DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 60

Réunion du jeudi 26 novembre 1998 à 9 heures 30

Présidence de M. Henri Nallet, Président

    Rapport d'information sur la réforme de la politique agricole commune (E 1052 - Mme Béatrice Marre, Rapporteur)

Le Président Henri Nallet a salué la présence de Mme Armelle Guinebertière, M. Edouard des Places et M. Jean Querbès, membres de la commission de l'agriculture et du développement rural du Parlement européen, et celle de M. Joseph Parrenin, membre de la commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale.

Après avoir rappelé que les propositions de réforme de la PAC élaborées par la Commission européenne faisaient suite aux premières orientations agricoles qui avaient été présentées dans la communication « Agenda 2000 », Mme Béatrice Marre a souligné qu'elles se situaient dans la voie ouverte par la précédente réforme de 1992 en prévoyant des baisses des prix d'intervention compensées par une augmentation des aides directes, mais qu'elles amorçaient aussi une réorientation des objectifs.

La réforme de 1992 a débouché, dans une conjoncture favorable, sur une forte hausse des revenus agricoles - que n'avaient prévu ni la Commission, ni les organisations professionnelles - et un certain rééquilibrage des marchés, plus marqué toutefois dans le secteur des céréales que dans celui de la viande bovine. Mais la PAC est également affectée par des dysfonctionnements : réduction drastique du nombre des exploitations, chute de l'emploi agricole, détérioration de l'environnement ; de surcroît, la répartition des aides directes s'est faite à l'avantage des exploitations et des régions les plus productives.

Une nouvelle réforme de la PAC est donc nécessaire pour faire face à ces dysfonctionnements, prévenir les déséquilibres prévisibles des marchés des céréales et de la viande bovine, mettre l'Union européenne en position favorable avant d'aborder les négociations de l'OMC, et donner une nouvelle légitimité à un soutien communautaire de plus en plus contesté dans l'opinion publique en raison du poids croissant des aides directes dans le revenu agricole.

La réforme élaborée par la Commission s'articule en huit propositions de règlements qui sont relatifs, respectivement, à l'OCM des céréales, au régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables, à l'OCM de la viande bovine, à l'OCM du lait, au prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait, au soutien au développement rural par le FEOGA, au financement de la PAC, enfin, aux règles communes pour les régimes de soutien direct.

Les objectifs des propositions sectorielles de la Commission sont présentés dans un exposé des motifs apte à susciter le consensus. Il s'agit, pour la Commission, de défendre le modèle agricole européen. Elle propose le recours à quatre instruments : la poursuite de la baisse des prix, partiellement compensée par les aides directes - la baisse des prix étant de 20 % pour les céréales, 30 % pour la viande bovine et 15 % pour le lait ; la décentralisation des instruments de gestion, qui se traduit par l'instauration d'un double mécanisme de modulation, l'un, interne à chaque OCM, qui permet aux Etats de distribuer directement une partie des aides, l'autre, horizontale, qui repose sur la possibilité de moduler l'ensemble des aides en fonction du critère relatif à l'emploi ; la compensation des inégalités de revenu, grâce notamment au nouveau dispositif de plafonnement ; la prise en compte des nouvelles missions de l'agriculture, dont une des traductions les plus visibles est le mécanisme d'éco-conditionnalité, et le transfert au FEOGA-Garantie des dépenses de développement rural.

Mme Béatrice Marre a fait état des principales réserves que lui inspirent ces propositions. Au titre des réserves de caractère général, elle a estimé que, si les orientations stratégiques de la Commission préparent l'élargissement de l'Union européenne, elles constituent une anticipation excessive des futures négociations de l'OMC. Elle a regretté, en outre, le choix d'une baisse généralisée des prix d'intervention, dangereuse pour le modèle agricole européen, ainsi que la mise à l'écart des productions méditerranéennes. Elle a par ailleurs contesté la forte baisse des prix d'intervention dans le secteur de la viande, jugé le mécanisme de compensation défavorable à l'élevage extensif et considéré comme inutile, au regard de la situation du marché, la réforme de l'OCM du lait et des produits laitiers.

