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L'Assemblée nationale et l'Union européenne

  • L’implication de l’Assemblée nationale dans les questions européennes s’est progressivement renforcée au cours des dernières décennies.

    Bien sûr, les ratifications des traités fondateurs ont toujours compté parmi les grandes heures de l’Assemblée, et les étapes décisives de la construction européenne y ont nourri d’intenses débats.

    Mais, jusqu'au tournant des années 1990, l’action des Communautés européennes, jugée extrêmement technique, n’a d’abord recueilli qu’une attention distraite de la part des représentants de la Nation. Non que l’Europe ait ignoré les parlements nationaux. Jusqu’à la fin des années 1970, le Parlement européen était composé de représentants des chambres de chaque État membre. Mais ce lien organique a été rompu en 1979, lorsque les députés européens ont procédé directement du suffrage universel.

    Quelques années plus tard, les compétences des Communautés se sont étendues à des domaines au cœur des prérogatives traditionnelles des parlements : l’achèvement d’un marché commun, la création d’une monnaie unique, la construction progressive d’un espace européen de liberté, de sécurité et de justice… Lorsque les parlementaires se sont vus confier la responsabilité d’adapter en droit national les grandes orientations communautaires (la transposition des directives),c’est pour bien souvent n’y trouver que de fort étroites marges de manœuvre. S’ajoutait un obstacle supplémentaire : la complexité des jeux de compromis et le rythme original du processus décisionnel européen tendent à confiner les enjeux européens dans un cercle étroit de spécialistes et de techniciens..

    Confrontés aux mêmes défis, peser efficacement sur les règles européennes et veiller à l’harmonie entre les choix faits à Bruxelles et les lois votées dans les différents États, les parlements nationaux ont élaboré, au fil du temps, des réponses comparables.

    Contrôler et informer

    Dans le souci de comprendre le fondement des institutions européennes et d’assurer l’information des élus sur ces questions, les parlements nationaux ont confié le suivi des textes européens à des organes spécialisés en leur sein. Toutefois, comme l’Europe touche à l’essentiel des questions qui sont normalement de la compétence des législateurs, ce choix ne devait pas conduire à dessaisir des enjeux communautaires les députés non membres de ces instances spécialisées.

    Le statut partout original des commissions des affaires européennes vise donc à assurer que la dimension européenne soit pleinement prise en compte dans l’ensemble des travaux parlementaires. Dans cette optique, les membres de ces commissions appartiennent généralement, dans le même temps, aux autres commissions spécialisées du Parlement. Cette solution permet de s’assurer que les législateurs veillent toujours à la bonne articulation des choix européens et nationaux. C’est ce que l’on appelle, en France, la « double appartenance », qui prévaut dans plus de 20 Parlements nationaux des États membres de l’Union européenne. Ensuite, ces commissions ont partout une mission originale d’information de la représentation nationale sur les questions à l’ordre du jour des institutions européennes.

    C’est le double choix fait par la France en 1979 lors de la création, par voie législative, à l’Assemblée nationale et au Sénat, des délégations pour l’Union européenne, devenues depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 les commissions des affaires européennes. Les quarante-huit députés qui composent aujourd’hui cette commission au Palais Bourbon sont en effet désignés de façon à assurer une représentation équilibrée des commissions permanentes, dans le respect de la composition politique de l’Assemblée. La Commission examine tous les projets d'actes européens. Elle assume une mission d'information sur les grands projets européens, parfois en étroite collaboration avec les commissions permanentes grâce à la constitution de groupes de travail communs. Et elle suit l’actualité de Bruxelles, où l’Assemblée nationale dispose d’ailleurs d’une antenne administrative, au moyen notamment d’auditions régulières des principaux acteurs européens.

    L’Europe trouve progressivement une place dans toutes les activités de l’Assemblée. Les commissions permanentes s’impliquent de plus en plus dans l’analyse des enjeux communautaires, et assortissent désormais leurs travaux législatifs d’une attention soutenue aux expériences européennes, en particulier grâce aux éléments d’information sur le contexte européen et aux observations formulées par la Commission des affaires européennes. Elles ont aussi désigné en leur sein des « correspondants » chargés de suivre l’actualité de l’Union et d’alerter leurs collègues sur les questions les plus importantes.

    Dans un même mouvement, la séance publique fait une place croissante à l’Europe, avec notamment l’organisation systématique d’un débat préalable à chaque Conseil européen, l’institution chargée de tracer les grandes orientations des politiques communes, et la consécration d’une séance par mois aux enjeux européens.

    Peser sur les décisions européennes

    Il est important que l’Assemblée nationale ait la possibilité d’intervenir sur les décisions européennes, avant que les textes soient définitivement adoptés à Bruxelles.

