les centres‑villes des villes moyennes.

Une position proche a été défendue par le professeur François-Xavier Lucas, qui souligne l’utilité du dispositif mais propose d’en limiter le bénéfice aux petites entreprises.

L’administratrice judiciaire Hélène Bourbouloux suggère quant à elle de renforcer l’encadrement juridique du dispositif en prévoyant un contrôle supplémentaire afin de « s’assurer que le plan de redressement, qui, lui, conduit au remboursement de la dette, n’est pas possible, et que le dirigeant n’a pas commis de faute ([161]) ».

ii.   Un équilibre à trouver

Vos rapporteurs considèrent que le rétablissement d’un tel dispositif présenterait une utilité, à condition d’être assorti de garde-fous suffisants pour en limiter les effets d’aubaine. Pour cela, des conditions supplémentaires paraissent nécessaires. Une solution équilibrée consisterait à limiter le dispositif aux petites entreprises et à s’assurer qu’aucun plan de redressement n’a pu être établi.

Proposition  46 : Réintroduire un dispositif permettant au dirigeant de se porter candidat à la reprise de son entreprise en l’assortissant de garde-fous.

Limiter cette possibilité aux petites entreprises et s’assurer que le plan de continuation n’était pas une option envisageable.

2.   Réfléchir à un nouveau dispositif fiscal pour inciter aux reprises

Face aux faiblesses du dispositif fiscal actuel prévu à l’article 44 septies du code général des impôts, une nouvelle réflexion doit être menée pour élaborer un outil fiscal véritablement incitatif pour favoriser les reprises.

a.   Les dispositions de l’article 44 septies du code général des impôts

Afin de favoriser la reprise d’activités, d’inciter à la création d’entreprises nouvelles et d’aider ces entreprises à asseoir et à consolider leur position au cours des premières années d’activité, le législateur a instauré un mécanisme d’exonération fiscale propre aux sociétés en difficulté, codifié à l’article 44 septies du code général des impôts. Cet article prévoit une exonération d’impôt sur les sociétés (IS) en faveur des sociétés créées pour reprendre une entreprise industrielle en difficulté. L’exonération porte sur les bénéfices réalisés sur les 24 mois suivant la reprise.

Cette exonération s’applique lorsque l’entreprise est en difficulté : elle doit être en sauvegarde, en redressement ou en liquidation judiciaire et faire l’objet d’une cession judiciaire. L’exonération peut également être accordée, lorsque, sans qu’elle fasse l’objet d’une procédure collective, l’état de difficulté de l’entreprise rend imminent la cessation de paiements. Cette situation est appréciée à partir d’un faisceau d’indices, qui prend notamment en compte les évolutions des effectifs et du chiffre d’affaires et la situation nette de l’entreprise.

La notion d’activité industrielle dans le cadre
de l’article 44 septies du code général des impôts

« Les activités industrielles s’entendent des activités qui remplissent les deux conditions cumulatives suivantes :

 elles consistent en la transformation de matières premières ou de produits semi-finis en produits fabriqués ;

 le rôle du matériel ou de l’outillage utiles à la réalisation de ces activités est prépondérant.

Par conséquent, ne peuvent pas être considérées comme industrielles notamment les activités suivantes :

 les activités commerciales qui consistent principalement en l’achat-revente de marchandises en l’état ;

 les activités financières (banques, assurances, etc.) ;

 les activités se rattachant au secteur des services tels que le transport, la réparation, la maintenance ;

 les activités du bâtiment et des travaux publics ;

 les activités extractives et la production d’énergie ;

 les activités culturelles ou artistiques qui concourent à la réalisation d’une œuvre originale, quels que soient les moyens mis en œuvre.

L’ensemble des actifs repris doit être affecté à l’activité industrielle de l’entreprise reprise. Par conséquent, lorsque l’entreprise ou l’établissement repris, selon le cas, exerce simultanément une activité industrielle et une ou plusieurs autres activités ne présentant pas ce caractère, les dispositions de l’article 44 septies du CGI ne sont pas applicables à l’entreprise nouvelle, sauf si les activités non industrielles constituent le complément indissociable d’une activité industrielle exercée à titre principal.

Aux termes du troisième alinéa du I de l’article 44 septies du CGI, les activités exercées dans l’un des secteurs suivants n’ouvrent pas droit au bénéfice de l’exonération : transports et infrastructures correspondantes ; construction navale ; fabrication de fibres synthétiques ; sidérurgie ; charbon ; production et distribution d’énergie ; infrastructures énergétiques ; production agricole primaire ; transformation et commercialisation de produits agricoles ; pêche et aquaculture.

En cas d’exercice simultané, au sein de l’entreprise reprise ou de l’établissement repris, d’activités industrielles éligibles au dispositif prévu par l’article 44 septies du CGI et d’activités expressément exclues par ce dispositif, l’exonération ne pourra pas être accordée à l’entreprise nouvelle ».

Source : extrait du BOFIP BOI-IS-GEO-20-10-10

 

 

Afin d’assurer sa conformité avec le droit européen et plus particulièrement le régime des aides d’État, l’aide fiscale est plafonnée et le montant des aides versées varie en fonction du nombre d’emploi créé et de la région de la reprise. L’exonération est ainsi plafonnée dans la limite d’un avantage d’impôt de 200 000 euros sur trois exercices fiscaux. Ce plafond peut être majoré dans la limite de 750 000 euros en fonction du lieu d’implantation (zones d’aide à finalité régionale), de la taille de l’entreprise et du nombre d’emploi sauvés. En fonction du plafonnement, l’exonération est accordée de plein droit ou par agrément. La société doit alors prendre l’engagement de conserver les emplois maintenus et créés dont le coût est retenu pour le calcul de l’exonération, pendant une période minimale de cinq ans (ou trois ans pour les PME) à partir de la date de reprise ou de création.

Les collectivités territoriales peuvent, par délibération, compléter l’aide ainsi accordée par des exonérations d’impôts directs locaux.

Les évolutions de l’article 44 septies du code général des impôts
sous l’influence du droit de l’Union européenne en matière d’aide d’État

Les dispositions de l’article 44 septies ont été aménagées sous l’influence du droit européen, afin de rendre cette exonération compatible avec le droit de l’Union européenne.

Ainsi, par une décision rendue le 16 décembre 2003, la Commission européenne a considéré l’ancien régime de l’article 44 septies contraire au droit de l’Union européenne. En particulier, la Commission a estimé que le régime en cause procurait un avantage à ses bénéficiaires en les exonérant de charges qui grèvent normalement le budget des entreprises françaises, à savoir l’impôt sur les sociétés, la taxe foncière et la taxe professionnelle, entraînant ainsi une diminution des recettes fiscales. La non-conformité au droit européen découlait notamment du fait que le dispositif ne comportait aucune limite de montant et ne visait pas à financer certaines régions ou à aider spécifiquement les PME.

À la suite de la décision de la Commission européenne, l’article 44 septies a fait l’objet d’une importante réforme afin d’être mis en conformité avec les exigences européennes. Le régime actuel est issu de la loi de finances rectificative pour 2004 et validé le 1er juin 2005 par la Commission européenne.

b.   Un bilan peu satisfaisant rendant nécessaire une réflexion pour un nouveau dispositif

Cette exonération fiscale est dans les faits très peu utilisée. Comme l’indique le tome II évaluations des voies et moyens annexées au projet de loi de finances pour 2021, 167 entreprises ont bénéficié de cette exonération en 2020 (contre 193 en 2019). Le coût de cette niche pour le budget de l’État est estimé à 4 millions pour l’année 2021.

 

Lors des discussions budgétaires sur le projet de loi de finances pour l’année 2021, cette exonération a été prorogée par voie d’amendement jusqu’au 31 décembre 2021, alors qu’elle devait s’éteindre le 31 décembre 2020 (article 144 de la loi de finances pour l’année 2021). Le Parlement a également demandé au Gouvernement de lui remettre un rapport évaluant le coût du dispositif prévu à l’article 44 septies du code général des impôts pour l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés ainsi que son efficacité au regard des objectifs qui lui sont fixés. Ce rapport devait en principe être remis au Parlement au 1er juillet.

Le dispositif souffre de trois principales faiblesses :

– la complexité de sa mise en œuvre ;

– l’assiette, qui porte donc sur l’impôt sur les sociétés, paraît mal adaptée car une entreprise réalise généralement assez peu de bénéfices les premières années de sa reprise ;

– seules les activités industrielles sont concernées.

À l’heure actuelle, plusieurs pistes pourraient être envisagées concernant l’avenir de cette exonération. Une suppression pure et simple ne paraît pas souhaitable dans le contexte actuel. Remplacer ce mécanisme fiscal incitatif par un mécanisme subventionnel ne paraît pas non plus opportun car le risque serait de générer des effets d’aubaine importants. La solution la plus adéquate serait de concevoir une nouvelle exonération modernisée et simplifiée, accessible quel que soit le secteur d’activité de l’entreprise et qui porterait sur les impôts de production. Il conviendrait dans ce cadre de prévoir des modalités de compensation des charges financières afférentes de l’État vers les collectivités territoriales.

Proposition n° 47 : Concevoir pour la reprise des entreprises en difficulté une nouvelle incitation fiscale modernisée et simplifiée, qui serait accessible quel que soit le secteur d’activité de l’entreprise et qui porterait sur les impôts de production.

Prévoir dans ce cadre des modalités de compensation par l’État des pertes de recettes pour les collectivités territoriales.

 

 

 

 

 

C.   SUPPRIMER LES STIGMATES ASSOCIés aux PROCédures collectives ET GARANTIR LE DROIT À l’OUBLI

Les stigmates associés aux procédures collectives et plus particulièrement à la faillite doivent être supprimés pour garantir un véritable droit à l’oubli, condition essentielle au rebond de l’entrepreneur.

1.   Des stigmates solidement ancrés

Les stigmates de la faillite sont solidement ancrés et continuent d’obérer les capacités de rebond du chef d’entreprise, souvent durement touché par cette période difficile, parfois surnommée la période des « 3 D » pour « dépôt, dépression, divorce ».

La « constance des stigmates de la faillite » –  pour reprendre le titre d’une récente thèse publiée par la docteure en droit Mme Margas Verges – peut se traduire par des difficultés d’accès à l’emprunt, y compris à titre personnel, et plus globalement par une méfiance généralisée à l’égard du chef d’entreprise. Alors que les difficultés sont censées être derrière lui, l’image de l’entreprise et de son dirigeant reste ternie. Si le législateur cherche depuis plusieurs années à en limiter les effets, à travers le principe du rebond de l’entrepreneur honnête, du droit à la deuxième chance et du droit à l’oubli, il s’avère particulièrement difficile de lutter contre ces préjugés ancrés dans l’imaginaire collectif.

2.   Consolider le principe du droit à l’oubli dans notre cadre juridique

L’entrée en procédure collective et la liquidation judiciaire se traduisent juridiquement par l’inscription de ces informations dans un certain nombre de documents attachés au dirigeant.

Afin de mieux garantir le droit au rebond, la loi PACTE a permis quelques progrès, animés par la volonté de garantir une deuxième chance au chef d’entreprise de bonne foi. Ainsi, l’article 69 de la loi a supprimé la mention de la liquidation judiciaire au casier judiciaire (article 768 du code de procédure pénale). Cette mesure permet d’effacer le caractère stigmatisant d’une telle mention, alors que l’entrepreneur peut être parfaitement honnête. Seules les faillites personnelles et les interdictions de gérer demeurent inscrites.

