DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 63

Réunion du jeudi 17 décembre 1998 à 9 heures 30

Présidence de M. Henri Nallet, Président

1. Audition de M. Jean-Claude Gayssot, Ministre de l'équipement, des transports et du logement, sur les propositions de directives communautaires relatives aux transports ferroviaires (E 1163)

Le Président Henri Nallet a rappelé que la Délégation avait déjà procédé à un premier examen des trois propositions de directives, notamment de celle concernant la répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire et qu'elle avait souhaité entendre le ministre afin d'être informée des positions françaises et du contenu du débat d'orientation qui a eu lieu au Conseil des ministres des transports du 30 novembre dernier. Le Président Henri Nallet a également rappelé que la Délégation a désigné M. Didier Boulaud, rapporteur d'information sur les trois propositions de directives.

M. Jean-Claude Gayssot a exposé l'enjeu du débat, avant de présenter la position du Gouvernement sur les propositions de directives. Il s'agit pour la France de rallier à nos vues d'autres Etats membres, des mouvements sociaux comme « l'eurogrève » du 23 novembre montrant qu'il existe dans de nombreux pays des oppositions à la démarche de libéralisation préconisée par la Commission. L'évolution de nos sociétés et le marché unique conduisent à une croissance irréversible des échanges intra-communautaires et européens. Toutefois, si tous les Etats membres et la Commission s'accordent sur la nécessité de modifier la répartition entre les modes de transport et de revitaliser le chemin de fer, la Commission et certains Etats membres proposent d'y parvenir par la libéralisation, en se fondant sur le postulat selon lequel l'introduction de la concurrence intramodale au sein du transport ferroviaire est nécessaire à sa modernisation et à son développement. Le Gouvernement actuel, comme son prédécesseur, s'oppose à cette conception qui mettrait en difficulté le système ferroviaire lui-même.

Toutefois, le Gouvernement ne se borne pas à refuser la libéralisation, mais il préconise, de façon constructive, une autre orientation, fondée sur l'application de l'actuelle directive 91/440, relative au développement des chemins de fer communautaires, sur le développement de la coopération entre les réseaux nationaux et sur la mise en _uvre d'un plan d'action communautaire prioritaire visant à supprimer les obstacles techniques et réglementaires à une bonne circulation internationale des trains. Cette orientation alternative n'a pas seulement été formulée, elle a commencé à être mise en _uvre. Dans le domaine du transport des voyageurs, la coopération a prouvé son efficacité, comme le montre le développement d'Eurostar, de Thalys, du T.G.V.France-Suisse, d'ETR France-Italie et du Talgo France-Espagne.

Certains résultats sont d'ores et déjà très encourageants : Eurostar détient 60 % du marché (par rapport à l'avion) après seulement deux ans, sur la liaison Paris-Londres ; pour Thalys, l'augmentation est de 15 % du trafic entre 1996 et 1997, avec une très forte croissance supplémentaire attendue pour 1998 sur Paris-Bruxelles ; le mode ferroviaire est, avec 46 % de parts de marché, le premier sur cette liaison.

Dans le domaine du fret, la mise en place à la fin de 1997 des premiers corridors basés sur la coopération entre la Belgique, le Luxembourg et la France a été suivie par une extension vers l'Espagne et l'Italie et par la définition de la partie française d'un corridor reliant la Grande-Bretagne, via le tunnel sous la Manche, à l'Allemagne, puis à la Hongrie. Des engagements de qualité sur ces corridors ont été pris, notamment celui de parvenir à une vitesse moyenne d'acheminement comprise entre 55 et 65 km/heure, en tenant compte des arrêts techniques. Depuis la mise en service des premiers sillons, ces objectifs ont été tenus à 90 %, alors que les corridors libéralisés, annoncés depuis plusieurs mois, ne fonctionnent pas, en particulier aux Pays-Bas.

