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Document E1038
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de règlement (CE) du Conseil portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits de la pêche.


E1038 déposé le 13 mars 1998 distribué le 25 mars 1998 (11ème législature)
   (Référence communautaire : COM(1998) 0089 final du 4 mars 1998, transmis au Conseil de l'Union européenne le 4 mars 1998)

  • Travaux en Délégation

    Ce document a été examiné

  • Adoption par les instances communautaires

    Ce document a été adopté définitivement par les instances de l'Union européenne :

    Règlement (CE) nº 730/98 du Conseil du 30 mars 1998 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits de la pêche.
    (JO L 102 du 2 avril 1998) (Notification d'adoption publiée au JOLD du 04/04/1998 p.5305)

Base juridique :

Article 28 du Traité C.E.

Procédure :

Majorité qualifiée au Conseil de l'Union européenne.

Motivation et objet :

Cette proposition de règlement prévoit, pour 1998, l’ouverture de contingents tarifaires autonomes ( 1) pour plusieurs produits de la pêche : morues sous diverses présentations, crevettes, surimi, grenadier bleu, calmars et encornets. On relèvera que les produits de la pêche bénéficiant de ces importations préférentielles sont impérativement destinés à subir une opération de transformation.

Il s’agit d’une proposition traditionnelle de la Commission européenne( 2). En effet, afin de pallier l’insuffisante production communautaire de certains produits de la pêche et assurer un approvisionnement compétitif des industries utilisatrices de ce type de produits, des réductions de droits de douane sont chaque année prévues, dans certaines limites quantitatives pour plusieurs produits de la pêche destinés à la transformation.

Ces contingents tarifaires sont calculés par la Commission en tenant compte des besoins des industries européennes de transformation, de la production communautaire - afin de ne pas en perturber l’écoulement - et des facilités d’approvisionnement déjà garanties par certains accords avec des pays tiers.

Appréciation au regard du principe de subsidiarité :

La politique commerciale relève de la compétence exclusive de la Communauté européenne.

Contenu et portée :

Cette proposition de règlement prévoit, pour les importations des produits de la pêche mentionnés ci dessus, des réductions de droits de douane dans la limite de volumes contingentaires fixés pour chaque type de produit.

Par rapport aux contingents tarifaires ouverts en 1997( 3), on relèvera :

> la stabilité des droits de douane applicables aux volumes importés, les taux retenus par la Commission variant de 6 à 0 % selon les produits visés. Le Rapporteur se félicite que la Commission, après plusieurs années de réductions successives des droits de douane applicables à ces contingents tarifaires, ne propose pas cette année de nouvelles baisses de ces droits ;

> s’agissant des espèces concernées, la non reconduction des contingents tarifaires dont bénéficiaient certains produits de la pêche en 1997 (harengs et longes de thon) et, à l’inverse, l’introduction d’un volume contingentaire de 6 300 tonnes de crevettes tropicales bénéficiant d’un taux de droit de douane fixé à 6 %.

La Commission européenne n’a pas jugé utile, en effet, de proposer pour 1998 des contingents de hareng et de longes de thon, estimant, en ce qui concerne la première espèce, que les possibilités de captures communautaires ont été fortement augmentées et que subsistent d’importants retraits et faisant valoir, s’agissant des longes de thon, que les possibilités d’approvisionnement à partir des pays dits « A.C.P.» et « S.P.G. drogue » couvrent la quasi-totalité des besoins et que l’Italie, principale bénéficiaire de ce contingent, n’a utilisé celui-ci en 1997 qu’à hauteur de 44 %. La Commission s’est donc efforcée de ne pas pérenniser des contingents tarifaires, préférant les adapter à l’évolution des marchés et des besoins des industries de transformation.

En revanche, l’introduction d’un important contingent de crevettes tropicales apparaît extrêmement contestable. Ainsi que le relève la direction des pêches maritimes et des cultures marines du Ministère de l’agriculture et de la pêche, cette proposition est doublement inacceptable :

