DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 67

Réunion du jeudi 11 février à 9 heures 30

Présidence de M. Henri Nallet

1. Rapport d'information de M. Gérard Fuchs sur les nouvelles perspectives financières de l'Union européenne (E 1049), sur le projet d'accord interinstitutionnel relatif à la discipline budgétaire (E 1128) et sur les ressources propres

M. Gérard Fuchs a tout d'abord remarqué que le renouvellement du cadre financier de l'Union pour la période 2000-2006 se distinguait par sa grande technicité et l'importance des enjeux politiques, avant de souligner que l'état des négociations communautaires engagées sur ce sujet faisait davantage penser « à une mêlée de rugby qu'à une photo de classe ».

Ce débat se fonde sur trois documents principaux : le rapport de la Commission sur le fonctionnement du système des ressources propres, ses propositions pour l'établissement de nouvelles perspectives financières et celles pour le renouvellement de l'accord interinstitutionnel, qui précise un certain nombre de règles en matière de discipline et de procédure budgétaires. Le Rapporteur a rappelé que l'ambition de la présidence allemande est de parvenir à un accord global sur « Agenda 2000 » lors du Conseil européen qui se réunira à Berlin les 24 et 25 mars prochain et sera précédé d'un Conseil informel le 27 février. Il est à ce jour impossible d'augurer du respect de ce calendrier, mais un échec en mars conduirait à ne clore ces négociations qu'à l'automne prochain, compte tenu du déroulement des élections européennes le 13 juin prochain.

Présentant tout d'abord les propositions de perspectives financières pour 2000-2006 qui fixeront les plafonds de dépenses pour les différentes rubriques du budget communautaire, le Rapporteur a précisé qu'elles s'inscrivent dans le cadre d'« Agenda 2000 » et sont intimement liées aux réformes de la PAC et de la politique régionale. Conformément à une demande française, cette programmation financière pluriannuelle distingue dans deux tableaux les dépenses des Quinze et celles de préadhésion, d'une part, et les crédits prévus pour les nouveaux Etats membres, d'autre part. Les plafonds de dépenses proposés par la Commission reposent sur des hypothèses de croissance annuelle de 2,5 % pour les Quinze et de 4 % pour les nouveaux Etats membres et peuvent faire l'objet d'une double lecture. Si l'on suit la présentation de la Commission, basée sur les perspectives financières telles qu'elles ont été arrêtées en 1992 pour l'exercice 1999, la progression des crédits pour paiements et pour engagements, voisine de l'augmentation des budgets nationaux, est raisonnable : la ligne directrice agricole, dont le principe et les modalités sont - à la grande satisfaction de la France - maintenus, progresse modérément ; les dotations prévues pour les actions structurelles sont en baisse, ce qui est « plaidable » compte tenu de l'objectif de concentration que l'on entend faire prévaloir en la matière ; des augmentations des crédits sont prévues pour les actions extérieures et surtout les politiques internes, mais les montants en cause restent modestes ; enfin, la progression des dépenses administratives ne suscite pas de commentaire particulier. En réalité, l'augmentation des dépenses communautaires est nettement plus substantielle lorsque les propositions de la Commission sont comparées au budget voté pour 1999, largement en retrait par rapport aux perspectives financières théoriquement prévues pour cet exercice.

Le Rapporteur a considéré que le cadre financier proposé par la Commission permet a priori de financer l'élargissement. Sans doute faut-il admettre, au regard de l'exemple de l'unification allemande, que la réalité de la situation économique des pays d'Europe centrale et orientale continue à être sous-estimée et que le financement privé jouera un rôle important dans le rattrapage que ces Etats devront opérer. De même le financement de l'élargissement suppose-t-il le respect des hypothèses de croissance retenues par la Commission, comme le montrent les travaux du Commissariat du Plan récemment présentés à la Délégation : ils soulignent en effet les tensions budgétaires qui résulteraient de la concomitance d'une croissance inférieure à 1,5 % pour les Quinze et supérieure à 7 % pour les nouveaux Etats membres. Cependant, le financement du processus d'élargissement est possible dans le cadre financier proposé et serait encore plus aisé dans l'hypothèse où les premières adhésions interviendraient plus tardivement que ne l'a prévu la Commission dans ses propositions de perspectives financières.