Cette action engagée à l'échelle européenne prolonge la politique de réforme entreprise sur le plan national dans plusieurs domaines : clarification du rôle des différents acteurs, grâce à une certaine séparation entre l'infrastructure et le transport, tout en assurant l'unicité du service public ferroviaire ; politique d'assainissement financier, qui permettra à la S.N.C.F. d'enregistrer un excédent en 1999 ; effort considérable d'amélioration et de développement des infrastructures ; expérience de revitalisation du trafic voyageurs périurbain ; réorientation de la S.N.C.F. vers la conquête du fret ; redéploiement vers l'Europe de la S.N.C.F. et de R.F.F. (Réseau ferré de France).

Cet ensemble de mesures montre qu'il convient d'éviter toute simplification du débat ; celui-ci n'oppose pas, en Europe, partisans du mouvement et immobilistes, mais il met en présence différentes conceptions du mouvement et différentes orientations stratégiques. On peut s'étonner que, au lieu de promouvoir le développement du transport ferroviaire, la Commission cherche à imposer les objectifs de libéralisation et la concurrence intramodale. Sa démarche semble davantage guidée par un souci idéologique que par la recherche de l'efficacité économique, la libéralisation qu'elle prétend imposer n'ayant nulle part fait la preuve de sa supériorité, puisqu'aucun pays ne l'a réellement expérimentée. Cela conduit plusieurs Etats, qui seraient plutôt favorables à la libéralisation, à rallier la position pragmatique et raisonnable de la France. Celle-ci demande de s'en tenir à l'application de l'actuel article 10 de la directive 91/440, les Etats désireux de libéraliser au-delà de ce texte pouvant toujours le faire. En revanche, il ne serait pas légitime d'imposer la libéralisation à ceux des Etats qui n'en veulent pas et se sont engagés dans la revitalisation du transport ferroviaire par la mise en _uvre d'une autre orientation. Cette situation a conduit la Commission à renoncer momentanément à faire passer en force ses projets de libéralisation et à présenter au Conseil des ministres le « paquet infrastructure ».

Abordant le contenu de ce « paquet », le ministre a déclaré que la priorité accordée à la coopération n'avait pas conduit la France à refuser la concurrence de nouveaux entrants, telle qu'elle est prévue par l'actuel article 10 de la directive 91/440. Il lui paraît utile de parvenir, au niveau communautaire, à une transparence et une application harmonisée des règles qui doivent s'insérer dans un cadre souple et respecter le principe de subsidiarité. C'est donc dans un état d'esprit constructif que la France a abordé la discussion des trois propositions de directives examinées par la Délégation. Leur discussion au niveau communautaire est rendue difficile par leur longueur, leur aspect souvent complexe et parfois confus, dès lors que ces projets ne se contentent pas de clarifier la directive 91/440 et d'en préciser les modalités d'application. En outre, la Commission cherche à anticiper une libéralisation ultérieure, ce qui constitue une mauvaise méthode, que la France refuse.

La France considère qu'un certain nombre des mesures proposées tend à apporter des réponses aux difficultés actuelles. C'est notamment le cas de celles qui concernent les principes de tarification, le traitement des points de congestion et l'harmonisation des procédures d'accès au réseau. La discussion pourrait progresser assez rapidement sur ces sujets.

Toutefois, les projets de directives appellent également un certain nombre d'observations, d'interrogations ou de réserves. Il est nécessaire de donner la priorité aux mesures facilitant l'application de la directive 91/440. Ensuite, s'il est légitime de fixer au niveau communautaire des règles de transparence et de non-discrimination, en revanche, les Etats doivent - conformément au principe de subsidiarité - rester maîtres de l'organisation du système et des moyens destinés à respecter ces règles. Enfin, il est primordial de rechercher la simplicité, la cohérence et l'efficacité, ce qui n'est pas le sens de certaines propositions.

Sur les points essentiels, le ministre a jugé positives les dispositions relatives à la tarification de l'infrastructure, qui retiennent le principe d'une tarification au coût marginal à court terme, les dispositions incitatives en matière de résolution des problèmes d'infrastructure (goulots d'étranglement et zones saturées) et celles relatives à l'harmonisation des procédures de délivrance des sillons d'un pays à l'autre.

