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Document E2586
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Livre vert sur les partenariats public-privé et le droit communautaire des marchés publics et des concessions.


E2586 déposé le 14 mai 2004 distribué le 17 mai 2004 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM (2004) 327 final du 30 avril 2004)

  • Travaux en Délégation

    Ce document a été examiné au cours de la réunion du 25 novembre 2004

  • Adoption par les instances communautaires

    Ce document n'a pas encore été adopté définitivement par les instances de l'Union européenne.

I.- OBJET ET CONTENU DU LIVRE VERT

Le présent Livre vert fait suite à plusieurs initiatives, en particulier l'annonce par la Commission dans sa stratégie pour le marché intérieur 2003-2006, qu'elle publierait un Livre vert sur les partenariats public-privé (PPP) et le droit communautaire des marchés publics et des concessions. Ce document devrait susciter un débat sur les conditions propres à permettre le développement des PPP dans un contexte de concurrence efficace et de clarté juridique. La publication d'un Livre vert figure également parmi les actions prévues par l'initiative européenne de croissance, dont le principe a été approuvé par le Conseil européen de Bruxelles du 12 décembre 2003.

1. Combler un vide juridique et favoriser le développement des PPP

A. L'absence de cadre juridique

La Commission constate que le terme de PPP n'est pas défini par le droit communautaire.

Pour autant, elle estime que quatre éléments caractérisent les PPP :

- la durée relativement longue de la relation entre les partenaires public et privé en vue de coopérer sur différents aspects d'un projet ;

- le mode de financement du projet , assuré partiellement par le secteur privé, parfois par le biais de montages complexes entre divers acteurs, des financements publics - très importants, dans certains cas - pouvant s'y ajouter ;

- le rôle important de l'opérateur économique , qui participe à différents stades du projet (conception, réalisation, mise en œuvre, financement) ;

- la répartition des risques entre le partenaire public et le partenaire privé, sur lequel peuvent être transférés des risques habituellement supportés par le secteur public. A cet égard, la Commission précise que les PPP n'impliquent toutefois par nécessairement que le partenaire privé assume tous les risques ou la majorité d'entre eux.

B. Favoriser le développement des PPP

Au cours de la dernière décennie, les PPP se sont développés dans de nombreux secteurs : transports, santé publique, éducation et sécurité publique.

Pour la Commission, cette évolution tient d'abord aux contraintes budgétaires auxquelles les Etats membres sont confrontés, puisque, dans ce contexte, les PPP permettent de répondre à un besoin de financement du secteur public.

Le recours accru aux PPP s'inscrirait également dans l'évolution plus générale du rôle de l'Etat dans le domaine économique, lequel, selon la Commission, est passé d'un rôle d'opérateur à celui d'organisateur, de régulateur et de contrôleur.

2. Les pistes de réflexion proposées par la Commission

Le souhait de la Commission est de présenter la portée des règles communautaires applicables à la phase de sélection du partenaire privé et à celle qui lui est postérieure. Car il s'agit de détecter les incertitudes éventuelles et d'analyser si le cadre communautaire est approprié aux enjeux et aux spécificités des PPP.

Dans ces perspectives, la Commission propose - sur la base des pratiques constatées dans les Etats membres - de distinguer :

- les PPP de type purement contractuel, dans lesquels le partenariat entre les secteurs public et privé se fonde sur des liens exclusivement conventionnels ;

- les PPP de type institutionnalisé, impliquant une coopération entre les secteurs public et privé au sein d'une entité spécifique.

A. Les PPP purement contractuels

La Commission aborde ici plusieurs thèmes, dont la phase de sélection du partenaire privé et celle qui est postérieure à cette sélection.

a) La phase de sélection du partenaire privé

( La Commission estime que la nouvelle procédure dite de " dialogue compétitif " prévue par la directive 2004/18/CE, pourrait trouver à s'appliquer aux PPP, lorsque ceux-ci sont des marchés publics particulièrement complexes.

Cette procédure est ouverte dans les cas où l'organisme adjudicateur n'est pas en mesure de définir les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins et à ses objectifs et d'établir le montage juridique et/ou financier d'un projet.

Aux yeux de la Commission, cette procédure offre notamment l'avantage d'offrir la flexibilité nécessaire aux discussions avec les candidats de tous les aspects du marché, tout en veillant au respect des principes de transparence et d'égalité de traitement.

( En second lieu, la Commission examine le cas des PPP pouvant être qualifiés de concessions.

