DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 62

Réunion du jeudi 10 décembre 1998 à 9 heures 30

Présidence de M. Henri Nallet, Président

I. Rapport d'information sur la réforme des fonds structurels (E 1061 - M. Alain Barrau, Rapporteur)

M. Alain Barrau, Rapporteur, a indiqué que la réforme des fonds structurels constituait, en quelque sorte, le deuxième volet de l'« Agenda 2000 » sur lequel la Délégation doit statuer, après l'examen de la réforme de la PAC et avant celui du renouvellement du cadre financier de l'Union européenne. Le document soumis à l'Assemblée nationale comporte quatre propositions de règlements, relatifs respectivement aux dispositions générales sur les fonds structurels, au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, aux actions structurelles dans le secteur de la pêche. Quant à la proposition de règlement relative au soutien du développement rural, elle a été rattachée à la réforme de la PAC.

La politique régionale, qui représente désormais le second poste de dépenses de l'Union après la politique agricole commune, a bénéficié de la priorité budgétaire accordée à l'objectif de cohésion économique et sociale, qui s'est traduite par une forte augmentation de la part des actions structurelles dans le budget communautaire : de 12 % en 1984, elle est passée à 30% en 1994 et atteindra 40,4% en 1999. Pour la France, ce sont près de 100 milliards de francs qui seront distribués par les fonds structurels de 1994 à 1999. Alors que va s'achever bientôt la seconde phase de programmation, cette politique doit répondre à des défis majeurs : elle est critiquée pour ses effets pervers et son coût ; elle doit faire face, dans un contexte de rigueur budgétaire, à l'élargissement futur aux pays d'Europe orientale et centrale, qui va introduire des disparités d'une ampleur radicalement nouvelle.

Dressant tout d'abord un bilan de la politique des fonds structurels, le Rapporteur s'est dit frappé par la complexité du dispositif mis en place, qui pour être une marque visible de la solidarité entre les Etats membres, n'en est pas moins le symbole de la bureaucratie bruxelloise. De surcroît, l'évaluation de cette politique est encore récente et parcellaire, tandis que les résultats sont contrastés : dans son premier rapport sur la cohésion économique et sociale, la Commission a fait ressortir à la fois la diminution des écarts entre les Etats membres, principalement du fait du rattrapage opéré par les Etats de la cohésion, le maintien des écarts entre les régions de l'Union et le creusement des disparités régionales à l'intérieur des Etats.

Enfin, la sous-consommation des crédits est réelle pour la programmation actuelle (94-99), en dépit des améliorations de fin de période : pour les objectifs prioritaires, 62,4 % des crédits ont été engagés et 46,2 % des paiements effectués au 31 décembre 1997. Le reste à liquider est de 29,4 milliards d'écus en 1997. Cette difficulté dans l'exécution des crédits a plusieurs causes, parmi lesquelles figurent la lourdeur et la complexité des procédures. La France fait d'ailleurs figure de retardataire dans la consommation des crédits structurels.

Indépendamment de toute perspective d'élargissement, la politique des fonds structurels devait donc être réformée. Cette réforme est construite autour de trois axes : le maintien de l'effort financier à 0,46 % du PNB de l'Union ; une plus grande concentration des aides ; une mise en _uvre des fonds structurels simplifiée et décentralisée.

La Commission européenne propose de maintenir l'effort financier en faveur des actions structurelles à 0,46 % du PNB de l'Union, soit le niveau fixé lors du Conseil européen d'Edimbourg en décembre 1992 pour la fin de la période de programmation 1993-1999.