De façon assez symbolique, la loi PACTE a également autorisé les chefs d’entreprise ayant fait l’objet d’une procédure collective à devenir juges au tribunal de commerce. Restent exclues les personnes qui font l’objet d’une procédure collective en cours et celles qui ont fait l’objet de sanctions personnelles pour insuffisance d’actif, faillite personnelle ou banqueroute (dans des conditions prévues à l’article L. 723-4 du code de commerce).

Se pose également la question des délais de radiation d’office sur l’extrait de K-bis. Le K-bis est un document officiel fourni par le greffe, qui est généralement demandé au dirigeant lors d’une candidature à un appel d’offres public, de l’ouverture d’un compte bancaire, ou encore d’achat de matériel professionnel auprès de distributeurs. Les principales décisions rendues en matière de procédure collective (ouverture, plan, clôture, sanction, renouvellement de période d’observation) sont mentionnées d’office par le greffe du tribunal au registre du commerce et des sociétés et sont en conséquence visible sur son extrait de K-bis.

Pour éviter que l’entreprise reste marquée trop longtemps par les effets d’une procédure, les mentions au K-bis sont radiées d’office au bout d’un certain temps, dans les conditions prévues à l’article R. 123-135 du code de commerce (voir l’encadré ci-dessous).

Pour ce qui concerne les délais de radiation applicable lorsque la procédure est toujours en cours, ces derniers ont été réduits à deux ans par le décret du 10 février 2020 (auparavant, ils étaient fixés à cinq ans pour le redressement et trois ans pour la sauvegarde). Ce délai a été temporairement à nouveau réduit à un an par l’article 8 de l’ordonnance du 20 mai 2020, ces dispositions étant applicables jusqu’au 17 juillet 2021.

Article R. 123-135 du code de commerce

Sont radiées d’office les mentions relatives aux décisions mentionnées à l’article R. 123-122 lorsque :

1° Il a été mis fin à une procédure de sauvegarde en application de l’article L. 622-12 ;

2° Il a été mis fin à une procédure de redressement en application de l’article L. 631-16 ;

3° Il a été constaté l’achèvement de l’exécution du plan de sauvegarde ou de redressement en application de l’article L. 626-28 ;

4° Le plan de sauvegarde est toujours en cours à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de son arrêté ;

5° Le plan de redressement est toujours en cours à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de son arrêté ;

6° Il a été mis fin à une procédure de liquidation judiciaire pour extinction du passif en application de l’article L. 643-9.

Les radiations prévues aux 4° et 5° font obstacle à toute nouvelle mention intéressant l’exécution du plan de sauvegarde ou de redressement, sauf si celle-ci est relative à une mesure d’inaliénabilité décidée par le tribunal ou à une décision prononçant la résolution du plan.

Vos rapporteurs préconisent d’inscrire ce délai d’un an durablement dans le droit.

Il pourrait aussi être envisagé, comme le propose le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ), de réduire encore cette durée en la fixant à 6 mois, quitte à limiter cette réduction de durée d’inscription aux procédures nées de la crise sanitaire, à savoir celles ouvertes entre le 12 mars 2020 et une date à déterminer qui sera considérée comme l’issue de la crise.

Une façon complémentaire d’aller plus loin, suggérée par la conférence des juges consulaires, serait de laisser au tribunal la possibilité de porter ou non la mention sur le K-bis, après avoir pris l’avis du ministère public.

Proposition n° 48 : Poursuivre les efforts de déstigmatisation en réduisant la durée des mentions au K-bis.

– Pérenniser les dispositions de l’ordonnance du 20 mai 2020 en fixant à un an la durée de radiation au K-Bis.

– Prévoir un délai plus restreint de 6 mois pour les entreprises dont les difficultés sont liées à la crise sanitaire.

– Permettre au juge de décider de porter ou non la mention au K-bis, après avis du ministère public.

3.   Un changement culturel nécessaire

Si les évolutions juridiques sont bien sûr utiles, la disparition des stigmates liée aux procédures collectives nécessite avant tout un changement des mentalités. Il est indispensable de communiquer sur les « vertus de l’échec » afin de changer l’image de l’entrepreneur ayant connu la défaillance et de sortir de l’effet de mauvaise réputation, source de problématiques à la fois individuelles et collectives, psychologiques et économiques. La culture entrepreneuriale anglo-saxonne, où l’échec est perçu comme une étape pouvant être valorisée dans le parcours de l’entrepreneur, doit constituer une source d’inspiration.

Les initiatives conduites en ce sens doivent être valorisées, notamment à travers une mise à l’honneur plus systématique des dirigeants passés par une phase de procédures collectives. Plusieurs associations se sont constituées pour valoriser ce type de profil et accompagner, notamment psychologiquement, les chefs d’entreprises concernés (voir supra). Ces dernières jouent un rôle important au stade de la prévention mais aussi dans le rebond du chef d’entreprise, afin de lutter contre les idées reçues, mais persistantes, de la faillite.

Proposition n° 49 : Soutenir les initiatives permettant de communiquer sur les vertus de l’échec.

4.   Réformer le régime de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif

Il n’existe pas que des chefs d’entreprise vertueux et il est dès lors tout à fait souhaitable de maintenir un système de sanctions permettant d’écarter ceux qui ne respectent pas les règles. Néanmoins, le cadre juridique de la sanction applicable en cas d’insuffisance d’actif est marqué par certaines caractéristiques dérogatoires du droit commun, qui participent également de la stigmatisation de la faillite. Il paraît dès lors souhaitable de repenser le cadre applicable en la matière pour que le régime répressif soit proportionné et conforme aux principes fondamentaux de notre droit.

Les trois types de sanctions prévus au livre VI du code de commerce

Les dirigeants dont les fautes de gestion expliquent les difficultés de l’entreprise s’exposent personnellement à des sanctions prévues dans le code de commerce, qui sont cumulables entre elles. Il s’agit :

– du comblement en tout ou partie pour insuffisance d’actif afin de réparer le dommage subi par le créancier ;

 de la faillite personnelle, qui peut être prononcée par le tribunal. Elle peut se traduire par une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise ou toute personne morale ;

– du délit de banqueroute, passible de cinq ans d’emprisonnement, de 75 000 euros d’amende et de diverses peines complémentaires, pour les cas les plus graves.

Le droit moderne a peu à peu dépénalisé les conséquences, pour les dirigeants, de la faillite de leur entreprise, en limitant les sanctions pénales prononcées par les tribunaux correctionnels aux fautes les plus graves (banqueroute, détournement de biens sociaux, etc.).

S’agissant des fautes de gestion, sanctionnées civilement par les tribunaux de commerce, elles font désormais encourir aux dirigeants de droit ou de fait des sanctions pécuniaires (l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif) et des sanctions dites personnelles (la faillite personnelle et l’interdiction de gérer).

Si les fautes de gestion n’ont plus de caractère pénal, le régime applicable en la matière déroge encore à plusieurs principes fondamentaux de notre droit et reste marqué par une grande sévérité, malgré certaines évolutions récentes qui vont dans le bon sens, notamment avec la loi PACTE qui a allégé les sanctions applicables en cas de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer, lorsque les fautes ont été commises sans intention frauduleuse.

 

En particulier, il apparaît aujourd’hui nécessaire de réformer le régime applicable en matière d’action en responsabilité pour insuffisance d’actif (article L. 651-2 du code de commerce). Il ne s’agit pas tant de traiter du nombre (puisque peu de dossiers sont concernés) mais plutôt d’amener de la lisibilité et de la sécurité juridique pour les entrepreneurs en faisant en sorte de lever les peurs d’aller vers le tribunal de commerce.

Article L. 651-2 du code de commerce

« Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée.

[…]

L’action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire. […] »

 

a.   Consacrer un principe de proportionnalité entre le préjudice causé par la faute de gestion et la condamnation

Dans le régime actuel, en cas de faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif, le tribunal peut condamner le dirigeant à payer « tout ou partie » de cette insuffisance d’actif, indépendamment du lien de causalité et de la proportion entre la faute (la faute de gestion) et le préjudice (l’insuffisance d’actif) ([162]).

Ainsi, à titre d’exemple, en cas d’insuffisance d’actif d’un montant d’un million d’euros et d’une faute de gestion ayant contribué à hauteur de vingt mille euros à cette insuffisance d’actif, le tribunal peut condamner le dirigeant responsable à un montant compris entre zéro et un million d’euros.

Cette absence dans le droit positif de corrélation entre le préjudice causé par la faute commise et la sanction retenue paraît d’une grande sévérité et entre en contradiction avec le principe du droit civil dit de la réparation intégrale, selon lequel le responsable doit réparer tout le préjudice, mais rien que le préjudice ([163]). Certes, en l’état actuel du droit, la souplesse d’appréciation peut tout aussi bien bénéficier au dirigeant ruiné, dans la mesure où le tribunal pourra modérer la condamnation en fonction de ses facultés contributives et, partant, le condamner à une somme inférieure à la part de l’insuffisance d’actif que sa faute aura causée. Mais, l’inverse est aussi vrai : en l’état, le dirigeant peut être condamné à une somme bien supérieure à la seule insuffisance d’actif engendrée par sa faute.

Comme cela a été souligné par plusieurs acteurs auditionnés, il paraît indispensable de modifier ces dispositions afin de consacrer un véritable principe de proportionnalité entre le préjudice causé par la faute et la condamnation prononcée. Cette exigence de proportionnalité doit également porter sur le rapport entre le montant d’une éventuelle sanction pécuniaire et les facultés contributives du dirigeant poursuivi.

b.   Revoir les règles de prescription et définir la faute de gestion

En droit français, les crimes et les délits se prescrivent lorsqu’un certain nombre d’années se sont écoulées depuis la commission des faits. Pour les crimes les plus graves, ce délai est fixé à vingt ans en principe, davantage dans certains autres cas. Les cas d’imprescriptibilité sont extrêmement limités. Si l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire, les fautes que cette action a pour objet de sanctionner sont, elles, imprescriptibles.

Rien ne semble aujourd’hui justifier ce traitement dérogatoire du droit commun. Il est dès lors nécessaire de prévoir un délai de prescription pour ces fautes, qui pourrait être fixé à trois ans, en suivant ainsi les règles de prescription qui s’appliquent en matière de contentieux de la responsabilité civile (articles L. 225‑254 du code de commerce).

En outre, il pourrait également être souhaitable de donner une définition légale des fautes de gestion, afin d’accroître la sécurité juridique de ce régime. Comme le relève l’association pour le retournement des entreprises, « dans les faits, cette sanction pécuniaire a une réelle visée punitive, les tribunaux n’hésitant pas à fixer le montant de la condamnation en fonction, non du préjudice subi, mais de la gravité de la faute, avec une appréciation très subjective. Dans la mesure où il n’existe aucune définition légale de la faute de gestion, c’est la jurisprudence qui, au cours des années, a dressé un catalogue des fautes de gestion. Mais ce catalogue est sans fin et de nouvelles fautes peuvent être créées, entraînant une imprévisibilité considérable pour les dirigeants dans la gestion de leur entreprise ». Il pourrait donc être souhaitable d’instaurer une définition légale des fautes de gestion en précisant ainsi le champ d’application du régime.

