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Document E3202
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de règlement du Parlement Européen et du Conseil établissant des règles communes pour l'exploitation de services de transport aérien dans la Communauté (refonte).


E3202 déposé le 24 juillet 2006 distribué le 27 juillet 2006 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2006) 0396 final du 18 juillet 2006, transmis au Conseil de l'Union européenne le 18 juillet 2006)

En vue de procéder à leur refonte, la présente proposition abroge trois règlements existants :

– le règlement n° 2407/92 concernant les licences des transporteurs aériens ;

– le règlement n° 2408/92 relatif à l’accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires ;

– le règlement n° 2409/92 sur les tarifs des passagers et de fret de services aériens.

Ces trois textes constituent ce qui est communément appelé le troisième paquet de libéralisation du transport aérien adopté en 1992, les deux premiers datant respectivement de décembre 1987 et de juin 1990.

Bien que ces différentes mesures aient contribué à un développement exceptionnel des transports aériens en Europe, la Commission constate néanmoins que la plupart des compagnies aériennes continuent de souffrir de la surcapacité de la fragmentation excessive du marché et de l’absence d’harmonisation dans l’application du troisième paquet.

Afin de remédier à ces difficultés, la révision du troisième paquet vise « à accroître l’efficacité du marché, à renforcer la sécurité des transports aériens et à améliorer la protection des passagers  ».( 1)

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I. L’AMBITION DE LA PROPOSITION DE REGLEMENT : MODERNISER LE CADRE JURIDIQUE DU MARCHE DU TRANSPORT AERIEN

La Commission indique vouloir procéder non pas à une modification radicale du cadre juridique, mais plutôt à une série d’adaptations visant à résoudre les difficultés constatées, à travers six catégories de mesures :

1) Renforcement des exigences en matière d’octroi et de retrait des licences d’exploitation

La proposition impose aux Etats membres de renforcer le contrôle des licences d’exploitation, jusqu’à ordonner leur suspension ou leur retrait quand les exigences du règlement ne sont plus satisfaites. Pour prévenir l’inaction d’un Etat membre, la proposition habilite la Commission à procéder elle-même au retrait de la licence d’exploitation.

La proposition a été rédigée, en tenant compte d’une possibilité d’extension des compétences de l’Agence européenne de sécurité aérienne (AESA) au contrôle de sécurité et à l’octroi des licences.

2) Renforcement des exigences régissant la location d’aéronefs

La location d’aéronefs de pays tiers avec équipage procure aux compagnies aériennes de l’Union européenne une grande souplesse, améliorant l’efficacité économique du secteur au bénéfice des consommateurs.

Cependant, on peut craindre que la sécurité des aéronefs loués de pays tiers ne soit évaluée avec une rigueur identique dans tous les Etats membres. Par ailleurs, le recours régulier à la location d’aéronefs de pays tiers avec équipage fait redouter des conséquences sociales négatives.

Aussi, la proposition impose-t-elle que l’autorité compétente pour l’octroi des licences confirme le respect de normes de sécurité communautaires. Elle limite les possibilités de location d’aéronefs de pays tiers, qui n’est autorisée que dans des circonstances exceptionnelles pour une durée maximale de six mois, renouvelable une seule fois pour une seconde période non consécutive d’une durée maximale de six mois.

3) Clarification des règles applicables aux obligations de service public (OSP)

Afin « d’éviter un recours excessif aux OSP », la Commission pourrait imposer dans certains cas la production d’un rapport économique expliquant le contexte général dans lequel s’inscrivent celles-ci ; de plus, les OSP devraient faire l’objet d’une analyse approfondie quand elles visent des liaisons déjà assurées par des services ferroviaires d’une durée inférieure à trois heures. La durée maximale des concessions passerait de trois à quatre ans (cinq ans dans le cas des régions ultrapériphériques). La procédure d’appel d’offres pour le renouvellement d’une concession devrait être lancée au moins six mois à l’avance, afin de permettre une analyse approfondie de la nécessité de maintenir un accès restreint à la liaison.

4) Suppression des incohérences entre le marché intérieur de l’aviation et les services à destination de pays tiers

La proposition charge la Commission de négocier les droits de trafic intracommunautaire avec les pays tiers. Les dernières restrictions résultant d’accords bilatéraux existant entre les Etats membres seront levées de manière à éliminer toute discrimination en matière de partage de codes et de tarification par les transporteurs aériens communautaires sur les liaisons à destination de pays tiers comprenant des escales dans d’autres Etats membres.