Selon la Commission, ce niveau devrait rester le même dans une Europe élargie : 286,26 milliards d'euros seraient ainsi affectés à l'action régionale pour la période 2000-2006, dont 239,400 milliards d'euros pour les quinze Etats membres actuels (218,4 aux fonds structurels et 21 milliards pour le fonds de cohésion, destiné à l'Espagne, au Portugal, à l'Irlande et à la Grèce). Dans les perspectives financières à Quinze, seule la rubrique 2 « actions structurelles » baisserait pendant toute la période, la baisse moyenne étant de 1,4 % par an. La diminution de l'enveloppe pour les Quinze paraît envisageable, mais ne doit pas être accentuée si l'on veut mener une politique régionale digne de ce nom. Selon le Rapporteur, les critiques portées à la politique des fonds structurels ne doivent pas servir d'alibi pour la réduire, mais plutôt de point de départ pour la réformer. Cette politique ne doit pas être la variable d'ajustement du « paquet Santer » sacrifiée sur l'autel de la PAC et encore moins sur celui de la rigueur budgétaire.

Pour accroître l'efficacité des fonds structurels et répondre aux critiques de saupoudrage des crédits, la Commission européenne propose de renforcer la concentration des aides. Le nombre d'objectifs prioritaires serait ramené de sept à trois : deux objectifs régionaux, l'un destiné aux régions en retard de développement et l'autre aux zones en reconversion et un objectif horizontal consacré aux ressources humaines. Parallèlement, le nombre « d'initiatives communautaires » serait ramené de treize à trois. A cette concentration thématique, devrait correspondre une concentration géographique et financière : le pourcentage de la population des quinze Etats membres éligibles aux nouveaux objectifs régionaux devrait être ramené de 51 % à un nombre compris entre 35 % et 40 % ; par ailleurs, les ressources seront concentrées sur les régions les plus fragiles.

Si la réduction du nombre des objectifs et des initiatives communautaires est justifiée, en revanche, plusieurs des modalités de la concentration des aides ne semblent pas acceptables. S'agissant de l'objectif 1, destiné aux régions en retard de développement, la Commission européenne propose qu'il concerne les régions dont le PIB est strictement inférieur à 75  % de la moyenne communautaire, les régions ultrapériphériques et les régions de l'actuel objectif 6. Cela implique pour la France, que la Corse et le Hainaut ne soient plus éligibles, seuls les DOM restant concernés.

La pertinence de l'assimilation aux régions de l'objectif 1, sans condition d'éligibilité, des régions de l'actuel objectif 6, n'est pas assurée. En outre, il paraît souhaitable d'étudier des modalités d'articulation entre les aides attribuées par le fonds de cohésion et celles versées dans le cadre de l'objectif 1, les régions des pays du fonds de cohésion recevant au titre de l'objectif 1 des aides par tête d'un montant supérieur aux autres régions. Surtout, la dotation dévolue à l'objectif 1 lui semble trop élevée ; un redéploiement de son enveloppe financière au profit des objectifs 2 et 3 devrait donc être prévu.

Le nouvel objectif 2 serait destiné aux régions confrontées à des problèmes structurels de reconversion économique et sociale. Il s'adresse tout à la fois aux zones industrielles en difficulté et aux zones rurales en déclin, aux zones en mutation socio-économique dans les secteurs de l'industrie et des services aux zones urbaines en difficulté et aux zones en crise dépendantes de la pêche. Il regroupe ainsi les actuels objectifs 2 et 5 b, tout en incluant de nouvelles problématiques, comme la dimension urbaine, ce qui constitue une novation bienvenue. Les critères d'éligibilité des différentes zones sont assez flous, le principal verrou à la multiplication des zones étant la concentration géographique.

S'agissant du zonage, il paraît souhaitable d'obtenir la suppression des plafonds indicatifs de population par thème préconisés par la Commission européenne dans les « considérants » de la proposition de règlement général : 5 % de la population totale de l'Union pour les zones rurales en déclin, 10% pour les zones en mutation socio-économique dans les secteurs de l'industrie et des services, 2 % pour les zones urbaines en difficulté, 1 % pour les zones en crise dépendantes de la pêche. Par ailleurs, l'obligation de cohérence entre le zonage de l'objectif 2 et celui des aides nationales à finalité régionale de l'article 92. 3.c du Traité CE (la carte de la PAT en France), semble excessive.

