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Document E3162
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion, par la Commission, de l'accord sur l'établissement de l'organisation internationale ITER pour l'énergie de fusion en vue de la mise en oeuvre conjointe du projet ITER, de l'arrangement sur l'application provisoire de l'accord sur l'établissement de l'organisation internationale ITER pour l'énergie de fusion en vue de la mise en oeuvre conjointe du projet ITER et de l'accord sur les privilèges et immunités de l'organisation internationale ITER pour l'énergie de fusion en vue de la mise en oeuvre conjointe du projet ITER.


E3162 déposé le 9 juin 2006 distribué le 12 juin 2006 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2006) 0240 final du 19 mai 2006, transmis au Conseil de l'Union européenne le 19 mai 2006)

La Délégation est saisie du projet d’accord international sur le projet ITER, résultat de l’aboutissement final des négociations intervenu le 1er avril dernier.

Pour pouvoir apprécier la portée de cet accord, M. Bernard Deflesselles, rapporteur, a rappelé les grandes lignes du projet et les principales étapes de la négociation, les dispositions précises de l’accord intervenu, et a évoqué la suite du processus, au cours de la réunion de la Délégation du 28 juin 2006.

* * *

1) Le projet ITER représente un intérêt scientifique et industriel majeur

L’augmentation des besoins en énergie, la réduction des réserves d’énergies fossiles, la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre, comme celle de maîtriser la question des déchets, confèrent aux recherches sur la fusion un intérêt majeur. Le projet international ITER représente une étape clé dans ce sens.

Rappelons que l’énergie de fusion est produite par les réactions qui, depuis des milliards d’années, permettent au soleil et aux étoiles, de dispenser lumière et chaleur. Dans les environnements extrêmement chauds et denses, comme au coeur du soleil, la matière atteint des températures et des densités très élevées permettant aux atomes d’hydrogène de fusionner et ainsi de libérer une énergie importante. Cette réaction de fusion se produit dans un plasma, le quatrième état de la matière avec les solides, les liquides et les gaz. La force gravitationnelle permet au soleil de maintenir ces réactions de fusion en son centre à une température proche de 20 millions de degrés.

Ce sont des scientifiques russes qui ont été les premiers à produire un plasma d’une dizaine de millions de degrés dans un réacteur de recherche, appelé tokamak, en 1968. Depuis, les équipes de recherche européennes et internationales ont permis de valider différents paramètres. Les recherches menées dans le cadre de l’installation « Tore Supra » à Cadarache ont prouvé que l’on pouvait contrôler un plasma pendant des temps records (plus de six minutes). Avec le JET (« Joint European Torus ») à Culham (en Grande Bretagne) des réactions de fusion d’une puissance de 16 MW ont été obtenues. Et avec le JT 60 au Japon des records de température du plasma ont été atteints (plus de 200 millions de degrés).

S’inscrivant dans l’histoire des recherches sur la fusion, ITER succédera ainsi à une longue lignée d’installations ayant atteint, chacune indépendamment, l’une des conditions requises pour obtenir un plasma en combustion : densité, température et durée de confinement. ITER sera la première installation qui réunira simultanément toutes ces conditions. Ses performances permettront d’obtenir suffisamment de réactions de fusion pour produire de l’hélium à haute température qui permettra le chauffage interne du plasma. Jusqu’à présent la taille réduite des installations existantes n’a pas permis d’envisager une production d’énergie importante sur de longues durées. ITER sera capable de produire plusieurs centaines de mégawatts de fusion pendant plusieurs minutes.

L’étape suivante consistera à construire un réacteur industriel. On peut espérer que les premiers KW électriques produits par un prototype de réacteur à fusion thermonucléaire soient effectifs à l’horizon 2050.

En parallèle avec ITER, d’autres recherches seront nécessaires pour disposer de toutes les briques du futur réacteur produisant de l’électricité, notamment la mise au point et la caractérisation de matériaux de structure, puis l’intégration de l’ensemble des éléments dans un démonstrateur préindustriel (DEMO).

La fusion ne pose pas de problème quant à la disponibilité des ressources nécessaires : elle utilise des éléments dont les quantités disponibles sont inépuisables (le deutérium et le lithium, présents en particulier dans les eaux marines) et elle permet d’envisager un rendement largement supérieur aux autres procédés de production d’énergie.

