DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 132

Réunion du jeudi 7 décembre à 9 heures

Présidence de M. Alain Barrau

Communication de M. Bernard Derosier sur les transports aériens et l'environnement et sur le « ciel unique européen »

Le rapporteur a évoqué plusieurs événements intervenus au cours des six derniers mois (notamment la grève des contrôleurs aériens, l'accident du Concorde et la décision de principe de créer un troisième aéroport en région parisienne) qui illustrent les enjeux des communications de la Commission sur le ciel unique européen et sur les transports aériens et l'environnement.

Abordant la communication sur le ciel unique européen, le rapporteur a souligné que, à l'exemple de l'instauration de la monnaie unique ou du marché intérieur, l'objectif de la Commission était, en vue de régler la question des retards, de parvenir à une gestion commune de l'espace aérien, en s'inspirant de la logique libérale qu'elle a déjà eu l'occasion de mettre en _uvre dans d'autres secteurs.

Les retards touchent les Etats-Unis comme l'Europe. Aux Etats-Unis, ils ont augmenté d'environ 50 % au cours des cinq dernières années. En Europe, d'après les statistiques de l'AEA - l'association européenne des compagnies aériennes - les retards de plus de quinze minutes concernaient 12 % des vols en 1986, 23,8 % en 1989, 18,5 % en 1996 et 22,8 % en 1998.

Le rapporteur a relevé que le débat suscité par les retards tendait à se focaliser uniquement sur la responsabilité du contrôle aérien, en ce qui concerne leurs causes et les solutions qui peuvent leur être apportées.

Or l'analyse des causes des retards montre qu'ils sont imputables à des facteurs impondérables, au système de contrôle aérien, aux compagnies aériennes ou aux aéroports.

S'agissant des facteurs impondérables, les intempéries sont considérées aux Etats-Unis responsables des retards à hauteur de 75 %. En Europe, les retards de l'été 1999 ont été consécutifs à la réorganisation des routes en février 1999 et à la fermeture de l'espace aérien des Balkans à partir de mars 1999, du fait du conflit du Kosovo.

En ce qui concerne les contrôleurs aériens, ils sont accusés - aux Etats-Unis et en Europe - de n'avoir pas été en mesure de répondre à l'accroissement continu du trafic aérien généré par la déréglementation.

La Commission fait, en effet, valoir que l'espace aérien de l'Europe ne peut être géré de façon optimale du fait de sa fragmentation, qui se traduit par la multiplicité des centres de contrôle et par l'absence de standardisation des équipements. Cette fragmentation est aggravée, en France, par la prépondérance, pour des raisons historiques, de l'Armée de l'Air, dont les zones réservées sont parfois proches des routes les plus fréquentées. Cet ensemble de facteurs nuit à la fluidité du trafic aérien civil, qui ne peut emprunter des routes directes, comme c'est le cas aux Etats-Unis.

M. Bernard Derosier a précisé que les syndicats de contrôleurs faisaient toutefois observer que, depuis plusieurs années déjà, il existait une coordination technique entre les différents centres de contrôle européens, ayant permis de surmonter les obstacles liés aux frontières. En outre, le fonctionnement depuis 1996 du CFMU (Central Flow Management Unit) au sein d'Eurocontrol, organe chargé d'attribuer les créneaux horaires, a facilité une gestion commune des flux de trafic.

En ce qui concerne les relations entre contrôleurs civils et militaires, le rapporteur a observé qu'elles n'étaient plus caractérisées par le climat détestable dont il faisait état dans son rapport de 1998. De surcroît, la mise en _uvre des mesures décidées par les ministres de la Défense et de l'Equipement en 1998 a permis, par exemple, de libérer des zones occupées par les militaires et de réduire de façon sensible les retards sur certaines lignes.

Les systèmes de navigation aérienne se voient également reprocher l'insuffisance de leurs équipements. En France, le financement de la navigation aérienne par un budget annexe a cependant permis aux contrôleurs français de disposer non seulement de crédits d'investissement qui s'élèvent à plus d'un milliard de francs chaque année, mais également d'un équipement performant, le rapporteur ayant toutefois appelé l'attention sur l'éventuelle suppression de ce budget annexe dans le cadre de la réforme en cours de l'ordonnance organique relative aux lois de finances.