En revanche, certaines propositions paraissent inacceptables ou critiquables, en particulier celle qui permettrait aux « candidats autorisés », autres que « les entreprises ferroviaires » de la directive 91/440, de réserver des sillons, ainsi que la limitation dans le temps de l'attribution des sillons, qui serait très mal perçue par les usagers, attachés à la stabilité des horaires. La France désapprouve également le principe d'indépendance absolue entre les fonctions d'accès au réseau et l'exercice, par les entreprises ferroviaires, de l'activité de transport, car il ne respecte pas le principe de subsidiarité. La sécurité, par exemple, doit demeurer du ressort de la S.N.C.F. et ne pas être confiée à un organe indépendant.

En ce qui concerne la séparation comptable entre les activités fret et voyageur, s'il est souhaitable d'éviter que des fonds publics versés au titre de missions de service public ne servent à d'autres fins, cet objectif peut être assuré par la tenue de comptes séparés pour les activités bénéficiant de fonds publics et n'implique pas une séparation obligatoire des comptes fret et voyageurs. La proposition de la Commission s'explique en réalité par une volonté d'anticiper la libéralisation du fret et donc d'aller au-delà de l'actuel article 10 de la directive 91/440. Enfin, l'élargissement du champ d'application des licences des entreprises ferroviaires n'est pas nécessaire, puisque le régime actuel des licences a été conçu pour permettre l'application de l'article 10 de la directive précitée.

En conclusion, le ministre a estimé que les projets actuels aboutiraient à la mise en place d'un cadre particulièrement complexe, alors que l'harmonisation des procédures devrait tendre à leur simplification. Le ferroviaire souffre d'un certain nombre de difficultés structurelles (effet frontière, difficultés d'interopérabilité, saturation de certains axes, intensité capitalistique), qu'il faut s'attacher à résoudre. Or, les dispositions prévues en matière de tarification, d'allocation des sillons, de règlement des conflits et d'arbitrage sont d'une complexité extrême.

Un débat a suivi l'exposé du ministre.

M. Didier Boulaud a demandé au ministre s'il lui paraît envisageable, comme l'a récemment suggéré le commissaire Kinnock, d'adopter séparément les dispositions des projets de directives contenues dans le « paquet infrastructure » (document E 1163), alors même qu'il existe des liens étroits entre ces textes.

Rappelant que la présidence autrichienne avait adressé aux Etats membres, en vue du débat d'orientation du 30 novembre, quatre séries de questions - l'indépendance entre les fonctions d'accès au réseau et la fonction de transport, la séparation comptable entre le transport de fret et celui des voyageurs, l'extension du régime des licences, le principe d'une ouverture accrue du marché - il a souhaité savoir si la position de la France sur ces sujets était partagée par d'autres Etats membres.

Il a ensuite interrogé le ministre sur l'incidence des propositions de la Commission sur l'emploi des cheminots, sur l'évolution réelle des parts de marché détenues par le chemin de fer et sur les conséquences des projets de la Commission pour les relations entre la S.N.C.F. et R.F.F.

M. Jacques Myard, soulignant l'attachement de la représentation nationale à l'unicité de la S.N.C.F., a estimé qu'il serait désastreux de casser, pour des raisons de caractère idéologique, un système performant, qui fonctionne mieux que ses homologues britannique ou américain. Relevant que la politique exposée par M. Gayssot se situe dans le prolongement de celle menée par le précédent gouvernement, il a observé qu'elle se heurte à l'intégrisme de la Commission, qui veut casser les monopoles sans s'interroger sur les conditions de leur fonctionnement. Qualifiant d'« erreur » la directive 91/440, il a regretté son adoption dans le maelström de déréglementation consécutif à l'Acte unique.

M. Jacques Myard a ensuite interrogé le ministre sur le délai dans lequel on pourra parvenir à une vitesse de 55/65 km/h pour le transport de fret sur les corridors réservés et sur les rapports entre la conception française du service public et le concept communautaire de « service universel ».

