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Document E2179
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Livre vert sur une procédure européenne d'injonction de payer et sur des mesures visant à simplifier et à accélérer le règlement des litiges portant sur des montants de faible importance.


E2179 déposé le 17 janvier 2003 distribué le 28 janvier 2003 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM (2002) 746 final du 20 décembre 2002, transmis au Conseil de l'Union européenne le 20 décembre 2002)

  • Travaux en Délégation

    Ce document a été examiné au cours de la réunion du 11 mai 2005

  • Adoption par les instances communautaires

    Ce document n'a pas encore été adopté définitivement par les instances de l'Union européenne.

Base juridique :

Articles 61 et 65 TCE.

Procédure :

Codécision entre le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne.

Avis du Conseil d'Etat :

La procédure européenne d'injonction de payer instituée par la proposition de règlement relèverait en droit français des obligations civiles et commerciales, dont les principes fondamentaux sont réservés par l'article 34 de la Constitution à la loi. Dès lors, la proposition de règlement doit être regardée comme relevant de la compétence du législateur .

Motivation et objet :

Le traité d'Amsterdam a fixé comme objectif à l'Union européenne d'instaurer progressivement un espace de liberté, de sécurité et de justice, notamment en adoptant des mesures relevant du domaine de la coopération judiciaire en matière civile. Il s'agit d'éliminer les obstacles au bon déroulement des procédures civiles en favorisant, au besoin, la compatibilité des règles de procédure civile applicables dans les Etats membres.

Le Conseil européen de Tampere de 1999 et le programme de mise en œuvre qui en est issu ont fait de la reconnaissance mutuelle et l'exécution des décisions de justice la pierre angulaire de la coopération judiciaire en matière civile. Les Chefs d'Etat ou de Gouvernement ont ainsi invité le Conseil et la Commission à élaborer de nouvelles dispositions législatives concernant les éléments de procédure civile qui contribuent à faciliter la coopération judiciaire et à améliorer l'accès au droit. Les injonctions de payer figuraient expressément sur la liste des thèmes qui requièrent de telles initiatives législatives.

C'est dans ce contexte que la Commission a décidé de poursuivre deux objectifs (au moyen de deux instruments législatifs différents) :

- la mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle des décisions portant sur des créances incontestées ;

- l'instauration d'une procédure spécifique pour l'obtention de décisions sur les créances incontestées.

En avril 2002, la Commission a adopté la proposition de règlement du Conseil portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées( 1), qui prévoit l'élimination des mesures intermédiaires pour tous les titres exécutoires relatifs à des créances incontestées moyennant le respect d'un ensemble de règles procédurales minimales en matière de notification et de signification des documents.

La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une procédure européenne d'injonction de payer, constitue la seconde étape de la stratégie de la Commission. Elle fait suite à une large consultation des Etats membres et à l'adoption d'un livre vert, présenté par la commission le 20 décembre 2002( 2) (document E 2179), sur une procédure européenne d'injonction de payer et sur des mesures visant à simplifier et à accélérer le règlement des litiges portant sur des montants de faible importance. Dans sa résolution sur le livre vert( 3), le Parlement européen a accueilli très positivement l'initiative de la Commission, tout comme le Comité économique et social européen dans son avis sur le livre vert( 4).

Fiche d'évaluation d'impact & textes législatifs nationaux susceptibles d'être modifiés :

Fiche d'impact simplifiée n° 133 transmise le 13 avril 2004.

- Impact sur le droit communautaire :

Aucun texte communautaire ne devrait être modifié ni abrogé par cette proposition. Elle devra néanmoins s'articuler avec d'autres instruments adoptés pour les litiges transfrontaliers dans le cadre de la coopération judiciaire en matière civile et commerciale :

- en matière de compétence judiciaire, de reconnaissance et d'exécution, le règlement 44/2001 du 22 décembre 2001 dit " Bruxelles I " pour la matière civile et commerciale ;

- en matière de simplification du traitement des procédures transfrontalières, notification des actes (règlement 1348/2000 du 29 mai 2000), mesures d'instructions (règlement n° 1206/2001 du 28 mai 2001) et demandes d'aides juridictionnelles (directive n° 2003/8 du 27 janvier 2003) ;

- le règlement portant création d'un titre exécutoire européen (TEE), qui introduit la suppression totale de l'exequatur pour les décisions rendues en matière de créances incontestées.