- d’une part, cette proposition ne correspond pas à une demande des industries communautaires de transformation communautaires et n’est donc pas conforme à la logique des contingents tarifaires pour les produits de la pêche. Ce contingent serait créé, en réalité, pour répondre à une demande pressante de la Thaïlande. En effet, en application du règlement (CE) n° 1256/96 du Conseil portant application pour la période du 1er juillet 1996 au 30 juin 1999 d’un schéma pluriannuel de préférences généralisées à certains produits agricoles originaires de pays en développement ( 4) , ce pays se trouve progressivement exclu du bénéfice de la diminution de droits de douane dont il bénéficiait jusqu’à présent pour l’exportation sur le marché communautaire de ses produits de la pêche et plus particulièrement de sa production de crevettes. Afin de compenser cette exclusion des bénéfices du S.P.G., la Thaïlande a demandé, de façon récurrente, l’ouverture d’un contingent tarifaire autonome pour sa production de crevettes. Dans ces conditions, accéder à cette demande, ainsi qu’envisage de le faire la Commission dans la présente proposition de règlement, constituerait un détournement des règles du S.P.G. dont le principal objectif est d’aider les pays les plus pauvres, catégorie à laquelle la Thaïlande, premier producteur mondial de crevettes d’élevage, n’appartient plus pour les produits de la pêche. Le Rapporteur s’étonne d’autant plus de cette proposition de la Commission que celle-ci s’était toujours opposée, jusqu’alors, aux demandes de ce pays. En outre, l’octroi de ce contingent tarifaire serait de nature à compromettre l’accès au marché communautaire d’autres pays producteurs de crevettes, tels que Madagascar, l’Indonésie ou le Bangladesh dont le développement économique est plus précaire ;

- d’autre part, l’ouverture de ce contingent de crevettes tropicales serait de nature à porter préjudice à l’économie guyanaise qui repose largement sur la pêche crevettière, dont la direction des pêches maritimes et des cultures marines relève qu’elle est par ailleurs soutenue par la Communauté européenne dans le cadre du programme Poseidom . Ce risque serait d’autant plus présent que les importations thaïlandaises sont très concurrentielles depuis la forte dévaluation de la monnaie thaïlandaise suite à la crise financière qui secoue les marchés financiers asiatiques.

> une évolution des quantités concernées par ces droits préférentiels : si certains volumes contingentaires (crevettes pandalus borealis , surimi, calmars et encornets) sont reconduits à l’identique, d’autres volumes sont réduits par rapport à 1997 (- 25 % pour les foies de morues ; - 50 % et - 11 % pour la morue sous diverses présentations), tandis qu’à l’inverse, les importations de certains produits de la pêche bénéficient d’une augmentation sensible de leur volume à droit préférentiel (+ 14,2 % pour la morue ; + 25 % pour le grenadier bleu ; + 28,5 % pour les tubes de calmars et encornets).

Si l’on peut se féliciter des propositions de la Commission en matière de surimi dont le contingent tarifaire bénéficie principalement à la France ou pour les produits de la pêche pour lesquels elle propose une réduction des volumes contingentaires, l’augmentation du contingent de morues est en revanche très contestable : cette nouvelle proposition fait suite à des augmentations régulières des contingents tarifaires de morues assorties de réductions de droits de douane et concerne une espèce particulièrement sensible. La Communauté européenne assure en effet une abondante production de morue, qui fait traditionnellement l’objet d’importants retraits et dont les prix risquent d’être déstabilisés par l’augmentation du contingent tarifaire, ce qui est d’autant plus préjudiciable que ces prix ont une influence directe sur le marché des autres espèces de poissons blancs.

De même peut-on s’interroger sur l’importante augmentation du contingent applicable aux filets de grenadier bleu, le contingent ouvert pour 1997 n’ayant été épuisé qu’à la fin de l’année, ce qui tend à montrer son adaptation aux besoins des industries communautaires de transformation.

On relèvera que, dans le souci de préserver les intérêts des producteurs communautaires, la proposition de règlement soumet ces importations préférentielles au respect des prix de référence fixés par la Communauté et prévoit l’ouverture de ces contingents sur une base annuelle excluant cependant le premier trimestre afin d’assurer un écoulement satisfaisant de la production communautaire. A cet égard, on peut juger contestable l’ouverture des deux contingents de crevettes du 1er avril prochain au 31 mars 1999, l’ouverture hivernale de ces derniers risquant de porter préjudice aux pêcheurs communautaires.

Textes législatifs nationaux susceptibles d'être modifiés :

Aucun.

Réactions suscitées et état d'avancement de la procédure communautaire :

Les textes proposant des concessions tarifaires en matière de pêche donnent traditionnellement lieu à une division, au sein du Conseil, entre les Etats dits « transformateurs », d’une part, soucieux d’assurer un approvisionnement régulier et peu coûteux de leurs industries de transformation utilisant des produits de la pêche et, d’autre part, les Etats dits « producteurs », qui souhaitent préserver les débouchés pour les produits pêchés par leurs flottilles.

La France, bien que demandeuse d’un contingent tarifaire de surimi dont elle est la principale bénéficiaire, est traditionnellement très critique, en tant que pays producteur, à l’égard de l’ouverture de ces contingents tarifaires qui battent en brèche le principe de la préférence communautaire ; de surcroît, plus des deux tiers des produits de la pêche font déjà l’objet de suspensions totales ou partielles de droits de douane au titre des nombreux accords conclus par la Communauté européenne avec des pays tiers.

