DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 54

Réunion du jeudi 15 octobre 1998 à 9 heures 30

Présidence de M. Henri Nallet, Président

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16 octobre 1998

1. Communication sur l'article 42 du projet de loi de finances pour 1999, évaluant le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes (M. Didier Boulaud)

M. Didier Boulaud a rappelé que le débat sur le prélèvement sur les recettes de l'Etat au profit du budget des Communautés européennes, organisé chaque année depuis 1992, constitue une forme de contrôle parlementaire, même si le vote sur cet article spécifique du projet de loi de finances ne présente pas les caractéristiques d'une « autorisation » parlementaire au sens classique du droit budgétaire, puisque les ressources propres des Communautés sont prélevées en application des traités. Le Parlement se prononce dès lors sur une simple « évaluation ». Au demeurant, l'évaluation ainsi opérée au moment de l'élaboration de la loi de finances ne correspond pas aux versements effectifs car le budget initial de la Communauté est toujours modifié en cours d'année par des budgets rectificatifs et supplémentaires, tandis que les ressources propres les plus importantes sont assises sur la TVA et sur le PNB des Etats membres et dépendent donc des aléas économiques. Il n'en demeure pas moins que ce débat et ce vote offrent à notre Assemblée une occasion supplémentaire de prendre position sur la politique européenne.

L'évaluation du montant de ce prélèvement pour 1999, qui s'élève à 95 milliards de francs, confirme l'accroissement constant du poids de celui-ci sur les finances publiques, ce poids restant toutefois limité si l'on considère que le budget communautaire ne représente que 1,11% du PNB de l'Union, alors que, par exemple, le budget fédéral des Etats-Unis s'élève à 20 % du PIB.

Le budget de 1999 sera un budget de transition, puisque cet exercice constituera la dernière année d'application des perspectives financières arrêtées en 1992 par le Conseil européen d'Edimbourg et que la préparation du nouveau cadre financier de l'Union pour la période 2000-2006 est à peine engagée. Sa progression globale paraît marquer à première vue une rupture avec l'effort de rigueur et de maîtrise des dépenses qui caractérisait les deux exercices précédents : les crédits pour engagements s'élèvent à 96,5 milliards d'euros, en hausse de 6,05 % par rapport à l'exercice antérieur, et les crédits pour paiements à 85,8 milliards d'euros, soit 2,81 % de plus qu'en 1998.

Toutefois, ces chiffres globaux recouvrent des évolutions contrastées selon les secteurs. Les dépenses agricoles sont reconduites à leur niveau de 1998, tandis que les rubriques « politiques internes » et « actions extérieures » subissent des réductions significatives. En revanche, les actions structurelles bénéficient de dotations en forte hausse (16,6 % en engagements et 9 % en paiements). Il était, certes, indispensable de respecter les engagements politiques pris lors du Conseil européen d'Edimbourg, mais la sous-consommation persistante de ces fonds constitue un problème préoccupant. Contestant le statut privilégié des dépenses structurelles, la Délégation a souhaité que l'effort d'économies soit mieux équilibré entre les différentes rubriques du budget communautaire. Elle a, à ce sujet, repris une suggestion de son rapporteur : ne pourrait-on envisager d'aménager la règle de rebudgétisation automatique des crédits non dépensés au titre des actions structurelles, afin de financer davantage les actions en faveur de l'emploi, comme les grands réseaux transeuropéens ? Elle estime aussi que l'importance des fonds disponibles pour 1999 devrait inciter la France à les consommer davantage et elle souhaite que les procédures d'utilisation de ces fonds soient simplifiées.

En tout état de cause, le poids de la dépense structurelle tend à pénaliser d'autres priorités de l'Union, comme celle du développement des réseaux transeuropéens.