M. Alain Barrau a demandé quelles seraient les conséquences du nouveau dispositif sur les relations entre la S.N.C.F. et R.F.F. Il a souligné que le développement des grandes infrastructures européennes, au profit desquelles la France a proposé l'émission d'un emprunt, pourrait bénéficier au secteur ferroviaire, en regrettant que le Conseil européen de Vienne n'ait pas permis d'avancée décisive sur ce point. Il a enfin souhaité savoir s'il existe des études comparatives sur la situation des personnels dans les différents Etats membres.

Mme Michèle Rivasi, rappelant que le trafic européen de fret n'a pas connu de croissance significative, à la différence du trafic voyageurs, a demandé quels obstacles s'opposent à la pratique du ferroutage, tel qu'il existe en Autriche et en Suisse.

M. Gérard Fuchs a souligné qu'il convient de relativiser les données relatives au trafic de voyageurs, la croissance n'étant pas aussi forte si l'on s'attache au nombre de passagers transportés.

M. Daniel Paul a interrogé le ministre sur la faiblesse de l'augmentation du trafic de fret prévue pour l'exercice 1999 : cette prévision est-elle la marque de la prudence ou du réalisme ?

M. Maurice Ligot a estimé que le retour à l'équilibre des comptes de la S.N.C.F. est dû à la reprise, décidée par la précédente majorité, de la dette de l'entreprise par l'Etat et par R.F.F. Citant les propos du ministre sur l'idéologie du libéralisme, il a rappelé l'existence d'une autre idéologie, celle du monopole, et estimé qu'un terrain d'entente pourrait être trouvé si l'on parvenait à évacuer de telles considérations dogmatiques.

Evoquant l'effondrement du fret ferroviaire depuis une trentaine d'années, il l'a attribué aux conditions de fonctionnement, plus favorables, du transport routier. Soulignant que le développement du fret se heurte à la saturation de certaines lignes, il a suggéré la création de sillons libérés pour le fret ferroviaire.

Le Président Henri Nallet a demandé au ministre comment est perçue par nos partenaires la position française relative au caractère optionnel du choix entre monopole et libéralisation.

Le ministre a ensuite répondu aux différents intervenants.

S'il existe déjà au Conseil une minorité de blocage pour s'opposer aux mesures de libéralisation proposées par la Commission, il conviendrait d'aller plus loin et de rallier les différentes délégations à une solution de type « optionnelle », consistant à laisser aux Etats membres le choix des moyens, conformément d'ailleurs à la notion de directive, et de se borner à fixer l'objectif de développement du trafic ferroviaire.

L'intention de la France est de négocier l'ensemble du « paquet » proposé par la Commission plutôt que de discuter chaque mesure séparément. Notre pays pourra ainsi favoriser l'adoption des mesures positives qui lui conviennent et s'opposer à celles qui souffrent d'un excès de complexité ou tendent à libéraliser le secteur ferroviaire.

Loin de recouvrir une simple opposition entre gouvernements « conservateurs » et « progressistes », les lignes de clivage entre Etats sur les questions ferroviaires dépendent aussi de leur position géographique. Un pays « de transit » n'a pas les mêmes problèmes qu'un Etat « périphérique ». Mais un pays comme l'Espagne, qui est situé à la périphérie du continent européen, a le souci de ne pas imposer des solutions ne convenant pas à la France, par laquelle transite une grande partie de son trafic ferroviaire. De même, on notera que des Etats favorables à la libéralisation du marché défendent des positions plus critiques à l'encontre des propositions présentées en matière de redevance.

La très forte diminution des emplois de cheminots au cours des dernières années - au rythme de 4 à 6 000 emplois par an en France - a conduit la Commission à réfléchir à des mesures d'accompagnement social. Telle n'est pas l'analyse du Gouvernement français, qui considère que l'efficacité du secteur ferroviaire doit reposer sur un développement du trafic plutôt que sur la baisse de l'emploi.

La meilleure façon de s'opposer à une libéralisation du transport ferroviaire est de défendre une bonne application de la directive 91/440. La France n'a pas pour objectif le repli du réseau national à l'intérieur de l'hexagone, mais bien son développement harmonieux à l'échelle européenne. Quant au passage à une vitesse moyenne de 55-65 km/heure , il est déjà réalisé en France dans les corridors.

