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Document E2733
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Livre blanc concernant la révision du règlement (CEE) n° 4056/86 déterminant les modalités d'application des règles européennes de concurrence aux transports maritimes.


E2733 déposé le 27 octobre 2004 distribué le 3 novembre 2004 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2004) 0675 final du 13 octobre 2004, transmis au Conseil de l'Union européenne le 14 octobre 2004)

I. - Objet du Livre blanc

Dans ce Livre blanc, la Commission examine l'opportunité de maintenir, de modifier ou d'abroger les dispositions du règlement (CEE) n° 4056/86 déterminant les modalités d'application des règles de concurrence aux transports maritimes.

Par dérogation aux articles 81 et 82 du traité - relatifs aux ententes et abus de position dominante - le règlement 4056/86 autorise les transporteurs maritimes qui opèrent dans le cadre de conférences maritimes - c'est-à-dire des regroupements d'au moins deux armateurs qui coordonnent leurs services sur les lignes régulières - à fixer en commun les tarifs et à discuter des taux quelles que soient les parts du marché qu'ils détiennent. Ces pratiques bénéficient donc de ce qu'on appelle une exemption par catégorie.

Pour la Commission, la révision du règlement 4056/86 doit d'abord être remplacée dans le cadre de la stratégie d'accélération de la libéralisation - en particulier, celle des transports - décidée par le Conseil européen de Lisbonne de mars 2000. En outre, un rapport de l'OCDE d'avril 2002 a préconisé la suppression de l'exemption des règles antitrust pour la fixation des prix et les discussions sur les taux.

La Commission fait également observer que le marché des transports maritimes de ligne a changé. D'une part, les transporteurs indépendants offrant ce type de services en dehors d'une conférence maritime ont accru leurs parts de marché sur la plupart des routes à destination et en partance de l'Union européenne. D'autre part, des formes opérationnelles de coopération entre transporteurs - n'impliquant pas de fixation des prix - comme les consortium et les alliances se sont développées.

Enfin, les contrats confidentiels conclus sur une base individuelle entre transporteurs et chargeurs, comme les contrats de services individuels, ont enregistré une forte progression.

Cette évolution pose la question de savoir si l'exemption par catégorie dont bénéficient les accords de fixation des prix et de régulation des capacités conclus par les conférences maritimes reste justifiée au titre de l'article 81, paragraphe 3, du traité.

Dans la négative, la Commission s'interroge notamment sur le point de savoir s'il ne serait pas nécessaire d'adopter d'autres instruments communautaires, comme une nouvelle exemption par catégorie ou une série de lignes directrices.

II. - Les réactions au Livre blanc

1) Les autorités françaises

Dans une note adressée à la Commission, la France souligne la nécessité de procéder à une appréciation plus concrète de l'impact d'une éventuelle révision du règlement 4056/86 sur l'économie du transport maritime.

En effet, les conférences maritimes sont un élément clé du fonctionnement du transport maritime de ligne mondial. Un retrait d'exemption par catégorie serait susceptible d'entraîner une remise en cause de l'architecture de ce secteur. Il est ainsi nécessaire d'examiner avec attention les éventuelles restrictions de concurrence inhérentes aux conférences maritimes, mais également de mesurer le plus précisément possible les effets négatifs qui pourraient résulter d'une suppression ou d'un amendement significatif de l'exemption par catégorie, et notamment à titre d'exemples l'éventuel déséquilibre créé entre les continents dont certains (Amérique du nord - Etats-Unis, Asie - Japon, Chine et Océanie - Australie) continueront de bénéficier d'exemptions, ou les risques d'accroissement de la concentration du secteur au bénéfice des entreprises détenant les plus importants pouvoirs de marché. D'un point de vue juridique, il faudrait également appréhender l'impact de la suppression de l'exemption vis-à-vis de la législation de nos principaux partenaires non européens.

Les effets potentiels sur l'activité des ports européens doivent être examinés, notamment les éventuels risques de détournement de trafic, et de concentration des dessertes, ainsi que la potentialité d'un transfert modal vers la route.

Un examen plus approfondi de l'impact qu'aurait un retrait de l'exemption paraît donc nécessaire. Il conviendrait que cet examen s'appuie sur des données chiffrées, par exemple sur les évolutions des taux de fret, les niveaux de prix, sur les relations entre l'offre et la demande, sur le fonctionnement comparé du transport de ligne et du transport à la demande - qui ne bénéficient pas d'exemption.

Les scénarios alternatifs devraient être envisagés notamment la possibilité de gel de capacités, et l'exclusion du segment terrestre de la tarification conférentielle, associés à une révision périodique.

2) Les acteurs privés

L'European Liner Affairs Association (ELAA) regroupe des armateurs européens et non européens desservant l'Europe. Elle préconise la suppression de l'exemption s'agissant de la fixation des tarifs, mais elle suggère que soit maintenue une exemption permettant l'échange d'informations sur les tarifs et les conditions du marché ; elle souhaite que les armateurs puissent également publier conjointement des éléments objectifs de calcul des surcharges. Certaines des propositions de l'ELAA prônant la mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles ne peuvent qu'être écartées, en revanche d'autres suggestions méritent d'être examinées.

Les chargeurs européens se prononcent en faveur du retrait du règlement d'exemption. Toutefois, au niveau national, l'organisation professionnelle Transport et Logistique de France (TLF) accepterait un maintien de l'exemption, à condition que les obligations de consultation soient renforcées, et le recours aux surcharges encadré.

3) Le Parlement européen

La position présentée par le rapporteur de la commission transport du Parlement européen, Rodi Kratsa-Tsagaropoulou, dans son projet de rapport se rapproche de celle de l'ELAA.

Le rapporteur souligne en effet que la réalité des conférences maritimes a considérablement évolué, sous l'effet de la jurisprudence ou des évolutions réglementaires, notamment américaines. Il estime que les conférences constituent un instrument de transparence qui contribue à garantir une forme d'équilibre du marché du transport maritime.

Compte tenu de l'ancienneté du règlement, le rapporteur soutient néanmoins un réexamen de l'exemption, et préconise l'introduction d'une durée limitée à 5 ans du nouveau règlement d'exemption.

Le Parlement européen pourrait être appelé à examiner le Livre blanc en séance plénière à la fin du mois de novembre.

D'après les informations obtenues par le rapporteur, la Commission présenterait fin décembre 2005 la proposition de texte révisant le règlement 4056/86.

Dans l'immédiat, le rapporteur a invité la Délégation à prendre acte de ce Livre blanc, au cours de sa réunion du 4 octobre 2005.