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Document E3207
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant un mécanisme de création d'équipes d'intervention rapide aux frontières et modifiant le règlement (CE) n° 2007/2004 du Conseil pour ce qui a trait à ce mécanisme.


E3207 déposé le 28 juillet 2006 distribué le 1er août 2006 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2006) 0401 final du 19 juillet 2006, transmis au Conseil de l'Union européenne le 19 juillet 2006)

Ce projet de règlement vise à constituer des équipes communes d’intervention rapide aux frontières. Ces équipes, composées de gardes-frontières de différentes nationalités, auraient pour vocation d’apporter temporairement un soutien à un Etat membre confronté à une situation de crise à ses frontières extérieures, telle qu’un afflux massif d’immigrants clandestins. Elles interviendraient sous l’égide de l’Agence européenne de protection des frontières extérieures (dite agence FRONTEX), opérationnelle depuis 2005, dont l’efficacité serait ainsi renforcée.

Les évènements dramatiques survenus l’été dernier en Espagne (aux îles Canaries notamment), en Italie (sur l’île de Lampedusa par exemple) ou à Malte ont inspiré ce dispositif. La probabilité qu’un nouvel afflux de migrants illégaux en provenance d’Afrique se reproduise ce printemps en rend l’adoption particulièrement urgente. La présidence allemande a d’ailleurs fait de ce texte l’une de ses priorités, et espère parvenir à un accord lors du Conseil « justice et affaires intérieures » d’avril.

Ce texte est complété par la constitution d’un « inventaire », géré par l’Agence FRONTEX, des moyens d’intervention maritimes et aériens que les Etats membres sont prêts à mettre temporairement à la disposition d’autres Etats membres en ayant fait la demande. M. Nicolas Sarkozy, ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et de l’aménagement du territoire, a ainsi précisé au vice-président de la Commission européenne, M. Franco Frattini, dans un courrier daté du 2 mars 2007, que la France est prête à mettre à la disposition de FRONTEX plus d’une cinquantaine de bâtiments ainsi que des avions et des hélicoptères. Au 15 février dernier, 19 pays s’étaient déclarés prêts à mettre des moyens d’intervention à disposition, les contributions les plus significatives émanant de l’Allemagne, de l’Espagne, de l’Italie et de la Finlande. Les règles d’emploi et de commandement de ces moyens, ainsi que les modalités de leur contrôle opérationnel, restent à définir par l’Union européenne.

La présente proposition de règlement est bienvenue, car elle permettra aux Etats membres qui le souhaitent de bénéficier de la solidarité européenne et de mieux faire face à un afflux soudain et massif d’immigrants clandestins (I). Certaines modalités du dispositif proposé par la Commission ont été utilement précisées par le Conseil, notamment afin d’éviter tout risque d’inconstitutionnalité (II).

I. Une proposition bienvenue qui permettra aux Etats membres, grâce à la solidarité européenne, de mieux faire face à un afflux soudain et massif d’immigrants irréguliers.

La présente proposition vise à créer un mécanisme qui permettrait aux Etats membres confrontés à d’extrêmes difficultés, de faire provisoirement appel à l’expertise et aux effectifs des gardes-frontières d’autres Etats membres. Elle a également pour objet de préciser les tâches qui pourront être confiées aux gardes-frontières européens intervenant dans un autre Etat membre, dans le cadre de ces équipes d’intervention rapide ou au cours d’opérations conjointes coordonnées par l’Agence FRONTEX.

Ces futures équipes d’intervention rapide doivent être distinguées des équipes conjointes d’assistance « FRONTEX » prévues par l’article 8 du règlement (CE) n° 2007/2004 instituant l’Agence, qui ont vocation à fournir une assistance opérationnelle et technique en temps ordinaire.

1. Les équipes d’intervention rapide aux frontières extérieures

La proposition initiale de la Commission prévoit l’établissement de listes d’agents des corps nationaux de gardes-frontières que les Etats membres acceptent de mettre à la disposition de l’Agence en vue de leur déploiement dans un Etat membre demandeur, confronté à une situation nécessitant une assistance technique et opérationnelle renforcée à ses frontières extérieures. Ces agents resteront attachés à leurs corps nationaux de gardes-frontières respectifs. Ils formeront une réserve permanente (un « vivier ») d’experts dans laquelle l’Agence pourra puiser en cas de nécessité.

Les Etats membres s’étant déclarés, sur la base du volontariat, prêts à mettre des agents à la disposition de l’Agence mettront ces agents à sa disposition en vue d’un déploiement à brève échéance dans un autre Etat membre, ainsi que pour des formations et des exercices organisés régulièrement.

