26 juin 1998

COMPTE RENDU N° 48

Réunion du jeudi 25 juin 1998 à 9 heures 30

Présidence de M. Henri Nallet, Président

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I. Examen du rapport d'information de M. Henri Nallet sur le mode d'élection des membres du Parlement européen

Le Président Henri Nallet a souhaité la bienvenue aux membres français du Parlement européen présents à cette réunion, en formulant le voeu que de telles rencontres deviennent plus régulières. Il s'est ainsi réjoui de la tenue prochaine à Bruxelles, le 6 juillet, d'une réunion commune sur les réformes institutionnelles, à l'initiative du Comité d'avis de la Chambre des Représentants belge.

Présentant les perspectives de réforme du mode d'élection des représentants français au Parlement européen, il a souligné les critiques qu'encourt le scrutin actuel, fondé sur la représentation proportionnelle au sein d'une circonscription nationale unique. Un tel système, qui éloigne les élus de leurs électeurs, favorise une multiplication des listes et paraît lié aux difficultés propres à la représentation de la France au sein du Parlement européen : les élus français se répartissent entre sept groupes politiques, alors que les Allemands et les Britanniques appartiennent à seulement deux ou trois groupes. Un tel émiettement aboutit à un affaiblissement de notre représentation, les élus français pesant moins à l'intérieur des groupes.

La réforme de ce mode de scrutin a été envisagée à plusieurs reprises, notamment par M. Edouard Balladur en 1993, par MM. Alain Juppé et Michel Barnier en 1997, sans avoir pu aboutir. De son côté, le Mouvement européen a présenté des propositions de régionalisation du scrutin.

La principale innovation du projet de loi récemment déposé par le Gouvernement est d'établir un vote à la représentation proportionnelle au sein de huit grandes circonscriptions, regroupant chacune plusieurs régions. Un tel mécanisme pose plusieurs questions. Est-il de nature à rapprocher les élus européens des citoyens ? Risque-t-il de conduire à une dérive vers l'Europe des régions ? Permettra-t-il d'améliorer l'efficacité de notre représentation ? Il serait souhaitable, sur ce dernier point, que la Délégation réfléchisse globalement aux conditions de la participation française aux institutions communautaires.

Le Président Henri Nallet a ensuite observé que le projet de loi rapprocherait le système français de la norme observée au sein de l'Union européenne. Actuellement, quatorze Etats membres connaissent déjà la représentation proportionnelle, que le Royaume-Uni est en passe d'adopter. Le choix entre une circonscription nationale et des circonscriptions régionales est souvent tributaire de la dimension du pays ; si neuf Etats ont une circonscription unique, ils comptent, pour la plupart, parmi les Etats les plus petits et les moins peuplés.

Alors que le Traité de Rome prévoyait dès l'origine l'établissement d'une procédure électorale uniforme, tous les projets en ce sens ont échoué. Le Traité d'Amsterdam envisage une solution alternative, à savoir une procédure électorale obéissant à des « principes communs à tous les Etats membres ». La commission institutionnelle du Parlement européen a élaboré des propositions en ce sens : elle préconise le recours à la représentation proportionnelle, avec un découpage en circonscriptions régionales dans les Etats les plus peuplés. Ces propositions seront examinées en séance plénière le 13 juillet prochain.

Le Parlement européen voit s'accroître régulièrement ses pouvoirs dans le processus de décision communautaire, ainsi que son influence sur la vie de nos concitoyens. Le Traité d'Amsterdam n'est pas, comme on le dit trop souvent, vide de dispositions institutionnelles, car il renforce de nouveau le rôle du Parlement. Dans ces conditions, les élections européennes ne doivent plus donner lieu seulement à un débat de politique nationale. Il est nécessaire que les grands partis sélectionnent des candidats qui puissent se consacrer pleinement à leur mandat. Or, si certains de nos représentants accomplissent un travail remarquable, d'autres paraissent considérer le Parlement européen seulement comme un « parlement de rattrapage ».