En l'état actuel du droit communautaire, seules certaines obligations s'appliquent aux concessions de travaux. Quant au régime régissant les concessions de services, il n'est fixé que par référence aux principes qui découlent des articles 43 et 49 du Traité, notamment les principes de transparence, d'égalité de traitement, de proportionnalité et de reconnaissance mutuelle( 1).

Il en résulte que les législations des Etats membres ne sont pas coordonnées. Au demeurant, seules l'Espagne, la France et l'Italie - d'après les indications fournies par la Commission - se sont dotées d'une réglementation visant à encadrer la passation des concessions de travaux et de services.

C'est pourquoi, la Commission soulève deux séries d'interrogations. La première a trait à l'opportunité d'une initiative législative communautaire, destinée à encadrer la procédure de passation de concessions. Une telle initiative permettrait de porter remède à l'absence de concurrence effective, critiquée par certains.

La seconde interrogation porte sur le point de savoir si, dans le cadre de cette nouvelle législation, il ne conviendrait pas de viser tous les PPP de type contractuel, qu'ils soient qualifiés de marchés publics ou de concessions. En effet, la Commission fait valoir que, dans le contexte des procédures d'infractions déjà instruites, il est malaisé de déterminer dès l'origine si le contrat est un marché public ou une concession.

b) La phase postérieure à la sélection du partenaire privé

L'une des questions abordées par la Commission porte sur la pertinence d'une initiative communautaire, dont l'objet serait de clarifier ou d'aménager les règles relatives à la sous-traitance.

Elle fait, en effet, observer que ces dernières soulèvent parfois des incertitudes ou interrogations dans le cadre des montages de PPP, en particulier sur la portée des obligations incombant à la société de projet.

A cet égard, la Commission rappelle que lorsque la société de projet a elle-même la qualité d'organisme adjudicateur, elle doit passer ses marchés ou ses contrats de concession dans le cadre d'une mise en concurrence, que ceux-ci soient ou non conclus avec ses propres actionnaires.

En revanche, lorsque la société de projet n'est pas un organisme adjudicateur, elle est, en principe, libre de contracter avec les tiers, que ces derniers soient, ou non, ses propres actionnaires.

B. Les PPP de type institutionnalisé

Pour la Commission, il s'agit, au sens du présent Livre vert, de PPP qui impliquent la mise en place d'une entité détenue conjointement par le partenaire public et le partenaire privé. Cette entité a pour mission de veiller à la livraison d'un ouvrage ou d'un service au bénéfice du public, comme par exemple les services publics locaux qui gèrent l'approvisionnement en eau ou la collecte des déchets.

Tout en estimant que la création d'une entité, dont le capital est mixte, n'est pas en elle-même visée par le droit des marchés publics et des concessions, la Commission rappelle que cette réglementation n'en est pas moins applicable lors de la sélection du partenaire privé, conformément à l'arrêt Teckal ( 2). Dans cette affaire, la Cour de Justice a confirmé que ce droit s'appliquait lorsqu'un organisme adjudicateur décide de confier une tâche à un tiers, c'est-à-dire une personne juridiquement distincte. Il ne peut en aller autrement que dans l'hypothèse où, à la fois, l'organisme adjudicateur exerce sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services et où cette personne réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent. Seules les entités qui répondent de manière cumulative à ces deux conditions pourront se voir confier des tâches en dehors d'une procédure concurrentielle.

En second lieu, la Commission évoque le cas d'une prise de contrôle d'une entité publique par un opérateur privé , laquelle se traduit par une modification de l'actionnariat d'une entité publique.

La Commission souligne qu'une telle opération relève de la compétence exclusive des Etats membres.

Pour autant, elle rappelle que les dispositions de l'article 43 du Traité relatives à la liberté d'établissement doivent s'appliquer lorsqu'une autorité publique décide de céder à un tiers une participation lui permettant d'exercer une influence certaine sur une entité publique effectuant des prestations économiques qui relèvent normalement de la responsabilité de l'Etat.

Cela étant, l'une des préoccupations de la Commission est de savoir si, là encore, une initiative communautaire ne serait pas également nécessaire, en vue de clarifier ou de préciser les obligations des organismes adjudicateurs quant aux conditions dans lesquelles doivent être mis en concurrence les opérateurs intéressés par un projet de type institutionnalisé.