Quant au personnel, l'Europe manque actuellement d'un millier de contrôleurs au moins, du fait des difficultés à former un nombre suffisant de contrôleurs qualifiés, qui permettrait de s'adapter à l'évolution du trafic En France, les recrutements ont été accélérés au-delà des prévisions du protocole signé en 1997, avec quatre-vingt-dix recrutements en 1999 et cent quatre-vingts au titre de l'année 2000.

S'agissant de la responsabilité des compagnies aériennes, le rapporteur a indiqué que le nouveau cadre concurrentiel né de la déréglementation les avait conduites à adopter diverses pratiques, créant des phénomènes d'encombrement inutiles, telles que la multiplication des navettes, afin de mieux s'attacher tous les segments du marché, ou encore des hubs. Il en résulte une concentration du trafic aux meilleurs moments de la journée ou de la semaine ou sur les heures de correspondance des hubs, ce qui accentue la demande de capacité de pointe.

Quant à la question de l'insuffisance des infrastructures aéroportuaires, elle est posée dans tous les pays. Le rapporteur a indiqué, par exemple, que les insuffisances affectant les prévisions en matière d'investissement ne permettraient pas à l'aéroport de Roissy, où 50 % des passagers sont en transit, de faire face à la sous-capacité chronique dans laquelle il se trouve.

Evoquant les solutions à ces différents problèmes, le rapporteur a observé que les propositions de la Commission suscitaient des positions très partagées.

S'agissant de la création d'un organe central, qui serait le décideur unique chargé de la gestion de l'espace aérien européen, le rapporteur a souligné que, dans le projet de la Commission, ce pourrait être Eurocontrol. La convention Eurocontrol révisée en 1997 doit lui permettre de prendre des décisions contraignantes à l'égard des Etats et d'être doté d'un nouveau mécanisme décisionnel fondé sur la majorité et non plus sur l'unanimité, une clause de sauvegarde étant destinée à préserver les intérêts nationaux en matière de sécurité. En outre, des outils d'aide à la décision ont été mis en place, dont un comité permanent d'interface civil et militaire.

La convention est entrée en vigueur à titre provisoire le 1er janvier 1998 tandis que sa ratification est liée à l'adhésion de la Commission décidée par le Conseil le 1er juillet 1998, mais qui n'a toujours pu intervenir en raison du conflit entre l'Espagne et la Grande-Bretagne à propos de l'aéroport de Gibraltar. Le rapporteur a indiqué que la plupart de ses interlocuteurs avaient approuvé ce processus, ainsi que la création de l'Agence européenne de sécurité aérienne prévue par un projet de directive, sous réserve que soit précisé le rôle des personnels.

En revanche, il a relevé que la seconde proposition de la Commission, visant à instaurer un nouveau cadre réglementaire de la fourniture des services de navigation aérienne, suscitait des débats passionnés. Ce cadre reposerait sur la séparation entre l'autorité de régulation et les prestataires de services, afin de garantir la neutralité et l'indépendance de la première vis-à-vis des seconds, et d'instaurer la concurrence entre les prestataires de services.

La démarche initiale de la Commission a été assimilée par les syndicats français à une tentative d'imposer un processus de privatisation, auquel ils se sont opposés, ce secteur fonctionnant en France comme un service public

