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Document E2847
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de décision- cadre relative à la prise en compte des décisions de condamnation entre les Etats membres de l'Union Européenne à l'occasion d'une nouvelle procédure pénale.


E2847 déposé le 5 avril 2005 distribué le 13 avril 2005 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2005) 0091 final du 17 mars 2005, transmis au Conseil de l'Union européenne le 17 mars 2005)

Cette proposition de décision-cadre, présentée par la Commission, vise à reconnaître aux décisions de condamnations prononcées dans tout Etat membre des effets juridiques strictement équivalents à ceux des condamnations prononcées par les juridictions nationales lorsqu’une nouvelle procédure pénale, reposant sur des faits distincts, est engagée dans un nouvel Etat membre à l’encontre d’un individu déjà condamné.

Cette proposition complète ainsi les initiatives engagées en vue d’améliorer et d’accélérer les échanges d’informations entre les casiers judiciaires nationaux, afin de garantir qu’un Etat membre dispose d’informations actualisées sur les condamnations prononcées à l’encontre d’un individu dans les autres Etats membres. Ces travaux sont en cours au niveau de l’Union européenne (Livre blanc relatif à l’échange d’informations sur les condamnations pénales et à l’effet de celles-ci dans l’Union européenne ; proposition de décision-cadre du Conseil relative à l’échange d’informations extraites du casier judiciaire entre les Etats membres) ainsi qu’au niveau des Etats membres, certains d’entre eux (l’Allemagne et la France, qui ont été rejoints par l’Espagne et la Belgique) ayant mis en place une interconnexion de leurs casiers judiciaires, qui pourra être progressivement étendue à d’autres Etats.

Actuellement, le droit français (comme celui de beaucoup d’autres Etats membres) reconnaît des effets juridiques importants aux condamnations antérieures françaises, mais aucun aux condamnations étrangères, sauf en matière de récidive légale (I). La proposition de décision-cadre permettrait de corriger cette anomalie (II).

I. L’état actuel du droit français : l’absence de prise en compte des condamnations antérieures étrangères, sauf pour la récidive légale.

En France, une condamnation antérieure entraîne de nombreuses conséquences lorsque la personne fait à nouveau l’objet d’une procédure pénale dans un autre Etat membre pour des faits distincts. Cette condamnation antérieure produira notamment des effets lors de l’instruction, pour la durée de la détention provisoire, lors de phase du jugement, en ce qui concerne le prononcé de la peine pour la récidive légale et le sursis, et lors de l’exécution de la peine, notamment en ce qui concerne la libération conditionnelle, les permissions de sortie ou encore les réductions de peine.

Toutefois, en droit français, les condamnations antérieures emportant de tels effets juridiques doivent nécessairement être des condamnations prononcées par des juridictions nationales. Les condamnations étrangères, même lorsqu’elles sont inscrites au casier judiciaire français (condamnations prononcées contre des ressortissants français), n’emportent aucun effet juridique et ne peuvent être prises en compte que comme des éléments de fait.

La seule exception à cette règle concerne la récidive légale. Elle a été introduite par la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales du 12 décembre 2005, qui a inséré dans le code pénal un article 132-16-6 aux termes duquel «  les condamnations prononcées par les juridictions pénales d’un Etat membre de l’Union européenne sont prises en compte au titre de la récidive  ». Cette loi a, en quelque sorte, anticipé la proposition de décision-cadre, et est même allée au-delà puisqu’elle ne reprend aucune des exceptions qui ne figurent dans ladite proposition.

II. Une anomalie que la proposition de décision-cadre permettrait utilement de corriger.

La proposition initiale de la Commission a fait l’objet de modifications substantielles, qui ont réduit sa portée mais qui devraient permettre de parvenir à un accord sur le texte lors du Conseil « Justice et affaire intérieures » des 4 et 5 décembre prochains.

a ) La proposition initiale de la Commission

Le champ d’application de la présente proposition de décision-cadre est large : les effets juridiques reconnus aux condamnations antérieures s’appliqueraient à l’ensemble de la procédure, c’est-à-dire lors de la phase préparatoire au procès (notamment lors de l’instruction), lors de la phase du jugement et lors de l’exécution de la peine. La proposition ne se limite donc pas à permettre d’établir la récidive légale.

Le texte ne vise cependant pas à harmoniser les conséquences attachées par les différentes législations nationales à l’existence de condamnations antérieures : l’obligation de prendre en compte les condamnations antérieures prononcées dans d’autres Etats membres n’existe que dans la mesure où les condamnations nationales antérieures sont prises en compte en vertu du droit national. Ce « principe d’assimilation » permet de contourner la difficulté liée à la diversité des législations nationales sur ce point : dans certains Etats membres (comme la France), les modalités et les conditions de prise en compte des condamnations antérieures sont fixées par la loi, tandis que dans d’autres Etats (tels que le Royaume-Uni) cette prise en compte ne relève pas de la loi mais de l’office du juge.

