DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 73

Réunion du jeudi 1er avril 1999 à 9 heures 30

Présidence de M. Alain Barrau

Audition de M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes, sur les conclusions du Conseil européen de Berlin des 24 et 25 mars 1999.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes, a tout d'abord rendu hommage à l'action conduite, durant près de deux ans, par M. Henri Nallet à la tête de la Délégation et a félicité M. Alain Barrau pour son élection à la présidence de celle-ci.

Il a indiqué que la France, dernier Etat membre à avoir procédé à cette formalité, ayant déposé le 30 mars à Rome les instruments de ratification du Traité d'Amsterdam, celui-ci entrerait en vigueur le 1er mai.

Evoquant la crise au Kosovo, ainsi que la décision d'engager des frappes aériennes contre les forces serbes, il a souligné que la cause que nous défendons est juste et que ceux qui dénoncent le rôle de gendarme dévolu à l'OTAN sur notre continent auraient été les premiers à stigmatiser la passivité des Européens si, comme en Bosnie hier, nous avions laissé les forces serbes procéder en toute impunité. Loin de tout suivisme à l'égard de nos alliés américains, et même si ces derniers ont mis en _uvre un dispositif militaire important, ce sont les Européens, et en particulier ceux du groupe de contact, dont la France, qui ont conduit les négociations de Rambouillet, dans une affaire engageant leur propre sécurité. Cette crise a marqué une étape importante pour l'identité européenne, de même que, dans un autre domaine, la déclaration de l'ensemble des Quinze affirmant à Berlin leur soutien total au « droit permanent et sans restriction des Palestiniens à l'autodétermination, incluant la possibilité d'un Etat », ainsi que leur disponibilité à « envisager la reconnaissance d'un Etat palestinien, le moment venu ». La conclusion des négociations commerciales avec l'Afrique du Sud est également un signe politique important.

Abordant l'accord sur l'Agenda 2000, il a rappelé que le débat en séance publique et les travaux de la Délégation ont constitué un excellent point d'appui pour les positions françaises et renforcé la légitimité de celles-ci, particulièrement sur la PAC. Quelles qu'aient pu être les divergences, le Conseil européen de Berlin a débouché sur un bon accord, équilibré, qui organise les finances communautaires jusqu'en 2006 et réforme les principales politiques communes, tout en ménageant les transitions indispensables.

Sur la politique agricole commune, la France a obtenu la satisfaction sur la quasi-totalité de ses demandes : le retour à la stabilisation budgétaire, avec un niveau moyen de crédits de 40,5 milliards d'euros par an, auxquels il convient d'ajouter 14 milliards d'euros pour le développement rural pour la période 2000-2006 ; le report à la campagne 2005-2006 de la baisse du prix du lait ; la baisse de prix réduite à 15 % pour les céréales, en deux étapes, 2001 et 2002, au lieu des 20 % prévus, avec le maintien des majorations mensuelles qui auraient normalement dû être supprimées ; le maintien des achats publics à l'intervention en cas de déséquilibre sur le marché de la viande bovine. La seule demande française qui n'a pu être satisfaite concerne la prime à l'abattage dite prime « Hérode », mais elle pourra néanmoins être mise en _uvre dans le cadre national. Au total, les baisses de prix sont moins importantes que celles proposées par la Commission et sont étalées dans le temps ou différées ; en outre, de véritables instruments de régulation des marchés sont mis en place ou maintenus, en particulier pour la viande bovine.

Le Conseil européen a confirmé la mise en place, en complément des organisations communes de marché, d'un deuxième pilier de la PAC - celui du développement rural - plus novateur, centré sur l'emploi, l'installation des jeunes, le soutien aux zones défavorisées et à l'environnement. Il faudra, à l'avenir, aller plus loin en ce sens et le Gouvernement est déterminé à mettre en place les outils communautaires et nationaux nécessaires à cet effet.

La réforme de la PAC, finalement assez éloignée de l'inspiration très libérale du Commissaire Fischler, sera mieux acceptée par les agriculteurs ; elle permet de prendre date pour le prochain cycle de négociations de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) et d'éviter un nouveau « Blair House » , puisque ses éléments essentiels constitueront la base du mandat de négociation de l'Union européenne et qu'elle contribuera de manière significative à l'équilibre des marchés mondiaux.

