DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 108

Réunion du jeudi 27 avril 2000 à 9 heures

Présidence de M. Alain Barrau

I. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

La Délégation a examiné, sur rapport du Président Alain Barrau, une série de textes relatifs respectivement aux institutions communautaires, aux questions financières, aux questions sociales, à la consommation, au commerce extérieur, à l'espace judiciaire.

Institutions communautaires

La proposition de règlement relative à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (document E 1403) a fait l'objet d'un débat, la France ayant exprimé le souhait que les documents préparatoires soient exclus du champ d'application du texte.

Le Président Alain Barrau, approuvant l'amélioration de l'accès des citoyens aux documents administratifs et observant que la France, sans être un modèle de transparence en ce domaine, n'était pas non plus dans la situation la moins enviable, a souhaité que la France évite de prendre une telle position restrictive. Mme Marie-Hélène Aubert a soutenu cette position, observant que de telles restrictions relevaient davantage d'une tradition culturelle que d'une nécessité.

M. Maurice Ligot, exprimant un avis différent, a craint que la publication des documents préparatoires ait pour effet de dissuader les services de la Commission d'exprimer librement leur opinion à un stade précoce d'élaboration des projets de textes communautaires. Pour lui, certaines notes doivent donc rester confidentielles. Le Président Alain Barrau, tout en mesurant la portée de cette objection, a insisté sur le fait que telle ou telle note considérée comme confidentielle pouvait néanmoins être connue de certaines personnes et susciter, du fait de cette divulgation partielle, un intérêt disproportionné ainsi que toutes sortes de rumeurs.

M. François Guillaume a appuyé ce point de vue, tout en soulignant que l'état d'esprit des autorités communautaires revêtait une plus grande importance que les procédures elles-mêmes : s'il peut être, dans certains cas, inopportun de diffuser des documents préparatoires, l'essentiel de l'effort des autorités communautaires doit consister à engager une réelle concertation avec les milieux socio-professionnels, ce qui n'est pas toujours le cas.

A l'issue de ce débat, la Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire tout en marquant ses distances à l'égard des suggestions du mémorandum tendant à exclure les documents préparatoires.

Le Président Alain Barrau a exposé le contenu du volumineux Livre Blanc sur la réforme de la Commission (document E 1424). Les objectifs de la réforme, tels qu'ils sont présentés par la Commission, sont les suivants :

- équilibrer les tâches en considération des ressources, de manière à répondre aux normes les plus rigoureuses ;

- opérer une révision globale de la politique de la Commission en matière d'encadrement et de gestion des ressources humaines, afin de renforcer son efficacité et de mieux utiliser les compétences de son personnel ;

- améliorer l'efficacité de la gestion budgétaire.

La réforme que la Commission entend promouvoir repose sur quelques principes simples : des responsabilités plus claires ; un renforcement de l'obligation pour la Commission de répondre de ses actes devant les citoyens et les autres institutions européennes ; la recherche d'une meilleure efficacité par le biais d'une simplification et d'une décentralisation des procédures ; une plus grande transparence.

Ces principes généraux se traduisent par une centaine de mesures, assorties d'un calendrier, et dont les principales couvrent les domaines de la gestion des ressources humaines et le contrôle financier. Dans le domaine financier, la Commission suggère de remplacer le système de contrôle ex ante par un dispositif de contrôle souple et décentralisé autour des directions générales. Un nouveau service d'audit, de gestion et de contrôle financier interne serait constitué dès le 1er mai 2000 pour effectuer des contrôles ex post.

Les propositions de la Commission ont suscité un débat animé avec les syndicats, qui s'inquiètent des risques de mise en cause de l'unicité statutaire et du nouveau système de promotion interne. Le commissaire Neil Kinnock s'est efforcé d'y répondre en soulignant que serait maintenu le principe d'unicité du statut quelle que soit l'affectation des fonctionnaires.

La Délégation a pris acte de la transmission de ce Livre Blanc au titre de l'article 88-4 de la Constitution.

· Questions financières

La Délégation a pris acte de la communication de la Commission sur l'ajustement technique des perspectives financières à l'évolution du PNB et des prix (document E 1423) et des demandes de dérogation fiscale au régime des droits d'accises, l'une présentée par l'Allemagne destinée à lui permettre, dans le cadre de sa réforme fiscale en faveur de l'écologie, de rembourser 50 % des hausses de ces droits lorsque les carburants sont utilisés pour les transports publics urbains (document E 1428), l'autre présentée par le Royaume-Uni tendant à autoriser ce pays à exonérer des droits d'accises le contenu d'eau des émulsions eau/diesel, carburant de substitution utilisé par les moteurs diesel (document E 1431).