Le Rapporteur s'est ensuite dit frappé par le manque d'ambition et d'originalité des propositions de la Commission, qui se concentrent sur la Politique agricole commune (PAC) et les actions structurelles sans envisager d'autres aspects de l'action communautaire pourtant essentiels pour l'avenir de l'Union. Ainsi, malgré l'entrée dans la troisième phase de l'Union économique et monétaire, la dimension macro-économique que pourrait revêtir le budget communautaire est complètement absente des débats. De même la Commission a-t-elle privilégié une logique de reconduction des politiques existantes sans examiner la mise en place de politiques nouvelles pourtant déterminantes pour la croissance économique et la puissance politique de l'Union européenne. Ces politiques pourraient concerner les secteurs des télécommunications, des biotechnologies ou encore le domaine spatial tant dans son aspect civil - où la Communauté pourrait concourir à la mise en place de satellites de positionnement - que militaire afin que l'Europe se dote d'une indépendance de renseignement vis-à-vis des Etats-Unis.

Au centre de ce débat sur le renouvellement des perspectives financières s'est désormais imposée la question des soldes budgétaires excessifs de certains Etats membres et plus particulièrement de l'Allemagne. Le Rapporteur s'est dit convaincu de la nécessité de ne pas nier l'existence du problème que constitue, pour cet Etat, le poids de sa contribution nette au financement de l'Union européenne, ne serait-ce que parce que l'on ne peut être indifférent à la façon dont l'opinion publique allemande perçoit la participation de son pays à la construction européenne. En outre, ce n'est que lorsque cette difficulté sera résolue que pourra être engagée une réflexion sur la mise en place de politiques nouvelles.

Sans doute la notion de solde budgétaire est-elle discutable : ses modalités de calcul sont incertaines et varient selon la nature des recettes et dépenses prises en compte, ainsi que l'illustre le solde néerlandais qui se trouve significativement réduit lorsqu'on en exclut les ressources propres traditionnelles liées au transit portuaire de Rotterdam. De surcroît, les soldes budgétaires sont loin de refléter l'intégralité des avantages économiques que retire un pays de sa participation à l'Union  et occultent l'intérêt principal de la construction européenne, consistant à faire à plusieurs ce qu'un Etat ne pourrait pas mener à bien seul.

Pour autant, la demande allemande d'un rééquilibrage de sa contribution nette ne saurait être escamotée mais les réponses susceptibles d'y être apportées doivent être examinées avec précaution. Le cofinancement des aides directes agricoles, proposé par la Commission, ne saurait ainsi être retenu malgré son impact positif évident sur le solde allemand : il ne propose qu'un transfert de la charge de la dépense agricole du budget communautaire vers les budgets nationaux ; il risque de conduire à terme à une renationalisation de la PAC ; enfin, il aboutirait à faire payer aux pays de la cohésion l'allégement du solde budgétaire allemand, si le cofinancement s'appliquait indistinctement à tous les Etats membres, ou à faire de la France son financeur exclusif si les pays les plus pauvres étaient exonérés du cofinancement. La mise en place d'un mécanisme généralisé d'écrêtement des soldes n'est pas plus souhaitable : l'exemple de la correction britannique prouve toute la complexité de ce type de dispositif dont le financement pourrait incomber à terme aux futurs Etats membres.

