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Document E3795
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la sécurité des jouets.


E3795 déposé le 22 février 2008 distribué le 25 février 2008 (13ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2008) 0009 final du 25 janvier 2008, transmis au Conseil de l'Union européenne le 25 janvier 2008)

La période de Noël rappelle, si besoin était, l’importance de veiller à la sécurité des jouets. Celle-ci concerne, en effet, un public vulnérable, l’enfant, que sa fragilité place au cœur d’une attention particulière.

L’affaire des quelque 18 millions de jouets rappelés à travers le monde en 2007 par Mattel, notamment d’accessoires de poupées Barbie, en raison de la dangerosité des matériaux ou éléments qu’ils contenaient, a illustré, si besoin était, l’exigence d’une vigilance constante et renforcée.

La plupart des jouets vendus dans les pays de l’Union européenne étant élaborés et produits hors de son territoire, la coopération internationale est en ce domaine essentielle, comme l’a rappelé la Commissaire européenne à la protection des consommateurs, Mme Meglena Kuneva, lors de son audition par la Délégation pour l’Union européenne, le 2 juillet dernier. Les entreprises qui conçoivent les jouets sont établies aux Etats-Unis et font fabriquer en Chine (où près de 85 % des jouets commercialisés dans l’Union sont produits). Or, la Chine présente d’une manière générale un risque particulier : 50 % de tous les produits qui s’avèrent dangereux pour le consommateur en Europe proviennent de cet Etat, selon le système RAPEX de surveillance des produits présentant un risque grave exigeant une intervention rapide (RAPEX ne concerne que les produits non alimentaires, les aliments relevant d’autres mécanismes).

La Commissaire européenne, dont il faut saluer l’action en la matière, y porte une attention constante.

Après la mise en place d’un système d’alerte compatible avec le nôtre en Chine, RAPEX-China, plusieurs avancées sont intervenues lors du sommet tripartite Union européenne –Etats Unis–Chine, réuni à Bruxelles le 17 novembre dernier, en même temps qu’y était accueillie la semaine internationale de la sécurité des produits. Ont été retenus comme domaines de coopération sur le jouet : la traçabilité des produits, les normes de sécurité, les échanges d’expertises et les mesures de mise en œuvre, ainsi que le renforcement de l’échange d’informations sur les alertes et les rappels. Ces domaines sont pour l’instant, en principe, couverts par des accords bilatéraux. En parallèle, l’Union européenne et la Chine ont d’ailleurs signé un nouveau mémorandum d’accord bilatéral, élargi par rapport à celui de 2006. Le Vice-ministre de l’Agence chinoise pour la sécurité des produits a indiqué qu’un plan d’action avait été établi par son pays pour la sécurité des jouets, de même qu’un système de surveillance du respect des normes internationales. Il a également rappelé que les contacts avec les entreprises devaient être approfondis.

La révision de la directive de 88/378/CEE du Conseil du 3 mai 1988 concernant le rapprochement des législations des Etats membres sur la sécurité des jouets, représente donc le volet interne de la politique communautaire.

Il s’agit de moderniser les règles techniques de sécurité dont le respect se traduit par le marquage « CE ». Les jouets de 2008 ne sont pas, en effet, ceux de 1988. La prévention des risques sanitaires, mécaniques, physiques, chimiques, électriques et radioactifs, notamment des risques de blessure, d’empoisonnement, d’étouffement et d’incendie, lors de leur utilisation, doit évoluer.

On rappellera de manière plus précise que :

– le marquage « CE », suivant lequel un produit est conforme aux normes qui transposent les normes harmonisées établies par les organismes de normalisation, entraîne une présomption de conformité aux exigences essentielles de sécurité. Une fois marqué « CE », un produit peut circuler librement sur le marché européen sans qu'aucune formalité, norme nationale de sécurité ou nouvel essai ne puisse être invoqué ni réclamé. Le marquage « CE » est actuellement apposé soit sur le jouet, soit sur l’emballage, et en cas de très petite taille, sur une notice jointe au jouet ;

– ce marquage « CE » est apposé sous la responsabilité du fabricant ou de son mandataire établi dans la Communauté ;

– à défaut d’attestation de conformité établie par un organisme agréé, celui-ci n’est tenu que de fournir aux autorités de contrôle un descriptif des moyens par lesquels il s’assure la conformité aux normes applicables.

Ce mécanisme, dit d’auto-certification, a fait parfois l’objet d’interrogations.

On rappellera, en outre, que des avertissements et indications de précautions d’emploi sont prévus pour certains jouets, notamment ceux qui sont destinés aux enfants de moins de 36 mois (ou 3 ans).

Présentée le 25 janvier dernier, la proposition de directive sur la sécurité des jouets prévoit plusieurs avancées.

