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Document E2600
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Livre blanc sur les services d'intérêt général.


E2600 déposé le 2 juin 2004 distribué le 5 juillet 2004 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2004) 0374 final du 12 mai 2004, transmis au Conseil de l'Union européenne le 14 mai 2004)

  • Travaux en Délégation

    Ce document a été examiné au cours de la réunion du 21 décembre 2004

  • Adoption par les instances communautaires

    Ce document n'a pas encore été adopté définitivement par les instances de l'Union européenne.

Procédure :

Document de la Commission tirant les conclusions du débat engagé après la publication d'un Livre vert le 21 mai 2003.

Contenu et portée :

Si le traité instituant la Communauté européenne reconnaît le rôle des services d'intérêt économique général dans l'Union, il les conçoit comme une dérogation au droit de la concurrence, principe directeur de la construction européenne.

La Commission reconnaît que les services d'intérêt général constituent une " composante essentielle du modèle européen ", mais elle a préféré développer, jusqu'à présent, une approche sectorielle concernant surtout les grandes industries de réseau (télécommunications, services postaux, transports, énergie ...).

Pourtant, depuis plusieurs années, certains Etats membres réclament l'adoption d'un " cadre horizontal ", auquel la Commission européenne semble réticente. Le récent Livre blanc confirme cette stratégie constante.

1) Un document s'inscrivant dans un débat engagé depuis 2001

A l'initiative de la France, et notamment de son mémorandum sur les services d'intérêt économique général du 22 juillet 2001, les conclusions du Conseil européen de Laeken de décembre 2001 ont souligné la nécessité d'élaborer un cadre communautaire pour le financement (au regard notamment des règles en matière d'aides d'Etat) et l'évaluation des services d'intérêt économique général.

Le Conseil européen de Barcelone des 15 et 16 mars 2002 a invité la Commission européenne à poursuivre l'examen de la possibilité de consolider dans une directive-cadre les principes relatifs aux services d'intérêt économique général.

La Commission a publié le 4 décembre 2002 une communication sur l'état des travaux relatifs à l'examen d'une directive-cadre.

Le Conseil européen de Séville des 21 et 22 juin 2002 a pris acte de la communication de la Commission sur une méthodologie d'évaluation dans le contexte des services d'intérêt économique général et a invité la Commission à faire un rapport au Conseil européen de Copenhague sur l'état des travaux concernant les lignes directrices pour les aides d'Etat et, le cas échéant, à adopter un règlement d'exemption par catégories dans ce domaine.

La Commission a publié le 27 novembre 2002 un rapport sur les lignes directrices relatives aux aides d'Etat liées aux services d'intérêt économique général.

Puis, la Commission a publié le 21 mai 2003 un Livre vert dressant l'inventaire des 30 questions nécessaires au débat relatif à la définition d'un cadre général sur les services d'intérêt général.

Dans son rapport d'information du 9 juillet 2003, destiné à répondre à la consultation engagée par la Commission, la Délégation observait que cette initiative pouvait être perçue comme une manœuvre dilatoire supplémentaire, mais que néanmoins la publication d'un Livre vert, sur un sujet qui n'avait donné lieu jusqu'alors qu'à de simples communications de la Commission, constituait une avancée significative.

Après avoir pris connaissance des diverses réponses à son questionnaire, la Commission a tout d'abord publié, en mars 2004, un document de travail ayant pour seule finalité de rendre compte de la consultation publique (document SEC [04] 320), sans tirer de conclusions politiques.

Ces conclusions figurent dans le présent Livre blanc.

2) Une consultation publique ayant suscité un intérêt réel

Bien que le délai accordé pour répondre au questionnaire de la Commission ait été fort bref et englobant la période estivale, la Commission a reçu 281 contributions.

Parmi ces dernières figure bien entendu le rapport d'information (n° 2010), présenté devant notre Délégation le 9 juillet 2004 et accompagné de conclusions. Il convient de souligner que ce document constitue la seule contribution d'un organe parlementaire national.

Pour le reste, les réponses proviennent surtout de Belgique, France, Allemagne et Autriche (ces pays ayant fait parvenir 211 réponses au total), mais la forte contribution de la Belgique doit être relativisée puisqu'elle englobe les réponses fournies par les organisations européennes ayant leur siège dans ce pays.

Dans de nombreux Etats membres, la consultation n'a rencontré qu'un faible écho (6 contributions pour l'Espagne, 4 pour les Pays-Bas et pour la Suède, 2 pour le Portugal, 1 pour le Danemark ou la Grèce, par exemple).

S'agissant de notre pays, on peut signaler, outre la contribution du Gouvernement, les nombreuses réponses transmises par les entreprises relevant du secteur public ou du secteur privé, les associations représentant les collectivités locales et les fédérations syndicales. On aura garde d'oublier la contribution personnelle transmise par notre collègue Jacques Myard.

3) Des conclusions de la Commission conformes aux préférences qu'elle avait laissé paraître dans le Livre vert

Même si le Livre vert ne visait pas à apporter des réponses aux questions soulevées, certaines préférences de la Commission se dessinaient en filigrane et on les retrouve dans les conclusions de ce Livre blanc.

