DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 129

Réunion du jeudi 23 novembre à 9 heures

Présidence de M. Gérard Fuchs, vice-président

I. Rapport d'information de M. Gérard Fuchs sur une communication de la Commission relative aux services d'intérêt général en Europe (document E 1560). Adoption d'une proposition de résolution sur ce texte

M. Gérard Fuchs a souligné que si les directives sectorielles élaborées par la Commission renvoyaient aux principes d'intérêt public, d'intérêt général et à la notion de service universel, cette approche gommait en réalité les caractéristiques essentielles du service public à laquelle la France est attachée, et qui existent sous d'autres formes dans les autres pays de l'Union. L'article 16 du traité d'Amsterdam confirme la place des services d'intérêt général parmi les valeurs communes de l'Union européenne ainsi que leur rôle dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale. Il convient cependant d'aller au-delà, en invitant l'Union européenne à se doter d'une directive-cadre sur les services publics dans laquelle s'inscriraient les directives sectorielles.

M. Gérard Fuchs a rappelé que le Conseil européen de Lisbonne du mois de mars dernier avait souligné la nécessité de tenir pleinement compte des dispositions du traité relatives aux services d'intérêt économique général et aux entreprises qui sont chargées de leur gestion et avait invité la Commission à réactualiser sa communication de 1996 sur les services d'intérêt général en Europe.

Il a estimé que la communication présentée par la Commission confirmait la nécessité pour l'Europe de se doter d'un cadre juridique propre à promouvoir la notion de service public et son rôle. Il s'est toutefois demandé si les principes réaffirmés par la Commission à cet effet suffisaient à donner une traduction satisfaisante à l'article 16 du traité.

Soulignant que l'ambition de la construction européenne ne s'était jamais limitée à la seule réalisation d'un grand marché, le rapporteur a rappelé que les objectifs d'intérêt général et la mission de service public avaient également été pris en compte dès le Traité de Rome. Ainsi, l'article 77 du Traité de Rome - l'article 73 du traité CE - admet-il les aides répondant aux besoins de la coordination des transports ou correspondant au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public. L'article 90-2 - article 86-2 du traité CE - ouvre aux entreprises publiques ou privées chargées de services d'intérêt économique général la possibilité de déroger aux règles du traité, comme l'a confirmé l'arrêt Corbeau rendu le 19 mai 1993 par la Cour de justice des Communautés européennes, à propos de la compatibilité avec les dispositions du traité concernant les règles de la concurrence de la réglementation belge sur le monopole postal. Quant à l'article 92-3 - article 87-3 du traité CE - il pose le principe de la compatibilité avec le marché commun des aides d'Etat accordées notamment dans le domaine de l'aménagement du territoire.

M. Gérard Fuchs a indiqué que, pour la Commission, les divers secteurs ouverts à la concurrence demeuraient régis par les trois principes qui sont à la base de l'article 86 du traité CE, relatif aux entreprises publiques et aux services d'intérêt économique général.

- la neutralité pour ce qui est de la propriété publique ou privée des sociétés est garantie par l'article 295 du traité CE. Tout s'opposant à ce que les Etats soient tenus de procéder à des privatisations, ce principe assujettit les entreprises publiques et les entreprises privées au respect des règles du traité relatives à la concurrence et au marché intérieur ;

- la liberté dont disposent les Etats pour accorder des droits spéciaux ou exclusifs aux entreprises gérant des services d'intérêt économique général ou encore pour imposer des obligations de service public aux opérateurs ;

- la proportionnalité qui, découlant de l'article 86, paragraphe 2, implique que les moyens utilisés pour remplir la mission d'intérêt général ne créent pas de distorsions de concurrence.

Quant au rôle des services d'intérêt général, la Commission estime qu'il n'a pas été amoindri par l'ouverture à la concurrence. Tout en déclarant qu'ils contribuent dans une large mesure à la compétitivité de l'industrie européenne ainsi qu'à la cohésion sociale et territoriale, elle relève que les citoyens européens, utilisateurs de ces services, attendent désormais des services de qualité à des prix abordables, sur la base d'un certain nombre de principes :

- une définition claire des obligations fondamentales destinées à garantir la prestation d'un service de bonne qualité, des niveaux élevés en matière de santé publique et la sécurité physique des services ;

- une transparence totale, notamment sur les tarifs, les clauses contractuelles, le choix et le financement des prestataires ;

- le choix du service et, le cas échéant, du prestataire, et une concurrence effective entre prestataires.

M. Gérard Fuchs a contesté que ces principes suffisent à permettre aux services d'intérêt général de remplir leur rôle conformément à l'article 16 du traité et jugé nécessaire de proposer l'élaboration d'une directive-cadre qui préciserait la portée de l'article 16 et définirait les missions des services d'intérêt général non plus à partir des règles de la concurrence mais selon une véritable logique de service public.

Tout en notant que l'article 16 avait introduit une référence générale à la notion de service public, M. Gérard Fuchs a regretté que son contenu soit beaucoup plus limité que celui du projet de Charte européenne des services publics adressé par les autorités françaises à la Commission en mars 1993. Ce projet énonçait, d'une part, les principes concernant les missions respectives des régulateurs et des opérateurs et, d'autre part, les principes généraux communs à l'ensemble des services publics, tel que la continuité, l'égalité d'accès, l'adaptation à des besoins évolutifs et diversifiés et, le cas échéant, l'universalité. De même, les conclusions des Conseils européens de Cannes et de Madrid de 1995 avaient-elles inclus dans les missions d'intérêt économique général l'aménagement équilibré du territoire, l'égalité de traitement entre les citoyens, la qualité et la permanence du service ainsi que la préservation d'intérêts stratégiques à long terme.