Les discussions en cours prennent désormais une tournure budgétaire marquée en raison de la demande présentée par l'Allemagne d'une baisse de son solde contributeur net, qui doit trouver une solution acceptable en agissant soit sur la ressource - alignement des contributions sur la clé PNB, écrêtement généralisé des soldes - soit sur la dépense (cofinancement des dépenses agricoles, maîtrise de la dépense globale). L'option d'un cofinancement des aides directes, si elle permet de répondre partiellement à la revendication allemande, comporterait des risques graves de renationalisation de la PAC, comme l'a souligné le Premier ministre, M. Lionel Jospin.

Pour Mme Béatrice Marre, les négociations doivent déboucher sur de profondes modifications du texte de la Commission dans le sens d'une limitation de l'ampleur de l'ajustement par les prix - qui doit correspondre à ce qui est strictement nécessaire à l'équilibre des marchés - d'un renforcement des mécanismes de régulation de l'offre de viande bovine - en prévoyant notamment le maintien de la prime Hérode d'abattage des veaux - et d'un renforcement des soutiens non seulement en faveur de cultures pour lesquelles l'Europe est déficitaire (maïs, oléagineux), mais aussi de l'élevage allaitant, qui serait fortement pénalisé si les propositions de la Commission en matière de revalorisation de la prime à la vache allaitante étaient maintenues. L'absence de réforme de l'OCM lait permettrait de dégager des économies budgétaires en faveur des autres OCM. Quant au dispositif de modulation des aides, les critères de prélèvement et d'emploi de la ressource prévus dans la proposition de la Commission doivent être élargis et diversifiés, afin que les Etats disposent des moyens nécessaires pour rémunérer la multifonctionnalité de l'agriculture. Le plafonnement des aides devrait être ouvert à titre optionnel aux Etats plutôt qu'institué au niveau communautaire comme le propose la Commission, tandis que l'éco-conditionnalité des aides - qui permet aux Etats de subordonner l'octroi des aides au respect d'exigences environnementales - devrait être, à l'inverse, mieux définie au niveau communautaire.

Mme Béatrice Marre a conclu en présentant, à titre personnel, ses réflexions sur une nouvelle PAC, qui devrait, d'une part, s'élargir à un certain nombre de thèmes non traités dans l'actuel projet de réforme et qui sont pourtant essentiels (la politique des structures, la fiscalité agricole, la politique d'installation, l'assurance récolte), d'autre part, aller dans le sens d'une simplification des instruments de gestion et d'une plus grande intégration des préoccupations environnementales et de sécurité alimentaire.

Le Président Henri Nallet a félicité Mme Béatrice Marre pour le travail très approfondi qu'elle avait effectué tout au long des six derniers mois. Il a suggéré que la Délégation débatte de l'ensemble du rapport, l'examen de la proposition de résolution étant inscrit à l'ordre du jour de la prochaine réunion.

Après avoir salué le travail accompli par le Rapporteur et indiqué qu'il partageait certaines de ses analyses, M. Christian Jacob s'est déclaré hostile au cofinancement, qui correspond à une renationalisation de la PAC. Il a relevé que cette logique du cofinancement avait été ouverte par le projet de loi d'orientation agricole, le Gouvernement ayant donc joué, dans cette affaire, le rôle du pompier pyromane.

Il a estimé qu'il aurait mieux valu attendre la fin des négociations de l'OMC avant de se prononcer sur la réforme de la PAC.

La logique de baisse généralisée des prix, sur laquelle repose le projet de réforme, conduira les Etats membres, et notamment la France, dans des opérations de dumping pour concurrencer les Etats-Unis ; elle sera néfaste à la fois pour les pays en voie de développement, producteurs de matières premières, et pour les agriculteurs européens, qui seront placés dans une situation peu enviable, le plus clair de leurs ressources ne provenant plus du fruit de leur travail mais des aides directes. Les négociations à l'OMC devront porter sur la définition de normes sanitaires et sociales, qui sont la condition d'une compétition saine et loyale. S'agissant des critiques émises par le Rapporteur sur les différences d'aide à l'hectare, selon les régions et les exploitations, il a estimé que les inégalités résultaient des différences de coûts de production dans l'Union européenne.

Estimant que le rapport de Mme Béatrice Marre s'inscrivait dans une logique d'occupation de l'espace - qui implique l'uniformisation des montants d'aides - il a déclaré privilégier le concept d'aménagement de l'espace, qui prend en compte l'apport économique des régions, la rentabilité des exploitations et la création d'emplois.