Au-delà des modifications institutionnelles, il est nécessaire de procéder à des réformes d'ordre politique, touchant aux comportements. Ainsi, il serait bon de s'inspirer des procédures très rigoureuses en vigueur en Allemagne ou en Grande-Bretagne pour la sélection des candidats aux élections européennes.

Un débat a suivi l'exposé du Rapporteur.

Mme Nicole Catala s'est prononcée, à titre personnel, en faveur du maintien du système actuel. Puisque de nombreux Etats membres ont un scrutin fondé sur la représentation proportionnelle dans le cadre d'une circonscription nationale unique, ce système pourrait servir de base à une harmonisation au sein de l'Union européenne. Il offre l'avantage de bien éclairer les enjeux nationaux, ce qui ne serait pas le cas avec des listes élues à l'échelon régional.

Pour elle, le projet de loi présenté par le Gouvernement va à l'encontre des objectifs rappelés par le Rapporteur et contient la pire des solutions : il ne rapproche pas les élus du citoyen ; il renforce l'Europe des régions, à laquelle elle s'oppose, et il dépolitise le débat sur l'Europe.

Elle s'est ensuite interrogée sur la portée de la notion de « principes communs » pour la procédure d'élection du Parlement européen, à laquelle se réfère l'article 190, paragraphe 4, du traité C.E. tel que modifié par le traité d'Amsterdam. Constatant qu'il n'était pas possible d'aboutir à une procédure uniforme, elle s'est demandée si ces principes communs pouvaient être autre chose que la référence aux principes démocratiques. En revanche, elle a considéré que, conformément au principe de subsidiarité, chaque Etat devrait conserver la possibilité de définir son mode d'élection.

Elle a fait part de son intention de formuler une proposition combinant scrutin uninominal à un tour et scrutin de liste, sur le modèle préconisé en 1993 par le rapport de Gucht au Parlement européen.

Mme Nicole Ameline a tout d'abord estimé que la réforme du mode d'élection des membres du Parlement européen était indissociable du débat sur la réforme des institutions communautaires et de la perspective de l'élargissement. Elle a douté de l'opportunité de la discussion du projet de loi déposé par le Gouvernement, puisque, du fait de l'élargissement et du plafonnement du nombre des membres du Parlement européen, la représentation française sera réduite et une nouvelle réforme sera nécessaire.

Evoquant ensuite la philosophie du projet de loi, elle a exprimé des doutes quant à la capacité d'un système d'élection sur la base de circonscriptions recouvrant plusieurs régions à favoriser le rapprochement entre les élus et les citoyens. La logique n'aurait-elle pas pu aussi bien conduire au choix d'un scrutin uninominal ? Par ailleurs, alors que l'Europe sera de plus en plus politique, les débats s'en trouveront régionalisés et fragmentés, au détriment d'une vision nationale de la construction européenne.

Quels que soient les motifs invoqués pour procéder à cette réforme, elle n'intervient pas au bon moment.

S'exprimant à titre personnel, M. Maurice Ligot, tout en convenant qu'il était nécessaire de porter remède à un système qui ne permettait pas à la France d'être représentée de manière efficace et cohérente au Parlement européen, a estimé qu'il n'existe pas en la matière de « norme » européenne dont il faudrait se rapprocher. Il lui paraît dès lors préférable de rechercher une solution adaptée à la France, dont la superficie, la plus importante de l'Union européenne, paraît justifier un système de circonscriptions. Un système de scrutin uninominal conduirait à découper des circonscriptions très vastes, regroupant plusieurs départements et risquerait, au surplus, de favoriser à l'excès le phénomène majoritaire. En définitive, un scrutin proportionnel régionalisé serait acceptable, à condition de fixer des seuils adéquats pour éviter l'émiettement de la représentation.