En outre, M. Gérard Fuchs a également relevé que l'article 36 du projet de Charte des droits fondamentaux, relatif à l'accès aux services d'intérêt économique général, se bornait à poser le principe du respect par l'Union de l'accès à ces services, tel qu'il est prévu par les dispositions nationales.

Pour ces raisons, il lui est apparu nécessaire de poser une notion large et moderne du service public, qui permette à chaque citoyen, sans qu'il soit tenu compte de sa situation ni de ses revenus, d'avoir accès à des biens et des services de qualité. La poursuite d'un tel objectif implique que les missions d'intérêt général soient définies sur la base d'une approche qui invite la Communauté et les Etats membres à ne plus se limiter simplement à la régulation par la concurrence ou à la correction des défaillances du marché dans un secteur déterminé. Il s'agit, dès lors, de définir les obligations de service public et les moyens d'exécution des missions des services publics, de telle sorte que ces derniers puissent être un outil de promotion de la citoyenneté, y compris de la citoyenneté européenne en construction.

M. Gérard Fuchs a considéré que l'on éviterait ainsi que le service public ne soit réduit à la conception minimaliste du service universel, qui a pu prévaloir, par exemple, dans le domaine des télécommunications, ou encore que l'ouverture à la concurrence ne débouche sur la substitution de monopoles privés à des monopoles publics.

Enfin, il a considéré que la directive-cadre dont il a souhaité l'élaboration pourrait présenter l'intérêt d'inciter la Commission à ne plus élaborer des textes analogues au paquet ferroviaire, qui était, à l'origine, inspiré d'une vision dogmatique de la libéralisation et à laquelle l'Assemblée nationale s'était opposée à juste titre l'an dernier.

En conclusion, M. Gérard Fuchs a souligné que sa communication et la proposition de résolution qui l'accompagne s'inspiraient de la démarche offensive en faveur du service public, souhaitée par la Délégation lors de l'examen de la proposition de directive sur la poursuite de l'ouverture à la concurrence de la poste. Mais au-delà, il a estimé que le débat soulevé par les services d'intérêt général confirmait bien que, contrairement à certains propos tenus au lendemain de la chute du mur de Berlin, l'avenir des sociétés démocratiques ne se réduisait pas à l'élection de responsables veillant au libre fonctionnement du marché. Si ce dernier est admis par tous, son fonctionnement doit comporter également des mécanismes correcteurs. Tout en reconnaissant que cette initiative avait une dimension modeste et était appelée à être suivie d'un rapport d'information plus ambitieux en 2001, le rapporteur a conclu en soulignant que le vote de la proposition de résolution permettrait de donner au Gouvernement un soutien politique utile pour promouvoir une directive-cadre.

M. Pierre Brana a demandé, compte tenu de la fin imminente de la présidence française, à quelle occasion le sujet était susceptible de venir en discussion avant la fin de l'année.

En réponse, le rapporteur a précisé que la communication de la Commission était inscrite à l'ordre du jour du Conseil « Marché intérieur » du 30 novembre et que le Gouvernement avait l'ambition de faire en sorte que la Commission soit invitée par le Conseil à rédiger une telle directive, ce qui pourrait, le cas échéant, être discuté lors du Conseil européen de Nice.

La Délégation est ensuite passée à l'examen de la proposition de résolution.

Elle a adopté sans modification les considérants de cette proposition ainsi que ses paragraphes 1, 2 et 3.

Présentant plus spécialement le paragraphe 4 relatif à la détermination des modalités d'accomplissement des services d'intérêt général, le rapporteur a indiqué que son insertion avait pour objectif d'éviter que les normes correspondantes soient définies au regard des seules exigences de la concurrence.

M. Pierre Brana, reconnaissant l'importance politique particulière du paragraphe 4, a souhaité, en conséquence, que la rédaction en soit modifiée dans un sens plus impératif.

Le paragraphe 4 a été adopté sous réserve d'une modification correspondant à cette observation et d'un amendement rédactionnel présenté par M. Maurice Ligot.

Le paragraphe 5 a été adopté sans modification.

La proposition de résolution ainsi modifiée a été adoptée à l'unanimité des membres présents.

« L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu l'article 16 du traité CE relatif aux services d'intérêt économique général,

Considérant l'importance de l'existence de services publics performants, visant à favoriser une plus grande égalité sociale en fournissant un ensemble significatif de biens et de services à des conditions égales et éventuellement gratuites, quel que soit le lieu d'habitation et le niveau de revenu des citoyens ;

Considérant que, dès l'origine, la construction de l'Europe communautaire a admis, parallèlement à l'établissement d'un grand marché et à l'affirmation des principes de libre concurrence et de libre circulation des personnes et des biens, l'existence de situations permettant à des entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général de déroger à ces principes ;

Considérant que le développement ultérieur de l'Union européenne a conduit les Etats membres à reconnaître, parmi les « valeurs communes de l'Union », les services d'intérêt général et « le rôle qu'ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union » ; que la communication de la Commission sur les services d'intérêt général en Europe (COM [00] 580 final / E 1560), qui définit la doctrine actuelle de cette dernière sur le sujet, appelle, de ce fait, une attention particulière ;

Considérant que le rôle assigné à ces services par l'article 16 doit être envisagé de manière globale et autonome par rapport à l'établissement du marché unique ; qu'il vise, en effet, à donner à la notion de citoyenneté dans l'Union européenne son plein contenu économique et social ; qu'il serait réducteur, et contraire à l'esprit du traité instituant la Communauté européenne, d'en concevoir la mise en _uvre selon une approche exclusivement sectorielle et seulement par référence, au cas par cas, aux défaillances alléguées du marché dans un domaine déterminé de services ;

Considérant que la prise en compte effective des services d'intérêt général par l'ensemble des Etats membres de l'Union passe prioritairement par la reconnaissance, dans l'ordre juridique communautaire, d'obligations de service public dans différents domaines, au regard desquelles sont ensuite définies, sans exclusive et dans un esprit d'adaptation aux demandes des citoyens de l'Union, les modalités d'exécution des différents services d'intérêt général.