Par ailleurs la fusion est un procédé intéressant du point de vue de la protection de l’environnement : pas d’émission de gaz à effet de serre et pas de déchets hautement radioactifs à vie longue. Enfin, le processus est sûr : il ne comporte pas de risque d’emballement du réacteur.

2) Le choix de Cadarache est le fruit d’un engagement européen sans faille

L’Europe est depuis l’origine un acteur majeur des recherches sur la fusion

L’Europe est leader dans la recherche sur la fusion depuis 50 ans. Dès 1958, le traité EURATOM a permis de piloter efficacement les recherches sur la fusion en Europe : l’ensemble de la recherche européenne sur la fusion est coordonné par la Commission européenne. Les financements correspondants proviennent du programme-cadre de recherches EURATOM de la Communauté et de fonds nationaux des Etats membres (et de la Suisse). La coordination et la continuité sur le long terme sont garanties par des contrats entre EURATOM et les partenaires nationaux. Pour la France, c’est l’association EURATOM CEA, qui a participé activement au JET et a mené des programmes d’études importants à travers le tokamak « Tore Supra » de Cadarache. Elle a aussi contribué à la définition des éléments d’ITER.

L’approche européenne commune a ainsi permis à tous les Etats membres de participer et de contribuer à l’expérience de fusion la plus importante et la plus réussie à ce jour dans le monde – JET (Joint European Torus ). La conception de base d’ITER suit celle du dispositif JET.

Le coût total des recherches sur la fusion réalisées par les laboratoires de l’Union européenne dépasse depuis une dizaine d’années 400 millions d’euros par an. Le 6ème programme cadre de recherche et développement (PCRD) 2002 2006 a adopté un budget de 1 352 M€ pour le programme Euratom, dont 824 M€ pour les activités « Fusion ». Le projet de 7éme programme–cadre devrait comporter un budget de 1947 millions d’euros pour la fusion, dans le cadre du volet EURATOM (ITER et programme d’accompagnement). A ce stade le Conseil n’est pas encore parvenu à un accord sur le volet EURATOM du PCRD (il y a eu un blocage de l’Autriche lors du Conseil compétitivité du 30 mai, sur la nature des recherches qui devront être menées par le Centre commun de recherche en ce qui concerne le réacteur de 4ème génération ; l’unanimité est nécessaire, en vertu des règles d’EURATOM).

La mobilisation européenne a été permanente pendant tout le très long processus de négociation qui a conduit à l’accord ITER.

Lors du Sommet de Genève en novembre 1985, l’Union soviétique a proposé de construire la prochaine génération de tokamak sur la base d’une collaboration intégrant les quatre partenaires majeurs du programme « fusion », c'est-à-dire, outre l’Union soviétique, les Etats Unis, l’Europe et le Japon. Les partenaires répondent favorablement à cette proposition (le Canada s’y associe également). ITER est ainsi la première installation expérimentale conçue via une collaboration scientifique à l’échelle planétaire. La première phase d’études appelée CDA (« Conceptuel Design Activities ») démarre en avril 1988 et s’achève en décembre 1990.

La première phase de l’ingénierie détaillée (« Engineering Design Activity » – EDA – ) s’est achevée fin 1998. A cette date, les Etats-Unis se sont retirés du projet et les trois autres partenaires orientent alors leurs efforts vers la conception d’une installation ayant un coût plus réduit.

Un nouveau dossier de dimensionnement est remis en juillet 2001. Le nouveau budget, de l’ordre de la moitié de celui présenté en juillet 1998, est cette fois ci accepté par les trois partenaires principaux (Union européenne, Japon, Fédération de Russie). En parallèle, le Canada fait une offre de site près de Toronto. Les trois partenaires et le Canada décident alors d’ouvrir les négociations pour : définir l’organisation chargée de coordonner la construction de l’installation, son exploitation scientifique et son démantèlement ; choisir un site pour son accueil ; choisir un directeur général et son équipe ; partager les contributions.

Des équipes de négociateurs sont mandatées par leurs gouvernements. Pour l’Europe, c’est la Commission européenne, qui reçoit mandat du Conseil des ministres européens en charge de la Recherche.