Bien que techniquement plus complexes, des solutions politiquement acceptables existent cependant pour répondre à la revendication allemande. Le dispositif proposé par le Rapporteur repose sur quatre piliers : la stabilisation des dépenses des Quinze au titre des politiques existantes défendue par le Gouvernement au Conseil ; la mise en place d'une réduction dans le temps des aides directes agricoles, qui ne semble pas susciter de réactions trop négatives dans les milieux agricoles et permettrait, alors que ces réformes se sont toujours avérées coûteuses, de faire des économies sur la PAC, susceptibles de financer partiellement des contrats territoriaux d'exploitation ; la réorientation mesurée des fonds structurels justifiée par la véritable diversité économique de l'Allemagne depuis son unification ; la suppression de la ressource fondée sur la T.V.A. au profit de la ressource P.N.B., qui permettrait d'amenuiser la légitimité de la correction britannique et d'accroître l'équité du système de financement de l'Union, dans la mesure où la T.V.A. est un moins bon indicateur de la richesse d'un Etat que le P.N.B.

Sur la réforme du financement de l'Union, le Rapporteur s'est déclaré hostile à la disparition des ressources propres traditionnelles que la Commission motive principalement par les difficultés de gestion qu'elles suscitent. Par ailleurs, se plaçant au-delà de la perspective du Conseil européen de Berlin, il a évoqué plusieurs pistes pour créer de nouvelles ressources propres, telles qu'une écotaxe pour financer une politique de l'environnement, une taxe sur les communications parallèlement à la mise en place de programmes communautaires de satellites ou encore une imposition sur le revenu des personnes physiques.

Evoquant enfin le projet d'accord interinstitutionnel, M. Gérard Fuchs a estimé raisonnables les dispositifs de flexibilité entre rubriques et entre exercices que la Commission propose d'y introduire. S'agissant de la distinction entre dépenses obligatoires et non obligatoires, il a considéré que cette question s'inscrit dans le cadre plus général de la réforme des institutions, dont elle ne constituera au demeurant qu'un élément secondaire.

Après avoir remercié le Rapporteur pour la clarté et la précision de son propos, M. Jacques Myard a estimé que le bilan de l'Europe spatiale n'était pas aussi négatif que l'indique le rapport, notamment pour la transmission d'informations par satellite. Des progrès ont été accomplis dans ce domaine à l'initiative de la France : dépendante des Etats-Unis lors de la première crise irakienne, l'Europe a été en mesure de démontrer le caractère improbable d'une attaque de Bagdad lors de la deuxième crise. Il ne faudrait pas pour autant communautariser ce secteur, mais plutôt convaincre nos partenaires, notamment allemands, de renforcer notre coopération. Sur le renouvellement du cadre financier de l'Union, il est regrettable que l'Europe se réduise de plus en plus à une politique de transferts. La mise en place de l'euro accentue ce phénomène, avec ses mesures d'accompagnement. On atteint là la limite de la construction européenne : lorsque le montant des transferts dépasse un certain niveau, les Etats refusent de les financer. Ne faudrait-il pas, dès lors, recentrer l'action de la Communauté sur quelques missions essentielles plutôt que de multiplier les politiques communautaires ? Il a par ailleurs demandé si, après les craintes exprimées par les uns et les assurances données par le Commissaire général du Plan, le plafond de 1,27 % du budget communautaire par rapport au P.N.B. serait suffisant, notamment dans la perspective de l'élargissement.

    Mme Béatrice Marre a félicité le Rapporteur d'avoir exposé les enjeux politiques des négociations sur les perspectives financières de l'Union, notamment la question de la poursuite de l'intégration communautaire et de la répartition des compétences entre l'Europe et les Etats membres. Elle a soutenu la position du Rapporteur sur la PAC, qui refuse de faire de celle-ci la variable d'ajustement d'« Agenda 2000 » et rejette le système du cofinancement des aides directes. Elle l'a interrogé sur la possibilité de financer avec le plafond de 1,27 % les nouvelles politiques que l'Union souhaite mettre en place, en particulier dans le domaine social et de l'emploi.

    Evoquant le tableau sur la progression des contributions brutes des Etats membres entre 1999 et 2006, M. Maurice Ligot a demandé comment avaient été calculées les augmentations mentionnées et dans quelle mesure les recettes tirées de la croissance ont été prises en compte. Si la progression des contributions intègre cette donnée, ces perspectives financières reviennent à accroître considérablement les transferts des Etats vers la Communauté. Les Etats ont besoin, au contraire, d'un budget d'actions communautaires clairement définies. D'autre part, il s'est étonné que la France n'ait pas davantage manifesté son mécontentement, alors que sa contribution pourrait progresser davantage que celle de l'Allemagne.