Il s’agit là d’évolutions nécessaires pour poser les fondements d’une nouvelle politique publique visant à rendre les procédures préventives et collectives plus attractives et à garantir un véritable droit au rebond à l’entrepreneur.

Proposition n° 50 : Réformer le régime de la faute de gestion ayant contribué à une insuffisance d’actif.

– Instaurer dans le droit positif un principe de proportionnalité entre le préjudice causé et la sanction prononcée.

– Prévoir un principe de prescription triennale.

– Envisager de définir précisément dans le droit la faute de gestion, pour apporter de la sécurité juridique.

D.   PROTÉGER LE CHEF D’ENTREPRISE

La protection de l’entrepreneur et de ses biens est une condition sine qua non du droit à la deuxième chance et du rebond.

1.   Mieux protéger les biens personnels de l’entrepreneur

Le rebond de l’entrepreneur peut être empêché lorsque des dettes engendrées par son activité professionnelle pèsent trop lourdement sur son patrimoine personnel.

Deux cas de figure méritent d’être distingués :

– lorsque l’entrepreneur a fait le choix de créer son entreprise sous une forme sociale à responsabilité limitée, son patrimoine personnel est en principe censé être protégé en cas de difficultés financières (car le patrimoine personnel est clairement distingué du patrimoine professionnel). Toutefois, ce principe connaît de très nombreuses atténuations du fait des demandes de cautionnement ou d’autres sûretés, très régulièrement exigées par les partenaires financiers ;

– lorsque l’entrepreneur exerce son activité en tant qu’entrepreneur individuel, son patrimoine personnel et son patrimoine professionnel ne forment juridiquement qu’un seul et même patrimoine, ce qui peut entraîner des conséquences graves en cas de liquidation.

Certains garde-fous existent déjà dans notre droit pour protéger le patrimoine personnel de l’entrepreneur.

En particulier, le législateur a posé un principe d’insaisissabilité de la résidence principale, principe qui s’est renforcé au fil des évolutions législatives, notamment depuis la loi Macron.

Concernant le droit des cautions, celui-ci est entouré d’un formalisme exigeant destiné à prévenir et informer le mieux possible la personne qui se porte caution. Le droit prévoit également un principe de proportionnalité, prévu à l’article L. 341-4 du code de la consommation qui dispose qu’« un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. ».

Une réflexion supplémentaire peut être conduite sur ces sujets.

Vos rapporteurs proposent en premier lieu d’étendre le principe de la protection de la caution dans le cadre du plan de redressement, comme cela a été développé supra.

En deuxième lieu, il paraît important d’assurer un accompagnement plus systématique de l’entrepreneur lors de la négociation de la caution avec les partenaires financiers. En effet, il importe que le dirigeant soit éclairé et conseillé pendant cette période dont les conséquences peuvent être très lourdes. Lors de la négociation de la caution, le dirigeant peut notamment tenter d’obtenir un plafond de dette au-delà duquel il est libéré de ces obligations. En outre, il convient de veiller à préserver le formalisme du droit des cautions dans le cadre des évolutions à venir du droit des sûretés.

Enfin, en troisième lieu, il est essentiel de garantir une bonne articulation entre le code de commerce et les dispositions du code de la consommation relative au surendettement. Ce lien existe déjà, notamment en vertu de l’article L. 711-1 du code de la consommation qui dispose que « l’impossibilité de faire face à un engagement de cautionner ou d’acquitter solidairement la dette d’un entrepreneur individuel ou d’une société caractérise également une situation de surendettement ». Ainsi, l’engagement de caution d’un entrepreneur individuel ou d’une société est pris en compte dans le calcul des dettes éligibles au surendettement de la personne physique, bien qu’il s’agisse de dettes professionnelles. Comme le proposent les sénateurs MM. François Bonhomme et Thani Mohamed Soilihi dans leur rapport précité, cette logique mériterait d’être renforcée en incluant l’ensemble des dettes professionnelles, dès lors qu’elles pèsent sur le patrimoine personnel. En outre, il convient de mieux informer le débiteur de ces possibilités au cours de la procédure, ce qui pourrait prendre la forme d’une information obligatoire et systématique, qui incomberait au mandataire de justice.

 

Proposition n° 51 : Assurer une plus grande protection des biens personnels de l’entrepreneur.

– Prévoir un accompagnement plus systématique du dirigeant dans le cadre de la négociation de la caution et préserver le formalisme attaché au droit des cautions.

– Permettre le traitement des dettes professionnelles pesant sur le patrimoine professionnel dans le cadre des procédures de surendettement. Informer systématiquement le dirigeant sur ces possibilités.

 

2.   Poursuivre la réflexion pour aller vers une protection sociale des entrepreneurs

La protection de l’entrepreneur doit également s’envisager dans le cadre d’une réflexion plus globale autour de la protection sociale du chef d’entreprise, comme cela a été souligné par plusieurs des personnes auditionnées.

En cas de dépôt bilan, outre la crainte de voir grever leur patrimoine personnel, les entrepreneurs se retrouvent sans assurance chômage.

Promesse de campagne du Président de la République, le droit universel à l’assurance-chômage, qui implique de prévoir un régime d’indemnisation des travailleurs non-salariés, a pour l’heure connu une traduction législative partielle, dont le bilan est loin de répondre à l’ampleur de la problématique.

Ainsi, l’allocation des travailleurs indépendants (ATI) introduite par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel et codifiée aux articles L. 5424‑24 à L. 5424-28 du code du travail rencontre un succès extrêmement modéré.

Cette aide permet à ses bénéficiaires de recevoir une aide de 800 euros (26,30 euros par jours), versée pendant six mois.

Malheureusement, le dispositif semble avoir largement manqué sa cible. Selon les chiffres cités dans le rapport présenté par le député M. Dominique Da Silva, « depuis son entrée en vigueur, début novembre 2019, jusqu’à la fin février 2021, l’allocation a été versée à seulement 911 personnes, alors que les études d’impact tablaient sur un peu plus de 29 000 bénéficiaires – ce qui était déjà peu, rapporté aux quelque 3,2 millions d’indépendants ([164]) ».

L’échec du dispositif semble principalement s’expliquer par des conditions d’accès trop restrictives, qui en limitent de facto grandement le bénéfice. Ces conditions cumulatives sont les suivantes :

– avoir exercé une activité non salariée sans interruption pendant au moins 2 ans dans une seule et même entreprise ;

– avoir cessé son activité à cause d’une liquidation judiciaire ou à cause d’un redressement judiciaire (lorsque le tribunal ordonne le remplacement du dirigeant) ;

– rechercher activement un emploi, c’est-à-dire être inscrit à Pôle emploi et fournir les efforts nécessaires pour en trouver un ;

– avoir un revenu d’au moins 10 000 € par an sur les 2 années qui ont précédé la cessation ;

– disposer de ressources personnelles inférieures au montant du revenu de solidarité active (RSA).

Trois ans après le vote de l’ATI, il convient aujourd’hui de tirer les leçons de son échec et de poser les fondements d’une véritable protection sociale du chef d’entreprise. Le dispositif doit être revu en profondeur. Ces critères d’accessibilité doivent être élargis. En particulier, le critère de revenu (fixé à 10 000 euros) n’est pas adapté à la situation des travailleurs indépendants, qui plus est lorsque ces derniers sont confrontés à des difficultés ([165]).

Proposition n° 52 : Créer une véritable protection sociale accessible aux travailleurs nonsalariés.

Pour cela, revoir et élargir les conditions d’accès à l’allocation des travailleurs indépendants.


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   LISTE DES PROPOSITIONS

Proposition n° 1 : Encourager le recours au dispositif d’activité partielle de longue durée.

 

Proposition n° 2 : Prolonger les aides du fonds de solidarité pour les entreprises subissant des pertes de chiffre d’affaires du fait des conséquences économiques de la pandémie de Covid19 en retenant des critères plus précis liés aux coûts fixes et au caractère saisonnier de l’activité.

 

Proposition n° 3 : Permettre d’allonger au cas par cas la durée d’amortissement des prêts garantis par l’État au-delà des six ans, jusqu’à une durée maximale fixée à 10 ans.

– Pour cela, approfondir le dialogue au niveau européen pour autoriser les États-membres à aller au-delà du plafond actuel.

– Envisager de confier l’évaluation au cas par cas des nécessités d’allonger l’étalement du remboursement aux comités départementaux de sortie de crise.

– Envisager un réexamen annuel pour moduler le délai en fonction de l’évolution financière de l’entreprise.

– Rendre fongible le PGE dans un prêt de consolidation.

 

Proposition n° 4 : Allonger la durée des plans de recouvrement proposés pour le recouvrement des cotisations sociales et des impositions reportées pendant la crise sanitaire.

 

Proposition n° 5 : Poursuivre l’accélération du traitement des demandes de remboursement de crédit ou de restitution de trop-versé au titre d’impositions dont sont redevables les entreprises.

 

Proposition n° 6 : Recommander l’insertion d’une annexe « fait Covid-19 » dans les documents fournis à l’occasion du dépôt des comptes annuels des entreprises.

Cette annexe ferait apparaître l’impact de la pandémie sur le bilan et le résultat des entreprises concernées.

 

Proposition n° 7 : Permettre la restructuration des prêts garantis par l’État souscrits par les entreprises en endettement long.

 

Proposition n° 8 : Encourager le développement de la fiducie.

– Développer la fiducie comme l’une des solutions de mise en œuvre opérationnelle de la transformation en fonds propres ou quasi fonds-propres des PGE.

– Élargir le vivier des fiduciaires potentiels en ouvrant cette possibilité aux administrateurs et mandataires judiciaires.

 

Proposition n° 9 : Attirer davantage l’épargne des ménages vers les petites et moyennes entreprises.

– Déplafonner les versements des plans d’épargne en actions (PEA) destinés aux PME en séparant les plafonds de versement en numéraire effectués sur les PEA « classiques » et les PEA destinés au financement des PME.

– Mobiliser les fonds d’investissement de proximité (FIP) et les fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI).

 

Proposition n° 10 : Accroître les efforts visant à raccourcir les délais de paiement.

– Garantir l’exemplarité de la commande publique.

– Soutenir la politique de contrôle de la DGCCRF.

– Envisager de réduire à 30 jours fin de mois le délai contractuel maximal, au moins au bénéfice des petites entreprises et des secteurs d’activité les plus sensibles.

 

Proposition n° 11 : Garantir la formation des dirigeants de TPE et PME.

– Rendre obligatoire un nombre annuel d’heures de formation pour les chefs de TPE et PME leur permettant d’acquérir des bases en matière comptable et financière.

– Assurer une prise en charge financière de cette obligation via les fonds d’assurance formation et le cas échéant par le crédit d’impôt pour les dépenses de formation.

– Consacrer une part de ces heures de formation à une initiation aux outils existants en matière de prévention et d’accompagnement des entreprises en difficulté.

 

Proposition n° 12 : Inciter financièrement les entreprises en difficulté du fait de la crise sanitaire à faire appel aux conseils d’un professionnel du droit ou du chiffre.

Mettre en place une aide financière spécifique – sous la forme d’un chèque ou d’un crédit d’impôt – pour inciter les petites entreprises en difficultés du fait de la crise sanitaire à s’entourer de professionnels compétents.