S'agissant de la réforme des fonds structurels, l'enveloppe budgétaire globale reste maîtrisée, avec 213 milliards d'euros, ce qui correspond à une stabilisation stricte - à hauteur de 200 milliards d'euros environ - montant auquel s'ajouteront quelques « rallonges » pour traiter de cas spécifiques : Lisbonne, Irlande, Suède, Berlin-Est ...La répartition des fonds reproduit les équilibres actuels, avec, toutefois, une légère majoration de l'objectif 1, compte tenu du traitement particulier accordé au Portugal. Elle a été fixée de la manière suivante : 69,7 % pour l'objectif 1, 11,5 % pour l'objectif 2, 12,3 % pour l'objectif 3, 6,5 % pour les programmes d'initiatives communautaires ;

Seules les régions dont le PIB par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire resteront éligibles à l'objectif 1. Pour la France, les résultats sont sans surprise : nos DOM restent éligibles et devraient profiter de financements accrus, tandis que la Corse et le Hainaut bénéficieront d'un dispositif de sortie progressive, sur six ans, pour être ensuite « reclassés » dans l'objectif 2. Pour celui-ci, la population communautaire couverte sera ramenée de 25 % à 18 %, soit une réduction d'un peu plus d'un quart. Dans le cas de la France, la population couverte devrait être ramenée de 41,5 % à environ 33 %, soit une réduction d'un cinquième environ. Même si cette réduction est plus modérée que celle qui affecte la moyenne de la population communautaire, elle constitue un défi pour la politique d'aménagement du territoire.

Toutefois, un dispositif de « phasing out » assez généreux est prévu pour l'ensemble des régions de l'objectif 1 ou des objectifs 2 et 5b : une enveloppe globale de 11 milliards d'euros financera une sortie progressive qui s'étalera sur six ans. Au demeurant, le dispositif communautaire reste très souple, puisque les Etats membres restent compétents pour établir la carte des zonages éligibles, dont la moitié au plus, en termes de poids démographique, pourront se situer en dehors de la liste des départements déclarés éligibles sur la base des critères communautaires. L'objectif du Gouvernement est d'établir cette carte des zonages avant la fin de l'année, afin de pouvoir bénéficier de la nouvelle génération de crédits structurels dès le début de l'année 2000. Mais il prendra tout le temps nécessaire au déroulement d'une concertation approfondie avec les collectivités locales, en cohérence avec la préparation des contrats de plan Etat-régions.

En ce qui concerne les ressources propres, si la satisfaction de la France est mitigée, l'objectif essentiel - qui a été atteint - était d'empêcher le cofinancement des aides directes agricoles ou l'écrêtement généralisé des soldes, réformes qui eussent été porteuses, à terme, d'une régression de l'Union européenne. La notion de solde net, qui a pesé si lourdement sur ces négociations depuis presque deux ans, n'est pas même mentionnée dans les conclusions de la Présidence. La demande d'un rééquilibrage a fait l'objet d'un examen attentif à Berlin, mais on a veillé à agir à la fois sur les dépenses et sur les ressources.

S'agissant spécifiquement des ressources, le Conseil européen a adopté principalement deux mesures : la part des ressources propres traditionnelles retenue par les Etats au titre des frais de perception sera portée de 10 % à 25 % à partir de 2001 ; le taux d'appel de la ressource TVA sera réduit de moitié, en deux étapes, 2002 et 2004, au profit d'une montée en puissance de la ressource PNB, qui reflète mieux la capacité contributive des Etats membres. La première mesure permet d'améliorer le solde net des Pays-Bas, la seconde celui de l'Allemagne. L'ensemble des deux mesures aura un impact négligeable sur notre solde net, l'ajustement pesant pour l'essentiel sur l'Italie. Enfin, le Conseil européen a décidé - même si ce n'est pas autant que nous le souhaitions - de modifier la répartition du financement du rabais britannique, de manière à en alléger la charge pour l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède et l'Autriche, qui bénéficieront d'un abattement des trois-quarts de leur contribution à ce titre.