    M. François Loncle a souligné que le plafond de 1,27 % du P.N.B. n'est qu'un objectif pas encore atteint et qu'il paraît relativement faible au regard des ambitions que l'on peut avoir pour l'Europe, notamment pour la conduite de nouvelles politiques communes et de l'élargissement.

    M. Yves Dauge a demandé au Rapporteur des précisions sur les perspectives financières relatives aux politiques internes de l'Union.

    Mme Michèle Rivasi a insisté sur la valeur ajoutée que pouvait apporter la Communauté dans la politique de l'emploi. Elle a considéré que si le développement de la croissance ne devait pas être négligé, il était important de mener une politique spécifique dans ce domaine pour remédier aux risques liés à l'existence d'une concurrence sauvage.

    En réponse aux intervenants, le Rapporteur a indiqué que, s'agissant du domaine spatial, l'Europe était dépendante des Etats-Unis pour le système GPS et les satellites de communication et que, si Hélios 1 constituait un progrès par rapport à Spot, il n'était pas suffisant pour parer aux situations de crise militaire en Europe. Concernant les politiques communes, il a estimé qu'il fallait, en effet, limiter certaines des actions menées par la Communauté. Il a considéré que si l'élargissement coûtera plus cher que prévu, il se produira aussi plus tard que prévu : l'enveloppe budgétaire envisagée devrait donc suffire, même si subsistent des incertitudes économiques. Il a jugé que la priorité dans le domaine de la politique de l'emploi reposait avant tout sur la recherche de la croissance par la coordination des politiques économiques et une capacité de régulation économique avec un budget européen. S'agissant de la progression des contributions des Etats, il a souligné que la France avait proposé un plan de stabilisation des dépenses communautaires - qui est évoqué dans le rapport -, mais que cette logique de stabilisation risquait de ne pas être menée jusqu'à son terme. Il faut, en la matière, raisonner en fonction du budget effectif de 1999, et non du niveau théorique des perspectives financières pour cet exercice, pour conclure qu'on peut dépenser moins pour la poursuite des mêmes politiques. Concernant les politiques internes, il a précisé que le programme-cadre consacré à la recherche et au développement occupait la part la plus importante et bénéficiait d'une augmentation de crédits. Après avoir souligné les risques de saupoudrage des crédits sur une multiplicité d'actions, il a proposé que le Conseil mette en place un groupe de travail chargé de proposer de nouvelles politiques de l'Union (secteur spatial, énergie, environnement, nouvelles technologies...). Elles pourraient donner lieu à des programmes pluriannuels et justifier une contribution supplémentaire des Etats membres. L'enveloppe envisagée pour le secteur spatial pourrait s'élever, par exemple, à plus de deux milliards d'euros.

2. Suite de l'examen des conclusions du rapport d'information de M. Jean-Claude Lefort sur les relations économiques entre l'Union européenne et les Etats-Unis

La Délégation a poursuivi l'examen des conclusions du rapport d'information de M. Jean-Claude Lefort sur les relations économiques entre l'Union européenne et les Etats-Unis. Lors de sa réunion du 28 janvier 1999, elle avait adopté les conclusions présentées par le Rapporteur, après modifications, jusqu'au point 4 du dispositif inclus.