- Impact sur le droit national :

La procédure d'injonction de payer est régie par les articles 1405 à 1425 du nouveau code de procédure civile. Cette procédure résulte du décret n° 81-500 du 12 mai 1981.

L'adoption de l'acte n'entraînerait pas de modification des articles susvisés du nouveau code de procédure civile, dans la mesure où l'injonction de payer européenne est destinée à coexister avec les injonctions de payer nationales. L'adoption de cet acte imposera néanmoins de désigner les juridictions compétentes, de préciser les règles de procédures qui, selon le projet d'acte, sont laissées à la responsabilité des Etats (notamment les modes de signification), et de prendre les mesures administratives pour que les secrétariats des juridictions puissent traiter ces nouvelles procédures.

Le dispositif initialement proposé par la Commission européenne participe d'une conception procédurale très éloignée de la conception française. En effet, la procédure d'injonction de payer nationale s'effectue en une seule étape (et non en deux étapes comme envisagé dans la proposition de règlement). Le juge est saisi d'une requête accompagnée des éléments de preuve, il effectue un contrôle de fond de la demande et rend une injonction de payer qui ne devient exécutoire qu'une fois passé le délai d'opposition d'un mois à compter de la signification de l'injonction au débiteur.

Appréciation au regard du principe de subsidiarité

Dans sa version initiale présentée par la Commission, la proposition de règlement institue une procédure européenne d'injonction de payer, applicable tant aux litiges transfrontaliers qu'aux litiges internes. Cette proposition est fondée sur une interprétation de l'article 65 TCE qui confère des compétences législatives à la Communauté concernant la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière, dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur. Selon la Commission, si l'existence d'une incidence transfrontière est une condition préalable à l'exercice de la compétence communautaire, cela ne signifie pas que les dispositions pouvant être adoptées sur cette base ne sont applicables qu'aux litiges transfrontaliers.

La Commission considère en effet qu'il serait non seulement inadéquat, mais aussi contre-productif, de limiter le champ d'application de cette procédure aux seules affaires transfrontalières. En effet, la distinction entre les affaires internes et les affaires transfrontalières serait ambiguë et elle pourrait être source de distorsion de concurrence entre les créanciers dans la mesure où les opérateurs économiques auraient recours à des instruments très différents selon que le débiteur est situé ou non dans le même Etat membre. C'est pourquoi la Commission préconise la création d'une procédure uniforme de recouvrement des créances incontestées qui pourrait s'étendre aux affaires purement internes.

Pourtant, dans sa résolution sur le livre vert( 5) publié par la Commission, le Parlement européen suggérait déjà l'adoption d'un règlement dont l'application se limiterait aux litiges transfrontaliers.

La Délégation du Sénat pour l'Union européenne s'est également opposée à cette interprétation de l'article 65 du traité instituant la Communauté européenne et fait valoir que celle-ci est contestée par une majorité d'Etats membres, dont la France.

En l'état des négociations, la rédaction de l'article A, dans la version du 27 avril 2005, prévoit néanmoins de limiter l'objet du règlement aux seules affaires transfrontalières, même si la Commission continue de plaider en faveur d'un instrument visant à la fois les affaires transfrontalières et les affaires internes.

Contenu et portée :

La Commission a publié, le 20 décembre 2002, un livre vert (document E 2179) en deux volets : l'un portant sur une procédure européenne d'injonction de payer et l'autre sur des mesures visant à simplifier et à accélérer le règlement des litiges portant sur des montants de faible importance.

La proposition de règlement sur l'injonction de payer (document E 2553) a pour objet de créer un mécanisme rapide et efficace de recouvrement des créances incontestées, dans la perspective, notamment, d'améliorer la situation des opérateurs économiques confrontés à des débiteurs de mauvaise foi et à des paiements tardifs. Partant de cet objectif, la Commission propose un règlement qui détermine un schéma de procédure uniforme, et renvoie aux législations nationales des Etats membres pour les autres règles de procédure. Le choix d'une telle procédure uniforme, qui est destinée à coexister avec les procédures nationales, devrait, selon la Commission, être une garantie de simplicité.