La Commission estime, en premier lieu, que la consultation a révélé un large consensus quant à la nécessité d'assurer la fourniture de services d'intérêt général de qualité et abordables à tous les citoyens et entreprises de l'Union européenne. Cet objectif serait compatible avec un marché intérieur ouvert et concurrentiel.

La consultation aurait également confirmé l'existence d'une conception commune des services d'intérêt général, se fondant sur un ensemble d'éléments, dont le service universel, la continuité, la qualité du service, l'accessibilité financière, ainsi que la protection des usagers et des consommateurs.

La Commission réaffirme, ensuite, que ce domaine constitue une responsabilité partagée entre l'Union et les Etats membres et qu'il n'est pas nécessaire de conférer des pouvoirs supplémentaires à la Communauté. Dès lors, il appartiendrait essentiellement aux autorités compétentes sur le plan national, régional et local de définir, organiser, financer et contrôler les services d'intérêt général.

Surtout, il apparaît que la Commission estime que son approche est confortée par les résultats du débat consacré au Livre vert. Elle a donc l'intention de continuer à présenter, en tant que de besoin, des propositions de réglementation sectorielle.

4) Une volonté constante de repousser les échéances

La Commission renvoie à plus tard l'adoption de décisions.

a) L'adoption d'une directive-cadre ne pourrait être envisagée qu'une fois le traité constitutionnel en vigueur

Selon la Commission, les avis exprimés sur la question principale du Livre vert, à savoir la nécessité d'une directive-cadre relative aux services d'intérêt général, sont restés partagés. Elle considère donc qu'il est douteux que cette voie soit la meilleure à suivre à ce stade, d'autant que la consultation n'aurait pas démontré la valeur ajoutée d'un cadre horizontal.

Elle s'engage néanmoins à réexaminer " la faisabilité et la nécessité " d'une loi-cadre lors de l'entrée en vigueur du traité constitutionnel. Elle reconnaît, en effet, que le nouvel article III-122 dudit traité apporte une base juridique supplémentaire à l'action communautaire portant sur les services d'intérêt économique général, en disposant :

" Sans préjudice des articles I-5, III-166, III-167 et III-328, et eu égard à la place qu'occupent les services d'intérêt général en tant que services auxquels tous dans l'Union attribuent une valeur ainsi qu'un rôle qu'ils jouent dans la promotion de sa cohésion sociale et territoriale, l'Union et les Etats membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d'application de la Constitution, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiques et financières, qui leur permettent d'accomplir leurs missions. La loi européenne établit ces principes et fixe ces conditions, sans préjudice de la compétence qu'ont les Etats membres, dans le respect de la Constitution, de fournir, de faire exécuter et de financer ces services "( 1).

Avant cette échéance, la Commission s'engage à présenter, avant fin 2005, un nouveau rapport sur la situation des services d'intérêt général dans l'Union européenne et sur l'éventuelle nécessité de mesures horizontales.

b) L'adoption d'un nouveau cadre juridique concernant les aides d'Etat n'interviendra pas avant mi-2005

La consultation a confirmé l'existence d'une demande de renforcement de la sécurité juridique et de la prévisibilité en ce qui concerne l'application des règles en matière d'aides d'Etat à la compensation pour service public, en particulier s'agissant des services locaux.

La Commission annonce un dispositif seulement pour juillet 2005, tout en précisant les quatre axes de sa future intervention :

- adoption d'une décision considérant comme compatible avec le marché commun (et dès lors n'ayant pas à être notifiée à Bruxelles) toute aide publique d'un montant limité( 2) accordée à une entreprise en charge de services d'intérêt économique général. S'agissant des hôpitaux et du domaine du logement social, il semblerait que la Commission ne souhaite pas plafonner le montant des aides susceptibles d'être attribuées au titre de la compensation pour service public ;

- adoption d'un cadre communautaire pour les compensations dépassant les plafonds précités et exigeant donc une notification de l'aide à la Commission ;

- modification de la directive 80/723/CEE relative à la transparence des relations financières entre les Etats membres et les entreprises publiques, afin de préciser que ce texte s'applique aux compensations pour service public, quelle que soit la qualification juridique de celles-ci (c'est-à-dire qu'elles soient assujetties à notification à la Commission ou pas) ;

- clarification des conditions dans lesquelles une compensation peut constituer une aide d'Etat, compte tenu de la jurisprudence récente de la Cour de Justice des Communautés européennes (en particulier, l'arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans , affaire C-280/00)( 3). Ces éclaircissements porteront également sur la distinction entre les activités économiques et non économiques (ces dernières n'étant pas soumises aux règles relatives au marché intérieur, à la concurrence et aux aides d'Etat). A cet égard, la Commission estime qu'il serait utile de reconnaître les particularités des services sociaux et de santé d'intérêt général et de clarifier le cadre dans lequel ils fonctionnent. Cette dernière approche devrait être présentée dans une communication sur les services sociaux d'intérêt général prévue dans le courant de l'année 2005.

c) La révision des mécanismes d'évaluation des services d'intérêt général n'interviendra qu'en 2006

Comme l'a noté la Commission dans son document de travail préalable à la publication du Livre blanc, certains commentaires reçus au titre de la consultation ont souligné que la présentation par le Livre vert des résultats de la libéralisation des industries de réseau était trop positive et qu'elle ne témoignait pas suffisamment des problèmes posés par l'ouverture des marchés.

