Logo du site de l'Assemblée nationale

Document E2732
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de décision du Conseil relative à l'échange d'informations extraites du casier judiciaire.


E2732 déposé le 26 octobre 2004 distribué le 3 novembre 2004 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2004) 0664 final du 13 octobre 2004, transmis au Conseil de l'Union européenne le 13 octobre 2004)

Base juridique :

Articles 31 et 34 § 2 du traité sur l'Union européenne.

Procédure :

- Unanimité au sein du Conseil ;

- consultation du Parlement européen.

Avis du Conseil d'Etat :

Si la proposition de décision du Conseil relative à l'échange d'informations extraites du casier judiciaire a seulement pour ambition, selon l'exposé des motifs, d'apporter des améliorations pratiques au système actuel, elle prévoit aussi de compléter les stipulations de la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale et, dans une certaine mesure, de modifier les obligations qui découlent pour la France de cette convention dont la ratification a été autorisée par la loi n° 66-1041 du 30 décembre 1966. Il s'ensuit que la présente proposition de décision doit être regardée comme relevant de la compétence du législateur et doit, par suite, être transmise au Parlement en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Fiche d'évaluation d'impact :

La fiche d'impact, très complète, souligne que cette proposition n'emporte aucune modification du cadre juridique existant. Elle précise également que la France répond déjà aux demandes ponctuelles d'informations dans des délais relativement courts, et qu'elle opère les communications systématiques prévues à l'article 22 de la convention de 1959 ( cf. infra ) selon une périodicité déjà très inférieure à celle prévue par la convention (environ tous les trois mois).

Appréciation au regard du principe de subsidiarité

Ce texte est conforme au principe de subsidiarité.

Contenu et portée :

1. Une première étape vers la mise en réseau des casiers judiciaires nationaux

Cette proposition de décision a pour objectif d'améliorer et d'accélérer, à droit constant, le fonctionnement des mécanismes existants pour l'échange des antécédents judiciaires entre Etats membres. Elle est une conséquence directe de l'affaire Fourniret, qui a mis en évidence de graves dysfonctionnements dans l'échange des informations entre les casiers judiciaires des Etats membres (M. Fourniret avait pu devenir surveillant de cantine scolaire en Belgique en 2002, les autorités belges ignorant sa condamnation pour viols sur mineurs en 1987 en France)( 1).

Ce texte représente une première étape, dans l'attente de la mise en place d'un système informatisé d'échanges d'informations (c'est-à-dire d'une mise en réseau des casiers judiciaires nationaux) qui, en raison des difficultés prévisibles, ne devrait pas être opérationnel avant plusieurs années. La France, l'Allemagne et l'Espagne, rejointes par la Belgique, travaillent cependant déjà ensemble depuis 2003 en vue d'une interconnexion de leurs casiers judiciaires nationaux (d'autres pays limitrophes pourraient les rejoindre prochainement) et espèrent parvenir à un résultat opérationnel au premier semestre 2005.

La proposition constitue la première d'une série d'initiatives, dont le dépôt a été annoncé par la Commission européenne dans un Livre blanc publié en janvier 2005( 2), conformément au programme de mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle et aux conclusions du Conseil européen des 25 et 26 mars 2004 (dans lesquelles le Conseil européen, après les attentats de Madrid, appelle à la création d'un " registre européen recensant les condamnations et les interdictions "). Cette initiative devrait ainsi être suivie par :

- une proposition de décision relative à la mise en place d'un mécanisme européen informatisé d'échange d'informations sur les condamnations (que la Commission présentera au printemps 2005) ;

- l'élaboration d'un " format européen standardisé " d'échanges permettant à l'utilisateur final d'obtenir une information compréhensible et utilisable.

La Belgique a par ailleurs déposé, en novembre 2004, une initiative proposant une décision-cadre relative à la reconnaissance et à l'exécution dans l'Union européenne des interdictions résultant des condamnations pour infractions sexuelles commises à l'égard des enfants.