 

Proposition n° 13 : Diffuser les outils de diagnostic et d’autodiagnostic pour améliorer les capacités de détection des difficultés des entreprises.

 

Proposition n° 14 : Renforcer le rôle de l’expert-comptable en matière de prévention.

– Instaurer un devoir de prévention de l’expert-comptable, qui aurait l’obligation, en cas de difficultés, d’alerter le chef d’entreprise.

– En cas d’arrêt de perception des honoraires, prévoir un entretien obligatoire entre l’expert‑comptable et le chef d’entreprise ainsi qu’un droit d’alerte du tribunal.

– Renforcer la formation des experts-comptables au droit des entreprises en difficulté afin que ces derniers soient davantage en mesure d’orienter et de conseiller le chef d’entreprise.

 

Proposition n° 15 : Renforcer l’efficacité de l’alerte donnée par le commissaire aux comptes (CAC).

– Pérenniser les dispositions introduites par l’ordonnance du 20 mai 2020 qui renforcent les capacités d’alerte du CAC.

– Prévoir plusieurs aménagements pour renforcer cette mission d’alerte : permettre aux CAC d’informer le directeur de la société le cas échéant et ajouter au courrier transmis au tribunal le courrier initialement envoyé par le chef d’entreprise.

 

Proposition n° 16 : Mobiliser les partenaires financiers et en particulier les banques autour de l’alerte et de l’orientation du chef d’entreprise.

– Introduire un devoir d’information des partenaires financiers, notamment des banquiers, afin que ces derniers informent le chef d’entreprise sur le rôle des outils et procédures de prévention. Les banquiers pourraient notamment transmettre les informations relatives aux incidents de paiement (impayés, plafond de découvert…) ainsi qu’aux critères de cotation de la Banque de France.

Ces éléments devraient systématiquement figurer dans les courriers adressés à l’entreprise rencontrant des difficultés avec ses partenaires financiers.

 

Proposition n° 17 : Accroître le rôle des créanciers publics en matière d’information et d’orientation du chef d’entreprise.

– Prévoir dans les courriers de relance des créanciers publics, notamment de l’URSSAF, une information systématique et complète sur les dispositifs de prévention existants et notamment les dispositifs judiciaires.

– Encourager le chef d’entreprise bénéficiaire d’un moratoire par un créancier public à se rendre au tribunal dans le cadre des cellules de prévention.

 

Proposition n° 18 : Soutenir les initiatives privées et systématiser l’accompagnement psychologique des chefs d’entreprises.

– Généraliser les groupements de prévention agréés (GPA) dans l’ensemble des territoires.

– Systématiser l’accompagnement psychologique des chefs d’entreprises.

– Modifier l’article L. 611-1 du code de commerce afin d’inclure explicitement l’accompagnement psychologique dans les missions des GPA.

 

Proposition n° 19 : Permettre expressément la participation des présidents de tribunaux de commerce ou du juge de prévention aux CODEFI.

– Les habiliter au secret fiscal en ce sens.

– Rendre obligatoire la transmission des informations détenues par le CODEFI au tribunal de commerce.

 

Proposition n° 20 : Rendre obligatoire un entretien du CODEFI avec le chef d’une entreprise en difficulté.

 

Proposition n° 21 : Renforcer l’efficacité de la plateforme « signaux faibles ».

– Pour cela, la rapprocher de l’outil prédictif développé par les greffes des tribunaux de commerce.

– Élargir la cible de cet outil aux entreprises de moins de 10 salariés.

 

Proposition n° 22 : Moderniser et renforcer les capacités d’intervention des services de l’État.

– Faire évoluer les CODEFI vers des CIRI locaux à travers une adaptation de leurs modalités d’intervention.

– Envisager le rapprochement du secrétariat permanent des CODEFI avec le CRP.

– Garantir la systématisation d’une étape « post détection » qui permette d’aller vers le chef d’entreprise.

– Apporter une plus grande attention aux TPE et à l’économie de proximité en favorisant les stages et les formations en entreprise ou auprès d’administrateurs et de mandataires judiciaires des agents publics.

 

Proposition n° 23 : Concevoir une plateforme en ligne permettant au chef d’entreprise en difficulté de connaître les structures à sa disposition et d’être rapidement orienté vers le ou les dispositifs de prévention les plus appropriés.

Accompagner le lancement de cette plateforme d’une campagne de communication déployée à l’échelle nationale et locale.

 

Proposition n° 24 : Créer un tribunal des entreprises, lieu de prévention et d’accompagnement pour les entreprises en difficulté.

– Transférer le contentieux des sanctions au tribunal judiciaire.

– Prévoir une compétence exclusive pour le tribunal de commerce sur l’ensemble des mesures et des procédures relevant du livre VI du code de commerce, quels que soient la nature d’activité ou le statut de l’entreprise.

– Garantir les moyens humains et financiers du tribunal des entreprises, notamment en permettant le détachement d’assistants de justice.

 

Proposition n° 25 : Consolider la mission préventive du nouveau tribunal des entreprises.

– Prévoir des rendez-vous entre les juges et les chefs d’entreprise dans les locaux des réseaux consulaires (CCI et CMA) ainsi que dans les points justice ou les maisons de justice et du droit.

– Systématiser les entretiens de prévention par le président du tribunal de commerce.

– S’assurer du bon déploiement des cellules de prévention dans les tribunaux.

 

Proposition n° 26 : Clarifier et maîtriser le coût financier des mandats de justice et des procédures.

– Garantir la lisibilité et la transparence sur le montant des rémunérations des différents professionnels, en procédure amiable comme en procédure collective. Pour cela, prévoir systématiquement dès l’ouverture de la procédure l’élaboration de devis prévisionnels et engager une réflexion plus large pour revoir la grille des barèmes de rémunération des mandataires en procédure collective.

– S’assurer de la bonne application de l’article L. 611-16 du code de commerce qui fixe un plafond à 75 % du montant des honoraires pouvant être mis à la charge du débiteur. Pour cela, instaurer un avis obligatoire et exprès du parquet au moment de l’homologation du plan.

– Généraliser le principe de montants forfaitisés des procédures amiables pour les petites entreprises, en mandat ad hoc comme en conciliation.

– Faire connaître et favoriser les modalités de prise en charge publique des coûts des procédures amiables, en partenariat avec les collectivités territoriales.

 

Proposition n° 27 : Moderniser durablement la procédure de conciliation pour la rendre plus attractive.

– Pérenniser le principe de suspension des poursuites ainsi que la possibilité d’étendre la durée de la procédure jusqu’à 10 mois.

– Veiller à une application raisonnée de ce principe par le juge pour éviter les effets d’aubaine.

 

Proposition n° 28 : Élargir le bénéfice de la procédure de sortie de crise simplifiée à l’ensemble des PME.

 

Proposition  29 : Prévoir des possibilités d’extension des plans en sauvegarde et en redressement à 15 ans, lorsque les circonstances liées aux difficultés économiques dues à la crise sanitaire le justifient.

 

Proposition n° 30 : Conduire une nouvelle réflexion pour améliorer les possibilités de saisine du tribunal.

Pour cela, il pourrait être envisagé de prévoir les règles suivantes : lorsque le président du tribunal de commerce saisit le parquet et qu’il n’obtient pas de réponse au-delà d’un certain délai, il pourrait être considéré que cette absence de réponse donne la possibilité au président du tribunal de commerce de s’autosaisir.

 

Proposition n° 31 : Maîtriser les délais de la période d’observation.

– Dans le prolongement de la réduction du délai de la période d’observation en sauvegarde prévue dans le cadre de la transposition de la directive « restructuration et insolvabilité », envisager de réduire le délai de la période d’observation en redressement, en prévoyant une durée de 4 mois renouvelables 3 fois (soit 16 mois possibles au total), le premier renouvellement pouvant être obtenu automatiquement et les deux autres nécessitant une requête du parquet.

– Garantir l’accès aux données nécessaires au bon exercice des missions des mandataires de justice dans des délais raisonnables. Un guichet unique sécurisé pourrait être conçu en ce sens.

 

Proposition n° 32 : Repenser le rôle du juge-commissaire en matière de contestation des créances et de déclaration des créances salariales.

– Donner au juge-commissaire compétence en matière de contestation des créances, afin d’accélérer les procédures.

– Pérenniser le principe de déclaration des créances sous la seule responsabilité du mandataire judiciaire.

 

Proposition n° 33 : Prévoir le principe d’une intervention du mandataire de justice, y compris en deçà des seuils de 3 millions de chiffre d’affaires et 20 salariés, avec une possibilité de demander des dérogations par le débiteur ou le ministère public.

Cette proposition est complémentaire de la proposition n° 26 visant à améliorer la transparence des coûts des procédures.

 

 

Proposition  34 : Assouplir les modalités d’intervention de l’administrateur entre la sauvegarde et le redressement, en fonction des circonstances.

Permettre à l’administrateur de jouer un rôle plus important dans l’élaboration du plan de sauvegarde, lorsque les circonstances le justifient, ou au contraire d’être davantage en retrait dans le cadre des procédures de redressement judiciaire, là encore en fonction des circonstances.

 

Proposition  35 : Permettre à l’ensemble des entreprises en redressement judiciaire, y compris celles en période d’observation, d’accéder à la commande publique.

– Clarifier les règles applicables en prévoyant expressément que le quitus donné par l’administration fiscale et sociale n’est pas obligatoire pour pouvoir candidater à une offre de la commande publique.

La proposition n° 47 doit également permettre d’améliorer l’accès à la commande publique.

 

Proposition  36 : Aligner le traitement des financements en crédit-bail avec celui des prêts bancaires « classiques ».

– Modifier le régime juridique du crédit-bail afin de l’aligner sur le régime applicable aux créances bancaires.

– En conséquence, interdire le règlement de redevances pendant la période d’observation et permettre le ré-étalement d’un contrat sur la durée du plan.

– Garder la possibilité de résilier le contrat de crédit-bail au cours de la période d’observation.

 

Proposition n° 37 : Inscrire durablement dans notre droit le privilège de « post money » pour les nouveaux apports financiers consentis lors des périodes d’observation des procédures de sauvegarde et de redressement.

Ce privilège doit également s’appliquer aux plans déjà en cours afin que les entreprises en convalescence puissent conforter leur rebond et retrouver du crédit.

 

Proposition n° 38 : Renforcer la protection des biens personnels du dirigeant, en alignant le régime de protection en procédure de redressement sur le régime applicable dans le cadre de la sauvegarde.

 

Proposition n° 39 : Mener une réflexion approfondie pour rééquilibrer le droit des créanciers par rapport aux droits des actionnaires.

Élargir les conditions de recours à la dilution et à la cession forcées et étendre ces possibilités aux procédures de sauvegarde.

 

Proposition n° 40 : Dans l’objectif d’éviter les faillites en cascade, revoir l’ordre des privilèges afin de placer les créanciers chirographaires (et notamment les fournisseurs) avant les créanciers publics, qui bénéficient, en l’état actuel du droit, du privilège du Trésor.

 

Proposition n° 41 : Assurer un suivi parlementaire des évolutions concernant le droit des entreprises en difficulté.

En ce sens, assurer un suivi de la mise en œuvre des propositions formulées dans le présent rapport.