A ce sujet, le Président Alain Barrau a informé les membres de la Délégation d'un courrier que lui a adressé le ministre délégué chargé des affaires européennes sur les simplifications qu'il propose d'apporter à la procédure d'examen parlementaire des demandes de dérogation fiscale : le Gouvernement propose de s'engager à saisir directement les Assemblées des lettres de notification de la Commission, sans consultation du Conseil d'Etat, ce qui répondrait au souhait exprimé par la Délégation d'une saisine plus rapide du Parlement ; les propositions formelles de décision ne seraient plus transmises lorsque celles-ci ne présentent pas de différences substantielles avec la demande initiale notifiée par la Commission et soumise au Parlement au titre de l'article 88-4 de la Constitution ; le Gouvernement s'engage également à transmettre, au titre de la clause facultative prévue par cet article, les demandes de dérogation fiscale présentées par les autorités françaises et qui, par définition, ne leur sont pas notifiées par la Commission ; enfin, pour les demandes de dérogation fiscale dépourvues de toute incidence sur la concurrence, le droit communautaire ou le droit national - dont la Délégation s'était souvent étonnée qu'elles soient soumises au Parlement - le Gouvernement propose d'instaurer une procédure allégée de consultation lui permettant de lever la réserve d'examen parlementaire à l'expiration d'un délai d'un mois si les assemblées n'ont pas manifesté d'intérêt à leur égard.

Considérant que ces propositions étaient de nature à améliorer les conditions d'examen des demandes de dérogations fiscales et qu'elles répondaient aux souhaits précédemment exprimés par la Délégation, le Président Alain Barrau a suggéré à la Délégation, qui l'a suivi, d'y répondre favorablement.

· Questions sociales

La Délégation a approuvé un ensemble de textes constitué par deux propositions de directive et une proposition de décision relatives à la lutte contre les discriminations et fondé sur l'article 13 du traité instituant la Communauté européenne. Les deux propositions de directive, l'une sur l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (document E 1393) et l'autre sur l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique (document E 1394) contiennent des dispositions communes : l'affirmation d'un principe de non-discrimination assorti de dérogations justifiées par des exigences professionnelles essentielles ; la mise en place d'actions « positives » et de procédures judiciaires ou administratives pour faire respecter le dispositif prévu ; le renversement de la charge de la preuve en cas de violation des règles de non-discrimination. La proposition de décision du Conseil établissant un programme d'action communautaire de lutte contre la discrimination (2001/2006) (document E 1375) complète ce dispositif par des mesures concrètes dont le coût est estimé à 98,4 millions d'euros.

· Protection des consommateurs

La Délégation a pris acte de la proposition modifiant la directive de 1976 relative à la limitation de la mise sur le marché et de l'emploi de certaines substances et préparations dangereuses, qui ajoute trois substances classées cancérogènes, mutagènes ou toxiques à l'annexe I de cette directive et interdit l'utilisation de ces substances dans des préparations mises sur le marché (document E 1398).

Le Président a ensuite présenté le Livre Blanc sur la sécurité alimentaire, qui est fondé sur une approche globale de la sécurité alimentaire englobant tous les maillons de la chaîne alimentaire et tous les secteurs de l'alimentation (document E 1405). Il propose la création d'une autorité alimentaire européenne, qui serait investie de trois missions principales : recueillir et analyser l'information, donner des avis scientifiques à la Commission sur toutes les questions ayant un impact sur la sécurité et la santé des consommateurs (en rapport avec la consommation de denrées alimentaires, les processus industriels, le stockage, la distribution), enfin assurer la communication avec les consommateurs sur les questions alimentaires. La mise en place de cette instance devrait s'accompagner d'un ensemble de 80 mesures tendant à l'amélioration des normes de sécurité alimentaire. La Commission annonce par ailleurs un texte législatif exhaustif destiné à refondre les dispositifs de contrôle.

Souscrivant globalement aux orientations tracées, le rapporteur a souligné qu'il faudra toutefois être attentif au dispositif qui sera présenté par la Commission, en particulier sur les points suivants : l'indépendance de l'autorité alimentaire européenne vis-à-vis des Etats membres et des institutions communautaires ; les rapports avec les institutions communautaires, en particulier avec la Commission, dont le rôle en matière de gestion des risques demeurerait prééminent ; les rapports avec les Etats membres et notamment avec les organismes nationaux chargés de missions comparables.