A propos de la réforme des perspectives financières, M. Didier Boulaud a fait observer que la question des soldes nets serait au coeur des débats franco-allemands et des négociations sur « Agenda 2000 ». Il a estimé que les soldes budgétaires doivent être analysés avec précaution. Les réflexions sur le nouveau système de ressources propres devront tendre à davantage d'équité entre les Etats, tout en identifiant mieux les recettes de l'Union. Le dernier résultat connu, celui de 1996, qui place, avec un solde négatif de 459,8 millions d'écus, la France au septième rang des contributeurs nets, n'est pas significatif, car il correspond à une situation exceptionnelle. Toutefois, il est vrai que la France a bénéficié de 24,4 % des dépenses de la PAC en 1996 et de 22,6 % en 1997 ; elle a été de manière générale le premier bénéficiaire de la dépense communautaire, à hauteur de 16,4 % en 1996.

L'Union européenne devra concilier deux exigences : se doter d'un système de financement plus équitable et se rapprocher du citoyen européen. La deuxième préoccupation devrait conduire à mieux identifier les ressources de l'Union, à en accentuer le caractère « propre », qui reste largement fictif. En revanche, le souci d'équité pousse à accroître dans le financement de l'Union la part de la ressource assise sur le PNB, voire, comme certains l'envisagent, à en faire la seule recette du budget communautaire. Or, cette ressource est par définition opaque, condamnée à transiter par les budgets nationaux.

L'exposé du Rapporteur a été suivi d'un débat.

M. Alain Barrau a estimé que l'évolution générale du budget et l'augmentation des crédits relatifs aux fonds structurels résultaient de la rebudgétisation d'une année sur l'autre des excédents de ces fonds et du souhait d'intégrer dans le projet de budget pour 1999 la totalité des surplus avant d'entamer la réforme de ces fonds ; il a souhaité que le Gouvernement rattrape cette année le retard pris par la France dans l'utilisation des crédits destinés aux actions structurelles.

M. Didier Boulaud a précisé que la cause du retard était largement due à la complexité des procédures nationales d'attribution de ces crédits, qu'il convenait donc de simplifier.

M. François Loncle a souligné que si, comme l'a indiqué le Rapporteur, ainsi que l'avis rendu par Mme Marie-Hélène Aubert au nom de la Commission des affaires étrangères, les dépenses ont été bien maîtrisées, plusieurs informations récemment rendues publiques montrent la nécessité de mieux contrôler la gestion des crédits de l'Union. Il a fait état, à ce sujet, des irrégularités constatées dans la gestion des fonds du programme ECHO, destiné à des actions humanitaires, le manque de contrôle et de transparence qui affectent les aides accordées dans le cadre du programme TACIS, en particulier à la Russie - ainsi que l'a indiqué le ministre des affaires étrangères autrichien devant la Commission des affaires étrangères - et des scandales révélés par la commission d'enquête sur la Corse. Il a appelé de ses voeux un contrôle a posteriori des dépenses plus rigoureux et une plus grande transparence dans la gestion des crédits.

Rappelant également les propos tenus la veille par le ministre des affaires étrangères autrichien et soulignant l'image négative produite par la révélation de fraudes communautaires, M. Pierre Brana s'est dit partisan de renforcer les moyens de l'organe communautaire de lutte contre la fraude.

Le Président Henri Nallet a estimé que la question des contrôles existants, de leur efficacité, de leurs défaillances et des moyens de les améliorer, pourrait donner lieu à un rapport d'information. Il a indiqué qu'à la suite des dérapages constatés dans la gestion de certains fonds par la Commission, on envisage de donner un statut indépendant à l'UCLAF, l'unité chargée de lutter contre la fraude, actuellement rattachée à la Commission, afin d'assurer la séparation de la fonction d'ordonnateur et celle de contrôleur. Rappelant les irrégularités constatées dans la mise en oeuvre des programmes TACIS et PHARE et les risques liés, par exemple, à la situation de l'administration russe, il a considéré qu'il était également nécessaire d'inciter la Commission à une plus grande vigilance en la matière.