A l'issue d'un débat, évoqué ci-après, auquel ont participé le Président Henri Nallet, le Rapporteur et MM. Maurice Ligot, Jacques Myard, Gérard Fuchs et François Loncle, la Délégation a adopté les conclusions dans le texte suivant :

« La Délégation,

Considérant que l'Union européenne, tout en ayant établi des relations économiques équilibrées avec les Etats-Unis, reste confrontée au comportement hégémonique des Etats-Unis dans les domaines économique, politique, militaire et culturel ;

Considérant que les Etats-Unis se prononcent en faveur du libre-échange et ont accepté les règles et disciplines de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), mais poursuivent une politique commerciale mêlant pratiques protectionnistes et lois extra-territoriales, ainsi que le relève de nouveau le quatorzième rapport de la Commission européenne sur les barrières américaines au commerce et aux investissements ; considérant que les Etats-Unis sont réticents à l'égard d'un réel multilatéralisme, maintiennent leurs législations commerciales unilatérales et pratiquent une intense diplomatie commerciale bilatérale et régionale ;

Considérant que se multiplient les contentieux commerciaux transatlantiques, qu'ils soient traditionnels, comme dans l'agriculture, l'aéronautique ou les lois extra-territoriales, ou nouveaux, comme pour les organismes génétiquement modifiés et le commerce électronique ;

Considérant que les accords commerciaux bilatéraux conclus entre l'Union européenne et les Etats-Unis, notamment en matière de construction aéronautique, les accords de « courtoisie active » dans le droit de la concurrence ou de libéralisation des transports aériens, ne règlent que partiellement des situations conflictuelles ou consacrent des déséquilibres préexistants ; considérant à ce titre le danger qu'auraient représenté pour la construction européenne, s'ils avaient été menés à leur terme, le projet de « nouveau marché transatlantique » élaboré par la Commission européenne ou celui d'un accord multilatéral sur l'investissement proposé dans le cadre de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ;

Considérant néanmoins que l'état d'inachèvement de la construction européenne et certains de ses dysfonctionnements expliquent les difficultés trop fréquentes de l'Union européenne à faire face à la compétition économique dans des conditions imposées par les Etats-Unis ;

Considérant, dès lors, que l'Union européenne doit élaborer une stratégie reposant sur le renforcement de ses relations multilatérales, que ce soit avec les autres Etats industrialisés ou nouvellement industrialisés ou avec les pays en développement ;

1. Condamne la décision américaine de tenter d'imposer, avant le 3 mars 1999 et en violation des règles prévues par la procédure de règlement des différends de l'OMC relative au système communautaire d'importations de bananes, des sanctions commerciales portant sur seize positions tarifaires communautaires et présentant pour l'Union européenne un préjudice économique évalué, selon la Commission européenne, à plus de 500 millions d'euros par an ;

2. Soutient l'ouverture par l'Union européenne d'une procédure de règlement des différends à l'OMC contre ces éventuelles sanctions, afin d'obtenir leur retrait et l'abrogation de toutes les législations commerciales unilatérales américaines ; demande à titre conservatoire que la Commission européenne mette à l'étude une liste de produits qui pourraient être soumis à des restrictions ;

3. Demande une réforme des organisations économiques internationales, qui ont été façonnées dans le contexte issu de la seconde guerre mondiale, pour mieux les coordonner, les adapter à un monde multipolaire et répondre à la nécessité d'encadrer la mondialisation des échanges par des régulations édictées par les Etats, afin de ne pas la laisser fonctionner par le seul jeu des marchés ;

4. Souhaite que l'OMC devienne véritablement universelle, prenne en compte les règles relatives au respect des droits de l'homme et renforce sa procédure de règlement des différends et son application par des personnalités internationales dont l'impartialité serait garantie ;

5. Demande que le Parlement français puisse mieux exercer un contrôle en amont sur les grandes négociations internationales en matière économique ;

6. Estime que la crise économique actuelle doit conduire les Etats membres à compléter les principes sur lesquels se fonde l'Union économique et monétaire ; demande, en conséquence, l'adoption de dispositions visant à :

- inciter la Banque centrale européenne à concourir au plein emploi, à la stabilité des prix et à la modération des taux d'intérêt ;

- réorienter les politiques économiques en faveur de la croissance et de l'emploi ;

- définir une position unitaire des Etats membres de la zone euro dans les enceintes monétaires internationales ;