Si la France devait être le principal bénéficiaire de l'objectif 2, il faudrait que la concentration géographique obéisse à des critères satisfaisants. Or, la Commission prévoit un mécanisme dit «du filet de sécurité », selon lequel la réduction maximale de la population concernée par le nouvel objectif 2 ne dépasse pas, pour chaque Etat membre, un tiers de la population concernée par les actuels objectifs 2 et 5b.

S'agissant des dispositifs transitoires de sortie, la Commission prévoit à juste titre que les régions anciennement éligibles à l'objectif 1 et aux objectifs 2 et 5b qui ne pourront plus émarger au nouvel objectif 1 et au nouvel objectif 2 bénéficieront d'un soutien transitoire ; le dispositif prévu est particulièrement complexe et peu précis. Il prévoit en effet des dates de sortie différentes suivant les objectifs. Les régions anciennement éligibles à l'objectif 1 bénéficieront des quatre fonds structurels du 1er janvier 2000 jusqu'au 31 décembre 2005. Après cette date, seules les régions devenues éligibles à l'objectif 2 continueront de recevoir le concours du FEDER, jusqu'au 31 décembre 2006 ; les autres ne pourront percevoir que des aides du FSE, de l'IFOP, du FEOGA-orientation pour terminer des opérations en cours. Les régions anciennement éligibles aux objectifs 2 et 5b bénéficieront du soutien dégressif du FEDER jusqu'au 31 décembre 2003 ; du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2005, elles recevront l'aide du FSE au titre de l'objectif 3, ainsi que du FEOGA-section garantie. Dans un souci de clarté et d'équité, il serait souhaitable de prévoir une période transitoire de six ans pour toutes les zones concernées.

Par ailleurs, la Commission européenne n'a pas précisé les sommes qu'elle entend affecter à ces dispositifs dans la proposition de règlement. Celle-ci se borne à indiquer que les fonds consacrés aux dispositifs de soutien transitoire s'imputeront sur les enveloppes globales de chaque objectif et que l'aide sera dégressive. La note technique de la Commission européenne sur les modalités de répartition des dotations entre Etats membres donne la méthode de calcul des dotations, mais les précisions apportées sur ces dispositifs devraient figurer dans la proposition de règlement et non dans de simples documents de travail.

S'agissant de l'objectif 3, la proposition de la Commission tendant à ce que les interventions de cet objectif ne s'appliquent pas dans les régions de l'objectif 2 risque de conduire au morcellement de la mise en _uvre de la stratégie européenne et nationale pour l'emploi. Pour le Rapporteur, il convient d'étendre l'application de l'objectif 3 aux zones couvertes par l'objectif 2.

Enfin, la Commission propose le maintien des quatre fonds actuels : le FEDER, le FSE, le FEOGA- Orientation et l'IFOP. Les propositions de règlement spécifiques relatives au FEDER et au FSE ne soulèvent pas de difficultés majeures. En revanche, le dispositif proposé pour les actions structurelles dans le secteur de la pêche est très complexe. Il partage le financement de ces actions pour la pêche entre le FEOGA - Garantie et l'IFOP et pourrait nuire à ce secteur.

Le troisième axe de la réforme porte sur l'amélioration du fonctionnement des fonds structurels. La Commission propose de clarifier les responsabilités entre la Commission et les Etats membres et développer le partenariat. Elle prévoit une amélioration de la gestion financière grâce à des engagements plus automatiques des crédits et au paiement d'une avance forfaitaire de 10 %. De surcroît, elle propose la simplification du contrôle de l'additionnalité et des règles de programmation plus souples. Enfin, elle introduit des dispositions de nature à renforcer le contrôle de l'emploi des fonds et l'évaluation de leur impact.

Le Rapporteur a exprimé son désaccord avec la proposition de la Commission prévoyant l'instauration d'une « réserve de performance » correspondant à 10 % de la dotation des fonds structurels, qu'elle attribuerait, au milieu de la période de programmation, aux programmes les plus performants. Ses modalités d'application laisseraient une trop grande marge d'appréciation à la Commission et introduiraient une compétition peu souhaitable entre Etats membres. Au cours de la négociation, la Commission a toutefois proposé un dispositif de même nature mais qui serait géré dans le cadre national, en collaboration avec la Commission européenne.

