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Document E3059
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur l'exercice des droits de vote des actionnaires de sociétés qui ont leur siège statutaire dans un Etat membre et dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé et modifiant la directive 2004/109/CE.


E3059 déposé le 16 janvier 2006 distribué le 19 janvier 2006 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2005) 0685 final du 5 janvier 2006, transmis au Conseil de l'Union européenne le 5 janvier 2006)

La Délégation est saisie d’une proposition de directive relative à l’exercice du droit de vote des actionnaires, présentée par la Commission le 10 janvier 2006.

Cette proposition vise à renforcer les droits des actionnaires des sociétés cotées dans l’Union européenne et à résoudre les problèmes liés au vote transfrontalier.

Dans ce but, elle tend à lever les principaux obstacles au vote des actionnaires, où qu’ils résident dans l’Union, tels que le blocage des actions, l’accès insuffisant – ou tardif – à l’information et les conditions restrictives qui encadrent le vote à distance. De même, elle privilégie le recours aux moyens électroniques, pour offrir, avant la tenue de l’assemblée générale, un accès plus rapide aux informations pertinentes.

Le dispositif proposé, qui concerne un marché européen dans lequel environ un tiers du capital social des sociétés cotées est détenu par des non-résidents, tient compte des réponses apportées aux deux consultations menées par la Commission auprès des opérateurs, en septembre-décembre 2004 et en mai-juillet 2005. Il s’inscrit dans le prolongement de la Communication de la Commission du 21 mai 2003, intitulée « Modernisation et renforcement du gouvernement d’entreprise », qui dégageait deux priorités dans ce domaine : l’amélioration du cadre de l’exercice du droit de vote et l’extension de ce dernier, notamment grâce au vote par procuration.

Avant d’examiner le contenu de cette proposition, on observera, avec les données recueillies par l’Autorité des marchés financiers (AMF) en 2004, que le taux de participation des actionnaires aux assemblées générales en France est, pour les votes exprimés en nombre d’actions, d’environ 47 % pour celles du CAC 40. L’AMF constate, ainsi, que la participation est, en France, proche des niveaux observés en Allemagne, avec un taux de 47 % pour les sociétés du Dax , et au Royaume-Uni, avec un taux de 57 % pour les sociétés du FTSE 250.

I. Le contenu de la proposition

Les principales dispositions de cette proposition sont les suivantes :

- le rappel, à l’article 4, du principe de l’égalité de traitement entre actionnaires pour la participation et le vote à l’assemblée générale, qui reprend le principe général énoncé à l’article 17 de la directive « transparence » de 2004, relative aux informations devant être communiquées par les émetteurs d’actions (directive 2004/109/CE du 19 décembre 2004) ;

- l’établissement d’un préavis d’au moins un mois pour la convocation des assemblées générales. Dans le même délai, toutes les informations utiles, notamment la convocation, le nombre total de droits de vote et les textes des résolutions destinées à être soumises à l’approbation de l’assemblée générale, doivent être publiées sur le site web de l’émetteur. On rappellera que le droit français prévoit un système de double convocation : un premier avis de réunion est envoyé 30 jours au moins avant la date de l’assemblée générale, suivi d’un avis de convocation, au moins 15 jours avant ;

- la consécration du droit, pour les actionnaires, agissant collectivement et individuellement, d’ajouter des points à l’ordre du jour de l’assemblée générale et de déposer des résolutions. Le pourcentage minimum du capital social exigible par les législations nationales pour l’exercice de ce droit ne pourra excéder 5 % ;

- l’interdiction de toutes les formes de « blocage », appelée aussi immobilisation, des actions avant la tenue de l’assemblée générale, qui figure à l’article 7 de la proposition. Il s’agit de la « mesure phare » du texte proposé par la Commission.

Le même article prévoit que les Etats membres seront autorisés à régir l’accès à l’assemblée générale selon le système dit de « l’enregistrement », lequel s’appuie sur la date d’inscription au registre des actionnaires, avec un délai spécifique : l’ « enregistrement » ne doit pas précéder l’assemblée générale de plus de 30 jours.

A l’appui de cette préconisation, une étude, citée par le rapport, publié en septembre 2005, du Groupe de travail sur l’amélioration du droit de vote des actionnaires en France, constitué par l’AMF, montre une assez forte corrélation entre le taux de participation et le système d’immobilisation des titres.

Le tableau ci-après en est extrait.

