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Document E4091
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de Règlement du Conseil établissant, pour 2009, les possibilités de pêche et les conditions associées pour certains stocks halieutiques et groupes de stocks halieutiques, applicables dans les eaux communautaires et, pour les navires communautaires, dans les eaux soumises à des limitations de capture.


E4091 déposé le 17 novembre 2008 distribué le 17 novembre 2008 (13ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2008) 0709 final du 7 novembre 2008)

Cette proposition de texte vise à fixer pour 2009 les possibilités de pêche pour les principaux stocks halieutiques de l’Atlantique du Nord-Est et de la mer du Nord.

Ces possibilités de pêche sont couramment appelées « TAC », totaux admissibles de captures. Ils déterminent les quantités maximales de poissons d’une espèce pouvant être prélevées sur une zone et dans une période déterminée.

Ces TAC ont été adoptés par la politique commune des pêches comme des mesures de conservation de la ressource marine. Ils sont fixés chaque année pour la mer Baltique, la mer Noire et l’Atlantique du Nord-Est, y compris la mer du Nord. Les TAC des espèces profondes sont établis tous les deux ans. Les pêcheries de la Méditerranée ne sont pas gérées par des limitations de capture, sauf pour le thon rouge.

Après leur adoption par le Conseil, les TAC sont répartis entre les Etats membres sous forme de quotas selon une clef de répartition définie en fonction d’un certain nombre de facteurs, notamment les antériorités de pêche de chaque pays. Cela permet de respecter ce qu’on appelle le principe de « stabilité relative » permettant d’allouer aux Etats membres un pourcentage fixe des possibilités de pêche de chaque espèce gérée selon ce système. Chaque Etat gère ses quotas et est responsables de leur mise en œuvre. Les Etats tiennent la Commission européenne régulièrement informée du niveau de consommation de leur quota afin que ses services puissent gérer l’ensemble de la situation à l’échelle de l’Union.

Ces TAC doivent naturellement respecter les engagements internationaux de l’Union européenne et les dispositions des plans de gestion à long terme des différentes espèces de poissons.

Les TAC sont définis sur la base :

- de l’expertise des instituts nationaux de recherche,

- des diagnostics des groupes de travail du Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM),

- des avis du Comité d’avis du CIEM et du Comité scientifique, technique et économique de la pêche de la Commission européenne (CSTEP).

Les propositions préliminaires de TAC sont ensuite soumises à la discussion dans plusieurs comités : Comité consultatif régional (CCR), Comité économique et social européen (CESE), le Comité consultatif des pêches maritimes et de l’aquaculture (CCPA) et le Comité des représentants permanents (COREPER).

Les présents TAC vont être définitivement fixés par le Conseil des ministres qui se réunira cette année les 18 et 19 décembre 2008. Ils donneront lieu, comme tous les ans, à des négociations très serrées.

La Commission a exposé l’approche ayant abouti à ces proposition de TAC pour 2009 dans sa communication du 30 mai 2008 [COM (2008) 331 final].

Ø La communication de la Commission du 30 mai 2008

Cette communication rappelle d’abord que pour 2009 les experts du CIEM et du CSTEP soulignent l’aspect préoccupant d’un grand nombre des ressources halieutiques des eaux communautaires. En effet beaucoup de ces stocks se trouvent en dessous des limites biologiques de sécurité dans la mesure où ils sont exploités au-delà des niveaux de précaution. La Commission souligne l’absence de progrès réel dans ce domaine depuis la réforme de la politique commune de la pêche en 2002. Elle estime en effet que les TAC sont fixés à des niveaux nettement supérieurs à ceux recommandés par les avis scientifiques pour permettre la reconstitution des stocks surexploités. Elle considère également que le système des jours passés en mer est inefficace pour limiter l’effort de pêche.

Aussi la Commission propose-t-elle de modifier le système de variations annuelles des TAC et des jours passés en mer

  La modification du système de variations annuelles des TAC

Jusqu’à présent les variations annuelles des TAC étaient limitées à 15 % à la hausse comme à la baisse afin d’assurer un minimum de stabilité aux pêcheurs. Pour les stocks donnant lieu à une surpêche excessive, cette mesure va, selon la Commission, à l’encontre des intérêts à long terme des pêcheurs. Aussi une approche plus souple est-elle proposée :

- concernant les stocks dont le niveau est faible, les TAC seraient réduits jusqu’à concurrence de 20 % par an ;

- pour ceux qu se sont reconstitués au-delà du niveau permettant d’obtenir le rendement maximal, les TAC pourraient être augmentés jusqu’à 25 % par an ;

- enfin lorsque le CSTEP recommande d’appliquer un taux de capture zéro, les TAC devraient être diminués au moins de 25 %.

La modification du système des jours passés en mer

Ce système ne peut, selon la Commission, aboutir aux réductions nécessaires. L’expérience a en effet montré que la diminution du nombre de jours de mer peut être tournée par des dérogations accordant à des navires inactifs des droits de pêche qui peuvent être ensuite cédés à des navires en activité. Il est proposé de le remplacer par une approche fondée sur les kilowatts-jours. En décembre 2007, le Conseil s’est montré favorable à cette approche pour la fixation des TAC pour 2009 concernant le cabillaud.

Selon cette démarche, l’effort de pêche se calcule comme le produit de la capacité et de l’activité d’un navire de pêche. L’effort de pêche déployé par un groupe de navires dans une zone donnée se calcule donc comme la somme des produits de la puissance en kilowatts de chaque navire et du nombre de jours pendant lesquels ce navire a été présent sur la zone en question.