2. Audition des rapporteurs du Parlement européen sur la réforme des fonds structurels : Mme Elisabeth Schroedter, Mme Arlene McCarthy et M. Konstantinos Hatzidakis

Le Président a remercié Mme Elizabeth Schroedter, rapporteur pour la Commission de la politique régionale du Parlement européen sur «  Agenda 2000 », ainsi que Mme Arlene McCarthy et M. Konstantinos Hatzidakis, co-rapporteurs de la proposition de règlement portant dispositions générales sur les fonds structurels, d'avoir accepté de venir s'exprimer devant la Délégation. Il a salué la présence des membres français de la Commission de la politique régionale du Parlement européen qui ont bien voulu répondre à son invitation : Mme Danielle Darras, M. Edouard des Places, M. Jacques Donnay et M. Jean Querbes.

Mme Arlene McCarthy a indiqué que des amendements à la proposition de résolution concluant son rapport vont être votés le 27 octobre 1998, en vue d'une adoption en séance plénière du Parlement européen lors de sa session à Strasbourg le 15 novembre 1998. Ce sera la première lecture par le Parlement européen, qui prendra la forme d'une motion de résolution et non, à ce stade, d'amendements législatifs à la proposition de la Commission. Elle a souhaité que le Conseil continue à progresser sur le paquet « Agenda 2000 », le Parlement européen devant quant à lui prendre position au début de l'an prochain.

Elle a espéré qu'au sommet de Dresde un accord serait trouvé pour les réformes en cours. Que certains gouvernements aient indiqué qu'il n'y avait pas d'urgence à la conclusion d'un accord est préoccupant. Plus les discussions seront longues, plus la mise en oeuvre de nouveaux programmes sera retardée, au détriment des régions.

Les fonds structurels sont un instrument clé pour promouvoir la cohésion économique et sociale conformément aux articles 2 et 130 A du Traité. Pour la période 1994-1999, 170 milliards d'écus ont été investis dans les régions européennes, un demi million d'emplois ayant été créés ou maintenus.

Cette politique de solidarité avec les plus pauvres et les régions en déclin bénéficie aussi aux régions riches. Les estimations montrent que 30 à 40 % des financements destinés aux Etats les plus pauvres reviennent dans les Etats les plus riches sous la forme de commandes d'équipements ou de services. Selon elle, l'effort de cohésion doit être poursuivi et maintenu dès le début du prochain millénaire, avec des ressources adéquates, un montant égal à 0,46 % du PIB devant continuer à être affecté à la politique régionale et de cohésion.

La réforme des fonds structurels doit tenir compte des défis auxquels doit faire face l'Europe : l'élargissement à l'Est, avec ses incidences budgétaires ; le traitement du chômage, qui reste élevé ; l'amélioration de l'efficacité des programmes et des dépenses ; les nouveaux engagements politiques qui résultent du nouveau chapitre sur l'emploi inclus dans le Traité CE et des articles sur le développement équilibré ; le principe de l'égalité et de non-discrimination.

Dans la proposition de résolution contenue dans le rapport qu'elle a élaboré avec M. Konstantinos Hatzidakis, elle accepte la plupart des propositions de la Commission, en particulier les quatre principes suivants, dont certains sont déjà en vigueur : la concentration sur des objectifs spécifiques, la programmation, le partenariat et l'additionnalité. Egalement favorable à la proposition de la Commission tendant à une plus grande simplification et une plus grande efficacité de la programmation, elle insiste sur le caractère équitable que doit revêtir le processus de réforme et sur le caractère durable du développement, chaque Etat membre devant contribuer à l'effort de concentration et assurer la priorité des régions les plus pauvres.

Pour l'objectif 1, elle se rallie à la proposition de la Commission qui en réserve le bénéfice aux régions dont le PIB est inférieur à 75 % du PIB communautaire, sous réserve de prévoir des exceptions, essentiellement en faveur des régions ultra périphériques et celles de Suède et de Finlande relevant de l'actuel objectif 6. Elle estime, au surplus, que la liste des régions concernées devrait être annexée au règlement.