S'agissant des relations entre la S.N.C.F. et R.F.F. en matière d'attribution de sillons, les décisions d'attribution relèvent de R.F.F., mais la S.N.C.F., en tant que gestionnaire des trafics, instruira les dossiers, le Conseil supérieur du service public ferroviaire confortant cette cohérence entre les deux entités. Ce dispositif - que menacent de mettre en cause les propositions de la Commission - ne porte pas pour autant atteinte à la distinction opérée entre les infrastructures et la gestion des trafics, dans la réalisation de laquelle la France ne souffre d'aucun retard par rapport à ses partenaires européens.

Approuvant l'idée d'un emprunt européen destiné à la réalisation de grandes infrastructures, M. Jean-Claude Gayssot a fait observer que le développement de la circulation ferroviaire européenne se heurte à des problèmes d'investissement ainsi qu'à des difficultés techniques. Après avoir exprimé son souhait de voir le transport frontalier encouragé non seulement au niveau bilatéral mais également à l'échelon communautaire, il a infirmé l'analyse de M. Maurice Ligot sur la saturation des lignes : il est en effet possible d'accroître la circulation sur les sillons à condition de lever les points de congestion. Ainsi, dans l'agglomération lyonnaise, les améliorations apportées par les dispositions prises en ce sens permettront un accroissement de 10 % de la circulation. S'agissant du ferroutage, il est indispensable de promouvoir le financement d'investissements ferroviaires par les péages perçus sur le transport routier, solution retenue par la Suisse.

Il est inexact de dire que le secteur ferroviaire est en situation de monopole, en raison de la concurrence que lui font la route et le transport aérien, mais il existe des différences de situation et de coût entre le chemin de fer et le transport routier. Et il n'est pas question d'aligner les conditions de travail des cheminots sur celles des routiers. L'harmonisation sociale doit se faire « par le haut », car ce n'est pas sur la base du dumping social et économique que se bâtira l'Union européenne. La démarche consistant à prôner la libéralisation des transports sans en prouver véritablement les avantages est de nature idéologique. La privatisation du réseau ferré britannique a été récemment qualifiée de « honte nationale » par un ministre anglais, ce qui montre qu'il faut préférer une démarche pragmatique, prenant en compte les conséquences sociales des choix opérés.

La reprise de la dette de la S.N.C.F. effectuée en 1996 était seulement partielle et n'a pas empêché l'entreprise de subir ensuite des pertes, tandis que la dette « déplacée » continuait de s'aggraver. La dette de la S.N.C.F. s'élevant encore à 70 milliards de francs, le Gouvernement a donc décidé d'en transférer une partie vers le service annexe de la dette. Loin de constituer une mesure cosmétique, cette opération permettra de reprendre une dette qui résultait des « commandes » d'infrastructures passées par l'Etat et d'alléger le service de la dette de l'entreprise. Son déficit est ainsi ramené en 1998 à 500 millions de francs, tandis qu'un excédent de 77 millions de francs est attendu pour le prochain exercice.

La modestie des prévisions de croissance du trafic fret est sans doute motivée par la prudence, dès lors que, par le passé, des prévisions optimistes n'ont pas pu être réalisées. Le Gouvernement ne souhaite pas seulement la stabilisation, mais aussi la progression du trafic de marchandises. La modulation des péages permettrait d'orienter le trafic et de lutter contre la saturation, mais les propositions de la Commission n'autoriseraient pas le recours à cette technique.

En conclusion, le ministre a estimé que la lutte contre l'ultra-libéralisme doit être menée en lui opposant une autre orientation pratique, en mettant en évidence la qualité de l'activité, de l'emploi et de la vie que permettent d'autres modes de gestion du secteur ferroviaire. Mais elle n'est pas encore gagnée.

2. Décision relative au dépôt d'une proposition de résolution sur la réforme des fonds structurels

Présentant les grandes lignes de sa proposition de résolution, M. Alain Barrau a indiqué qu'elle souligne, dans les considérants, que le renforcement de la cohésion économique et sociale, dont le fonds de cohésion et les fonds structurels sont les principaux instruments, constitue un des objectifs essentiels de l'Union européenne et que l'efficacité des fonds structurels doit être renforcée indépendamment des perspectives d'élargissement.