M. Alain Barrau a souhaité que la préférence communautaire, qui est l'un des principes fondateurs de la PAC, soit réaffirmée par le projet de réforme. Le maintien de ce principe garantit que l'Europe ne deviendra pas une zone de libre-échange et conservera les moyens de préserver son autonomie alimentaire, développer ses exportations et favoriser l'essor d'activités créatrices d'emplois productifs.

L'option qui a été choisie de réformer la PAC avant les négociations commerciales multilatérales est pertinente, car elle pourrait permettre à l'Union européenne de définir les éléments de consensus et de résistance face aux pressions internationales, stratégie préférable à celle consistant à entamer les négociations en ordre dispersé. Dans le même espoir, l'Union devrait se rapprocher du Mercosur, afin d'avoir des alliés dans le cadre de ces futures négociations.

La PAC, qui s'est construite historiquement sur le développement des produits de l'Europe du Centre et du Nord, devrait mieux prendre en compte les productions de l'Europe du Sud. Face à une diminution de la population agricole conduisant à transformer les agriculteurs en conservateurs de la nature, il convient d'affirmer leur fonction de producteur, qui conditionne à la fois l'autonomie alimentaire et le dynamisme des exportations, et de favoriser la création de valeur ajoutée.

Des mesures agri-environnementales n'en demeurent pas moins nécessaires pour améliorer la qualité des produits, lutter contre la pollution et contribuer à l'aménagement du territoire.

Enfin, l'accent doit être mis sur l'installation et la formation des jeunes agriculteurs, objectifs pour lesquels la France peut obtenir un soutien de ses partenaires, à la fois pour éviter l'aggravation du déséquilibre démographique et développer une agriculture qualitative et à forte valeur ajoutée.

Selon M. Gérard Fuchs, la principale contrainte pesant sur cette réforme résulte de la pression exercée par l'Allemagne pour réduire son solde contributeur net et du souhait du Parlement européen de réduire la part de l'agriculture dans le budget de l'Union européenne. Il a estimé satisfaisant l'ordre dans lequel se présentent les réformes et les négociations : la loi d'orientation agricole d'abord, puis la révision de la PAC, enfin les négociations de l'OMC. Si la PAC a permis une évolution positive des revenus et un développement de la production agricole, elle s'est traduite aussi par une diminution du nombre des exploitations et des déséquilibres supplémentaires dans l'aménagement du territoire. Il a souhaité que la proposition de résolution de la Délégation fasse ressortir la nécessité de maintenir des mécanismes de fixation des prix et d'aides au revenu, sans pour autant abandonner les dispositifs de contrôle des volumes de production et les quotas.

Le contrôle de la production doit préserver des capacités d'exportation tandis que les aides doivent être réparties entre les différents types d'exploitations selon leur niveau de revenu. S'interrogeant sur les risques, en termes de compétitivité, d'une « nationalisation » des plafonds d'aide, il a souhaité que le système de plafonnement reste communautaire tout en reposant sur une fourchette de plafonds. Il a également suggéré une modulation des aides en fonction de l'unité de travail afin d'établir un lien entre la PAC et les contrats territoriaux d'exploitation et l'encouragement au développement de la transformation agricole, dans un contexte où les agriculteurs ne sont pas seulement étranglés par les prix mais sont victimes d'un effet de ciseau dû aux règles de la PAC d'une part, aux pressions de la transformation et de la distribution d'autre part.

M. Yves Dauge s'est interrogé sur les incidences de la réforme de la PAC sur les arboriculteurs et les maraîchers. Evoquant l'exemple d'un verger de qualité, bien aménagé et employant 2 000 personnes, et dont, pourtant, la situation se dégrade, il a insisté sur les thèmes de la valorisation et de la transformation des productions. Au-delà de cette réforme de la PAC, il a souhaité la définition d'un projet politique nouveau.

Mme Armelle Guinebertière, députée européenne, a estimé dangereux de réformer la PAC avant le lancement des négociations de l'OMC : l'Union européenne sera en position de faiblesse, notamment vis-à-vis des Etats-Unis. Citant les propos du Rapporteur selon lesquels la réforme préalable de la PAC permettrait aux Quinze d'avoir une position commune dans les négociations de l'OMC, elle s'est demandé s'il était vraiment nécessaire de réformer pour se mettre d'accord.

Elle a souligné la forte pression exercée par les mouvements écologiques en faveur d'un renforcement de la réglementation du bien-être des animaux, qui risque de bouleverser les conditions de production et de créer des distorsions de concurrence par rapport aux pays tiers.