M. François Guillaume, tout en jugeant indispensable la création d'une autorité alimentaire européenne, a souligné la nécessité de veiller à une articulation claire de ses compétences avec celles des autorités nationales similaires.

M. Maurice Ligot a insisté de son côté sur le fait que la sécurité alimentaire est devenue une préoccupation essentielle des citoyens, ce qui justifie la mise en place d'autorités alimentaires indépendantes, tant au niveau national que communautaire. Il a toutefois souligné que la diversité des modes alimentaires dans les Etats membres pourrait conduire à des divergences d'appréciation. Compte tenu de l'importance des questions évoquées par le Livre Blanc, le Président a évoqué l'éventualité d'un rapport d'information de la Délégation, auquel il a invité ses collègues à se porter candidats.

· Commerce extérieur

La Délégation n'a pas soulevé d'objection à l'égard des propositions autorisant la Finlande à appliquer une limite quantitative aux importations de bière en provenance des pays tiers (document E 1420), de la proposition de règlement relative à la suspension de certaines concessions prévues par l'accord d'association avec la Lettonie (document E 1430) et de la proposition de règlement relative à des concessions agricoles à l'Estonie (document E 1435). Ayant accepté, à la demande du Gouvernement, la levée par anticipation de la réserve d'examen parlementaire sur la proposition de règlement modifiant le contingent tarifaire autonome pour le ferrochrome (document E 1427), le Président a indiqué que ce texte avait été adopté par le Conseil du 10 avril dernier.

· Justice et affaires intérieures

La Délégation a levé la réserve d'examen sur la proposition de directive relative au droit au regroupement familial, lequel serait institué au profit de certains ressortissants de pays tiers résidant légalement sur le territoire des Etats membres (document E 1396).

Elle a ensuite approuvé le Livre vert de la Commission relatif à l'assistance judiciaire en matière civile (document E 1417), destiné à sonder les professions juridiques en vue d'élaborer une directive créant un dispositif d'assistance judiciaire dans les contentieux transfrontaliers.

· Questions diverses

La Délégation a examiné la communication de la Commission relative à un programme de soutien à l'industrie audiovisuelle européenne, ainsi que deux propositions de décisions ayant un objet connexe (document E 1422). Le rapporteur a estimé que la Délégation devait attacher une attention particulière à ces documents, qui pourraient faire l'objet d'un rapport d'information. M. François Guillaume a insisté sur le respect de la réglementation communautaire relative à la production et à la diffusion d'_uvres européennes par les chaînes de télévision. La Délégation a confié à M. François Guillaume un rapport d'information sur le programme de soutien à l'industrie audiovisuelle européenne et les propositions de décisions du Conseil en ce domaine.

La Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur la proposition de la Commission relative aux prix agricoles (document E 1432). Elle a enfin approuvé la proposition de position commune du Conseil prorogeant les sanctions contre la Birmanie (document E 1436), qui a fait l'objet d'une demande d'examen en urgence par le ministre des Affaires étrangères.

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II. Communication du Président sur le Plan national d'action pour l'emploi pour 2000

Le Président Alain Barrau a indiqué qu'il avait été saisi, en sa qualité de Président de la Délégation, du projet de plan national pour l'emploi pour 2000, également communiqué aux présidents des commissions des affaires sociales de l'Assemblée et du Sénat. Il a souligné que ce plan, qui devrait être examiné au Conseil des ministres du 3 mai, tendait à mettre en _uvre les lignes directrices pour l'emploi pour 2000 élaborées dans le cadre de la stratégie communautaire.

Il a précisé que, si la Délégation n'avait pas compétence pour se prononcer sur l'opportunité d'actions ou de dispositions de caractère national, elle pouvait être amenée à examiner la conformité de mesures nationales avec des décisions communautaires, a fortiori quand ces mesures en découlent directement. Aussi a-t-il jugé très positif que la Délégation, qui est chaque année amenée à statuer sur les lignes directrices pour l'emploi, soit saisie du Plan national d'action.