Quatre sites étaient au départ proposés : le site de Clarington, proposé par le Canada (qui se désistera ultérieurement), le site de Rokkasho Mura proposé par le Japon et deux en Europe : Cadarache en France et Vandellos en Espagne. Le rapport d’évaluation approuvé par les négociateurs en février 2003 estimait que chacun des quatre sites en lice pourrait remplir les critères techniques indispensables pour accueillir ITER. Le choix a par conséquent été le fruit d’une décision politique, s’appuyant sur un ensemble de considérations techniques et économiques.

Après de longues discussions internes en 2002 et 2003, le Conseil européen des 26 et 27 novembre 2003 a décidé que le site de Cadarache représenterait la candidature européenne pour ITER. Il a également décidé que l’Espagne hébergerait la future entité juridique européenne d’ITER (et que l’un des directeurs européens du projet serait espagnol).

Le candidat de l’Europe ainsi déterminé, les discussions pour la décision finale se sont poursuivies avec les autres membres d’ITER en 2004 et 2005 pour aboutir à la sélection du site de Cadarache le 28 juin 2005. Cette décision a été rendue possible par un accord entre EURATOM et le Japon sur leur rôle respectif en tant que partie d’accueil et partie non hôte, et les arrangements correspondants convenus entre elles selon lesquelles EURATOM et le Japon fourniraient chacun une contribution financière de 46 milliards de yens (339 millions d’euros) à des activités conjointes menées au titre de « l’approche élargie » sur le territoire japonais. En outre, EURATOM a accepté d’accorder au Japon un rôle particulier dans la mise en œuvre d’ITER, par exemple en soutenant un candidat japonais au poste de directeur général, en transférant à des sources japonaises la responsabilité d’une part des contributions en nature qu’EURATOM comptait fournir au projet (équivalent à environ 10 % des coûts de construction) et en acceptant dans l’équipe une proportion de représentants japonais supérieure aux 10 % de la contribution japonaise globale. Les détails de la participation européenne aux activités menées au titre de l’approche élargie sont précisés dans un accord bilatéral spécifique entre EURATOM et le Japon qui doit être prochainement soumis au Conseil.

Début 2003, la Chine se joint aux négociations et les Etats Unis y reviennent. Quelques mois plus tard, la Corée fait une demande à son tour et en décembre 2005 la candidature de l’Inde est acceptée. Les sept partenaires d’ITER (après le retrait du Canada) sont donc à présent : la Chine ; la République de Corée ; les Etats Unis; la Russie ; l’Inde ; le Japon ; la Communauté européenne de l’énergie atomique.

Tout au long des négociations la Commission européenne a représenté l’Union, au titre d’EURATOM, sur les bases d’un mandat de négociation fixé par le Conseil (en application de l’article 101, du traité EURATOM). Elle a conduit les négociations en étroite liaison avec la France, et avec le Conseil.

L’ensemble des pays concernés, 31 pays dont les 25 pays européens, représentera plus de la moitié de la population mondiale. C’est la première fois qu’un projet de coopération scientifique rassemble dès son lancement un partenariat international aussi large. (la participation à ITER est ouverte à d’autres pays, sous réserve qu’ils en acceptent les règles de fonctionnement et que les partenaires actuels décident à l’unanimité d’accepter la nouvelle candidature).

3) L’accord intervenu le 1er avril dernier va permettre la mise en œuvre concrète du projet :

Le 1er avril 2006, les représentants des sept parties aux négociations ITER ont adopté le compte rendu final des négociations sur la mise en œuvre conjointe du projet ITER qui confirme l’achèvement du processus de négociation, se réfère aux manifestations de la volonté de chaque partie d’œuvrer à la conclusion de l’accord et enregistre les vues communes aux parties à l’issue des négociations et le projet de l’arrangement sur l’application provisoire de l’accord. A la même occasion, a été également adopté le compte rendu final des négociations concernant l’accord sur les privilèges et immunités de l’organisation internationale ITER.

Trois accords complémentaires :

Il y a donc trois accords distincts qui constituent, ensemble, la proposition de décision du Conseil sur laquelle notre Délégation doit donner son avis :

- l’accord sur l’établissement de l’organisation internationale ITER (accord ITER) et ses annexes relatives aux informations et à la propriété intellectuelle et aux prestations de soutien sur le site ;

- l’arrangement sur l’application provisoire de l’accord ;

- l’accord sur les privilèges et immunités de l’organisation internationale ITER.