2. Une amélioration du mécanisme existant d'échanges d'information entre les casiers judiciaires nationaux

a) Les dysfonctionnements du système actuel

Actuellement, la communication d'antécédents judiciaires entre les Etats membres repose principalement sur la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 (conclue dans le cadre du Conseil de l'Europe), qui prévoit deux types d'échanges d'avis de condamnation :

- d'une part, chaque Etat donne avis aux autres Etats, au moins une fois par an, des condamnations pénales prononcées sur son territoire à l'encontre de leurs ressortissants (article 22), ce qui permet à ces derniers d'enregistrer les condamnations dans leurs propres casiers judiciaires, sous réserve de la compatibilité de celles-ci avec leurs propres concepts juridiques (équivalence d'une infraction, etc .) ;

- d'autre part, tout Etat requis communique, sur demande de l'Etat requérant, " pour les besoins d'une enquête pénale ", les extraits de casier judiciaire concernant toute personne dénommée (article 13). Dans les autres cas (demande d'avis de condamnation hors le cas d'une procédure pénale, notamment au profit d'une d'autorités administratives ou de particuliers - y compris la personne concernée), il est donné suite à la demande dans les conditions prévues par la législation, les règlements ou la pratique de l'Etat requis.

En pratique, ces échanges d'informations fonctionnent de manière imparfaite en raison, notamment, de la diversité des législations applicables quant au contenu des informations recensées, aux conditions de conservation des données et aux conditions d'accès, et de leur lenteur.

b) L'amélioration proposée

Outre la désignation d'autorités centrales compétentes pour les échanges, le projet de décision prévoit :

- l'accélération de la périodicité des échanges systématiques entre les casiers nationaux : au lieu d'au moins une fois par an, les condamnations pénales prononcées à l'encontre de ressortissants d'un autre Etat membre devraient être transmises " sans délai ", dès réception des informations par l'autorité centrale de l'Etat de condamnation ;

- l'instauration d'une obligation de répondre aux demandes ponctuelles d'extraits de condamnation dans un délai de cinq jours (alors qu'il n'existe actuellement aucun délai) ;

- l'utilisation de formulaires uniformisés de communication entre casiers judiciaires, pour la présentation des demandes (formulaire A) que pour la communication des réponses (formulaire B), afin d'alléger le travail de traduction.

La proposition comporte également un mécanisme de protection des données, reposant principalement sur la mise en œuvre d'un principe de spécialité (limitant les possibilités d'utilisation des informations communiquées en dehors du cadre des procédures pénales). Elle prévoit que les Etats membres renoncent à invoquer, dans leurs relations, les réserves éventuelles à l'article 13 de la convention d'entraide de 1959 (la France n'est pas concernée, car elle n'a pas émis de réserve sur cet article).

Réactions suscitées :

Cette proposition a été bien accueillie par les Etats membres. Certaines délégations ont cependant souhaité porter le délai maximum de réponse aux demandes à dix jours (au lieu de cinq comme le proposait la Commission), pour des raisons pratiques.

Les Etats membres sont parvenus à un accord sur les premiers articles (art. 1er à 8) de la proposition lors du Conseil " Justice et affaires intérieures " du 2 décembre 2004, mais doivent encore déterminer quel sera le champ des informations transmises, le droit d'accès des personnes intéressées ayant un casier judiciaire, ainsi que la rédaction des formulaires. Les discussions progressent rapidement et sans difficulté majeure sur ces questions.

Les propositions formulées par la Commission dans le Livre blanc du 25 janvier dernier ont en revanche été diversement accueillies lors du Conseil informel " Justice et affaires intérieures " du 28 janvier 2005. Certaines délégations estiment que la solution retenue par la Commission (la création d'un index européen) est trop centralisée, et les quatre Etats membres (dont la France) ayant mis en place une forme de " coopération renforcée " sur ce sujet souhaitent naturellement s'assurer que ces propositions soient compatibles avec la dynamique qu'ils ont initiée.

Conclusion

Cette proposition de décision, qui permettra d'accélérer les échanges d'informations entre les casiers judiciaires nationaux et représente donc un progrès réel, a été présentée par le Président Pierre Lequiller, rapporteur, et la Délégation l'a approuvée au cours de sa réunion du 16 février 2005.

(1) Cette proposition n'empêcherait cependant pas un cas similaire, car elle ne vise que les condamnations des ressortissants d'un autre Etat membre, et non les résidents. Seuls le projet de long terme (l'interconnexion des casiers judiciaires nationaux) et l'initiative déposée par la Belgique (cf. infra) permettront d'éviter les graves dysfonctionnements constatés.
(2) Livre blanc relatif à l'échange d'informations sur les condamnations pénales et à l'effet de celles-ci dans l'Union européenne, COM (2005) 10 final, 25 janvier 2005.