En conclusion, le Rapporteur a estimé que l'efficacité de la politique structurelle serait renforcée par la création d'un fonds unique de la politique régionale ; la direction de la politique régionale de la Commission avait elle-même envisagé de le proposer. Ce fonds pourrait financer les objectifs et initiatives prévus par la réforme, à l'exception de l'objectif 3, qui resterait du domaine de la direction générale V, en charge de l'emploi. Une autre solution consisterait à doter ce fonds de deux volets : un volet régional et local ; un volet «intégration de l'espace européen », qui interviendrait à l'échelle interrégionale. Il financerait des actions dotées d'une plus-value communautaire : la mise en réseau de régions ou de villes, la gestion concertées des bassins hydrauliques et des massifs montagneux, le développement du patrimoine culturel. Il permettrait l'amorce d'une politique d'aménagement du territoire européen.

Après avoir apprécié le travail exhaustif du Rapporteur sur un sujet complexe, M. Jacques Myard a relevé que la politique structurelle ne figurait pas à l'origine parmi les objectifs assignés à la Communauté par le traité de Rome, chacun des Etats restant compétent pour développer son propre territoire. C'est avec la libéralisation des échanges qu'il est, plus tard, apparu nécessaire de corriger les inégalités entre territoires. Aujourd'hui, si la volonté de la Commission de recentrer le dispositif doit être approuvée, on peut s'interroger sur la pertinence d'un système qui consiste à centraliser à Bruxelles des crédits prélevés sur les contribuables nationaux avant de les redistribuer dans les Etats membres, ce qui crée des risques de déperdition. Toutefois, la perspective de l'élargissement rend encore plus nécessaire le maintien d'une certaine solidarité.

M. Jacques Myard a demandé s'il ne serait pas plus opportun d'envisager une autre politique, dans laquelle les contributeurs nets n'émargeraient pas au système et où les Etats membres bénéficiant de transferts financiers géreraient directement les fonds dans le respect de certains critères. Tout en admettant lui-même qu'une telle évolution était peu probable, il a insisté sur la nécessité de réformer un système qu'il a qualifié d'usine à gaz.

M. Jacques Blanc a exprimé la crainte que la concentration des aides, avec la réduction du nombre des objectifs prioritaires, n'aboutisse à sacrifier la politique de l'espace rural. La fusion de l'actuel objectif 5b dans un objectif 2 consacré aux régions confrontées à des restructurations et traitant notamment de la problématique urbaine risque d'exacerber la concurrence entre les villes et l'espace rural. Il a jugé qu'il serait dangereux que les populations aient le sentiment que l'élargissement se fasse au détriment de certaines politiques existantes, alors qu'il conviendrait au contraire de renforcer l'adhésion populaire à l'Europe. Il a regretté que le mot de subsidiarité n'apparaisse guère dans la politique structurelle, alors que le recours à cette notion permettrait de prendre en compte les différences d'organisation de l'espace entre les Etats membres et que le rôle des régions dans la prise de décision devrait s'accroître.

M. Didier Boulaud a relevé que, si les écarts entre Etats tendent à diminuer, les disparités entre régions riches et régions pauvres se sont aggravées. Favorable à la réduction du nombre des objectifs et à une plus grande rigueur dans la définition de ceux-ci, il a déploré la complexité des circuits financiers et administratifs nationaux - cette question étant d'ailleurs liée à la mauvaise utilisation des fonds structurels - et suggéré la création d'un groupe de travail chargé de les simplifier et de les alléger.