7. Demande que l'Union européenne se dote à l'égard des Etats-Unis d'une politique commerciale fondée sur le principe de réciprocité, c'est-à-dire sur un strict équilibre des avantages et des concessions ; souhaite, en conséquence, que le Conseil de l'Union européenne parvienne à une position unitaire en vue de promouvoir l'intérêt général européen et de donner, en application de l'article 113 du Traité instituant la Communauté européenne, des directives de négociation claires et précises à la Commission européenne ; souhaite que celle-ci utilise les instruments de défense commerciale et la procédure de règlement des différends de l'OMC pour lutter contre les pratiques déloyales des pays tiers et chaque fois que les règles de l'OMC ne seraient pas respectées, en particulier par les lois extra-territoriales américaines ;

8. Estime impérieux que l'Union européenne soit en mesure de faire face à la concurrence imposée par les Etats-Unis ; demande, en conséquence que l'Union européenne :

- consolide son industrie aéronautique et spatiale : d'une part, en prenant rapidement la décision définitive de lancer l'A3XX et l'A318, pour que l'Europe soit présente sur le marché des très gros porteurs de plus de 500 places et sur celui des avions de moins de 100 places ; d'autre part, en arrêtant une stratégie dans le secteur de la navigation par satellites ;

- s'efforce, d'urgence, de combler les lacunes de son industrie dans le domaine des technologies de l'information et celui des bio-technologies et encourage la création de centres de recherche fondamentale et appliquée dans chacun de ces deux secteurs ;

- mette en place une politique de soutien à la recherche, à l'innovation et à la normalisation, visant, en particulier, à instaurer un régime de brevet européen compétitif ;

9. Demande que l'Europe préserve avec fermeté son modèle social et les valeurs politiques qui le fondent ; souhaite, dans cette perspective, que l'Union européenne :

- s'affirme dans les négociations internationales sur l'encadrement juridique du commerce électronique et dans l'utilisation d'Internet, en particulier en faisant admettre la légitimité de l'intervention de l'autorité publique, afin de garantir les droits des citoyens et des consommateurs, d'une part, et d'assujettir les entreprises au respect de ces droits ainsi qu'à la poursuite de l'intérêt général, d'autre part ;

- favorise, au sein des Etats membres, le débat de société sur les objectifs que l'Union européenne doit poursuivre dans le domaine des OGM ;

10. Considère comme urgent que l'enseignement du droit économique et commercial international soit renforcé, afin que la France et les autres Etats membres concernés disposent des experts et des instruments juridiques leur permettant de contrebalancer l'emprise du droit anglo-saxon en ces matières ;

11. Demande que l'Union européenne prépare soigneusement les prochaines négociations de l'OMC qui débuteront en janvier de l'an 2000, en cherchant à :

- définir une position ferme, qui se traduise par un mandat clair donné à la Commission européenne ;

- éviter un nouveau face-à-face entre l'Union européenne et les Etats-Unis en recherchant un système d'alliances avec les autres membres de l'OMC et en favorisant l'intégration dans le système commercial mondial des pays en développement et en transition ;

- établir et contrôler le respect de règles multilatérales assurant la loyauté des échanges plutôt que de maintenir l'objectif d'une libéralisation à marche forcée des échanges mondiaux sans tenir compte des situations concrètes des pays ;

- veiller au non-démantèlement de la politique agricole commune ;

- assurer le développement des industries européennes liées à la culture ;

- continuer les négociations en matière de commerce des services, de respect de la propriété intellectuelle et de sécurité alimentaire ;

- négocier sur les « nouveaux sujets » que sont les normes sociales fondamentales, les fluctuations erratiques des monnaies et la lutte contre les mouvements financiers spéculatifs, l'environnement, le droit de la concurrence et l'investissement. »

La Délégation a repris l'examen des conclusions présentées par le Rapporteur après le point 4 du dispositif, avec une proposition demandant que l'Union européenne s'engage dans un processus de démocratisation, ainsi que la mise en _uvre systématique et contrôlée du principe de subsidiarité. Sur proposition de M. Maurice Ligot, qui a estimé que cette disposition n'avait pas sa place dans un texte portant sur les relations économiques transatlantiques, elle a décidé sa suppression, après que M. François Loncle eut souligné qu'une telle demande ne ferait que donner des arguments aux Etats-Unis dans leur critique du mauvais fonctionnement de l'Union.

