DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 120

Réunion du jeudi 28 septembre 2000 à 9 heures

Présidence de M. Alain Barrau

Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Le Président Alain Barrau, rapporteur, a présenté plusieurs séries de propositions d'acte communautaire, sur lesquelles la Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire, à l'exception du document E 1422 (programme communautaire Media Plus), qui fait l'objet d'un rapport d'information en cours d'élaboration au sein de la Délégation.

Ces propositions portent respectivement sur des questions fiscales, l'environnement, l'espace de liberté, de sécurité et de justice, les relations extérieures et les relations commerciales.

_ S'agissant des questions fiscales, la Délégation a pris acte du document E 1493 autorisant l'Allemagne à appliquer, du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2005, un taux d'accises réduit aux carburants présentant une teneur en soufre de dix parts pour un million. Toutefois, elle a réitéré, sur proposition du rapporteur et de M. Pierre Brana, son souhait d'obtenir de la Commission européenne une étude permettant d'apprécier les conséquences techniques, environnementales et économiques prévisibles de cette mesure. La Délégation a également pris acte du document E 1522 autorisant la France, par dérogation à l'article 11 de la sixième directive TVA, a prévoir que, lorsqu'un assujetti fournit un bien ou un service comprenant un travail sur de l'or d'investissement exonéré appartenant à une autre personne et que, au terme de ce travail, l'or n'est plus de l'or d'investissement, la base d'imposition est majorée de la valeur de l'or contenu dans le produit fini. Elle a pris la même position pour le document E 1541, qui a pour objet d'autoriser l'Italie à appliquer un taux d'accises réduit aux émulsions stabilisées de gazole ou de fuel lourd contenant de l'eau dans une proportion comprise entre 12 et 15 %. Elle a jugé souhaitable que l'étude précédemment demandée porte également sur les conséquences techniques, environnementales et économiques de ce type de mesure.

_ Dans le domaine de l'environnement, la Délégation a statué, après les observations de MM. Pierre Brana et François Guillaume, sur une proposition de décision-cadre dans le domaine de la lutte contre les infractions graves au détriment de l'environnement (E 1413). Le Président Alain Barrau a souligné que ce texte, présenté à l'initiative du Royaume-Uni et du Danemark, invitait les Etats membres à punir les infractions graves contre l'environnement d'une manière effective, proportionnée et dissuasive, ainsi qu'à ratifier la Convention du Conseil de l'Europe de 1998 sur la protection de l'environnement par le droit pénal. M. Pierre Brana s'est interrogé sur l'attitude du Royaume-Uni, qui a pris, avec le Danemark, l'initiative de la décision-cadre, alors qu'il n'a pas ratifié la convention de 1998 du Conseil de l'Europe sur la protection de l'environnement par le droit pénal.

Elle a ensuite considéré que n'appelaient pas d'objection de sa part deux propositions de règlement du Parlement européen et du Conseil ayant pour objet de modifier le règlement du Parlement et du Conseil relatif aux substances qui appauvrissent la couche d'ozone, récemment adopté en conciliation et en cours de publication (E 1516 et E 1517). Ce règlement, qui doit entrer en vigueur le 1er octobre 2000, tend à adapter le régime communautaire aux développements techniques intervenus et aux changements apportés en 1995 et 1997 au Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone. Les deux modifications proposées tendent respectivement à modifier l'année de référence pour l'attribution des quotas aux producteurs et importateurs d'hydrochlorofluorocarbures (HCFC) et à permettre l'exportation des inhalateurs médicaux contenant des CFC vers les pays en développement.

_ Abordant les textes relatifs à l'espace de liberté, de sécurité et de justice, la Délégation a approuvé les documents E 1479 et E 1509 tendant à définir les compétences et le mode de fonctionnement d'Eurojust, dont la création a été prévue au Conseil européen de Tampere et dont la mission serait de coordonner les organes d'enquête et de poursuite des Etats membres. Elle a considérée que l'initiative allemande (document E 1479), qui revêt une portée plus limitée, a vocation à être fusionnée avec l'initiative présentée par les gouvernements portugais, français, suédois et belge (document E 1509). Elle a également exprimé son accord avec le document E 1480, qui a pour objet de porter de 15 à 21 le nombre de juges du tribunal de première instance, compte tenu de la charge croissante de cette juridiction.