1. Souhaite l'élaboration, sur la base de l'article 16 du traité CE, d'un projet de directive fixant des règles générales applicables à l'ensemble des services d'intérêt général, et servant de cadre à l'établissement de directives sectorielles ;

2. Demande que le droit commun, ainsi constitué, des services d'intérêt général en Europe soit fondé sur la définition d'obligations de service public permettant d'assurer à l'ensemble des habitants de l'Union européenne, quelles que soient leur position sociale et leur localisation géographique, le bénéfice de ces services dans des conditions conformes au principe d'égalité de traitement ;

3. Souhaite que cette démarche privilégie la recherche des moyens concrets garantissant, dans le fonctionnement de ces services le respect de la liberté, de l'égalité continue des chances, de la justice sociale et de la responsabilité partagée ;

4. Estime que la détermination des modalités d'accomplissement des services d'intérêt général doit se faire par référence étroite aux obligations de service public précédemment définies et doit fixer, en conséquence, les modalités des financements nécessaires à leur mise en _uvre (subventions, compensations, etc.) ;

5. Demande au Gouvernement de profiter de la présidence française pour prendre toutes initiatives utiles pour la réalisation des orientations ainsi définies. »

II. Rapport d'information de M. Jean-Claude Lefort sur la place des pays en développement dans les relations commerciales multilatérales et examen des conclusions du rapporteur

M. Jean-Claude Lefort a indiqué, à titre liminaire, que la Délégation avait décidé d'analyser de manière exhaustive les causes de l'échec de la conférence ministérielle de l'OMC de Seattle en lui confiant un rapport d'information sur la place des pays en développement dans le système commercial multilatéral, qui compléterait ainsi le rapport d'information de Mme Béatrice Marre sur le fonctionnement de l'OMC examiné le 22 juin dernier.

Il a rappelé que les pays en développement avaient, pour la première fois, contribué à faire échouer le lancement d'un cycle de négociations commerciales. Les arguments invoqués par ces pays pour justifier ce refus doivent retenir toute l'attention des pays industrialisés : ils doivent y répondre ; à défaut il est à craindre que l'existence d'une OMC faisant primer la règle de droit sur l'unilatéralisme et les rapports de force soit sérieusement compromise. L'Union européenne doit répondre, dans la perspective du nouveau cycle, aux attentes des pays du Sud pour construire avec eux des alliances offensives autour d'intérêts communs. Afin de faire des propositions concrètes dans ce sens, M. Jean-Claude Lefort a indiqué qu'il avait interrogé par questionnaire 108 pays en développement, 32 pays ayant répondu. 148 ONG ont également été interrogées, mais celles-ci se sont montrées silencieuses.

Le rapporteur a dressé, dans un premier temps, un bilan des effets de la mondialisation et de la régulation économique sur les pays du Sud.

La fracture entre les pays en développement et les pays riches s'est incontestablement accentuée avec la mondialisation. Depuis 1970, l'écart de revenu entre les 20 % d'êtres humains habitant les pays les plus pauvres et les 20 % vivant dans les pays les plus riches a plus que doublé : il est aujourd'hui de 74 à 1. La pauvreté a par ailleurs globalement augmenté dans le monde. Ainsi, 1,3 milliard d'individus vivent avec moins d'un dollar par jour. La situation est particulièrement dramatique pour les 48 pays les moins avancés (PMA) abritant 614 millions d'habitants écrasés par une dette de 212 milliards de dollars qui obère les dépenses socialement utiles au profit du remboursement des créanciers.

Cette situation n'est pas seulement insupportable au plan moral, elle est également politiquement explosive car elle est source de tensions économiques et politiques qui alimentent les intégrismes.

Le rapporteur a souligné que la fracture Nord-Sud n'était pas imputable à la seule OMC : les institutions financières internationales, le FMI et la Banque mondiale, ont aussi leur part de responsabilité dans cette situation. Les pays en développement ont donc besoin d'une stratégie globale, qui peut être portée par l'Union européenne.

L'OMC n'a pas aidé au développement des pays du Sud. Ces derniers doivent appliquer des accords commerciaux impliquant de lourdes réformes de structure pour leur économie et leur société et à l'égard desquels ils ne peuvent formuler de réserves en vertu du principe de l'engagement unique qui a été consacré par l'Accord de Marrakech. De plus, les dispositions de ces accords qui prennent en compte les besoins des pays en développement, qualifiées de « traitement spécial et différencié » et instituant une discrimination positive pour les pays en développement, n'ayant aucune portée juridique, les pays du Sud ont le sentiment qu'ils sont devenus les prisonniers d'un système commercial avantageant systématiquement les pays industrialisés. Deux accords en particulier, l'accord sur l'agriculture et l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, se traduisent par un véritable déséquilibre des droits et des obligations au détriment des pays en développement. L'accord agricole met hors de portée des pays connaissant un déficit vivrier la prise des mesures utiles à leur développement agricole. L'accord sur la propriété intellectuelle, quant à lui, rend l'accès des pays en développement aux médicaments essentiels difficile en raison de la durée des brevets. Enfin, les pays très pauvres ne disposent pas, dans les faits, des ressources leur permettant de recourir à l'Organe de règlement des différends de l'OMC (ORD), ce qui induit une rupture de l'égalité des membres de l'OMC devant la justice commerciale.