S'agissant de l'objectif 2, Mme Arlene McCarthy a estimé que les critères d'éligibilité proposés par la Commission ne reflétaient pas de façon adéquate les faiblesses structurelles de l'économie des régions, ce qui rend nécessaire le recours à des indicateurs supplémentaires, que devraient proposer la Commission ou le Conseil pour permettre un ciblage plus fin et assurer ainsi une meilleure cohérence avec les objectifs de la politique régionale (la création d'emplois, la cohésion économique et sociale et la compétitivité).

A propos du dispositif de soutien transitoire aux régions qui ne seraient plus éligibles aux objectifs 1 et 2, elle a estimé que le montant des ressources affecté à ce dispositif n'était pas clair ; c'est pourquoi la proposition de résolution demande à la Commission de spécifier la formule qu'elle entend utiliser pour le calcul de l'aide attribuée à chaque région dans le cadre de ce dispositif. Elle se prononce aussi pour des périodes de transition égales pour toutes les zones.

Dans le domaine de la gestion financière et des performances, la proposition de résolution reconnaît la nécessité d'améliorer l'efficacité des programmes, tout en suggérant une alternative à la « réserve de performance » comme les reports de crédits. Si la proposition de la Commission prévoyant l'annulation automatique des crédits non utilisés après deux ans peut favoriser l'efficacité des programmes, les ressources ainsi dégagées devraient être réaffectées à d'autres formes d'assistance régionale.

S'agissant du partenariat, la proposition de résolution demande que le rôle et les responsabilités des partenaires soient bien définis et que le consensus dans la prise des décisions soit la norme, le vote n'intervenant qu'en dernier ressort ; elle propose la reconnaissance du rôle déterminant des autorités locales et régionales et des partenaires économiques et sociaux, les associations légalement compétentes en matière d'environnement devant également être pleinement impliquées.

Quant aux initiatives communautaires, dont le nombre serait à juste titre ramené à trois, elles doivent produire une valeur ajoutée européenne au lieu de dupliquer les activités financées par les fonds structurels.

La résolution propose cependant, outre le maintien de l'initiative Urban, la création d'une nouvelle initiative intitulée « Restruct » pour permettre à l'Union européenne d'apporter une réponse souple à des situations de crise imprévisibles.

La proposition de résolution approuve enfin la période de programmation de sept ans et se prononce en faveur de l'application du principe de subsidiarité dans la détermination des niveaux opérationnels des programmes.

M. Konstantinos Hatzidakis a abordé la réforme des fonds structurels en soulignant trois éléments : la cohésion économique et sociale figure au nombre des objectifs des traités communautaires, lesquels doivent être respectés ; les efforts pour porter remède aux dysfonctionnements de la politique structurelle doivent être poursuivis ; la préparation de l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale et à Chypre change l'image de l'Union et doit conduire à l'adaptation des fonds structurels.

Les travaux du Parlement européen suivent deux axes, l'un de caractère économique, l'autre juridique et technique.

En premier lieu, la Commission propose d'allouer aux politiques structurelles 0,46 % du PIB communautaire par an, c'est-à-dire la part qui leur est actuellement consacrée, du moins si les dépenses totales atteignent le montant prévu pour le plafond des ressources propres, qui est de 1,27 % du PNB. Au demeurant, ce plafond devra lui-même être revu pour permettre des politiques communautaires plus ambitieuses. Il devra en tout état de cause être relevé avant la première adhésion d'un nouvel Etat membre. Pour M. Hatzidakis, l'opposition du Premier Ministre français à la renationalisation de la politique agricole commune ne peut qu'être approuvée.

Le budget actuel de la Communauté, qui est à peu près équivalent à celui de l'Espagne, est au service d'objectifs ambitieux : politique agricole, cohésion économique et sociale, élargissement, politique méditerranéenne, politique extérieure, sécurité. Tout le monde est d'accord sur les objectifs, mais personne n'est prêt à payer. Le pourcentage de 0,46% du PIB communautaire est satisfaisant aujourd'hui, mais devra être revu dès la première adhésion.