M. Jean-Louis Bourlanges, député européen, a évoqué trois questions. La première est celle du choix en faveur d'un scrutin à la proportionnelle. Le système uninominal est, en effet, inadéquat pour ce type d'élections, pour trois séries de raisons : d'un point de vue politique, il suppose l'instauration d'une vaste circonscription pour chaque parlementaire, qui donnerait à celui-ci une « hyper représentativité », supérieure à celle de tout élu national et qui contrasterait avec le caractère limité de ses pouvoirs ; sur un plan technique, il implique un système à un tour qui a un effet déformant sur le choix des électeurs ; enfin, un système uninominal aurait pour conséquence de dégager des majorités susceptibles d'être perçues comme artificielles et de nuire ainsi à l'efficacité d'un mécanisme de prise de décision qui, contrairement à ce qui se passe dans les parlements nationaux, résulte de la recherche de compromis et d'un accord avec le Conseil et la Commission. On relèvera par ailleurs que le seul pays qui, parmi les Quinze, avait fait le choix d'un scrutin majoritaire - le Royaume-Uni - s'oriente désormais vers un système à la proportionnelle. Il aurait été contraire à la lettre du Traité et à la nécessaire homogénéité des pratiques à l'intérieur de l'Union de faire le chemin inverse vers un système majoritaire.

La deuxième question soulevée est celle relative au choix des circonscriptions. Le Mouvement européen aurait été favorable, pour des raisons de proximité et de lisibilité, à des circonscriptions correspondant aux 22 régions existantes. Un tel système aurait permis de limiter la dispersion des représentants français au Parlement européen, dont 30% seulement appartiennent aux deux principaux groupes politiques, alors que ce taux est de 80 à 90% pour les parlementaires espagnols, britanniques et allemands. Le Gouvernement en a décidé autrement, à la fois pour des raisons de politique intérieure et parce qu'il a considéré qu'un système à 22 circonscriptions aurait nui à la proportionnalité de la représentation. Il a retenu un scrutin sur la base de huit grandes circonscriptions, dont les avantages sont sans doute inférieurs à ceux d'un système à 22 circonscriptions mais qui n'en constitue pas moins un progrès indéniable par rapport au scrutin à circonscription unique. Il aura pour effet de relever le niveau des seuils électoraux qui se trouveront de facto supérieurs aux 5% de suffrages exprimés. S'il ne conduira pas à mettre le député européen en contact direct avec ses électeurs, comme c'est la cas pour les élus nationaux, et cela pour des raisons tenant à l'étendue de sa circonscription, le projet du Gouvernement permettra cependant une forme de rapprochement « indirect ». On peut en effet prévoir que les élus des principaux partis se répartiront entre eux le territoire de la circonscription et qu'il existera, à l'intérieur de chaque grand parti, un parlementaire européen par région. Celui-ci sera donc en mesure d'établir un contact avec les organisations professionnelles, les associations, les syndicats, pour lesquels il sera un interlocuteur.

La troisième question posée est celle du cumul des mandats et fonctions, dont les règles doivent être renforcées, faute de quoi le projet du Gouvernement ne constituerait pas un réel progrès. Le problème du cumul se pose en termes aigus au Parlement européen, parce que le mandat de député européen suppose une présence permanente, qui tient au fait que les majorités ne sont pas automatiques et qu'elles doivent être à chaque fois créées de toutes pièces. La France est avec l'Italie le seul pays dont les parlementaires sont en situation de cumul et ce n'est pas par hasard si ce sont aussi les deux pays dont les élus au Parlement européen ont le plus fort taux d'absentéisme. Si les situations de cumul entre deux fonctions parlementaires sont résiduelles et devraient bientôt disparaître, il importe d'introduire de nouvelles dispositions, d'une part, afin d'interdire le cumul entre le mandat de député européen et toute fonction exécutive territoriale, et, d'autre part, pour obliger le député européen élu et en situation de cumul à démissionner de son mandat le plus ancien ou de la fonction exécutive découlant du mandat le plus ancien. Il s'agit d'éviter ainsi le système immoral des « locomotives évanescentes », par lequel une personnalité se fait élire à la tête d'une liste aux élections européennes et démissionne peu après son élection. Ces deux règles nouvelles de non-cumul pour les députés européens devraient être introduites par voie d'amendements dans le projet de loi relatif à l'élection des représentants au Parlement européen.