La Commission reconnaît que l'évaluation devrait être multidimensionnelle et porter sur tous les aspects juridiques, économiques, sociaux et environnementaux pertinents. Elle devrait également tenir compte des particularités du secteur évalué et des situations propres aux différents Etats et à leurs régions.

Elle s'engage donc à étudier les moyens de modifier les méthodes et procédures actuelles, ce qui pourrait conduire à mieux évaluer les incidences de la libéralisation sur les citoyens, les entreprises et les salariés.

Toutefois, la Commission ne devrait procéder à une révision de ses mécanismes d'évaluation qu'en 2006. Son premier rapport d'évaluation horizontale, attendu pour les prochains mois, sera donc entièrement fondé sur la méthodologie présentée dans une note de 2002 (COM [02] 331 final du 18 juin 2002).

Commentaire :

A la suite de la publication du Livre blanc, le gouvernement français a rappelé son attachement à l'adoption d'une loi cadre sur les services d'intérêt général. Il faut constater néanmoins que peu d'Etats membres soutiennent cette position.

1) La réaffirmation par la France de la nécessité d'une loi cadre

Le gouvernement français s'est déclaré satisfait par la " tonalité positive " du Livre blanc, tout en observant que ce document transmettait à la prochaine Commission l'ensemble des actions envisagées.

Il a considéré que les textes destinés à assurer la sécurité juridique du financement des services d'intérêt économique général devraient être adoptés selon un calendrier plus rapproché.

Il a également indiqué qu'il serait vigilant sur le contenu de la communication sur les services sociaux et de santé.

Enfin, rappelant que la France demeure favorable à l'adoption d'un instrument général sur les services d'intérêt général, le gouvernement s'est félicité que le traité instituant une Constitution européenne attribue à l'Union européenne une base juridique positive, permettant au Parlement européen et au Conseil d'adopter des lois relatives aux services d'intérêt général.

2) Une position assez peu partagée par nos partenaires

A l'initiative de la France et de la Belgique, un séminaire informel s'est tenu à Paris le 21 novembre 2003. Cette réunion a permis de constater la réticence d'une grande majorité des autres Etats membres sur l'opportunité d'une directive-cadre (en particulier de la part du Royaume-Uni, de l'Espagne, du Danemark, des Pays-Bas, de la Hongrie et de la Suède).

Il convient de souligner, cependant, qu'en utilisant le présent de l'indicatif pour prévoir que la loi européenne " établit " et " fixe " les principes et conditions permettant aux services d'intérêt général d'accomplir leurs missions, l'article III-122 du traité constitutionnel semble en faire une prescription impérative, qui obligera la Commission à utiliser son monopole d'initiative pour présenter une proposition de loi européenne. On peut même penser qu'un recours en carence devant la Cour de justice des Communautés européennes serait peut-être fondé si la Commission s'abstenait de présenter une telle proposition.

Conclusion :

Après la présentation de ce document par M. Christian Philip, rapporteur, au cours de la réunion de la Délégation du 21 décembre 2004, celle-ci a pris acte du document après que M. Jacques Floch eut souhaité savoir si le Parlement européen avait pris position sur les conclusions du Livre blanc.

(1) On remarque que le texte cité par la Commission dans le Livre blanc - publié le 12 mai 2004 - n'est pas exactement celui figurant dans le traité constitutionnel approuvé le 15 juin 2004.
(2) La direction générale de la concurrence avait proposé, dans un premier temps, de fixer ce seuil à 15 millions d'euros et de ne prendre en compte que les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à 40 millions d'euros. Toutefois, le plus récent document émanant de cette direction - en date du 27 février 2004 - ne fixe plus de seuils précis et souhaite développer la concertation avec les Etats membres sur ce point. Les autorités françaises ont manifesté leur préférence pour un seuil fixé à 50 millions d'euros, ce qui correspond au seuil de chiffre d'affaires retenu par la Commission dans sa nouvelle définition des PME.
(3) Dans cet arrêt, la CJCE a estimé qu'une subvention destinée à compenser une obligation de service public ne constituait pas une aide d'Etat, assujettie à une autorisation préalable des services européens de la concurrence. La décision précise que quatre conditions doivent être remplies pour qu'une subvention échappe à la qualification d'aide d'Etat. L'entreprise bénéficiaire doit " effectivement être chargée de l'exécution d'obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies ". En outre, " les paramètres sur la base desquels sera calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente ". La compensation ne saurait par ailleurs " dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public en tenant compte des recettes qui y sont liées ainsi que d'un bénéfice raisonnable ". Enfin, quand la sélection des entreprises " se fait en dehors du cadre de procédure de marché public, le niveau de compensation doit être déterminé en comparaison avec une analyse des coûts " qu'une autre entreprise aurait à supporter.