    Contrôler le Gouvernement

    Pour atteindre cet objectif, les parlements nationaux ont d’abord concentré leur énergie sur leur mission traditionnelle : contrôler leurs Gouvernements. Puisque ces derniers détiennent le pouvoir de décider, au nom de leur État, au sein du Conseil de l’Union, la manière la plus directe pour infléchir le cours des projets européens est de clairement leur faire connaître la position de la représentation nationale.

    Dans cet esprit, la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Maastricht en 1992 a permis à l’Assemblée nationale et au Sénat d’adopter des résolutions sur les propositions sur lesquelles le Gouvernement est appelé à se prononcer au Conseil.

    Mais contrôler les Gouvernements n’est pas tout. Pour être entendu à Bruxelles, il est parfois nécessaire d’anticiper les propositions concrètes de la Commission européenne, et dans tous les cas préférable de maîtriser le moment et de bien choisir les destinataires de son intervention. La capacité d’influence est en effet traditionnellement d’autant plus forte en Europe qu’elle est exercée très en amont de l’élaboration des décisions.

     Cette nécessité a inspiré l’évolution progressive du champ des résolutions des assemblées françaises. Dans un premier temps, le Parlement ne pouvait s’exprimer que sur les propositions européennes soumises au Conseil de l’Union et entrant dans le domaine législatif français ainsi qu’à partir de 1999 sur les autres documents européens que le Gouvernement voulait bien lui soumettre. La réforme des institutions du 23 juillet 2008 a parachevé cette évolution en permettant aux assemblées de s’exprimer sur « tout document émanant d’une institution de l’Union ». Il n’y a plus aujourd’hui de sujets dont le Parlement français ne puisse se saisir, et ce au moment qu’il juge opportun.

    Un rôle reconnu dans le fonctionnement démocratique de l’Europe

    Dans le même temps, l’Europe elle-même fait une place originale aux parlements nationaux, dont la contribution à la résorption de ce qu’il est convenu d’appeler son déficit démocratique est jugée prometteuse et décisive. Ainsi, le traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009, consacre leur rôle dans le « bon fonctionnement démocratique » de l’Union et leur accorde de nouvelles prérogatives :

    – un droit à l’information qui passe par la transmission directe, par les institutions européennes, de leurs projets d’actes législatifs ;

    – une participation systématique aux révisions des traités, désormais précédées de la convocation d’une Convention réunissant parlementaires nationaux et européens et représentants des Gouvernements, et un droit de veto sur les révisions simplifiées des traités qui permettraient de faire sortir de l’unanimité des domaines de l’action européenne sans ratification dans les États membres ;

    – une participation originale à l’évaluation de l’espace de liberté, de sécurité et de justice ;

    – et surtout une nouvelle mission identifiée : contrôler la conformité des actes législatifs européens au principe de subsidiarité, qui veut que les décisions de l’Union ne soient acceptables qui si elles apportent une réelle valeur ajoutée par rapport aux décisions nationales. Et ce contrôle est assorti de réels moyens. Un projet contesté par un tiers des parlements devrait être réexaminé par la Commission ; une proposition dénoncée par la moitié des assemblées pourrait être rejetée, en première lecture et à la majorité simple, par le Parlement européen ou par le Conseil. Et, en toute fin de la procédure, les parlements nationaux pourront demander à la Cour de justice de l’Union d’annuler les actes contraires à la subsidiarité.

    La révision constitutionnelle de 2008 a mis le Parlement français en ordre de marche pour tirer pleinement parti de ces innovations. Une procédure rapide, associant étroitement la Commission des affaires européennes et les commissions permanentes, permet à l’Assemblée d’adopter des résolutions contestant la conformité des projets européens au principe de subsidiarité à l’initiative de tout député. En outre, la France a fait le choix de permettre à 60 députés ou 60 sénateurs de former des recours devant la Cour de justice de l’Union européenne sur la subsidiarité.

    Coopérer avec les autres parlements nationaux

    Conformément à la logique de l’Europe, peser sur les décisions impose de rechercher des consensus et de rassembler les énergies. Cette ambition explique le développement spectaculaire de la coopération interparlementaire, dont les forums se sont multipliés, à côté de l’aîné de la coopération interparlementaire, la COSAC.

    Ces réunions, organisées à l’initiative du Parlement de l’Etat qui préside pendant six mois l’Union ou à celle du Parlement européen, permettent de nouer des liens directs entre les parlementaires des États membres et avec les députés européens, et encourage l’appropriation, par les représentants des peuples, des enjeux sur lesquels l’Europe a un rôle à jouer.

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