DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 138

Réunion du jeudi 1er février à 9 heures 15

Présidence de M. Gérard Fuchs, Vice-président,
puis de M. Pierre Brana

Audition de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, sur le service public en France et dans l'Union européenne

M. Gérard Fuchs, observant que le thème du service public était au c_ur des préoccupations des Français et de la Délégation, a souligné la longue tradition du service public en France. Il a jugé nécessaire, dans le cadre du débat suscité notamment par la mise en _uvre des directives sur la libéralisation du gaz ou l'évolution du régime de la poste, d'envisager non plus seulement une démarche sectorielle, mais l'élaboration d'une directive-cadre qui permette de donner une traduction concrète à l'article 16 du traité d'Amsterdam relatif aux services d'intérêt général et de fixer les règles du jeu quant à leur fonctionnement et leur mode de financement.

M. Christian Pierret s'est félicité d'avoir l'occasion de débattre du service public en indiquant que les rapports de MM. Gérard Fuchs sur la communication de la Commission concernant les services d'intérêt général et de Didier Boulaud sur la directive relative à la poursuite de la libéralisation des services postaux sont au c_ur des problématiques qui animent l'action du Gouvernement.

Tout en soulignant que ce dernier et les citoyens français et européens étaient attachés à la préservation du service public mais aussi à son développement, il a considéré que la présidence française de l'Union européenne était parvenue à faire progresser cette notion en Europe et à amener nos partenaires à prendre en compte le rôle positif qu'il peut jouer dans le contexte de la mondialisation.

Evoquant les principes qui fondent l'action du Gouvernement, il a déclaré que ce dernier s'attachait à renforcer les missions d'intérêt économique général au travers de l'enrichissement du service universel. L'Union européenne ne doit pas, selon lui, être considérée comme un facteur de remise en cause du service public, mais comme un moyen de faire partager au niveau communautaire la conception française de services d'intérêt général mis à disposition de tous. Certes, il existe des forces libérales en Europe qui s'accommoderaient fort bien de services publics moins ambitieux, des pays où le service public n'est pas synonyme d'efficacité au bénéfice de tous et il existe aussi la tentation de la Commission européenne de faire prévaloir l'impératif de la concurrence.

Mais, dès le traité de Rome, le service public est inscrit au c_ur des missions de l'Union européenne, dont il constitue une valeur fondatrice. Or, la responsabilité de la France, dans un monde qui évolue, est d'encourager l'adaptation du service public au bénéfice des consommateurs et des citoyens tout en évitant l'immobilisme ou, à l'inverse, des réformes radicales qui remettraient en cause son esprit même. C'est à ce prix que la France sera en mesure de rassembler ses partenaires autour d'une ambition collective, celle d'un service public moderne, solidaire et démocratique.

Puis, le ministre a abordé le bilan de la présidence française de l'Union, en matière de télécommunications, d'énergie et de services postaux.

Soulignant la diversité de ces domaines, il a indiqué en préambule que dans le cas des télécommunications, les technologies disponibles et l'existence de nombreux acteurs compétitifs permettaient à l'ensemble des citoyens, grâce aux ressources du marché, de bénéficier de services de qualité et à bas prix. Dans le secteur de l'énergie, la nécessité d'assurer la sécurité de notre approvisionnement et de participer activement à la politique de lutte contre la pollution exige des politiques volontaristes qui permettent d'orienter les acteurs vers de nouvelles formes d'énergie. Enfin en matière de services postaux, la desserte de l'ensemble du territoire par des services de qualité, alors que toutes les zones sont loin d'être rentables, impose une organisation du marché qui fasse clairement et durablement appel à un monopole. La volonté centrale dans l'ensemble de ces secteurs demeure d'assurer pour tous le meilleur service collectif.

En matière de télécommunications, l'Union européenne est confrontée à un triple défi pour lequel la présidence française a permis de marquer des avancées décisives. Il s'agit, tout d'abord, de créer les conditions d'un développement harmonisé de l'internet à haut débit en Europe. Le règlement sur le dégroupage de la boucle locale parachève ainsi au niveau communautaire la libéralisation des télécommunications au profit de l'ensemble des consommateurs européens, particuliers et entreprises. Le Gouvernement a fait le choix de l'introduction du dégroupage de la boucle locale de France Télécom dès la fin 1999. L'adoption de ce règlement permettra aux opérateurs français, notamment France Télécom, d'accéder également à la boucle locale des opérateurs historiques de nos partenaires européens.