Mme Pervenche Berès, député européen, a remercié le Président Henri Nallet d'avoir renoué avec une pratique utile qui permet aux parlementaires français nationaux et européens de se parler. Elle a estimé que le mode français actuel d'élection des députés européens était insatisfaisant et que sa réforme serait sans doute difficile, aucun système n'étant parfait. Elle a précisé que si le Parlement européen avait « gagné ses galons » en obtenant de véritables pouvoirs avec la procédure de co-décision, et en devenant un véritable parlement, celui-ci n'avait pas vocation à jouer le rôle dévolu à un parlement national. Les députés européens français ne peuvent pas avoir la même assise électorale que les députés nationaux français et, en conséquence, n'ont pas vocation à avoir les mêmes relations avec les citoyens. Elle s'est réjouie de l'abandon en France de toute idée d'instaurer un système uninominal et a exprimé son accord avec le maintien de la représentation proportionnelle. Le mandat de parlementaire européen requiert une présence à temps plein ; l'absence de relation avec le terrain est mal ressentie. Il n'est pas dit que le projet de loi permettra d'éviter l'éparpillement des députés européens dans les groupes, car ce phénomène est aussi le reflet de la vie politique nationale. S'agissant du cumul des mandats, elle a souhaité, afin de mieux intégrer les membres du Parlement européen dans la vie politique nationale, que des règles identiques s'appliquent aux députés nationaux et aux membres français du Parlement européen, et que cette question soit traitée dans la loi sur le cumul des mandats et des fonctions exécutives et non dans celle sur l'élection des députés européens.

M. Gérard Fuchs a estimé que le changement de mode de scrutin au Royaume-Uni ne s'expliquait pas uniquement par l'effet majoritaire excessif du scrutin uninominal à un tour mais aussi par l'intérêt trop exclusif des représentants ainsi élus pour les affaires purement locales. Selon lui, un argument supplémentaire à l'encontre de la liste nationale unique réside dans le fait que, pour le premier de liste, l'alternative est la suivante : soit il préfère exercer d'autres mandats et alors il démissionne sitôt élu, soit il assume son mandat au Parlement européen et se coupe alors de la vie politique nationale. Le cadre régional de l'élection permettrait en outre de rapprocher les élus des médias régionaux. Pour lui, la crainte d'une « Europe des régions » est aujourd'hui dépassée, et le système proposé ne menace en rien l'unité nationale. Il s'est prononcé en faveur d'une politisation du débat européen, qui est la clé d'une meilleure appréhension du Parlement européen par les opinions publiques nationales, car il existe plusieurs alternatives politiques et plusieurs façons de construire l'Europe.

Il lui semblerait utile que les principaux partis présentent des programmes européens. Les députés européens français sont moins présents que leurs homologues des autres Etats membres du fait de règles moins strictes de cumul des mandats. L'émiettement de la représentation française n'est pas dû, quant à lui, à des raisons institutionnelles, mais à la diversité des sensibilités sur l'Europe à l'intérieur même des principales forces politiques.

M. Alain Barrau a souhaité que se généralise l'appellation de « député européen », de préférence à celle de « représentant » ou de « membre » du Parlement européen. Il a exprimé son accord avec le maintien du scrutin proportionnel. S'agissant du problème du cumul des mandats, il a jugé opportun, en accord avec Mme Pervenche Berès, d'accorder un traitement identique aux députés européens par rapport aux parlementaires nationaux.

Après avoir rappelé que le Parlement européen fonctionnait depuis des années sur la base d'une cogestion poussée entre deux grands groupes, le PPE et le PSE, qui ne laisse pas beaucoup de place aux courants politiques minoritaires, il a souhaité que l'élection des membres de cette assemblée fasse l'objet d'une politisation accrue. Cette évolution permettrait de souligner utilement les enjeux de la construction communautaire et de faire comprendre à l'opinion publique, désormais mûre pour accepter cette évolution, que le Parlement européen doit être un lieu d'affrontement politique.

M. Pierre Lellouche s'est déclaré inquiet de l'émiettement de la représentation française au Parlement européen, en soulignant que ce phénomène est imputable non au mode de scrutin mais aux caractéristiques de la vie politique française. La politisation du débat européen supposerait l'existence d'un peuple européen cohérent, support d'un Parlement européen également cohérent, alors que l'Europe repose sur une mosaïque de nations ayant chacune sa propre histoire politique.

