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Document E3065
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de décision-cadre relative à l'organisation et au contenu des échanges d'informations extraites du casier judiciaire entre les Etats membres.


E3065 déposé le 19 janvier 2006 distribué le 23 janvier 2006 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2005) 0690 final du 22 décembre 2005, transmis au Conseil de l'Union européenne le 22 décembre 2005)

L’« affaire Fourniret » a mis en évidence, en 2003, de graves dysfonctionnements en matière d’échanges d’informations entre les casiers judiciaires des Etats membres. Ce Français, poursuivi notamment pour le meurtre de sept jeunes filles, avait en effet pu devenir surveillant de cantine scolaire alors qu’il avait fait l’objet en France d’une condamnation pour agression sexuelle sur mineures en 1987. Les autorités belges, ignorant cette condamnation, lui avaient délivré un certificat de bonne moralité pour occuper cet emploi.

La création d’un « casier judiciaire européen » est devenue l’une des priorités de l’Europe judiciaire depuis cette affaire.

La circulation des informations extraites du casier judiciaire est d’autant plus cruciale qu’une condamnation dans un autre Etat membre peut avoir, depuis la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales du 12 décembre 2005, des effets importants en matière de récidive légale. Cette loi a en effet inséré dans le code pénal un article 132 16-6 aux termes duquel « les condamnations prononcées par les juridictions pénales d’un Etat membre de l’Union européenne sont prises en compte au titre de la récidive ».

La diversité des systèmes nationaux d’enregistrement des condamnations rend la création de ce « casier judiciaire européen » difficile. Dans certains Etats, comme le Royaume-Uni, ces registres sont tenus par les services de police, tandis que dans d’autres, comme la France, ils relèvent du ministère de la justice. Les informations retranscrites dans les casiers judiciaires ne sont pas non plus identiques : certains contiennent toutes les condamnations, tandis que d’autres se limitent aux infractions les plus graves. Certains comportent les condamnations prononcées par les autorités administratives ou les juridictions commerciales, tandis que d’autres s’en tiennent aux seules décisions émanant des juridictions pénales. Les délais d’effacement des informations incluses dans le casier varient aussi fortement, de même que les règles déterminant l’accès au registre des condamnations.

Il s’agit donc d’un chantier de longue haleine, qui requiert de nombreuses étapes :

– la première a été franchie avec l’adoption de la décision du Conseil du 21 novembre 2005, qui a amélioré les échanges d’informations extraites du casier judiciaire dans le cadre existant (I) ;

– la Commission a engagé parallèlement une réflexion plus ambitieuse avec le dépôt d’un Livre blanc (II) ;

– cette action de l’Union européenne a été relayée, et même précédée par celle d’une « avant-garde » d’Etats membres, qui ont décidé d’interconnecter leurs casiers judiciaires nationaux (III) ;

– la proposition de décision relative à l’organisation et au contenu des échanges d’informations extraites du casier judiciaire entre les Etats membres, déposée par la Commission le 22 décembre 2005, s’inscrit dans le prolongement des travaux de cette « avant-garde » et fournit le cadre juridique nécessaire à leur extension à l’ensemble des Etats membres de l’Union (IV).

I. Une première étape a été franchie avec l’adoption de la décision du Conseil relative à l’échange d’informations extraites du casier judiciaire du 21 novembre 2005.

La Commission a déposé, le 13 octobre 2004, une proposition de décision du Conseil relative à l’échange d’informations extraites du casier judiciaire. Cette initiative, que la Délégation a examinée le 16 février 2005, est devenue la décision 2005/876/JAI du Conseil du 21 novembre 2005.