Elle a pris la même position sur le document E 1510, issu d'une initiative française en faveur d'une décision-cadre sur l'identification, le dépistage, le gel ou la saisie et la confiscation des instruments et des produits du crime. Ce texte reprend, tout en le renforçant, le dispositif d'une action commune des 3 et 4 décembre 1998. Il pourrait faire l'objet d'un débat d'orientation lors du Conseil « Justice-Affaires intérieures » du 17 octobre. M. Pierre Brana, approuvé par le Président Alain Barrau, a regretté que les autorités françaises ne fassent pas connaître suffisamment les initiatives très judicieuses qu'elles prennent en ce domaine.

Le rapporteur a indiqué que le document E 1512, également issu d'une initiative de la France, tend à l'adoption d'une convention relative à l'amélioration de l'entraide judiciaire en matière pénale, pour lutter contre la criminalité organisée, le blanchiment du produit d'infractions et la criminalité en matière financière. Complétant la convention du Conseil de l'Europe de 1959 et la convention de l'Union européenne du 20 mai 2000, ce projet de texte s'attache à surmonter plusieurs obstacles à l'entraide judiciaire pénale : les réserves des Etats-membres dans la mise en _uvre des commissions rogatoires internationales, l'opposition du secret bancaire et commercial, l'opposition du caractère fiscal de l'infraction et l'invocation par les Etats requis de leurs intérêts fondamentaux.

Autre initiative de la France, le document E 1513 propose une décision-cadre visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de l'aide à l'entrée et au séjour irréguliers. Ce texte propose de définir l'infraction à l'aide à l'entrée et au séjour irréguliers ainsi que les sanctions correspondantes, et à assortir ces règles de régimes d'aggravation et d'exonération pénales. Le rapporteur a souligné que, depuis son dépôt, ce document avait été scindé en deux, à savoir un projet de directive qui définit l'infraction générale de l'aide à l'entrée et au séjour irréguliers (document E 1537), et un projet de décision-cadre, qui définit les sanctions ainsi que les circonstances aggravantes et les règles applicables aux personnes morales, texte qui sera prochainement examiné par la Délégation. Alors que l'article 27 de la convention de Schengen ne sanctionnait que l'aide à l'entrée et au séjour irréguliers à des fins lucratives, cette condition serait désormais supprimée. La négociation se heurte pour l'essentiel à deux difficultés : la définition du champ des exonérations de responsabilité, qui ne rencontre pas l'adhésion de nos partenaires, et la disparité des procédures pénales au sein de l'Union, qui rend délicate la mise en _uvre de sanctions pénales harmonisées.

Le rapporteur a ensuite exposé l'objet du document E 1514, qui propose, à l'initiative de la France, une directive du Conseil relative à l'harmonisation des sanctions imposées aux transporteurs acheminant sur le territoire des Etats membres des ressortissants des pays tiers démunis des documents nécessaires pour y être admis. Comme l'a précisé le rapporteur, ce texte astreint les transporteurs à contrôler que les ressortissants des pays tiers qu'ils acheminent sur le territoire des Etats membres soient munis des titres de voyage et des visas nécessaires lors du franchissement des frontières extérieures. Toutefois, ne sont soumis à cette obligation de contrôle que les transporteurs aériens, maritimes et les autocaristes assurant des liaisons transfrontalières internationales. En revanche, les transporteurs routiers, le transport ferroviaire et les véhicules individuels sont exclus du dispositif. M. Pierre Brana a exprimé le souhait que ce texte retienne le principe de bonne foi des transporteurs, tout en regrettant l'exclusion de plusieurs formes de transports du champ d'application du texte. M. François Loncle a toutefois considéré que, s'il était possible d'effectuer un contrôle sur les transports collectifs, y compris les autocars, celui-ci serait beaucoup plus difficile à l'égard des transporteurs routiers. Il a souhaité une intensification des contrôles effectués par les administrations policières et douanières : les transporteurs routiers ne doivent pas subir des reproches qui doivent d'abord porter sur l'insuffisance des contrôles. M. François Guillaume a estimé, en revanche, que l'entrée clandestine en camion serait beaucoup moins aisée si les transporteurs routiers prenaient toutes les précautions nécessaires, sans parler des complicités éventuelles de certains d'entre eux. Il conviendrait donc d'étendre le champ d'application du texte au transport routier.