Le rapporteur a noté que le groupe à haut niveau mis en place auprès de la commissaire européenne compétente avait quelque peu infléchi, dans son rapport intérimaire, la position exprimée initialement par la Commission, en estimant que la distinction entre le régulateur et les prestataires de services devait être assurée au moins à un niveau fonctionnel et en n'évoquant plus l'idée d'une concurrence entre les centres de contrôle. En France, cette position est considérée par certains comme de nature à garantir un fonctionnement plus transparent du prestataire de services, qu'il ait un statut de droit public ou privé. En Grande-Bretagne, l'idée de séparation pourrait se traduire par la privatisation du NATS (National Air Traffic Services), comme l'a proposé un projet de loi actuellement en cours de discussion et aux termes duquel l'Etat détiendrait 49 % des actions. Ce projet se heurte à l'opposition de la Commission spécialisée chargée des transports de la Chambre des Communes qui aurait souhaité, qu'au lieu d'une privatisation, le Gouvernement retienne d'autres formules, dont celle, inspirée de Navcanada. Ce dernier ne constitue pas à proprement parler une société privée, mais plutôt une sorte de groupement d'intérêt économique, qui n'est pas autorisé à dégager des profits. Les contrôleurs aériens craignent que la privatisation du NATS ne débouche sur un organe, comparable à Railtrack, le gestionnaire privé de l'infrastructure ferroviaire, qui n'est pas parvenu à garantir la sécurité du réseau ferroviaire. Cette même crainte conduit les contrôleurs américains à s'opposer également à l'idée de séparation du régulateur et des prestataires de services, soutenus en cela par le Congrès, qui estime nécessaire de permettre à un organe unique d'assurer le contrôle et la sécurité du trafic. A l'inverse, les compagnies y sont favorables et préconisent un système analogue à celui en vigueur au Canada.

Estimant, à titre de conclusion provisoire, qu'il n'existait pas de solution miracle, le rapporteur a souligné que le groupe à haut niveau, dont le rapport final sera présenté au Conseil « Transports » des 20 et 21 décembre prochain, s'est rendu compte que la mise en _uvre du concept d'usage flexible de l'espace - destiné à permettre de régler les conflits d'usage entre circulation militaire et trafic civil - se heurtait à l'absence de compétences de la Communauté européenne en matière de défense.

Evoquant ensuite la communication sur les transports aériens et l'environnement, le rapporteur a rappelé ses objectifs principaux :

- la nécessité pour l'Union européenne de faire admettre le principe de normes environnementales plus sévères, dans la perspective de la tenue, en 2001, de la 33ème session de l'Assemblée générale de l'OACI ;

- la création d'incitations économiques et réglementaires plus efficaces ;

- la mise en place d'un cadre communautaire pour les aéroports.

L'annexe 16 à la convention de Chicago de 1944 comprend deux volumes relatifs aux normes de bruit des aéronefs, et aux émissions des moteurs d'avions.

En ce qui concerne les normes de bruit, la dernière révision importante dont elles ont fait l'objet remonte à 1977, en vue d'introduire celles qui régissent les avions actuels.

La Commission estime que le programme de travail actuel du CAEP (Comité sur la protection de l'environnement et l'aviation) - tel qu'il a été approuvé lors de la 32ème session de l'OACI - peut déboucher, conformément aux exigences de la Communauté, d'une part, sur la fixation d'une norme plus rigoureuse applicable aux futurs avions et, d'autre part, sur l'établissement de règles transitoires pour faciliter le retrait progressif des avions les plus bruyants.

Se référant à certaines observations du Président du Conseil de l'OACI, le rapporteur a indiqué que les mesures souhaitées par la Commission risqueraient de porter préjudice aux compagnies aériennes - en particulier celles de l'Afrique - qui sont dépourvues de moyens pour moderniser leur flotte. En outre, elles sont sources de conflits entre l'Europe et les Etats-Unis, en ce qui concerne le niveau de réduction du bruit qui sera retenu et la demande européenne du retrait progressif des avions les plus bruyants. Les compagnies américaines risquent d'y être réticentes, car l'âge moyen de leur flotte est de 13 ans contre 8 pour l'Europe. En second lieu, l'Union européenne s'est dotée, en 1999, d'un règlement, applicable depuis le 4 mai 2000, qui a pour effet d'interdire l'accès de l'Union aux avions les plus anciens dotés d'un réducteur de bruit. Les Etats-Unis font valoir que ce règlement est discriminatoire et illégal car il crée une nouvelle norme de bruit. C'est pourquoi ils ont saisi l'OACI d'une plainte contre la législation communautaire, sur laquelle l'OACI devrait se prononcer, à la suite de l'échec des tentatives de dialogue bilatéral et du rejet de la motion d'irrecevabilité des Européens. Le rapporteur a noté que, dans ce dossier, les Européens avaient une attitude unitaire et a rappelé que le Parlement européen, avait approuvé, au mois de septembre, la proposition qui consisterait, pour l'Union, à arrêter un programme d'actions unilatérales au cas où l'OACI ne parviendrait pas à un accord en 2001.