II.- LES REACTIONS AU LIVRE VERT

1. En France

A. La position des autorités françaises

Cette position s'appuie sur deux séries de considérations :

a) L'action communautaire doit prioritairement s'employer à clarifier la notion de PPP

Les autorités françaises soulignent l'importance cruciale qu'elles attachent à ce que la réglementation communautaire tienne pleinement compte de la diversité essentielle des cas de figure que recouvrent ces partenariats. En particulier, elles estiment que la mise en place d'un cadre juridique général et uniforme pour l'ensemble des PPP contractuels, toutes catégories confondues (PPP contractuel/marché public, PPP contractuel/concession) apparaît difficile et serait en toute hypothèse inopportune dans la mesure où ces différentes catégories de PPP obéissent chacune à des finalités propres qu'il importe de préserver.

b) L'hostilité à une réglementation nouvelle et autonome des PPP

Les autorités françaises rappellent qu'il existe déjà un cadre législatif en France : qu'il s'agisse de la loi du 29 janvier 1993 - dite loi Sapin - ou encore des divers textes intervenus depuis 2002, dont le dernier en date est l'ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, laquelle a transposé la notion de dialogue compétitif dans le code des marchés publics.

C'est pourquoi, les autorités françaises ne sont pas favorables à ce que la Commission refonde ou même modifie les textes en vigueur. Seules des lignes directrices sur la façon dont les PPP pourraient être appliqués suffiraient.

(1) S'agissant des PPP prenant la forme d'un marché public

Les autorités françaises constatent que si l'attribution des marchés publics ne peut s'opérer qu'à titre exceptionnel dans le cadre d'une procédure négociée, la directive 2004/18 du 31 mars 2004 a toutefois ouvert la possibilité d'instaurer la procédure de " dialogue compétitif " avec les candidats pour définir les conditions des marchés particulièrement complexes.

Or, tout en estimant que le dialogue compétitif est parfaitement adapté - sous certaines réserves - à la passation de ceux des PPP qui sont des marchés publics au sens communautaire, les autorités françaises jugent néanmoins prématuré de se prononcer sur l'adaptation de cette procédure aux projets de PPP du fait d'un retour d'expérience quasi inexistant.

Cette position est d'autant plus fondée que la directive 2004/18 a été adoptée il y a seulement quelques mois et qu'à ce jour, aucun Etat membre n'a transposé la directive.

(2) S'agissant des PPP prenant la forme d'une concession

La France juge ni possible, ni souhaitable de traiter en bloc les partenariats contractuels en appliquant un régime quasi uniforme, fondé sur le dialogue compétitif, aux partenariats constitués en la forme de marchés publics et à ceux qui revêtent la forme de concession. A cet égard, les autorités françaises font notamment valoir que la concession participe de l'exercice direct des responsabilités de l'Etat et qu'il importe, à ce titre, de préserver la possibilité, pour la puissance publique, de négocier. Dès lors, il conviendrait de réserver la procédure du dialogue compétitif aux seuls cas pour lesquels elle a été conçue, c'est-à-dire ceux où la personne publique estime nécessaire le concours de partenaires privés pour définir avec elle les solutions appropriées à ses besoins.

Quant à la nécessité d'envisager une initiative communautaire, elle ne devrait se limiter qu'aux concessions de services, en raison de l'insuffisance des règles applicables. Ce sont précisément ces lacunes qui avaient conduit les autorités françaises à demander - toutefois sans succès - que des principes soient définis en la matière, lors de la discussion du " paquet marchés publics ".

(3) S'agissant de la question de la sous-traitance

Pour les autorités françaises, cette question met en cause des relations de nature purement privée et commerciale, qui ne donnent a priori pas lieu à un besoin d'encadrement autre que celui apporté par les règles de droit commun.

B. Les autres réactions

Parmi celles-ci, on relèvera celle - commune - de l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF) et de la Fédération nationale des sociétés d'économie mixte (Fédération des Sem).

En préambule, l'Association et la Fédération contestent l'appréciation de la Commission sur les mutations qui ont affecté le rôle de l'Etat. En France, pays de décentralisation très récente et à ce jour inachevée, les collectivités locales et leurs élus restent très attachés à un suivi efficace et très étroit de leurs nouvelles compétences, ce qui les conduit fréquemment à opter pour la gestion directe, via des régies( 3) ou des entreprises qu'ils contrôlent.