Tout en approuvant cette proposition de directive, la Délégation a souhaité une extension de son champ d'application ainsi qu'une intensification des contrôles aux frontières.

· Dans le domaine des relations extérieures, le rapporteur a présenté la proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2000/24/CE afin d'étendre la garantie accordée par la Communauté à la Banque européenne d'investissement aux prêts en faveur de projets en Croatie (document E 1482). A la suite du changement politique intervenu après les élections présidentielles et législatives organisées au début de l'année 2000 et de l'engagement des nouveaux responsables politiques croates en faveur de la démocratie et des réformes économiques, la Commission européenne a proposé d'étendre à la Croatie le mandat général conféré à la BEI pour les prêts à l'extérieur de l'Union et d'augmenter de 250 millions d'euros le plafond global des prêts. Ces prêts soutiendront les investissements du pays dans le développement des infrastructures et du secteur privé.

Le document E 1484 est une proposition de règlement du Conseil modifiant l'annexe du règlement (CE) n° 2793/99 relatif à certaines procédures de mise en _uvre de l'accord de commerce, de développement et de coopération conclu entre la Communauté européenne et la République d'Afrique du Sud. Destiné à corriger un certain nombre d'erreurs matérielles et à mettre à jour certains codes de la nomenclature douanière combinée, ce texte a fait l'objet d'une procédure d'examen en urgence le 25 juillet 2000 et a été adopté par le Conseil le 7 août 2000.

Le rapporteur a présenté le document E 1499, qui est une proposition de règlement du Conseil concernant l'importation dans la Communauté de diamants bruts de Sierra Leone. Ce texte fait suite à la position commune adoptée par le Conseil le 20 juillet 2000 visant à mettre en _uvre la résolution 1306 (2000) du Conseil de Sécurité des Nations Unies, imposant une interdiction des importations de diamants bruts de Sierra Leone. Ce texte, dont le Président de la Délégation a également été saisi en urgence le 25 juillet 2000, a été adopté le 3 août 2000 et sera applicable jusqu'au 5 janvier 2002. M. Pierre Brana a approuvé ce texte tout en doutant de son efficacité : le Liberia et la Guinée exportent plus de diamants qu'ils n'en produisent et même un Etat non producteur comme la Gambie en exporte. Le commerce illégal de diamants qui alimente les conflits ne pourra être arrêté que lorsque les diamantaires accepteront la traçabilité, c'est-à-dire l'ajout d'une parcelle d'ADN dans le diamant pour en déceler l'origine. Le contrôle sera inopérant tant qu'ils refuseront cette mesure.

Le Président a évoqué la proposition de règlement du Conseil concernant des mesures commerciales exceptionnelles en faveur des pays participants au processus de stabilisation et d'association mis en _uvre par l'Union européenne (E 1504). Ce texte, qui a été soumis à une procédure d'urgence, a pour objets : d'améliorer les préférences commerciales en faveur de l'Albanie, de la Bosnie-Herzégovine, de la Croatie et de l'Ancienne république yougoslave de Macédoine (ARYM) ; d'étendre ces préférences commerciales au Kosovo ; enfin d'accorder des concessions spécifiques à la république du Monténégro, qui ne dispose pas, en effet, d'une administration des douanes indépendante. Ce texte a été adopté par le Conseil le 18 septembre.

_ Dans le domaine des relations commerciales, la Délégation a pris acte de la levée de la réserve parlementaire, acceptée par le Président à la suite d'une demande d'examen en urgence, sur le document E 1475 étendant à la Norvège l'utilisation d'un réseau informatique dans le cadre de la convention relative à un régime de transit commun. Elle a ensuite statué sur les documents E 1476, E 1530 et E 1533 à E 1536 établissant des concessions commerciales pour certains produits agricoles au bénéfice de la Hongrie, de la République tchèque, de la République slovaque, de la Lettonie, de la Roumanie et de la Bulgarie. Ces règlements accordent au cas par cas des réductions de droits de douane et de contingents et suppriment les restitutions communautaires pour certains produits en échange de la suppression des droits de douane appliqués par ces pays sur les exportations de la Communauté. La Délégation a levé la réserve sur le document E 1495 pérennisant le régime spécial antidumping applicable à la Russie et à la Chine et étendant ce régime à l'Ukraine, au Viêtnam, au Kazakhstan et aux pays n'ayant pas une économie de marché, à compter de leur adhésion à l'Organisation mondiale du commerce. Elle a pris la même position à l'égard du document E 1531 relatif au régime commun applicable aux importations de certains produits textiles originaires de pays tiers. La Délégation a pris acte de la levée de la réserve, à la suite d'une procédure d'examen en urgence, sur les documents E 1492 et E 1496, qui concernent un accord de pêche avec la République de Guinée.