 

Proposition n° 42 : Introduire une exception à l’application de la protection contre le licenciement des salariés investis d’une fonction représentative, prévue à l’article L. 2411-1 du code du travail et suivants, lorsqu’une liquidation judiciaire est ouverte.

 

Proposition n° 43 : Inscrire durablement dans le droit l’élargissement des entreprises bénéficiaires de la procédure de liquidation simplifiée.

Permettre à l’ensemble des personnes physiques dont le patrimoine ne comprend pas de biens immobiliers d’accéder à cette procédure.

 

Proposition  44 : Pérenniser les dispositions de l’ordonnance du 20 mai 2020 relatives à la procédure de rétablissement professionnel.

 

Proposition n° 45 : Inscrire dans le droit une durée maximale de la procédure de liquidation judiciaire et limiter dans le temps les interdictions d’exercer une activité professionnelle.

– Prévoir pour le débiteur personne physique le droit d’exercer à nouveau une activité professionnelle dans un délai de trois ans.

– Prévoir une durée maximale de la procédure de liquidation judiciaire de trois ans, avec des possibilités de déroger à cette règle sous le contrôle du tribunal.

 

Proposition  46 : Réintroduire un dispositif permettant au dirigeant de se porter candidat à la reprise de son entreprise en l’assortissant de garde-fous.

Limiter cette possibilité aux petites entreprises et s’assurer que le plan de continuation n’était pas une option envisageable.

 

Proposition n° 47 : Concevoir pour la reprise des entreprises en difficulté une nouvelle incitation fiscale modernisée et simplifiée, qui serait accessible quel que soit le secteur d’activité de l’entreprise et qui porterait sur les impôts de production.

Prévoir dans ce cadre des modalités de compensation par l’État des pertes de recettes pour les collectivités territoriales.

 

Proposition n° 48 : Poursuivre les efforts de déstigmatisation en réduisant la durée des mentions au K-bis.

– Pérenniser les dispositions de l’ordonnance du 20 mai 2020 en fixant à un an la durée de radiation au K-Bis.

– Prévoir un délai plus restreint de 6 mois pour les entreprises dont les difficultés sont liées à la crise sanitaire.

– Permettre au juge de décider de porter ou non la mention au K-bis, après avis du ministère public.

 

Proposition n° 49 : Soutenir les initiatives permettant de communiquer sur les vertus de l’échec.

 

Proposition n° 50 : Réformer le régime de la faute de gestion ayant contribué à une insuffisance d’actif.

– Instaurer dans le droit positif un principe de proportionnalité entre le préjudice causé et la sanction prononcée.

– Prévoir un principe de prescription triennale.

– Envisager de définir précisément dans le droit la faute de gestion, pour apporter de la sécurité juridique.

 

Proposition n° 51 : Assurer une plus grande protection des biens personnels de l’entrepreneur.

– Prévoir un accompagnement plus systématique du dirigeant dans le cadre de la négociation de la caution et préserver le formalisme attaché au droit des cautions.

– Permettre le traitement des dettes professionnelles pesant sur le patrimoine professionnel dans le cadre des procédures de surendettement. Informer systématiquement le dirigeant sur ces possibilités.

 

Proposition n° 52 : Créer une véritable protection sociale accessible aux travailleurs nonsalariés.

Pour cela, revoir et élargir les conditions d’accès à l’allocation des travailleurs indépendants.


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   EXAMEN EN COMMISSION

Lors de leur réunion du mercredi 21 juillet 2021, la commission des affaires économiques, la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire et la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République ont procédé à l’examen du rapport de la mission d’information commune sur les entreprises en difficulté du fait de la crise sanitaire.

À l’issue de la réunion, les commissions précitées ont autorisé la publication du rapport d’information.

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ordre des experts-comptables

– M. Lionel Canesi, président

– M. Valentin Guénanen, directeur de cabinet

– M. Olivier Salamito, secrétaire général

– M. Éric Ferdjallah-Chérel, directeur des études métiers et numérique

– M. Patrick Viault, directeur des études techniques

– M. Damien Dreux, vice-président du conseil supérieur en charge du secteur « la profession au cœur de l’économie »

Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ) *

– Maître Christophe Basse, président

– Maître Frédéric Abitbol, vice-président

– M. Alain Damais, directeur général

– M. Alexandre de Montesquiou, consultant

Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) *

– M. Yannick Ollivier, président

– M. Pierre Berlioz, directeur de cabinet

Conférence générale des juges consulaires de France

– Mme Sonia Arrouas, présidente

– M. Thierry Gardon, président du tribunal de commerce de Lyon

Association pour le retournement d’entreprises (ARE)

– Maître Virginie Verfaillie-Tanguy, avocate associée, présidente

– Mme Clotilde Delemazure, associée en charge du pôle « restructuring »

– Maître Nassim Ghalimi, avocat associé, membre, responsable du comité ARE des lois, des techniques et des pratiques

– M. Jeannerot Philippe, membre du bureau

– Maître Patricia Le Marchand, avocate associée, membre du bureau

– Maître Serge Pelletier, avocat associé, membre du bureau

– M. Victor Malraux, chargé d’études

Institut français des praticiens des procédures collectives (IFPPC)

– M. Olivier Buisine, président

– Mme Cécile Jouin, vice-présidente

– M. Auréliano Boccasile, secrétaire général

Direction générale des entreprises (DGE)

– M. Clément Bertholet, chef de la mission restructuration des entreprises

– Mme Elodie Quezel, directrice opérationnelle « signaux faibles »

Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) *

– Mme Bénédicte Caron, vice-présidente, en charge des affaires économiques

– M. Bruno Dondero, président de la commission juridique

– M. Lionel Vignaud, responsable des affaires économiques, juridiques et fiscales

– M. Adrien Dufour, chargé de mission affaires publiques et organisation

Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) *

– M. Philippe Darmayan, président

Mouvement des entreprises de France (MEDEF) *

– M. Patrick Martin, président délégué

– Mme Joëlle Simon, directrice générale adjointe chargée des questions juridiques

– Mme Christine Lepage, responsable du pôle Économie

– M. Antoine Portelli, chargé de mission senior à la direction des affaires publiques

Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI)

– M. Louis Albisson, adjoint au secrétaire général

– Mme Priscille Merle, rapporteur

Union des entreprises de proximité (U2P) *

– M. Dominique Métayer, président

– M. Pierre Burban, secrétaire général

– Mme Thérèse Note, chargée des relations parlementaires

CCI France *

– M. Pierre Goguet, président

– M.  Pierre Dupuy, chargé de mission affaires publiques ultramarines et relations avec le Parlement

Centre d’information sur la prévention des difficultés des entreprises (CIP)

– M. William Nahum, président

Ministère de la justice

– M. Patrick Rossi, sous-directeur du droit économique au sein de la direction des affaires civiles et du sceau

CMA France *

– M. Joël Fourny, président

– M. Samuel Deguara, directeur des affaires publiques et des relations institutionnelles

APESA France (Association d’aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance aiguë)

– M. Marc Binnié, président

Association 60 000 rebonds

– M. Guillaume Mulliez, président

Association prévention & retournement

– M. Bernard Valla, président

– Maître Caroline Sayag, administrateur, avocate scp Bollet & Associés, Marseille

– Maître Vincent Gillibert, administrateur et administrateur judiciaire Thévenot partners, Aix-en Provence et Marseille

– Maître Rémy Gomez, avocat BBLM, Marseille

Conseil national des Barreaux *

– Mme Marion Coussignal, présidente de la commission droit et entreprise

– M. Jean-Marie Chabaud, membre élu

– M. Thierry Monteran, membre élu

– M. Mamadou Waggeh, chargé de mission affaires publiques

Collectif RTF (Restructuring Task Force)

– M. Stéphane Roussier, coordinateur à l’échelle nationale

– Mme Carole Valenza, responsable de la practice ressources humaines du Collectif

– Mme Emmanuelle Hervé, responsable de la practice communication de crise du Collectif et directrice général de l’agence EH&A Consulting

Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC) *

– Mme Sophie Jonval, présidente

– M. Thomas Denfer, vice‑président

Délégation interministérielle aux restructurations d’entreprises (DIRE)

– M. Guillaume Cadiou, délégué interministériel aux restructurations d’entreprises

– M. Clément Bertholet, délégué adjoint

– Mme Nadine Levratto, directrice du centre de recherche ÉconomiX à Paris-Nanterre

– M. Lionel Nesta, professeur à l’Université Côte‑d’Azur et auteur d’une étude prospective sur les entreprises en difficultés en période de crise sanitaire

Banque de France

– M. Erick Lacourrège, directeur général des services à l’économie et au réseau

– M. Alain Gerbier, directeur des entreprises

– Mme Véronique Bensaid-Cohen, conseillère parlementaire auprès du Gouverneur

Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS)

– M. Yann-Gaël Amghar, directeur

– M. Emmanuel Dellacherie, directeur de la réglementation, du recouvrement et du contrôle (DIRREC)

– M. Alain Gubian, directeur des statistiques, des études et de la prévision

M. Georges Richelme, président de la Mission justice économique

Juges consulaires au tribunal de commerce de Bobigny – Cellule de prévention des entreprises en difficulté

– M. Benoît André

– M. Yves Federspiel

– M. Jean-Luc Gailhac

CHU Fund

– M. Patrick Puy, président

Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR)

– Mme Florence Galtier, procureur de Carcassonne

M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice

France Invest *

– M. Dominique Gaillard, président

– M. Alexis Dupont, directeur général

M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance, chargé des Petites et Moyennes Entreprises, chargé des petites et moyennes entreprises  

BPI France

 Mme Anne Guérin, directrice exécutive, en charge du financement et du réseau

– M. Philippe Mutricy, directeur de l’évaluation, des études et de la prospective

Maître Catherine Poli, administratrice judiciaire, AJRS

Maître Hélène Bourbouloux, administratrice judiciaire, FHBX

Maître Christophe Thevenot, administrateur judiciaire, Thévenot & Associés

Maître Carole Martinez, administratrice judiciaire, 2M&ASSOCIES

Maître Arnaud Marion, Marion & Partners

Maître Jean Dominique Daudier de Cassini, Weill Gotschall

M. Ludovic Deblois, directeur général, Sunpartner technologie

M. Olivier Mathiot, président, The Camp

M. Frédéric Ramé, directeur général, Alteo alumina

M. Elie Farah, head of Financial Services practice in France

Karburan

– M. Jérôme Tarting, président

 

Votre Robin

– M. Julien Latouche, président

M. Marc Sénéchal, mandataire judiciaire

Groupe Gift

– M. Albert Benamran, président

– Mme Anne-Esther Vidal, assistante

Table ronde :

Commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises (CRP)

– M Pascal Theveniaud, CRP d’Occitanie-Est

 M. Xavier Raher, CRP d’Île-de-France

Chambre nationale des commissaires de justice *

– Mme Christine Valès, vice‑présidente

– M. Paul Schiepan, chef de cabinet

– M. Gabriele Mecarelli, directeur juridique

– Mme Xénia Arrignon, conseillère en affaires publiques

Maître Saam Golshani, cabinet White & Case

M. Benoit Desteract, Themis Banque

Maître Alexandre Le Ninivin, avocat associé, Cabinet Oxynomia

Maître Anja Droege Gagnier, associée, Cabinet BMH Avocats

M. Stéphane Roussier, dirigeant, SRF Conseil

Syndicat des Indépendants (SDI) *

– M. Marc Sanchez, président

– M. Jean-Guilhem Darré, délégué général

Maître Frédéric Sueur, cabinet Room avocats

M. Matthieu Conan, professeur de droit public, co-directeur du département Sorbonne fiscalité et finances publiques de l’institut de recherche juridique de la Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