Ce texte améliore le fonctionnement de la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959. Conclue dans le cadre du Conseil de l’Europe, cette convention prévoit deux types d’échanges d’avis de condamnation :

– d’une part, chaque Etat donne avis aux autres Etats membres, au moins une fois par an, des condamnations pénales prononcées sur son territoire à l’encontre de l’un de leurs ressortissants. Cela permet à ces Etats d’enregistrer les condamnations dans leurs propres casiers judiciaires, sous réserve de la compatibilité de celles-ci avec leurs propres concepts juridiques (équivalence des infractions, etc .) ;

– d’autre part, tout Etat requis doit communiquer, sur demande de l’Etat requérant, « pour les besoins d’une enquête pénale », les extraits de casier judiciaire concernant toute personne dénommée. Dans les autres cas (demande d’avis de condamnation hors le cas d’une procédure pénale, notamment au profit d’autorités administratives ou de particuliers, y compris la personne concernée) la convention prévoit qu’il est donné suite à la demande « dans les conditions prévues par la législation, les règlements ou la pratique de la partie requise ».

En pratique, ces échanges d’informations fonctionnent de manière imparfaite en raison, notamment, de la diversité des législations applicables quant au contenu des informations recensées, aux conditions de leur conservation et d’accès, et de la lenteur du processus de transmission. Ainsi, en 2002, la France aurait adressé seulement huit demandes d’extraits de casier judiciaire à l’Allemagne pour environ 424 condamnations prononcées à l’encontre de ressortissants allemands. De plus, les informations transmises ne sont pas toujours comprises par les autorités judiciaires de l’Etat requérant, en raison notamment de difficultés de traduction et de l’hétérogénéité des systèmes juridiques.

La décision du Conseil du 21 novembre 2005 apporte plusieurs améliorations concrètes :

– des autorités centrales nationales compétentes pour les échanges sont désignées (article 1er) ;

– les échanges d’informations sont accélérés, chaque autorité centrale étant tenue de transmettre « sans délai » (au lieu d’au moins une fois par an) les condamnations pénales prononcées à l’encontre de ressortissants d’un autre Etat membre aux autorités centrales de cet Etat (article 2) ;

– une obligation de répondre aux demandes ponctuelles d’extraits de condamnation dans un délai de dix jours ouvrables maximum (porté à vingt jours lorsque la demande émane de la personne intéressée) est instituée (article 3) ;

– l’utilisation de formulaires harmonisés de communication entre casiers judiciaires, tant pour la présentation des demandes que pour la communication des réponses, permet d’alléger le travail de traduction (article 5).

Il convient de relever que ce texte ne résout pas les difficultés relatives aux condamnations des citoyens résidant dans un autre Etat membre (c’était le cas de M. Fourniret en Belgique) ou des ressortissants de pays tiers. Elle a été conçue comme une mesure d’urgence, devant être rapidement complétée par des propositions plus ambitieuses.

II. Le Livre blanc relatif à l’échange d’informations sur les condamnations pénales et à l’effet de celles-ci a engagé une réflexion plus ambitieuse.

La proposition de décision précitée ne constitue, dans la stratégie de la Commission, qu’une première mesure d’ampleur limitée et de court terme, s’inscrivant dans une série d’initiatives. La Commission a présenté sa stratégie dans un Livre blanc, déposé le 25 janvier 2005.

Les propositions formulées par la Commission dans ce Livre blanc n’ont cependant pas été bien accueillies par les Etats membres, qui ont préféré s’inspirer des solutions mises en œuvre par le groupe quadripartite regroupant l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne et la France ( cf. infra , III).

1. Les propositions de la Commission : créer un index européen des personnes condamnées et un « format européen standardisé »

Ce Livre blanc, déjà abordé par la Délégation lors de sa réunion du 16 février 2005, comporte un premier volet relatif à l’amélioration de l’échange d’informations sur les condamnations pénales. La Commission estime que trois options sont possibles sur ce point :

– la facilitation des échanges bilatéraux ;

– la mise en réseau des casiers judiciaires nationaux ;

– la création d’un véritable casier judiciaire européen.

Aucune de ces trois options ne lui paraît pleinement satisfaisante. Les deux premières présentent l’avantage d’éviter toute duplication, mais impliquent, pour disposer d’une information exhaustive, d’interroger systématiquement les casiers judiciaires nationaux des 26 autres Etats membres.