Au point 5, une discussion est intervenue sur la proposition du Rapporteur de créer une Délégation permanente aux organismes et traités multilatéraux au sein du Parlement français. M. Jacques Myard a estimé que le développement de la pratique des auditions et le renforcement des méthodes de travail de la Commission des affaires étrangères devraient permettre d'assurer l'information du Parlement français sur le déroulement des grandes négociations internationales en matière économique, plutôt que la création d'un nouvel organe.

Considérant que la création d'une Délégation nouvelle posait un problème de constitutionnalité et justifierait une étude, M. Maurice Ligot s'est demandé s'il fallait appliquer le même traitement aux traités internationaux et aux traités européens, selon lui de nature différente.

Tout en s'opposant à la création d'un organe supplémentaire, M. Gérard Fuchs a néanmoins convenu que cette proposition mettait l'accent sur la réelle nécessité d'assurer une meilleure information en amont du Parlement français sur les grandes négociations internationales en matière économique et a déposé un amendement dans ce sens.

M. François Loncle, déclarant partager les observations précédentes, a estimé que cette information du Parlement français passait par un plein exercice des attributions de la Commission des affaires étrangères, et a également souligné la nécessité d'une réflexion sur le statut juridique des traités relatifs à l'Union européenne.

Déclarant avoir voulu mettre l'accent sur le handicap dont souffre le Parlement français par rapport au Congrès américain et au Parlement européen, qui est doté d'une Commission des Relations économiques extérieures, le Rapporteur a fait valoir que le Parlement français avait été totalement sous-informé des négociations de l'AMI engagées en 1995, faute pour la Commission des affaires étrangères et la Commission de la production et des échanges de s'être intéressées à ces négociations quasi permanentes d'un type nouveau dont le suivi justifie la création d'un organe spécial au sein du Parlement français. Il a donc regretté que l'amendement supprime la référence à la création d'une Délégation spéciale, tout en approuvant son idée d'améliorer l'information en amont du Parlement français.

Le Président Henri Nallet a considéré que l'amendement de M. Fuchs posait le problème des modalités de contrôle du Parlement en matière de traités internationaux dans des termes généraux respectant mieux la Constitution et les compétences des commissions permanentes. Après avoir évoqué les divergences sur la véritable nature des traités relatifs à l'Union européenne, il a estimé nécessaire de renforcer l'information du Parlement français sur le déroulement des négociations économiques et commerciales internationales et souhaité que les parlementaires portent un intérêt accru à ce domaine essentiel.

Puis la Délégation a adopté l'amendement proposé par M. Gérard Fuchs et le point 5 ainsi modifié.

Au point 6 (Réorientation des principes de l'Union économique et monétaire), après des interventions de M. Maurice Ligot estimant que l'évocation de la réorientation des politiques économiques en faveur de la croissance et de l'emploi revêtait un caractère trop général, de M. François Loncle approuvant la liaison entre le plein emploi, la stabilité des prix et la modération des taux d'intérêt à long terme, et de M. Jacques Myard jugeant plus important de viser les taux d'intérêt à court terme que ceux à long terme, la Délégation a adopté le dispositif proposé par le Rapporteur et modifié par un amendement de M. Gérard Fuchs supprimant la référence aux seuls taux d'intérêt à long terme.

La Délégation a adopté, sans modification, le point 7 (Nécessité pour l'Union européenne de se doter d'une politique commerciale fondée sur le principe de réciprocité), après que M. Jacques Myard, tout en jugeant l'idée de réciprocité intéressante, eut regretté qu'elle ne puisse pleinement jouer au sein même de l'Union européenne, faute d'une réelle solidarité entre des intérêts sectoriels disparates face aux Etats-Unis.