En second lieu, les propositions de la Commission sont acceptables dans leur aspect juridique et technique : la simplification et la recherche d'efficacité, la réduction du nombre d'objectifs, la baisse de la population subventionnée, qui passerait de 52 % à 38 % de la population de l'Union et la décentralisation dans la gestion des programmes communautaires. Toutefois, plusieurs aménagements seraient souhaitables :

- l'objectif 1, destiné aux régions dont le PIB est inférieur à 75 % du PIB communautaire, qui comporte des exceptions et inclut les régions ultrapériphériques, comme les D.O.M., par respect pour le Traité, qui les mentionnent expressément, devrait continuer à représenter les deux tiers des dépenses des fonds structurels, et non pas « à peu près » les deux tiers de ces fonds, comme le propose la Commission ;

- la répartition des crédits entre les différentes rubriques de l'objectif 2 (10 % pour les zones industrielles, 5 % pour les zones rurales, 2 % pour les zones urbaines et 1 % pour les zones de pêche en difficulté, couvrant 18 % de la population de l'Union), est acceptable, mais les critères doivent être clarifiés et résulter pour moitié de décisions communautaires et pour moitié de décisions nationales, afin de mieux correspondre à la réalité de chaque Etat membre ;

- toutes les régions non incluses dans l'objectif 1 devraient bénéficier de l'objectif 3 ;

- dans le cadre des initiatives communautaires, le programme Interreg, relatif à la coopération interrégionale, devrait inclure les régions insulaires, dont le Traité reconnaît les besoins spécifiques ;

- la Commission devrait préciser certains critères de la relation de partenariat, que le Parlement européen souhaite promouvoir, s'agissant notamment du suivi et de l'évaluation des programmes, ses propositions devant par ailleurs respecter le principe de subsidiarité et les particularités de chaque Etat membre ;

- la réserve d'efficacité, ou réserve de performance, fixée à 10 % des fonds structurels et destinée aux Etats et régions réalisant une bonne exécution des programmes, paraît trop élevée pour que la Commission puisse la distribuer seule et selon des critères incertains ; il serait préférable de créer une « réserve de désengagement » regroupant les crédits non dépensés trois ans après l'adoption des programmes ; ces crédits pourraient être affectés à une autre région du même Etat membre.

Mme Elisabeth Schroedter a souligné l'importance de l'objectif de cohésion économique et sociale, qui est un moyen de compenser la concentration des activités économiques au détriment des régions périphériques et des populations les plus pauvres. Comme l'affirmait Jacques Delors dans son Livre blanc sur la croissance, la compétitivité et l'emploi, l'Europe doit s'orienter vers un modèle de développement durable fondé sur une meilleure répartition des bénéfices de l'intégration européenne et la préservation des ressources naturelles. Il convient dans cette optique de définir un nouveau concept de politique structurelle qui permette d'améliorer la qualité et la pérennité des aides, ainsi que le contrôle de leur efficacité.

Si les propositions de la Commission apportent un certain nombre d'innovations en matière de promotion des investissements ou d'aide au développement régional, il importe de prévoir la possibilité pour les partenaires locaux et régionaux et les acteurs sociaux de participer à la gestion des fonds structurels, afin qu'ils soient en mesure de procéder à une évaluation ex ante des programmes. Les Etats devront cependant décider si cette participation des acteurs locaux - ainsi que leur présence dans les comités de suivi - peut être mise en oeuvre en l'absence de toute base juridique ou s'ils s'en tiennent à un simple mécanisme de consultation, qui présenterait toutefois l'inconvénient de perpétuer le déficit démocratique.

La Commission propose de consacrer 275 milliards d'écus aux aides structurelles pour la période 2000-2006, dont 45 milliards seraient destinés aux nouveaux Etats membres. Les aides de préadhésion - d'un montant de 7 milliards d'écus - ont pour objet de permettre à ces pays d'intégrer les normes communautaires en matière d'infrastructures et d'environnement ; l'adaptation aux règles communautaires en vigueur dans le domaine de la politique sociale et de l'emploi, qui sont pourtant importantes pour le développement régional, n'est pas prise en compte. Il conviendrait donc de mettre en oeuvre des objectifs de qualité reposant sur une gestion décentralisée des programmes ainsi que des priorités en matière de renforcement des administrations locales.