Ces accords sont complétés par des documents techniques (estimations de valeur pour les différentes phases du projet, forme des contributions ; partage des coûts ; répartition des fournitures ; calendrier général) et des documents dits « secondaires », devant être adoptés ultérieurement par le Conseil ITER (règlement intérieur du Conseil ITER ; règles de gestion des ressources pour le projet ; statut du personnel ; principales dispositions de l’accord relatif au siège ; accord relatif aux prestations de soutien sur le site).

Les grandes lignes des accords intervenus

- L’organisation :

L’accord ITER établit « l’organisation ITER », « Entité légale internationale » (ELI), et lui confère la personnalité juridique. Le siège de l’organisation est fixé à Saint Paul lez Durance (la France est définie comme l’« Etat d’accueil » et EURATOM comme la « partie d’accueil »). L’accord précise que l’objet de l’organisation ITER est d’assurer la coopération entre ses membres sur le projet ITER.

L’accord distingue les quatre phases du projet : construction, exploitation, désactivation, déclassement.

Le principal organe prévu pour « l’organisation ITER » est le « Conseil ITER » – composé des représentants des membres de l’organisation. Les décisions sont prises, suivant les sujets, soit à l’unanimité, soit à la majorité qualifiée en fonction d’une pondération qui reflète les contributions des membres. Le directeur général est l’agent exécutif principal (le Japonais Kaname Ikeda a été nommé directeur général en novembre 2005).

L’organisation ITER, son directeur général, son personnel et les représentants de ses membres au Conseil bénéficient, sur le territoire de chaque membre, des privilèges et immunités nécessaires à l’exercice de leur fonction. L’organisation ITER exercera son activité au siège de Cadarache (le directeur général Ikeda, entouré d’une équipe d’une vingtaine de personnes, est déjà présent sur le site depuis le moi de mars). La signature de l’accord de siège entre l’organisation internationale et la France est prévue début 2008. L’organisation établira aussi des équipes de terrain dans chaque membre.

En complément de l’organisation internationale ITER, chacun des partenaires ITER mettra en place une agence « domestique », en charge principalement de la construction de sa part de composants d’ITER et de leur mise à disposition auprès de l’organisation internationale. L’agence « domestique » européenne pour ITER (« Entité légale européenne », ELE, entreprise commune au sens du traité EURATOM) sera constituée au cours de cette année et implantée à Barcelone. Elle sera en charge de la représentation de l’Union européenne et de la mise en œuvre de ses engagements auprès de l’organisation ITER, ainsi que de la coordination des actions menées en liaison avec les Etats membres.

L’arrangement sur l’application provisoire de l’accord a pour objectif de pouvoir lancer les travaux sur ITER avant la fin de la phase de ratification, prévue pour le courant 2007, afin d’éviter tout retard. Il s’agit notamment de recruter le personnel le plus rapidement possible et de recevoir les fonds nécessaires au démarrage du projet.

- Le calendrier et le coût du projet :

Le calendrier général du projet comporte trois phases, échelonnées de 2007 2008 à 2050 environ : 10 ans pour la construction, 20 ans d’exploitation, de 10 à 15 ans pour le démantèlement.

Ce calendrier est accompagné d’une estimation des coûts et d’un partage de ces coûts qui doit être détaillé en fonction des différentes phases. Le partage des coûts entre les parties est défini dans le compte rendu de négociation du 1er avril 2006 (« Vue commune partage des coûts pour toutes les phases du projet ITER »).

La première phase comprend l’aménagement du site, la construction de la machine ainsi que l’« approche élargie » (qui correspond aux activités qui seront développées au Japon et doivent préparer les étapes qui suivront ITER, notamment le réacteur DEMO). Pour cette phase, les ressources seront fournies essentiellement (à plus de 80 %) par des contributions en nature (détachement de personnel, fourniture de composants…). La contribution communautaire jusqu’à la fin de 2006 respectera les montants de référence qui figurent à l’annexe II de la décision du Conseil concernant le sixième programme cadre EURATOM. A partir de 2007, cette contribution devrait être compatible avec les montants devant être adoptés pour les programmes cadres de recherche suivants.

L’aménagement du site est intégralement pris en charge par la France, pour un engagement financier de 215 M€ au total (en euros 2005).

