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Document E2433
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques et modifiant la directive 1999/45/CE et le règlement (CE) sur les polluants organiques persistants. Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 67/548/CEE du Conseil afin de l'adapter au règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des produits chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances.


E2433 déposé le 14 novembre 2003 distribué le 18 novembre 2003 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM (2003) 644 final du 29 octobre 2003)

  • Travaux en Délégation

    Ce document a été examiné au cours de la réunion du 3 mai 2005

    Rapport d'information M. Daniel Garrigue , no.2549 déposé(e) le 4 octobre 2005, sur la modernisation du cadre réglementaire des produits chimiques dans l'Union européenne, dit système Reach
    Proposition de résolution M. Daniel Garrigue , no.2550 déposé(e) le 4 octobre 2005, Produits chimiques : modernisation du cadre réglementaire dans l'Union européenne

  • Adoption par les instances communautaires

    Ce document a été adopté définitivement par les instances de l'Union européenne :

    Directive 2006/121/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 modifiant la directive 67/548/CEE du Conseil concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à la classification, l'emballage et l'étiquetage des substances dangereuses afin de l'adapter au règlement (CE) n° 1907/2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), et instituant une agence européenne des produits chimiques.
    (JO L 396 du 30 décembre 2006) (Notification d'adoption publiée au JOLD du 18/01/2007 p.1110)

    Règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission.
    (JO L 396 du 30 décembre 2006) (Notification d'adoption publiée au JOLD du 17/01/2007 p.1110)

Le 29 octobre 2003, la Commission a présenté une proposition de règlement et une proposition de directive concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances. L'ensemble de cette réglementation est dit système REACH (" Registration, Evaluation and Authorisation of Chemicals ").

Le système REACH se donne pour objectif de renforcer les connaissances sur les substances chimiques et de permettre ainsi une meilleure gestion des risques liés à leur production et leur utilisation. La Commission souhaite remédier aux lacunes de la réglementation actuelle des produits chimiques, en conciliant, d'une part, la protection de la santé et de l'environnement et, d'autre part, le renforcement de la compétitivité de l'industrie chimique européenne.

Les enjeux pour l'Union européenne sont particulièrement importants.

Selon la réglementation en vigueur, seules 3000 substances chimiques, sur un nombre global de 100 000 substances recensées, font l'objet de tests avant leur entrée sur le marché. Ces dernières années, les affaires de l'amiante - qui n'est pas au demeurant une substance chimique - et des éthers de glycol ont suscité une défiance et un besoin de connaissances et d'information du public sur les risques liés aux substances utilisées, notamment les substances chimiques.

Par ailleurs, l'industrie chimique est un secteur économique stratégique. L'Union européenne se situe au premier rang mondial, avec 28 % de parts de marché et un excédent commercial de 12 milliards d'euros. Le secteur emploie 1,7 million de personnes.

Il s'agit donc d'un projet important, sur lequel nous reviendrons prochainement, lorsque son examen par le Parlement européen sera un peu plus avancé.

Je décrirai aujourd'hui les grandes lignes du système REACH tel qu'il est proposé par la Commission et soulignerai les principales questions aujourd'hui soulevées.

I - Face aux lacunes de la réglementation en vigueur, la Commission propose un système ambitieux

A) La législation actuelle ne permet pas un contrôle complet des substances chimiques

La réglementation actuelle des substances chimiques dites " générales " est fondée sur la distinction entre les substances " existantes ", c'est-à-dire mises sur le marché avant 1981, qui représentent 99 % du volume global des substances (100 000 substances sont recensées), et les substances " nouvelles " introduites après cette date (au nombre de 3 000). Si le système d'évaluation des risques des substances nouvelles est jugé efficace, il est très insuffisant pour les substances existantes qui n'ont pas été validées au regard des connaissances et des appareils d'analyse actuels. La connaissance sur les risques liés à ces produits comporte encore des incertitudes.

Les substances existantes sont soumises au règlement (CEE) 793/93. Dans ce cadre, 141 substances identifiées comme prioritaires sont soumises à des tests complets d'évaluation des risques par les autorités des Etats membres. Plus globalement, l'évaluation des substances existantes est trop lente et ne dispose pas de moyens suffisants.