Par comparaison avec les dépenses structurelles entraînées par les précédents élargissements de la Communauté, on peut évaluer à 15 ou 20 milliards d'écus, chaque année, les ressources qui devront être mobilisées pour les futures adhésions ; c'est pourquoi il serait souhaitable de créer un fonds spécifique permettant de financer les programmes de soutien et d'aide pendant tout le processus d'adhésion. L'existence de ce fonds permettrait également de garantir aux Etats membres la poursuite des programmes en cours dont ils sont bénéficiaires.

L'exposé des Rapporteurs du Parlement européen a donné lieu à un large débat.

M. Alain Barrau a souhaité connaître le calendrier d'examen des propositions de réforme au Parlement européen. Il a observé que la Commission européenne se fondait sur le postulat de l'efficacité des fonds structurels, alors que le premier rapport sur la cohésion comporte des conclusions inquiétantes. Le Parlement européen envisage-t-il de demander à la Commission des précisions sur son argumentation, de l'étayer sur des évaluations plus précises ? Il a souhaité également connaître la position des Rapporteurs sur le plafonnement des ressources propres à 1,27% du PNB des Etats membres. Il s'est par ailleurs interrogé sur l'articulation entre les interventions de l'objectif 1 et celles du fonds de cohésion, les critères qui pourraient être établis si l'objectif 2 était divisé en deux sous-objectifs, les dispositions transitoires de sortie, l'approfondissement et l'élargissement du partenariat et la place des Etats membres dans le processus de réforme.

Il a enfin souhaité connaître les réactions des représentants du Parlement européen à l'idée consistant à créer éventuellement un fonds unique remplaçant les quatre fonds actuels.

M. Jacques Myard a évoqué la résolution adoptée par le Parlement européen le 18 juin 1998, qui constate une concentration de la croissance dans les régions développées de la Communauté et une accentuation des déséquilibres entre « régions fortes » et « régions faibles ». Partageant l'objectif de solidarité, il a douté que l'intégration forcée de l'Europe par la monnaie unique, jointe à l'élargissement, ne permette de l'atteindre.

Mme Danièle Darras, députée européenne, a jugé très utiles les éléments de réflexion issus du dialogue entre parlementaires européens et députés nationaux. Elle a estimé que la sortie des régions françaises de l'objectif 1 ne devait pas susciter de réticences, puisqu'elle constitue un signe de l'amélioration de leur économie. Elle a en revanche exprimé sa perplexité à l'égard des critères qui seront retenus pour l'objectif 2, avant de se demander si l'objectif 3 s'appliquerait à tout le territoire national. Elle a souhaité que le programme Urban soit maintenu, éventuellement en l'intégrant dans les actions menées au titre de l'objectif 2, plutôt que de disparaître du fait de la réduction à trois des treize programmes d'intérêt communautaire. Elle a enfin attribué à la complexité des procédures en vigueur en France le fait que 30 % des crédits des fonds structurels ne sont pas dépensés.

M. Maurice Ligot a douté de la possibilité de concilier la réduction des contributions nettes demandée par quatre Etats membres avec le souhait légitime des Européens de renforcer la cohésion sociale entre les régions, alors que ces dernières souffrent d'écarts croissants. Il a demandé si l'Union européenne s'orientait vers la poursuite de la politique structurelle ou vers sa renationalisation, comme celle proposée pour la P.A.C., laquelle est une forme de politique structurelle, qui a permis de maintenir une agriculture familiale, et pas seulement productiviste, sur le territoire communautaire.