La troisième option, c’est-à-dire la création d’un véritable casier judiciaire européen, entraîne une duplication au niveau européen de l’ensemble des informations contenues dans les casiers judiciaires nationaux. Elle exige la mise en place d’un système ad hoc de maintenance, d’accès, ainsi que la définition d’un régime juridique pour ces informations. Cette option est donc très lourde et se heurterait à des difficultés importantes, liées notamment à la diversité des cultures juridiques des Etats membres.

C’est pourquoi la Commission préconise de recourir à une solution intermédiaire entre la constitution d’un casier judiciaire européen et la simple mise en réseau des casiers judiciaires nationaux. Cette solution reposerait sur deux étapes :

– Dans une première phase, la Commission recommande de créer un index européen des personnes ayant déjà fait l’objet de condamnations, afin de permettre de repérer rapidement le ou les Etat(s) membre(s) dans le(s)quel(s) la personne a déjà été condamnée.

Cet index reprendrait uniquement les éléments permettant d’identifier la personne (nom, prénom, lieu et date de naissance, nationalité, etc .) et l’Etat membre dans lequel elle a déjà été condamnée. Il ne comporterait aucune information sur le contenu et la forme de la condamnation. En interrogant l’index, un Etat membre saurait immédiatement si la personne concernée a déjà été condamnée dans un autre Etat et pourra s’adresser directement à celui-ci pour obtenir le descriptif de cette condamnation.

Cet index devrait s’accompagner de l’adoption d’une définition commune de la notion de condamnation, n’incluant par exemple que les décisions finales des tribunaux pénaux.

– Dans un second temps, la Commission propose l’élaboration d’un « format européen standardisé », reconnu par tous les Etats membres, qui permettrait de transmettre les informations de manière aisément traduisible et juridiquement compréhensible par tous.

Ce format devrait notamment permettre d’intégrer des informations relatives à la personne faisant l’objet de la décision, à la forme et au contenu de la décision, ainsi qu’aux faits ayant donné lieu à la décision.

Le deuxième volet du Livre blanc porte sur l’effet des informations sur les condamnations pénales transmises, lors d’une nouvelle procédure pénale dans un autre Etat membre. Cet aspect a fait l’objet, depuis, d’une proposition de décision-cadre relative à la prise en compte des décisions de condamnation entre les Etats membres de l’Union européenne à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale (COM (2005) 091 final), que la Délégation a approuvée lors de sa réunion du 22 novembre 2006 1. Ce texte a fait l’objet d’un accord lors du Conseil « justice et affaires intérieures » du 4 décembre 2006.

2. Des propositions partiellement rejetées par les Etats membres, qui ont privilégié des communications bilatérales entre casiers judiciaires.

Le Conseil « justice et affaires intérieures » du 14 avril 2005 a examiné, à la suite d’un débat d’orientation, les propositions formulées par la Commission. Il a privilégié les échanges d’informations fondés sur les communications bilatérales entre les casiers judiciaires des Etats membres, sur le modèle des travaux du groupe quadripartite regroupant l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne et la France.

La création d’un index européen a été rejetée notamment à cause de la charge supplémentaire induite pour les Etats de condamnation tenus d’alimenter cet index, compte tenu du volume des inscriptions initiales dans l’index et des mouvements journaliers.

Le Conseil a estimé que pour les ressortissants communautaires, l’accès à l’information sur les condamnations devrait se faire par le biais de l’Etat membre de la nationalité de la personne condamnée. L’Etat de nationalité devrait centraliser les informations sur les antécédents judiciaires des ressortissants communautaires. Une obligation pour l’Etat de nationalité d’une personne condamnée dans un autre Etat membre d’inscrire cette condamnation dans son casier judiciaire serait instituée.

Le Conseil n’a retenu la proposition de créer un index européen des condamnations que pour les ressortissants de pays tiers ou les personnes dont la nationalité est inconnue de l’Etat membre de condamnation.

III. L’interconnexion des casiers judiciaires allemand, belge, espagnol et français, ou la démonstration de la capacité d’entraînement d’une « avant-garde ».

