Logo du site de l'Assemblée nationale

Document E3371
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1784/2003 portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales.


E3371 déposé le 10 janvier 2007 distribué le 16 janvier 2007 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2006) 0755 final du 15 décembre 2006, transmis au Conseil de l'Union européenne le 15 décembre 2006)

La présente proposition, présentée par M. Jean-Marie Sermier, rapporteur, vise à supprimer le système de l’intervention dans le secteur du maïs à compter de la campagne 2007/2008.

L’organisation commune du marché (OCM) des céréales prévoit la possibilité d’achats publics à un prix d’intervention unique (101,31 euros par tonne) pour certaines céréales : le blé tendre, le blé dur, l’orge, le maïs et le sorgho.

Les quantités que les organismes d’intervention peuvent acheter n’étant pas limitées, ce système a conduit, depuis l’élargissement, à un accroissement rapide des stocks de maïs mis à l’intervention : à la fin de la campagne de commercialisation 2005/2006, ces stocks atteignaient 5,6 millions de tonnes, soit 40 % du volume total des stocks d’intervention, alors qu’ils s’élevaient, un an plus tôt, à seulement 2,8 millions de tonnes à la fin de la campagne 2004/2005.

Si aucune mesure n’était prise, ces stocks, dont l’achat et le stockage sont financés par le budget européen, devraient, selon la Commission, atteindre 15,6 millions de tonnes d’ici 2013.

1. La proposition et l’argumentation de la Commission

La Commission a proposé, dans un premier temps, au comité de gestion des céréales, un renforcement des critères d’intervention applicables au maïs, afin de permettre un meilleur stockage à long terme de ce produit, ce qui a été accepté en septembre 2006. C’est ainsi qu’ont été réduits, le 1er novembre 2006, le taux d’humidité maximal et les taux de grains brisés et de grains chauffés après séchage.

Jugeant que ces mesures ne permettent pas de freiner la croissance des stocks d’intervention, la Commission propose, depuis le 15 décembre dernier, de supprimer le régime d’achat de maïs à l’intervention publique à compter du 1er juillet 2007.

Le « comité spécial agriculture » sera saisi du texte le 26 février 2007 et la présidence allemande ambitionne d’obtenir un accord politique lors du Conseil agriculture d’avril et une adoption en mai.

Cette proposition cible essentiellement  la Hongrie, qui, depuis deux ans, a mis à l’intervention  près de la moitié de sa production, soit près de 4 millions de tonnes de maïs.

En effet, la Hongrie, parmi les nouveaux Etats membres, a une économie céréalière qui repose largement sur le maïs et elle s’est trouvée confrontée à des prix garantis supérieurs à ceux ayant cours pour le maïs avant son adhésion.

En outre, la situation géographique du pays, qui rencontre des problèmes de débouchés et de transport, a poussé les opérateurs à optimiser le mécanisme d’intervention, ce qui a abouti à des quantités cumulées mises à l’intervention très importantes.

Ainsi que le note la Commission dans l’exposé des motifs de sa proposition, cette situation conduit à ce que 93 % du maïs d’intervention est à présent stocké en Hongrie.

Cependant, la Commission estime qu’il est indispensable d’abolir l’intervention « maïs » pour des raisons structurelles, allant au-delà des problèmes posés par la Hongrie :

l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie va aggraver la situation, car les conditions climatiques de ces pays sont idéales pour la production céréalière, qui, de surcroît, est peu coûteuse ;

les possibilités d’écouler les stocks en croissance sont limitées, car les prix internationaux du maïs sont les plus bas de toutes les céréales principales et l’écoulement du surplus sur le marché communautaire est empêché par les coûts de transport élevés entre les régions excédentaires et déficitaires ;

- la suppression de l’intervention pour le maïs permettrait de réaliser une économie globale de 617,8 millions d’euros au cours de la période 2008-2014. Observons que pour la seule année 2006, la lettre rectificative à l’avant-projet de budget établit les besoins d’intervention pour le maïs à 136,9 millions d’euros ;

- l’intervention sur le seigle a été supprimée à la suite de la reforme de la PAC de Luxembourg de juin 2003, en raison des excédents considérables constatés en Allemagne, sans que cela ait suscité de grandes difficultés pour les producteurs.

Il y a lieu de noter que cette initiative de la Commission a été préparée par les réflexions contenues dans un rapport d’évaluation sur l’OCM céréales qu’elle a commandé à un cabinet de consultants anglais, LMC International et dont les recommandations lui ont paru utiles.

Publié en octobre 2005, ce document conclut en effet que le système d’intervention «  tel qu’il existe, n’est plus durable  », en raison de l’élargissement et de l’accumulation des stocks d’intervention dans les nouveaux Etats membres( 1).

Pour adapter l’OCM à la nouvelle donne, le rapport recommande qu’il n’y ait plus un prix d’intervention unique pour tous les Etats membres et que l’intervention soit limitée à un nombre limité de zones de production, soit celles qui éprouvent des difficultés à écouler leurs surplus, à savoir l’Europe centrale, ou celles qui sont les plus déficitaires, comme l’Espagne et le Portugal. Sur ce dernier point, le choix final des auteurs du rapport pour délimiter géographiquement l’intervention se porte sur l’Espagne et le Portugal. Le rapport propose par ailleurs d’abandonner le système du prix unique pour l’ensemble des céréales et d’appliquer l’intervention à un seul type de produit, le blé servant à faire du pain.