Ce n'est pas la PAC qui a occupé l'essentiel des discussions, mais les fonds structurels, avec l'insistance de l'Espagne pour obtenir une augmentation du fonds de cohésion à hauteur de 3 milliards d'euros par rapport au montant qui figurait dans les propositions initiales de la présidence.

Au total la présidence allemande, à laquelle le ministre délégué a rendu hommage, a parfaitement joué son rôle et renoncé à certaines de ses revendications, dans un contexte rendu plus difficile encore par la crise au Kosovo et la démission de la Commission européenne.

Sur ce dernier point, sans reprendre la chronique des événements qui ont conduit, le 15 mars dernier, à la démission collective de la Commission, M. Pierre Moscovici s'est attaché à en dégager la signification, en partant de la déclaration faite à Berlin le 24 mars par les Chefs d'Etat et de Gouvernement, et en évoquant successivement la question des délais, de la procédure et, naturellement, des enjeux de la formation de la prochaine Commission. En désignant M. Romano Prodi comme successeur de M. Jacques Santer, moins de dix jours après sa démission, le Conseil européen a pris ses responsabilités et permis une véritable « sortie par le haut » de la crise de la Commission. La nomination de M. Prodi sera communiquée au Parlement européen actuel, qui devrait statuer en avril, puis la procédure de désignation et d'investiture de la nouvelle Commission suivra son cours. Le 14 avril prochain, une réunion informelle des chefs d'Etat et de Gouvernement avec M. Prodi examinera les réformes à apporter au fonctionnement de la Commission.

Les Etats membres, d'un commun accord avec le nouveau président, désigneront ensuite les personnalités qu'ils envisagent de nommer membres de la Commission. Le Parlement européen qui sera élu le 13 juin prochain, devrait, au terme des auditions des commissaires, approuver la nomination du président, puis de l'ensemble du Collège pour les cinq ans et demi qui viennent. Ainsi, la nouvelle Commission pourrait être en place à la fin du mois de juillet.

Ce calendrier ne pouvait guère être plus bref, compte tenu du principe démocratique élémentaire selon lequel on ne nomme pas un exécutif avant les élections. En réponse à une question posée sur ce point par M. François Guillaume, le ministre délégué a précisé que la procédure du Traité d'Amsterdam s'appliquera à la désignation des membres de la nouvelle Commission, dont l'investiture sera soumise au Parlement européen issu des prochaines élections, cette solution permettant d'éviter que deux assemblées successives soient appelées à donner leur investiture au même collège de commissaires.

La nouvelle équipe devra faire des propositions de réforme en profondeur des méthodes de gestion et de contrôle de la Commission. Avec 16 000 fonctionnaires pour gérer un budget de près de 550 milliards de francs, la Commission ne peut tout faire elle-même. Une réflexion devra déterminer les fonctions qui relèvent de la Commission et celles qui pourraient être confiées à des « agences d'exécution », sans toutefois abuser d'un tel système de délégation, notamment pour la gestion des programmes externes de la Commission (Phare, Tacis, Meda...). Il ne s'agit nullement d'aller vers une quelconque forme de renationalisation de ces programmes, mais seulement de clarifier les relations entre la Commission, donneur d'ordre sous l'autorité du Conseil, et les maîtres d'_uvre chargés de l'exécution de ces programmes, qui auraient un statut transparent et seraient soumis à des contrôles financiers. La Commission devra donc se donner les moyens, à la fois politiques et techniques, d'une plus grande efficacité.

Un deuxième aspect de la réforme concerne l'organisation de la Commission, et, en particulier, conformément aux engagements pris à Amsterdam, la réduction du nombre de commissaires. Pour le ministre délégué, cette réduction de l'effectif pourrait être assortie d'une distinction entre commissaires « chefs de file » et commissaires-adjoints. Dans la situation actuelle, en effet, quatre commissaires sont en charge des questions extérieures, sans parler des compétences du président à l'égard de la PESC et de celles du commissaire chargé de l'action humanitaire, tandis que trois commissaires sont responsables des questions industrielles, nonobstant les compétences sectorielles de trois autres commissaires. Il serait donc judicieux, à l'image de ce qui se pratique dans les Gouvernements de la plupart des Etats membres - et notamment en France avec la distinction entre les ministres et les secrétaires d'Etat - de désigner, par exemple, un commissaire responsable de l'ensemble des relations extérieures de la Communauté, entouré de commissaires spécialisés par région (Méditerranée, Amérique latine, Asie, pays ACP ...) ou par grand dossier transversal, par exemple les négociations commerciales multilatérales.