Les ministres de la justice français et allemand ont décidé, lors du conseil franco-allemand de l’Elysée du 22 janvier 2003, à l’occasion du 40e anniversaire du traité de l’Elysée, de constituer un groupe de travail afin de faciliter l’accès des juges nationaux aux informations concernant les antécédents judiciaires d’une personne disponibles dans cet Etat. L’Espagne et la Belgique ont rejoint ces travaux, respectivement en novembre 2003 et en novembre 2004.

L’interconnexion des casiers judiciaires nationaux de ces quatre Etats membres est effective depuis le 31 mars 2006. La République tchèque et le Luxembourg s’apprêtent à rejoindre cette interconnexion.

Le système mis en place a été élaboré à droit constant, dans le cadre de la Convention du Conseil de l’Europe du 20 avril 1959. Il permet aux Etats concernés d’échanger des informations par voie électronique à partir des données extraites des casiers judiciaires. Chaque casier national se fait l’intermédiaire de ses autorités judiciaires pour interroger les casiers partenaires et enrichit les réponses d’une traduction avant de les retourner au demandeur, offrant ainsi une procédure d’accès simplifiée et unique et une plus grande facilité de compréhension des bulletins étrangers.

Les informations échangées sont de deux types :

– sur demande d’une autorité judiciaire dans le cadre d’une procédure pénale, les extraits de bulletin de casier judiciaire concernant les personnes faisant l’objet de cette procédure et ressortissantes d’un Etat partenaire ;

– systématiquement, depuis le 30 mai 2006, les décisions de condamnations prises dans un Etat, à destination de l’Etat dont le condamné est ressortissant.

Six mois après sa mise en œuvre, 2 045 demandes de bulletins de casier judiciaires émanant des juridictions françaises et relatives à des ressortissants des pays partenaires ont été émises. Elles ont été traitées dans le cadre de l’interconnexion avec le casier de l’Etat concerné dans un délai de réponse moyen de deux jours.

Les travaux menés intègrent également une réflexion sur l’amélioration de la qualité des informations transmises et la régularité des échanges de données (élaboration de tables de correspondance des infractions, destinées à faciliter l’enregistrement automatique des condamnations étrangères et l’interprétation, par chaque Etat, des mentions de condamnations communiquées).

Ce projet pilote, initié par une « avant-garde » d’Etats membres, est devenu la référence des travaux de l’Union européenne sur ce sujet et a vocation à s’étendre progressivement à tous les Etats membres, par adhésions successives. Il démontre la capacité d’entraînement que peut avoir de telles « avant-gardes » sur l’ensemble des Etats membres.

IV. La proposition de décision-cadre du Conseil relative à l'organisation et au contenu des échanges d'informations extraites du casier judiciaire entre les Etats membres s’inscrit dans le prolongement de ces travaux.

Cette proposition de décision-cadre vise, d’une part, à garantir que l’Etat membre de nationalité du condamné dispose d’informations actualisées et, d’autre part, à fournir le cadre juridique qui permettra de construire et de développer un système informatisé d’échanges d’informations sur les condamnations pénales, fondé sur un « format européen standardisé ».

Elle met ainsi en œuvre les orientations retenues lors du Conseil « justice et affaires intérieures » du 14 avril 2005, précité. La mise en place d’un index européen des condamnations pour les ressortissants de pays tiers ou les personnes dont la nationalité est inconnue n’est en revanche pas couverte par la présente proposition.

1. La proposition de la Commission

Le texte proposé remplacerait et abrogerait la décision du Conseil du 21 novembre 2005 relative à l’échange d’informations extraites du casier judiciaire, dont elle intègre les acquis tout en opérant une réforme de plus grande ampleur.

La proposition définit les condamnations comme toute décision définitive d’une juridiction pénale ou d’une autorité administrative dont la décision peut donner lieu à un recours devant une juridiction compétente notamment en matière pénale.

Elle impose à l’Etat de condamnation de transmettre dans les meilleurs délais à l’autorité centrale de l’Etat de nationalité chaque condamnation, ainsi que toutes les mesures postérieures entraînant une modification ou une suppression de l’inscription au casier (article 4). Pour les personnes ayant la nationalité de plusieurs Etats membres, l’information doit être transmise à chacun de ces derniers.