Dans son dispositif, la proposition de résolution approuve les principes généraux de la réforme proposée par la Commission européenne : le maintien de l'effort financier à 0,46 % du PNB de l'Union, la concentration des aides, la simplification et la décentralisation de la gestion des fonds structurels, et enfin le renforcement de l'évaluation et du contrôle. Acceptant la réduction de six à trois du nombre des objectifs prioritaires, elle demande qu'un redéploiement de l'enveloppe financière du nouvel objectif 1 soit effectué au profit des nouveaux objectifs 2 et 3 et s'interroge sur l'inclusion dans l'objectif 1, sans conditions d'éligibilité, des régions de l'actuel objectif 6.

S'agissant de l'objectif 2, elle souhaite qu'une souplesse supplémentaire soit accordée aux Etats membres dans la définition du zonage et que la concentration géographique obéisse à des critères objectifs. Elle se prononce en faveur de la définition thématique de l'objectif 2, tout en souhaitant le maintien de certaines actions de développement des zones rurales relevant de l'actuel objectif 5 b. Pour les régions qui ne seront plus éligibles aux nouveaux objectifs 1 et 2, elle demande que des précisions soient apportées sur les dispositifs transitoires de sortie et que leur durée soit harmonisée.

S'agissant de l'objectif 3, elle demande que son champ d'application soit étendu aux régions de l'objectif 2. Se prononçant en faveur de l'instauration d'un fonds unique, elle rejette le mécanisme de la « réserve de performance » présenté par la Commission et critique le dispositif prévu pour les actions structurelles en faveur de la pêche.

Après un large débat, évoqué ci-après, au cours duquel sont intervenus Mmes Alliot-Marie, Béatrice Marre, Michèle Rivasi, MM. Gérard Fuchs, Maurice Ligot, Jacques Myard, le Rapporteur et le Président Henri Nallet, la Délégation a approuvé le dépôt de la proposition de résolution dans le texte suivant :

« L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu les propositions de règlements : portant dispositions générales sur les fonds structurels ; relatif au fonds européen de développement régional ; relatif au fonds social européen ; relatif aux actions structurelles dans le secteur de la pêche (COM[98] 131 final/E 1061),

Considérant que le renforcement de la cohésion économique et sociale visée aux articles 2 et 130 A du Traité instituant la Communauté européenne constitue un des objectifs essentiels de l'Union européenne ;

Considérant que le fonds de cohésion et les fonds structurels sont les principaux instruments de la cohésion économique et sociale ;

Considérant que l'efficacité des fonds structurels doit être renforcée indépendamment des perspectives de l'élargissement ;

Sur les principes généraux de la réforme :

1. Se déclare favorable au principe d'une réforme de la politique structurelle et aux objectifs généraux de concentration des aides, de simplification et de décentralisation de la gestion, de renforcement de l'évaluation et du contrôle proposés par la Commission européenne ;

2. Approuve la réduction à trois du nombre des objectifs prioritaires et des initiatives communautaires et leur définition thématique ;

3. Prend note de la proposition de la Commission européenne tendant à consacrer chaque année 0,46 % du PNB de l'Union aux actions structurelles, compte tenu du contexte budgétaire actuel et de la volonté exprimée à plusieurs reprises par les Etats membres de ne pas dépasser, pour la période de programmation budgétaire à venir et pour les politiques existantes, le plafond de ressources propres, égal à 1,27 % du PNB communautaire.

Sur la répartition des fonds disponibles entre les objectifs :

4. Souligne que l'objectif 1 bénéficie d'une dotation trop élevée qui se traduit par des intensités d'aides fortement accrues et non compatibles avec la perspective de l'élargissement et qu'il serait souhaitable d'effectuer un redéploiement de son enveloppe financière au profit des objectifs 2 et 3.