Pays

Immobilisation

Taux de retour de vote en nombre d’actions

Etats-Unis

NON

84,35 %

Singapour

NON

72,00 %

Hong-Kong

NON

70,00 %

Corée du Sud

NON

66,00 %

Japon

NON

60,00 %

Royaume-Uni

NON

42,00 %

Espagne

NON

29,00 %

Allemagne

OUI

27,00 %

Belgique

OUI

23,00 %

France

OUI

19,00 %

Pays-Bas

OUI

17,00 %

Source : ADP-ICS 2004 – (actionnaires résidents et non résidents).

La proposition prévoit également :

- la levée des obstacles juridiques à la participation à l’assemblée générale par le vote électronique. Toutefois, la Commission, afin de tenir compte des contraintes financières des entreprises, ne va pas jusqu’à imposer aux émetteurs l’obligation de mettre à la disposition de leurs actionnaires ces moyens électroniques;

- la consécration du droit de voter par procuration et l’affirmation du caractère exceptionnel des restrictions concernant les personnes pouvant recevoir des procurations ;

- la mise en ligne des résultats des votes de l’assemblée générale.

II. La position de la France et des autres Etats membres

Devant être adoptée selon la procédure de codécision de l’article 251 du traité instituant la Communauté européenne, la proposition de la Commission a été, dans l’ensemble, bien accueillie par les Etats membres.

Toutefois, une majorité d’entre eux a formulé des réserves sur certains articles précis du texte.

Ainsi, le délai de trente jours fixé pour la date de convocation de l’assemblée générale a été jugé, à ce stade, trop long par le Royaume-Uni, dont le droit prévoit un délai de 21 jours pour les assemblées ordinaires et de 14 jours pour les assemblées extraordinaires. Le European Scrutiny Committee de la Chambre des Communes, dans un rapport publié 2 mars 2006, fait état de la position du Gouvernement britannique sur ce sujet, selon laquelle un délai uniforme européen de 30 jours empêcherait, dans certains cas, notamment pour l’adoption de mesures préventives contre une action que des actionnaires jugent contraire aux intérêts de la société, l’exercice, en temps utile, du droit de vote.

En outre, plusieurs Etats membres, dont les Pays-bas et le Royaume-Uni, estiment que ce doivent être les sociétés qui fixent la date d’enregistrement de l’actionnariat et non les Etats membres, lesquels seraient obligés, selon la proposition, de prévoir un délai qui ne soit pas inférieur à 30 jours. La France, pour sa part, ainsi que la Suède, la Slovaquie et la Pologne, ont jugé le délai de trente jours trop long. De son côté, l’AMF, dans le rapport précité, préconise une date d’enregistrement à j-3 avant l’assemblée générale. Il semble, sur ce point précis, que la Commission, selon la Représentation permanente de la France auprès des institutions de l’Union européenne, ne serait pas hostile à une proposition consistant à raccourcir ce délai.

Enfin, la France a adopté une position globalement critique à l’égard de trois dispositions, dont elle pense qu’elles affaiblissent la qualité d’actionnaire et le lien entre celui-ci et la société.

Ces trois dispositions concernent :

- la définition de l’actionnaire, figurant à l’article 2, qui est trop large, car elle inclut les personnes détenant des actions en leur propre nom, mais aussi pour le compte d’une autre personne physique. La France est opposée à ce qu’elle considère être un affaiblissement des droits des actionnaires, par l’intervention d’intermédiaires entre l’actionnaire et l’émetteur d’actions, auxquels serait accordé le droit d’inscrire des projets de résolution à l’ordre du jour ;

- le principe, posé par l’article 10 de la proposition, selon lequel chaque actionnaire aura le droit de désigner comme mandataire toute personne physique ou morale pour participer et voter, en son nom, à l’assemblée générale. Selon la fiche d’impact simplifiée sur le document E 3059 communiquée à la Délégation, cette disposition remet en cause l’implication de l’actionnaire dans la vie de la société et la notion d’ « affectio societatis », qui est inscrite à l’article L. 225-106 du code du commerce. Cet article prévoit, en effet, qu’un actionnaire ne peut se faire représenter que par un autre actionnaire ou par son conjoint ;

- le vote des intermédiaires, lequel n’a pas suffisamment encadré par l’article 11 de la proposition. La France juge qu’il est nécessaire de prévoir que le vote sans instructions des intermédiaires soit prohibé.

Conclusion :

M. Jean-Marie Sermier, rapporteur, a présenté ce document au cours de la réunion de la Délégation du 12 avril 2006.

Après son exposé, la Délégation a approuvé la proposition de directive à condition qu’elle soit modifiée, en ce qui concerne la qualité d’actionnaire et le maintien d’un lien fort entre ce dernier et la société, dans le sens demandé par les autorités françaises.