Ainsi le Royaume-Uni a-t-il choisi en 2008 ce type de gestion de l’effort de pêche pour les chalutiers opérant en mer du Nord et à l’ouest de l’Ecosse.

La proposition de texte prévoit le passage à une telle gestion pour tous les Etats membres concernés par le plan de reconstitution des stocks de cabillaud. Par contre son introduction pour la pêche de la sole en Manche occidentale et du merlu du sud restera facultative en 2009.

Il est prévu que les Etats membres transmettent à la Commission les données relatives à l’effort de pêche déployé par leurs navires de pêche chaque mois. On peut estimer que cette obligation est trop contraignante, notamment pour la première année d’application du plan cabillaud. Il serait certainement nécessaire qu’un délai soit prévu pour remplir cette obligation dans le cas du passage au nouveau système des kilowatts-jours.

Ø Les principales propositions de la Commission en matière de TAC pour 2009

? Les poissons blancs

- le cabillaud

La proposition est de réduire de 25% les quotas ainsi que l’intensité de la pêche ciblant ce poisson par l’introduction du système de plafond en kilowatts-jour.

- l’églefin et le merlan

Il est proposé des réductions de quotas de l’ordre de 15 à 25 % selon les zones de pêche.

Compte tenu de la surexploitation continue des stocks de ces trois poissons, la Commission préconise de mettre fin à la pêche ciblée de ces trois espèces en zone « Ouest Ecosse » et d’introduire de nouveaux engins de pêche laissant ces poissons s’échapper tout en permettant la capture des crevettes et des baudroies.

Le hareng

Le stock de la zone « Ouest Ecosse » étant particulièrement menacé, la proposition est de réduire les quotas de 25 %

La sole

Le stock de sole de la mer du Nord est géré dans le cadre d’un plan de gestion à long terme prévoyant pour 2009 une augmentation des quotas de 7 %. En dehors de cette zone, les prises de sole commune seront réduites de 15 à 25 % selon les zones.

L’aiguillat et le requin taupe

Les stocks de ces requins des grands fonds étant en très mauvais état, un TAC zéro est proposé.

La lingue bleue

La Commission propose des mesures de protection des frayères de cette espèce par l’introduction de deux zones de protection dans la zone « Ouest Ecosse ».

Le chinchard

Cette espèce voit ses quotas diminuer de façon importante : de 15 % dans la zone Canaries, Açores et Madère à 38,7 % sur la côte portugaise et Ouest Portugal.

Les espèces à brève durée de vie

Les régimes de gestion concernant l’anchois, le lançon, le tacaud norvégien et le sprat mis en place au cours de cette année seront à nouveau appliqués. La pêche à l’anchois sera fermée jusqu’en juin 2009, sous réserve d’une évaluation du stock au printemps.

Ø Les questions soulevées par cette proposition de texte

La France a marqué son désaccord concernant un certain nombre de TAC, notamment ceux de la langoustine, la baudroie, la lingue bleue, le chinchard et le cabillaud pour lesquels elle s’oppose à la diminution et demande un retour aux TAC pour 2008. Elle s’oppose également à la fermeture de la pêche de l’aiguillat et du requin taupe pour lesquels elle demande le maintien d’un TAC qui pourrait être celui pour 2008 réduit de 25 %.

Il faut souligner que la possibilité de faire varier les TAC plus brutalement à la hausse et, surtout, à la baisse, va exactement à l’encontre du souhait de la France d’instaurer des quotas de pêche pluriannuels. Ceux-ci présenteraient en effet l’avantage de permettre aux pêcheurs d’avoir une vision de leur activité sur plusieurs années.

Pour 2009, à quelques exceptions, les prises autorisées diminuent de façon importante. Les années se suivent et se ressemblent : les TAC diminuent de façon inexorable. On a ainsi le sentiment qu’une spirale infernale s’est mise en place amoindrissant chaque année les possibilités de pêche des professionnels.

Cette situation doit être appréciée dans le contexte de la crise actuelle liée au coût des carburants. Certes les pêcheurs bénéficient de la baisse actuelle des produits pétroliers et de l’aide apportée par le plan « Pêche » mis en place le 16 janvier dernier par M. Michel Barnier. Mais les cours du pétrole ne resteront pas toujours aussi bas.

L’activité des pêcheurs paraît ainsi de plus en plus menacée. Pourtant il ne faut pas oublier leur contribution à la nourriture du monde à une époque où la FAO vient de constater une nouvelle aggravation de l’insécurité alimentaire sur notre planète où la faim touche près d’un milliard de personnes.

Un problème très important réside dans la fiabilité de la fixation de ces TAC. En effet ils sont, comme on l’a vu, institués en fonction de l’état des stocks estimés par les scientifiques Or la difficulté est que la Commission elle-même reconnaît que les scientifiques ignorent l’état de quelque 57% des stocks. Il semble donc indispensable pour les appréhender de façon beaucoup plus précise, qu’un effort important de recherche soit effectué. A cet égard on doit aussi fortement souligner que cette appréciation des stocks doit être faite avec la participation des pêcheurs qui ont, de façon évidente, une connaissance approfondie de la mer.

Si on peut faire toute confiance au gouvernement pour défendre de façon résolue les positions de la France lors du Conseil des 18 et 19 décembre, cette proposition de texte restreignant de façon trop importante l’activité des pêcheurs dans un contexte de crise aiguë ne paraît pas devoir emporter l’adhésion de la Commission.

Conformément aux conclusions de M. Robert LECOU , rapporteur, la Commission s’est opposée à l’adoption de ce texte au cours de sa réunion du 17 décembre 2008.