Il s'agit, en second lieu, d'assurer à l'Europe et à la France un rôle majeur dans le développement d'internet. Ainsi, a été adoptée une résolution sur la gouvernance d'internet qui réaffirme la volonté de l'Union européenne d'aboutir à une meilleure prise en compte des enjeux des politiques publiques dans la gestion d'internet, en particulier pour les noms de domaine grâce à un contrôle approprié par les Etats de l'ICANN (l'organisation internationale gestionnaire des noms de domaine). Dans le même temps, la présidence française a tenu les engagements pris dans le cadre du plan d'action e-Europe pour le développement de la société de l'information en Europe et notamment des contenus européens sur internet.

Enfin, la présidence française a contribué à l'avancement des nouvelles directives proposées en juillet dernier par la Commission. Le compromis obtenu sur la directive-cadre relative aux communications électroniques n'a pu être formalisé mais devrait vraisemblablement conduire, avant la fin du premier semestre de 2001, à une position commune. A ce titre, les premières discussions sur le service universel des télécommunications viennent de commencer. La France plaide auprès de ses partenaires européens pour qu'il soit enrichi par la téléphonie mobile et par les services à haut débit. Ce sera l'un des grands enjeux de la révision du cadre réglementaire européen.

En matière d'énergie, la transposition de la directive sur l'électricité dans la loi du 10 février 2000, et celle de la directive sur le gaz dans le projet de loi adopté par le Conseil des ministres du 17 mai 2000, ont permis ou permettront d'offrir un plus large choix d'approvisionnement aux entreprises et, dans le même temps, de renforcer le service public au bénéfice des particuliers, - grâce, par exemple, à la consécration d'un nouveau droit à l'électricité pour tous et à l'accélération de la desserte gazière du territoire. La commissaire européenne en charge du secteur, Mme de Palacio, a fait état de sa volonté de poursuivre le processus engagé dans les directives sur le gaz et l'électricité. Le ministre a précisé qu'il examinerait d'éventuelles propositions avec pour objectif essentiel de continuer à garantir à tous un droit à l'énergie la moins chère possible.

La présidence française a également contribué à la conclusion d'un accord politique sur les énergies renouvelables. Cette directive définit pour la France un objectif ambitieux conduisant à passer de 15 % à 21 % la part d'électricité produite à partir de telles énergies. Si le développement de l'énergie nucléaire a permis à la France de se situer à la meilleure place pour la lutte contre l'effet de serre et d'augmenter considérablement son taux d'indépendance énergétique, la transparence du secteur nucléaire et le développement des énergies renouvelables font également partie des objectifs de service public que les citoyens attendent du Gouvernement et des entreprises concernées.

En matière de services postaux, le ministre a observé qu'ils assuraient leurs missions de service public grâce à leur présence territoriale et à l'accès de tous, en particulier des plus démunis, aux communications ou aux services financiers. C'est pourquoi dans le cadre de la présidence française, il s'est opposé à la proposition de nouvelle directive de la Commission européenne qui ne permettait pas d'assurer durablement un service public de qualité, tout en rappelant que, malgré la large majorité d'Etats membres ayant soutenu la démarche de la France, l'opposition du commissaire européen Fritz Bolkenstein en charge du secteur n'avait pas permis d'aboutir à une position commune lors du Conseil du 22 décembre 2000.

En l'absence d'accord au sein du Conseil, la directive actuelle continue à produire ses effets : elle définit un service universel postal, qui impose par exemple une desserte au moins cinq jours sur sept de l'ensemble des territoires européens. Elle a permis de réserver à l'opérateur postal en France le monopole de l'ensemble des envois d'un poids inférieur à 350 g et à 15 F, et d'assurer, conformément aux engagements négociés dans le cadre du contrat d'objectif et de progrès avec la Poste, un service public postal qui corresponde à nos exigences.