La proposition de règlement porte sur les demandes pécuniaires en matière civile et commerciale (sauf pour le domaine matrimonial). La procédure envisagée est la suivante :le requérant adresse à la juridiction une requête, sous forme d'un formulaire, en décrivant sa créance, son fondement, et les éléments de preuve dont il dispose (qu'il n'a pas à produire à ce stade de la procédure). La juridiction, après un contrôle limité à l'irrecevabilité manifeste, peut rendre un avis de paiement, notifié au débiteur qui peut alors former une réclamation, à l'aide d'un formulaire type. En cas de réclamation, la procédure se poursuit conformément aux règles de procédure ordinaire.

En l'absence de réclamation, une injonction de payer est délivrée d'office, elle-même susceptible d'opposition dans un délai de trois semaines.

Aucune disposition n'est prévue en matière de reconnaissance et d'exécution des décisions d'injonction de payer : ce sont donc les règlements " Bruxelles 1 " et " Titre exécutoire européen " qui s'appliqueront en la matière.

Dans sa version initiale présentée par la Commission, la proposition de règlement s'applique en matière civile et commerciale, quelle que soit la nature de la juridiction, et sans opérer de distinction entre affaires transfrontalières et affaires internes. Le règlement ne couvre pas les matières fiscales, douanières ou administratives et la procédure européenne d'injonction ne s'appliquerait pas aux régimes matrimoniaux et similaires, aux faillites, concordats et autres procédures analogues ainsi qu'à la sécurité sociale.

La proposition limite l'applicabilité de la procédure européenne d'injonction de payer au recouvrement de créances pécuniaires liquides et exigibles. Elle ne peut donc être utilisée ni pour des créances pécuniaires qui ne peuvent s'exprimer par un montant déjà chiffré (ex: préjudice moral) ni pour des demandes relatives à des obligations de faire ou de ne pas faire, comme la livraison ou la restitution d'un bien. Le montant pouvant être réclamé dans le cadre de la procédure d'injonction de payer n'est pas plafonné.

La procédure proposée a un caractère facultatif: le créancier est donc totalement libre de décider de faire valoir une créance entrant dans le champ d'application de la présente proposition en demandant une injonction de payer européenne ou en recourant à la procédure sommaire ou ordinaire qui est prévue par le droit de l'Etat du for.

La proposition laisse par conséquent intact le droit des États membres de continuer à appliquer leurs réglementations internes parallèlement à la procédure européenne d'injonction de payer. Elle énumère les éléments qui doivent figurer dans la demande d'injonction de paiement (formulaire type), précise les conditions d'émission d'une injonction de payer et de rejet de la demande.

Réactions suscitées :

Les négociations au Conseil ont fait apparaître trois principales difficultés :

1 - Le régime de la preuve

Il existe en Europe une grande variété de procédures, mais l'on peut distinguer deux principaux modèles :

- un modèle " par preuve " (appliqué en Belgique, en France, en Grèce, au Luxembourg, en Italie et en Espagne), dont la caractéristique essentielle est l'obligation pour le plaignant de produire une preuve écrite qui justifie la créance en cause. Selon ce modèle, la délivrance de l'injonction de payer nécessite au préalable un examen du fond de l'affaire par un juge ;

- un modèle " sans preuve " (en vigueur en Autriche, en Finlande, en Allemagne, en Suède et au Portugal) qui se caractérise par l'absence totale d'examen au fond de la créance en cause par la juridiction.

La Commission européenne estime qu'il ne faut pas subordonner l'octroi d'une injonction de payer européenne à la production de pièces documentaires. Elle justifie ce choix par l'analyse des différentes réactions suscitées par le livre vert qui permettraient de conclure qu'une telle obligation comporterait un risque important pour l'application uniforme du règlement, s'agissant des types de documents considérés comme constituant une preuve suffisante de la créance. La Commission insiste également sur la nécessité de tenir compte du fait que les preuves écrites accompagnant la demande ont pour seul objet de servir de base à l'examen sommaire du bien-fondé de la créance ; or la proposition ne prévoit pas d'examen systématique et complet, ou sommaire, de la justification de la créance.