Le total du coût de la construction est de 5 942 M€ (estimation en euros 2005), dont 45,46 % sont apportés par l’Europe, et 54,54 % par les 6 autres partenaires (Chine, Corée, Japon, Russie, Etats Unis, Inde, chacun contribuant pour 9,09 % de la somme totale). Dans la part de l’Europe, la contribution directe de la France, pour la phrase de construction, est de 540 M€ (estimation en euros 2005).

Enfin, l’approche élargie qui sera menée en parallèle à la construction, et pendant la même période, a un coût total de 678 M€, répartis entre le Japon (50 %) et les pays contributeurs européens (50 %). La France, contribue pour 50 % de la part de l’Europe donc pour 25 % du total de l’approche élargie, soit un total pour la France de 169,5 M€ au maximum.

L’engagement financier global de la France pour cette période de 10 ans, incluant aménagement du site, construction et approche élargie, est au total de 925 M€.

Ces 925 M€ sont apportés par les collectivités locales (407 millions d’euros), le CEA (169 millions d’euros : essentiellement mise à disposition du personnel) et l’Etat (349 millions d’euros). Les collectivités apportent en outre 60 millions d’euros pour des actions d’accompagnement ne faisant pas partie des engagements internationaux.

Pour l’année 2007, le montant total des dépenses ITER pour la France est estimé à 83,4 millions d’euros.

Parallèlement au coût financier du projet, il convient d’évoquer les retombées économiques pour notre pays : le dossier du débat public ouvert en janvier indique notamment que le projet créera 500 emplois directs pendant la phase de construction et 1 000 pendant la phase d’exploitation. En outre 1 400 emplois indirects devraient être créés dans la région PACA pendant la phase de construction et 2 400 pendant la phase d’exploitation (par ailleurs les éléments d’information disponibles tablent sur 100 millions de dépenses annuelles par ITER et son personnel pendant la phase de construction et 135 millions pendant la phase d’exploitation ).

La deuxième phase comportera l’exploitation de la machine (20 ans), la mise à l’arrêt définitif (5 ans), et le démantèlement. Le coût total de cette deuxième phase est estimé à 6 077 M€ (en euros 2005).

La part de l’Europe est de 34 % du coût global, dont 8 % pour la France, soit 486 millions d’euros.

L’organisation et le déroulement du projet ITER en France :

La conduite du projet ITER repose principalement en France sur :

- la mission ITER PACA (qui est déjà effective), chargée principalement de la maîtrise du foncier, de la création d’une école internationale, la réalisation de logements pour les personnels d’ITER, l’aménagement d’un itinéraire routier d’acheminement de charges exceptionnelles ;

- l’agence ITER France, agence technique et financière créée au sein du CEA, qui a pour mission de préparer le site et les abords, de préparer le dossier de sûreté, d’assurer la maîtrise d’ouvrage du démantèlement, de collecter les contributions de l’Etat et des collectivités territoriales. Le projet de décret correspondant doit passer en Conseil des ministres d’ici la fin juin. Une mission préfigurative est déjà en place ;

- une structure scientifique, qui reste à constituer formellement, qui sera chargée de mettre en place un programme national d’enseignement, de formation et de recherche en fusion magnétique. Cette mission associera des équipes du CEA, du CNRS et des Universités.

- le Haut représentant de l’Etat pour la réalisation en France du projet ITER (HRFI). M. François d’Aubert a été nommé le 23 novembre 2005. Son rôle est de coordonner la réalisation en France et d’assurer la représentation de la France auprès des membres d’ITER, de l’agence européenne et de l’agence internationale.

Enfin, il a été convenu en avril dernier qu’un « comité pour la mobilisation des industriels pour ITER » serait mis en place, regroupant les fédérations professionnelles et les entreprises concernées.

S’agissant de la conduite du projet en France, il convient également d’évoquer le débat public sur ITER qui a été conduit de janvier à juin de cette année, par l’agence ITER- France. Le débat a débuté le 26 janvier dernier à Aix en Provence a permis à environ 2 000 personnes de s’informer et d’échanger sur les sujets « offrant matière à débat » : les « enjeux économiques et sociaux du projet, de son insertion dans l’environnement et de ses impacts, ainsi que des équipements d’accompagnement prévus » tels que les avait précisés la Commission nationale du débat public (CNDP) lors de sa séance du 6 juillet 2005.