Un troisième aspect devrait porter sur la réorganisation des 24 directions générales de la Commission, d'abord pour en réduire le nombre, ensuite pour les adapter aux attributions confiées aux commissaires titulaires et définir des domaines d'action plus cohérents. Telles sont les grandes lignes que l'on pourrait proposer, sans modification du Traité, pour le fonctionnement de la future Commission.

Ces modifications répondent à une double exigence : celle de l'efficacité et de la transparence d'une part ; celle d'une meilleure intégration de la préparation à l'élargissement, d'autre part, car le changement d'échelle implique une réforme profonde.

Enfin, il paraît indispensable que la réflexion du futur président de la Commission intègre aussi la mise en _uvre de la notion de subsidiarité consacrée par le nouveau Traité, sous forme, non pas de l'établissement de listes de compétences exclusives de l'Union et des Etats membres, mais plutôt d'un programme de travail commun aux trois institutions, qui pourrait prendre effet au début de l'an 2000.

Peu à peu, la préoccupation française de la nécessité d'une refonte institutionnelle fait son chemin. Il revient à la présidence allemande de proposer une méthode et un calendrier ; la conclusion de l'Agenda 2000 va maintenant nous permettre de nous atteler à cette tâche. Il appartiendra ensuite aux présidences suivantes de conduire les travaux de fond ; il serait souhaitable que la présidence française de l'Union, au second semestre de l'an 2000, puisse traiter la phase conclusive de la réforme.

Le ministre délégué a enfin souligné que le Gouvernement avait entrepris, à la suite de la révision constitutionnelle du 25 janvier 1999, le travail de refonte des circulaires de 1993 et 1994 relatives à la mise en _uvre de l'article 88-4 de la Constitution et qu'il engagerait, dans les prochains jours, une consultation informelle avec le président de la Délégation sur le texte de cette nouvelle circulaire, avant qu'elle ne soit soumise à la signature du Premier Ministre, en vue d'une entrée en vigueur au début du mois de mai, en même temps que le Traité d'Amsterdam.

L'exposé du ministre délégué a donné lieu à un large débat.

M. François Guillaume, constatant que toutes les délégations nationales s'étaient déclarées satisfaites des résultats du Conseil de Berlin, a qualifié ceux-ci de simple arrangement, qui ne traite pas les questions de fond. Pour lui, le compromis issu du Conseil des ministres de l'agriculture du 11 mars a bien constitué, malgré les dénégations du Gouvernement, la base de discussion du Conseil européen, qui dès lors, s'est borné à étaler dans le temps ou à différer des mesures auxquelles nous étions opposés.

L'absence de cofinancement des dépenses agricoles ne saurait être qualifiée de victoire, puisque le Conseil ne pouvait, en tout état de cause, supprimer le principe de la solidarité financière qui fonde, depuis quarante ans, la construction européenne.

Quant aux baisses de prix, qui sont moins élevées que celles initialement prévues, leur modération n'est pas non plus un succès, puisqu'il était évident que la Commission s'était ménagé des marges de man_uvre. Il a jugé très préoccupant le sort réservé aux oléo-protéagineux et en a redouté les conséquences négatives pour les régions qui ne produisent pas de céréales. Il a qualifié de scandaleux le maintien des primes à l'abattage des jeunes veaux (primes Hérode), qui produit des effets pervers, puisque les éleveurs de certains pays voisins viennent faire abattre leurs veaux nouveaux nés en France pour toucher la prime, tout en exportant massivement vers la France. A propos des mesures destinées au développement rural, il s'est demandé s'il ne s'agissait pas tout simplement d'un dispositif de compensation destiné aux Etats qui n'ont pas obtenu de diminution de leur contribution nette.

M. Gérard Fuchs a souhaité avoir des précisions sur le dispositif retenu pour le rabais dont continuera de bénéficier le Royaume-Uni et sur les conditions dans lesquelles a eu lieu la nomination de M. Romano Prodi en qualité de président de la Commission. Favorable à une hiérarchisation des tâches des commissaires, il a émis des doutes sur la possibilité d'obtenir une réduction de leur nombre. Enfin, il a souhaité que le Parlement soit saisi du nouveau programme de travail de la Commission dès sa publication, afin que la Délégation puisse s'exprimer avant même le Parlement européen.