Sur la définition de l'objectif 1 :

5. Observe que la Commission européenne propose que l'objectif 1 concerne les régions dont le PIB est strictement inférieur à 75  % de la moyenne communautaire, les régions ultrapériphériques et les régions de l'actuel objectif 6 (régions arctiques très peu peuplées) ;

6. Approuve l'inclusion des régions ultrapériphériques dans l'objectif 1 en raison du traitement spécifique que leur reconnaît le Traité d'Amsterdam ;

7. S'interroge en revanche sur la pertinence de l'assimilation aux régions de l'objectif 1, sans condition d'éligibilité, des régions de l'actuel objectif 6.

Sur la définition de l'objectif 2 :

8. Souhaite laisser aux Etats membres une certaine souplesse dans la définition du zonage de l'objectif 2 ;

9. Estime donc indispensable la suppression des plafonds indicatifs de population par thème ;

10. Juge inappropriée l'obligation de cohérence entre le zonage de l'objectif 2 et celui des aides nationales à finalité régionale autorisées par l'article 92, paragraphe 3 c, du Traité CE, dans le cadre de la politique de la concurrence ;

11. Estime que la concentration géographique au titre de l'objectif 2 doit obéir à des critères objectifs et permettre d'accroître l'efficacité du dispositif ;

12. Se déclare défavorable au mécanisme du « filet de sécurité », qui tend à ce que la réduction maximale de la population concernée par le nouvel objectif 2 ne dépasse pas, pour chaque Etat membre, un tiers de la population concernée par les actuels objectifs 2 et 5b ;

13. Approuve la prise en compte de la dimension urbaine dans l'objectif 2, mais souligne la nécessité de préserver des actions significatives de développement en zones rurales, telles qu'elles sont actuellement menées dans le cadre de l'objectif 5b.

Sur les dispositifs transitoires de sortie :

14. Souhaite que les précisions apportées par la Commission européenne sur ces dispositifs figurent dans la proposition de règlement portant dispositions générales sur les fonds structurels et non dans de simples documents de travail et estime qu'il est nécessaire de garantir une période de transition de six ans, égale pour toutes les régions concernées.

Sur l'objectif 3 :

15. Souligne que la proposition de la Commission européenne tendant à ce que l'objectif 3 ne s'applique pas dans les régions de l'objectif 2 risque de conduire au morcellement de la mise en _uvre de la stratégie européenne et nationale pour l'emploi ;

16. Estime donc indispensable que le champ d'application de l'objectif 3 soit étendu aux régions de l'objectif 2.

Sur l'amélioration du fonctionnement des fonds structurels :

17. Rejette la « réserve de performance » correspondant à 10 % de la dotation des fonds structurels, qui serait attribuée par la Commission européenne aux programmes qu'elle jugerait les plus performants, ses modalités d'application laissant une trop grande marge d'appréciation à la Commission et risquant de susciter une compétition peu souhaitable entre Etats membres ;

18. Souligne que l'efficacité de la politique structurelle serait grandement renforcée par la création d'un fonds unique, dont la Commission reconnaît elle-même le bien fondé ;

19. Demande au Gouvernement d'obtenir l'instauration d'un tel fonds.

Sur les propositions de règlements au FEDER, au FSE et aux actions structurelles en faveur de la pêche :

20. Approuve les propositions de règlements spécifiques relatives au FEDER et au FSE ;

21. Rejette le dispositif proposé dans la proposition de règlement relative aux actions structurelles dans le secteur de la pêche, en raison de sa complexité et des conséquences défavorables qu'elle pourrait entraîner pour ce secteur. »

* *

*

Mme Béatrice Marre a souhaité que soit souligné, dans les considérants de la proposition de résolution, le fait que le renforcement de l'efficacité des fonds s'inscrit dans le cadre de la stabilisation des dépenses communautaires. M. Maurice Ligot a souhaité qu'il soit fait mention de la volonté des Etats membres de respecter le plafond de ressources propres de 1,27 % du PNB communautaire et du souci de la stabilisation des dépenses communautaires. Sans modifier cette partie du texte, la Délégation a tenu compte de ces suggestions en modifiant en ce sens, à l'initiative de M. Gérard Fuchs, le point 3 de la proposition de résolution, qui approuvait la proposition de la Commission européenne de consacrer chaque année 0,46 % du PNB de l'Union aux actions structurelles, compte tenu du contexte budgétaire actuel et de la volonté des Etats membres de respecter le plafond de ressources propres de 1,27 % du PNB communautaire. M. Jacques Myard a toutefois souligné que le maintien du plafond des ressources propres n'était pas réaliste compte tenu des réformes en cours, des dépenses de préadhésion et des premiers élargissements attendus au cours de la période considérée.