La question du mode de scrutin lui paraît devoir être abordée sous l'angle suivant : quel mode de scrutin assurera la meilleure représentativité des élus et la meilleure représentation de la France au sein d'un Parlement européen qui aura de plus en plus de pouvoirs ? Le choix de députés européens représentant chacun une région spécifique lui semble aller à l'encontre d'une représentation et d'une défense efficaces des intérêts français, car les futurs élus seront incités à défendre les seuls intérêts de leur circonscription. Pour lui, c'est une vue de l'esprit de considérer que le projet de loi rapprochera les élus de leurs électeurs. De surcroît, le scrutin proportionnel a montré ses dangers lors des dernières élections régionales. Le débat sur une réforme du mode de scrutin pour le Parlement européen ne lui semble donc pas mûr et devra, en tout état de cause, être réouvert dans quelques années lorsque, du fait de l'augmentation du nombre d'Etats membres et du plafond de 700 députés européens fixé par le Traité d'Amsterdam, le nombre des représentants français devra être réduit.

Après avoir remercié la Délégation de son invitation et s'être félicitée des contacts que cette réunion permettait entre membres de l'Assemblée nationale et membres du Parlement européen, Mme Nicole Fontaine a déclaré partager les propos de M. Jean-Louis Bourlanges : la territorialisation du mode de scrutin des députés européens constituera un net progrès, même s'il aurait été souhaitable de créer des circonscriptions plus proches des électeurs. Elle a souhaité que des mesures d'accompagnement soient prises, afin d'éviter de perpétuer la dispersion des élus français au sein du Parlement européen, qui est préjudiciable à la défense des positions françaises. Les responsabilités au sein des groupes et même au sein du comité de conciliation étant attribuées à la proportionnelle, les députés français en sont écartés du fait de leur dispersion. Une réforme du mode de scrutin ne permettra pas de résoudre cette question si elle ne fait pas l'objet de mesures d'accompagnement aptes à lutter contre l'absentéisme. Elle a souhaité que la question du cumul des mandats soit traitée dans le cadre de la loi modifiant le mode de scrutin des députés européens et souhaité que celle-ci interdise, dès la prochaine élection, le cumul d'un mandat de député européen avec une fonction exécutive locale. Si une telle réforme ne devait pas avoir lieu, la territorialisation du mode de scrutin des députés européens aboutirait à renforcer un phénomène de féodalisation régionale : les présidents de Conseils régionaux et généraux, ainsi que les maires des grandes villes se feront élire au Parlement européen pour « tirer » la liste ; mais après l'élection, soit ils démissionneront, soit ils conserveront ce mandat, mais sans l'exercer. Dans les deux cas, la réforme du mode de scrutin sera tournée en dérision.

Le Président Henri Nallet a convenu du lien à établir entre le passage au nouveau mode de scrutin animé par les listes de circonscription et l'entrée en vigueur de la limitation du cumul des mandats. M. Pierre Lellouche ayant considéré que l'on n'évitera pas, avec ce mode de scrutin, les candidatures de « caciques » régionaux et la formation de « baronnies », M. Alain Barrau a souhaité l'adoption de règles identiques pour les sénateurs, les députés nationaux et les députés européens, ainsi que leur application dès les élections de 1999.

II. Examen de propositions d'acte communautaires

Présentant le document E 818, qui propose de moderniser le système communautaire d'attribution du label écologique prévu par le règlement du 23 mars 1992 pour encourager les modes de production et les biens de consommation durables et minimiser leur impact sur l'environnement, le Président Henri Nallet a souligné que le nouveau texte avait suscité des réticences de la part des Etats membres, qui ont demandé à la Commission de modifier sa proposition. Souhaitant que la Délégation se prononce sur les nouvelles orientations à donner à cette réforme, il lui a soumis une proposition de résolution demandant que la détermination des critères d'attribution du label écologique ne soit pas confiée à un organisme extérieur aux institutions communautaires et que le nouveau dispositif ne prive pas les représentants des Etats membres des prérogatives dont ils disposent aujourd'hui. Après les observations de M. Gérard Fuchs, la Délégation a adopté la proposition de résolution.