Dix huit réunions publiques ont eu lieu et de nombreuses questions ont été posées sur internet. Les conclusions du débat devraient être rendues publiques d’ici la fin du mois de juin.

4) La ratification de l’accord va permettre de mettre en œuvre sans délai le projet

Le paraphe de l’accord international ITER le 24 mai dernier, ouvre la voie à la signature formelle de l’accord qui devrait intervenir à l’automne. D’ici là le Conseil doit approuver le projet de décision relatif à l’accord, autorisant la signature par la Commission, probablement au cours d’un Conseil compétitivité en septembre (il n’y a pas d’opposition à ce sujet au sein du Conseil ; le Conseil doit statuer à la majorité qualifiée, en application de l’article 101 du traité EURATOM). La France a proposé que la signature de l’accord se déroule à Cadarache. Les Etats Unis se sont également portés candidats. Une fois l’accord signé, le processus de ratification pourra être lancée chez toutes les parties. Pour l’Union européenne, la décision du Conseil autorisant la Commission à signer le projet d’accord vaut ratification, en vertu des règles du traité EURATOM.

Le Parlement européen est simplement consulté sur le projet de décision du Conseil autorisant la ratification de l’accord.

Par ailleurs la Commission doit prochainement transmettre au Conseil la proposition de décision portant constitution de l’entité légale européenne (ELE), ainsi que le projet d’accord EURATOM-Japon qui formalise les compensations obtenues par le Japon dans le cadre des négociations sur le site d’implantation du réacteur.

Les partenaires du projet ont bon espoir que la phase de ratification de l’accord international puisse être achevée au premier semestre 2007. Une fois cette phase terminée, l’organisation internationale ITER pourra voir le jour, ce qui permettra, dès l’année prochaine, de lancer concrètement le projet ITER.

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En conclusion, il faut souligner que la conduite du projet ITER, et plus généralement des recherches sur la fusion, constituent un domaine exemplaire de l’efficacité de l’action de l’Europe lorsqu’elle sait agir d’une façon non seulement coordonnée, mais unie.

Compte tenu de l’intérêt majeur du projet, sur le plan de la recherche européenne, de l’indépendance énergétique de l’Europe, de la lutte contre le changement climatique, mais aussi pour l’économie de notre pays, il convient d’approuver pleinement le projet de décision du Conseil qui nous est proposé, concernant la signature, par la Commission, de l’accord international relatif à ITER.

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L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

Le Président Pierre Lequiller a estimé que le projet ITER constituait l’une des plus belles preuves de l’utilité concrète de l’Europe. En effet, c’est la cohésion des Etats membres qui a permis que le site français de Cadarache l’emporte dans la compétition internationale.

M. Bernard Deflesselles, rapporteur, a indiqué que le site de Vandellos en Espagne ne bénéficiait pas de la même expertise et du même savoir-faire que le CEA français. Cependant, l’Espagne a effectué un lobbying remarquable, car très dynamique. Il reste qu’une fois la candidature du site de Cadarache retenue sur le plan européen, l’Union a fait front pour l’emporter face au projet défendu par le Japon, avec l’appui des Etats-Unis.

M. Pierre Forgues a estimé que si l’Espagne connaît un développement rapide, son expertise en matière de recherche, notamment dans le domaine du nucléaire, n’est pas comparable à celle de la France. Par conséquent, l’Europe l’a emporté grâce à son unité.

Rappelant que le coût total de la construction devrait s’élever à près de 6 milliards d’euros, M. Pierre Forgues a observé que la contribution française au projet était de l’ordre d’un milliard d’euros. Il a demandé si cette contribution était versée hors budget européen ou si celle-ci passait par ce canal. Autrement dit, quelle est la part financière apportée par chaque Etat membre, d’une part, et celle apportée par l’Europe en tant que telle, d’autre part ?

Par ailleurs, la France fournit dans ce projet un effort financier considérable, alors que le nombre d’emplois directs créés par le projet sera de 1 500, les emplois indirects s’élevant à 3 800, pendant les phases de construction et d’exploitation. Si l’on rapporte le coût financier de cette opération avec le nombre total d’emplois créés, directs et indirects, en France, le moins que l’on puisse dire est que chacun de ces emplois revient très cher à notre pays. Il convient donc de souligner que si la France a gagné une bataille importante, elle l’a fait en accomplissant un très gros effort.