Il s’agit, d’abord, d’un renforcement des obligations des producteurs, avec :

– une amélioration de la définition des jouets. Il s’agit d’inclure dans le champ des normes de sécurité correspondantes les produits pouvant occasionnellement être utilisés comme des jouets, à savoir certains articles dits de collection et les objets tels que les porte-clefs avec des jouets de taille réduite, sans remettre en cause le principe général suivant lequel les jouets sont des produits destinés à un public de moins de 14 ans ;

– l’obligation d’achever la procédure d’évaluation de conformité par une déclaration de conformité « CE », attestant que les normes sont bien remplies, de manière à engager le fabricant ou l’importateur ;

– un accroissement de l’obligation générale de sécurité, qui ne reposerait plus sur le comportement habituel des enfants mais, d’une manière plus large, sur la destination ou l’usage possible du jouet en tenant compte du « comportement », souvent imprévisible, des enfants. Selon les éléments communiqués, les fabricants devront ainsi anticiper le comportement des enfants (casse, démontage) ;

– une mise à jour de la documentation que les fabricants et importateurs de jouets doivent tenir à la disposition des autorités de contrôle dans le dossier technique, avec notamment l’obligation de mentionner les composants chimiques et les matériaux utilisés, ainsi que l’obligation de réaliser une étude des dangers potentiels que peut présenter le jouet dans le dossier technique d’évaluation de conformité ;

– des mesures de réduction du risque chimique, avec, d’une part, l’obligation de respecter les règles générales sur les produits chimiques, en coordination avec le règlement REACH et les règles d’étiquetage CLP, et, d’autre part, l’interdiction de principe, avec des exceptions strictement encadrées, d’utiliser des substances CMR (cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction) dans les jouets, leurs composants et les parties distinctes avec lesquelles les enfants peuvent avoir des contacts physiques, ainsi que, selon le cas, une limitation ou interdiction des substances « parfumantes » allergisantes.

En ce qui concerne ensuite l’amélioration de l’information du consommateur, la proposition de directive prévoit, d’une part, une sécurité accrue avec des avertissements supplémentaires sur les limites concernant l’utilisateur (poids minimum ou maximum, âge minimum et maximum) et, d’autre part, l’obligation d’apposer le marquage « CE » non plus seulement sur le jouet ou bien sur l’emballage, mais obligatoirement sur l’emballage lorsque celui apposé sur le jouet n’est pas visible de l’extérieur.

De manière plus spécifique, la proposition tend également à renforcer les exigences pour les jouets associés à des denrées alimentaires. Ils seront interdits, sauf si le jouet est contenu dans un emballage qui les isole de la denrée et n’est pas susceptible de provoquer un étouffement.

En outre, le texte vise à un accroissement des obligations de surveillance des marchés qui incombe aux Etats membres, avec notamment celle de garantir la coopération entre autorités compétentes pour surveiller le marché.

Enfin, elle prévoit faculté de modifier par la voie de la comitologie, avec un comité spécifique, les annexes relatives aux normes précises de sécurité des jouets. Il substitue une approche dynamique à une conception statique.

A la suite de la Présidence slovène, les travaux préparatoires au Conseil se sont poursuivis sous la présidence française.

S’agissant du Parlement européen, le rapport de Mme Marianne Thyssen (PPE, Belgique) a pour sa part été adopté à l’unanimité, par la commission IMCO (marché intérieur et protection des consommateurs), le 12 novembre dernier.

Cette situation a facilité les bases d’un accord avec le Parlement européen, pour la première lecture en plénière, qui vient d’intervenir le lundi 15 décembre au soir.

Parmi les aménagements au texte initial, il faut distinguer plusieurs types de mesures.

Il y a d’abord les mesures de coordination à caractère technique qui visent à prendre en compte la publication du paquet « Produits » également appelé « libre circulation des marchandises », publié par la Commission européenne le 13 août 2008 (règlements (CE) n° 764/2008 et n° 765/2008, et décision n° 768/2008/CE).

Ensuite, il faut relever plusieurs apports de fond :

l’introduction du principe de précaution dans le corps du dispositif, malgré les réserves de certains Etats membres comme le Royaume-Uni et la Pologne ;

– une interdiction d’apposer des avertissements au consommateur, lorsqu’ils contredisent la fonction, les dimensions et les caractéristiques du jouet. Il s’agit notamment d’éviter l’apposition abusive de l’avertissement « ne convient pas aux enfants de moins de 36 mois (ou 3 ans) » sur des jouets non-conformes, car comprenant de petites pièces, mais néanmoins et également destinés à cette tranche d’âge ;