S'agissant des émissions de gaz à effet de serre, le rapporteur a rappelé que l'article 2-2 du Protocole de Kyoto avait chargé l'OACI de prendre les mesures destinées à réduire ces émissions, auxquelles le transport aérien contribue pour 3,5 %. S'interrogeant sur l'issue réelle des travaux du CAEP en la matière, le rapporteur a souligné que le Département d'Etat lui avait affirmé que les Etats-Unis y apportaient leur soutien, alors que ces derniers n'ont toujours pas ratifié le Protocole de Kyoto. On peut également se demander si l'échec de la conférence de La Haye sur l'application du protocole de Kyoto n'hypothéquera pas les travaux du CAEP.

Evoquant les incitations économiques et réglementaires préconisées par la Commission, le rapporteur a fait état des problèmes soulevés par la taxation du kérosène. La Commission - comme le Parlement européen, a-t-il observé - est consciente de ce que la mise en _uvre de cette mesure, qu'elle avait suggérée en 1996 pour les routes au départ de l'Union, exigerait un consensus à l'OACI et la révision de plusieurs accords bilatéraux.

Les compagnies aériennes y sont opposées, ainsi qu'au principe de redevances environnementales. Elles estiment que, faute d'énergie de substitution envisageable, le kérosène risque pour longtemps encore d'être l'unique combustible pouvant être utilisé par les avions. Les compagnies américaines émettent la crainte que la taxe ou les redevances préconisées par la Commission ne soient pas réellement affectées à l'amélioration des infrastructures aéroportuaires. Certains interlocuteurs du rapporteur ont estimé que le recours à des instruments fiscaux devrait s'inscrire dans la perspective plus large de l'internalisation des coûts des différents modes de transport et que l'affectation des redevances environnementales à un fonds de compensation contre les nuisances permettrait de répondre à cet objectif d'internalisation.

Abordant la mise en place d'un cadre communautaire pour les aéroports, le rapporteur a indiqué que ce volet concernait le classement commun des nuisances sonores, les règles à appliquer sur le plan de l'exploitation, comme par exemple les vols de nuit et l'introduction de règles plus sévères sur le bruit dans les aéroports et la promotion de l'intermodalité.

Le rapporteur a estimé que, la démarche préconisée par la Commission, tout en pouvant justifier des actions au plan communautaire, ne dispensait pas les Etats membres de prendre les mesures permettant de parvenir au mieux-disant environnemental et de compléter le cadre communautaire, qui, dans le domaine de la lutte contre les émissions sonores, peut apparaître timide.

Pour ce qui est de l'intermodalité entre le rail et l'avion, un très grand nombre d'interlocuteurs du rapporteur ont souligné la nécessité de la promouvoir pour des motifs touchant à la protection de l'environnement et aux exigences d'un aménagement équilibré du territoire. Certains d'entre eux ont toutefois regretté que l'action de la SNCF et d'Air France ne soit pas toujours coordonnée, lacune à laquelle il faudra porter remède dans le cadre du projet de construction du troisième aéroport.

En conclusion, le rapporteur a insisté sur les inconvénients importants en termes de congestion du trafic et de nuisances sonores, dus à la libéralisation du transport aérien dont on peut se demander si leur coût ne dépasse pas les avantages. Il a considéré qu'une politique des transports efficace nécessitait une approche globale, et devait reposer sur l'intermodalité.