Le Président Henri Nallet a par ailleurs évoqué la possibilité pour la Délégation de consacrer un rapport d'information à l'application du règlement de 1992 sur les appellations d'origine protégées et les indications géographiques protégées, qui donne lieu à des différends entre les organisations professionnelles et les autorités communautaires. Il a suggéré qu'un membre de la Délégation se charge d'éclairer la Délégation sur ce point afin qu'elle soit en mesure de proposer des modifications au dispositif en vigueur.

L'examen du document E 1065, qui tend à modifier le règlement financier du 21 décembre 1977 applicable au budget général des Communautés européennes, a été renvoyé à une réunion ultérieure de la Délégation. Celle-ci a considéré que le document E 1071, relatif à l'approbation des traités de l'OMPI sur les droits d'auteur et les droits voisins n'appelait pas un examen plus approfondi.

Le Président Henri Nallet a présenté le document E 1073, relatif à l'avant-projet de budget rectificatif et supplémentaire pour 1998. La Commission propose, s'agissant des recettes, une révision de la correction dont bénéficie le Royaume-Uni ; en application des modalités de calcul prévues par la décision du Conseil du 31 octobre 1994, le montant à lui rembourser serait augmenté de 1 164,5 millions d'écus. Elle prévoit par ailleurs les mesures suivantes : une révision des prévisions en matière de droits de douanes (+ 927,9 millions d'écus) et des assiettes T.V.A. et P.N.B., conduisant à une baisse de 168,4 millions d'écus de la contribution française ; la budgétisation du solde d'exécution de l'exercice 1997, en excédent de 962 millions d'écus. Toutefois, contrairement aux années précédentes, où ce solde était intégralement rendu aux Etats membres en déduction de leurs contributions, la Commission propose d'en retenir 60 %, soit 580 millions d'écus, afin de financer de nouvelles dépenses.

S'agissant des dépenses, la Commission propose d'ouvrir des crédits supplémentaires pour un montant total de 580 millions d'écus, aux fins suivantes : un renforcement de 450 millions d'écus en crédits de paiement au titre du Fonds social européen, ce qui peut étonner dans la mesure où l'exécution du budget ne révèle pas un manque de crédits de paiement ; une augmentation de 150 millions d'écus en engagements et de 30 millions d'écus en paiements en faveur de Phare, qui semble contestable au vu des retards pris depuis plusieurs exercices dans la liquidation des engagements ; une augmentation de 150 millions d'écus en engagements et de 100 millions en paiements au profit de l'aide humanitaire, également contestable dans la mesure où les dotations relatives à ce secteur ne sont pas encore épuisées.

Au total, les propositions de dépenses supplémentaires présentées par la Commission ne semblent pas justifiées au regard des conditions posées par le règlement financier, qui exigent l'existence de circonstances « imprévues, inévitables ou exceptionnelles ». En tout état de cause, l'adoption en l'état de cet avant-projet porterait atteinte à la rigueur que l'autorité budgétaire communautaire a entendu faire prévaloir pour l'exercice 1998, puisque par rapport à 1997, l'augmentation des crédits de paiement serait de 2,1 % au lieu de 1,4 % dans le budget 1998 initial.

L'examen de ce document par le Comité budgétaire au sein du Conseil a révélé l'existence d'une majorité qualifiée contre cet avant-projet, seuls l'Espagne, le Portugal et la Grèce ayant soutenu la proposition de la Commission. Plusieurs Etats membres, dont la France, ont fait part de leurs réserves au motif qu'il ne répond pas aux conditions posées dans le règlement financier mais surtout parce qu'il propose l'utilisation, aux fins de dépenses supplémentaires souvent mal justifiées, d'une partie du solde d'exécution de 1997, ce qui constitue un dangereux précédent pour les négociations sur le projet d'accord interinstitutionnel pour la période 2000-2006.