Le casier judiciaire de l’Etat de nationalité a l’obligation de conserver l’intégralité des informations ainsi transmises (article 5). Toute modification ou suppression d’une mention dans l’Etat membre de condamnation entraîne une modification ou une suppression identiques dans l’Etat de nationalité. Celui-ci ne peut en toute hypothèse utiliser ces informations dans le cadre d’une procédure nationale, lorsque cela aboutit à traiter la personne concernée de manière moins favorable que si elle avait été condamnée par une juridiction nationale (par exemple dans l’hypothèse où la condamnation aurait été effacée en application des règles de l’Etat de nationalité, avant qu’elle ne le soit en application des règles de l’Etat de condamnation).

Comme la décision du 21 novembre 2005, le projet de décision-cadre couvre à la fois les demandes émanant du casier judiciaire d’un Etat membre et celles adressées par la personne condamnée elle-même (article 6). Les demandes sont transmises au moyen d’un formulaire-type qui doit être traduit dans l’une des langues officielles de l’Etat requis, ou dans l’une de celles qu’il a déclaré accepter (article 10).

Il est répondu à la demande, également au moyen d’un formulaire-type :

– dans un délai de dix jours à compter de la réception de celle-ci, lorsqu’elle émane de l’autorité centrale d’un autre Etat membre ;

– dans un délai de vingt jours, lorsqu’elle émane de la personne concernée (article 8).

L’article 7 fixe l’étendue des obligations du casier judiciaire de l’Etat de nationalité en ce qui concerne le traitement de la demande, selon que celle-ci est adressée dans le cadre d’une procédure pénale ou à d’autre fins, ou encore par un Etat non membre de l’Union européenne. L’obligation de transmission des informations sur les condamnations prononcées dans un autre Etat membre ne vaut que pour celles reçues postérieurement à la mise en œuvre de la décision-cadre.

L’article 9 établit des restrictions à l’utilisation des informations communiquées par l’Etat membre de nationalité. Il peut y être dérogé afin de prévenir un danger immédiat et sérieux pour la sécurité publique.

Les articles 11 à 13 déterminent, en ayant recours à une procédure de « comitologie », les modalités d’adoption et de développement d’un « format » standardisé électronique européen d’échange d’informations sur les antécédents judiciaires. Un délai de trois ans à compter de l’adoption de ce format est laissé aux Etats membres pour mettre en œuvre les adaptations techniques nécessaires.

2. Les difficultés soulevées par ce texte

Les travaux du Conseil sur ce texte n’ont véritablement commencé qu’en janvier 2007, sous présidence allemande. Celle-ci fait figurer cette proposition parmi ses priorités et espère aboutir à un accord lors du Conseil « justice et affaires intérieures » de juin.

Les principales difficultés rencontrées concernent le champ d’application du texte, le recours à la « comitologie » proposé par la Commission pour l’adoption et le développement du format européen standardisé, l’effacement des condamnations et le transfert d’informations à des pays tiers.

a) Le champ d’application du texte

La majorité des délégations s’opposent à l’inclusion des décisions des autorités administratives dans le champ d’application de la proposition, car elles n’enregistrent pas systématiquement ce type de condamnations dans leur casier judiciaire. La présidence envisage donc de les exclure.

Le Gouvernement français souhaite que les décisions administratives soient incluses dans le champ de la décision-cadre dans la mesure où elles sont déjà inscrites dans les casiers judiciaires nationaux, conformément au droit national. Cette suggestion constitue un compromis équilibré, permettant de conserver la transmission des condamnations administratives, dont la transmission peut se révéler utile, sans imposer de nouvelles charges aux Etats qui ne les enregistrent pas.

b) Le recours à la « comitologie »

En ce qui concerne la « comitologie », la plupart des délégations sont hostiles à la transposition de cette procédure dans le cadre du troisième pilier, en raison des transferts de compétences à la Commission qu’elle implique. Le service juridique du Conseil, consulté sur ce point, a rendu un avis le 26 avril 2006, invitant à une grande prudence. Il estime qu’il est possible au Conseil de conférer, après avoir consulté le Parlement européen, certaines compétences d’exécution à la Commission, dans le cas où il ne disposerait pas des moyens techniques pour exercer lui-même les fonctions prévues. Mais il juge que la nécessité d’un tel transfert n’est pas évidente dans l’hypothèse visée ici.