Mme Béatrice Marre a approuvé la volonté de concentration et de simplification des aides, souhaité un contrôle accru et déploré que des programmations défectueuses aboutissent à une mauvaise utilisation des crédits disponibles. Favorable à l'idée d'un fonds unique - la sous-consommation des crédits étant liée en partie à la complexité des procédures - elle s'est interrogée sur la compatibilité entre les orientations retenues en matière de politique structurelle et l'enveloppe financière disponible, compte tenu de l'évolution des autres politiques communautaires. Observant que les propositions de la Commission aboutiraient à un accroissement de 24 % de la dotation des fonds structurels, venant après une hausse de 36 % dans la période précédente de programmation, elle a jugé excessive cette progression, avant de demander des précisions sur les règles prévues pour l'éligibilité au Fonds de cohésion.

M. Maurice Ligot a estimé que le constat des imperfections du système des fonds structurels - sous-consommation des crédits, utilisation des financements trop éloignée des objectifs et absence d'évaluation - devrait conduire à une réforme d'ensemble du dispositif reposant sur la simplification des méthodes, la clarification des règles et la réduction des crédits. Or, la proposition faite par la Commission n'est pas satisfaisante ni sur la procédure, puisqu'elle propose un système qui se veut plus simple mais qui est en réalité aussi complexe, ni sur le niveau des dépenses, ni, enfin, sur la définition des objectifs. Une claire distinction devrait être faite entre ce qui relève des Etats, des régions et du niveau local, tandis que le concept de « retard » économique devrait se substituer à celui d'« écart » entre régions.

Après avoir salué la qualité du rapport, le Président Henri Nallet a souligné que la politique structurelle de la Communauté se heurtait à un véritable problème d'évaluation, ce qui devrait conduire à réaliser un bilan coût-avantages des fonds structurels dans chaque région. Il s'est déclaré dubitatif face à la disparition de l'objectif 5b, qui a permis de financer des projets économiques de développement rural autres que ceux revêtant un caractère agricole. Après avoir posé une question relative à la fraction de la population française qui resterait éligible aux fonds structurels à l'issue de la réforme, il a estimé que la faculté pour les régions d'entretenir des relations directes avec la Commission européenne devrait faire l'objet d'un débat. Doutant de l'utilisation judicieuse d'une grande part des fonds structurels, il a souligné qu'il serait difficile de financer à la fois, dans les limites de l'enveloppe proposée par la Commission, la réforme de la politique agricole commune - qui sera coûteuse - et celle des fonds structurels. Il a souhaité que la Délégation attire l'attention de l'Assemblée nationale sur ce point.

M. François Loncle a insisté sur le fait que des marges financières restaient disponibles, puisque le plafond des ressources propres, qui est de 1,27 % du PIB communautaire, est loin d'être atteint par le montant du budget et que l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale ne se réaliserait sans doute pas à une échéance aussi rapprochée qu'on pouvait le penser.

En réponse aux intervenants, M. Alain Barrau a admis que l'on ne pourrait financer la poursuite des politiques communes dans une Europe élargie, sans consentir des sacrifices dans tel ou tel domaine. Constatant que cette question n'avait pas été clairement assumée par les Quinze, il a suggéré de s'en tenir, à ce stade de la négociation, au maintien du 0,46 % du PIB communautaire en faveur de la politique régionale. A ceux qui jugent ce niveau trop élevé, il a rappelé qu'il devait financer les dépenses des Quinze, celles de la pré-adhésion et celles des nouveaux Etats membres au cours de la période 2000-2006.

Il a estimé justifiée l'existence, dans un espace économique intégré comme l'est l'Union européenne, d'une politique régionale et d'une politique d'aménagement du territoire. Dans ce cadre, les niveaux de responsabilité doivent être clairement définis entre l'Etat - qui ne doit pas être « court-circuité - et les collectivités territoriales. La création d'un « Fonds unique pour les territoires économiques européens » faciliterait la clarification des niveaux de responsabilité.