Revenant sur la méthode qui a été adoptée par la présidence française, le ministre a souligné que, au-delà des différences entre les secteurs concernés, c'est une vision commune et cohérente du service public qui a prévalu, marquée par des exigences et des devoirs que la France doit continuer à faire partager à nos partenaires.

Au titre des exigences, il a évoqué la qualité de service, la baisse des tarifs et la mise à disposition des dernières technologies. S'agissant de la qualité du service public, le ministre a cité à titre d'exemples les efforts faits pour le courrier, qui permettront cette année à 84 % des plis de parvenir à leur destinataire le lendemain de leur envoi ou encore le diagnostic qualité sécurité dans le secteur du gaz. La baisse des tarifs qui est un des résultats essentiels de la politique conduite en matière de télécommunications doit être poursuivie. Il en est de même de l'accès aux dernières technologies, car les services publics doivent être évolutifs et adaptables, la Poste ayant par exemple mis à disposition 1000 bornes d'accès à internet dans des bureaux, souvent situés dans les zones rurales. Ces trois exigences sont au c_ur de la modernisation indispensable de nos services publics et, partant, du renforcement de leurs missions.

Ces exigences s'accompagnent également de devoirs de solidarité : continuité du service pour laquelle l'action de nos entreprises lors de la tempête de l'hiver 1999 a été exemplaire ; solidarité envers les plus démunis, au travers de l'abonnement social téléphonique, tout comme le droit pour tous à l'électricité inscrit dans la loi du 10 février 2000 ; égalité des territoires dont l'illustration majeure est la péréquation tarifaire.

Le ministre s'est déclaré convaincu que c'est sur le socle de ces valeurs que la France pourra continuer à rassembler ses partenaires et à construire des services universels européens constamment enrichis. C'est pourquoi il s'est félicité du résultat obtenu lors du Conseil européen de Nice, qui a adopté la déclaration sur les services d'intérêt économique général et l'article 36 de la charte des droits fondamentaux. Reconnaissant l'apport des services publics en Europe et nous invitant à développer au bénéfice des consommateurs les services d'intérêt économique général, ces textes montrent la capacité de la France à faire avancer l'Europe sur ces dossiers.

Le ministre a souligné que c'est en associant étroitement le Parlement européen et le Parlement français à ces dossiers que la présidence française a obtenu de bons résultats. Ainsi, la résolution adoptée le 15 décembre 2000 sur la directive concernant la poste a-t-elle fourni un appui décisif à la présidence française et représenté pour la France une confirmation de ses orientations politiques, en faveur notamment d'une large définition des services réservés. De même, en ce qui concerne le dégroupage, la collaboration avec le Parlement européen a permis à la présidence française de faire aboutir en quatre mois ce dossier complexe.

Le ministre a jugé également essentielle l'association du Parlement français au processus de décision communautaire en amont, pour assurer la réussite des négociations communautaires et a tenu à saluer le rapport de Didier Boulaud ainsi que le travail de François Brottes sur la directive postale, élaboré en un temps très limité, pour correspondre au calendrier européen.

En conclusion, il a déclaré que c'est l'association des parlements nationaux, du Parlement européen et du Conseil qui sont le gage d'un débat non pas technocratique, mais essentiellement démocratique. Le service public en France et en Europe et son développement sont un enjeu démocratique pour les Français et les Européens.

M. Gérard Fuchs a indiqué que les services publics constituaient un important enjeu de société. Il a rappelé qu'entre la conception selon laquelle les pouvoirs publics doivent veiller à ce que ces services soient accessibles à tous et celle tendant à s'en remettre au marché pour régler tous les problèmes qu'ils soulèvent, la France a choisi la première et a clairement rejeté l'option ultra-libérale. Il a estimé que cette première approche devait être défendue avec force dans la mesure où elle contribuait aussi à définir le modèle européen.

Observant que la France avait réussi à convaincre beaucoup de ses partenaires européens d'adhérer à la notion d'obligation de service public, il a précisé qu'il convenait de distinguer cette dernière de la notion d'entreprise publique ou de monopole public. Si ces trois concepts ont pu se confondre par le passé, les transformations économiques et technologiques justifient, selon les cas, qu'on les différencie : les télécommunications ne peuvent être organisées à l'ère d'internet de la même manière qu'à l'époque du fil de cuivre. L'essentiel en la matière est de garantir le respect de l'obligation de service public.