Par ailleurs, le volume d'assistance technique fournie aux pays en développement pour les aider à mettre en _uvre les accords commerciaux est dérisoire : il ne représente que 2 % du budget de l'OMC. Enfin, la permanence de cercles restreints de négociations, les « chambres vertes », exclut de fait les pays en développement des négociations.

S'agissant du pilier financier de la régulation économique internationale, les plans d'ajustement structurel du FMI et de la Banque mondiale ont contribué à dégrader les équilibres économiques et sociaux des pays pauvres. Le fonctionnement de ces institutions est par ailleurs, selon le rapporteur, totalement anti-démocratique.

Enfin, la politique de coopération au développement n'a pas aidé les pays pauvres à s'insérer dans l'économie mondiale. L'aide publique au développement connaît d'ailleurs un déclin inquiétant. On observera enfin que l'Accord de Cotonou entre l'Union européenne et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) vise à assujettir les relations commerciales de la Communauté européenne avec ces pays dans le cadre fixé par les règles de l'OMC.

Ainsi, la situation que connaissent actuellement les pays du Sud est donc en partie due à une crise de la régulation économique internationale. Dans ce contexte, il est illusoire, au yeux du rapporteur, de vouloir lancer un nouveau cycle de négociations tant que les relations entre le Nord et le Sud n'auront pas été cicatrisées. Le rapporteur a donc évoqué les grandes lignes de ses propositions concernant l'établissement d'un ordre économique international équitable.

S'agissant de l'OMC, ses membres doivent procéder à un bilan économique et social de l'application des accords. Il est également indispensable que le traitement spécial et différencié prévu par les accords en faveur des pays en développement devienne obligatoire. L'accord sur l'agriculture doit être par ailleurs révisé pour permettre aux pays à faible revenu et à déficit vivrier de disposer d'une boite de sécurité agricole pour assurer leur sécurité alimentaire. L'accord sur la propriété intellectuelle, quant à lui, doit favoriser la protection des ressources biologiques et des savoirs traditionnels et il serait souhaitable d'exclure du champ de la brevetabilité les médicaments jugés comme essentiels de l'Organisation mondiale de la santé.

En outre, l'ORD devrait appliquer une procédure accélérée pour le traitement des affaires concernant les PMA et prévoir une assistance juridique pour ces pays. Le système de négociation doit assurer la participation démocratique de tous les membres de l'OMC, ce qui implique la suppression des chambres vertes.

Enfin, le rapporteur a souligné que l'OMC et son organe de règlement des différends n'avaient pas vocation à arbitrer entre les préférences des peuples concernant les normes commerciales, sociales et environnementales. Il faut rappeler que la norme commerciale, comme tout accord international, est soumise à la Charte des Nations unies par le biais de son article 103. Par ailleurs, le champ d'application de la norme commerciale doit être limité : il doit finir là où commencent le droit international de l'environnement et le droit international du travail. Il en résulte que l'ORD doit se déclarer incompétent dès lors qu'une mesure commerciale est prise à des fins de mise en _uvre des droits sociaux fondamentaux ou au titre des accords multilatéraux sur l'environnement.

S'agissant de la coopération au développement, l'aide publique au développement et le traitement de la dette des pays très pauvres et très endettés doivent servir un objectif de réduction de la pauvreté dans les pays du Sud. De plus, le partenariat entre l'Union européenne et les pays ACP doit servir de point d'appui pour faire évoluer les règles de l'OMC au bénéfice des pays en développement.

Le rapporteur a conclu en estimant que le fonctionnement des institutions financières internationales devait être démocratisé, la lutte contre la pauvreté étant alors placée au c_ur du mandat de ces deux institutions.

M. Pierre Brana, après avoir déclaré partager pleinement l'analyse du rapporteur, a souligné que l'aide publique au développement, à l'accroissement de laquelle il est au demeurant favorable, doit remplir plusieurs conditions. Tout d'abord, elle doit effectivement bénéficier aux populations locales, ce qui n'est actuellement pas toujours le cas, comme en témoigne le fait, choquant, que le niveau de vie baisse dans certains pays recevant une aide importante alors qu'il s'élève dans d'autres pays moins aidés. Ensuite, il convient d'exercer un contrôle plus strict pour éviter les détournements frauduleux de l'aide tels qu'ils se sont produits par exemple en Côte-d'Ivoire. Enfin, il conviendrait que des critères plus stricts soient mis en _uvre pour déterminer les pays bénéficiaires de l'aide.

S'agissant du rôle du FMI et de la Banque mondiale, M. Brana a estimé que ces institutions devraient, lorsqu'elles accordent des prêts pour la réalisation de grands projets, exiger des pays bénéficiaires le respect de certaines conditions en matière de droit de l'homme et d'environnement. Elles se sont engagées dans cette voie à l'occasion du projet d'oléoduc Tchad-Cameroun, mais elles devraient aller plus loin en ce sens.

Quant à l'allégement de la dette des pays en développement, c'est une mesure positive, à la condition qu'elle contribue effectivement à la lutte contre la pauvreté, ce qui n'est pas toujours le cas. On constate en effet de plus en plus souvent que les pays africains profitent d'un tel allégement pour acheter des armes ou engager des mercenaires, privant ainsi les populations du bénéfice de la mesure.

