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Document E3264
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la gestion de la sécurité des infrastructures routières.


E3264 déposé le 18 octobre 2006 distribué le 23 octobre 2006 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2006) 0569 final du 5 octobre 2006, transmis au Conseil de l'Union européenne le 5 octobre 2006)

Constatant que la sécurité des infrastructures routières n’a pas encore fait l’objet d’efforts conjoints au niveau communautaire – à la différence, par exemple, de la sécurité des véhicules – la Commission propose que la sécurité soit intégrée dans toutes les phases de la planification, de la conception et de l’exploitation des infrastructures routières dans le réseau transeuropéen de transport (RTE-T).

En revanche, la proposition de directive ne s’applique pas aux tunnels routiers, lesquels sont couverts par la directive 2004/54/CE.

Le système ainsi préconisé repose sur les quatre phases suivantes :

– évaluation des incidences sur la sécurité routière des nouveaux projets d’infrastructures routières ;

– audit de sécurité à chacune des phases de conception et de réalisation du projet ;

– rectification ou amélioration des aménagements existants au regard de la sécurité des usagers ;

– inspection de la sécurité du réseau en exploitation.

La proposition de directive comporte quatre annexes qui fixent le détail des procédures relatives : à l’évaluation des incidences sur la sécurité routière ; aux audits de la sécurité routière et à la gestion des tronçons à haut risque ; à la gestion de la sécurité du réseau et à l’inspection de la sécurité et aux données devant figurer dans les rapports d’accidents.

La Commission indique que ces procédures existent déjà et sont appliquées à des degrés variables dans certains Etats membres. C’est le cas, par exemple, du réseau routier national en France.

L’objectif est donc – selon la Commission – d’étendre les mesures proposées à l’ensemble des Etats membres, sans définir de normes techniques ni d’exigences, mais en laissant les Etats membres libres de conserver les procédures existantes ou d’instaurer les leurs.

Il convient de souligner que le dispositif proposé est un processus évolutif. En application de l’article 10, alinéa 5, la Commission pourra être amenée, sur la base des rapports de mise en œuvre que les Etats devront lui envoyer et dans le cadre d’un Comité de réglementation, à faire des propositions au Parlement et au Conseil.

L’application de la proposition de directive peut, selon une étude d’impact commandée par la Commission, réduire chaque année le nombre de tués de 600 et le nombre de blessés de 7 000, ce qui correspond, pour les axes du RTE à une réduction comprise entre 12 % et 16 % pour les tués et entre 7 % et 12 % pour les blessés.

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Les réactions du ministère des transports ont été, à l’origine, mitigées. Tout en déclarant partager les principes affichés par la Commission, le ministère des transports a toutefois émis deux catégories de réserves.

D’une part, il estime que l’intérêt et l’efficacité de la proposition sont relatifs. Il observe ainsi que cette dernière se limite aux RTE, alors que l’enjeu de la sécurité routière concerne davantage les réseaux locaux que le réseau transeuropéen, lequel présente un meilleur niveau de sécurité en France comme dans toute l’Europe.

D’autre part, le ministère des transports souligne non seulement que l’amélioration de la sécurité routière à travers une action sur les infrastructures est principalement du ressort des Etats membres. Mais, en outre, il doute que la démarche adoptée par la Commission soit conforme à son intention – rappelée précédemment – de se limiter aux grandes orientations.

Il souligne que la directive peut affirmer la nécessité pour les gestionnaires des réseaux d’infrastructures concernés de mettre en œuvre les procédures adéquates aux quatre niveaux indiqués par la proposition de directive. En revanche, il ne juge pas opportun que la proposition impose les modalités techniques pour y parvenir, car il incombe aux Etats membres de déterminer les prescriptions techniques, en raison de la disparité actuelle des réseaux et des organisations propres à chaque pays. Dès lors, les prescriptions techniques figurant dans les annexes ne doivent pas revêtir de caractère indicatif. Elles pourraient même être retirées ou, le cas échéant, figurer dans un document d’accompagnement destiné à illustrer les dispositions susceptibles d’être mises en œuvre.

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Il est vrai que, dans sa rédaction initiale, la proposition de directive pourrait susciter des doutes quant à sa conformité aux principes de subsidiarité et de proportionnalité. Mais, l’évolution de la discussion a permis de parvenir à des améliorations, qui ne règlent toutefois pas le délicat problème du statut des annexes.

1. Des doutes quant à la conformité de la proposition de directive aux principes de subsidiarité et de proportionnalité

C’est du fait même de ces doutes que la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne étaient, à l’origine, très hostiles au principe de cette directive.

S’agissant, par exemple, du régime des audits de sécurité routière prévu à l’article 4, l’opportunité d’y procéder à toutes les étapes d’un projet peut apparaître discutable.

L’audit de l’infrastructure est, aux yeux du ministère des transports, vraiment utile à une phase très avancée du projet mais la prise en compte de la sécurité routière peut être assurée d’une autre manière, notamment par la mise en place et le suivi d’une démarche qualité spécifique à l’aspect « sécurité » du projet, à divers stades de la conception.