L'objectif 5 b a constitué un bon instrument de développement en zone rurale pour les activités non agricoles. Selon le projet de la Commission, le nouvel objectif 2 couvrira tout ce qui ne relève pas de l'objectif 1 (régions en retard de développement) et de l'objectif 3 (de caractère horizontal, à vocation sociale). Dès lors, l'idée consistant à identifier, en son sein, une sorte d'objectif « 2 bis » réservé aux zones rurales est difficilement compatible - en dépit de l'intérêt qu'elle présente - avec le dispositif proposé. Tout en confirmant la nécessité d'une simplification de la gestion des fonds structurels, il s'est dit défavorable à une réduction de l'enveloppe globale, surtout si elle est affectée à un fonds unique.

Approuvé par le Président, il a souhaité que la Délégation exerce une sorte de veille au cours de la négociation de cette réforme, afin de pouvoir en informer l'Assemblée nationale.

II. Communication de M. François Loncle sur l'intégration de l'acquis de Schengen dans l'Union européenne

M. François Loncle a indiqué que le deuxième Protocole annexé au Traité d'Amsterdam, signé le 2 octobre 1997, prévoit l'intégration de la coopération intergouvernementale Schengen dans le cadre juridique et institutionnel de l'Union européenne, dès l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam. Dans cette perspective, ont été créés, dès le mois d'octobre 1997, trois groupes de travail chargés de mener à bien la négociation entre les Etats membres afin de définir l'« acquis » de la coopération Schengen, d'attribuer des bases juridiques - communautaire ou intergouvernementale - pour chacune des dispositions et décisions formant cet acquis, de définir le statut de la Norvège et de l'Islande, Etats non membres de l'Union mais associés à la coopération Schengen depuis 1996 et, enfin, de régler des problèmes pratiques, tels que l'intégration du Secrétariat de Schengen dans celui du Conseil et la réorganisation des groupes de travail.

Le Rapporteur a rappelé que l'idée de transférer la coopération Schengen dans l'Union résultait de la réussite de cette coopération, qui a été une sorte de laboratoire de la libre circulation en Europe, et dont l'effet s'est étendu à un nombre croissant d'Etats membres ; elle résulte aussi des déceptions issues de la coopération intergouvernementale mise en place par le Traité de Maastricht dans les domaines de la justice et des affaires intérieures ; elle résulte enfin d'un souci de simplifier, d'unifier et de rendre plus transparentes les politiques et actions menées dans certains domaines - visas, frontières extérieures, asile, réadmission, extradition, immigration - qui faisaient l'objet de travaux dans les deux enceintes à la fois.

Evoquant le contenu de l'acquis, il a mentionné les questions non encore résolues en ce domaine par les treize Etats membres parties à la Convention. Cet acquis se compose de l'Accord de Schengen de 1985 et de la Convention d'application de 1990, des protocoles et accords d'adhésion ultérieurs, des décisions du Comité exécutif Schengen et autres actes adoptés en vue de la mise en _uvre de la Convention.

Abordant la question de la « ventilation » de l'acquis entre le premier pilier - communautaire - et le troisième pilier - intergouvernemental - il a évoqué le sort, controversé, du Système d'information Schengen (S.I.S.) : l'accord entre les Quinze n'a pas encore été obtenu sur le choix de la base juridique du fonctionnement futur de ce système. Tandis que certains Etats membres approuvent la suggestion de la Commission européenne d'une double base juridique communautaire et intergouvernementale, la France estime que, le S.I.S. étant essentiellement un outil de coopération policière, la base du titre VI du Traité sur l'Union européenne (coopération intergouvernementale) est appropriée.

Il a pris acte du fait que les structures de travail du S.I.S. seraient, dans une première phase, transposées telles quelles au sein du Secrétariat général du Conseil, et que la gestion par la France du Système central de Strasbourg (C.S.I.S.) ne serait pas remise en cause, du moins jusqu'à l'an 2000.

M. François Loncle a ensuite décrit les situations particulières qui ont été prévues en faveur du Danemark, d'une part, du Royaume-Uni et de l'Irlande, d'autre part. Il a regretté l'absence d'homogénéité qui résulte de ces situations et qui risque de ramener l'espace de liberté, de sécurité et de justice voulu par les négociateurs, à une sorte d'« Europe à la carte ». Il a émis le souhait que ces pays harmonisent progressivement leurs positions avec celles des autres Etats membres, afin de ne pas donner aux pays candidats à l'adhésion l'exemple négatif d'une Europe où l'on peut choisir de participer à certaines actions et demander une exemption pour d'autres, considérées comme des contraintes.