Après s'être déclaré favorable au projet de l'Union européenne de permettre l'accès des produits de pays en voie de développement en franchise totale de droits sous réserve d'un contrôle, M. Brana a suggéré à la Délégation de reprendre l'idée, adoptée en janvier 1999 par le Parlement européen, d'un label social européen attribué aux sociétés multinationales qui respecteraient un code de bonne conduite à l'égard des pays en développement.

M. François Guillaume a noté que la faiblesse des pays en développement au sein des institutions financières et commerciales internationales tient notamment à leur émiettement, qui les prive de toute possibilité réelle d'influence sur leurs décisions. Ces pays ne sont par ailleurs pas toujours bien conscients de leurs intérêts. Ainsi, lors du cycle de négociations de l'Uruguay Round, se sont-ils placés sous la bannière des Etats-Unis, partisans de la globalisation des échanges, sans bien mesurer que le bas niveau de leurs coûts de production ne pouvait suffire à ce qu'ils tirent profit d'un tel système.

Déclarant partager l'analyse du rapporteur, M. François Guillaume a estimé que ses conclusions étaient en revanche un peu faibles. Partant du constat que toutes les solutions mises en _uvre jusqu'à présent ont fait la preuve de leur inefficacité, il a estimé que seule une conception complètement différente du commerce international pourrait remédier à la situation de pauvreté, à la fois inacceptable et dangereuse, que connaissent les pays pauvres. Il faudrait ainsi les inciter et les aider à constituer entre eux des marchés communs qui auraient la possibilité de se protéger mais qui auraient accès aux marchés des pays industrialisés. M. Guillaume, considérant que seule la France est en mesure de délivrer un message universel sur la question des pays en développement, a souhaité que l'Assemblée nationale en débatte sérieusement, de façon à dégager une position claire et constructive.

M. Camille Darsières a remercié le rapporteur d'avoir mentionné les difficultés propres à certaines régions des pays industrialisés, telles que les départements et territoires d'outre-mer. Il a rappelé que la population martiniquaise s'est globalement félicitée de l'échec de la Conférence de Seattle. Selon lui, il convient non seulement de faire la distinction entre pays industrialisés et pays en développement, mais aussi, au sein des premiers, entre les zones accusant un retard de développement et les autres. Il a précisé à cet égard que 60 % des exportations de la Martinique portaient sur la banane tandis que les 40 % restants correspondaient à des réexportations vers la Guadeloupe de transformations de pétrole brut venant d'Amérique latine. Il a estimé qu'il convenait de mieux définir les pays participant au commerce international et s'est déclaré favorable au principe du traitement spécial et différencié qui prévalait avant les accords de Marrakech. Il a, en outre, considéré qu'il fallait permettre plus largement aux pays industrialisés comportant des territoires en développement d'accorder à ceux-ci des aides compensatoires.

M. Maurice Ligot a, tout en soulignant l'intérêt du rapport, déploré des affirmations selon lui contestables. Si, comme l'affirme le rapporteur, l'échec de la Conférence de Seattle est révélateur de la fracture Nord-Sud, celle-ci n'est pas la seule cause de cet échec. Il a cité le cas de la Côte d'Ivoire, qui, après avoir connu, à la suite de son indépendance en 1960, un développement remarquable pendant une vingtaine d'années, a ensuite périclité en raison, non de la mondialisation, mais de problèmes qui lui sont propres, tels que la corruption. Il a également estimé que la réduction de l'aide au développement était moins liée à l'organisation mondiale du commerce qu'à la prise de conscience, par les pays donateurs, d'un certain nombre de détournements ou de fraudes, qui existent d'ailleurs aussi dans le monde industrialisé, notamment en Europe. Il a enfin récusé l'idée selon laquelle les brevets constituaient un moyen d'étrangler l'expansion des pays en développement, alors qu'ils sont nécessaires à l'essor de la recherche. Il a donc demandé au rapporteur de corriger ou de nuancer ce type d'affirmations.

M. Didier Boulaud a demandé au rapporteur comment il expliquait l'absence de réponse des organisations non gouvernementales qu'il a contactées. Y a-t-il un lien avec le détournement de l'aide au développement ? Il a précisé à cet égard qu'il avait été frappé de constater, lors d'un voyage en Bosnie, par le nombre considérable d'organisations de ce type vivant de cette aide. Il a suggéré, par ailleurs, au sujet de l'évocation de la Malaisie, de retenir, dans le rapport, un titre moins ambigu.

M. Gérard Fuchs a indiqué qu'il ressortait de la littérature économique sur le sujet trois conclusions principales. D'abord, le libre-échange peut être bénéfique à tous les pays sous certaines conditions. Deuxièmement, il procure des gains plus importants aux grands pays par rapport aux petits et tend, de ce fait, à accroître les inégalités entre Etats. Enfin, il peut augmenter les inégalités au sein de chaque pays en fonction de la répartition des échanges commerciaux - l'importation de produits à un prix inférieur à celui du marché domestique pouvant affaiblir le secteur économique national qui les fabrique.

Il a déclaré que le premier pays bénéficiaire de l'aide au développement était la Suisse, où sont placés les fonds de nombreux dirigeants de pays en développement. Il a enfin estimé que lorsque le ratio entre les dépenses de fonctionnement et les dépenses destinées au projet excédait 30%, il était permis de s'interroger sur l'utilité de l'aide accordée.