Néanmoins, plusieurs Etats membres, dont la France, ont obtenu au Conseil l'ajout d'une disposition à l'article 3 autorisant le maintien d'une procédure " avec preuve " dans les Etats dans lesquels ce système est en vigueur. Les deux modèles " sans preuve " et " avec preuve " pourraient donc coexister.

2 - Le respect du principe de subsidiarité

La difficulté posée au regard du principe de subsidiarité est relative au champ d'application de la proposition de règlement, et à l'interprétation que fait la Commission de l'article 65 TCE, lorsqu'elle considère qu'il serait non seulement inadéquat mais aussi contre-productif de limiter le champ d'application du texte aux seules affaires transfrontalières (Cf. supra ).

Cette analyse est contestée par la France, qui s'appuie notamment sur un avis du service juridique du Conseil du 4 juin 2004. Un accord est intervenu au Conseil pour limiter le champ d'application de la proposition de règlement aux seules affaires transfrontalières.

En tout état de cause, il importe de rester attentif au respect du principe de subsidiarité par cette proposition d'acte législatif européen pour laquelle le futur article 88-5 de la Constitution française trouverait vraisemblablement à s'appliquer en cas d'entrée en vigueur du traité constitutionnel européen.

3 - Le respect du principe de proportionnalité :

La Commission européenne considère que la proposition de règlement est conforme au principe de proportionnalité en ce qu'elle se limiterait strictement à ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif poursuivi Elle souligne en particulier les effets de la combinaison entre l'instrument juridique choisi (un règlement) et le caractère facultatif de la procédure européenne d'injonction de payer par rapport à des mécanismes comparables prévus par le droit procédural des Etats membres. Il est vrai que la proposition de règlement laisse intact le droit des Etats membres de continuer à appliquer leur droit national parallèlement à la procédure européenne d'injonction de payer.

Pour autant, la diversité des systèmes juridiques nationaux plaiderait davantage en faveur d'une directive plutôt que d'un règlement. Il s'agirait de définir des règles minima préservant les particularités propres à chaque système national. En ce sens, la France préconise le recours à une directive.

Par ailleurs, il convient de s'interroger sur l'articulation entre cette proposition de règlement et le règlement sur le titre exécutoire européen. En effet, l'application du principe de reconnaissance mutuelle et la suppression de l'exequatur devraient permettre de faciliter le recouvrement des créances incontestées dans les affaires transfrontalières, sans qu'il soit nécessaire de remettre en cause la diversité des procédures en vigueur dans les Etats membres. Cette position est notamment celle de la Délégation du Sénat pour l'Union européenne.

Calendrier prévisionnel :

Le Parlement européen pourrait se prononcer en première lecture lors de sa session de septembre 2005.

Conclusion :

Ces deux textes ont été examinés au cours de la réunion de la Délégation du 11 mai 2005.

Le traité d'Amsterdam a fixé comme objectif à l'Union européenne d'instaurer progressivement un espace de liberté, de sécurité et de justice, notamment en adoptant des mesures relevant de la coopération judiciaire en matière civile. Le Président Pierre Lequiller a précisé que, dans ce contexte, la Commission a décidé de poursuivre deux objectifs : la mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle des décisions portant sur des créances incontestées et l'instauration d'une procédure spécifique pour l'obtention de décisions sur les créances incontestées. Ainsi, la Commission a adopté une proposition de règlement portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées, puis, dans une seconde étape, une proposition instituant une procédure européenne d'injonction de payer.

Le Président Pierre Lequiller a jugé les orientations de cette proposition de règlement globalement satisfaisantes, tout en émettant une réserve sur son champ d'application. En effet, celui-ci est trop général et donc ne respecte pas le principe de subsidiarité. C'est pourquoi ce texte devrait se limiter aux affaires transfrontalières. Aussi, la Délégation, sur la proposition du Président Pierre Lequiller, a-t-elle approuvé la proposition de règlement sous réserve que son champ d'application soit, conformément au respect du principe de subsidiarité, limité aux affaires transfrontalières.

(1) COM(2002) 159 final, JO C 332 E du 27.8.2002, p. 86.
(2) COM (2002) 746 final.
(3) A5-0041/2004 final du 30 janvier 2004.
(4) CESE 742/2003, adopté le 18 juin 2003.
(5) A5-0041/2004 final du 30 janvier 2004.