 

 

Ordre des avocats des Hauts de Seine

– Maître Michel Guichard, bâtonnier

– Maître Ludivine Jouhanny, avocat spécialisé dans le droit des entreprises en difficulté

Table ronde dédiée au secteur du tourisme

 Confédération nationale du tourisme (CAT)

M. Roland Héguy, président

– Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) *

M. Hervé Becam, vice-président

 Syndicat professionnel des Résidences de Tourisme et appart-hôtels (SNRT) *

Mme Pascale Jallet, déléguée générale

 Union française des métiers de l’évènement (UNIMEV) *

M. Fabrice Laborde, vice-président

– Les entreprises du voyage *

M. Jean‑Pierre Mas, président

Table ronde relative aux bonnes pratiques mises en place dans les territoires concernant l’accompagnement des entreprises en difficulté

 CCI Normandie *

Mme Delphine Wahl, directrice générale

M. Laurence Requier, conseiller expert entreprises, Manche – Orne

M. Bertrand Roussel, conseiller expert entreprises, Seine‑Maritime

 CCI Toulouse *

M. Gérard Trullen, président de la commission financement, développement et pérennité

 Groupements de prévention agréés (GPA)

M.  Patrick Couillaud, président du GPA 41

M. Patrice Duceau, président du GPA Centre-Val de Loire

M. Emmanuel Lemaux, délégué général du Fonds régional de revitalisation du Centre-Val de Loire, Revi’Centre

M. Michel Paccino, membre du bureau de la CPME Sud-PACA

Table ronde

 Association Aide entreprises OSDEI

Mme Brigitte Vitale, présidente

 CNAJMJ

Maître Marc André

– M. Sylvain Waserman, vice-président de l’Assemblée nationale

Comité de suivi du soutien financier aux entreprises pour le Covid-19

M. Benoît Coeuré, président

ODALYS

M. Laurent Dusollier, dirigeant de l’entreprise

Maître Xavier Pernot, Cabinet Jeantet

Table ronde consacrée au secteur aéronautique et aéroportuaire

 Airbus group *

M. Olivier Cauquil, senior vice-président general procurement

M. Philippe Coq, directeur des affaires publiques pour la France

Mme Anne Sophie de La Bigne, directeur des affaires civiles

Mme Annick Perrimond–du Breuil, directeur relations avec le Parlement

 Vinci Airport *

Mme Valérie Vesque-Jeancard, directrice déléguée France & Amériques

 Fédération nationale de l’aviation marchande (FNAM) *

M. Alain Battisti, président

M. Georges Daher, délégué général

 Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) *

M. Loïk Segalen, président de la Task Force GIFAS chargée du suivi de la crise pour la filière, directeur général délégué Dassault Aviation

M. Christophe Cador, président du Comité Aéro-PME du GIFAS, président de SATYS

Général Pierre Bourlot, délégué général

Cabinet Clifford Chance

Mme Delphine Caramalli, avocate spécialisée en restructuration financière

M. Thibaut de Roux, président de Généris

M. Cédric Colaert, directeur de 8 Advisory

M. François Gérard, associé de GSAPRADO Assurances crédit

– Groupe BPCE *

M. Bertrand Magnin, directeur du développement Banque Populaire

M.  Édouard Delmon, secrétaire général du Pôle BPA

M. Benoit de la Chapelle-Bizot, conseiller du président en charge des affaires publiques groupe

M. Emmanuel Georges Michelin, directeur-adjoint des affaires publiques groupe

 Crédit Agricole *

Mme Marie Lhuissier, directrice des affaires publiques banque de détail

M. François-Xavier Lucas, professeur des universités, droit privé et sciences criminelles

M. René Ricol, président du comité stratégique, Ricol Lasteyrie Conseil

Fédération française bancaire *

– Mme Maya Atig, directrice générale

– Mme Solenne Lepage, directrice générale adjointe

– M. Nicolas Bodilis Reguer, directeur du département relations institutionnelles France

Cabinet Gide Loyrette Nouel

M. Jean-Gabriel Flandrois, avocat au Barreau de Paris

Cabinet Darrois Villey Maillot Brochier

Me François Kopf, avocat à la Cour, associé-gérant

Women in restructuring

 Mme Mylène Boché‑Robinet, présidente, avocate Barreau de Paris

– Mme Fabienne Goubault, avocate

– Mme Béatrice Veyssière, responsable de mission sauvegarde entreprises

Les jeunes dans le restructuring (AJR)

– Mme Géraldine Astrup, présidente, avocate associée du cabinet Astrup/Tellechea

– Mme Marie Crumière, vice-présidente, et avocat counsel chez Clifford Chance Europe LLP

– M. Jérôme de Chanaud, secrétaire général et administrateur judiciaire associé de l’étude Cabooter et Labis (AJILINK)

 

Direction générale des finances publiques (DGFiP)

– M. Jérôme Fournel, directeur général

Table ronde des organisations syndicales

Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC)

– Mme Raphaëlle Bertholon, secrétaire nationale à l’économie, l’industrie, le logement et le numérique

– M. Louis Delbos, chargé d’études économie

Force ouvrière (FO)

M. Sébastien Dupuch, conseiller technique auprès de M. Veyrier

Confédération générale du travail (CGT)

– M. Fabrice Angei, secrétaire confédéral

– Mme Nathalie Bazire, membre de la direction confédérale

– Mme Ghislaine Gistau, secrétaire du syndicat de l’entreprise SAM

Table ronde commerce non alimentaire

 Fédération nationale de l’habillement (FNH) *

M. Frank Hoet, premier vice-président

M. Etienne Djelloul, vice-président, président de la négociation de branche

 Confédération des commerçants de France (CDF) *

M. Francis Palombi, président

Mme Bénédicte Boudet-Corric, déléguée générale

 Conseil du Commerce de France (CdCF) *

M. William Koeberle, président

– Alliance du commerce *

M. Yohan Petiot, directeur général

M. Gérard Pfauwadel, conseiller national à la sortie de crise

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire AGORA des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques

   DÉPLACEMENTS

Aix-en-Provence

M. Antoine Michelet, président de l’Igloo, entreprise de services et de distribution de boissons ;

M. Éric Bonnans, pour l’entreprise Bonnans ;

M. Stéphane Paya, directeur de Olly gan ;

M. Bouzemane, président de Nap tourisme ;

Mme Cyrille Blint ;

M. Philippe Klein ;

Mme Chantal Morvan ;

Table ronde acteurs publics :

M. Éric Arcamone, président du tribunal de commerce ;

M. Yvan Huart, directeur du pôle expertise et service aux publics à la DRFiP PACA/13, directeur par intérim de la DRFIP ;

M. Guillaume Veyret, CRP adjoint ;

M. Jean Christophe Ehrhardt, directeur régional de la Banque de France ;

M. Nicolas Magenties, directeur régional de BpiFrance, ou son représentant (disponible uniquement en visioconférence).

Table ronde représentants du monde entrepreneurial :

Mme Corine Innesti, présidente de la CPME 13 ;

M. Frédéric Ronal, Vice-Président en charge de l’Ouverture au Monde, CCI Aix Marseille Provence ;

Mme Monique Cassar, présidente de la CMAR PACA ;

M. Alexandre Fargier, Président de l’APESA Aix.

 

PERPIGNAN

M. Michel Binier, président du tribunal de commerce de Perpignan ;

M. Thomas Gourgouillat , greffier du tribunal de commerce de Perpignan ;

Marcel Piet, intervenant à l’École nationale de la magistrature, ancien président de tribunal de commerce ;

Mme Hélène Gascon, mandataire judiciaire ;

M. Aguilé Santo Domingo, mandataire judiciaire ;

M. Éric Samson, administrateur judiciaire.

 


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   ANNEXE 1 : L’ÉCOSYSTÈME DU CHEF D’ENTREPRISE
EN difficulté

 

 

 


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   ANNEXE 2 : CONTRIBUTION DU GROUPE DE TRAVAIL LOCAL ANIMÉ PAR LA CORAPPORTEURE ANNE-LAURENCE PETEL


(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

([2])  Source : Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

([3]) Selon les chiffres cités dans le rapport de la mission « justice économique ».

([4]) Comité départemental d’examen des difficultés des entreprises.

([5]) Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

([6]) Arrêté du ministre des solidarités et de la santé du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19.

([7]) Décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus Covid-19.

([8])  Source : Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

([9]) Source : INSEE.

([10]) À compter de l’entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi.

([11]) L’ASP est un établissement public placé sous la tutelle des ministres chargés de l’agriculture et de l’emploi. Il est régi par le décret n° 2009-340 du 27 mars 2009.

([12]) Article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

([13]) Les DIRECCTE ont été remplacées par les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) le 1er avril 2021.

([14]) Ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle.

([15]) Ordonnance n° 2020-770 du 24 juin 2020 relative à l’adaptation du taux horaire de l’allocation d’activité partielle.

([16]) Décret n° 2020-810 du 29 juin 2020 portant modulation temporaire du taux horaire de l’allocation d’activité partielle.

([17]) Ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

([18]) Ordonnance n° 2020-705 du 10 juin 2020 relative au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

([19]) Décret n° 2021-129 du 8 février 2021 relatif fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

([20]) Décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

([21]) Appelée aussi « code d’activité principale exercée » (APE).

([22]) Rapport d’information n° 3830 déposé par la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale et présenté par Stéphane Travert et Julien Dive, députés, le 4 février 2021.

([23]) Article 20 de la loi n° 2020-721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

([24]) La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à reverser par les entreprises est calculée par la différence entre la TVA collectée sur les opérations imposables (ventes et prestations) et celle déductible sur les achats, les charges et les immobilisations. Lorsque la TVA déductible est supérieure à la TVA collectée, une entreprise bénéficie d’un crédit dont elle peut imputer le montant sur un solde ultérieur de TVA à reverser ou bien demander le remboursement.

([25]) Article 5 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

([26]) Source : URSSAF.

([27]) Article 65 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

([28]) Article 6 de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020.

([29]) Arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l’État aux établissements de crédit et sociétés de financement, ainsi qu’aux prêteurs mentionnés à l’article L. 548-1 du code monétaire et financier, en application de l’article 6 de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020.

([30]) Article 107 § 1 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

([31]) Communication 2020/C 91 I/101 de la Commission européenne : « Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de Covid-19 ».

([32]) Article 107 § 3.

([33]) Petites et moyennes entreprises (PME), entreprises de taille intermédiaire (ETI), commerçants, artisans, agricultures, professions libérales, microentreprises, associations ayant une activité économique ainsi que, depuis le 6 mai 2020, les sociétés civiles immobilières (SCI).

([34]) Ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de Covid-19.

([35]) Article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire.

([36]) Décret n° 2020-1766 du 30 décembre 2020 relatif aux bénéficiaires des dispositions de l’article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire.

([37]) Rapport d’étape du comité de suivi et d’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de Covid-19, avril 2021 (Inspection générale des finances et France Stratégie).