La formation et la qualification des auditeurs doivent par ailleurs pouvoir trouver des réponses diversifiées, adaptées aux organisations et aux possibilités de chaque pays, alors que la proposition de directive impose un régime unique.

De même, on relèvera que l’article 8 relatif à l’adoption et à la communication de lignes directrices, ne tient pas compte du fait que certains Etats membres en sont déjà dotés – et à partir desquelles ils ont pu, depuis longtemps, mettre en œuvre des pratiques en matière de sécurité routière. C’est d’ailleurs pourquoi la France a été amenée à demander – dans une note en bas de page – l’assurance que ces Etats membres pourront conserver ces lignes directrices et les adapter aux nouvelles dispositions.

Pour ce qui est de la situation de la proposition au regard du principe de proportionnalité, on peut notamment constater que l’article 10, relatif aux rapports de mise en œuvre, précise, par des dispositions beaucoup trop détaillées, leur contenu.

Quant aux annexes, dont les dispositions revêtent un caractère impératif, puisqu’elles servent de base à la mise en œuvre des différentes procédures prévues dans le dispositif de la directive, on peut se demander si, ce faisant, elles n’entrent pas en contradiction avec le double souhait de la Commission de se limiter à la fixation des grands principes et de conférer un caractère évolutif au dispositif qu’elle propose. Au contraire, le ministère des transports fait valoir que ce dernier aspect plaiderait plutôt en faveur du caractère indicatif ou illustratif des annexes.

2. Des avancées jugées limitées

A. L’introduction d’améliorations sensibles

D’après les informations qui ont été communiquées au rapporteur, la dernière réunion du groupe de travail, qui s’est tenue le 21 février 2007, a mis en relief une attitude beaucoup plus positive des délégations. La plupart d’entre elles semblent satisfaites des avancées réalisées et souhaitent poursuivre la discussion ( 1).

Parmi ces avancées, on citera le fait que davantage de souplesse a été accordée aux Etats membres dans la mise en œuvre de certaines procédures comme, par exemple, les inspections de sécurité.

De même, l’intitulé et le dispositif de l’article 10 ont été profondément remaniés. Il est désormais relatif à l’amélioration continue des pratiques en matière de gestion et la sécurité, et non plus aux rapports de mise en œuvre. Il a pour objet de fixer les modalités selon lesquelles la Commission facilite l’échange des bonnes pratiques entre les Etats membres en vue de parvenir à l’amélioration continue de la gestion des pratiques en matière de sécurité routière.

B. La question non réglée du statut des annexes

Une majorité de blocage – qui comprend notamment la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni – demeure opposée à ce que les annexes revêtent un caractère impératif.

D’après les informations qui ont été communiquées au rapporteur, ces trois Etats membres, en particulier,estiment que les procédures qu’ils ont mises en œuvre depuis longtemps dans le domaine de la sécurité routière se sont avérées efficaces. Ils craignent toutefois que certaines dispositions des annexes ne les contraignent à les modifier, du fait de l’incompatibilité qui existe entre elles. A cet égard, le ministère des transports fait remarquer que le déroulement des procédures prévues aux annexes I (évaluation des incidences sur la sécurité routière) et II (audits de la sécurité routière) est différent de celui qui existe en France. Dès lors, l’adoption éventuelle de ces dispositions et leur transposition entraîneraient de lourdes charges administratives, puisque la révision de ces procédures anciennes demanderait plusieurs années.

En revanche, la Commission ne souhaite pas renoncer au caractère obligatoire des annexes. D’une part, elle considère qu’il appartient aux Etats membres qui y sont hostiles, d’apporter la preuve qu’elles constituent réellement une gêne. D’autre part, ces annexes sont un outil indispensable pour les nouveaux entrants.

Enfin, on relèvera que quatre Etats membres – Espagne, Italie, Hongrie, Slovénie – estiment que les annexes forment un tout avec la directive et en l’absence desquelles cette dernière serait dépourvue de raison d’être. En outre, ils jugent que les inconvénients liés à leur caractère impératif ne doivent pas être exagérés, car elles reprendraient des pratiques qui existent déjà dans plusieurs Etats membres, ce dont le ministère des transports doute toutefois.

Pour débloquer la discussion, la Commission a proposé de réunir vers la fin du mois de mars une réunion d’experts, en vue de procéder à une analyse détaillée des annexes et de vérifier concrètement la nature et l’importance des problèmes existants.

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La discussion de la présente proposition illustre bien les difficultés à parvenir, dans le domaine des transports, à un point d’équilibre satisfaisant, qui respecte les principes de subsidiarité et de proportionnalité, du fait notamment des disparités existant entre anciens et nouveaux Etats membres. Mais il apparaît aussi que des avancées ne sont pas à exclure.

Pour ces raisons, la Délégation, au cours de sa réunion du 20 mars 2007 et conformément aux conclusions de M. Christian Philip, rapporteur, a décidé de réserver sa position dans l’attente des résultats de la réunion d’experts.

(1) Quatre Etats membres expriment encore leur préférence pour un texte de recommandations au lieu d’une directive. Il s’agit de l’Allemagne, des PaysBas, de la République tchèque et de la Suède.