M. Pierre Brana, s'étant associé aux questions de M. Gérard Fuchs sur la réforme de la Commission, a demandé des précisions sur l'aide humanitaire de l'Union européenne au Kosovo.

M. Maurice Ligot a estimé que l'intervention de forces françaises au Kosovo conduisait à s'interroger sur les liens entre la France et l'OTAN, puisque notre pays, tout en étant membre de l'organisation, s'était retiré du commandement intégré. Il a souhaité que la Délégation soit informée par le Gouvernement du déroulement des opérations.

S'agissant des fonds structurels, il a demandé si le Gouvernement avait établi les cartes correspondant à la diminution de la population couverte par l'objectif 2.

Pour lui, « l'augmentation significative de la contribution française », évoquée par le ministre délégué, pose un problème de cohérence avec l'exigence, liée à la monnaie unique, d'un retour à l'équilibre budgétaire. Il a demandé si cette augmentation serait compensée par une diminution d'autres dépenses ou par une augmentation des ressources, c'est-à-dire un alourdissement des prélèvements fiscaux. Evoquant enfin la diminution de la part des principaux contributeurs nets dans le financement du « chèque britannique », il a demandé au ministre délégué de préciser les incidences de ce nouveau calcul sur la contribution française.

M. Jean-Claude Lefort a exprimé son inquiétude sur les discussions qui auront lieu prochainement en matière agricole dans le cadre de l'OMC : il a craint que la politique agricole commune fasse l'objet, de la part des Américains, d'attaques particulièrement vives à cette occasion et souhaité que l'Union européenne prenne les initiatives politiques de nature à la préserver.

S'agissant de la réorganisation de la Commission, il a souhaité que les parlementaires soient associés aux réformes qui pourraient intervenir, avant de suggérer une réflexion sur le droit d'initiative de la Commission, qui fait actuellement l'objet d'interprétations différentes, comme en témoigne par exemple l'attitude adoptée par le commissaire Leon Brittan à l'occasion du sommet transatlantique du 18 mai 1998.

Il a insisté sur l'importance particulière que revêt la désignation prochaine d'un « M. ou Mme PESC » (politique étrangère et de sécurité commune) dans le contexte de la crise du Kosovo. Il a estimé que le choix de cette personnalité serait révélateur de la volonté de définir les bases d'une politique propre à l'Union européenne.

En réponse aux intervenants, le ministre délégué a apporté les précisions suivantes.

La réforme de la PAC arrêtée dans le cadre de l'accord sur l'Agenda 2000 poursuivait plusieurs objectifs : préparer l'élargissement, définir un nouveau « paquet financier » compte tenu de l'objectif de stabilisation des dépenses, enfin préparer les futures négociations dans le cadre de l'OMC . Le chemin était étroit : il fallait limiter les coûts, sans pour autant réaliser une réforme trop libérale. Les positions soutenues par la France sur le dossier agricole ont toujours été définies en liaison étroite entre le Gouvernement et le Président de la République, y compris en ce qui concerne la prime « Hérode ».

Il ne fait pas de doute, pour le Conseil européen, que les décisions adoptées en matière de réforme de la PAC dans le cadre d'Agenda 2000 constitueront les éléments essentiels pour la définition du mandat de négociation de la Commission en vue des futures négociations commerciales multilatérales à l'OMC, comme le précise le point 24 des conclusions de la présidence.

Pendant toute la négociation, le cofinancement des dépenses agricoles a constitué une menace qui n'a pas été si facile à neutraliser ; aussi faut-il se satisfaire qu'elle ait pu être écartée. La France est la première bénéficiaire des actions menées au titre du développement rural, qui peuvent, par exemple, profiter aux zones de montagne. En revanche, la France n'a pas pu obtenir satisfaction sur les oléagineux, compte tenu de la nécessité de stabiliser les coûts de la PAC. Toutefois, le Conseil a demandé à la Commission de lui remettre dans un délai de deux ans un rapport destiné à présenter d'éventuelles mesures d'adaptation en la matière. S'agissant de la prime « Hérode », le Président de la République en a été le défenseur actif à Berlin et l'a donc évoqué dans des termes très différents de ceux utilisés par M. François Guillaume.