En réponse, M. Jean-Claude Lefort a apporté les informations complémentaires suivantes :

- il est impossible d'évoquer la situation des PED sans analyser l'attitude de la Banque Mondiale ou du FMI à leur égard, même si ce sujet n'est pas au c_ur de la problématique du rapport. Il est nécessaire de fonder les aides au développement et l'allégement du fardeau de la dette sur des contrats avec les PED. Le rapport du Parlement européen privilégie d'ailleurs la notion de développement endogène des pays pauvres ;

- le concept de « bonne gouvernance » pose la question du modèle à adopter, ceux proposés aux PED provoquant généralement des crispations alors que ces pays devraient participer à la définition de ce concept ;

- la classification de l'OMC ne reconnaît que les PMA, les pays en développement se déclarant comme tels. Il faudrait établir une nouvelle classification plus réaliste et basée sur des critères incontestables ;

- en ce qui concerne les recettes pétrolières, on peut citer l'exemple du Tchad qui a décidé de consacrer une faible partie d'entre elles (10 %) au développement immédiat et de réserver la majorité (90 %) aux générations futures ;

- l'Union européenne est une zone ouverte à 99 % des exportations des PMA. Le dernier pourcentage restant concerne des produits comme le sucre et les bananes, dont le caractère sensible nécessite d'être pris en compte ;

- les multinationales qui investissent dans les PED ont aussi le devoir de prendre en compte une approche positive qui contribue à l'amélioration sociale et renforce le droit du travail ;

- l'échec de la conférence de Seattle est dû à de nombreux facteurs mais la Délégation pour l'Union européenne a décidé la réalisation d'un rapport d'information sur le blocage de la négociation provoqué par les PED ;

- la pauvreté ne résulte pas de la mondialisation qui a permis d'accroître les richesses dans le monde, mais qui a également augmenté l'écart entre pays riches et pays pauvres ;

- il existe deux solutions pour résoudre la question des médicaments. Soit les médicaments considérés comme indispensables sont retirés du champ de la brevetabilité afin que les PED puissent acquérir des médicaments génériques sans encourir de sanctions de la part de l'OMC. Soit, il faut considérer les médicaments comme un bien public global et trouver un équilibre pour, d'une part maintenir les systèmes de brevets afin de ne pas décourager la recherche, d'autre part fournir les conditions pour que les médicaments soient accessibles aux populations des PED ;

- la Malaisie est un exemple intéressant de pays qui a refusé le plan d'ajustement du FMI et a adopté une stratégie nationale qui lui a permis de sortir de la crise ;

- les ONG n'osent pas proposer de solutions car elles atteignent les limites objectives de leurs actions et il revient donc aux politiques de jouer un rôle majeur dans les réflexions préparatoires à la prise de décision.

La Délégation a ensuite examiné les propositions de conclusions présentées par le rapporteur. Elle a tout d'abord adopté les considérants après avoir procédé à plusieurs modifications rédactionnelles suite aux interventions de MM. Maurice Ligot, Gérard Fuchs et Camille Darsières.

Au paragraphe 1, relatif à l'évaluation du bilan économique et social des accords sur les PED, elle a procédé, sur proposition de M. Gérard Fuchs, à deux modifications rédactionnelles. Après avoir adopté sans modification le paragraphe 2 sur les dispositions du traitement spécial et différencié des accords commerciaux, elle a introduit, sur proposition de M. Yves Dauge, un paragraphe additionnel concernant la prise en compte de la diversité des PED et recommandant la constitution d'espaces régionaux de développement.

Elle a ensuite adopté sans modification le paragraphe 4 relatif à l'accord sur l'agriculture et à l'accord sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC). Après les interventions du rapporteur et de M. Gérard Fuchs, elle a procédé à deux modifications rédactionnelles au paragraphe 5 qui évoque la nécessité de mesures agricoles spécifiques pour les pays à faible revenu et à déficit vivrier.

Le paragraphe 6 sur la brevetabilité du vivant par l'ADPIC et la reconnaissance des savoirs traditionnels a également été adopté sans modification. Au paragraphe 7, M. Gérard Fuchs a rappelé que la notion de médicaments génériques supposait que les droits des brevets étaient tombés. M. Jean-Claude Lefort a évoqué le risque de marché noir, dans les pays développés, de médicaments génériques fabriqués dans les PED. La Délégation a alors adopté une nouvelle rédaction du paragraphe 7, sur proposition de M. Maurice Ligot, demandant à la communauté internationale de mettre les médicaments jugés essentiels par l'OMS et les médicaments génériques à la disposition des pays pauvres.

Elle a ensuite adopté sans modification le paragraphe 8 sur l'augmentation du budget d'assistance technique de l'OMC.

La Délégation a modifié le paragraphe 9, à l'initiative de MM. Gérard Fuchs et Maurice Ligot, pour que l'instauration d'une procédure accélérée de traitement des affaires par l'ORD ne se limite pas aux PMA, et l'a ensuite adopté.

La Délégation a adopté le paragraphe 10, après que M. Gérard Fuchs, eut exprimé le souhait que l'OMC puisse dans l'avenir écarter la règle du consensus pour prendre ses décisions.

La Délégation a adopté le paragraphe 11, après avoir supprimé, à l'initiative de M. Gérard Fuchs, une phrase considérant que l'OMC n'a pas vocation à subordonner les normes internationales à ses propres règles, afin de renforcer le dispositif adopté.

La Délégation a adopté le paragraphe 12, modifié par un amendement de M. Camilles Darsières, ajoutant, à l'obligation pour l'ORD de se déclarer incompétente dès qu'un litige commercial met en cause une mesure environnementale ou sociale, la possibilité d'appliquer le principe d'un traitement spécial et différencié à ce litige.