Cette année encore, la proposition de règlement a suscité de vives réactions de la part de la délégation française. Outre des critiques sur la précipitation dans laquelle le Conseil se voit contraint d’examiner ce texte, elle a jugé inacceptables les propositions faites par la Commission d’ouvrir un contingent tarifaire en matière de crevettes tropicales, d’accroître par rapport à 1997 les volumes contingentaires de morues et de filets de grenadier bleu, d’étendre au premier trimestre 1999 le bénéfice du contingent de crevettes « pandalus borealis ». Elle a, en revanche, demandé à la Commission de ne pas exclure la possibilité d’ouvrir un contingent complémentaire en cours d’année pour le surimi, si le contingent initial s’avérait insuffisant.

La proposition de la Commission a également suscité des réactions de la part des autres délégations : la non reconduction pour 1998 des contingents de harengs frais et semi transformés ainsi que des longes de thon a ainsi été contestée par plusieurs Etats membres (Allemagne, Pays Bas, Suède, Danemark et Finlande pour le hareng ; Italie pour les longes de thon) et l’Espagne a demandé une réduction des droits de douane applicables aux tubes de calmars. De nombreuses délégations (Autriche, Pays Bas, Suède, Italie, Danemark, Royaume Uni) ont, par ailleurs, soutenu la France dans sa contestation de la légitimité de l’ouverture du contingent de crevettes tropicales.

Compte tenu des réactions des différents Etats membres, la Présidence britannique a élaboré un texte de compromis qui se distingue sensiblement de la proposition de la Commission : disparition, à la demande de la France, du contingent de crevettes tropicales ; introduction de contingents de hareng ( 12 500 tonnes à 0 %), hareng mariné (1 200 tonnes à 8 %) et longes de thon (750 tonnes à 9,5 %) ; baisse du volume et du droit de douane sur la morue (de 4 à 3,7 %) et réduction du droit de douane applicable aux contingents de calmars et d’encornets (de 4 à 3,5 %).

Sans doute ce compromis a-t-il suscité des discussions entre les Etats membres : alors que l’Allemagne, les Pays Bas et la Suède réclament une augmentation du volume contingentaire de hareng, le Royaume Uni et l’Irlande se sont opposés à cette demande et la Présidence semble s’orienter vers la possibilité d’un contingent complémentaire en cours d’année si celui actuellement prévu s’avérait insuffisant. Le contingent des longes de thon a suscité une opposition entre l’Italie (bénéficiaire de celui ci) et l’Espagne, qui réclame un abaissement du droit de douane sur les calmars et tubes de calmars. Pour sa part, la France, si elle se félicite de l’absence, dans le compromis de la présidence, du contingent de crevettes tropicales, est réservée sur l’introduction des contingents de harengs, harengs marinés et de longes de thon, ainsi que sur la nouvelle baisse des droits de douane applicables aux contingents tarifaires. Sur l’ouverture hivernale du contingent de crevettes à laquelle la France est opposée et sur laquelle le compromis de la présidence ne revient pas, la Commission semble disposée à renouveler l’engagement pris en 1997, selon lequel le choix de cette période contingentaire pour les crevettes nordiques ne constitue pas un précédent applicable aux poissons blancs, ce qui serait de nature à apaiser les inquiétudes de la France.

En tout état de cause, pour se substituer à la proposition initiale de la Commission, ce compromis doit être adopté à l’unanimité par le Conseil, (étant précisé que les abstentions ne sont pas de nature à empêcher l’unanimité).

Conclusion :

Ce texte a fait l’objet d’une demande d’examen en urgence de la part du Gouvernement. (courrier du 13 mars 1998 par M. Louis Le Pensec, Ministre de l’agriculture et de la pêche)

 

(1)c'est-à-dire décidés unilatéralement par la Communauté européenne, en dehors de toute négociation dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce.
(2) On peut se reporter à l’analyse du document E 787, portant ouverture et mode de gestion de ce même type de contingents tarifaires pour 1997, présenté dans le rapport d'information (n° 3418) de la Délégation.
(3) Règlement (CE) n° 702/97 du Conseil du 14 avril 1997, Journal Officiel des Communautés européennes n° L 104 du 22 avril 1997 (dont le projet a été analysé par la Délégation sous le n° E 787 dans le rapport d'information (n° 3418)) modifié par le règlement (CE) n° 2633/97 du Conseil du 18 décembre 1997, Journal Officiel des Communautés européennes n° L 356 du 31 décembre 1997 (analysé par la Délégation sous le n° E 963 dans le rapport d'information (n° 604).
(4) Journal Officiel des Communautés européennes n° L 160 du 29 juin 1996.