([38]) Source : direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES).

([39]) Source : rapport annuel de performances de la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire annexé au projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2020.

([40]) Le programme 360 Compensation à la sécurité sociale des allègements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire de la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire a permis la prise en charge des exonérations accordées par les URSSAF sur le budget général de l’État.

([41]) La rentabilité financière (return on equity en anglais) mesure la capacité des capitaux investis par les actionnaires et associés (capitaux propres) à dégager un certain niveau de profit (INSEE). Elle est égale à la capacité d’autofinancement, diminuée des charges de maintien du potentiel de production destinées au renouvellement de l’outil productif et à la couverture des risques d’exploitation, par rapport aux capitaux propres.

([42]) D’après Oxford Economics, les entreprises « zombies » désignent les entreprises âgées d’au moins dix ans qui ne dégagent pas assez d’excédents bruts d’exploitation (bénéfice brut) pour couvrir leurs frais financiers durant trois années consécutives.

([43]) Allocution du Président de la République du 12 mars 2020.

([44]) L’ensemble des mesures d’adaptation apportées au droit des entreprises en difficulté du fait de la crise sanitaire fait l’objet d’un traitement dans la deuxième partie du présent rapport.

([45]) Une entreprise est en situation de défaillance lorsqu’une procédure collective (redressement ou liquidation judiciaire) est ouverte à son encontre.

([46]) Benjamin Hadjibeyli, Guillaume Roulleau et Arthur Bauer, « L’impact de la pandémie de Covid-19 sur les entreprises françaises », Trésor-Éco, n° 282, avril 2021.

([47]) INSEE Première, février 2021, n° 1837.

([48]) Mathieu Cros, Anne Épaulard et Philippe Martin, « Les défaillances d’entreprises dans la crise Covid-19 : zombification ou mise en hibernation ? », point de vue France Stratégie, décembre 2020.

([49]) En prenant en compte les données annuelles de l’INSEE, la France a été en récession en 1975 de (– 1 %), 1993 (– 0,6 %) et en 2009 (– 2,9 %).  

([50]) Revenu dont disposent les ménages pour consommer ou investir après opérations de redistribution.

([51]) Le taux de marge rend compte de ce qui reste à disposition de l’entreprise, notamment pour investir ou rémunérer le capital, une fois la masse salariale déduite. Il correspond au rapport entre l’excédent brut d’exploitation (bénéfice brut) et la valeur ajoutée au coût des facteurs.

([52]) Formation brute de capital fixe des sociétés non financières et des entreprises individuelles.

([53]) Benjamin Hadjibeyli, Guillaume Roulleau et Arthur Bauer, « L’impact de la pandémie de Covid-19 sur les entreprises françaises », Trésor-Éco, n° 282 avril 2021.

([54]) Marie-Baïanne Khder et Clément Rousset, Note de conjoncture « Faut-il s’inquiéter de la hausse de l’endettement des entreprises en France ? », INSEE, décembre 2017.

([55]) Les microentreprises seront qualifiées de « très petites entreprises » (TPE) par vos rapporteurs pour éviter toute confusion avec les micro-entrepreneurs.

([56]) Expression par laquelle l’économiste Jean Fourastié désignait la période d’expansion économique exceptionnelle de la France et des pays occidentaux entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et la crise consécutive aux chocs pétroliers (1973 et 1978).

([57]) À noter que 79 % des fonds propres sont détenus par les grandes entreprises et les ETI.

([58]) Noémie Morénillas, Gabriel Sklénard, Les entreprises en France, « La faiblesse des fonds propres des TPE accroît leur fragilité », INSEE Références, 2020.

([59]) Articles L. 223-42 pour les sociétés à responsabilité limitée et L. 225-248 pour les sociétés anonymes.

([60]) Le fonds de roulement correspond à l’ensemble des ressources stables destinées à financer les investissements. En conséquence, un besoin en fonds de roulement représente les besoins de financement à court terme qui résultent des décalages entre les flux de trésorerie correspondant aux encaissements et décaissements liés à l’activité.

([61]) Michel Dietsch et Olivier Gonzalez, « Les retards de paiement des clients impactent-ils la probabilité de défaillance des entreprises ? », Bulletin de la Banque de France, n° 227/8, janvier-février 2020.

([62]) La notion de cessation de paiements permet donc de distinguer juridiquement les procédures préventives des procédures de traitement des difficultés. On peut noter d’emblée qu’un autre critère est souvent préféré pour différencier les procédures juridiques existantes, celle des modalités de restructuration de la dette, selon qu’elles passent par un accord consensuel avec les créanciers déterminés à l’amiable (mandat ad hoc et conciliation), ou selon qu’elles nécessitent un traitement collectif (sauvegarde, redressement et liquidation judiciaire).

([63]) Lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté autres que les établissements financiers.

([64]) Les entreprises dont la procédure collective a été ouverte à partir du 1er janvier 2020 ont pu être rendues éligibles au PGE grâce à une évolution du droit européen. Pour cela, elles ne devaient pas, au 31 décembre 2019 inclus, faire l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, d’une procédure de rétablissement professionnel ou être en période d’observation au titre d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

([65]) Ce point est évoqué dans le détail infra.

([66]) Plusieurs évolutions apportées par la loi PACTE sont abordées dans le détail dans le IV de la deuxième partie du présent rapport.

([67]) Voir le A du III de la deuxième partie du présent rapport.

([68]) La procédure de sauvegarde ; un « chapter 11 » à la française ?, Thierry Dorleac, Avocat Associé, Société d’Avocats Dorleac, Azoulay Associés, (2007).

([69]) On peut cependant noter que la procédure de sauvegarde, classée parmi les procédures collectives, n’entraîne pas non plus de dessaisissement.

([70]) Le code de commerce prévoit ainsi deux conditions nécessaires pour l’ouverture de cette procédure : éprouver une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible ; ne pas se trouver en cessation des paiements depuis plus de 45 jours.

([71]) Cette possibilité a été étendue par la loi PACTE au redressement judiciaire.

([72]) Le juge-commissaire peut autoriser la constitution des comités de créanciers à la demande du débiteur ou de l’administrateur en deçà de ces seuils.

([73]) Chaque fournisseur de biens ou de services est membre de droit du comité des principaux fournisseurs dès lors que ses créances représentent plus de 3 % du total des créances des fournisseurs. Les autres fournisseurs peuvent en être membres sur sollicitation de l’administrateur.

([74]) en principe calculée en fonction du montant des créances détenues par les membres ayant exprimé un vote.

([75])  Le droit des entreprises en difficulté à l’épreuve de la crise, rapport d’information du 19 mai 2021 de MM. François Bonhomme et Thani Mohamed Soilihi, fait au nom de la commission des lois du Sénat.

([76]) Ces durées ont été aménagées temporairement par les ordonnances prises dans le contexte de la crise économique et sanitaire, comme cela est détaillé infra (III de la seconde partie).

([77]) Ces seuils ont toutefois été temporairement supprimés par les ordonnances prises dans le contexte de la crise économique et sanitaire, comme détaillé infra.

([78]) Dans un délai de 21 jours lorsqu’un plan de sauvegarde pour l’emploi (PSE) est prévu.

([79]) Selon les chiffres cités dans le rapport de la mission « justice économique ».

([80]) Selon les chiffres de France Stratégie.

([81]) Selon les chiffres d’Altares sur le premier trimestre de l’année 2020.

([82]) Leur doctrine d’emploi, rappelée dans la circulaire du 9 janvier 2015, s’inscrit autour des principes suivants : caractère exceptionnel, subsidiarité, effet de levier sur les autres sources de financement, et intervention pari passu avec les autres créanciers. Par ailleurs, la circulaire précise que « le recours à des ressources publiques ne doit pas freiner la restructuration nécessaire d’un secteur et introduire un facteur de concurrence déloyale » et que le recours à cet instrument « se fait dans le respect des règles européennes ».

 

([83]) https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2017/11/13/2017-1558/jo/texte

([84]) Anciens commissaires au redressement productif.

([85]) Concernant les petites entreprises, le CODEFI instruit les demandes et émet un pré-avis, l’avis définitif et le décaissement des fonds relevant du Comité interministériel à la restructuration industrielle (CIRI) à Bercy.

([86]) Selon la contribution écrite envoyée par la direction générale des finances publiques (DGFiP).

([87]) Chiffres issus de l’avis budgétaire relatif à l’Industrie dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020.

([88]) Projections macroéconomiques pour la France établies par la Banque de France, juin 2021.

([89]) Article 53 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne et décret n° 2020-926 du 28 juillet 2020 relatif au dispositif spécifique d’activité partielle en cas de réduction d’activité durable.

([90]) L’allocation d’activité partielle s’élevait alors à 7,74 euros pour les entreprises de moins de 250 salariés et à 7,23 euros pour les autres depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi.

([91]) Décret n° 2021-651 du 26 mai 2021 relatif à l’adaptation au titre du mois de mai 2021 du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

([92]) La liste S1 recense les activités directement touchées par la crise sanitaire tandis que la liste S1 bis répertorie les activités connexes et dépendantes des premières (décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation).

([93]) Le CODEFI comprend le commissaire aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises (CRP), un représentant de la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS), un représentant des URSSAF et un représentant de la Banque de France.

([94]) Audition de M. Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire le 20 janvier 2021 : « Nous évaluons la sinistralité anticipée entre 4 % et 7 % de perte finale » (compte rendu n° 43).

([95]) Communication 2020/C 91 I/101 de la Commission européenne : « Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de Covid-19.

([96]) Article 6 de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020.

([97]) Article 213 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

([98]) Proposition de loi n° 3366 relative à la transformation des prêts garantis par l’État en quasi fonds propres enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 29 septembre 2020 ; proposition de loi n° 3610 visant à créer un mécanisme de garantie des prêts participatifs en quasi fonds propres des entreprises dans le cadre de la crise sanitaire enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 1er décembre 2020.

([99]) Titre XIV du livre III du code civil (loi n° 2007-211 du 19 février 2007 instituant la fiducie).

([100]) Les CCSF sont présidées par le directeur départemental des finances publiques (DDFiP) et fonctionnent comme un « guichet unique » pour la négociation des délais de paiement de l’ensemble des créances sociales et fiscales.

([101]) Rapport annuel de performances de la mission Remboursements et dégrèvements annexé au projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2020.

([102]) Ce groupe de travail était composé de M. Cyrille Blint, expert-comptable, M. Jean-Luc Chauvin, président de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, et de Mme Johanna Fabre, administratrice judiciaire.

([103]) Dossier de presse « Accompagnement des entreprises dans la sortie de crise », ministère de l’économie, des finances et de la relance, ministère de la justice, 1er juin 2021.

([104]) Article L. 123-14.

([105]) Autorité des normes comptables, « Recommandations et observations relatives à la prise en compte des conséquences de l’événement Covid-19 dans les comptes et situations établis à compter du 1er janvier 2020 », 7 juin 2021.

([106]) Cf. exemple en annexe du rapport.

([107]) Idem.

([108]) Observatoire du financement des entreprises « Les fonds propres des TPE et PME », mai 2021.

([109]) Article 16 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.

([110]) Article 209 de la loi n° 2020-721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

([111])  Loi n° 2007-211 du 19 février 2007 instituant la fiducie.