Il a évoqué enfin le contrôle juridictionnel de la Cour de justice des Communautés européennes sur la coopération Schengen, qui constitue un élément nouveau. La compétence qui est conférée à la Cour sera limitée, dans la mesure où la Cour ne pourra pas statuer sur les mesures portant sur le maintien de l'ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure.

Après avoir émis une réserve sur l'ordonnancement de la négociation relative à l'intégration de l'acquis de Schengen, qu'il aurait été préférable d'achever avant que les parlements nationaux ne se prononcent sur la ratification, afin que toutes les conséquences du traité d'Amsterdam soient connues, le Rapporteur a porté une appréciation favorable sur cette intégration et souhaité que les positions françaises sur le fonctionnement futur du S.I.S. soient prises en considération.

Après que M. Alain Barrau ait demandé des précisions sur l'étendue de la « communautarisation » des questions relatives à l'acquis de Schengen et ses incidences futures à l'égard des pays candidats, M. Jacques Myard a estimé que le rapport faisait bien apparaître la complexité du processus d'intégration de Schengen dans l'Union européenne et même le caractère « ubuesque » qu'il revêt. Il a regretté cette décision, qui lui paraît avoir été prise pour des raisons de caractère doctrinal, dans le but de satisfaire l'impérialisme de la Commission européenne, pour qui rien ne fonctionne correctement en dehors d'elle-même. Non seulement, la situation qui naîtra de cette intégration sera plus complexe, mais, en outre, les parlements nationaux, comme les Etats membres, perdront une partie de leurs compétences. Le parlement français perdra ses moyens de contrôle et notre pays ne pourra plus négocier, de façon bilatérale, des accords avec les pays tiers, comme elle le faisait avec les Etats d'Afrique et du Maghreb.

Il a enfin rappelé que l'article 42 du traité sur l'Union européenne, dans sa rédaction issue du traité d'Amsterdam, autorisait le Conseil à décider à l'unanimité la « communautarisation » des questions relevant de la coopération intergouvernementale, en particulier la coopération policière et la coopération judiciaire en matière pénale.

Il a attiré l'attention de la Délégation sur le fait que la France ne pourra désormais faire usage de la clause de sauvegarde prévue à l'article 2, paragraphe 2, de la Convention de Schengen (rétablissement temporaire des contrôles aux frontières intérieures de l'Union), que sous le contrôle de la Commission et de la Cour de justice des Communautés européennes.

Dans ses réponses aux intervenants, le Rapporteur a apporté les éléments d'information suivants :

- le contenu de l'acquis demeure inchangé et les modifications ultérieures devront être adoptées suivant les procédures correspondant à la base juridique qui aura été déterminée : procédure « communautaire » de l'article 67 du traité CE (proposition de la Commission ou d'un Etat membre, consultation du Parlement européen, unanimité du Conseil ; à l'expiration d'une période de cinq ans suivant l'entrée en vigueur du traité, initiative de la Commission et faculté pour le Conseil de décider à l'unanimité de statuer à la majorité qualifiée) ou procédure de l'article 34 du traité sur l'Union européenne (information et consultation mutuelle des Etats au sein du Conseil ; adoption par celui-ci à l'unanimité de positions communes, de décisions-cadre et de décisions ; établissement de conventions) ;

- conformément au traité, la coopération policière et l'entraide judiciaire pénale restent du domaine intergouvernemental tant qu'une décision unanime n'a pas été prise par le Conseil, en application de l'article 42 du traité sur l'Union européenne, cette décision devant au surplus être adoptée par les Etats membres selon leurs règles constitutionnelles respectives ;

- l'objectif poursuivi lors des négociations d'adhésion des PECO est de leur rendre applicable l'acquis de Schengen dans son ensemble. Ont cependant déjà été évoquées les situations particulières, dues à l'existence de minorités au sein des populations frontalières en Hongrie, en Pologne et en Roumanie ;

- la coopération de Schengen, commencée entre cinq Etats membres, se poursuit actuellement à treize, auxquels s'ajoutent l'Islande et la Norvège ; à terme, elle réunira d'autres Etats, démontrant la force du processus d'intégration. Dès lors, rejeter l'approche qui est celle du traité d'Amsterdam revient à contester les objectifs même de la construction européenne.