Il s'est réjoui que M. Christian Pierret ait insisté sur la nécessité de faire évoluer le service public pour tenir compte notamment de l'apparition des nouvelles technologies. L'évocation par certains d'une « fracture numérique » ou le développement d'internet, par exemple, justifient pleinement cette démarche. La bataille que l'on doit conduire dans ce domaine ne doit pas être défensive, mais plutôt une bataille de société : elle doit permettre à tous, quel que soit la localisation géographique ou le niveau de revenu, d'accéder à ces nouvelles technologies.

Enfin, s'agissant du financement de ces services et de l'évocation d'un service « réservé » pour la poste, il a estimé que ceux-ci ne devaient pas correspondre à l'organisation de tout ce qui n'est pas rentable. Sinon, le service public ne serait pas un progrès mais une charge. Ce risque est très net s'agissant de la poste, par exemple, où la réduction de certains seuils d'intervention pour le service public pourrait conduire à lui faire prendre en charge tous les réseaux non rentables ou déficitaires. Or, dans un contexte où la Commission européenne est amenée bien souvent à refuser des subventions sur le fondement d'une approche libérale, l'idée de subventions croisées entre les services rentables et ceux qui ne le sont pas est loin d'être acquise. Il a estimé que cette question devrait être réglée par une directive-cadre.

M. Pierre Brana a demandé au ministre quel était le calendrier prévisible d'adoption de la proposition de directive concernant la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux : peut-on s'attendre à un accord sous présidence suédoise ou la date de 2002, évoquée ici et là, est-elle plus probable ? Il a également souhaité savoir quels décrets avaient été publiés en application de la loi du 10 février 2000 transposant la directive « électricité », et ceux qui devaient encore l'être et qui soulèvent des difficultés, notamment aux yeux de certains syndicats et partenaires européens.

Il a, en outre, rappelé que le contrat du groupe EDF pour 2000-2003 qui sera examiné le 1er mars prochain par le conseil d'administration de cette entreprise prévoit une forte stratégie de développement externe, notamment en direction des pays européens et de l'Amérique latine. Il a demandé au ministre si cette orientation ne se ferait pas aux dépens des investissements consacrés à la modernisation du réseau électrique français, alors que les dommages provoqués par la tempête de décembre 1999 ne sont pas encore entièrement réparés. Il s'est enfin enquis de la portée des mesures de transposition de la directive sur le gaz qui devraient être discutées au printemps prochain.

Mme Monique Collange a déploré la fermeture de bureaux de poste en milieu rural et le retard apporté à la distribution du courrier, sous prétexte de concurrence européenne et de modernisation, alors qu'il importe d'y développer une plus grande présence postale.

M. François Brottes a souhaité que le service public de la poste évolue dans le dialogue et le partenariat. Il a regretté l'attitude arrogante du commissaire européen en charge du secteur postal, qui a rejeté, de manière outrancière, et par ultra-libéralisme les positions adoptées tant par le Parlement européen que par l'Assemblée nationale - à la suite des travaux de la délégation pour l'Union européenne et de la commission de la Production et des Echanges. Il a critiqué une telle attitude qui a entraîné un report des échéances, ainsi que la position adoptée par certains Etats qui n'ont pas été en symbiose avec leurs représentants au Parlement européen. Il a ensuite demandé des précisions sur le calendrier de transposition, en France, de la directive postale de 1997, et sur ce qui se passerait après 2004, si une directive nouvelle n'était pas adoptée : assistera-t-on à une reprise en main de ce dossier par les Etats, ou au contraire à une prise de pouvoir de la Commission qui pourrait être tentée d'imposer aux Etats une directive qu'elle aurait elle-même adoptée?

M. François Brottes a estimé qu'il importait, dans tous les secteurs, de faire évoluer les « règles du jeu » du service universel, en tenant compte de l'évolution des technologies. Il a souligné l'importance des modalités de financement du service universel et du choix nécessaire entre solidarité et charité. La péréquation des tarifs est à cet égard préférable à la mise en place de fonds de compensation qui risquent de se trouver rapidement réduits à la portion congrue, ce qui posera le problème des contributions demandées aux collectivités locales. C'est pourquoi il importe de faire preuve de vigilance, en espérant que la présidence française aura réussi à « contaminer » les présidences suivantes.