([112]) Le PEA est un produit d’épargne qui permet de gérer un portefeuille d’actions d’entreprises tout en bénéficiant d’une exonération d’impôt.

([113]) Voir le décret d’application n° 2019-514 du 24 mai 2019 fixant les seuils de désignation des commissaires aux comptes et les délais pour élaborer les normes d’exercice professionnel.

([114]) Les CSE sont obligatoires dans les entreprises de plus de 11 salariés.

([115]) Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC).

([116]) Ce rapport a été remis au Gouvernement en février 2021. Il est disponible au lien suivant : http://www.justice.gouv.fr/art_pix/Rapport_mission_Justice_economique202102.pdf

([117])  Le modèle d’apprentissage initial a été complété d’un sur-modèle afin de tenir compte de la situation économique issue de la crise. La dégradation de la situation des entreprises, sur la période récente, a été mesurée à travers le décrochage de leur chiffre d’affaires, identifié notamment grâce à leur déclaration de TVA, et à l’évolution de leurs dettes fiscales. Sur cette base, la dernière liste adressée en novembre 2020 aux DDFIP inclut non seulement, et comme précédemment, des entreprises dont le score est très élevé (supérieure à 7,5 sur 10) mais également des entreprises ayant connu une détérioration particulièrement marquée de leur situation au cours des 7 premiers mois de l’année 2020 (décrochage de leur score).

([118]) Contribution écrite envoyée à la mission.

([119]) Article 2 de la loi n° 82‑1091 du 23 décembre 1982 relative à la formation professionnelle des artisans.

([120]) Extrait du rapport de la commission spéciale établi lors de la première lecture de la discussion du projet de loi PACTE (pages 80 – 81).

([121]) On peut noter que de telles obligations de formation existent déjà pour certaines professions libérales comme la profession d’avocat. Ainsi, depuis 2005, tout avocat inscrit à un barreau est tenu à une obligation de formation continue de 20 heures par année civile ou de 40 heures au cours de deux années consécutives.

([122]) https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/05/30/les-intervenants-des-procedures-collectives-de-faillite-ne-meritent-pas-tous-les-critiques-dont-ils-sont-l-objet_6082093_3232.html

([123]) Ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l’épidémie de Covid-19.

([124]) Article 14 de l’accord de place relatif à la médiation du crédit aux entreprises.

([125]) Notamment à Aix-en-Provence par la voix de M. Éric Arcamone, président du tribunal de commerce, et M. Bruno Cassette, sous-préfet.

([126]) Contribution écrite transmise aux rapporteurs.

([127]) Plusieurs dispositions du code de commerce habilitent d’ores et déjà dans certains cas le président du tribunal à obtenir communication d’informations couvertes par le secret fiscal (articles L.611-6, L.623-2 et L.651-4 du Code de commerce).

([128]) Dossier de presse du plan d’action.

([129])  Les modalités d’élection des juges consulaires ont récemment évolué dans le cadre de la loi PACTE, qui a entériné le passage à l’élection directe des juges consulaires, par les membres des réseaux consulaires ainsi que par les juges et anciens juges du tribunal de commerce.

([130]) Il s’agit des affaires concernant un débiteur ou un groupe employant au moins 250 salariés et réalisant un chiffre d’affaires net d’au moins 20 millions d’euros ; de celles concernant un débiteur ou un groupe réalisant un chiffre d’affaires net d’au moins 40 millions d’euros ; des procédures transfrontalières ; ainsi que, sur option, les procédures de conciliation concernant les mêmes débiteurs.

([131]) , c’est-à-dire, pour les exploitants agricoles et les professionnels libéraux, à moins qu’ils n’aient opté pour une société commerciale, y compris les professions réglementées, ainsi que pour les personnes morales de droit privé non commerçantes, c’est-à-dire essentiellement des associations ayant une activité économique.

([132]) En revanche, le rapport du Sénat ne propose pas de basculer le contentieux des sanctions vers le tribunal judiciaire.

([133]) Il s’agit dans cette partie de traiter des procédures de traitement des difficultés des entreprises soit, au sens large, l’ensemble des procédures préventives et collectives, à l’exception de la liquidation qui poursuit une autre logique et dont les enjeux seront abordés dans la dernière partie du présent rapport.

([134]) Il est ici question des mesures prises visant à renforcer les capacités de restructuration des entreprises, les mesures concernant les liquidations et le rebond des entrepreneurs ayant vocation à être abordé dans la partie IV.

([135]) Ce privilège est notamment primé par : le superprivilège de l’AGS, les frais de justice, le privilège de new money en conciliation, les créances salariales avancées par l’AGS, les sûretés immobilières.

([136]) Directive (UE) 2019/1023 du 20 juin 2019 du Parlement européen et du Conseil relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficacité́ des procédures en matière de restructuration, d’insolvabilité́ et de remise de dettes.

([137]) Les États membres peuvent également prévoir que les cadres de restructuration préventive accessibles à la demande des créanciers et des représentants des employés, sous réserve de l’accord du débiteur. Les États membres peuvent limiter l’obligation d’obtenir l’accord du débiteur aux cas où les débiteurs sont des PME.

([138]) Plus précisément, cette notion définie par la directive comme un « critère qui vérifie qu’aucun créancier dissident ne se trouve dans une situation moins favorable du fait du plan de restructuration que celle qu’il connaîtrait si l’ordre normal des priorités en liquidation établi par le droit national était appliqué, soit dans le cas d’une liquidation, que cette dernière se fasse par distribution des actifs ou par la cession de l’entreprise en activité, soit dans le cas d’une meilleure solution alternative si le plan de restructuration n’était pas validé ».

([139]) Plus précisément et pour citer la directive, il s’agit des classes qui, après détermination de la valeur du débiteur en tant qu’entreprise en activité, auront droit à un paiement ou conservera un intéressement, ou, si le droit national le prévoit, dont on peut raisonnablement supposer qu’elle aura droit à un paiement ou conservera un intéressement si le classement normal des priorités de liquidation était appliqué en vertu du droit national.

([140]) Pour mémoire, on entend par PME l’ensemble des entreprises qui, d’une part, occupent moins de 250 personnes, d’autre part, ont un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros.

([141]) Article L. 621-3 du code de commerce.

([142]) Ce rapport a été remis au Premier ministre en mai 2021. Il est disponible au lien suivant : https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2021/04/rapport_-_mission_ags_ajmj_vd.pdf

([143]) L’article dispose : Lorsqu’il est porté à la connaissance du président du tribunal des éléments faisant apparaître que le débiteur est en état de cessation des paiements, le président en informe le ministère public par une note exposant les faits de nature à motiver la saisine du tribunal. Le président ne peut siéger, à peine de nullité du jugement, dans la formation de jugement ni participer aux délibérés si le ministère public demande l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire à l’égard de ce débiteur.

([144]) Plus précisément par l’ordonnance du 17 juin 2020 relative à la commande publique ainsi que par l’article 38 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.

([145]) Sur ce dernier point, le Gouvernement a apporté des précisions utiles à vos rapporteurs : « La position des administrations compétentes, initialement présentée dans une lettre circulaire ACOSS n° 2008-054, interdisait la délivrance de l’attestation de régularité fiscale et sociale pour les entreprises en période d’observation d’une procédure de redressement judiciaire. Toutefois, cette position a ensuite été fortement nuancée. On peut d’abord relever un arrêt rendu par la 2e chambre civile de la Cour de cassation (cass. 2e civ., 16 juin 2016, n° 15-20.231, publié) qui confirme un arrêt rendu par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (23 avril 2015) ayant jugé que l’URSSAF était tenue de délivrer une attestation sociale à une entreprise dès lors que cette dernière était à jour du paiement de ses cotisations au cours de la période d’observation. Ensuite, une instruction fiscale publiée le 7 décembre 2016 est venue préciser les conditions dans lesquelles une attestation de régularité fiscale peut être délivrée à une entreprise en période d’observation dans le cadre d’une procédure de redressement ».

([146]) Voir notamment : Hélène Bourbouloux, « Situation des créanciers – les perspectives d’évolution du rôle des créanciers en droit des entreprises en difficulté – Entretien » Revue des procédures collectives n° 3 mai 2019

([147]) On peut d’ailleurs noter que le crédit-bail est d’ores et déjà considéré par la Banque de France comme un mode de financement.

([148]) Contribution écrite de l’Association prévention et retournement.

([149]) https://www.cae-eco.fr/Les-enjeux-economiques-du-droit-des-faillites

([150]) Les créanciers chirographaires sont les créanciers simples qui ne disposent pas de garantie leur permettant d’être réglés avant les autres. En pratique, ce sont notamment les fournisseurs.

([151]) CEDH 17 janvier 2002, n° 41476/98, et 22 septembre 2011.

([152]) Décision du 16 décembre 2014 n° 13-19.402.

([153]) Le licenciement pour motif personnel est une rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur justifiée par une cause réelle et sérieuse relevant du comportement ou des agissements du salarié.

([154]) Cour de cassation, chambre mixte, arrêt du 21 juin 1974, n° 71-91.225.

([155]) Le CSE remplace les anciennes institutions représentatives du personnel (IRP) qu’étaient le comité d’entreprise (CE), le délégué du personnel et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) depuis le 1er janvier 2020, en application de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales.

([156]) L’inspecteur du travail est placé sous l’autorité de la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS).

([157]) Article R. 2421-4 du code du travail.

([158]) Il s’agit également d’empêcher la fraude à l’assurance contre le risque de non-paiement des créances salariales. Un dirigeant indélicat pourrait, en effet, être tenté de demander l’ouverture d’une procédure collective dans le but de faire assumer par l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) la charge financière liée à des licenciements économiques (indemnités de licenciement, mesures d’accompagnement prévues par un plan de sauvegarde de l’emploi ou PSE), voire à des salaires ou autres créances salariales impayées.

([159]) Il s’agit donc de la requête du ministère public.

([160]) Dalloz Actualité « Loi ASAP : prolongation des règles adaptant le droit des entreprises en difficulté à la Covid-10 », article paru en ligne le 23 décembre 2020.

([161]) https://www.lesechos.fr/pme-regions/actualite-pme/entreprises-en-difficulte-le-rachat-par-les-dirigeants-cree-des-remous-1247634

([162]) « le dirigeant d’une personne morale peut être déclaré responsable, sur le fondement de l’article L. 624-31 du code de commerce, même si la faute de gestion qu’il a commise n’est que l’une des causes de l’insuffisance d’actif, et peut être condamné à supporter en totalité ou partie les dettes sociales, même si sa faute n’est à l’origine que d’une partie d’entre elles . » (Cass. com., 11 octobre 2011, n° 10-20423).

([163]) Comme l’a analysé l’association pour le retournement des entreprises, dans une note transmise aux rapporteurs ainsi qu’au président de cette mission.

([164]) Rapport fait au nom de la Commission des affaires sociales sur l’allocation des travailleurs indépendants dans le contexte de la crise de la covid-19, présenté par M. Dominique da Silva, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 7 avril 2021.

([165]) Selon l’INSEE, environ 8 % des 1,83 million de non-salariés « classiques », soit 146 000 entreprises, déclarent un revenu nul ou déficitaire, car ils n’ont pas dégagé de bénéfices ou ne se sont pas versé de rémunération.