Cela étant, l'AMGVF et la Fédération des Sem se félicitent de la reconnaissance, pour la première fois, au niveau européen, de l'existence d'un PPP institutionnel qui, en France, prend la forme de la société d'économie mixte.

Mais, dans l'hypothèse où interviendrait une initiative communautaire, celle-ci devrait, dans un souci de clarté et de sécurité, notamment garantir la liberté pour chaque Etat membre de préciser les modalités de désignation des représentants des collectivités locales actionnaires dans les instances dirigeantes des sociétés d'économie mixte.

S'agissant de la distinction entre le PPP contractuel et le PPP institutionnalisé, l'AMGVF la juge pleinement justifiée, car ils se rapportent à des modes de partenariat tout à fait différents.

Enfin, pour ce qui est des concessions, une nouvelle législation européenne n'est pas nécessaire, compte tenu du fait qu'un tel cadre juridique existe déjà aux plans communautaires et français.

2. Dans les autres Etats membres

Le rapporteur se limitera ici à la réponse du Gouvernement allemand, dont il a pu prendre connaissance.

On remarquera les points suivants :

- Les autorités allemandes contestent l'idée d'étendre le droit des marchés publics aux PPP, car ces derniers sont non pas des marchés publics, mais des formes d'organisation des tâches de l'Etat. Par conséquent, constitue une décision de nature politique ne relevant pas du droit des marchés publics, le point de savoir si et dans quelle mesure l'Etat décide dans certains domaines de renoncer à son rôle de prestataire de services, en concluant un partenariat avec le secteur privé, étant précisé qu'il n'existe actuellement aucune législation régissant le PPP en Allemagne.

- Le Gouvernement fédéral est opposé, au nom du principe de subsidiarité, à une législation communautaire en matière de concessions. Il n'est pas convaincu qu'une telle initiative puisse contribuer à améliorer et à renforcer le fonctionnement du marché intérieur, faisant observer que les directives actuelles n'ont pas favorisé le développement des appels d'offres internationaux. Dès lors, pour le Gouvernement fédéral, les insuffisances révélées par l'application de la réglementation actuellement en vigueur, ne sauraient justifier l'intervention d'une nouvelle législation, dont on peut craindre qu'elle ne soit un facteur supplémentaire de complexité.

- Le Gouvernement fédéral n'est pas non plus favorable à une réglementation sur le PPP institutionnalisé, estimant que des recommandations pourraient suffire.

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* *

Bien que le Livre vert ne soit qu'un document de consultation, les questions qu'il aborde soulèvent néanmoins des enjeux considérables - de nature politique et économique - qui ne sauraient être négligés.

Il importe en effet pour la France de préserver les aspects positifs de sa législation, tout en exploitant les innovations que recèle la notion de PPP, afin de mieux affronter la concurrence internationale. Ainsi, est-il nécessaire de préserver la notion d'évolutivité des contrats sur laquelle repose la délégation de service public (DSP)( 4), facilité que n'offre pas le droit anglo-saxon, qui privilégie plutôt les clauses contractuelles fixes. Les représentants des départements ministériels rencontrés par le rapporteur lui ont indiqué qu'il y avait là un enjeu juridique majeur.

Mais ces mêmes départements ministériels font aussi observer que la formule du PPP pouvait être utile là où les compétences de la puissance publique seraient limitées. C'est pourquoi, le décret du 19 octobre 2004 portant création de la mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat prévoit la mise en place d'un " organisme expert ". Rattaché au ministre de l'économie et des finances, il a notamment pour mission de fournir aux personnes publiques qui le demandent (dont les collectivités territoriales) un appui dans la préparation, la négociation et le suivi des contrats de partenariat.

Après la présentation de ce document par M. Edouard Landrain, rapporteur, la Délégation en a pris acte lors de sa réunion du 25 novembre 2004.

(1) A cet égard, la Cour a indiqué dans son arrêt Telaustria que l'"obligation de transparence, qui incombe au pouvoir adjudicateur, consiste à garantir, en faveur de tout soumissionnaire potentiel, un degré de publicité adéquat permettant une ouverture du marché des services à la concurrence, ainsi que le contrôle de l'impartialité des procédures d'adjudication ", Affaire C-324/98.
(2) Affaire C-107/98, arrêt du 18 novembre 1995.
(3) La régie reste l'outil privilégié dans certains secteurs, comme l'eau et l'assainissement.
(4) Dans le cadre de la DSP, les relations contractuelles peuvent être revues sans mise en concurrence.