M. André Lajoinie, Président de la commission de la production et des échanges, a souligné la nécessité d'être exigeant lorsqu'on définit les principes régissant le service public. Cela concerne notamment les communications à haut débit dont l'organisation et le financement doit permettre l'égalité des territoires, ce qui pose la question de la péréquation et des apports attendus des collectivités locales dont toutes n'ont pas des moyens importants ; il a évoqué à cet égard l'attitude de France Télécom, en soulignant qu'il convenait d'éviter toute violation des principes du service public.

Abordant le secteur énergétique, M. André Lajoinie a estimé que le service public devait avoir pour objectif la production d'une énergie non polluante, à prix abordable. La France doit continuer à être bien placée dans ce domaine, que l'on considère sa contribution à la réduction de l'effet de serre, ou sa participation au projet de réacteur nucléaire du futur. Dans un contexte où les Etats Unis eux-mêmes avancent, y compris en matière nucléaire, il importe de progresser. L'alliance entre Framatome et Siemens doit porter ses fruits, tandis qu'il faut rechercher un approvisionnement diversifié où le nucléaire évolue vers davantage de sécurité et fasse plus d'efforts en matière de résorption des déchets.

M. André Lajoinie a enfin considéré qu'il était impossible de rester dans la situation actuelle en ce qui concerne la poste, et qu'il fallait se battre contre les orientations de la Commission. Le réseau postal rural, mais aussi celui de certaines zones urbaines ou de certains quartiers en difficulté, doit être défendu, et il convient d'éviter tant la fermeture et la concentration des bureaux que le retard dans la distribution du courrier.

M. Pierre Hériaud a demandé des précisions sur le réseau gazier, le taux d'équipement du territoire pour cette source d'énergie, et sur la méthode de calcul de la rentabilité dans ce secteur où il importe de tenir compte de l'amortissement des investissements sur une durée compatible avec leur espérance de vie.

M. Christian Pierret a apporté aux intervenants les éléments de réponses suivants :

- Le Gouvernement présentera dans quelques semaines un projet de loi portant diverses mesures d'ordre financier, dont les derniers articles visent à compléter la transposition de la directive postale de 1997. Cette directive continuera à s'appliquer tant que de nouvelles propositions n'auront pas été adoptées et la Commission sera donc amenée dans les prochaines années à présenter de nouvelles propositions. Compte-tenu des opinions exprimées au Parlement européen et par la plupart des gouvernements des Etats membres, ces propositions devraient être davantage acceptables car compatibles avec une ouverture du marché postal maîtrisée et progressive. L'ouverture maîtrisée du marché signifie qu'il faut conserver aux services réservés un champ suffisamment large pour sauvegarder les moyens financiers des opérateurs. La progressivité de la démarche d'ouverture s'oppose à la libéralisation totale du marché postal, qui est prônée par quelques Etats membres mais qui n'apparaît ni indispensable ni inéluctable ;

- Les exemples suédois et allemand montrent l'effet dévastateur d'une libéralisation totale. Ainsi, l'ouverture du marché postal suédois à 58 opérateurs différents a conduit à la suppression de 15 000 emplois à la Poste royale suédoise, alors que seuls 1 500 emplois ont été créés par les nouveaux opérateurs, à une augmentation de 72 % du prix du timbre depuis 1990 et à la diminution de moitié du nombre de bureaux. De même en Allemagne, compte tenu néanmoins des conséquences de la réunification, on constate que près de 40 000 emplois ont été supprimés ces dernières années ;

- Sur les 17 000 agences ou points de contacts de la Poste en France, près de 5 000 ont une activité inférieure à quatre heures par jour. Cette présence structurante du territoire a un coût estimé à 4,5 milliards de francs par an. C'est pourquoi la Poste, qui dispose d'un statut d'EPIC, doit trouver les moyens financiers de son implantation territoriale en milieu rural. Le fait que la France ait fait le choix de la solidarité entre les usagers, donc celui de la transparence des choix financiers de la péréquation tarifaire et d'un service réservé large, expliquent le refus du fonds de compensation territoriale, proposé par la Commission, qui ne serait pas un moyen efficace de préserver la présence postale territoriale ;