– le renforcement de la prévention du risque chimique avec trois mesures :

l’interdiction de principe d’une utilisation des substances CMR, avec l’interdiction précitée de principe non seulement des substances de catégorie 1 et 2 comme initialement prévu par la Commission européenne, mais également de celles de catégorie 3 (celles dont le risque n’est pas avéré, faute d’élément qui le montre). Les exceptions sont strictement encadrées : quantités inférieures à certains seuils, inaccessibilité des éléments considérés, y compris par inhalation, ou avis positif du comité scientifique européen ;

l’augmentation de 38 à 55 du nombre des substances « parfumantes » allergisantes dont la présence est en principe interdite, mais n’est tolérée qu’à l’état de traces pour des raisons techniques inévitables de bonnes pratiques de fabrication, ;

la réduction de moitié de la quantité autorisée pour certains éléments chimiques ou métaux lourds (arsenic, cadmium, mercure et plomb) et la fixation pour tous les éléments chimiques et métaux lourds de seuils maxima pour éviter le risque de contamination et de migration dans le corps humain par grattage ;

l’obligation pour les importateurs de faire des tests sur échantillons témoins de jouets, ainsi que de tenir un registre des plaintes et des cas de non-conformité comme de rappel ;

– un compromis acceptable sur la langue, qui permet aux Etats membres, en application du principe de subsidiarité, d’exiger leur langue officielle tant pour les éléments d’information du consommateur et les avertissements sur l’usage du jouet, que pour le dossier technique du produit.

En contrepartie cependant, le délai de mise en conformité avec les nouvelles normes, qui est de deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la future directive (soit six mois de plus que de délai de dix-huit mois prévu pour l’obligation de transposition par les Etats membres), a été porté à 4 ans pour les normes chimiques.

Deux points ont par ailleurs été évoqués sans en définitive aboutir à la mise en place de mesures en ce sens.

Il s’agit, d’une part, de l’hypothèse d’une mise en place de contrôles systématiques par un organisme tiers. L’Allemagne, où l’étiquetage TÜV ( Technischer Überwachungs-Verein ) a une grande importance, n’a pu convaincre ses partenaires de la proportionnalité d’une telle mesure.

Il s’agit, d’autre part, de la question des livres pour enfants à vocation ludique. Une exclusion a été demandée, mais elle n’est pas apparue pertinente, car il existe des jeux fabriqués, de même que les livres, à partir de papier, carton et encres. C’est une révision de la norme en association avec les éditeurs qui devrait intervenir, pour régler la question de leur marquage « CE ». La Commission européenne s’est engagée à donner, à cette fin, un mandat de normalisation au Comité européen de normalisation.

A l’issue de ces travaux, la rapporteure peut faire trois observations :

– en premier lieu, le texte issu des travaux préparatoires au Conseil et au Parlement européen représente un progrès par rapport à la situation actuelle et un point d’équilibre entre les Etats membres. Il convient de tenir compte de cet acquis et de l’inscrire dans le droit européen ;

– en deuxième lieu, il conviendra d’envisager son éventuelle évolution sur deux éléments, à relativement brève échéance :

d’abord, sur les normes de sécurité relatives aux produits chimiques et aux substances « parfumantes » allergisantes, si la dynamique de la comitologie ne s’avérait pas suffisante pour que la sécurité des jouets soit aussi proche que possible des évolutions des techniques permettant d’éliminer ou de maîtriser les risques correspondants ;

ensuite, sur la question de l’intervention obligatoire d’un organisme tiers de certification, même si l’on comprend la difficulté pour les PME et si, en pratique, selon la direction générale des entreprises, les organismes notifiés contrôlent déjà une grande partie de jouets, car la constitution du dossier technique exige des expériences de laboratoires qui ne sont pas à la portée de tous ;

– en troisième lieu, il faudra prévoir, dans le cadre d’un autre support législatif, d’améliorer l’information des consommateurs en indiquant tant les conditions sociales et environnementales de fabrication du jouet que le pays dans lequel il a été créé et mis au point, et que celui où il est produit.

Il convient, en effet, de faire du jouet un produit pilote en matière de normes non seulement techniques, mais également sociales et environnementales.

C’est donc sous le bénéfice de ces observations que la Commission peut approuver la présente proposition d’acte communautaire, en l’état des informations dont elle dispose.

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A la suite de l’exposé de Mme Marietta KARAMANLI , rapporteure, au cours de la réunion de la Commission du 17 décembre 2008, le Président Pierre LEQUILLER a demandé des précisions sur le niveau de risque des jouets fabriqués en Chine et des procédures applicables en cas de non-conformité.

La rapporteure a rappelé que l’essentiel des jouets vendus en Europe était fabriqué en Chine et également que la majorité des produits identifiés comme dangereux par le mécanisme RAPEX provenait de ce même pays. En cas de non-conformité, les procédures de retrait du marché et de rappel sont prévues.

Sous le bénéfice de ces observations, la Commission a approuvé la présente proposition d’acte communautaire lors de sa réunion du 17 décembre 2008.