Le Rapporteur a précisé que, certains pays souhaitant utiliser la renégociation de la politique agricole commune et de la politique structurelle pour faire diminuer l'enveloppe globale de ces politiques communes, il souhaite que la dotation de ces politiques puisse atteindre le plafond prévu, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Sur les principes généraux de la réforme, M. Jacques Myard a exprimé des doutes, considérant que le principe de subsidiarité devrait s'appliquer à la politique régionale et conduire, à terme, à un retour de la gestion des aides aux Etats membres.

S'agissant de la répartition des dotations, la Délégation a supprimé un alinéa relatif à l'articulation des aides attribuées par le fonds de cohésion et de celles versées dans le cadre de l'objectif 1.

Après avoir adopté dans le texte du Rapporteur les dispositions relatives respectivement aux trois nouveaux objectifs et aux dispositifs transitoires de sortie, la Délégation, tout en demandant la suppression de la « réserve de performance », a supprimé le paragraphe proposé par le Rapporteur suggérant la création d'un tel dispositif dans le cadre national, alors que Mme Béatrice Marre y était, pour sa part, favorable et que M. Gérard Fuchs, sans s'opposer au principe d'une réserve de performance, ait seulement contesté le taux de 10 % proposé par la Commission européenne.

Renforçant un point du dispositif du Rapporteur, la Délégation a demandé au Gouvernement d'obtenir l'instauration d'un fonds unique au lieu des quatre qui ont été institués.

3. Examen de propositions d'actes communautaires

Conformément aux conclusions de son Président, la Délégation a considéré que les propositions d'actes communautaires suivantes n'appelaient pas d'objection de sa part : la proposition de décision du Conseil autorisant le Royaume du Danemark à appliquer à certaines huiles minérales des réductions ou des exonérations d'accises (E 1172) ; la proposition de décision du Conseil portant attribution d'une aide macrofinancière à la Bosnie-Herzégovine (E 1180) ; la proposition de décision du Conseil concernant l'application de l'accord entre la Communauté européenne et la République populaire de Chine relatif au commerce de produits textiles et d'habillement (E 1183) ; la proposition de décision du Conseil relative à l'application des principes d'un accord-cadre en matière de financement de projets dans le domaine des crédits à l'exportation bénéficiant d'un soutien public (E 1185).

Le Président a par ailleurs exposé le contenu de la proposition de règlement du Conseil concernant les taux de conversion entre l'euro et les monnaies des Etats membres adoptant l'euro (COM (98) 732 final). Il a souligné que, selon le Conseil d'Etat, cette proposition relevait en France du domaine réglementaire, au motif que le deuxième alinéa de l'article 2 de la loi n° 93-980 du 4 août 1993 relative au statut de la Banque de France - aujourd'hui supprimé par l'article 2 de la loi n° 98-357 du 12 mai 1998 modifiant le statut de la Banque de France en vue de sa participation au système européen de banque centrale - disposait que « le Gouvernement détermine le régime de change et la parité du franc ». Il a estimé, avec MM. Jacques Myard et Gérard Fuchs, que ce type de document devrait être soumis au Parlement au titre de l'article 88-4 de la Constitution. La Délégation a donc décidé de faire figurer dans son rapport l'analyse de ce projet de règlement, dont la portée lui est apparue plus grande que celle de plusieurs textes soumis au Parlement - après avis du Conseil d'Etat - au titre de l'article 88-4 de la Constitution.

4. Information relative à la Délégation

M. Gérard Fuchs a été nommé rapporteur d'information sur le programme de travail de la Commission européenne pour 1999, que le Gouvernement a décidé de soumettre au Parlement au titre de l'article 88-4 de la Constitution (Documents E 1186, E 1187 et E 1188).

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