- La plupart des décalages horaires constatés dans la distribution du courrier sont liés à la période de réorganisation des services et à l'application à près de 300 000 postiers de la réduction du temps de travail à 35 heures. Elle est maintenant derrière nous. La Poste devra trouver des solutions pour remédier à ces dysfonctionnements. La convention sur la présence accrue de la Poste dans les quartiers d'habitat social permettra d'éviter les perturbations dans la distribution du courrier dans les zones urbanisées sensibles ;

- Quatorze décrets ont déjà été pris pour l'application de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité. Une dizaine d'autres sont à l'étude auprès du Conseil supérieur de l'électricité et du gaz (CSEG). Il n'existe plus de contentieux sur la transposition de la directive européenne sur l'électricité et la France apparaît même comme un pays dont le marché est beaucoup plus ouvert que ses détracteurs ne le disent. Ainsi, 60 entreprises françaises, considérées comme des clients éligibles, ont choisi des fournisseurs d'énergie à l'étranger ;

Les investissements globaux d'EDF, qui étaient de 5,6 milliards d'euros entre 1997 et 2000, doivent s'élever à 19 milliards d'euros pour la période 2001-2003. Les seuls investissements de transport et de distribution devraient passer à 9,2 milliards d'euros. Parallèlement, l'endettement de l'entreprise publique se réduit, permettant de dégager un taux de rentabilité globale avant impôt de 10 % en 2003, selon les prévisions, contre 4,6 % en 2000. Ces chiffres montrent que le service public fonctionne de manière satisfaisante, ce même constat ne pouvant être dressé dans tous les Etats membres de l'Union européenne.

- S'agissant du gaz, le Parlement devrait être saisi prochainement de la transposition de la directive après concertation des élus et des milieux socio-professionnels, et dans le respect du statut des industries gazières. Il faut admettre que la taille de GDF constitue un handicap à l'échelle mondiale. Les bénéfices sur investissements prennent en compte les amortissements qui, de par leur nature, couvrent une longue période. Si la desserte gazière se développe, des investissements supplémentaires risqueraient de fragiliser l'équilibre économique et financier de l'entreprise et, par là même, seraient susceptibles de condamner le service public. Aujourd'hui, 7 000 communes sont desservies et 43 millions de consommateurs sont concernés. Dans les trois prochaines années, 1 600 nouvelles communes devraient bénéficier d'investissements dont le coût est évalué à 20 milliards de francs.

- Les règles et le contenu du service universel doivent évoluer. Il est évident, par exemple, que celui-ci ne doit pas être cantonné à la téléphonie fixe, qui est vouée à terme à n'être plus que résiduelle. Cette nécessaire dynamique fait aussi que l'internet est appelé à être intégré à l'école et à l'université.

L'internet haut-débit doit être diffusé sur l'ensemble du territoire et auprès de tous les consommateurs et des très petites entreprises. Aujourd'hui, 89 % du territoire est couvert. La couverture restante doit être assurée par les trois opérateurs et représente des investissements de 3 milliards de francs. Les pouvoirs publics encouragent ces trois partenaires à trouver un accord pour réduire les coûts financiers et les coûts de l'achèvement de cette desserte, dans la mesure où il apparaît inutile et en outre dommageable pour l'environnement de multiplier par trois, par exemple, des pylônes dont le coût unitaire est estimé entre 1 et 1,5 million de francs.

- Il est frappant de constater le retour en grâce du nucléaire. C'est ainsi que les Chinois ont prévu de créer six centrales nucléaires et que les Etats-Unis reviennent à cette source d'énergie. L'étape du réacteur EPR est très importante car celui-ci présente beaucoup d'atouts. Il est en effet plus rentable que les réacteurs existants, il produit moins de déchets et il offre davantage de garanties en termes de sécurité. En outre, cette réalisation conjointe Framatome-Siemens est exemplaire à la fois de la coopération franco-allemande et de l'excellence des technologies utilisées.

M. Pierre Brana a remercié le ministre, en soulignant que son audition avait permis d'examiner de manière approfondie des problèmes qui sont au c_ur des préoccupations de la Délégation.