Les coûts liés à la participation de ces agents aux équipes d’intervention rapide aux frontières (frais de séjour, de logement, de déplacement, d’assurances, etc .), à l’exception de leurs salaires, seront supportés par l’Agence. L’Agence offrira à ces agents des formations et organisera des exercices réguliers, auxquels ils seront tenus de participer. Les agents bénéficieront d’une indemnité de séjour journalière pour toute la durée de leur participation aux formations, exercices et déploiements.

L’Etat membre confronté à une situation nécessitant une assistance pourra demander à l’Agence de déployer temporairement sur son territoire une ou plusieurs équipes d’intervention rapide. L’Agence évaluera la situation et ne sera pas tenue de donner suite à cette demande, si elle juge que la situation ne le justifie pas et qu’il peut, par exemple, y être remédié en dépêchant ses propres experts ou en assurant une coordination avec d’autres Etats membres. Le directeur exécutif de l’agence, auquel reviendrait, selon la proposition de la Commission, la décision, devrait se prononcer dans un délai de cinq jours.

C’est l’Agence qui déterminera la composition des équipes d’intervention, variable en fonction de chaque situation.

Pendant toute la durée du déploiement, l’Etat membre demandeur assurera le commandement des équipes d’intervention rapide, dont les membres ne recevront aucun ordre de leurs Etats membres d’origine. L’Agence désignera un officier de liaison parmi son personnel afin d’assurer l’interface entre elle et le pays hôte et en tant qu’observateur.

2. La définition des tâches des agents invités et des membres des équipes d’intervention rapide

Actuellement, la définition des tâches pouvant être confiées aux agents invités d’un corps de gardes-frontières d’un autre Etat membre varie considérablement d’un Etat à l’autre. Elle reste en effet régie par le droit national. La Commission propose une harmonisation des législations nationales sur ce point.

La liste des tâches envisagée par la Commission est la suivante en ce qui concerne le contrôle des personnes aux frontières extérieures :

– vérification des documents de voyage de toute personne franchissant la frontière, afin d’établir leur validité et leur authenticité ainsi que l’identité de la personne ;

– interrogatoire de toute personne franchissant la frontière afin de vérifier le but et les conditions du voyage et de s’assurer qu’elle dispose de moyens de subsistance suffisants et des documents requis ;

– vérification que cette personne ne fait pas l’objet d’un signalement aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen (SIS) ;

– apposition de cachets sur les documents de voyage, conformément à l’article 10 du code communautaire, à l’entrée et à la sortie ;

– fouille des moyens de transport et des objets en possession des personnes franchissant la frontière, conformément à la législation nationale de l’État membre hôte.

En ce qui concerne la surveillance des frontières extérieures, les tâches suivantes pourraient leur être confiées :

– utilisation de moyens techniques pour la surveillance des frontières extérieures ;

– participation à des patrouilles à pied et des patrouilles motorisées dans la zone limitrophe de la frontière extérieure de l'État membre hôte ;

– prévention du franchissement non autorisé de la frontière extérieure de l’État membre hôte conformément à la législation nationale dudit État membre.

Les agents invités et les membres des équipes d’intervention rapide seraient en outre autorisés à porter leur propre uniforme, en arborant toutefois un brassard bleu avec l’insigne de l’Union européenne afin d’indiquer clairement qu’ils participent à une opération conjointe ou font partie d’une équipe d’intervention rapide. Ils seraient également autorisés à porter leur arme de service sous réserve de l’autorisation de l’Etat membre hôte et conformément à sa législation nationale.

L’Etat membre d’origine serait civilement responsable de tout dommage commis par l’un de ses ressortissants sur le territoire d’un autre Etat membre. Les membres d’une équipe d’intervention et les agents invités seraient par ailleurs assimilés aux agents de l’Etat membre hôte en ce qui concerne les infractions pénales dont ils seraient victimes ou qu’ils commettraient.

II. Certaines modalités du dispositif proposé par la Commission ont été utilement précisées par le Conseil.

Cette proposition de règlement a été bien accueillie par les Etats membres. Elle répond en effet à un effort de solidarité indispensable : il ne serait pas équitable que les Etats membres situés aux frontières extérieures de l’Union et, en particulier, à ses frontières maritimes méridionales, aient à supporter seuls la responsabilité du contrôle des frontières de l’Union. Dans un espace de libre circulation des personnes, ce contrôle représente un intérêt commun, dont la charge doit être partagée.

Certaines des modalités du dispositif proposé ont cependant soulevé des difficultés. Celles-ci ont été pour la plupart surmontées, à ce stade des discussions, grâce à des modifications substantielles de la proposition initiale de la Commission.