M. Edouard des Places, député européen, a souligné que la PAC occupait une place déterminante dans la construction européenne et qu'il s'agissait de la seule véritable politique communautaire. La France, qui a largement contribué à sa mise en oeuvre, a un rôle important à jouer pour en préserver les acquis. Les agriculteurs sont bien placés pour accomplir les objectifs que nous poursuivons en termes d'aménagement du territoire, d'environnement, d'emploi et de stabilité sociale. Il a regretté que le Parlement européen ne puisse donner qu'un avis simple sur les crédits de la PAC - qui ont le statut de dépenses non obligatoires - alors qu'ils représentent la moitié du budget communautaire, avant de rappeler qu'il est appelé à donner un avis conforme pour les fonds structurels, qui correspondent à des dépenses obligatoires et représentent un tiers de ce budget.

Il a regretté que les incidences de la crise russe et asiatique n'aient pas été prises en compte dans le rapport, alors qu'un pays comme le Danemark, qui est le premier pays producteur de porcs de l'Union et qui exporte 40% de sa production en Asie, se voit contraint de réorienter une grande partie de sa production vers l'Europe. Observant que le dossier agri-monétaire n'ait pas été abordé, il a rappelé que la disparition de l'écu vert se traduira par une perte de 1,5%, même si d'aucuns disent que cette perte donnera lieu à une compensation. Il a exprimé des doutes sur le fait que les perspectives financières prévues pour la période 2000/2006 puissent répondre aux attentes de l'opinion. S'agissant de l'OCM viande, il a indiqué que certaines propositions auront pour conséquence d'encourager l'engraissement de jeunes bovins, au risque d'accroître l'engorgement du marché. La responsabilité de chaque Etat devra être établie dans l'accumulation de stocks prévus à hauteur de 1,2 million de tonnes en 2002.

Interrogé par M. Alain Barrau sur son souhait en matière de classification des dépenses agricoles au sein du budget communautaire, M. Edouard des Places a précisé que bon nombre de parlementaires européens votent contre les dotations prévues dans les projets de budget pour le FEOGA-Garantie, dans la mesure où il s'agit de dépenses obligatoires sur lesquelles le Conseil détient une compétence de dernier ressort.

Le Président Henri Nallet, tout en déclarant partager l'essentiel des opinions exprimées par Mme Béatrice Marre, a présenté plusieurs observations. Il a tout d'abord regretté l'emploi récurrent de l'expression « logique productiviste » - qui lui paraît revêtir une connotation péjorative - pour définir un phénomène économique d'accroissement de la production qui, dans d'autres secteurs d'activité, ne suscite pas une telle qualification. S'agissant de la réforme de la PAC intervenue en 1992, il a souligné que celle-ci n'avait pas été faite dans l'urgence et que le projet Mac Sharry, tout comme le concept de « stabilisateurs » inventé par la France, existaient avant même les délicates négociations engagées par l'Union européenne au sein du GATT. Evoquant ensuite les propositions visant à introduire un cofinancement des dépenses agricoles, il a estimé que l'on ne pouvait qualifier ce dispositif de « renationalisation », rappelant que l'apport essentiel de la PAC réside dans l'existence de règles communes d'organisation et de contrôle permettant le fonctionnement loyal d'un marché unique en matière agricole.

Il fait observer que la réforme de la PAC telle qu'elle est envisagée ne revêt pas un caractère conjoncturel : c'est une réforme de fond, qui tend à diminuer les prix d'intervention et à découpler les aides et les quantités produites. Insistant sur les incidences financières de cette réforme, il s'est interrogé sur la possibilité de réaliser simultanément la réforme de la PAC, celle des actions structurelles et l'élargissement. Il a souhaité que la Délégation mette en relief tous les bénéfices que la France a retirés de la PAC, aussi bien avant qu'après la réforme de 1992.

M. Maurice Ligot ayant souhaité nuancer ce dernier propos en rappelant la forte diminution du nombre des exploitations agricoles dans notre pays, le Président Henri Nallet a considéré que ce phénomène - observé dans tous les autres Etats membres - résulte surtout d'une structure démographique défavorable.

