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Document E2938
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Projet de position commune du Conseil concernant des mesures restrictives à l'encontre de l'Ouzbékistan.


E2938 déposé le 30 août 2005 distribué le 5 septembre 2005 (12ème législature)
   (Référence communautaire : PESC OUZBEKISTAN 2005)

Base juridique :

Article 15 du traité sur l'Union européenne.

Procédure :

- Unanimité du Conseil.

- Pas de consultation du Parlement européen.

Avis du Conseil d'Etat :

Dès lors que ce projet de position commune prévoit non seulement l'interdiction de ventes d'armes mais également l'interdiction d'opérations de courtage, il comporte des mesures qui, en droit interne, excèdent les compétences reconnues au seul pouvoir réglementaire dans le cadre des habilitations législatives existantes.

Commentaire :

Le 13 mai 2005 à Andijan, le soulèvement des habitants de la troisième ville d'Ouzbékistan, à l'est du pays, a entraîné une réaction des autorités qui a fait plus de sept cents morts selon les ONG et provoqué la fuite de cinq cents réfugiés au Kirghizstan voisin, dont la plupart ont été transférés par le Haut comité pour les réfugiés dans divers pays occidentaux via la Roumanie.

Cet événement a marqué un rapprochement entre deux tendances jusque-là distinctes dans la société : une exaspération populaire face au développement du chômage, à l'absence de libertés et à la corruption généralisée et des revendications islamistes qui gagnent en violence face à la répression et en influence en l'absence de toute représentation politique autorisée.

Jadis premier secrétaire de la section régionale du parti communiste de l'Union soviétique, le Président Islam Karimov dirige cette république turcophone d'Asie centrale depuis 1990 et a instauré depuis son accession à l'indépendance en 1991 un régime autoritaire n'autorisant ni parti d'opposition ni presse indépendante.

Ce pays de 447 000 km2 et de 25,7 millions d'habitants dispose d'un PIB de 8,9 milliards de dollars fondé sur une économie essentiellement rurale et se distingue comme le deuxième exportateur mondial de coton. La privatisation des terres reste la principale revendication du mouvement clandestin des Paysans libres parce que l'agriculture vit encore sous le régime du kolkhoze, que rien n'a été privatisé et que toute l'activité économique est aux mains du pouvoir politique.

Ces derniers mois, les autorités de Tachkent ont encore resserré leur emprise sur le pays dans la crainte d'une contamination démocratique après les révolutions intervenues en Géorgie (2003), en Ukraine (2004) et au Kirghizstan (printemps 2005), qu'elles ont condamnées comme fomentées de l'extérieur.

Les événements d'Andijan pourraient rejaillir sur la lutte d'influence à laquelle se livrent les Etats-Unis, la Russie et la Chine en Asie centrale. L'Ouzbékistan qui, comme le Kirghizstan, avait accueilli l'implantation d'une base américaine avec le soutien de la Russie au nom de la lutte contre le terrorisme après le 11 septembre 2001, a demandé aux Etats-Unis de fermer dans les six mois leur base militaire K2 à Karshi Khanabad, à proximité de la frontière avec l'Afghanistan. Le Sommet de l'Organisation de coopération de Shangaï qui regroupe la Russie, la Chine, le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizstan avait décidé, au début juillet, de fixer une date butoir au déploiement des bases américaines dans la région, considérant que la phase militaire active de l'intervention en Afghanistan arrivait à son terme. Le Président Karimov a pris cette décision dès le 30 juillet. Il est vrai que les Etats-Unis, qui avaient établi de nouveaux rapports avec le Président Karimov depuis cet accord, avaient réclamé dès le mois de mai l'ouverture d'une enquête internationale indépendante sur la répression à Andijan, comme les Nations Unies et l'Union européenne.

Dès le 25 mai 2005, le Conseil des ministres de l'Union européenne a fermement condamné le recours excessif, disproportionné et aveugle à la force par l'armée et la police et regretté que les autorités ouzbèkes n'aient pas répondu à la demande des Nations Unies de mener une enquête internationale indépendante sur ces événements.

Devant le refus persistant du Président Islam Karimov d'accepter une enquête internationale indépendante sur les massacres d'Andijan, le Conseil Relations extérieures du 18 juillet 2005 a décidé de mettre à l'étude plusieurs possibilités de sanctions.

Le projet de position commune propose d'introduire un embargo sur les exportations vers l'Ouzbékistan d'armements, d'équipements militaires et d'équipements susceptibles d'être utilisés à des fins de répression interne, pour une période initiale de six mois. Il prévoit que le Conseil réexaminera ces mesures dès que les autorités ouzbèkes auront prouvé leur volonté d'autoriser une enquête internationale indépendante sur les événements survenus à Andijan le 13 mai dernier, démontrant ainsi leur volonté d'adhérer aux principes de respects des droits de l'homme, de l'état de droit et des libertés fondamentales.

L'adoption de ce texte par le Conseil n'interviendra qu'après l'intégration des décisions prises, sous forme d'accord politique, par le Conseil " Affaires générales - Relations extérieures " du 3 octobre et concernant les sanctions suivantes :

- la suspension sine die des travaux techniques sur l'approfondissement de l'Accord de partenariat et de coopération (APC), sur le fondement de la clause démocratique de cet accord qui permet de le suspendre en tout ou partie en cas de violations des droits de l'homme ;

- l'embargo sur les armes faisant l'objet du projet de position commune ;

- l'interdiction d'octroi de visas aux personnes responsables de cette répression ;

- la réduction et la réorientation du programme Tacis en vue de soutenir davantage la société civile et le respect des droits de l'homme et de l'Etat de droit.

Ces mesures sont prises pour une durée initiale d'un an et seront adaptées en cas de changement d'attitude des autorités ouzbèkes.

Comme l'avait déclaré M. Nicolas Schmit, Président du Conseil de l'Union européenne lors du débat au Parlement européen sur la situation en Ouzbékistan le 8 juin 2005, l'Union européenne s'efforce de trouver la bonne mesure pour exercer la pression nécessaire sur l'un des régimes les plus dictatoriaux de la région en faveur de l'ouverture politique et des réformes économiques, tout en évitant de déstabiliser davantage un pays très riche en ressources naturelles et situé à l'épicentre d'une zone de très hautes tensions géopolitiques.

Conclusion :

La Délégation a approuvé cette proposition d'acte de l'Union européenne, en l'état des informations dont elle dispose, au cours de sa réunion du 4 octobre 2005.