Il a souligné que celui-ci reprenait assez largement les mesures contenues dans le précédent plan d'action pour les quatre « piliers » principaux des lignes directrices, à savoir : améliorer la capacité d'insertion professionnelle ; développer l'esprit d'entreprise ; encourager la capacité d'adaptation des entreprises et des travailleurs ; renforcer les politiques d'égalité des chances pour les femmes et les hommes. On ne doit pas s'en étonner, dans la mesure où les lignes directrices pour 2000 présentent peu de modifications par rapport à celles de l'année précédente et où les effets de la politique menée par le Gouvernement en matière de création d'emplois et de baisse du chômage sont très appréciables. Le chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) a, en effet, été ramené de 12,6 % en juin 1997 à 11,5 % à la fin de 1998, puis à 10,6 % à la fin de 1999.

Le Président a exposé les orientations nouvelles par rapport au plan national pour 2000, à savoir : les actions visant à faciliter la création d'entreprise annoncées par le Premier ministre lors des récents états généraux consacrés à la création d'entreprise, comme la simplification des formalités ou la suppression de droits d'enregistrement ; la mise en _uvre de la deuxième loi sur la réduction du temps de travail, qui facilite l'aménagement du temps de travail et permet, dans certaines conditions, la réduction de cotisations patronales de sécurité sociale ; la lutte contre la précarité de l'emploi, le projet de loi de modernisation sociale qui sera soumis au Conseil des ministres à la mi-mai prévoyant notamment des mesures visant à limiter le recours aux emplois atypiques et à renforcer les garanties des salariés en matière de licenciement ; la réforme de la formation professionnelle permettant de mieux prendre en compte les acquis professionnels des salariés.

Le plan prévoit également des mesures visant à faciliter l'accès des chômeurs au marché du travail, comme les dispositions de lutte contre les discriminations qui seront contenues dans le projet de loi de modernisation sociale et les actions tendant à favoriser l'accès à l'emploi dans les quartiers difficiles. Il tend à renforcer les moyens d'assurer l'égalité professionnelle entre hommes et femmes et de combattre le chômage des femmes. Il évoque la relance du dialogue social, que ce soit dans le cadre de la législation sur la réduction du temps de travail ou de la reprise de la négociation interprofessionnelle, ainsi que la lutte contre les difficultés de recrutement, un plan spécifique ayant été annoncé par la ministre de l'Emploi et de la solidarité en février pour faciliter la confrontation de l'offre et de la demande de travail au travers de forums organisés par l'ANPE et les secteurs professionnels ou améliorer le caractère attractif de certaines professions.

Le Président Alain Barrau a dégagé de l'examen de ce document les conclusions suivantes. En premier lieu, le projet de plan est conforme aux lignes directrices arrêtées par la Communauté. En second lieu, les objectifs quantifiés contenus dans les lignes directrices et concernant l'insertion professionnelle des jeunes et des adultes ont été respectés. Troisièmement, le projet répond aux recommandations émises par la Commission sur le plan national pour 1999, qu'il s'agisse des régimes de prestations existants - notamment ceux qui favorisent les départs en retraite anticipée - de la réduction des charges administratives des entreprises, de la diminution de la pression fiscale sur le travail ou du renforcement du partenariat social. Enfin, le document reprend plusieurs propositions avancées par les partenaires sociaux. C'est le cas notamment de l'engagement d'un dialogue social interprofessionnel, de la lutte contre les difficultés de recrutement et de la facilitation de la création d'entreprises.

Le président a rappelé que la Délégation sera amenée à revenir sur la mise en _uvre de ce plan à la fin de cette année, à l'occasion de l'examen des lignes directrices pour 2001.

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III. Informations relatives à la Délégation

1 - Ont été nommés rapporteurs d'information :

- Mme Marie-Hélène Aubert, sur le Livre Blanc relatif à la sécurité environnementale (E 1414) ;

- M. François Guillaume, sur le programme de soutien à l'industrie audiovisuelle européenne et les propositions de décisions du Conseil en ce domaine (E 1422).

2 - Le Président Alain Barrau a évoqué le succès du forum parlementaire qui s'est déroulé hier, mercredi 26 avril, sur la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Il a rappelé que ce forum faisait suite à celui organisé le 28 mars sur les priorités de la présidence française et que deux autres colloques seraient organisés avant la présidence française : le premier, sur les orientations de celle-ci dans le domaine de la protection sociale et de l'emploi, devrait avoir lieu le mercredi 24 mai, à l'initiative de la ministre de l'Emploi et de la solidarité ; le second, consacré au thème « l'Union européenne et le sport », se déroulera le mercredi 7 juin à l'Assemblée nationale (salle Lamartine).