Regrettant la logique de « chasse à la prime » à laquelle a conduit la réforme de 1992, M. Christian Jacob, tout en reconnaissant l'intérêt d'étudier une politique d'installation des agriculteurs à l'échelon communautaire, a souligné l'importance des mesures nationales dans ce domaine : la Charte d'installation lancée à l'initiative du Président de la République a ainsi conduit à une augmentation de 20 % du nombre d'installations, tandis que l'arrêt de cette politique a entraîné une diminution de 10 % de celles-ci en l'espace d'un an.

Dans ses réponses aux intervenants, Mme Béatrice Marre a rappelé que le fait de ne pas avoir réformé la PAC avant les dernières négociations commerciales multilatérales du cycle d'Uruguay du GATT avait placé l'Union européenne dans une situation difficile, qui l'avait obligée ensuite à y procéder en urgence. Si une réforme de la PAC est nécessaire, il ne s'agit nullement d'anticiper les demandes des Etats-Unis et du groupe de Cairns, mais de définir une position commune aux Quinze indiquant les points sur lesquels l'Union européenne ne cédera pas. Il faut introduire dans la négociation de l'OMC, outre les discussions sur les prix, d'autres éléments, comme les normes sanitaires, de qualité ou de travail. Une réforme de la PAC préalable aux négociations de l'OMC constituerait une réponse - ou un équivalent européen - au Fair Act américain. Pour la recherche des alliés de l'Union européenne, un cadre multilatéral de négociation est préférable au cadre bilatéral, qui subirait les difficultés inhérentes au morcellement des discussions.

Le projet de réforme de la PAC ne fait qu'approfondir l'évolution amorcée en 1992, mais ne constitue pas la refonte attendue, qui aurait dû englober un statut européen des exploitations, une définition de l'emploi agricole, une politique des structures et un statut fiscal.

Face aux demandes exprimées par les autorités allemandes en matière de réduction des soldes nets, il convient de définir une solution reposant à la fois sur une stabilisation en termes réels de la dépense et sur une modification de la ressource. Il faut cependant garder à l'esprit que, en deçà d'un seuil minimum, les dépenses agricoles seraient insuffisantes pour permettre à la politique agricole commune d'exister, ce qui remettrait en cause le niveau souhaité d'intégration européenne. C'est ainsi que les propositions de cofinancement des dépenses agricoles risquent de provoquer un démantèlement de la PAC, la rupture de l'unité budgétaire et la fin du marché unique.

Si la production doit rester la fonction première de l'agriculture, il convient de ne pas dériver vers une vocation exportatrice indifférenciée qui ne correspondrait pas à la nécessité, pour notre pays, de valoriser ses avantages comparatifs, c'est-à-dire les produits à forte valeur ajoutée. La PAC doit devenir une politique agricole et rurale commune, le maintien de l'emploi rural étant indispensable à l'occupation de l'espace. Le système des références historiques doit être revisé, car même s'il a permis à la France de bénéficier de retours budgétaires importants, il tend à introduire de fortes disparités dans la répartition des aides. Il est également indispensable à une refonte de la PAC que les produits méditerranéens soient intégrés dans la réforme.

Le Président Henri Nallet a souhaité que le rapport fasse apparaître le fait que la France a largement bénéficié de la PAC et qu'elle souhaite pouvoir continuer à en bénéficier. Or, à vouloir étendre la PAC au financement du développement rural ou de l'aménagement du territoire, on risque de priver le soutien à la production de moyens financiers suffisants.

La France doit chercher à maintenir ses avantages comparatifs, qui reposent sur sa capacité à être un fournisseur important du marché européen en produits agricoles compétitifs. Plutôt que l'exportation sur le marché mondial, c'est le maintien de nos parts de marché dans l'Union qui doit être notre priorité.

Mme Béatrice Marre a ajouté qu'il était souhaitable de conforter les avantages comparatifs de la France, qui exporte surtout vers le reste de l'Union européenne, mais qu'il serait dangereux de prôner une vocation exportatrice indifférenciée. La PAC étant la seule grande politique commune, il convient d'accroître le budget communautaire plutôt que de réduire la dépense agricole.

A l'issue de ce débat, le Président Henri Nallet a indiqué que la Délégation débattrait, lors de sa prochaine réunion, de la proposition de résolution élaborée par le Rapporteur, dont il a souhaité que le texte exprime un large consensus sur les objectifs fondamentaux de la réforme, pour convaincre nos partenaires de l'intérêt d'une agriculture moderne et compétitive.

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