La Délégation a adopté le paragraphe 13, complété par un amendement de M. Pierre Brana visant à insérer un nouveau paragraphe (paragraphe 14) pour demander que les pays industrialisés destinent prioritairement leur aide aux pays les plus pauvres et veillent à ce que cette aide profite essentiellement aux populations, en en consacrant au moins 20 % aux services sociaux de base.

La Délégation a adopté un amendement de M. Pierre Brana insérant un nouveau paragraphe (paragraphe 15) demandant, comme le Parlement européen, la création d'un « label social européen » pour les codes de conduite des multinationales opérant dans les pays en développement. A M. Maurice Ligot qui jugeait ce texte un peu restrictif et imposant des obligations aux uns et pas aux autres, MM. Pierre Brana et Gérard Fuchs ont indiqué que le dispositif n'imposait rien mais s'appuyait sur des initiatives de l'OCDE et visait à inciter le consommateur européen à acheter les produits de multinationales dont le respect des normes sociales avait été reconnu, par une vérification difficilement extensible aux PME.

La Délégation a ensuite adopté les paragraphes 16 à 19, après que le rapporteur eut rappelé qu'aucun pays en développement ne siégeait aux conseils d'administration du FMI et de la Banque mondiale.

Après l'intervention de M. Maurice Ligot, déclarant qu'il approuvait les conclusions mais pas le rapport, la Délégation a adopté à l'unanimité des présents les conclusions du rapporteur ainsi modifiées dans le texte suivant :

« La Délégation,

Considérant que les pays en développement non émergents se sont opposés pour la première fois au lancement de négociations commerciales multilatérales à l'occasion de la Conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce, réunie à Seattle du 30 novembre au 3 décembre 1999, contribuant ainsi largement à son échec ;

Considérant que la fracture entre les pays industrialisés et nombre de pays en développement s'est accentuée depuis la signature, le 15 avril 1994, des accords de Marrakech, ces derniers ayant consacré le principe de l'engagement unique en vertu duquel les pays du Sud doivent appliquer, sans pouvoir y apporter de réserves, quinze accords commerciaux, impliquant d'importantes réformes de structures pour leur économie et leur société et dont le contenu libéral a été défini par les pays développés ;

Considérant que les clauses dites « de traitement spécial et différencié » des accords commerciaux devant prendre en compte les besoins spécifiques des pays en développement sont en fait dépourvues de toute portée juridique et qu'en conséquence ces accords se caractérisent par un véritable déséquilibre des droits et des obligations au profit des pays industrialisés, les pays pauvres ne bénéficiant de surcroît que d'une assistance et de moyens techniques réduits pour appliquer ces accords ;

Considérant que le fonctionnement de l'OMC souffre d'un déficit démocratique, les négociations se déroulant au sein des groupes restreints, dont sont exclus de fait les pays pauvres, et l'accès à l'Organe de règlement des différends (ORD) variant en fonction du niveau de développement des membres de l'OMC ;

Considérant qu'une majorité de pays en développement sont d'une manière générale les grands perdants de la mondialisation, leur population restant privée des biens essentiels et écrasée par le poids d'une dette chronique et ingérable, alors même que l'aide publique au développement connaît un déclin continu ;

Considérant par ailleurs que nombre de pays en développement ont vu leur situation économique et sociale se dégrader en raison de l'application des programmes d'ajustement structurel négociés avec le Fonds monétaire international (FMI) ;

Considérant enfin que l'Union européenne, qui affirme à l'article 177 du traité instituant la Communauté européenne sa solidarité avec les pays du Sud, doit peser de tout son poids dans la définition des contours d'une gouvernance pour le développement, impliquant des réformes des règles de l'OMC, des institutions de Bretton Woods et de la politique de coopération au développement.

I. Au regard de la prise en compte des besoins des pays en développement par l'OMC

1. Demande que le mécanisme de réexamen de l'ensemble des questions de mise en _uvre des accords, institué le 3 mai 2000 par une décision du Conseil général de l'OMC, évalue le bilan économique et social de l'application de ces accords sur les pays en développement en associant à ses travaux la CNUCED et le Conseil économique et social de l'ONU, l'existence d'un tel bilan étant primordiale pour les pays en développement, mais aussi pour la crédibilité de l'OMC ;

2. Demande que les dispositions du traitement spécial et différencié des accords commerciaux relatives à la promotion des intérêts spécifiques des pays en développement et à la fourniture d'une assistance technique à ces pays soient rendues impératives ;

3. Demande que soit pris en compte l'extrême diversité des situations économiques, sociales et géographiques des pays en développement ; recommande, comme l'Union européenne le fait dans l'Accord de Cotonou, la constitution d'espaces régionaux de développement capables de mener des politiques communes et de mieux défendre les intérêts des pays membres ;

4. Considère qu'une attention particulière doit être portée à l'Accord sur l'agriculture et à l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), leur application menaçant la sécurité sanitaire et alimentaire des pays en développement et n'empêchant pas le pillage des ressources biologiques de ces pays ;

5. Estime que les pays à faible revenu et à déficit vivrier, dont la liste est établie par la FAO, doivent pouvoir prendre des mesures agricoles nécessaires à leur sécurité alimentaire et à leur développement rural, regroupés au sein d'une « boîte de sécurité agricole » ;

6. Demande que la logique de privatisation sous-tendant l'ADPIC soit renversée et, qu'à cet effet, l'ADPIC ne reconnaisse pas la brevetabilité du vivant mais soit mis en conformité avec la Convention sur la biodiversité des Nations unies de 1992 ; demande également la reconnaissance par l'ADPIC des savoirs traditionnels détenus par les communautés indigènes ;