La directive 67/548 sur la classification, l'emballage et l'étiquetage des substances s'applique aux substances nouvelles. Celle-ci prévoit leur notification aux autorités nationales et l'évaluation complète par celles-ci des risques sanitaires et environnementaux avant leur mise sur le marché.

Face à cette situation, la Commission a souligné dès février 2001, dans un Livre blanc( 1), la nécessité d'une nouvelle stratégie afin d'améliorer la protection de la santé et de l'environnement et de renforcer la compétitivité de l'industrie chimique européenne.

B) La Commission propose un système ambitieux

La proposition de la Commission vise à harmoniser les exigences pour les substances existantes et nouvelles, tout en renforçant l'efficacité du système.

Elle concerne 30 000 substances, produites ou importées en quantité supérieure à 1 tonne par an. Elle remplacera 40 directives et règlements en vigueur.

Le système comporte plusieurs volets.

1) L'enregistrement

Il s'agit du principal élément du système. En effet, REACH n'est pas un dispositif d'autorisation de mise sur le marché mais de communication de données par l'industrie, sans réponse systématique des autorités publiques.

Le règlement prévoit une obligation générale d'enregistrement par les fabricants et les importateurs, auprès de la future Agence européenne des produits chimiques, des substances fabriquées ou importées en quantité de plus d'une tonne par an, ce qui devrait représenter 30 000 substances commercialisées.

REACH renverse la charge de la preuve : tandis que dans le système actuel, les autorités publiques sont tenues d'identifier et de gérer les problèmes de sécurité des substances chimiques, avec REACH les fabricants et importateurs devront acquérir, au besoin en réalisant de nouveaux essais, des connaissances sur les substances et les exploiter afin de gérer les risques qu'elles peuvent présenter. Ils devront en outre traiter les risques de toute utilisation portée à leur connaissance par les utilisateurs en aval. Ceux-ci pourraient ne pas identifier une utilisation mais devraient alors procéder eux-mêmes à l'évaluation de sécurité chimique. A l'inverse, le fabricant pourrait refuser de fournir une substance, s'il estime ne pas pouvoir appuyer son utilisation.

Les fabricants ou les importateurs devront fournir un dossier technique (les exigences d'information variant selon les quantités), ainsi qu'un rapport sur la sécurité chimique pour les produits fabriqués ou importés en quantité de plus de 10 tonnes.

Des exemptions d'enregistrement sont prévues pour les substances faisant l'objet d'une réglementation au titre d'une autre législation, celles présentant des risques très faibles et les polymères. L'obligation d'enregistrement s'étend à certaines substances présentes dans les produits.

Les entreprises pourraient former des consortiums aux fins d'enregistrement pour une même substance. Le partage des données provenant de tests sur les animaux serait obligatoire, moyennant une rémunération.

2) L'évaluation

Elle serait de trois types :

- l'évaluation des propositions d'essai, obligatoire, afin de prévenir les essais inutiles sur les animaux ;

- l'évaluation des dossiers, afin de vérifier leur conformité aux exigences prévues ;

- l'évaluation des substances : les autorités des Etats membres pourraient demander à l'industrie de fournir des informations supplémentaires en cas de risque potentiel pour la santé et l'environnement. L'Agence européenne des produits chimiques ferait des recommandations sur les substances prioritaires à évaluer et les Etats membres prépareraient des plans glissants des substances qu'ils souhaitent évaluer. Ils pourraient conclure que des mesures de restriction ou d'autorisation devront être prises.

3) L'autorisation

Les substances extrêmement préoccupantes (les substances cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction ; les substances persistantes, bio-cumulatives et toxiques, ainsi que d'autres substances comme les perturbateurs endocriniens ) feraient l'objet d'autorisations de leurs différentes utilisations et de leur mise sur le marché. La Commission souhaite que ce système encourage la recherche de produits de substitution plus sûrs.

4) Les restrictions

En cas de risques très importants, des restrictions pourraient concerner les conditions de fabrication, l'utilisation et/ou la mise sur le marché d'une substance, voire l'interdiction de ces activités.

5) L'Agence européenne des produits chimiques

Elle gérerait le processus d'enregistrement, veillerait à la cohérence de l'évaluation (qui relève des Etats) et formulerait des avis et recommandations pour les autorisations et les restrictions.

Il est prévu que l'Agence aura son siège à Helsinki.