Le Président Pierre Lequiller a demandé quelles sont les motivations qui ont poussé d’autres pays, développés et en développement, à participer à ce projet.

M. Marc Laffineur a jugé normal que la France fournisse un effort important. Dans ce type de projet, et surtout en fin de négociations, tout le monde sait que l’on doit, à un moment ou à un autre, « lâcher quelque chose » pour obtenir gain de cause. Il a souhaité obtenir des précisions sur le nombre d’emplois qui seraient créés dans les secteurs de la construction et de la maintenance.

M. Jérôme Lambert, observant qu’il s’agit d’un projet international, a demandé à qui appartiendraient les brevets déposés sur les éventuelles applications industrielles d’ITER. Les brevets seront-ils « partagés » en fonction des quotes-parts de financement de chacun des participants au projet ? D’autre part, connaît-on les applications militaires qui pourraient être faites à partir des expériences menées dans le cadre du projet ITER ?

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les éléments de précisions suivants :

– la France apportera 925 millions d’euros pour la réalisation de la première phase, dont le coût total est d’environ 6 milliards d’euros, et contribuera à hauteur de 480 millions d’euros pour la deuxième phase, celle de l’exploitation, dont le coût est d’environ 6 milliards d’euros. Ainsi, la France versera 1,3 milliard d’euros sur les 12 milliards d’euros que coûte le projet ITER. L’effort financier est considérable, mais il doit être mis en perspective avec la portée du projet, qui est d’une importance mondiale. Au total, l’Europe apportera 45,46 % du coût total de la phase de construction, ce financement étant de nature communautaire hormis la contribution française. D’une façon plus générale, le projet ITER s’est développé, au plan européen, dans un contexte purement communautaire, en fonction des règles du traité EURATOM : les programmes sont définis en commun, les financements proviennent, en principe, du budget communautaire, la Commission exerce pleinement son pourvoir de proposition et de suivi, comme celui de pilotage unifié des négociations internationales ;

– il est difficile de chiffrer exactement, à horizon de dix ou de vingt ans, le nombre d’emplois qui seront créés par le projet. Cela ne doit pas cacher l’essentiel, c’est-à-dire les retombées scientifiques du projet qui, en cas de succès, seront incalculables. En outre, les efforts entrepris lors des phases de construction et d’exploitation du projet vont irriguer toute la recherche française et européenne pendant au moins trente ans ;

– les applications d’ITER ne sont pas encore connues. La phase d’exploitation industrielle du projet n’est aujourd’hui que « latente ». En effet, il faudra d’abord « construire la machine », c’est-à-dire un prototype, avant de décliner, sur le plan industriel, telle ou telle application. Cependant, l’industrialisation de cette nouvelle forme d’énergie va générer une véritable révolution : la planète pourra s’approvisionner à bon compte en énergie bon marché, en exploitant des éléments dont les quantités disponibles sont inépuisables car présents dans toutes les mers. En outre, cette nouvelle source d’énergie ne crée pas d’émission de gaz à effet de serre ni de déchets hautement radioactifs à vie longue. Enfin, l’énergie ainsi produite est sûre ;

– le projet est ancien, puisqu’il a émergé il y a environ vingt ans. Il a été alors abandonné, car la communauté scientifique le trouvait trop onéreux. Puis, il est revenu à l’ordre du jour, lorsque les investisseurs ont compris son intérêt. Il y a lieu de noter que ce regain d’intérêt pour ITER est apparu alors même que la crise concernant la demande énergétique mondiale n’était que latente. Depuis lors, les Etats-Unis, ainsi que la Chine et l’Inde ont décidé de rejoindre le projet ITER. L’intérêt stratégique des grandes puissances a joué en faveur du projet. En outre, la participation des uns et des autres permet d’effectuer un partage des tâches, lequel est néanmoins nécessaire dans un projet mobilisant les efforts de pays représentant la moitié de la population mondiale ;

– les retombées en termes de brevets et de royalties se feront en fonction de la participation de chaque partie au projet ;

– le nouveau projet de fusion ne devrait pas donner lieu a priori à des applications sur le plan militaire.

A l’issue de ce débat, la Délégation a approuvé la proposition de décision du Conseil sur le projet ITER (E 3162).