Au point 8 (L'urgence d'un renforcement du potentiel économique de l'Europe), M. Jacques Myard a estimé nécessaire de faire référence aux Etats et non à la seule Union européenne, en raison de la coopération à la carte qui existe en particulier dans le domaine spatial, et observé que le brevet européen, délivré par l'Office européen des brevets, était déjà compétitif, à la différence du brevet communautaire. M. Gérard Fuchs s'est opposé à l'amendement de M. Myard, estimant que l'Union européenne était une notion à la fois politique et géographique.

La Délégation a adopté le point 8 sans modification.

Au point 9 (La nécessaire préservation du modèle social européen), M. Gérard Fuchs a proposé de supprimer la référence au moratoire sur les OGM (Organismes génétiquement modifiés) et de conserver l'idée d'un débat de société sur ce sujet.

S'interrogeant sur la portée du deuxième alinéa relatif à l'utilisation d'Internet, M. François Loncle a observé que les tarifs pratiqués en Amérique étaient très compétitifs et déploré que le Gouvernement ne soit pas en mesure d'obtenir une baisse des tarifs de France-Telecom.

Le Rapporteur a répondu qu'il s'agissait moins de l'accès à Internet que de son encadrement juridique, par l'intervention des entreprises ou d'une réglementation étatique, sujet constituant un réel problème politique dans le débat qui oppose, en ce domaine, l'Union européenne aux Etats-Unis.

A M. Maurice Ligot et M. Jacques Myard s'interrogeant sur le lien entre la préservation du modèle social européen et les valeurs politiques qui le fondent, d'une part, et le débat de société sur les OGM, de l'autre, le Rapporteur a répondu qu'un tel débat, du fait de ses enjeux, mettait en relief certaines des valeurs politiques de l'Europe.

La Délégation a adopté l'amendement de M. Gérard Fuchs et le point 9 ainsi modifié.

Au point 10 (Le renforcement de l'enseignement du droit économique et commercial international), M. Jacques Myard a observé que l'emprise du droit anglo-saxon au sein de l'Union européenne ne résultait pas de la seule action des Etats-Unis, mais était également due à certains Etats membres déjà régis par ce droit.

M. Maurice Ligot a déclaré qu'il s'agissait d'un problème purement européen et non d'un combat opposant les Etats-Unis à l'Europe et que, de façon générale, il n'existait pas de culture européenne dans le domaine juridique. Il a estimé qu'il serait plus judicieux de viser, outre la France, les autres Etats membres concernés - tels que l'Allemagne et ceux de l'Europe du Sud - par l'emprise du droit anglo-saxon.

Le Président Henri Nallet a approuvé cette analyse et estimé que l'évolution ne jouerait pas nécessairement en faveur d'un droit anglo-saxon qui progresse davantage dans les procédures que dans les contenus.

Le Rapporteur a estimé que la règle de droit n'est pas neutre et qu'il fallait en tirer les conséquences au niveau européen.

La Délégation a adopté l'amendement de M. Ligot et le point 10 ainsi modifié.

Au point 11 (Préparation des prochaines négociations commerciales à l'OMC), M. Gérard Fuchs a regretté que la compétence exclusive de l'Union européenne ne porte que sur les biens et n'inclue pas les services, alors que ces derniers occupent une part croissante dans le commerce mondial. Il a estimé nécessaire d'engager une réflexion sur ces questions.

M. Jacques Myard a souhaité compléter le deuxième alinéa pour obliger la Commission européenne à respecter le mandat du Conseil, après avoir évoqué le cas de négociations engagées sans mandat explicite.

M. François Loncle s'est interrogé sur la mention conjointe, dans le cinquième alinéa, de la politique agricole commune et de la culture. Le Rapporteur a rappelé qu'il s'agissait des deux grandes questions qui font l'objet d'un conflit permanent entre l'Union européenne et les Etats-Unis. Maurice Ligot a proposé d'introduire un alinéa nouveau visant les seules industries européennes - et non communautaires - liées à la culture.

La Délégation a adopté cet amendement et le point 11 ainsi modifié.