Le Président Henri Nallet a souligné que les questions relatives au franchissement des frontières intérieures, notamment celle du rétablissement des contrôles, seront fondés sur l'article 62, § 1, du Traité CE. Or, l'article 68 de ce traité établit clairement que la Cour de Justice n'est pas compétente pour statuer sur les mesures ou décisions prises en application de l'article 62, § 1, portant sur le maintien de l'ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure.

Après les interventions du Président Henri Nallet, de M. Alain Barrau, du Rapporteur et de M. Jacques Myard, ce dernier exprimant son opposition à l'ensemble du texte proposé par le Rapporteur, la Délégation a adopté des conclusions dans lesquelles :

- elle considère peu adaptée la proposition tendant à conférer au Système d'information Schengen (S.I.S.) une double base juridique à la fois communautaire et intergouvernementale et estime appropriée la référence au troisième pilier du Traité sur l'Union européenne, le S.I.S. étant avant tout un outil de coopération policière ;

- elle considère que la communautarisation même partielle du S.I.S. aurait pour conséquence une extension indirecte du domaine communautaire non prévue par le Traité d'Amsterdam ;

- elle approuve le principe d'une transposition à l'identique des groupes de travail S.I.S. dans le cadre de l'Union européenne, eu égard aux transformations que subira ce système pour s'adapter à la conversion des dates liée au passage à l'an 2000 et à l'accroissement de ses capacités en vue de l'intégration des Etats scandinaves ;

- elle regrette l'absence d'homogénéité de l'espace de liberté, de sécurité et de justice résultant des compromis acceptés au Conseil d'Amsterdam.

III. Examen de propositions d'actes communautaires soumis à l'Assemblée nationale par le Gouvernement en application de l'article 88-4 de la Constitution

Le Président Henri Nallet a indiqué que la Délégation était saisie - comme de coutume à cette période de l'année - de textes tendant au renouvellement de contingents tarifaires ou à la suspension de droits de douane. La Commission européenne transmettant au dernier moment des mesures qui doivent s'appliquer à compter du 1er janvier, le Conseil est invité à statuer avec une certaine précipitation, sans parler des conditions de leur examen au sein des parlements nationaux.

L'analyse, à laquelle il a néanmoins procédé, des trois propositions soumises à la Délégation le conduit à accepter la levée de la réserve d'examen parlementaire. Le projet de règlement portant suspension des droits autonomes du tarif douanier commun pour certains produits de la pêche (E 1177) suscite l'hostilité de la France, car il ne se contente pas de reconduire les suspensions tarifaires en vigueur, mais il en abaisse, dans un cas, le niveau, sans limitation de volume, ce qui est préjudiciable aux intérêts des producteurs communautaires. Il en est de même pour le projet de règlement qui accroît, pour quatre produits de la pêche, les volumes d'importation bénéficiant de la suppression ou de l'abaissement des droits de douane (E 1178).

La levée de la réserve d'examen parlementaire, décidée par la Délégation, permettra au Gouvernement de faire valoir ses objections à l'encontre de ces deux textes lors du « Conseil pêche » des 17 et 18 décembre.

En revanche, la proposition de règlement relatif au régime d'importation applicable à certains produits textiles originaires de Taïwan (E 1181) ne suscite pas d'opposition : il s'agit de proroger, pour les années 1996-2001, les quotas en vigueur qui représentent une fraction voisine de 1 % des importations communautaires de ces produits.

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