M. Pierre Brana a estimé que l'opinion publique devenait de plus en plus sensible aux problèmes posés par l'évolution du trafic aérien, qu'il s'agisse de bruit ou de sécurité, et a considéré que les pouvoirs publics ne prêtaient pas assez d'attention à cette évolution. Il a souligné que les trains à grande vitesse étaient plus aptes à répondre aux besoins pour couvrir les distances de 500 à 600 kms que les avions, sachant que les gares offraient en outre l'avantage d'être situées dans les centres des villes, alors que les aéroports non seulement en étaient éloignés mais étaient appelés à l'être de plus en plus.

Jugeant l'installation de certains aéroports provinciaux trop proche des agglomérations, il a fait valoir qu'il convenait désormais de réfléchir à leur délocalisation, en prévoyant leur desserte par un réseau de transports en commun, comme cela était actuellement envisagé dans l'agglomération bordelaise.

Tout en partageant l'opinion exprimée par M. Pierre Brana, M. Didier Boulaud a relevé un paradoxe dans l'attitude des élus des communes riveraines des aéroports, qui tout en se déclarant hostiles à leur extension dans les manifestations auxquelles ils participent, n'hésitent pas par ailleurs, à proximité de ces mêmes aéroports, à délivrer des permis de construire et à autoriser l'aménagement de zones d'activités, générateurs de recettes fiscales. Il a estimé qu'il convenait de prendre des mesures drastiques pour interdire les installations au sol dans le voisinage des aéroports, notamment lors de la construction du troisième aéroport de la région parisienne. Jugeant indispensable d'aménager des aéroports à une certaine distance des agglomérations tout en favorisant leur desserte par le T.G.V., il a observé que si l'on ne s'engageait pas à développer les aéroports existants, leur part de marché risquerait d'être prise par la concurrence des aéroports étrangers.

M. Gérard Fuchs a rejoint M. Didier Boulaud pour relever qu'à la suite de l'accident du Concorde, aucun organe de presse n'avait souligné le caractère récent des constructions réalisées à proximité de l'aéroport.

Il a fait remarquer que la question de l'évolution du trafic aérien mettait en réalité aux prises les compagnies européennes, américaines et asiatiques avec en arrière-plan la question du développement de l'industrie aéronautique. Il a regretté l'absence de politique européenne en ce domaine, observant que, plutôt que de favoriser des alliances européennes, certains pays européens avaient choisi des alliances avec des compagnies américaines. Plaidant pour un renforcement du rôle d'Eurocontrol, il s'est montré partisan d'un organe de régulation recouvrant l'Union européenne élargie, qui soit susceptible de discuter avec ses concurrents américains et asiatiques. Il a souligné par ailleurs que le transport aérien devait être également appréhendé en termes d'aménagement du territoire, de services pour les régions et les usagers et de complémentarité avec d'autres moyens de transport. Considérant que le respect de certains principes, comme celui de l'intérêt général, devait être pris en considération, il a jugé que l'Europe devait fournir des réponses positives aux problèmes posés et que l'exemple américain de la mise aux enchères des heures de pointe du trafic aérien apportait la preuve que le marché ne pouvait à lui seul prétendre constituer une bonne réponse à ces problèmes.

Tout en souscrivant à certaines observations précédentes, Mme Nicole Ameline a fait valoir que l'on ne pouvait occulter les aspects très positifs de la démocratisation du transport aérien induite par sa libéralisation. Elle a constaté également toutefois combien l'opinion publique était devenue très vigilante sur les questions d'environnement et s'est déclarée partisane de développer la formule des hubs et la coordination entre plates-formes aéroportuaires, pour éviter des pertes de temps et des nuisances. Rappelant que M. Jacques Delors s'était prononcé en faveur d'une politique de grands travaux à l'échelle européenne, elle a estimé que l'aménagement, dans ce cadre, d'un réseau ferré à grande vitesse présenterait à la fois des avantages en termes économiques et d'environnement mais pouvait également être très utile politiquement dans la perspective de l'élargissement.