La France, également réservée sur la possibilité d'une lettre rectificative qui prenne en compte de nouvelles dépenses immobilières pour le Parlement européen et conduise à remettre en cause la répartition des crédits entre les institutions, a demandé à la Commission de présenter une nouvelle proposition ne traitant que des recettes.

Après les interventions de MM. Alain Barrau et Gérard Fuchs, la Délégation a adopté des conclusions exprimant les réserves de la Délégation à l'égard de ce texte.

Le Président Henri Nallet a indiqué que le document E 1074 est relatif à une proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord entre la Communauté économique européenne et la République fédérale islamique des Comores. La Délégation a considéré que ce texte n'appelait pas, en l'état actuel de ses informations, un examen plus approfondi.

Le Président a présenté le document E 1094, comprenant une communication relative à une politique communautaire concernant l'équipage des navires assurant des services réguliers de transport de passagers et de transport par transbordeur à l'intérieur des Etats membres et entre Etats membres, une proposition de règlement modifiant le règlement de 1992 sur l'application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l'intérieur des Etats membres (cabotage maritime) et une proposition de directive du Conseil relative aux conditions requises concernant les équipages des navires assurant des services réguliers de transport de passagers et de transport par transbordeur entre les Etats membres.

En ce qui concerne la proposition de règlement, la France et les Etats membres du Sud avaient déjà, à la fin de l'année dernière, exprimé leur opposition à toute proposition mettant fin au régime de l'Etat d'accueil pour le trafic avec les îles au profit du régime de l'Etat du pavillon. Cette opposition est due, pour l'essentiel, aux problèmes d'emploi qui pourraient résulter d'un tel changement. Au texte que la Commission a néanmoins présenté, la France adresse trois reproches : il ne trouve pas sa base juridique dans l'actuel règlement, contrairement à ce que prétend la Commission ; un nouveau texte sur le cabotage, peu avant sa libéralisation prévue pour le 1er janvier 1999, est prématuré ; le partage de compétences prévu entre l'Etat d'accueil et l'Etat du pavillon risque de donner lieu à des difficultés d'application, puisque le premier pourra fixer la proportion de ressortissants communautaires de l'équipage, alors que le second déterminera le nombre de personnes composant l'équipage.

Sous réserve de quelques modifications, la France est cependant favorable à la proposition de directive, qui répond à une réelle nécessité. Il importe en effet de soumettre aux mêmes conditions de travail que les ressortissants de la Communauté les ressortissants de pays tiers employés dans des équipages de compagnies établies dans la Communauté et naviguant entre les ports de l'Union européenne, et ceux employés dans des navires battant pavillon d'un Etat membre appartenant à des compagnies situées en dehors de l'Union européenne.

Tout en soutenant la position défavorable de la France et des Etats du Sud à la proposition de règlement, la Délégation considère que la proposition de directive n'appelle pas, compte tenu des amendements présentés par le Gouvernement, un examen plus approfondi.

Le Président Henri Nallet a présenté le document E 1096, relatif à une proposition de directive du Conseil concernant un système transparent de règles harmonisées en matière de restrictions applicables aux poids lourds effectuant des transports internationaux sur des routes déterminées. La France est opposée à ce texte qui, contrairement aux indications de la Commission, ne procède pas à une harmonisation, puisqu'il n'oblige pas les Etats membres actuellement dépourvus de réglementation à introduire des restrictions, tandis que les Etats membres qui en ont édicté une seront tenus de la modifier. La directive risque donc de créer de nouvelles discriminations. L'Allemagne et l'Autriche sont, pour les mêmes raisons, opposées à la proposition de directive.

Dans ces conditions, comme on n'imagine guère l'adoption d'un texte qui ferait peser des obligations sur les seuls Etats ayant déjà pris des mesures de restriction, tout en laissant les autres libres de n'adopter aucune réglementation, la Délégation a décidé que ce texte n'appelait pas un examen plus approfondi. Elle reste néanmoins attentive à un texte qui proposerait une harmonisation, laquelle demeurerait utile, tant pour des raisons économiques que de sécurité et de protection de l'environnement.