7. Demande que la Communauté internationale trouve les moyens de mettre les médicaments désignés comme essentiels par l'Organisation mondiale de la santé et les médicaments génériques à la disposition des pays pauvres afin d'éviter que les traitements de maladies graves et de pandémies ne soient, en raison de leurs coûts, mis hors de la portée de ces pays ;

8. Soutient la proposition consistant à augmenter le budget de l'assistance technique de l'OMC sur trois ans pour qu'il atteigne 10 millions de francs suisses par an, cette somme devant couvrir les besoins en assistance technique de tous les pays en développement ;

9. Considère que l'ORD doit être réformé afin d'instaurer une procédure accélérée de traitement des affaires ; propose que la procédure de règlement des différends puisse permettre à plusieurs pays en développement d'introduire une action conjointe contre un pays industrialisé fautif si ce dernier fait preuve de mauvaise volonté pour appliquer les recommandations d'un panel ; demande que soit institué un bureau d'assistance juridique pour les PMA, indépendant du secrétariat de l'OMC, mais financé par le budget de l'Organisation, afin de faciliter un juste accès de ces pays à l'ORD ;

10. Souligne le caractère intangible du principe du consensus sur lequel repose la prise de décision à l'OMC ; recommande à cet effet la suppression des chambres vertes ; soutient les initiatives permettant d'assurer un contrôle démocratique de l'OMC par les parlementaires, lesquels devraient être représentés au sein d'une Assemblée parlementaire de l'OMC, ainsi que par les ONG ;

II. Au regard de l'articulation des normes commerciales avec les normes sociales et environnementales

11. Estime que les accords commerciaux, comme tout traité international, sont soumis aux principes de la Charte des Nations unies en vertu de son article 103 ; insiste en conséquence sur le fait que ces accords ne sauraient remettre en cause les objectifs fixés par l'article 55 de la Charte aux termes duquel les membres des Nations unies doivent favoriser le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et des conditions de progrès dans l'ordre économique social, ainsi que le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous ;

12. Affirme que les accords commerciaux doivent respecter le droit international de l'environnement et le droit international du travail ; considère que le respect des accords multilatéraux sur l'environnement devrait être assuré par une Organisation mondiale de l'environnement et celui des conventions internationales du travail par l'Organisation internationale du travail ; insiste sur le fait que l'ORD doit se déclarer incompétent ou doit admettre le principe d'un traitement spécial et différencié, dès que lui est soumise une affaire mettant en cause une mesure commerciale prise sur la base d'un accord multilatéral sur l'environnement, ou qu'une partie invoque avec pertinence le non respect par un partenaire des règles sociales et protectrices des travailleurs édictées par l'OIT ;

III. Au regard de la politique de coopération au développement

13. Rappelle que les pays industrialisés se sont engagés, lors des grandes conférences des Nations-Unies tenues au cours des années 1990, à aider les pays en développement à réaliser des objectifs en matière de développement humain d'ici 2015 ; souhaite à cet effet que les pays industrialisés portent leurs efforts en matière d'aide publique au développement à 0,7 % de leur PNB ;

14. Demande que les pays en développement destinent prioritairement leur aide aux pays les plus pauvres et veillent à ce que cette aide profite essentiellement aux populations en en consacrant au moins 20 % aux services sociaux de base ;

15.  Demande que soit créé rapidement, comme l'a préconisé le Parlement européen, un « label social européen » pour les codes de conduite des multinationales opérant dans les pays en développement ;

16. Se félicite de la signature, le 23 juin 2000, à Cotonou, d'un nouvel accord de partenariat entre l'Union européenne et 77 Etats de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique fondé sur le développement humain, la réduction de la pauvreté et l'appropriation des stratégies de développement et des projets d'aide communautaire par la population ; partage néanmoins les inquiétudes exprimées, le 11 octobre dernier, par l'Assemblée parlementaire paritaire UE-ACP sur le volet commercial de l'accord qui prévoit d'instaurer le libre échange entre les pays ACP et la Communauté européenne d'ici 2020 ; souligne que la mise en conformité du volet commercial de ce partenariat avec les règles de l'OMC peut aboutir, dans l'état actuel des choses, à remettre en cause une relation équitable basée sur l'asymétrie des préférences commerciales ; estime que le choc de la concurrence européenne impliquera des ajustements importants pour les Etats ACP, qui peuvent fragiliser les équilibres sociaux de ces pays ;

IV. Au regard de la réforme de l'architecture financière internationale

17. Souhaite la démocratisation des institutions de Bretton Woods, qui passe par un renforcement du contrôle de l'autorité politique sur leurs administrations et de la place des pays en développement au sein des conseils d'administration du FMI et de la Banque mondiale ;

18. Se félicite de la mise en place en 1996 d'une initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE), au nombre de 40, qui a été renforcée en 1999 ; s'inquiète en revanche de l'état d'avancement de l'initiative, un seul pays ayant bénéficié de mesures d'allégement de la dette ; demande une accélération de la mise en _uvre de cette initiative ; insiste sur le fait que les ressources dégagées grâce à l'allégement doivent être mises au service de la lutte contre la pauvreté dans le pays bénéficiaire, dans le cadre de contrats de désendettement et de développement passés entre le créancier et le pays bénéficiaire ;

19. Déplore l'absence de coordination entre le FMI, la Banque mondiale et l'OMC qui pénalise les pays pauvres ; demande que ces institutions travaillent de concert au service du développement ; propose à cet effet d'associer les institutions de Bretton Woods au mécanisme d'examen des politiques commerciales de l'OMC. »