_ Commentant la communication de la commission et ses propositions de décision concernant le programme Media Plus (E 1422), M. François Guillaume, chargé d'un rapport d'information sur le programme de soutien à l'industrie audiovisuelle européenne et les propositions de décision du Conseil en ce domaine, a rappelé que les propositions de la Commission, d'un montant de 400 millions d'Euros, comportent deux volets : le premier, consacré à la formation, est soumis à la procédure de codécision du Parlement européen et du Conseil ; le second, relatif au développement, à la distribution et à la promotion des _uvres européennes, doit être adopté à l'unanimité après avis du Parlement européen. Au Conseil des ministres de l'Union européenne du 26 septembre, la discussion de ces textes a révélé des divergences sur le montant de l'enveloppe financière consacrée à ce programme. Les négociations vont donc se poursuivre jusqu'au prochain Conseil « Culture » du 23 novembre. Le rapporteur a également envisagé l'hypothèse selon laquelle le Parlement européen bloquerait la décision sur le volet relatif à la formation pour obtenir des concessions sur le volume global des crédits qui seront affectés au programme Media Plus. De surcroît, le commissaire européen en charge de la concurrence met en cause les aides directes au cinéma, qui sont pourtant essentielles pour préserver les notions d'exception culturelle. Dans ce contexte, la Délégation a décidé de poursuivre sa réflexion sur ce texte jusqu'à la présentation de son rapport d'information par M. François Guillaume.

· La Délégation a ensuite examiné la Lettre rectificative n°1 à l'avant-projet de budget pour 2001 (document E 1544). Le Président Alain Barrau a indiqué que ce document était la traduction budgétaire de la réforme de la Commission, qui, à la suite de l'évaluation des besoins en personnel des services conduite sous la responsabilité de M. Kinnock, vice-président de la Commission, a conduit à envisager des créations de postes nouveaux touchant en majorité le secteur des actions extérieures et liées à la réorganisation des services placés sous la responsabilité de M. Christopher Patten. L'incidence de ces créations de postes est pour partie compensée par des suppressions correspondant à des redéploiements ou à des gains de productivité. La Commission estime qu'elles ne devraient pas conduire à un dépassement de la rubrique 5 des perspectives financières. M. François Loncle s'est interrogé sur le risque de confusion de responsabilités que la mise en _uvre de la réforme des directions de la Commission en charge de l'action extérieure pourrait entraîner entre l'action de M. Christopher Patten et celle de M. Javier Solana, secrétaire général, haut représentant pour la politique extérieure et de sécurité commune. M. François Guillaume, évoquant l'audition par la Délégation de M. Patten le 15 juin dernier, a exprimé une crainte analogue de conflits de compétences entre la Commission et le Conseil. Le Président Alain Barrau a convenu que la lettre rectificative, de caractère strictement budgétaire, laissait entière la question de la clarification des responsabilités en ce domaine.

La Délégation a ensuite successivement levé la réserve d'examen parlementaire sur les documents :

E 1473 (proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant des exigences et des procédures harmonisées pour le chargement et le déchargement des vraquiers), après que M. Pierre Brana eut appelé l'attention sur la fréquence des accidents impliquant de tels navires et l'insuffisance des contrôles dont ils font l'objet ;

E 1494 (proposition de directive du Conseil concernant l'accord européen, relatif au temps de travail du personnel mobile dans l'aviation civile, conclu le 22 mars 2000 entre les organisations patronales et syndicales du secteur de l'aviation civile), qui a pour objet la mise en _uvre de cet accord, après que le Président Alain Barrau eut confirmé, en réponse à M. François Guillaume, que cet accord fixait des normes minimales ;

E 1505 (proposition de directive du parlement européen et du conseil concernant l'assurance directe sur la vie) ;

E 1524 concernant le réseau transeuropéen de statistiques sur les échanges de biens intra et extra-communautaires (Edicom).

_________