Pour le calcul du rabais britannique, on a exclu les 11 milliards prévus pour l'élargissement, tandis que la clause de rendez-vous qui a été adoptée devrait permettre d'aller plus loin dans sa remise en cause, des adaptations devant avoir lieu après l'élargissement.

L'unanimité qui s'est exprimée lors de l'élection de M. Romano Prodi à la tête de la Commission a traduit la prise de conscience des membres du Conseil européen de la nécessité d'une réponse rapide et unitaire à la crise ouverte par la démission collective de la Commission. La réduction du nombre de commissaires doit être replacée dans la perspective de l'élargissement : malgré l'augmentation du nombre des Etats membres de l'Union, l'effectif de la Commission ne devrait pas excéder vingt membres, ce qui pourrait conduire un pays comme la France à renoncer à son deuxième poste de commissaire. Il va de soi que si les grands pays renoncent à leur second commissaire, la pondération des voix au Conseil devra être revue, le lien entre des deux réformes devant être respecté. Par ailleurs, comme en disposera la future circulaire d'application des nouvelles dispositions de l'article 88-4 de la Constitution, le programme de travail de la Commission européenne fera partie des documents qui seront automatiquement soumis aux assemblées.

Il est encore trop tôt pour donner des indications précises sur les modalités de l'aide que l'Union va apporter au Kosovo, dont le montant global devrait s'établir entre 10 et 20 millions d'euros. La France n'appartenant pas aux structures militaires de l'OTAN, les forces françaises qui sont engagées en Yougoslavie restent sous l'autorité du commandement français, même si l'action menée conduit à un renforcement des liens au sein de l'Alliance atlantique. L'OTAN ne doit pas être le gendarme de l'Europe, et la désignation prochaine d'un « M. ou Mme PESC », qui devra être une personnalité politique forte, sera l'occasion pour l'Union d'affirmer l'identité européenne en matière de défense et de diplomatie.

A la suite de l'accord sur l'Agenda 2000, la contribution budgétaire de la France augmentera. Le montant exact de cet accroissement, qui ne peut être encore chiffré, devrait s'établir entre 0,5 et 1 milliard d'euros. Toutefois, outre les « retours » qu'on peut en attendre, cette augmentation n'est pas incompatible avec notre discipline budgétaire et reste comprise dans l'enveloppe que le Gouvernement avait définie.

S'agissant du pouvoir d'initiative de la Commission, le problème qui se pose est celui de l'articulation entre la Commission et le Conseil « Affaires générales » : l'affaire du nouveau marché transatlantique (NTM), que le Conseil avait rejeté a révélé un abus de la part d'un commissaire. Mais il ne s'agit en aucun cas d'affaiblir la Commission, ni de réduire son pouvoir d'initiative.

M. Yves Fromion s'est interrogé sur la cohérence des décisions prises par le Conseil européen sur l'Agenda 2000 avec la perspective de l'élargissement de l'Union. Se félicitant de la prise de conscience que suscitait le conflit au Kosovo sur la capacité d'intervention des européens, il a jugé que celle-ci ne dépendait pas du degré d'intégration politique de l'Europe mais simplement de la capacité des Européens de surmonter leurs divisions. Le thème de « l'Europe unie des Etats », évoqué par le Président de la République, prend donc toute sa valeur.

Mme Béatrice Marre s'est félicitée qu'un compromis acceptable par l'ensemble des Etats membres ait pu être réalisé à Berlin. Déclarant partager l'analyse de M. François Guillaume sur la réforme du secteur oléo-protéagineux, elle a souhaité savoir si la clause de révision obtenue par M. Jean Glavany lors du « Conseil agricole » du 11 mars avait pu être maintenue. Portant une appréciation globale sur la réforme de la PAC, elle a noté que la réorientation de celle-ci vers le développement rural devait encore être approfondie, tout en reconnaissant que certaines avancées avaient été enregistrées sur les organisations communes de marché, notamment dans la perspective des prochaines négociations de l'OMC. Sur ce dernier point, elle a souhaité connaître le calendrier des travaux de l'Union européenne.