5) Clarification des règles de répartition du trafic entre les aéroports

La proposition autorise les Etats membres à instaurer des règles de répartition de trafic pour des aéroports desservant la même ville ou conurbation, sous réserve toutefois de l’approbation préalable de la Commission. Il est également précisé que la liaison entre ces aéroports et la ville ou conurbation qu’ils desservent doit être assurée par des services de transport en commun fréquents, fiables et efficaces. La proposition assujettit les règles de répartition du trafic au respect des principes de proportionnalité et de transparence et leur impose de se fonder sur des critères objectifs.

6) Transparence des prix et juste tarification

La proposition prévoit que les tarifs aériens doivent comprendre l’ensemble des taxes, redevances et droits applicables et que les transporteurs aériens doivent publier des informations complètes sur leurs tarifs de transport de passagers et de fret.

Les tarifs aériens devront être établis sans discrimination fondée sur le lieu de résidence ou la nationalité du passager au sein de la Communauté, ni sur le lieu d’établissement de l’agent de voyage.

II. EVOLUTION DE LA DISCUSSION

Les autorités françaises sont globalement favorables aux ajustements proposés dans cette révision du troisième paquet. Certaines des modifications apportées, notamment celles portant sur le contrôle financier des transporteurs ou sur l’allégement des procédures relatives aux obligations de service public correspondent à des attentes françaises.

Toutefois, sur quatre points majeurs, elles ont estimé nécessaire d’émettre des réserves ou de proposer des amendements :

1) La compétence reconnue à la Commission en matière de suspension ou de retrait des licences

La France est opposée à la proposition visant à conférer à la Commission le pouvoir de suspendre ou de retirer une licence délivrée par un Etat membre. La France est attachée à la compétence étatique en matière de surveillance des transporteurs aériens et préconiserait un système alternatif, dans lequel le contrôle de la Commission s’exercerait sur les Etats membres et comporterait éventuellement une procédure permettant de remettre en cause la reconnaissance des licences délivrées par un Etat jugé défaillant.

A l’unanimité, le groupe de travail a supprimé ces dispositions pour leur substituer un dispositif, qui sans aller totalement dans le sens souhaité par la France, retire toutefois à la Commission la possibilité de suspendre ou de révoquer la licence.

La rédaction proposée à l’article 15, alinéa 3 (nouveau), laisse à l’Etat membre ayant octroyé une licence regardée – par la Commission ou un autre Etat membre – comme non conforme aux dispositions du règlement, le soin, à la demande de la Commission, de prendre les mesures appropriées, de suspendre ou de retirer la licence.

Le transporteur concerné ne peut être autorisé à exercer ses droits, tant que les mesures correctrices notifiées par la Commission à l’Etat membre défaillant n’auront pas été prises.

2) Droits des transporteurs des pays tiers

Les autorités françaises considèrent que les questions relatives aux accords bilatéraux concernant les relations avec les pays tiers – par exemple, l’exercice de droit, du trafic pour des liaisons entièrement situées sur le territoire de la Communauté – ne doivent pas être traitées dans le cadre de la proposition de règlement, dont l’objet a trait au marché intérieur.

La Commission a proposé d’abroger les dispositions concernées, tout en soulignant, dans un texte figurant en bas de page, l’importance de mesures destinées à assurer la cohérence entre le marché intérieur et les relations avec les pays tiers.

3) Les dispositions concernant le partage de code

L’article 15, alinéas 4 et 5 (nouveau), introduisent deux catégories de dispositions sur le partage de code( 2). Les unes ont pour effet d’intégrer dans le troisième paquet celles qui existent déjà entre compagnies intracommunautaires sur la base d’accords bilatéraux.

Les autres autorisent les compagnies aériennes intracommunautaires à combiner des services aériens et à conclure des accords du partage du code avec toute compagnie aérienne ayant pour aéroport de destination, de départ ou de transit tout aéroport situé sur leur territoire et pour point de départ ou de destination tout point situé dans un pays tiers.