La proposition de la Commission n’est donc pas purement « conjoncturelle » puisqu’elle s’inscrit dans une réflexion ouverte il y a déjà quelque temps.

En outre, on ne peut s’empêcher de penser que le rapport publié en octobre 2005 et la toute récente proposition de la Commission sur le maïs ont un lien, fut-il indirect, avec les négociations de l’OMC, le système de l’intervention étant classé dans la « boîte orange » de l’Accord sur l’agriculture, laquelle sera soumise à de fortes baisses en cas de « succès » du Cycle de Doha.

De plus, cette proposition risque d’affaiblir la préférence communautaire en faveur des céréales en raison du mode de calcul du prix d’importation de ces produits en Europe. En effet, les accords commerciaux concluant le Cycle d’Uruguay ont prévu que le prix d’entrée des céréales (prix d’entrée = prix mondial + équivalent tarifaire) est plafonné à 155 % du prix d’intervention des céréales. Avec ce système, toute baisse du prix d’intervention des céréales est susceptible, dans certaines configurations de marché, d’affaiblir la protection tarifaire des céréales européennes. Par conséquent, la suppression du prix d’intervention sur le maïs pourrait avoir un impact sur le volet externe de l’OCM.

2. Les réactions

Du côté des professionnels français, la proposition de la Commission est rejetée avec force.

L’Association générale des producteurs de blé (AGPB) estime qu’il est plus logique de réfléchir, compte tenu du caractère local du problème, à des solutions ciblées, de tenir compte des perspectives de transformation du maïs hongrois en bioéthanol et, enfin, d’attendre les résultats du « bilan de santé » de la PAC qui doit être effectué en 2008 par la Commission.

L’Association générale des producteurs de maïs (AGPM) conteste également une proposition qui consiste à « casser » le système d’intervention alors que seuls les problèmes « logistiques » rencontrés par la Hongrie pour écouler son maïs sont en cause. A ses yeux, il serait préférable d’attendre que le durcissement des critères d’intervention décidé en 2006 produise ses effets et que la Commission procède à l’examen d’ensemble de la PAC prévue pour l’année prochaine avant d’entreprendre une réforme plus substantielle.

L’AGPM estime par ailleurs que le marché du maïs devrait être stabilisé d’ici 2013 en Hongrie car :

- le prix mondial devrait augmenter, notamment en raison du développement de la production de bioéthanol aux Etats-Unis, ce qui favorisera les exportations hongroises sur les pays du pourtour méditerranéen ;

- la mise en place, depuis la campagne 2006/2007, d’une flotte de trains et de camions devrait permettre à la Hongrie de quasiment doubler ses livraisons vers les autres Etats membres (de 1,5-2 millions de tonnes à 3-3,5 millions de tonnes) ;

- des projets de développement de la production de biocarburants émergent en Hongrie, avec des prévisions tablant sur une production de 800 000 tonnes d’éthanol, soit 2,7 millions de tonnes de céréales, couvertes essentiellement en maïs.

Pour leur part, les autorités françaises ont fait part de leur surprise sur le caractère « radical » de la mesure proposée et se sont interrogées sur la gestion des conséquences d’une telle réforme sur le volet externe de l’OCM.

Lors d’une réunion du groupe du Conseil ayant examiné le 27 janvier 2007 la proposition de la Commission, les positions des différents Etats membres sont apparues clairement.

L’Autriche, la Slovaquie, la République tchèque et la Hongrie ont rejeté le bien fondé de la proposition et l’argumentation économique qui la justifie. En particulier, la Hongrie a estimé que la situation de marché peut se retourner et que le texte ne respecte pas la «  confiance légitime  » des producteurs, car son caractère tardif dans la campagne ne permet pas de procéder à des ensemencements alternatifs. La Roumanie a indiqué que les déséquilibres actuels ne s’aggraveront pas avec son entrée dans l’Union, car elle n’est pas structurellement excédentaire en maïs.

L’Espagne, le Portugal, l’Italie, la Pologne et la France ne contestent pas la nécessité d’une réforme, mais proposent des solutions alternatives aux mesures avancées par la Commission. Les trois derniers Etats membres cités se prononcent notamment en faveur du plafonnement des quantités pouvant accéder à l’intervention.

La plupart des autres Etats membres soutiennent le texte de la Commission.

3. Conclusion

La Commission part d’un problème conjoncturel, celui de l’écoulement du maïs hongrois, pour proposer une réforme de grande ampleur, la suppression de l’intervention, qui paraît disproportionnée au regard de l’objectif de stabilisation du marché du maïs.

Une telle évolution de l’OCM céréales ne serait envisageable que si elle faisait suite au bilan de santé de la PAC de 2008. A court terme, il serait préférable de prévoir des solutions qui ne suppriment pas un filet de sécurité utile pour les producteurs et n’induisent pas des concessions concernant le régime d’importation des céréales à l’OMC.

Compte tenu de ces observations, la Délégation a rejeté la proposition d’acte communautaire au cours de sa réunion du 21 février 2007, en demandant à la Commission de prévoir des solutions alternatives, notamment le contingentement de l’intervention.

(1) « Evaluation of the Common Market Organisation in the Cereal Sector”, étude effectuée pour le compte de la direction générale de l’agriculture et du développement rural de la Commission européenne par LMC international Ltd, octobre 2005.