Plusieurs motifs de refus, obligatoires ou facultatifs, de prise en compte de la condamnation intervenue dans un autre Etat membre sont prévus. Les motifs de refus obligatoires sont les suivants :

- la condamnation qui devrait être prise en compte est contraire au principe ne bis in idem (selon lequel nul ne peut être poursuivi, puni ou jugé deux fois pour les mêmes faits) ;

- les faits ayant donné lieu à la condamnation auraient pu relever de la compétence de l’Etat membre dont les autorités diligentent la nouvelle procédure à l’encontre de la personne condamnée, et ceux-ci étaient prescrits selon la législation nationale de cet Etat membre, au moment où la condamnation est intervenue dans l’autre Etat membre ;

- les faits ayant donné lieu à condamnation auraient pu relever de la compétence de l’Etat membre dont les autorités diligentent la nouvelle procédure et ceux-ci sont amnistiés selon sa législation nationale ;

- les règles d’effacement des mentions du casier judiciaire de l’Etat membre, dont les autorités diligentent la nouvelle procédure pénale, auraient conduit à l’effacement de la mention de la condamnation prononcée dans l’autre Etat membre.

Les motifs de refus facultatifs sont les suivants :

- les condamnations prononcées par un autre Etat membre concernent des faits qui ne constituent pas une infraction au regard du droit national de l’Etat membre dans lequel les nouvelles poursuites sont engagées. Ce motif ne peut toutefois pas être utilisé pour les infractions figurant dans une liste de 39 catégories dont la rédaction s’inspire de la décision-cadre du 24 février 2005 relative à la reconnaissance mutuelle des sanctions pécuniaires ;

- la prise en compte de la condamnation prononcée dans un autre Etat membre aurait, pour la personne condamnée, des effets plus défavorables que si la condamnation avait été prononcée par une juridiction de l’Etat membre dans lequel se déroule la nouvelle procédure pénale.

Enfin, l’instrument propose certaines règles relatives à l’inscription dans le casier judiciaire d’un Etat membre des condamnations prononcées dans un autre Etat membre. Cet article impose que :

- la peine inscrite corresponde à la peine prononcée, y compris si le quantum prononcé est supérieur au maximum encouru dans l’Etat membre d’inscription pour des faits de même nature ;

- l’inscription au casier judiciaire d’une condamnation prononcée dans un autre Etat membre ne doit pas aboutir, pour la personne condamnée, à une situation plus défavorable que si la condamnation avait été prononcée par l’Etat membre d’inscription ;

- l’Etat membre qui inscrit dans son casier judiciaire une condamnation qu’il n’a pas prononcée doit ensuite inscrire les mentions ultérieures qui affectent cette condamnation dans l’Etat membre où elle a été prononcée et qui ont été portées à sa connaissance, à moins que la législation nationale de l’Etat membre d’inscription soit plus favorable à la personne condamnée.

La future décision-cadre devrait remplacer les dispositions relatives à la prise en considération des jugements répressifs figurant à l’article 56 de la Convention du 28 mai 1970 sur la valeur internationale des jugements répressifs (que la France n’a pas signée).

b ) Les modifications apportées au texte par le Conseil

Certains Etats membres se sont opposés à l’inclusion des « condamnations administratives », en sus des condamnations pénales au sens strict dans le champ d’application de la décision-cadre, au motif principal que ces condamnations ne faisaient pas l’objet, dans leur droit interne, d’une inscription au casier judiciaire national. Ils ont obtenu cette exclusion et il a été convenu, à titre de compromis, que celles-ci feraient l’objet, à terme, d’un instrument séparé.

Des difficultés, de nature très techniques, sont également apparues en ce qui concerne l’application du principe d’assimilation en matière de confusion des peines et, d’une manière plus générale, lorsque ce principe conduit à faire bénéficier la personne d’une disposition favorable prévue par la législation nationale. Un des principes sur lesquels repose l’instrument est que la prise en compte d’une condamnation antérieure dans une nouvelle procédure ne doit pas affecter l’existence de cette première condamnation. Toutefois, dans certains Etats membres (Allemagne, Portugal) la prise en compte de la condamnation étrangère au titre de la confusion des peines, qui est une mesure favorable au condamné, implique de remettre en cause la valeur ou les effets juridiques de celle-ci (ainsi, dans certains Etats membres, lorsqu’il y a confusion, le juge « annule » la première condamnation et en inflige une nouvelle prenant en compte la première). De nouvelles dispositions ont été introduites pour clarifier ce point et surmonter cette difficulté (au prix d’une complexité certaine, qui pourrait compliquer la transposition de l’instrument).

L’ensemble des motifs de refus prévus par la proposition initiale a, par ailleurs, été jugé inutile dans le cadre de cet instrument et a été supprimé.

Lors de sa réunion du 22 novembre 2006, la Délégation a approuvé ce projet de décision-cadre, qui permettra de prendre utilement en compte les condamnations antérieures prononcées par des juridictions d’un autre Etat membre, en l’état des informations dont elle dispose.