Mme Nicole Catala a partagé les inquiétudes de M. Jean-Claude Lefort sur les risques de remise en cause de la PAC lors des négociations de l'OMC. Elle a interrogé le ministre délégué sur le nombre d'Etats candidats susceptibles d'adhérer à l'Union européenne d'ici à 2006. Evoquant l'idée exprimée par le ministre délégué d'une réorganisation pyramidale de la Commission, qui serait composée de commissaires et de commissaires adjoints, Mme Nicole Catala a souhaité savoir si cette réforme nécessitait au préalable une révision du Traité.

Le Président Alain Barrau a souhaité savoir si les institutions européennes envisageaient de se prononcer sur le conflit au Kosovo et si la gestion de cette crise revêtirait à un moment ou un autre une dimension proprement européenne : le Conseil européen informel du 14 avril examinera-t-il cette question ? Il a jugé intéressant que l'Union européenne puisse formuler des propositions en vue d'une solution politique du conflit. S'agissant de « M. ou Mme PESC », il a souhaité savoir si nos partenaires européens partageaient notre position sur la nécessité de désigner une personnalité politique d'envergure. Enfin, s'agissant de la répartition des fonds structurels sur le territoire français, le Président Alain Barrau a fait état des polémiques que suscite la publication de nombreuses cartes de zonage non officielles et souhaité que soit très rapidement rendue publique une carte précisant les territoires éligibles à l'objectif 2.

Dans ses nouvelles réponses aux intervenants, M. Pierre Moscovici a précisé, s'agissant de l'élargissement, que le Conseil européen avait décidé de consacrer 11 milliards d'euros aux dépenses de pré-adhésion et qu'une adaptation des perspectives financières serait nécessaire lors de l'adhésion des nouveaux Etats. S'il n'est pas possible, à ce jour, de fixer de calendrier précis pour l'élargissement, on peut penser que les premières adhésions interviendront avant la fin de la période couverte par les nouvelles perspectives financières, l'objectif étant de procéder à l'élargissement dans les meilleurs délais. S'agissant de la PESC, le ministre délégué a estimé que la réforme de l'article 88-4 de la Constitution permettra désormais à la Délégation d'être mieux associée aux projets élaborés dans ce cadre.

Il a admis par ailleurs le caractère imparfait de la réforme de la PAC dans le secteur des oléagineux et protéagineux, tout en soulignant qu'il eut été « contre-productif » de présenter des demandes qui auraient eu pour effet d'alourdir les dépenses communautaires ; toutefois, la clause de révision obtenue par le ministre de l'agriculture a été renforcée lors du Conseil européen de Berlin. Pour sauvegarder la PAC et les aides au développement rural, il y aura lieu d'accentuer le découplage des aides. Le mandat de négociation de la Commission à l'OMC sera discuté à l'automne prochain ; quels que soient les risques de remise en cause de la PAC lors de ces négociations, la réforme réalisée par les Quinze constitue un point d'appui qui confortera leur position.

S'agissant de la réorganisation de la Commission européenne, le Traité n'interdit pas une hiérarchisation des commissaires, laquelle suppose toutefois une volonté unanime des Etats membres ; le Conseil européen informel du 14 avril prochain sera l'occasion d'en vérifier l'existence. Quant au rôle que l'Union européenne sera susceptible de jouer dans le conflit au Kosovo, le Président de la République a indiqué au Conseil des ministres son souhait d'une réunion européenne sur la question des réfugiés, problème dramatique qui s'inscrit clairement dans les compétences de l'Union. Il n'est guère envisageable que le Conseil européen informel du 14 avril n'aborde pas cette question.

Le « profil politique » s'impose pour la personnalité qui sera désignée en qualité de « M. ou Mme PESC », conformément aux conclusions du Conseil européen de Vienne en décembre 1998 par le Conseil européen et compte tenu, de surcroît, des événements récents.

Evoquant enfin la carte de la répartition des fonds structurels, M. Pierre Moscovici a précisé qu'elle serait élaborée en collaboration avec les élus, dès la publication des règlements communautaires, afin d'éviter tout retard dans la mise en _uvre de la nouvelle programmation.

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