6) La mise en œuvre

Le système serait mis en œuvre sur une période de trois à onze ans, les substances produites en grande quantité devant être enregistrées en priorité.

II - Les principales questions posées par la proposition

A) La faisabilité du système

La Commission a largement modifié sa proposition par rapport au document de consultation qu'elle avait publié en mai 2003, dans le sens d'un allégement du système. En septembre 2003, le président Chirac, le premier ministre Blair et le chancelier Schröder avaient adressé une lettre commune au président de la Commission, demandant que soit mieux prise en compte l'exigence de compétitivité de l'industrie chimique en Europe.

Ces préoccupations ont trouvé un écho dans les conclusions du Conseil européen des 22 et 23 mars derniers, qui affirment que " Tout accord sur REACH doit concilier les soucis de protection de l'environnement et de la santé avec la nécessité de promouvoir la compétitivité de l'industrie européenne, tout en accordant une attention particulière aux PME et à leur capacité d'innovation ".

S'il est favorable aux objectifs de REACH, le secteur industriel considère encore que le système proposé est trop complexe et menace la compétitivité européenne.

1) Les coûts

L'impact de REACH est le point le plus controversé. De très nombreuses études d'impact (une quarantaine) ont été réalisées et leurs conclusions sont parfois extrêmement éloignées. Ainsi, selon la Commission, le coût total pour l'industrie et les utilisateurs en aval serait compris entre 2,8 et 5,2 milliards d'euros. Selon l'Union des industries chimiques (UIC), il s'élèverait à 28 milliards d'euros seulement pour la France.

En octobre 2004, la présidence néerlandaise du Conseil a organisé un atelier visant à faire la synthèse des différentes études d'impact. Le rapport final estime à 4 milliards d'euros les coûts directs pour les entreprises et souligne que les PME seront plus affectées que les grandes entreprises.

La Commission et l'industrie réalisent actuellement des études d'impact sectoriel, dans les secteurs de l'automobile, de l'électronique, des emballages flexibles et des matières premières, de façon à déterminer dans quelle mesure l'impact de REACH pourrait provoquer l'arrêt de la production de certaines substances, ainsi que les effets potentiels sur les utilisateurs en aval et l'innovation. Les premières conclusions de ces études viennent d'être publiées. Elles feront l'objet d'une réunion du groupe ad hoc du Conseil les 10 et 11 mai prochains.

2) Les critères et les seuils retenus

L'une des questions importantes concernant la phase d'enregistrement est celle de la définition des critères déterminant les délais (variant de trois à onze ans), ainsi que l'étendue des données demandées aux entreprises.

La Commission a retenu un ordre de priorité fondé essentiellement sur les quantités produites ou importées. La question de la possibilité d'une meilleure prise en compte des risques et de l'exposition, de façon à fixer des priorités dans la phase d'enregistrement, peut se poser. Par ailleurs, on notera que le relèvement du seuil à partir duquel une substance nouvelle doit faire l'objet d'essais (qui passe de 10 kg à 1 tonne) est favorable à l'innovation et à la recherche.

3) Les capacités d'expertise

L'ensemble du dispositif exigera des capacités d'expertise et d'analyse très importantes, dont il n'est pas certain aujourd'hui qu'elles soient disponibles et opérationnelles. C'est ainsi par exemple que l'application de la réglementation exigera le développement des compétences et des connaissances en toxicologie, une discipline qui n'est pas forcément très développée dans tous les pays de l'Union européenne, notamment en France.

B) Le partage des données et la confidentialité

La proposition prévoit un partage obligatoire des données provenant des tests sur les animaux, afin de limiter leur nombre, et un partage facultatif des autres données lors de l'enregistrement. Les entreprises auraient la possibilité de former des consortiums aux fins d'enregistrement.

En 2004, le Royaume-Uni et la Hongrie ont proposé au Conseil un système alternatif, connu sous le terme " Une substance - un enregistrement "( 2). Celui-ci prévoit le partage obligatoire par l'ensemble des producteurs et importateurs des données de base sur une substance, préalablement à son premier enregistrement. Ces données de base concernent les propriétés intrinsèques de la substance (relatives aux risques et aux résultats des tests). En compensation, un partage des coûts serait opéré.

Un tel système pourrait limiter les coûts de REACH pour les PME et réduire le nombre global de tests. Il suppose que toutes les entreprises devront se mettre d'accord sur l'interprétation des tests, préalablement au premier enregistrement d'une substance.