Le débat a notamment porté sur le nombre d’agents que chaque Etat membre devrait mettre à disposition de l’Agence en vue de la constitution des équipes d’intervention rapide. Il a ainsi été proposé que ce nombre soit proportionnel au nombre de voix que chaque Etat membre détient au Conseil. Cette suggestion, qui aurait fait porter une charge disproportionnée sur les plus grands Etats membres ainsi que sur les plus petits (dont les effectifs de gardes-frontières sont limitées) a été heureusement abandonnée, au profit d’un retour au principe du volontariat.

Le Conseil a également décidé de raisonner en terme de profils d’agents mis à disposition des équipes d’intervention, et non de noms (ce qui aurait effectivement posé des problèmes de gestion).

L’obligation de répondre aux demandes de l’Agence, pour les formations, exercices et déploiement, a été assouplie, avec l’introduction d’une possibilité de refuser de répondre à ces demandes si l’exécution de tâches nationales est jugée plus urgente.

La définition des tâches pouvant être confiées aux gardes-frontières d’autres Etats membres a aussi soulevé de sérieuses difficultés, pour la France en particulier. La jurisprudence constitutionnelle interdit en effet de confier des pouvoirs de coercition à des agents étrangers, s’ils ne sont pas placés pendant la durée de leur mission sur le territoire national, sous l’autorité des services français compétents. Le Conseil d’Etat a validé ce principe dans deux avis, du 25 novembre 2004 concernant le droit d’interpellation et du 20 mai 1997 concernant l’escorte d’un ressortissant étranger sur le territoire national par des agents appartenant à la police d’un Etat étranger (Section de l’Intérieur, avis n° 360 661).

Il convient par conséquent d’encadrer strictement les compétences d’exécution pouvant être confiées aux gardes-frontières d’un autre Etat membre sur notre territoire, en particulier en ce qui concerne le recours à la force afin de répondre à nos exigences constitutionnelles. Les modifications apportées au texte sur ce point ont été jugées satisfaisantes par le Gouvernement français, qui estime qu’il n’existe plus de risque constitutionnel à ce sujet. Le recours à la force par les membres des équipes d’intervention ne sera en effet possible qu’avec l’autorisation de l’Etat hôte et en présence de ses gardes-frontières, conformément au droit national. Des dispositions relatives à la proportionnalité des mesures prises et au respect des droits fondamentaux (non discrimination, respect de la dignité humaine, etc .) ont aussi été ajoutées.

Une procédure budgétaire d’urgence a également été prévue, en cas d’insuffisance des crédits inscrits au budget de l’Agence FRONTEX.

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Le dispositif proposé apparaît, compte tenu des modifications apportées, satisfaisant. Il devrait constituer une étape vers la création d’une véritable police européenne des frontières, que l’Assemblée nationale appelle de ses vœux dans la résolution n° 297, qu’elle a adoptée en séance publique le 11 mai 2004.

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M. Christian Philip, rapporteur, a présenté ce document au cours de la réunion de la Délégation du 20 mars 2007.

M. Jacques Floch a rappelé qu’un débat sur la création d’un corps européen de gardes-frontières a eu lieu lors de la Convention ayant rédigé le traité établissant une Constitution pour l’Europe. Les élargissements intervenus en 2004 et en 2007 font en effet porter le contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne sur certains nouveaux Etats membres, qui doivent bénéficier d’un soutien de l’Union européenne. Les pays méditerranéens - l’Espagne, la France, la Grèce et le Portugal notamment - ont également plaidé pour la mise en place d’un corps européen de gardes-côtes, afin de protéger les frontières maritimes de l’Union. Le Royaume-Uni s’est cependant opposé à ces demandes. La constitution d’un corps européen de gardes-frontières porte atteinte à une compétence régalienne des Etats membres, mais elle est indispensable. M. Jacques Floch s’est félicité que la France ait pris l’engagement de mettre à la disposition de l’agence FRONTEX des moyens importants.

A la suite de ce débat, la Délégation a adopté les conclusions suivantes :

« La Délégation pour l’Union européenne,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, instituant un mécanisme de création d’équipes d’intervention rapide aux frontières et modifiant le règlement (CE) n° 2007/2004 du Conseil pour ce qui a trait à ce mécanisme (COM [2006] 401 final / E 3207),

1. Approuve la création d’équipes d’intervention rapide aux frontières, qui permettront aux Etats membres de mieux faire face à un afflux massif d’immigrants clandestins grâce à la solidarité européenne ;

2. Souhaite que la mise en place de ces équipes d’intervention rapide marque une étape vers la création d’une véritable police européenne des frontières. »