Ce point de vue a été partagé par M. François Loncle, qui a également approuvé M. Hatzidakis d'avoir souligné que l'Union européenne ne pourra s'élargir sans reconsidérer au préalable le plafond des ressources propres, fixé à 1,27 % du PNB communautaire. Il a demandé à Mme Schroedter quels enseignements pour l'élargissement l'Union européenne pourrait tirer des réussites et des échecs de l'intégration de l'ancienne République démocratique allemande qui, sans être une expérience identique, pourrait néanmoins être très éclairante.

M. Jacques Donnay, député européen, a observé que si l'évaluation de la politique structurelle pour la période 1994-1999 avait montré, en France, une sous-consommation des crédits communautaires et une lenteur d'exécution dont l'Etat était le principal responsable, l'orientation actuelle en faveur de la simplification et de la décentralisation ne devait pas aboutir à éliminer les autorités de l'Etat : une négociation à laquelle participeraient cent régions serait encore plus difficile qu'entre les quinze Etats membres. Elu originaire d'une région relevant de l'objectif 1, il a souhaité que la transition soit bien organisée, de façon à ne pas entraîner une coupure brutale des financements.

M. Yves Fromion a demandé si l'évaluation de l'efficacité de la politique structurelle serait effectuée par un personnel spécialisé et se rendant sur le terrain ou par les Etats membres.

M. Edouard des Places s'est demandé comment on pouvait traiter la politique régionale et les fonds structurels sans résoudre préalablement les problèmes relatifs à la PAC, à l'élargissement et, surtout, à la politique budgétaire. Le problème budgétaire serait le premier à régler, car il conditionne la solution des autres ; les disponibilités financières qui subsisteront après le bouclage de la PAC et de l'élargissement permettront d'engager une véritable réforme de la politique régionale selon des objectifs précis. Déplorant une mauvaise utilisation en France des fonds structurels, due à des lourdeurs administratives, il a approuvé la réduction du nombre d'objectifs de sept à trois, tout en s'interrogeant sur le sort respectif des zones rurales et des zones urbaines couvertes par le nouvel objectif 2.

Le Président Henri Nallet a rappelé l'inquiétude exprimée par plusieurs membres de la Délégation relative à la cohérence des propositions de réforme des fonds structurels et de celles relatives au budget communautaire. Il s'est montré surpris et préoccupé par la contradiction entre la position raisonnable exprimée par les parlementaires européens sur l'« Agenda 2000 » et l'acceptation, par la commission économique et monétaire du Parlement européen, du maintien - décidé par le Conseil Ecofin - du plafond de ressources propres. La Délégation s'interroge donc sur la portée d'une réforme qui conduira à un surcroît de dépenses, alors que celles-ci resteront comprimées sous le plafond des ressources propres.

Mme Arlene McCarthy a expliqué que les positions exprimées au sein du Parlement européen résultaient de la diversité des pays et des régions représentées ; des compromis seront donc nécessaires. S'agissant du budget, le maintien du plafond de 1,27 % lui semble réaliste, face aux préoccupations des contribuables et des Etats membres. Les Etats contributeurs nets veulent réduire leurs contributions ; il convient donc d'en rester à ce plafond et de le gérer, en utilisant plus efficacement les moyens disponibles et en résolvant les problèmes liés à l'utilisation des fonds structurels, principalement pour les pays qui en bénéficient le plus. Le système actuel d'attribution des fonds structurels, trop complexe, doit être simplifié par des mesures d'ingénierie financière et par une meilleure implication des régions.

Retarder de six mois un accord au Conseil provoquerait un retard d'un an sur tous les calendriers, alors qu'il conviendrait d'identifier dès à présent les ressources et les complémentarités, pour faire ressortir la valeur ajoutée européenne. S'agissant de l'objectif 2, qui devrait, selon elle, couvrir les zones minières, elle a craint que l'on cherche à tout faire rentrer dans cet objectif, alors qu'il conviendrait de définir des critères simples et cibler les interventions. La Commission s'en remet largement, sur ce point, aux Etats membres, ce qui lui permettra d'identifier, au moyen d'indicateurs adaptés, les zones et les priorités.