Cette proposition a été assez favorablement accueillie au Conseil mais des débats doivent encore avoir lieu car de nombreuses questions juridiques et pratiques se posent, notamment en matière de propriété des données.

A ce sujet, il faut remarquer que la recherche d'une plus grande transparence et d'une meilleure information du public font partie des objectifs de REACH mais que la confidentialité des données stratégiques pour les entreprises doit également être protégée.

Les articles 115 et 116 de la proposition de la Commission distinguent 3 catégories de données :

- des informations seront systématiquement publiées par l'Agence : il s'agit des données fondamentales sur les dangers, des conseils d'utilisation, des informations nécessaires à l'identification de la substance ;

- d'autres pourront être communiquées sur demande, sauf si les entreprises les ayant fournies s'y opposent de façon justifiée ;

- d'autres, enfin, seront toujours confidentielles (par exemple celles concernant l'utilisation d'une substance, son mode d'élaboration ou la quantité produite).

D'autre part, il paraît utile de s'interroger sur l'interférence entre l'application de REACH et les droits de propriété industrielle.

C) La portée du contrôle, notamment à l'égard des produits importés

REACH s'appliquera à certaines substances présentes dans les produits : si elles sont classées comme dangereuses, si elles sont rejetées lors de l'utilisation et si elles sont présentes en quantité supérieure à une tonne par an (à titre d'exemple, cela pourrait concerner les imprimantes ou les stylos).

Cependant, pour la grande majorité des produits, il existera une différence de traitement entre ceux fabriqués dans l'Union européenne, dont les composants chimiques auront été évalués et sur lesquels se répercuteront les coûts de REACH, et les produits importés (les substances importées seront soumises à la réglementation mais pas celles ayant servi à la fabrication de produits hors de l'Union européenne). Une attention particulière doit être portée à la question du contrôle des jouets fabriqués hors de l'Union européenne.

D) Le rôle de l'Agence européenne des produits chimiques

Dans la proposition de la Commission, la responsabilité de l'évaluation appartient aux Etats membres. En particulier, l'évaluation des substances, facultative, serait réalisée par l'Etat membre qui aura inscrit la substance dans son plan glissant.

La France a formulé une proposition visant à faire de l'Agence le responsable technique de l'évaluation (proposition dite SAGE : Structurer l'Agence pour Gérer l'Evaluation), de façon à permettre l'exercice d'une responsabilité globale, à harmoniser les procédures d'évaluation, à assurer un financement adéquat via les redevances perçues par l'Agence et enfin à renforcer la lisibilité du système pour les différents acteurs. Dans ses fonctions, l'Agence serait assistée par un réseau européen structuré d'agences et d'instituts. Une étude d'impact de cette proposition est en cours.

La proposition REACH est un dossier complexe, aux enjeux importants.

Les acteurs sont nombreux : deux formations du Conseil sont responsables (environnement et compétitivité), deux directions générales de la Commission (environnement et entreprises), et au Parlement européen, la commission environnement est saisie et deux commissions sont étroitement associées (industrie et affaires juridiques/marché intérieur).

La procédure est particulièrement longue : alors que le Livre blanc a été publié en 2001, et la proposition en 2003, la première lecture au Parlement européen est prévue en octobre prochain et un accord politique au Conseil pourrait intervenir fin 2005. Des débats ont eu lieu lors du Conseil " Compétitivité " du 6 juin et sont prévus lors du Conseil " Environnement " du 24 juin.

Enfin, les enjeux sont par eux-mêmes considérables, puisqu'il s'agit de la santé, de l'environnement et de la compétitivité.

Conclusion :

Après la présentation de ce texte par M. Daniel Garrigue, rapporteur, au cours de la réunion de la Délégation du 3 mai 2005, le Président Christian Philip a souligné l'importance de ce projet, qui concerne la compétitivité de l'industrie chimique européenne et repose sur la nécessité, au nom de l'intérêt général, d'un contrôle des substances utilisées, comme le montre l'affaire de l'amiante, même si elle n'est pas à proprement parler une substance chimique.

(1) Livre blanc sur la stratégie pour une future politique européenne des produits chimiques, COM (2001) 88.
(2) One substance - one registration ou OSOR