Si la France est favorable aux dispositions concernant le partage de code entre compagnies aériennes communautaires, en revanche elle est très fermement opposée à celles qui touchent les pays tiers, du fait de l’absence de réciprocité. En effet, ces dispositions permettraient, par exemple, à Air Canada d’exploiter un vol Montréal-Francfort-Paris, sans que pour autant, Air France se voie accorder la possibilité d’exploiter un vol Paris-Vancouver-San Francisco.

C’est pourquoi, à la suite d’observations des autorités françaises, la Commission a introduit, en bas de page, un texte destiné à autoriser les Etats membres à imposer des restrictions à la conclusion d’accords de partage de code avec des transporteurs aériens de pays tiers.

A l’heure actuelle, les Pays-Bas ont été le seul Etat membre à partager clairement les préoccupations de la France.

4) La clause sociale

La France a déposé un amendement à l’article 15 qui tendrait à soumettre les compagnies communautaires employant du personnel résidant sur le territoire d’un autre Etat membre à la législation sociale qui y est en vigueur. Cet amendement est destiné à empêcher que, comme ce fut le cas dans une affaire récente, un transporteur irlandais employant du personnel français en France ne le soumette à la législation sociale irlandaise.

On relèvera que le groupe Air France et le rapporteur de la commission des transports du Parlement européen ont proposé des amendements inspirés du même souci.

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Une position commune pourrait être arrêtée au Conseil « Transports » du mois de juin prochain.

Il importe que d’ici là, le texte qui sera élaboré parvienne à établir un équilibre satisfaisant entre la sauvegarde des intérêts des compagnies communautaires et les exigences d’une concurrence loyale au sein du marché intérieur et avec les compagnies des pays tiers.

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M. Christian Philip, rapporteur, a présenté ce document au cours de la réunion de la Délégation du 20 mars 2007.

M. Jacques Floch a souligné la nécessité d’être très vigilant à l’encontre des procédures de libéralisation, estimant que la France et d’autres pays couraient le risque de se voir imposer des législations plus favorables aux entreprises qu’au personnel, et ce en contradiction avec leur législation sociale. Il a considéré que des pratiques illégales analogues à celles commises par la compagnie Ryan Air dans le domaine du transport aérien, pourraient demain s’étendre au transport ferroviaire de voyageurs, lorsque celui-ci sera libéralisé. Il a constaté que la Délégation était ainsi périodiquement appelée à insister sur la nécessité de prévenir la violation de la législation sociale française, lors de l’application de textes de libéralisation.

Le rapporteur a indiqué, d’une part, que le règlement cherchait à améliorer le cadre juridique et que ces violations étaient le fait, non de la Commission, mais de compagnies aériennes. En outre, il a fait observer que l’insertion d’une clause sociale ne mettrait pas en cause le développement des compagnies low cost (à bas prix) étrangères en France, puisque Easy Jet a décidé de s’y établir.

Puis la Délégation a décidé d’approuver les conclusions suivantes présentées par le rapporteur :

«  La Délégation,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles communes pour l’exploitation de services de transport aérien dans la Communauté (refonte) (document E 3202),

1. Approuve les ajustements préconisés par la présente proposition de règlement, ainsi que les améliorations intervenues lors des discussions en cours au sein du groupe de travail du Conseil concernant, en particulier, les modalités de suspension et de retrait des licences et les relations avec les pays tiers ;

2. Estime indispensable que la possibilité ouverte aux transporteurs aériens communautaires de conclure des accords de partage de code avec les transporteurs des pays tiers soit mieux encadrée et assortie d’une clause de réciprocité ;

3. Estime indispensable que la proposition de règlement comporte des dispositions obligeant tout transporteur aérien communautaire établi sur le territoire d’un autre Etat membre et employant du personnel qui y réside à lui appliquer la législation sociale qui y est en vigueur.  »

(1) Exposé des motifs de la proposition de règlement.
(2) Il s’agit d’une pratique commerciale utilisée par les compagnies aériennes régulières. Pour un vol faisant l’objet d’un partage de code, on distingue une compagnie aérienne qui assure le vol et une ou plusieurs autres qui ne font que le « commercialiser ». L’origine du terme vient de la façon dont les vols commerciaux sont désignés par un ensemble de deux lettres désignant la compagnie aérienne et d’un nombre de quatre chiffres maximum unique pour chaque vol de la compagnie. L’ensemble forme le numéro ou « code » du vol.