Constatant que le développement du trafic aérien ne constituait pas une nouveauté, M. Jacques Myard a considéré que si Eurocontrol fonctionnait de manière satisfaisante, l'Europe constituait un cadre trop petit pour appréhender ces problèmes, qui relevaient de la compétence de l'OACI, celle-ci ayant élaboré un corpus de normes techniques très complet dans ces domaines. Tout en s'accordant à reconnaître que le développement du train à grande vitesse constituait la formule d'avenir pour les transports sur les distances allant jusqu'à 1 000 kms, il a attiré l'attention sur la difficulté de déterminer des tracés dans des régions à forte densité urbaine.

Il a estimé que s'il convenait aujourd'hui de mettre un frein à la déréglementation excessive du trafic voulue par la Commission, on pouvait se demander si à terme, l'accroissement continu du trafic n'obligerait pas à reconnaître à chaque individu un droit de tirage limité sur des voyages aériens.

M. François Guillaume a souligné que l'implantation des gares dans les aéroports était la réponse à l'éloignement des aéroports par rapport aux villes et à leur mauvaise desserte actuelle, mais que cette intermodalité rail-avion se heurtait à des rentes de situation et à l'opposition des taxis. Par ailleurs, l'abandon des bases de l'OTAN dont les militaires n'ont pas accepté la transformation en aéroports civils, constitue un énorme gaspillage de territoire. Enfin, l'opposition des élus au développement des aéroports existants a abouti en Lorraine à créer un aéroport régional peu fréquenté, puis à faire appel à la société DHL qui pratique le vol de nuit, pour finalement imposer aux populations rurales des nuisances permanentes afin de rentabiliser un aéroport dont l'utilité n'était pas évidente. Il faut, selon M. François Guillaume, engager une réflexion de fond sur ce sujet, à partir d'une volonté politique globale qui fait encore défaut.

Le Président Alain Barrau après avoir constaté les limites du libéralisme absolu en matière de dérégulation, de contrôle aérien et d'aménagement du territoire, a souligné que les contrôleurs aériens craignent que les propositions de la Commission ne permettent pas de garantir toute la sécurité nécessaire, s'inquiètent de la coordination entre les services militaires et le contrôle civil et souhaitent l'instauration d'un corps sous statut. Il s'est également interrogé sur les évolutions technologiques de nature à diminuer les nuisances autour des aéroports, et spécialement sur la réduction du bruit des moteurs d'avions.

M. Bernard Derosier a indiqué que, s'agissant de l'intermodalité, la Commission devrait reprendre dans ses conclusions définitives la position du Parlement européen de ne développer le transport aérien que lorsque le recours à d'autres modes de transport n'est pas possible, en particulier le transport ferroviaire qui doit être fortement encouragé. Les grands travaux proposés par Jacques Delors pourraient être une solution, mais la Délégation qui avait adopté des conclusions en ce sens devra insister, car l'Europe est réticente à engager des dépenses pour développer les infrastructures publiques.

L'organisation de la relation gare-avion soulève également des questions d'intendance à régler entre la SNCF et les compagnies aériennes, par exemple sur la prise en charge du transport des bagages entre le train et l'avion.

La dérégulation, conséquence de décisions européennes qu'il faut appliquer sans y être nécessairement favorable, a entraîné une démocratisation du transport aérien - il existe d'ailleurs aujourd'hui un véritable droit au voyage - mais elle doit s'exercer dans un espace immuable et avec des règles de sécurité identiques. Tous les interlocuteurs se sont prononcés pour le respect strict des règles de sécurité et il est probable que la Commission reconsidérera sa première approche qui pouvait tendre à privatiser le contrôle aérien.

S'agissant des difficultés autour des aéroports, il faut que les autorités publiques ne vendent plus de lotissements en vantant les avantages de la proximité aux milliers de salariés qui y travaillent, mais rachètent les maisons pour faire le vide, ce que ne permettent pas les règles actuelles d'urbanisme.

La Commission européenne a un statut d'observateur à l'OACI, alors qu'elle devrait en être membre à part entière pour y renforcer son influence.

Les règles contraignantes de l'OACI sont une incitation à la recherche pour les constructeurs de moteurs. Le programme « Silence R », encouragé par l'Europe, va démarrer en avril 2001, mais il faut au moins dix ans pour que ce type de recherche puisse avoir des résultats concrets.