Le Gouvernement français est, pour sa part, réticent à l’idée d’un transfert à la Commission mais juge indispensable de mettre en place une procédure accélérée d’adaptation des mesures d’application de la décision-cadre. Il s’agirait d’une procédure ad hoc , spécifique au troisième pilier, permettant aux experts des Etats membres et de la Commission de se rencontrer régulièrement.

c) L’effacement des condamnations

En ce qui concerne l’effacement des condamnations, la Commission propose, en cas de délais de conservation différents entre l’Etat de nationalité et l’Etat de condamnation, que le régime applicable soit celui de l’Etat de condamnation.

Plusieurs Etats membres, parmi lesquels certains nouveaux mais aussi l’Allemagne, le Danemark et le Royaume-Uni, y sont fortement opposés. Ils refusent notamment d’effacer une condamnation étrangère dans leur casier alors qu’en application de leur droit national elle serait encore valable.

La France soutient la proposition de la Commission sur ce point. Il est en effet logique qu’en termes d’effacement et de modification des informations transcrites au casier, ce soit le droit de l’Etat de condamnation qui s’applique, celui-ci étant à l’origine de la transmission initiale. Cette solution a en outre l’avantage d’éviter qu’une même condamnation ne soit soumise à autant de régimes juridiques que d’Etats membres destinataires de l’information. Elle est aussi plus protectrice des droits de la personne condamnée et conforme aux règles relatives à la protection des données personnelles.

Le contrôleur européen de la protection des données personnelles a d’ailleurs apporté son soutien à cette position, dans son avis du 19 juin 2006, au motif que l’Etat de condamnation est « propriétaire » des données transmises.

La présidence allemande a proposé les différentes options suivantes :

– lorsque le délai de conservation est plus court dans l’Etat de nationalité : la loi de l’Etat de condamnation s’applique dans le cadre des échanges d’informations, mais c’est la loi de l’Etat de nationalité qui s’applique dans celui des procédures internes conduites par ses juridictions nationales (au motif que la décision-cadre n’a pas vocation à harmoniser les législations nationales) ;

– lorsque le délai de conservation est plus long dans l’Etat de nationalité, trois options sont possibles : 1) la loi de l’Etat de condamnation s’applique aux échanges d’informations et aux procédures internes ; 2) la loi de l’Etat de nationalité s’applique dans tous les cas ; 3) la loi de l’Etat de condamnation s’applique, sauf en présence d’autres condamnations enregistrées au casier de l’Etat de nationalité. Dans ce cas, la loi de l’Etat de nationalité s’applique dans le cadre des procédures internes comme dans celui des échanges.

d) Le transfert d’informations aux pays tiers

Des difficultés subsistent également en ce qui concerne le transfert d’informations aux pays tiers. La Commission propose de soumettre ces transferts à l’autorisation de l’Etat de condamnation lorsqu’il s’agit de condamnations prononcées dans d’autres Etats membres. Plusieurs délégations estiment que cette question devrait être laissée hors du champ de la décision-cadre. L’obligation de consultation posée violerait en effet les obligations envers certains pays tiers résultant de la convention de 1959 (à laquelle de nombreux pays tiers sont parties, celle-ci ayant été conclue dans le cadre du Conseil de l’Europe).

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M. Christian Philip, rapporteur, a présenté ce document au cours de la réunion de la Délégation du 20 mars 2007.

La Délégation a pris acte du Livre blanc (E2821) et a approuvé la proposition de décision-cadre (E3065), qui permettra de renforcer les échanges d’informations extraites des casiers judiciaires, en s’inspirant du projet pilote d’interconnexion des casiers judiciaires dont la France a été l’un des principaux initiateurs avec l’Allemagne, en l’état des informations dont elle dispose.

(1)Rapport d’information n° 3504, p. 59 s, E2847.