Elle a critiqué l'explosion du nombre des fonctionnaires européens, qui rend trop complexe la gestion administrative des fonds structurels, au détriment de leur efficacité. De plus, certaines propositions de la Commission européenne sont mal élaborées ; plusieurs régions se plaignent de l'excès de « paperasse » et d'administration, qui les empêche de gérer les fonds par une véritable conception de projets et une programmation des dépenses.

La concentration des aides obligera les Etats membres à prendre des décisions politiques difficiles. Certaines régions européennes ont certes encore besoin de financements communautaires, mais il faut avoir une vision à long terme : les aides ne constituent pas un droit perpétuel et ces régions doivent envisager de s'en passer. Les pays méditerranéens, notamment, doivent comprendre qu'au fur et à mesure des élargissements successifs de l'Union, il faudra concentrer les fonds sur les pays les plus défavorisés, tout en laissant aux Etats membres le temps d'adapter leurs stratégies de développement à la diminution des fonds structurels.

M. Konstantinos Hatzidakis a fait observer que le montant du budget de l'Union européenne était égal à 1,11 % du PNB des Etats membres, niveau sensiblement inférieur au plafond de 1,27 % fixé par le Conseil européen d'Edimbourg pour les ressources propres. Cette situation résulte de la politique de réduction des déficits budgétaires imposée par la monnaie unique ; elle s'explique également par l'euroscepticisme, qui n'incite pas les Gouvernements à accroître leur participation au financement des politiques communautaires. Or, les Etats membres seront contraints de définir clairement les politiques qu'ils accepteront de financer pour faire face à l'entrée d'Etats pauvres et au doublement du nombre d'agriculteurs au sein de l'Union européenne.

Evoquant le rôle du fonds de cohésion, il a considéré que, malgré un montant de 20 milliards d'écus, soit un douzième du total des fonds structurels, il suscitera des débats au sein de la Commission et du Parlement européen, car les Etats contributeurs estiment son maintien incompatible avec l'entrée des Etats bénéficiaires dans la monnaie unique. Pourtant, la Grèce, même quand elle aura rejoint la monnaie unique, continuera à avoir besoin du fonds de cohésion.

Comme le FEDER, le FSE et le FEOGA devraient être maintenus, l'idée de créer un fonds unique n'étant pas envisagée ; en revanche, les réflexions s'orientent vers des procédures d'harmonisation de leurs interventions. Le soutien du FEDER, dans le cadre du dispositif du soutien transitoire accordé aux régions qui ne seraient plus éligibles aux objectifs 1 et 2, devrait être maintenu jusqu'en 2006.

Mme Elisabeth Schroedter a reproché au Gouvernement allemand d'avoir soulevé la discussion sur la contribution budgétaire des Etats membres, alors que chacun est conscient des avantages que l'Allemagne tirera de l'élargissement. Il lui paraît dommage que la Commission se soit laissée influencer sur ce point avant l'intervention des élections allemandes, car la nouvelle majorité, en particulier les Verts, a une autre conception de la solidarité.

La place des Etats dans la gestion des fonds structurels doit être renforcée, sans pour autant abandonner ce qui relève de la valeur ajoutée communautaire. L'évaluation de l'impact des aides structurelles dans les Etats membres devrait être effectuée par des experts indépendants, dont les rapports seraient également examinés par la Commission.

Tirant les leçons des transferts dont l'ancienne République démocratique allemande a bénéficié, elle a estimé que des fonds d'un montant beaucoup plus important lui ont été versés et qu'ils ont été utilisés de manière moins efficace. La base de toute action de développement devrait être constituée par l'émergence d'une classe moyenne stable. En outre, même si l'administration locale est récente, la gestion des aides doit faire l'objet d'une certaine décentralisation. Les meilleurs résultats ont d'ailleurs été obtenus en Saxe et à Berlin, où cette méthode s'est appliquée. En revanche, on ne doit pas laisser s'accroître l'endettement des collectivités locales.

En remerciant tous les intervenants, le Président Henri Nallet a exprimé le souhait de renouveler ces réunions de travail communes, dont il a salué le caractère très fructueux.