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Document E3060
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion de l'Accord de Partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et le Royaume du Maroc.


E3060 déposé le 16 janvier 2006 distribué le 19 janvier 2006 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2005) 0692 final du 23 décembre 2005, transmis au Conseil de l'Union européenne le 23 décembre 2005)

La Communauté européenne et le Maroc ont négocié et signé, le 28 juillet 2005, un accord de partenariat relatif aux possibilités de pêche ouvertes aux pêcheurs européens dans les eaux marocaines pour une période de quatre ans renouvelable. L’accord ouvre des possibilités de pêche pour un total de 119 navires européens spécialisés dans la pêche à petite échelle et un quota de 60.000 tonnes de captures annuelles pour la pêche industrielle. Les modalités de l’accord répartissent ces possibilités de pêche entre dix des Etats de l’Union européenne, avec un rôle prédominant reconnu à la flotte espagnole.

I. / L’accord de pêche conclu avec le Maroc est concentré sur les besoins de la flotte communautaire artisanale :

La pêche communautaire dans les eaux marocaines a été régie par des accords de pêche successifs entre 1988 et 1999, mais lors de l’expiration du dernier accord aucun compromis n’a pu, pendant plusieurs années, être trouvé afin d’en conclure un nouveau. L’absence d’accord avec le Maroc a eu des conséquences négatives pour la flotte de pêche communautaire, en particulier pour les flottes espagnoles et portugaises. Des mesures d’aide à la reconversion ont été prises au niveau européen mais elles ont bénéficié de manière très inégale aux différentes catégories de navires, ce que les dispositions du nouvel accord de juillet 2005 se sont efforcées de prendre en compte. C’est pourquoi les possibilités de pêche prévues par cet accord se concentrent principalement sur les besoins et les intérêts de la flotte de pêche artisanale, qui a le plus souffert de l’absence d’accord entre 1999 et 2005.

Le nouvel accord réduit de manière très significative le nombre de navires qui auront accès aux zones de pêche marocaines, puisque, sous l’empire du précédent accord, environ 600 bateaux européens détenaient des licences. Le nouvel accord réduit aussi le nombre des espèces pour lesquelles la pêche est autorisée. Ces deux évolutions sont justifiées par l’évolution des ressources halieutiques. Elles expliquent pourquoi, par ailleurs, la contrepartie financière que l’Union européenne versera au Maroc en échange de l’exploitation de ses ressources halieutiques baisse, elle aussi, considérablement, passant de 500 millions d’euros pour la période 1995-1999 à 144 millions d’euros pour les quatre ans à venir.

Les Etats membres se prononceront sur la question de la ratification de cet accord de pêche lors du Conseil « Agriculture et Pêche » du mois d’avril 2006.

II. / La France n’est pas satisfaite de la répartition des possibilités de pêche entre les Etats concernés de l’Union européenne :

L’accord envisage une répartition des licences de pêche dictée par le principe de la stabilité relative, faisant donc la part belle à l’Espagne, principal bénéficiaire du précédent accord. Cette allocation est vivement contestée par la France, et dans une moindre mesure par l’Irlande, l’Italie et le Portugal. En effet, sur les 119 licences prévues, pas moins de 95 bénéficieraient à l’Espagne (et 10 à la France). Le problème essentiel tient moins au nombre total de licences accordées aux différents pays qu’à la répartition de ces licences entre les six catégories de bateaux retenues.

La France a présenté dans le courant des négociations, et continue de faire valoir auprès de la Commission européenne, des demandes tendant à la modification de la répartition des licences entre les différentes catégories de navires. En effet, les licences allouées à la flotte française ne correspondent pas aux caractéristiques de celle-ci :

- la France demandait quatre licences au profit de navires de la catégorie n°1 (senneurs de 80 à 100 GT) et n’en a obtenu aucune ;

- en contrepartie, la Commission a prévu que la France disposerait de dix licences pour des bateaux de catégorie n° 5 (canneurs) alors que la flotte française ne comporte que quatre bateaux de ce type ;

La France fait donc valoir que l’octroi de six licences de catégorie 5 ne correspondant nullement à ses demandes ne permet pas de considérer que les demandes françaises sont globalement satisfaites, puisqu’elle serait amenée à renoncer de facto à six licences sans obtenir en contrepartie de licences supplémentaires dans les catégories de navires qui l’intéressent directement.

Dans la mesure où ces demandes n’ont, pour l’instant, pas été prises en compte, la position du gouvernement français consiste à rejeter l’accord en l’état.

 Conclusion :

Au cours de la réunion de la Délégation du 8 mars 2006, M. Guy Lengagne, rapporteur, a tenu à rappeler que la pêche constitue l’avancée la plus forte de la construction européenne. Les Etats membres ont mis leurs eaux en commun, et ne négocient plus individuellement les accords de pêche avec un Etat tiers : c’est l’Union européenne qui conduit ces négociations au nom de ses membres. Ainsi, c’est l’Union européenne qui va verser au Maroc 36 millions d’euros pour avoir le droit de pêcher dans les eaux marocaines sur la base de l’accord signé en juillet 2005. Le problème majeur est celui de la diminution des ressources liée à leur surexploitation. Alors que plus de 600 bateaux étaient autorisés à pêcher dans les eaux marocaines en vertu du précédent accord, celui-ci réduit leur nombre à 119 du fait de l’état des ressources. Les demandes concernant les bateaux espagnols et portugais ont été globalement satisfaites, mais la répartition opérée ne répond pas aux demandes de la France. La France avait demandé 4 licences pour des palangriers de fond et n’en obtient aucune ; elle avait demandé 4 licences de pêche démersale et n’en a obtenu aucune ; en revanche, elle se voit allouer 10 licences de pêche thonière alors qu’elle ne possède que 4 bateaux de ce type. L’accord, en l’état, est donc inacceptable pour la France. M. Guy Lengagne a proposé à la Délégation d’appuyer les revendications des pêcheurs et du gouvernement français, en s’opposant au texte en l’état.

M. Jean-Claude Lefort a approuvé cette position. Il a indiqué que les accords de pêche entre l’Union européenne et les pays tiers posent un réel problème : ces pays, dans les eaux desquelles les pêcheurs européens vont prélever des ressources, vont au fur et à mesure de leur développement vouloir mieux maîtriser cette activité, ce qui est tout à fait légitime. M. Jean-Claude Lefort a exprimé le souhait que soit établie une présentation globale des accords de pêche en vigueur entre l’Union européenne et les Etats tiers.

M. Guy Lengagne a précisé que ce qui faisait l’objet d’une remise en cause n’était pas les termes de l’accord conclu avec le Maroc, mais la répartition des possibilités de pêche opérée ensuite par la Commission européenne entre les Etats de l’Union.

La Délégation a adopté les conclusions suivantes :

«  La Délégation,

- Vu l’article 88-4 de la Constitution,

- Vu la proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion de l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et le Royaume du Maroc (COM(2005)692 final),

- Considérant que, pour opérer entre les Etats membres de l’Union européenne la répartition des possibilités de pêche prévues par l’accord, il convient de tenir compte des caractéristiques des flottes de pêche nationales,

- Regrettant que la répartition proposée par la Commission européenne ne prenne pas en compte les demandes présentées par la France et fondées sur les caractéristiques de la flotte de pêche française,

S’oppose à la proposition de règlement en l’état.  »